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Les Douze règles pour le combat spirituel


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
Jean Pic de la Mirandoleecr. XVLittératureecr. ItalieMorale
Catholicisme

◆ Le texte d’origine est associé à un commentaire du Psaume XVI (nous n’avons malheureusement pas trouvé le texte latin).

■ La traduction de Marc Haven parut à l’origine dans le 70 (Janvier 1906) de L’Initiation.


Traduction : én. de Les Douze règles pour le combat spirituel in Psyché (401), Marc Haven, 1930. La traduction est à partir du latin.

Traduction : én. de Les Douze règles pour le combat spirituel in Arrest Memorable du parlement de Toulouse, 1565. La traduction est également à partir du latin. L’orthographe du texte a été passé en français moderne et la mise en page adaptée au format numérique, les notes ont également été ôtées. Bibliothèque Nationale de France (Paris, France). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

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Traduction 1 : Marc Haven

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I. Si l’homme trouve dure la route de la vertu, parce que sans cesse il nous faut lutter contre la chair, le diable et le monde, qu’il se souvienne que quelque vie qu’il ait choisie, fût-elle selon le monde, beaucoup d’adversité, de tristesses, de désagréments, de travail s’y rencontreraient.

II. Qu’il se souvienne que, dans les choses du monde, plus longtemps on combat, plus péniblement un travail succède à un autre travail, avec, au bout, le châtiment éternel.

III. Qu’il se souvienne qu’il est insensé de croire qu’on puisse parvenir au ciel autrement que par une lutte de ce genre, de même que notre chef, le Christ, n’est monté au ciel que par la Croix ; la condition du serviteur peut-elle être meilleure que celle du Maître ?

IV. Qu’il se souvienne que non seulement il faudrait supporter ce combat, mais le désirer, même s’il ne nous arrivait aucune récompense, seulement pour se conformer à la doctrine du Christ notre Dieu et Seigneur. Chaque fois qu’en résistant à l’un quelconque de tes sens tu te fais violence, pense à la partie de la Croix du Christ à laquelle tu te rends ainsi conforme. Quand, résistant à ton ventre, tu mortifies le goût, rappelle-toi sa boisson de fiel et de vinaigre ; quand tu retires ta main du rapt de quelque chose qui te plaît, pense à ses mains fixées pour toi sur le bois de la croix ; et si tu résistes à l’orgueil, rappelle-toi celui qui, alors qu’il avait la forme d’un Dieu, a accepté pour toi la forme d’un esclave et a été humilié jusqu’à mourir sur la croix, et quand tu es tenté par la colère, souviens-toi que lui qui était Dieu, et le plus juste de tous les hommes, se voyant malgré cela raillé, insulté, flagellé, couvert de toutes sortes d’opprobres comme un voleur, mélangé avec des brigands, n’a cependant donné aucun signe de colère ou d’indignation, mais supportant tout très patiemment, répondait d tous avec la plus grande douceur, et ainsi, en suivant tout point par point, tu ne trouveras aucune souffrance qui, par un certain côté ne te rende conforme au Christ.

V. Mais ne te fie pas à ces douze armes pas plus qu’à aucun moyen humain ; confie-toi en la seule vertu de Jésus-Christ qui a dit : " Prenez confiance, j’ai vaincu le monde ", et ailleurs : " Le prince de ce monde est jeté dehors " ; aussi fions-nous à sa seule force pour vaincre le monde et dompter le diable ; et pour cela, nous devons toujours demander son secours par la prière et le secours de ses saints.

VI. Souviens-toi quand tu as vaincu une tentation, que toujours une autre va venir, car le diable rôde toujours autour de nous, cherchant à nous dévorer. C’est pourquoi il faut toujours se tenir dans la crainte et dire avec le prophète : " Je me tiendrai sur mes gardes."

VII. Non seulement il ne faut pas être vaincu par le diable, mais il faut toi-même le vaincre, et cela se fait quand non seulement tu ne pèches pas, mais que, dans ce qui t’avait tenté, tu trouves l’occasion d’un bien ; de même, si quelque bonne action t’est procurée, pour que tu te laisses aller à ce sujet à une vaine gloire, pense aussitôt que ce n’est pas ton œuvre mais un bienfait de Dieu ; humilie-toi, et songe à être plus reconnaissant envers Dieu de ses bienfaits.

VIII. Quand tu combats, combats comme sûr de la victoire, et devant avoir enfin une paix perpétuelle ; car Dieu t’accordera peut-être cette grâce que le diable, confus de ta victoire, ne reviendra pas ; quand tu as vaincu, comporte-toi comme si tu allais encore combattre, comme si tu combattais encore. Souviens-toi toujours de ta victoire, et, dans la victoire, souviens-toi du combat.

IX. Quoi que tu te sentes bien gardé et fortifié, fuis cependant toujours les occasions de pécher ; le Sage a dit : " Qui aime le danger y périra ".

X. Dans les tentations, cours toujours au principe et précipite les enfants de Babylone sur la pierre ; la pierre, c’est le Christ ; car le remède est toujours préparé tardivement, etc.

XI. Souviens-toi que même dans le moment du combat, c’est une ruse de la tentation de montrer la bataille : et, cependant, il est bien plus doux de vaincre la tentation que d’aller au péché où la tentation t’appelle. Et, en cela, beaucoup sont trompés ; car ils ne comparent pas la douceur de la victoire à la douceur du péché, mais le combat au plaisir : et cependant l’homme, qui mille fois a fait l’expérience de ce qu’était céder à la tentation, devrait bien, une fois du moins, expérimenter ce qu’est amère la tentation.

XII. En outre, parce que tu es tenté, ne te crois pas abandonné de Dieu ou peu agréable à Dieu, ou peu juste et imparfait. Souviens-toi qu’après que Paul eut vu la divine essence, il subit les tentations de la chair que Dieu permit qu’on lui envoyât, pour lui éviter celles de l’orgueil. Et en cela l’homme doit remarquer que Paul, qui fut un vase d’élection et fut enlevé jusqu’au troisième ciel, était cependant en danger de s’enorgueillir de ses vertus, comme il le dit lui-même : " Pour que la grandeur des révélations ne me fut pas un danger, on m’a donné l’aiguillon de la chair qui me souffletât ". Ainsi, de toutes les tentations, celle de l’orgueil est-elle celle dont l’homme doit le plus se défier, car l’orgueil est la racine de tous les maux : le seul remède contre elle est de songer sans cesse que Dieu s’est humilié pour nous jusqu’à la croix et que la mort, malgré nous, nous humiliera jusqu’à faire de nous la nourriture des vers.

Les douze armes du combat spirituel que l’homme doit avoir sous la main au moment où le péché l’attire :

1. Le plaisir est court et faible.
2. Il a pour compagnon : le dégoût, le remords.
3. C’est la perte d’un plus grand bien.
4. La vie est un rêve, une illusion.
5. La mort est là, venant à l’improviste.
6. La crainte de l’impénitence.
7. La récompense est éternelle ; le châtiment.
8. Dignité et destination de l’homme.
9. Paix de l’âme pure.
10. Bienfaits de Dieu.
11. La Croix du Christ.
12. Le témoignage des martyrs, l’exemple des saints.

Les douze conditions de celui qui aime :

1. Aimer une seule personne, tout dédaigner pour elle.
2. Estimer malheureux l’amant séparé de celle qu’il aime.
3. Tout souffrir, même la mort pour être avec elle.
4. Prier qu’on lui plaise.
5. Etre toujours avec elle, au moins en pensée, si matériellement c’est impossible.
6. Aimer tout ce qui lui touche de près : ses amis, sa maison, ses habits, ses portraits.
7. Désirer entendre ses louanges, ne pouvoir supporter un mot offensant à son égard.
8. Croire d’elle les plus grandes merveilles, souhaiter aussi que tous les croient.
9. Désirer souffrir pour elle et trouver du plaisir à cette souffrance.
10. Pleurer souvent à son sujet, de douleur en son absence, de joie en sa présence.
11. Toujours languir, toujours brûler de désir pour elle.
12. Servir, sans arrière-pensée de payement ou de, récompense.

Traduction 2 : Jean de Coras.

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Les douze règles, de Jean Pic de Mirandole : Lesquelles adressent, et incitent l’Homme au combat spirituel, pour s’acheminer à la vertu, et resister aux tentations du monde.

Première Règle.

Si la voie de la vertu, semble à l’Homme dure, ou par trop malaisée, par ce qu’il lui convient batailler continuellement contre la chaire, la diable et le monde : il se doit souvenir aussi, que le chemin de volupté est le plus facheux et pénible. Et par ainsi, que quelle voie que l’Homme sache choisir et élire, encore félon le monde, il lui faut sans doute souffir beaucoup de choses plus âpres, contraires et incommodes.

II.

L’Homme doit ramentoire aussi, qu’aux affaires du monde, on pratique et combat, non seulement avec plus grande peine ; mais encore plus longuement, et sans profit aucun, auxquelles le travail est fin de travail, la peine fin de peine et la récompense finale, un tourment éternel.

III.

D’avantage faut que l’Homme se reduise en mémoire, être une trop grande folie, de croire qu’on puisse parvenir au ciel, et en l’éternelle béatitude, si ce n’est par ce combat comme aussi le fut Christ notre chef, ne voulut point monter aux cieux que par la croix. Car il falloit (dit l’Ecriture) qu’il souffrit beaucoup de choses, qu’il fut reprouvé des années, et mis à mort, et ainsi entrat en sa gloire. Or le serviteur n’est point plus grand, ni de meilleure conditions, que son signeur et maitre.

IIII.

En outre, ne faut prendre à regret ce combat. Crains plutot de désirer, quand bien nous n’en deuvions rapporter autre loyer, ou guerdon, que d’obeir au comandement du seigneur Dieu, et nous conformer à la volonté de Jesus Christ son fils. Et toutes fois et quantes resistant à quelque tentations, tu fais violence à l’un de tes sens, il te connuient à penser, à quelle partie de la coix tu te conformes. comme par exemple : lors que resistant à la gourmandise tu affliges ton gout, souvienne toi que Jesus Christ ton sauveur fut abreuvé sur la Croix de fiel & de vinaigre. Et quand tu retireras ta main de perdre quelque chose d’autrui qui toutesfois te plait & t’agréer : considère aussi, les mains de Jesus Christ auoir étées fichées et étendues pour toi sur l’arbre de la Croix, & si tu resistes à orgueil, souvienne-toi, que Jesus Christ ton rédempteur estant en forme de Dieu, s’est humilié soi-mêmes, & anéanti pour toi, prenant forme d’un serviteur, & a eté obeissant, jusques à la mort,voire à la mort de la Croix.Et quand par quelque tentation tu es émeu à ire & courroux, tu dois rememorer,que Jefus Christ étant Dieu, & de tous les hommes le plus juste, s’est vu pris, & mené comme un larron, outragé de toutes espèces d’opprobres : jusques à lui cracher au visage,flagellé,coronné d’épines poignantes, nauré en toutes les parties de son précieux corps : & en fin crucifié au milieu de deux brigans, reputé avec les iniques. Toutesfois ne montra-il onces le moindre ligne de courroux, ou d’indignation, ains au contraire souffroit toutes choses patiemment, & repondoit à tous, avec grande douleu, & mensuétude.

Ainsi discourant par le menu ces choses, tu trouveras, qu’il n’y a passion, ni tourment, lequel patiemment souffert, & enduré, ne te donne consolation, te rendant en quelque partie semblable & conforme à Jesus Christ, Sauveur de tout le monde.

V.

Il est très nécessaire remémorer aussi, qu’il ne conuient pas s’endormir, ne fier en cette patience, ou en autre quelconques humain remède. Mais s’appuyer seulement aux mérites de la passion & incompréhensible vertu de Jefus Christ, qui dit à ses difciples, Vous endurés des afflictions au monde : mais fiez-vous en moy, & ayez bon courage : car j’ai vaincu le monde. & ailleurs, Maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors : & moi, si je suis éffleuré de la terre, (c’est à dire pendu pour mourir en croix) je tirerais tout à moi-même. Demandons donc son aide, par continuelle oraison : & ayons fiance, & colloquons toute notre espérance en la seule vertu de Jefus Christ, par laquelle nous-ne pourrons affeurer de vaincre le monde, & surmonter notre adversaire le diable.

VI.

L’homme n’aura pas vaincue une tentation, que soudain l’autre ne se présente, parce que Satan commun ennemi des hommes, nous environne jour & nuit, comme un lion bruyant à l’entour, cherchant quelqu’un pour le dévorer. Par ainsi faut, que l’homme pense lui resister, veillât en oraifon fort & ferme en la foi : & dire avec le Prophete, Je me tiendrais sur ma garde, & me colloquerai sur la forteresse, épiât pour voir, qu’est ce qu’on me dira, & ce que je dois répondre.

VII.

Il faut encore que l’homme tache non seulement de n’être point vaincu de son adversaire Satan, quand il le tente : mais encore de vaincre ce cruel ennemi : c’est à dire non feulement n’obeir, ni t’abandonner à la tentation qu’il te presente : mais encore faire ton profit de la chose d’où il t’avait tenté, & de laquelle il te pensait attirer à lui, comme par exemple : S’il te presente quelque tienne œuvre bonne, afin de te faire enorgueillir, & trébucher en la fosse de vaine gloire, il te faut promptement regretter de toi cette bonne œuvre l’aduouant, n’y reconnaissant pour tienne, & l’attribuer au seul Dieu, duquel toute bonne chose procède, & penser avec Dauid, Que tous les hommes declinent, & sont faits abominables devant Dieu : desquels n’en y a pas un seul qui face bien. Et par ainsi, que celle bonne œuvre que le diable pour te circonvenir te présente comme tienne, n’est d’autre que de Dieu, lequel en t’humiliant tu dois humblement remercier, de ce qu’il lui a plu te départir ses bénéfices.

VIII.

Quand tu combat contre le diable, faut que ce soit à telle intention,que tu gagneras à ce coup sur lui la victoire, & par là une paix perpetuelle : espérant que le bon Dieu te fera cette grâce, que le diable surmonté de toi, & confus de ta victoire, ne reviendra plus désormais par tentation t’assaillir. Toutefois quand tu auras vaincu, il te fut néanmoins tenir sur ta garde, comme si derechef, & bientôt tu devais rentrer au combat contre lui de manière que au combat, tu sois toujours souvenant de la victoire, & de : même en la victoire, te souvenant du combat.

IX.

Bien que par la grâce de Dieu, tu te sentes bien muni & fortifié de toutes pars, pour résister à l’ennemi, ne dois tu pourtant moins fuir pour cela, les occasions de pêcher. Car comme le sage a laissé ecrit, Celuy qui aime le péril, périra en iceluy.

X.

Il est de besoin d’obvier du commencement, tant qu’il est possible, aux tentations, & froisser les enfants de Babylone à la pierre : c’est-à-dire, à Jefus Christ, qui est la vraie pierre : sur laquelle est bâtie l’Eglise Chrétienne. Car quand la maladie est auvancée, & a trainé longuement sur la personne, la médecine le plus souvent vient trop tard.

XI.

Iaçoit qu’au, conflit de la tentation, le combat semble être dur, & fort amer. Toutesfois de vaincre la tentation, est une chose sans comparaison plus douce, plaisante, & agréable, que de fuir le péché, duquel la tentation nous appelle & incline. En quoi certes plusieurs sont grandement déçus, qui ne parangonnent point la douleur de la victoire, au plaisir du péché. Mais au rebours, accomparent le combat, à l’affection desordonnée de la volupté : & toutefois l’homme, qui a mille fois expérimenté qu’est-ce que donner lieu, & s’abandonner à la tentation, devrait essayer une fois pour le moins,qu’est-ce que vaincre la tentation.

XII.

Par ce que tu es souvent fois tenté, ne pense point être quitté, ni délaissé de Dieu, ou bien lui être peu agréable. Mais sois records que saint Paul, après avoir vu l’essence divine, souffrait la tentation de la chair, par laquelle Dieu permettoit qu’il fut tenté, à fin qu’il ne s’en enorgueillit. Je vois (disait-il) une loi en mes membres, bataillant contre la loi de mon ame, & me rendant captif à la loy de péché qui est en mes membres. En quoi faut bien que l’homme soit aduisé : d’autant que saint Paul vaiffeau efleu pour témoigner le nom du seigneur devant les Gentils, & les Rois, ayant eté ravi jusqu’au tiers ciel : était-il néanmoins en danger s’enorgueillir de ses vertus : comme en quelque lieu il écriait de soi-même : à fin(dit-il)que je ne fusse éfleuré outre mesure par la grandeur & excellence des révélations, il m’a été donné un aiguillon en la chair, & l’ange de satan, qui me souffletait.

Sur toutes les tentations donc ques le Chrétien se doit affortir et fortifier contre la tentation d’orgueil, & de vaine gloire : parce que la racine de tous maux est superbe, vice hay devant Dieu & les hommes : & qui dès le commencement, a sur tous les autres déplu au seigneur Dieu, qui toujours leur résiste, & donne grâce aux humbles : & pour faire fin, chacun de nous doit rémettre en mémoire le souverain remêde contre l’orgueil, penser que Jesus-Christ s’est humilié pour nous jusques à lacroix. Et que la mort nous humiliera jusqu’à faire de notre corps, viande & mangeaille des vers de terre. Car quand l’homme pourra (dit le Sage, & avec lui le Prophète) il aura pour héritage, serpents, bêtes et vers.

S’ensuivent les douze considérations, & armes spirituelles, que l’homme doit avoir toujours présentes en son esprit, quand il est tenté de quelque affection desordonnée, qui l’aiguillonne & qui le presse, tirées du même auteur.

Première.

Que la volupté est un bien petit plaisir, & qui ne dure guère.

II.

Que la volupté est toujours accompagnée de souci, facherie, chagrin, & angoisse.

III.

Que la volupté est la perte d’un bien infiniment grand.

IIII.

Que notre vie est un sommeil, ou plutôt une ombre : c’est à dire, une apparence seulement de viure. Car la vraie vie est en la mort des bons.

V.

Que la mort est fort prochaine, venant toujours à l’improviste.

VI.

Qu’il est à craindre, que volupté ne nous endurcisse, & conduise à l’impénitence : nous abîmant aux vains plaisirs de ce monde. Tellement que n’ayons après ni pouvoir, ni vouloir de nous repentir.

VII.

Que l’éternelle félicité est proposée aux bons, & la peine éternelle préparée aux mauvais.

VIII.

Que la dignité & nature de l’homme, est la plus noble de toutes les créatures, voire si excellente, que nos corps sont appelés membres de Jesus-Christ. Lesquels à cette cause, doivent être par nous soigneusement gardés de toute pollution, & souillure, & l’esprit d’être profané ou contaminé d’aucune folle concupiscence.

IX.

Que celui qui résiste aux tentations, a paix en son esprit, & repos en sa confiance, se sentant réconcilié avec Dieu : ou il est autrement en continuelle peine, & inquiétude.

X.

Que les bénéfices de Dieu envers nous font sont singuliers, & grans : desquels abuser, serait se séparer volontairement de son créateur, & tomber à son escient en vice d’inexcusable ingratitude.

XI.

Que si aucun veut fuir Jésus-Christ, faut qu’il renonce soi-même, & porte sa croix, voir qu’il perde la vie pour l’amour de lui : attendant après inestimable récompense. Car qui perdra sa vie pour moi, (dit-il) & pour l’Evangile, il la sauvera.

XII.

Pour la fin conuient, que l’homme se propose continuellement la vie des Apôtres, les témoignages des martyrs, & exemples des saints.

Les douze conditions, du vrai amour que le Chrétien doit avoir en aimant son Dieu, de toutes ses forces : comme il lui est commandé.

I

Aimer un seulement, & condamner les autres, & toutes choses pour lui.

II.

Estimer malheureux, tous ceux qui ne l’aiment, & ne font auecques lui.

III.

Souffrir toutes les adversités du monde, voir la mort, pour être avec lui.

IIII.

S’armer des accoutrements qu’on jugera lui être agréables pour lui plaire.

V.

Etre auecques lui, comme que ce soit, pour le moins de pensée, s’il ne peut de fait.

VI.

Non seulement l’aimer, mais encore toutes choses qui lui appartiennent.

VII.

Désirer sa grandeur, sa gloire, ses louanges, & ne pouvoir endurer qu’on détracte de lui en manière quelconques.

VIII.

Croire de lui toutes choses grandes, & désirer que les autres fassent ainsi.

IX.

Souhaiter encore d’endurer pour lui quelque facherie, & : ennuis : ou souffrir quelque dommage, & néanmoins trouver telles peines & pertes douces.

X.

Pleurer avec lui souvent d’ennui, & de douleur, en son absence : de plaisir & de joie, en sa présence.

XI.

Languir incessamment, & brûler toujours d’être avec lui.

XII.

Le chérir de tout son cœur, de grande affection, sans attendre loyer ni récompense. À quoi nous sommes induits, singulièrement pour trois raisons. La première, quand le service de soi-mêmes, est désirable. La seconde, quand celui que nous servons, est en soi fort bon, & aimable : tout ainsi que communément on dit, Nous servons un tel homme, pour ses vertus. La troisième, quand celui-là que tu sers, devant que tu commençâsses le cheruir, t’auroit fait de grands biéns. Et ces trois choses sont abondamment, & avec toute toute plenitude, en Dieu. D’autant qu’en le feruât, nous recevons toutes choses bonnes et salutaires, & pour l’ame & pour le corps. Car servir à lui, n’est autre chose que tacher & prétendre à lui : c’est à dire au souverain bien. Pareillement il est très bon, très beau, & tressaige, ayant toutes les conditions qui nous peuvent induire à aimer quelqu’un, & le chérir gratuitement. Et en outre il nous a donné des biens excellents singuliers & souverains, nous ayant faits, & crées de néant. Et après d’enfants dire & de malédiction, faits enfans de Dieu : rachetez d’enfer, & de la main de Satan, parle precieux sang de ton fils Jésus Christ.

FIN