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La Montée du Carmel
La Subida del Monte Carmelo


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
ecr. et Ill. Jean de la Croixécr. 1578 1579Littératureécr. Grenade (Espagne)Mysticisme
Poésie

► L’ouvrage est à mi-chemin entre le traité mystique et le commentaire poétique. L’auteur s’est en effet appliqué à commenter son poème de la Nuit obscure sur la demande de nonnes qui lui en demandaient l’explication. Ce poème, est lui-même un commentaire du dessin reproduit ici en tête du poème(1). Nous avons rapporté ici le dit poème et le prologue au commentaire. La première édition du texte est de 1618, on commanda des illustrations pour cette édition dont une représentant le schéma dans un style plus figuratif que l’originale.

► Ce schéma dit du Mont Carmel décrit l’ascension progressive de l’âme jusqu’à Dieu passant par diverses phases purificatoires, schéma qu’il reproduira avec quelques variations au cours du temps, sans doute pour l’adapter aux personnes qui lui réclamaient. La base du schéma avec ses deux chemins sans issus est la plus célèbre. Celui de droite est celui du monde : possession, joie, connaissance, confort, repos. Celui de gauche, le chemin psychique : gloire, joie, connaissance, consolation, repos. L’allée centrale indique le bon chemin : le mot "rien" est répété plusieurs fois.

► Le film La Montagne sacrée(2) réalisé par Alejandro Jodorowsky traite de l’ascension d’une montagne, il est inspiré du roman inachevé Le Mont Analogue de René Daumal. Le réalisateur fut en outre influencé par Óscar Ichazo, également émule de Gurdjieff. On pourrait aussi déceler l’influence de La Montée du Carmel. Film psychédélique, spirituel et quelque peu satirique, il traite de l’aventure initiatique d’un vagabond ressemblant au Christ, d’un alchimiste et de sept représentations des métaux corrompus en quête d’immortalité. On y retrouve par ailleurs plusieurs allusions aux sociétés initiatiques et groupements spirituels de l’époque.



1. Le texte présent sous le schéma n’est pas le poème en question, mais un autre traitant de théologie négative.

2. Réalisé à Mexico, 1972, publ. Cannes, Mai 1973.


Texte original, origine inconnue.

Traduction 1 : Jean Maillart, XVII.

Traduction 2 : Un bienfaiteur, nous n’avons pas trouvé d’information significative sur cette traduction. Elle ajoute un prologue que les autres ne mentionnent pas, nous l’avons ajouté à la suite.

Traduction 3 : Un bienfaiteur, nous n’avons pas trouvé d’information significative sur cette traduction.

Illustration : én. de La Montée du Carmel, XVI. | bs. Bibliothèque nationale d’Espagne (Madrid, Espagne). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre

Illustration : én. de La Montée du Carmel, 1618. | bs. Université de Grenade (Grenade, Espagne).

Illustration : én. de La Montée du Carmel in R.P Cyprien de la Nativité de la Vierge, Les Œuvres spirituelles du B. Père Jean de la Croix, 1641. | bs. Bibliothèque municipale de Lyon (Lyon, France). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre

Illustration : reproduction moderne du dessin de La Montée du Carmel, XX,

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Texte original.

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1

En una noche oscura
con ansias en amores inflamada,
oh dichosa ventura!,
sali sin ser notada
estando ya mi casa sosegada

2

A oscuras y segura
por la secreta escala, disfrazada,
oh dichosa ventura!,
a oscuras y en celada,
estando ya mi casa sosegada.

3

En la noche dichosa,
en secreto que nadie me veia
ni yo miraba cosa
sin otra luz y guia
sino la que en el corazón ardia.

4

Aquesta me guiaba
más cierto que la luz de mediodia
adonde me esperaba
quien yo bien me sabia
en parte donde nadie parecia.

5

Oh noche, que guiaste!
Oh noche amable más que la alborada!
Oh noche que juntaste
amado con amada,
amada en el amado transformada!

6

En mi pecho florido,
que entero para él solo se guardaba
alli quedó dormido
y yo le regalaba
y el ventalle de cedros aire daba.

7

El aire de la almena
cuando yo sus cabellos esparcia
con su mano serena
en mi cuello heria
y todos mis sentidos suspendia.

8

Quedéme y olvidéme ;
el rostro recliné sobre el amado ;
cesó todo, y dejéme
dejando mi cuidado
entre las azucenas olvidado.

Traduction 1 : Jean Maillart, XVII.

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ARGUMENT

La matière que je traite dans la Montée du Mont-Carmel est renfermée dans les vers suivants, qui contiennent aussi la manière d’arriver au sommet de cette montagne, c’est-à-dire à l’état sublime de la perfection chretienne que nous appelons l’union de l’âme avec Dieu. Et parce que les choses que j’ai à dire sont fondées sur ces vers, je les rapporte ici tous ensemble, afin que ce que j’écrirai soit plus facile à comprendre. De sorte néanmoins que, quand j’expliquerai ces cantiques, je donnerai l’intelligence de chaque vers, selon que la matière l’exigera.

I

Pendant une nuit
obscure, enflammée
d’un amour inquiet, ô
l’heureuse fortune ! je
suis sortie sans être
aperçue, lorsque ma
maison était tranquille.

II

Étant assurée et
déguisée, je suis sortie
par un degré secret, ô
l’heureuse fortune ! et
étant bien cachée
dans les ténèbres,
lorsque ma maison
était tranquille.

III

Pendant cette
heureuse nuit, je suis
sortie en ce lieu
secret, où personne ne
me voyait, et où je ne
voyais rien, sans autre
guide et sans autre
lumière que celle qui
luisait dans mon cœur.

IV

Elle me conduisait
plus sûrement que
la lumière du midi, au
lieu où celui qui me
connaît très-bien
m’attendait, et où
personne ne paraissait.

V

O nuit qui m’as
conduite! ô nuit plus
aimable que l’aurore !
ô nuit qui as uni le
bien aimé avec la
bien-aimée, en
transformant l’amante
en son Bien-Aimé !

VI

Il dort tranquille dans
mon sein qui est plein
de Heurs, et que je.
garde tout entier pour
lui seul : je le chéris et
le rafraîchis avec un
éventail de cèdre.

VII

Lorsque le vent de
l’aurore faisait voler
ses cheveux, il m’a
frappé le cou avec sa
main douce et
paisible, et il a
suspendu tous mes sens.

VIII

En me délaissant et
en m’oubliant moi-même,
j’ai penché
mon visage sur mon
bien-aimé. Toutes
choses étant perdues
pour moi. je me suis
quittée et abandonnée
moi-même, en me
délivrant de tout soin,
entre les lis blancs.

Traduction 2 : Un bienfaiteur.

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SOMMAIRE

Toute la doctrine qui sera exposée dans cette Montée du Carmel se trouve contenue dans les strophes suivantes. Celles-ci montrent comment on arrive jusqu’au sommet de la montagne, c’est-à-dire à l’état élevé de perfection que nous appelons ici l’union de l’âme avec Dieu. Comme elles doivent servir de fondement à ce que je vais dire, j’ai voulu les réunir ici afin que l’on comprenne et que l’on voie bien la substance du sujet que je vais traiter ainsi que l’exposé que j’en donnerai. Néanmoins, lorsque je les expliquerai, il conviendra de mettre encore la strophe elle-même dont il sera question, et chacun des vers dont elle se compose, selon que l’exigera le sujet ou l’exposé.

STROPHES

OÙ L’ÂME CHANTE L’HEUREUX SORT QU’ELLE
A EU DE PASSER PAR LA NUIT OBSCURE
DE LA FOI PURE ET SA PURIFICATION POUR
ARRIVER À L’UNION DE L’AMOUR.

I

Par une nuit profonde,
Étant pleine d’angoisse et enflammée d’amour,
Oh! l’heureux sort!
Je sortis sans être vue,
Tandis que ma demeure était déjà en paix..

II

J’étais dans les ténèbres et en sûreté
Quand je sortis déguisée par l’escalier secret,
Oh! l’heureux sort!
J’étais dans les ténèbres et en cachette,
Tandis que ma demeure était déjà en paix..

III

Dans cette heureuse nuit,
Je me tenais dans le secret, personne ne me voyait,
Et je n’apercevais rien
Pour me guider que la lumière
Qui brûlait dans mon cœur..

IV

Elle me guidait
Plus sûrement que la lumière du midi
Au but où m’attendait
Celui que j’aimais,
Là où nul autre ne se voyait..

V

O nuit qui m’avez guidée!
O nuit plus aimable que l’aurore!
O nuit qui avez uni
L’aimé avec sa bien-aimée
Qui a été transformée en lui!.

VI

Sur mon sein orné de fleurs,
Que je gardais tout entier pour lui seul,
Il resta endormi,
Et moi je le caressais
Et avec un éventail de cèdre je le rafraîchissais..

VII

Quand le souffle provenant du fort
Soulevait déjà sa chevelure,
De sa douce main
Posée sur mon cou il me blessait,
Et tous mes sens furent suspendus..

VIII

Je restai là et m’oubliai,
Le visage penché sur le Bien-Aimé.
Tout cessa pour moi, et je m’abandonnai à lui,
Je lui confiai tous mes soucis
Et m’oubliai au milieu des lis.

PROLOGUE

Si je devais expliquer et faire comprendre cette nuit obscure par laquelle passent les âmes pour arriver à la divine lumière, à l’union parfaite d’amour de Dieu, autant qu’elles le peuvent en cette vie, il faudrait une science plus éclairée que la mienne et une expérience plus grande. Elles sont si nombreuses et si profondes les ténèbres et les épreuves tant spirituelles que temporelles par lesquelles ont coutume de passer ces bienheureuses âmes pour pouvoir arriver à cet état de perfection, que ni la science humaine ne suffit pour le comprendre, ni l’expérience pour l’exposer. Je dis expérience pour l’exposer, car celui-là seul qui passe par cette voie pourra les connaître mais il sera impuissant à les exprimer. Aussi, pour dire quelque chose de cette nuit obscure, je ne me fierai ni à la science, ni à l’expérience, car l’une et l’autre peuvent faillir et induire en erreur. Mais, tout en n’omettant pas de m’en servir autant que possible, je m’aiderai en tout de la faveur divine, de la saint Écriture, au moins pour ce qu’il y a de plus important et de difficile à comprendre. En suivant sa lumière, nous ne pouvons nous tromper, puisque celui qui y parle est l’Esprit-Saint lui-même. Et s’il m’arrive de me tromper parce que je n’aurai pas bien compris ce qu’il dit là ou ailleurs, mon intention n’est pas de m’écarter du véritable enseignement et de la doctrine de notre sainte Mère l’Église catholique ; d’avance je me conforme et me soumets sans réserve non seulement à sa manière de voir, mais encore à quiconque aura dans ces questions des lumières plus sûres que les miennes.

Ce n’est point parce que je découvre en moi des aptitudes pour une entreprise si haute et si ardue que je me suis déterminé à traiter ce sujet, mais parce que j’ai confiance que Notre-Seigneur m’aidera à subvenir à l’extrême nécessité où se trouvent un grand nombre d’âmes. Elles ont commencé à marcher dans le chemin de la vertu ; Notre-Seigneur voudrait les placer dans la nuit obscure, afin de les amener par là à la divine union ; et elles ne vont pas plus loin, soit parce qu’elles ne s’y laissent pas introduire, soit parce qu’elles ne comprennent pas leur état, et qu’elles manquent de guides expérimentés et capables de les conduire au sommet de la perfection.

Aussi est-il vraiment déplorable de voir beaucoup d’âmes à qui Dieu confère des qualités et des faveurs spéciales pour monter plus haut et qui parviendraient au sublime état dont nous parlons, si elles voulaient s’en donner la peine, mais qui restent dans leurs manières vulgaires de traiter avec Dieu ; elles manquent de volonté ou de lumière, ou bien il n’y a personne pour les guider et leur enseigner à quitter le sentier des commençants.

Si cependant Notre-Seigneur leur accorde tant de grâces que sans ces moyens et ces secours il les fasse monter, elles arriveront beaucoup plus tard ; elles éprouveront plus de difficulté ; enfin elles auront moins de mérite, parce qu’elles ne se sont pas remises entre les mains de Dieu et ne l’ont pas laissé les introduire librement dans le chemin pur et véritable qui conduit à l’union.

Sans doute, Dieu, qui les élève, n’a pas besoin de pareils secours. Toutefois, si elles ne se laissent pas porter par lui, elles font moins de chemin parce qu’elles résistent à celui qui les élève ; elles méritent moins parce qu’elles ne lui abandonnent pas leur volonté ; et par le fait même elles souffrent davantage.

Il y a en effet des âmes qui, au lieu de s’abandonner à Dieu tout en s’aidant elles-mêmes, troublent son action par leur agitation indiscrète ou leur résistance. Elles ressemblent à de petits enfants que leurs mères voudraient porter dans les bras et qui se mettent à trépigner et à pleurer afin de marcher par eux-même, quand ils en sont incapables, ou du moins quand ils ne peuvent faire que des pas d’enfants.

Il faut donc savoir se laisser conduire par Dieu quand Sa majesté veut nous élever. Voilà pourquoi nous donnerons, avec son secours, aux commençants et à ceux qui sont déjà en voie de progrès, des enseignements et des conseils pour qu’ils sachent se comprendre ou du moins se laissent conduire par lui. Il y a, en effet, des confesseurs et des Pères spirituels qui n’ont point la lumière nécessaire ni l’expérience de ces voies ; au lieu de venir en aide à ces âmes, ils ont coutume plutôt de les empêcher d’avancer et de leur être nuisibles ; ils ressemblent aux bâtisseurs de Babel qui, au lieu de fournir des matériaux convenables, en apportaient d’autres tout différents, parce qu’ils ne comprenaient plus le langage qu’on leur parlait ; aussi l’édifice ne s’élevait pas. Voilà pourquoi c’est une épreuve très rude et très pénible pour l’âme qui, dans des circonstances analogues, ne comprend pas son état et ne trouve personne qui la comprenne. Il lui arrivera peut-être que Dieu l’élève à la voie très haute d’une contemplation pleine d’obscurité et de sécheresse, et elle se croira perdue. Au milieu de ces ténèbres, de ces épreuves, angoisses et tentations, elle rencontrera quelqu’un qui lui tiendra le langage des consolateurs de Job. On lui dira que c’est de la mélancolie, du chagrin, ou affaire de nature, ou peut-être le châtiment de quelque faute secrète pour laquelle Dieu l’a délaissée. Généralement, on juge tout de suite que cette âme doit être bien coupable ou qu’elle l’a été, dès lors qu’elle éprouve de pareils tourments. D’autres lui diront qu’elle recule, puisqu’elle ne trouve plus ni goûts ni consolations comme précédemment dans les choses de Dieu. Aussi la pauvre âme voit redoubler ses souffrances ; ou il lui arrivera que sa plus grande peine viendra de la vue de sa propre misère. Il lui semblera voir plus clair que la lumière du jour qu’elle est remplie de maux et de péchés ; c’est là, en effet, la lumière et la connaissance que Dieu lui donne dans cette nuit de contemplation, comme nous le dirons plus loin. Comme elle trouve quelqu’un qui partage sa manière de voir et lui dit qu’elle souffre par sa faute, sa peine et ses angoisses grandissent démesurément et arrivent d’ordinaire à un état pire que la mort. Ce n’est pas assez pour de pareils confesseurs. Comme ils s’imaginent que cet état est la conséquence de leurs péchés, ils les obligent à repasser leur vie et à faire une foule de confessions générales. C’est les crucifier de nouveau et ne pas comprendre que ce n’est plus le temps d’employer de tels moyens, mais de laisser ces âmes dans l’état de purification où Dieu les a placées, de les consoler, de les encourager à vouloir cette épreuve tout le temps qu’il plaira à Dieu. Jusqu’alors, en effet, il n’y a pas de remède, quoi que fassent ces âmes, et qui que disent leurs confesseurs.

Telle est la question que nous traiterons, avec la grâce de Dieu. Nous montrerons comment l’âme doit se comporter dans cet état, quel doit être le rôle de son confesseur, et quelles sont les marques auxquelles on reconnaîtra si cette épreuve est une purification l’âme ; et alors, dans ce cas, s’il s’agit d’une purification des sens ou de celle de l’esprit que nous appelons nuit obscure. Nous dirons aussi comment on pourra reconnaître que cet état provient de la mélancolie ou d’une autre imperfection des sens ou de l’esprit.

Il peut arriver aussi que certaines âmes ou leurs confesseurs s’imaginent que Dieu les conduit par cette voie de la nuit obscure de la purification de l’esprit, et ce ne sera peut-être que l’une de ces imperfections dont nous avons parlé. D’un autre côté, il y a aussi beaucoup d’âmes qui s’imaginent être dépourvues de l’esprit d’oraison et qui le possèdent à un très haut degré, tandis que d’autres, au contraire, s’imaginent en avoir beaucoup et n’en ont presque point.

Il y en a qui font pitié à voir, tant elles souffrent et se fatiguent, et qui néanmoins reculent ; elles recherchent leur avancement dans ce qui, loin de le procurer, ne peut que l’empêcher. Il y en a encore qui, au contraire, sans fatigue ni agitation, réalisent de grands progrès. Il y en a même qui se troublent et s’inquiètent des faveurs et des grâces que Dieu leur accorde pour leur avancement et ne réalisent aucun progrès. On pourrait énumérer encore beaucoup d’obstacles qui se trouvent dans cette vie et découlent des joies, des peines, des espérances ou des chagrins que l’on éprouve ; les uns proviennent de l’esprit de perfection, les autres de l’imperfection.

Telle est la matière dont nous tâcherons, avec l’aide de Dieu, de dire quelques mots. Celui qui lira cet écrit pourra se rendre compte quelque peu de la voie où il se trouve et de celle qu’il doit suivre, s’il a la prétention de parvenir au sommet de cette montagne.

Comme il s’agit ici de la nuit obscure, par laquelle l’âme doit aller à Dieu, que le lecteur ne s’étonne pas de trouver quelque obscurité dans notre enseignement. Mais, à notre avis, ce ne sera qu’au début ; car s’il continue sa lecture, il arrivera peu à peu à mieux comprendre ce qu’il a lu tout d’abord ; d’ailleurs les diverses parties de cet écrit s’expliquent l’une par l’autre. Et s’il vient à le relire, nous pensons qu’il le trouvera plus clair et son enseignement plus sûr.

Toutefois, si quelques personnes ne goûtaient pas cette doctrine, il faudrait l’attribuer à mon peu de savoir et à l’imperfection de mon style ; car la matière que je traite est bonne en soi et très nécessaire. Mais il me semble que si on l’exposait avec plus de talent et de perfection que je ne le ferai, elle ne serait pas encore goûtée d’un grand nombre. La raison c’est que l’on n’écrira pas des choses qui soient très faciles à suivre et offrent de l’attrait à ceux qui se plaisent à rechercher Dieu par la voie des douceurs. Nous donnerons plutôt une doctrine substantielle et solide pour les uns comme pour les autres, à la condition que l’on veuille passer par la nudité d’esprit dont il s’agit dans cet ouvrage. D’ailleurs, mon intention principale n’est pas de m’adresser à tous en général, mais bien à quelques personnes, aux religieux et religieuses de la réforme de Notre-Dame du Mont Carmel, qui m’ont demandé ce livre. Dieu leur a fait la grâce de les placer dans le sentier de cette montagne ; comme ils sont déjà dépouillés complètement des biens de ce monde, ils comprendront mieux cette doctrine de la nudité d’esprit.

Traduction 3 : Un bienfaiteur.

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1.

Par une nuit obscure,
enflammée d’un amour plein d’ardeur,
ô l’heureuse aventure,
j’allai sans être vue,
sortant de ma maison apaisée.

2.

Dans l’obscur et très sûre,
par l’échelle secrète, déguisée,
ô l’heureuse aventure,
dans l’obscur, en cachette,
ma maison désormais apaisée.

3.

Dans cette nuit heureuse,
en secret, car nul ne me voyait,
ni moi ne voyais rien,
sans autre lueur ni guide
que celle qui en mon cœur brûlait.

4.

Celle-ci me guidait,
plus sûre que celle de midi
au lieu où m’attendait,
moi, je savais bien qui,
en un lieu où nul ne paraissait.

5.

Ô nuit qui a conduit,
ô nuit plus aimable que l’aurore,
ô nuit qui as uni
l’ami avec l’aimée,
l’aimée en son ami transformée.

6.

Contre mon sein fleuri
qui entier, pour lui seul, se gardait,
il resta endormi,
moi je le caressais
et l’éventail des cèdres l’éventait.

7.

La brise du créneau,
quand mes doigts caressaient ses cheveux,
avec sa main légère
à mon cou me blessait
et tenait en suspens tous mes sens.

8.

M’oubliant, je restai
le visage penché sur l’ami.
Tout cessa, je cédai,
délaissant mon souci,
parmi les fleurs de lis oublié.

Traductions comparées.
Nous avons ôté l’introduction de Maillart et de la traduction 2 ainsi que bien sûr le prologue de la traduction 2.

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1

En una noche oscura
con ansias en amores inflamada,
oh dichosa ventura!,
sali sin ser notada
estando ya mi casa sosegada

2

A oscuras y segura
por la secreta escala, disfrazada,
oh dichosa ventura!,
a oscuras y en celada,
estando ya mi casa sosegada.

3

En la noche dichosa,
en secreto que nadie me veia
ni yo miraba cosa
sin otra luz y guia
sino la que en el corazón ardia.

4

Aquesta me guiaba
más cierto que la luz de mediodia
adonde me esperaba
quien yo bien me sabia
en parte donde nadie parecia.

5

Oh noche, que guiaste!
Oh noche amable más que la alborada!
Oh noche que juntaste
amado con amada,
amada en el amado transformada!

6

En mi pecho florido,
que entero para él solo se guardaba
alli quedó dormido
y yo le regalaba
y el ventalle de cedros aire daba.

7

El aire de la almena
cuando yo sus cabellos esparcia
con su mano serena
en mi cuello heria
y todos mis sentidos suspendia.

8

Quedéme y olvidéme ;
el rostro recliné sobre el amado ;
cesó todo, y dejéme
dejando mi cuidado
entre las azucenas olvidado.

I

Pendant une nuit
obscure, enflammée
d’un amour inquiet, ô
l’heureuse fortune ! je
suis sortie sans être
aperçue, lorsque ma
maison était tranquille.

II

Étant assurée et
déguisée, je suis sortie
par un degré secret, ô
l’heureuse fortune ! et
étant bien cachée
dans les ténèbres,
lorsque ma maison
était tranquille.

III

Pendant cette
heureuse nuit, je suis
sortie en ce lieu
secret, où personne ne
me voyait, et où je ne
voyais rien, sans autre
guide et sans autre
lumière que celle qui
luisait dans mon cœur.

IV

Elle me conduisait
plus sûrement que
la lumière du midi, au
lieu où celui qui me
connaît très-bien
m’attendait, et où
personne ne paraissait.

V

O nuit qui m’as
conduite! ô nuit plus
aimable que l’aurore !
ô nuit qui as uni le
bien aimé avec la
bien-aimée, en
transformant l’amante
en son Bien-Aimé !

VI

Il dort tranquille dans
mon sein qui est plein
de Heurs, et que je.
garde tout entier pour
lui seul : je le chéris et
le rafraîchis avec un
éventail de cèdre.

VII

Lorsque le vent de
l’aurore faisait voler
ses cheveux, il m’a
frappé le cou avec sa
main douce et
paisible, et il a
suspendu tous mes sens.

VIII

En me délaissant et
en m’oubliant moi-même,
j’ai penché
mon visage sur mon
bien-aimé. Toutes
choses étant perdues
pour moi. je me suis
quittée et abandonnée
moi-même, en me
délivrant de tout soin,
entre les lis blancs.

I

Par une nuit profonde,
Étant pleine d’angoisse et enflammée d’amour,
Oh! l’heureux sort!
Je sortis sans être vue,
Tandis que ma demeure était déjà en paix..

II

J’étais dans les ténèbres et en sûreté
Quand je sortis déguisée par l’escalier secret,
Oh! l’heureux sort!
J’étais dans les ténèbres et en cachette,
Tandis que ma demeure était déjà en paix..

III

Dans cette heureuse nuit,
Je me tenais dans le secret, personne ne me voyait,
Et je n’apercevais rien
Pour me guider que la lumière
Qui brûlait dans mon cœur..

IV

Elle me guidait
Plus sûrement que la lumière du midi
Au but où m’attendait
Celui que j’aimais,
Là où nul autre ne se voyait..

V

O nuit qui m’avez guidée!
O nuit plus aimable que l’aurore!
O nuit qui avez uni
L’aimé avec sa bien-aimée
Qui a été transformée en lui!.

VI

Sur mon sein orné de fleurs,
Que je gardais tout entier pour lui seul,
Il resta endormi,
Et moi je le caressais
Et avec un éventail de cèdre je le rafraîchissais..

VII

Quand le souffle provenant du fort
Soulevait déjà sa chevelure,
De sa douce main
Posée sur mon cou il me blessait,
Et tous mes sens furent suspendus..

VIII

Je restai là et m’oubliai,
Le visage penché sur le Bien-Aimé.
Tout cessa pour moi, et je m’abandonnai à lui,
Je lui confiai tous mes soucis
Et m’oubliai au milieu des lis.

1.

Par une nuit obscure,
enflammée d’un amour plein d’ardeur,
ô l’heureuse aventure,
j’allai sans être vue,
sortant de ma maison apaisée.

2.

Dans l’obscur et très sûre,
par l’échelle secrète, déguisée,
ô l’heureuse aventure,
dans l’obscur, en cachette,
ma maison désormais apaisée.

3.

Dans cette nuit heureuse,
en secret, car nul ne me voyait,
ni moi ne voyais rien,
sans autre lueur ni guide
que celle qui en mon cœur brûlait.

4.

Celle-ci me guidait,
plus sûre que celle de midi
au lieu où m’attendait,
moi, je savais bien qui,
en un lieu où nul ne paraissait.

5.

Ô nuit qui a conduit,
ô nuit plus aimable que l’aurore,
ô nuit qui as uni
l’ami avec l’aimée,
l’aimée en son ami transformée.

6.

Contre mon sein fleuri
qui entier, pour lui seul, se gardait,
il resta endormi,
moi je le caressais
et l’éventail des cèdres l’éventait.

7.

La brise du créneau,
quand mes doigts caressaient ses cheveux,
avec sa main légère
à mon cou me blessait
et tenait en suspens tous mes sens.

8.

M’oubliant, je restai
le visage penché sur l’ami.
Tout cessa, je cédai,
délaissant mon souci,
parmi les fleurs de lis oublié.

Annexes