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Sur l’Art hiératique🔗 cataloguesEntrée Data.Bnf absente Rechercher sur Sudoc Rechercher sur Openlibrary Rechercher sur Worldcat
Περί της ιερατικής τέχνης (Perí tes hieratikés téknes)


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
ProclusVLittérature (herm.)GrèceMagie
Théurgie
Non applicable

► Ce court texte, en plus d’être porteur d’une qualité littéraire certaine offre une présentation concise du principe d’analogie en "chaîne", tel qu’on peut le trouver en théurgie.


Texte et traduction : du grec ancien au français moderne, André-Jean Festugière in La Révélation d’Hermès Trismégiste, 2014. | bs. ORAEDES.

séparateur

(148.3) « De même que les dialecticiens de l’amour s’élèvent à partir des beautés sensibles jusqu’à ce qu’ils rencontrent le principe même unique de toute beauté et de tout intelligible, ainsi les initiateurs aux saints mystères(1), partant de la sympathie qui unit toutes les choses visibles entre elles et avec les puissances invisibles, et comprenant que tout est en tout, ont-ils fondé cette science hiératique, non sans s’émerveiller de voir dans les premiers termes des chaînes les termes les plus infimes et dans ces derniers les tout premiers, au ciel les choses terrestres dans leur cause et sous un mode céleste, ici-bas les choses célestes sous un mode propre à la terre. D’où vient en effet que l’héliotrope se meut en accord avec le Soleil, le sélénotrope avec la Lune, tous deux faisant cortège, dans la mesure de leurs forces, aux luminaires du monde ? Car tous les êtres prient selon le rang qu’ils occupent, ils chantent les chefs qui président à leur série tout entière, chacun louant à sa manière, spirituelle, rationnelle, physique ou sensible : ainsi l’héliotrope se meut-il autant qu’il lui est facile de se mouvoir, et si l’on pouvait entendre comme il frappe l’air durant qu’il tourne sur sa tige, on se rendrait compte à ce bruit qu’il offre une sorte d’hymne au Roi, tel qu’une plante peut le chanter.

On peut donc ici-bas, sous un mode terrestre, voir des soleils et des lunes, on peut au ciel, sous un mode céleste, voir toutes les plantes, les pierres et les bêtes, vivant d’une vie spirituelle. C’est pour l’avoir compris que les Sages d’autrefois, rapportant telle chose d’ici-bas à tel être céleste, telle autre à tel autre, amenaient les puissances divines jusqu’à notre lieu mortel et qu’ils les attirèrent par la ressemblance, car la ressemblance est assez puissante pour attacher les êtres les uns aux autres…

(149.12) Le lotus lui aussi manifeste son affinité avec le Soleil : sa fleur est close avant l’apparition des rayons solaires, elle s’ouvre doucement quand le Soleil commence à se lever, et à mesure que l’astre monte au zénith, elle se déploie, puis de nouveau se replie lorsqu’il s’abaisse vers le couchant. Or quelle différence y a-t-il entre le mode humain de chanter le Soleil, en ouvrant ou fermant la bouche et les lèvres, et celui du lotus, qui déplie et replie ses pétales ? Car ce sont là ses lèvres à lui, c’est là son chant naturel.

Mais pourquoi parler des plantes, où subsiste encore quelque trace de vie générative ? Ne voit-on pas les pierres elles-mêmes respirer en correspondance avec les effluves des astres ? Ainsi l’hélite, par ses rayons à couleur d’or, imite les rayons du Soleil ; la pierre qu’on nomme « œil de Bel » et dont l’aspect ressemble aux prunelles des yeux émet du centre de sa prunelle une lumière brillante, ce qui fait dire qu’on devrait l’appeler « œil du Soleil » ; la sélénite change de forme et de mouvement en accord avec les changements de la Lune, et l’héliosélène est comme une image de la rencontre des deux luminaires, à la ressemblance des rencontres et des séparations qui se font au ciel.

Tout est donc plein de dieux, la terre est pleine de dieux célestes, le ciel de dieux supracélestes ; chaque série procède, s’accroissant en nombre, jusqu’à ses termes derniers. En effet, ce qui existait dans l’unité avant toutes choses est manifesté dans tous les membres de la série. D’où les organisations des âmes, dépendantes celles-ci d’un dieu, celles-là d’un autre. D’où encore, par exemple, le grand nombre des animaux héliaques, tels que le lion et le coq, qui eux aussi participent au divin selon le rang qu’ils occupent. L’admirable, c’est comment, chez ces animaux, les moins pourvus en force et en taille se font craindre de ceux qui l’emportent sur ces deux points : car le lion, dit-on, recule devant le coq(2). La raison n’en est pas à prendre dans les données des sens, mais dans une considération intellectuelle, c’est-à-dire une différence qui remonte aux causes elles-mêmes. C’est que, en vérité, la présence dans le coq des symboles héliaques(3) a plus d’efficace. Il le montre bien par la conscience qu’il a du circuit du Soleil : car il chante un hymne au lever de l’astre et quand l’astre se tourne vers les autres centres(4)

(150.19) D’un mot, certains êtres ne font que se mouvoir en accord avec le circuit de l’astre, comme les plantes dont nous avons parlé ; d’autres imitent la forme des rayons comme le palmier ; d’autres l’essence ignée, comme le laurier(5) ; et d’autres quelque autre chose. Si bien que, ces propriétés concentrées dans le Soleil, on peut les voir divisées entre les êtres participants, anges, démons, âmes, animaux, plantes, pierres. Partant de là, les maîtres de l’art hiératique ont découvert, d’après ce qu’ils avaient sous les yeux, le moyen d’honorer les puissances d’en haut, mélangeant certains éléments, en retranchant d’autres à propos. S’ils mélangent, c’est pour avoir observé que chacun des éléments séparés possède bien quelque propriété du dieu, mais néanmoins ne suffit pas pour l’évoquer : aussi, par le mélange d’un grand nombre d’éléments divers, ils unifient les effluves susdits, et, de cette somme d’éléments, composent un corps unique ressemblant à ce tout qui précède la dispersion des termes. C’est ainsi que souvent, ils, fabriquent, par ces mélanges, des images et des aromates, pétrissant en un même corps les symboles auparavant divisés et produisant et produisant artificiellement tout ce que la divinité comprend en soi par essence, en unissant la multiplicité des puissances qui, séparées, perdent chacune la pointe de sa force, et qui au contraire, mélangées, se combinent pour reproduire la forme du modèle.

Il arrive qu’une seule herbe ou une seule pierre suffise pour l’opération : ainsi, pour une théophanie, le knéôron(6) ; pour un phylactère, le laurier, le nerprun épineux, la scille, le corail, le diamant, le jaspe ; pour la prognose, le cœur de taupe ; pour les purifications, le soufre et l’eau de mer.

Ainsi donc, au moyen de la sympathie, ils attiraient(7) à eux certaines puissances divines et ils en repoussaient d’autres au moyen de l’antipathie, par exemple par des purifications de soufre et de bitume ou des aspersions d’eau de mer : car le souffre purifie par l’âcreté de l’odeur, l’eau parce qu’elle participe de la puissance ignée. En outre, dans les initiations et les autres cérémonies du culte divin, ils choisissaient les animaux et autres substances convenables. À partir de ces objets et d’autres semblables, ils firent la connaissance des puissances « démoniaques » dont(8) les essences sont en continuité avec la force éparse dans la nature et dans les corps, et, par ce moyen, ils attirèrent les démons pour entrer en commerce avec eux. Puis, des démons, ils s’enhardirent jusqu’à opérer sur les dieux, instruits par les dieux eux-mêmes ou mus de leur propre chef à l’heureuse découverte des symboles appropriés. Et ainsi enfin, laissant à la terre la nature et les forces naturelles, ils se servirent des puissances divines qui opèrent en tête de la chaîne »(9).



Notes d’André-Jean Festugière

1. oï ιερατικοί, 148.5. Cette traduction est justifiée par Procl., in remp., II, 154.5 ss. Kroll : ώς γάρ οι παρ’ ήμΐν ιερατικοί τοΐς έπόπταις δΰναμιν έντιθέασιν ίδεΐν ά μή πρότερον φάσματα καί ποιοϋσι θεωρούς, οΰτω καίή έν τφ κόσμφ (sc. ιερατική) πρό τής παρ’ ήμΐν εις ποΛΛάς τούτο δρά ψυχάς τάς αξίας τής τοιαΰτης μακαριστής θέας (πρό γάρ τών μερών το όλον) καί τελεστικαίς χρήται δυνάμεσι καί εις αγγελικήν ανάγει τάξιν τάς τελουμένας τών ψυχών.

2. La légende du lion qui craint le coq est très répandue et souvent répétée, cf. Orth dans P.W., s.v. Huhn (VIII, 2532. 66, 2536. 36 ss.). Le sens paraît être ici que le coq acquiert, par la présence plus grande en lui d’influx solaire, une supériorité sur le lion qui en a moins.

3. ή των ηλιακών συμβόλων εις τόν άλεκτρυόνα παρουσία 150.9-10. Ou, en prenant παρουσία en un sens propre à l’astrologie (cf. κέντρα, 1.12) : « la situation présente du Soleil en tel point du zodiaque (cf. Vett. Val., p. 49. 26. Kroll) a plus d’efficace sur le coq ». Mais en ce cas τών ηλιακών συμβόλων ferait un pléonasme bizarre. M. Cumont veut bien me signaler qu’on lit dans Glykas (p. 90 de la Byzantine de Bonn) un passage sur le coq et le soleil analogue au texte de Proclus.

4. τα κέντρα en astronomie = les points cardinaux de l’écliptique.

5. Le laurier a une essence ignée car il sert à allumer le feu, cf. Dar.-Saglio, s.v. Igniaria, et surtout Cumont, La Stèle du danseur d’Antibes et son décor végétal (Paris, 1942), pp. 13-17.

6. Sorte de laurier.

7. Les anciens ? ou les maîtres de l’art hiératique ? Il est notable en tout cas que Proclus parle de ces inventions comme de choses passées, depuis longtemps connues : de fait, la doctrine de la sympathie peut remonter à Posidonius et son application à la thérapeutique a pris forme entre le Ier siècle avant et le IIe s. après notre ère.

8. ών scripsi : ώς cod. (151.16). La correction semble avoir été déjà faite, implicitement, par le P. Brémond (l. c., p. 106) qui écrit : « les puissances démoniaques dont l’essence est en continuité. »

9. ταίς πρωτουργαΐς καί θείαις έχρήσαντο δυνάμεσι (151. 22-23). J’ai donné à πρωτουργαΐς son sens originel. C’est peut-être trop presser un mot qui, sans doute, devait être déjà usé : en ce cas, traduire simplement « puissances premières et divines ».





Version: 2.0
Maj : 16/05/2024