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Couleurs

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Données générales

Date de stabilisationLieu de la stabilisationLieu d’utilisation principalÉquivalents approximatifsÉléments d’ensemble
Paléolithique supérieur (Recoupements archéologiques)UniverselUniversel= Archétypes Émotions

Descriptions

Introduction

► Symbolisme fondamental de l’humanité, issu de la lumière pure, d’une source unique se décomposant en plusieurs faisceaux polarisés, les couleurs et leur symbolisme sont présentes depuis au moins les premières peintures rupestres et dans toutes les aires géographiques.

↳ Néanmoins, en fonction du contexte leur nombre et délimitations ont pu varier et, de la même manière que la spiritualité, leur significations se restreindre ou s’étendre en fonction des dispositions psychologiques et technologique du peuple les utilisant. En occident par exemple, l’héraldisme à considérablement aidé à construire une réflexion autour des couleurs. D’autre part, certaines d’entre elles étaient difficiles à obtenir, comme le bleu qui était très ardu à se procurer au néolithique.

↳ Aussi, il est patent que certaines couleurs ne possèdent pas nécessairement de vocabulaire équivalent dans chaque langue ni à chaque époque et que ce vocabulaire se construit dans l’histoire de l’humanité après des temps de gestation. Les couleurs blanche et noire illustrant l’opposition clarté et obscurité sont les premières à être utilisées et elles sont associées au zénith et au nadir. Puis, à partir de l’antiquité, vient le rouge comme manifestation d’une couleur intermédiaire, le jaune, puis le vert et le bleu à partir du moyen-âge, sont usuellement les deux couleurs ensuite distinguées. A contrario le orange ou le gris, sont des délimitations récentes.

I. Le cas du vert-bleu

↪ Par exemple, chez la plupart des amérindiens le bleu ne se distingue pas du vert et un seul mot est utilisé pour désigner ces deux couleurs. La même confusion antique entre bleu et vert est visible chez les celtes (glas) et les chinois (qing).

↳ Un cas notable est celui des aztèques qui disposent d’un symbolisme double vis à vis de ces couleurs : la chalchihuitl {cœur de la terre}, désigne les pierres sacrées(1) avec lesquelles on sculptait les statuettes des dieux. Elles sont à la fois des pierres solaires et lunaires, à la fois un symbole de mort et de destruction, de fertilité et de renaissance, en somme un symbole de pureté et de perfection vitale.

↳ Dans leur forme lunaire et inférieure, elle représentent la pluie et le sang, les forces en rapport avec la Lune. Dans leur forme exaltée (désignant l’émeraude en particulier), elles sont quetzalitzli et étaient liées à Quetzacoalt qui arborait les mêmes couleurs. On introduisait cette gemme en lieu et place du cœur à l’intérieur des morts qui en étaient dignes afin de les diviniser dans leur état post-mortem(2).

Significations

I. Principes

► La lumière est associé au principe unique et les couleurs passent pour la signature de ses ministres(3), grands principes structurant l’univers, aussi elles furent mises en valeur dans diverses sociétés : des fresques égyptiennes et grecques jusqu’aux vitraux des églises chrétiennes.

► Leur impact sur la psyché est significative et la psychologie à mis en évidence deux axes : les couleurs chaudes sont des stimulants et mettent en mouvement sentiments et passions, elles amènent la circulation des tensions et portent ainsi à l’action, les froides en revanche, sont apaisantes et renforcent la domination des pensées, bridant les pulsions : elles amènent alors la modération et la maîtrise, suscitent l’introspection. En outre, les claires sont plus bénéfiques mais surchargent les nerfs quand les plus mates impactent en profondeur mais entraînent une apathie nerveuse pouvant mener à des émotions néfastes.

↳ Cela met en valeur la dualité fondamentale des principes colorés : chacune possède un symbolisme positif et négatif qui est illustré par la luminosité ou l’obscurité qui l’accompagne.

II. Universalité

En tant que système symbolique primaire composé de plusieurs éléments disposés sur un même niveau de réalité et illustrant ainsi une totalité finie, les couleurs sont complémentaires et combinables. Elles sont en nombre limité pour l’œil qui s’attache à les isoler mais aussi pourvues d’un spectre théoriquement infini de valeurs, de vivacités et de tons permettant l’expression d’une multitude de subtilités.

↳ Ces nombreuses variations sont par ailleurs potentiellement autant d’émotions analogiquement déclenchées et permettent d’une part de faire des couleurs des signatures en ce sens qu’elles manifestent visuellement la qualité des objets et d’autre part des agents magiques, soit comme canal de communication avec les forces afférentes, soit comme efficace et signifiant dans une action rituelle.

↳ Ces différentes caractéristiques font que les couleurs se prêtent volontiers au symbolisme ainsi qu’à la description de notions subtiles. Cela leur ont permis de se trouver utilisées comme point de repère synthétique dans plusieurs systèmes initiatiques et politiques, mystiques et magiques et en conséquence intégrés comme dénominateur commun des divers tableaux analogiques.

↪ Aussi, Rumi et al-Jili les utilisent pour la description des états extatiques, l’un dans un symbolisme psychologique et l’autre astrologique. Les naqshbandiyya et Semnânî en usent quant à eux pour décrire les centres subtils(4).

↪ On les associe également volontiers aux autres systèmes symboliques primaires comme les chiffres, lettres et formes géométriques, aux éléments et aux directions(5), aux minéraux, végétaux, animaux et aux planètes (Hérodote rapporte (I, 98) que la ville sacrée d’Ecbatane disposait de murailles disposées en cercles concentriques, s’élevant en gradins l’une sur l’autre et dont les créneaux était peints de sept couleurs : blanc, noir, pourpre, bleu, orange, argent et or.), aux notes de musique (plusieurs correspondances sur l’échelle diatonique ou chromatique existent en prenant ou non les couleurs composées), aux émotions, aux concepts et aux dieux.

Organisations

► Si Fludd, s’inspirant d’Aristote et Pythagore est le premier à mettre en ordre les couleurs sur un cercle chromatique, c’est Newton qui en réfractant la lumière dans un prisme, met en évidence les couleurs que l’on retrouve dans l’arc-en-ciel comme faisant partie d’une unité plutôt que d’être une simple teinte.

Goethe, dans son Traité des couleurs Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur Internet Archive s’opposera à sa théorie, lui préférant une approche sensitive et subjective ainsi qu’une organisation basée sur la polarité et les jeux de lumière - où le jaune et le bleu sont les deux couleurs extrêmes - qui trouvera sa postérité dans l’art et la psychologie.

↪ Frédéric Portal avec son Des couleurs symboliques Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur Internet Archive proposera une pertinente synthèse récapitulative du symbolisme chromatique lorsque cinquante ans plus tard, Kandinsky abordera avec sensibilité les notions de couleurs dans un passage bien connu de son Du spirituel dans l’art et enfin plus récemment, le médiéviste Michel Pastoureau produit avec sa série Histoire d’une couleur d’exhaustives synthèses historiques individuellement dédiées à chaque couleur.

I. Analogies

Exemples d’associations entre les couleurs et les directions cardinales
Apache Christianisme Cree Grec Hindou Kawésqar Mayas Navajo Ojibwés Pueblo Sioux Taoisme Vajrayana
Nord Blanc Bleu Blanc Vert Vert Bleu Blanc Noir Blanc Jaune Rouge Noir Vert
Sud Vert Jaune Rouge Rouge Rouge Vert Jaune Bleu Rouge Rouge Blanc Rouge Jaune
Est Jaune Vert Noir Jaune Jaune Jaune Rouge Blanc Jaune Blanc Jaune Qing Bleu
Ouest Noir Rouge Jaune Bleu Bleu Rouge Noir Jaune Noir Bleu Noir Blanc Rouge
Centre Blanc Chalchihuitl Multicolore Jaune Blanc

Individuellement

Noir

I. Description

► Le noir est une absence de couleur, il évoque l’obscurité, les ténèbres et la nuit et ainsi l’invisible et le caché, en somme, le vide par négation, la fusion des couleurs dans ce qu’elles sont de fondamental et primaire dans une indifférenciation froide et silencieuse.

Impur mais vierge, non-manifesté mais en constante action dans le monde, le noir est Kali à la peau noire et Artémis Éphésienne à la bétyle noire de Pessinonte : fascinante et redoutable, indispensable et fondamentale. Ainsi, néfaste, le noir est lié aux idées de tristesse et d’abandon, de peur et d’angoisse, de malheur et de danger, de deuil et de mort et en conséquence, il invoque le péché et la pénitence, le renoncement, l’humilité et le sacrifice qui en découle, la mort au monde et à ses passions.

↪ Il détruit par perte et accaparement ce qui est inutile, modère une action vaine lancée vers sa propre perte par la déconstruction dévoratrice de toute cohérence et demeure ainsi lié aux forces involutives qui nient le déploiement de la vie, nient la vie illusoire pour préparer à la renaissance. Figurant alors l’action du temps, celle qui permet de temporiser, de se recueillir en soi.

↪ On lui assigne les notions de mystère, d’épreuve et de souffrance, de descente aux enfers. Mais puisque le noir déconstruit, et qu’il est contraction, il représente un retour aux origines de toute chose, portant ainsi en soi les germes d’un commencement préexistant à l’illumination de la naissance, aux forces formatrices et imprégnatrices qui saturent l’occulte, tel une vierge noire trônant dans une profonde caverne-matrice. Ou Amon, il est est à la fois caché et fertile, masquant à son apex un rouge vif, un passage étroit mais libérateur, un bain dans les eaux abyssales, primordiales, utérines.

↪ Aussi lorsqu’il s’éclaircit, il devient le brun ou le gris car il est lié à la terre, au limon, et à la matière, sableuse et ocre, mère dévorante et résurrectrice, initiatrice, qui pesante comme le plomb est la constriction des formes qui agit pour en libérer les forces de fertilité afin de projeter l’être dans une éternelle régénération, préservant l’essentiel tel Anubis embaumant le corps.

↪ Sous son apparente opacité, sa simplicité, il cache ainsi une force humide et sophistiquée, totalisant dans son unité rétractée et chaotique la somme de toutes les forces cosmiques qui s’entrechoquent pour faire exploser la vie, comme un nuage qui orageux grognerait d’une sombre fureur génitrice. Portant un rouge obscur, primitif, lové instinctivement dans ses particules, le noir est empreint d’une émotion révoltée : celle de l’être qui refusant de mourir cherche sa propre régénération et son autonomie. Cherche son combat vengeur contre l’action du temps qu’il est parvenu à intégrer, à courber dans un malkuth cyclique.

↪ Alors, si il est agression pour celui qui le subit, il est aussi protection pour celui qui l’anticipe et qui recherche sa propre destruction révolutive par un lâché prise laissant libre court aux forces dissolutives, sans pour autant les laisser aveuglément et maladroitement tout envahir. Il les domine et les met à profit en apportant un rayon de conscience lumineuse, qui loin de détruire ces forces maturatives et imaginatives dans un excès de zèle, leur laisse libre court autour de son axe pour ouvrir des chemins inconnus. Ainsi, les surfaces obscures éclairées ne se révèlent point monstrueuses : elles sont eau de vie, dès lors pourquoi en éclairer toute surface jusqu’à leur évaporation ?

↪ Le noir est couleur de maîtrise, de celui qui domine avec prudence et constance les forces guerrières en retournant contre lui le dard de la destruction. Intégrant ainsi les forces douloureuses de la transformation et assumant les épreuves, il devient capable d’ingérer la force qui purifie par le saccage et enrichit par une saturation infinie d’une vitalité capable de s’enfoncer si profondément dans l’être qu’elle le modifie fatalement.

↳ C’est l’œuvre au noir alchimique faisant découvrir la materia prima, la figuration de l’incubation hallucinée, l’esprit sombre qui rectifie par l’introspection unificatrice. Lorsque le noir se fait ainsi brillant comme le ciel étoilé, il représente le lointain cosmos, le royaume intrigant et hypnotisant de la divinité transcendante, le ténébreux gué séparant la lumière réfléchie de la lumière vraie, comme l’hiver sépare le soleil mourant de l’automne et le celui rajeuni du printemps.

↳ C’est ainsi une couleur de temps et de transformation, de chaos et de génération. Associé avec son opposé, le blanc, avec qui il partage l’idée d’un aveuglement par surplus d’informations, il s’unit avec lui dans une hiérogamie équilibrante et figurent ensemble la dualité fondamentale. Ils partagent en conséquence, certains attributs notablement celui d’absolu et d’espoir, sont tout deux annonciateurs du rouge qui en émerge.

II. Exemples

◆ Couleur de Saturne [1] ◆ Peau de Chronos ◆ Peau de Poséidon ◆ Sacrifices de taureaux noirs à Poséidon ◆ Sacrifices d’animaux noirs à HadèsOsiris mourant ◆ Peau de Krishna [1] ◆ Christ en tentation ◆ Hırka des mevlevis ◆ Déesses génitrices et/ou sous leur aspect chaotique (Aphrodite, Hathor, Isis…) ◆ Vierge noire (ntm. Sara la noire) ◆ Couleur de Coatlicue ◆ Peau de Kālī ◆ Peau de Mahākāla ◆ Tunique de Cérès ◆ Couleur de la Diane d’éphèse ◆ Couleur de la Ka’ba ◆ Couleur des dökkálfar ◆ Couleur du Diable [1] ◆ Cheval de Famine, cavalier de l’apocalypse

Blanc

I. Description

Union éclatante de toutes les couleurs, feu intelligent et splendide, le blanc est la représentation de la lumière et de son éclat. En conséquence, il représente ce qui est fondamental et principiel : la vérité, la sagesse et la pureté, dans leurs acceptations transcendantales, dans leur stabilité intemporelle, immuables, éternelles.

↳ Il s’agit ainsi de la couleur du Père qui apporte les grâces et fait triompher sans partage. Ces principes évoquent encore pour l’Homme ce qui est bon, sincère et faste, joyeux, simple et innocent. En somme, le bonheur et l’illumination, les forces aériennes et mercurielles de dilatation et de liberté ainsi que les qualités qui l’amènent : la foi et l’humilité, la chasteté et l’intégrité capables de tout intégrer et de projeter par la sublimation les forces vers le haut, dans une spirale évolutive repoussant le mal et ignorant les dualités.

↳ Le blanc est donc de bon augure, représente la promesse, un espoir, une neutralité sur le point d’être teinte, une alliance équanime qui repousse les mauvaises passions, une union osiriaque qui transfigure à l’aube. Il est une puissance curative omnisciente et capable d’éloigner la mort, phase préliminaire à l’initiation qui passe par la reconnaissance d’un principe supérieur à l’obscurité de la vie matérielle, mais aussi phase finale qui est l’éclat et la pureté offerte à celui qui vainqueur du mal, saint, s’est hissé près de Dieu.

↪ Le blanc est encore proche de l’argent couleur de la lune, miroir capable de refléter la réalité, terre de pureté et de secret pleine de virtualités où gisent les morts. Mais livide, il est couleur néfaste des morts qui recherchent la force vitale des vivants, de la vieillesse qui au cœur de l’hiver est sans polarité et approche de son anéantissement froid et rigide.

↳ C’est tout comme son opposé le noir, une couleur de vide, une couleur de deuil mais dans un sens néanmoins plus positif, car la mort est alors associé à ces idées de vie transcendée, de libération spirituelle de la gangue matérielle sur laquelle elle célèbre sa victoire par une puissance franche, constante et héroïque, disposée au sommet et qui s’épanouit dans une multiplicité focalisée, révélant un bouton écarlate.

↳ Comme elle est vertu spirituelle et véhicule l’idée d’une transcendance positive, d’une perfection morale incorruptible, les hauts dignitaires ecclésiastiques comme les novices de bien des religions sont habillés de blanc qui est une couleur de disponibilité et de passage qui annonce une vie transmutée.

↪ Différencié du noir, le blanc est unification génératrice qui créer les formes en les projetant vers l’extérieur comme un lait nourricier alors que le noir, fertile mais compacté, se dévorant lui-même, n’en est pas capable sans intervention extérieure qui puisse ouvrir ses multiples cerclages intérieurs en révélant son humidité. La couleur d’Héra est encore un espace dilaté permettant à l’être de s’y étendre et d’y rebondir, c’est un sol nourricier mais point contraignant comme l’est le noir qui est une force directive.

↳ Pour ces raisons, dans l’antiquité on sacrifiait des animaux blancs aux dieux célestes et noirs aux dieux chthoniens. Voyons enfin que lorsque le jaune s’unit au blanc, il représente plus volontiers l’air dans son sens spirituel : le fluide subtil et doré qui montre l’âme ayant atteint le ravissement combinant pureté émotionnelle et intensité intellectuelle : force vitale purifiée et active.

II. Exemples

◆ Couleur de la lune ◆ Vêtements de Dieu ◆ Pilosité de Dieu ◆ Peau de Shiva ◆ Peau de Vairocana ◆ Pilosité de Pan ◆ Peau de Jupiter ◆ Couleur de ZeusChrist ressuscité ◆ Vêtements des anges ◆ Couleur des fantômes et de la mort (Chine, Aztèque, Afrique) ◆ Couleur des ljósálfar ◆ Couleur des tenues sacerdotales des indo-européens ◆ Couleur des linceuls égyptiens (et leurs influencés) ◆ Destegül et tennure des mevlevis ◆ Cheval de Conquête, cavalier de l’apocalypse

Rouge

I. Description

► Couleur vitale et génésique, le rouge est la couleur du feu (surtout s’il est amalgamé d’orange), du sang et de la vie, des sentiments et de la passion, du désir et de la séduction, de l’amour divin puis Humain et du danger. Il s’agit d’une des plus anciennes couleurs que l’Homme à employé, les peintures rupestres et l’emploi qu’en font encore les sociétés traditionnelles sont là pour en témoigner tout comme le nom d’Adam qui étymologiquement, fait référence au rougeâtre.

↪ Le rouge évoque la chaleur, l’intensité et la franchise, une puissance tonique et un mouvement impérieux, véhément, soit externe soit interne selon sa clarté qu’il diffuse alentours. Entraînant et inquiétant, repoussant et attirant, il figure en somme, le déploiement exacerbé et sans frein de l’énergie vitale qui se focalise sur un objet unique comme le dévot se focalise sur Dieu ou l’amoureux sur l’objet de son désir. L’un et l’autre demeurant alors prêts à tout renverser et sacrifier pour plaire à celui qu’ils adorent et jouir de sa compagnie.

↳ Couleur du cinabre, le rouge est ainsi à la fois digestion secrète et transformation régénérative, figurant la force intérieure qui se meut de manière interne comme une matrice ou un fourneau, représentant tout à la fois le liquide dont on se nourrit et celui que l’on perd en expirant par la violence. S’unissant alors au blanc spermatique, il devient perfection aurique.

↳ Mais une fois déployé il est aussi radiance solaire à son apogée, distribuant avec une impulsion juvénile et une explosion orgiaque, santé, beauté et richesses.

↳ Exagéré, agité, ainsi aveugle et monstrueux, il se fait enfin haineux, cruel et infernal. Passion, le rouge représente aussi l’impétuosité, la cruauté et la méchanceté. Seth, il est agressif et nuisible aux corps comme aux esprits, comme l’est l’avidité pour les richesses et le pouvoir, mais focalisé et dominé, il est forge qui sait vaincre le mal.

Rajas, effort tendu et focalisation mentale, le rouge est la couleur de la guerre, du massacre et de la fureur, du courage et de la discipline, de l’individuation et de l’autonomie, figurant, lorsque se rapprochant de l’or il est brillant et agrémenté de jaune, l’intelligence et l’esprit, l’action et la gloire. Mais aussi, soufre fixe, il est la charité et miel sublimé, robe de Bacchus, il est encore figuration du Saint-Esprit qui tel le phénix, toujours régénère l’univers et ses créatures dans un mouvement rotatif, interne et enflammé.

↳ Il est comme le feu central qui apporte l’immortalité lorsque un passage vertical s’ouvre dans la furieuse rotation, lorsque la matrice de la nature enflammée laisse échapper glorieuse, l’âme transmutée qui jaillit synthétique, pour sa seconde naissance. Le rouge est l’axe horizontal, représente la quantité et la pratique, quand son complémentaire le bleu est celui du vertical et de la qualité et le théorique, l’un et l’autre allant du plus sombre au plus clair à mesure qu’il progresse d’occident en orient, du nadir au zénith pour finalement se confondre dans le noir ou le blanc.

II. Exemples

◆ Couleur de Mars ◆ Couleur du Bélier ◆ Couleur d’Arès ◆ Peau d’Adam ◆ Peau d’Amitabha ◆ Couleur des vivants (Chine) ◆ Couleur du yang plein (Chine) ◆ Couleur de Seth ◆ Couleur d’Apophis ◆ Cheval de Guerre, cavalier de l’apocalypse ◆ Couleur du Diable [2]

Bleu

I. Description

► Bleu, couleur du ciel et de la mer, évoque les notions de surface, de profondeur et d’immensité transcendante, d’esprit de recueillement, de vérité, de pensée fidèle, emprunte de constance, de sérénité et de candeur. Il dépeint un temple niché dans la voûte étoilée : éthéré, ouvert et dilaté, quasi-désincarné dont la vision apporte complétude, apaisement, repos et douceur.

↳ Père ouranien d’une harmonieuse et sereine beauté, air subtil composé de vide concentré, couronne et fondement de toute chose, il est gage de science et de sapience, de compétence et de production qualitative mais aussi de rêve créateur, de réalité substantielle douce mais impérieuse, solennelle, détachée des contingences matérielles.

Agglomération magique du firmament impalpable, le bleu est couleur du manteau virginal, celle de l’enfance, de la pureté qui est non polarisée et flottante au dessus des eaux chaotiques. Le bleu invite à la réflexion, à l’étude sérieuse et c’est en art, une couleur difficile à obtenir. Feu céleste, elle reste en somme couleur d’excellence et de supériorité. À l’instar du violet, elle est associé aux mystères et à la mort et si elle s’assombrit, elle évoque mélancolie, abandon et tristesse.

↪ Cet Amon évoque aussi des notions de fuite, d’éloignement, de distance et d’obscurité inatteignable, d’éternité immobile, mystérieuse, grave et impavide, de pouvoir incompréhensible qui parait surnaturel, mécanique et épouvantable, dépouillé et impersonnel. Il attire autant qu’il décourage, invite tout en reculant, fixant le sujet tout en étant concentré sur lui-même. Il semble aider par les biens qu’il procure autant que punir par sa froideur, foudroyer par sa radicalité, à l’instar du voile cosmique séparant la nature des territoires divins, la mortalité de l’immortalité.

► On se sert conjointement du bleu avec le rouge pour signifier deux polarités complémentaires : feu divin, céleste et feu humain, terrestre ou soleil de l’esprit et lune de l’âme ou simplement ciel et enfer et encore plus prosaïquement, conservateurs et révolutionnaires.

II. Exemples

◆ Couleur de Jupiter ◆ Couleur de Tangri ◆ Face de Khnoum ◆ Manteau de la Vierge ◆ Toge d’Apollon ◆ Manteau d’Óðinn ◆ Couleur d’Héra ◆ Peau de Krishna [2] ◆ Peau d’Akshobhya ◆ Équipement de Töshtük ◆ Christ en prédication (i.e. comme Vérité) ◆ Couleur de la cité Luz ◆ Porte bonheur, sincérité et fidélité : gemmes bleues choisies pour monter une bague de fiançailles (Russie) ◆ Protège du mauvais œil (Orient) ◆ Couleur des morts (Chine)

Vert

I. Description

► Couleur de jeunesse représentant la profusion végétale de l’énergie vitale, le vert indique liberté et gaieté, beauté et santé, l’amour et la sagesse en actes quand ils sont pénétrés dans la matière. Aqueuse et mystérieuse, de bonne augure et rassurante, cette couleur représente les forces sensitives et le renouveau plein d’espoir des forces croissantes, abondantes mais néanmoins instables illustrant l’envie de vivre et la victoire des forces constructives par un surplus simple et régénératif, ingénieux et inventif.

↳ Aussi, par extension, volage et insouciant, rafraîchissant de rêveries printanières et quelque peu investi des forces automatisantes d’une nature généreuse, le vert est symbole de clémence et de bon goût, de chance et de hasard, figure l’âme dans son protéimorphisme : l’Homme en général. Intermédiaire entre le haut et le bas, le vert est tiède et médiateur, harmonie, équilibre et justice et ainsi paix, longévité et immortalité, il est tel une oasis pleine de richesses, un guide qui ramène au centre, un cocon ou un Graal tout à la fois calmant et tonifiant.

↪ Mais si le vert est végétatif, il recèle en lui une force indomptable, une percée dissolvante qui ignore les conditions, flatteries, menaces et passions, avance avec une imperturbable inflexibilité : celle de la nature qui eau enflammée, engloutit toutes les formes éphémères sur son passage grâce aux décrets divins dont elle est porteuse.

↳ Le vert est ainsi un chaos rectifié qui ne chante plus que la parole divine, Vénus céleste née de l’écume, matière noire porteuse du lumière, sève amoureuse s’élevant naturellement par le désir serpentin. Ainsi parèdre du soleil-jaune, elle est animée par son verbe rayonnant qu’elle reproduit d’infinies façons et prend ainsi la place de l’inéluctable et éternelle initiatrice détentrice d’un puissant secret magique, des profonds arcanes du destin, inattendus et inquiétants.

► Rendu sombre et glauque, le vert, de médecine devient poison. Il se fait marécage poisseux, visqueux, corrompu, évoquant la dégradation et la pourriture par une surabondance ou un incontrôle de la vitalité. Il signe ainsi ce qui est sinistre et engendre l’apathie, la passivité et le désespoir, devient symbole de la folie et de la dépravation. En conséquence, il est à partir de la fin du moyen-âge, couleur du diable et de ses minions notamment la sorcière 👁 et le dragon.

II. Exemples

◆ Couleur de Vénus ◆ Couleur d’Aphrodite ◆ Trône de Dieu (Graal, table d’Emeraude, escarboucle de Lucifer) ◆ Couleur du suprême caché (Islam) ◆ Osiris ressuscitant ◆ Toge de Poséidon ◆ Robe de Freyja ◆ Peau d’Amoghasiddhi ◆ Peau de Ganesh ◆ Poils d’Hanoumân ◆ Croix du Christ ◆ Tunique de saint Jean ◆ Habits des nymphes ◆ Couleur des esprits naturels ◆ Couleur du Diable [3] ◆ Couleur de la charité (Chine)

Jaune

I. Description

► Représentant la lumière et la révélation, éclatant d’or lorsque elle est portée à la brillance comme le blanc ou le gris se fait argent, la couleur jaune évoque le soleil tant dans son rayonnement aveuglant et vibrant que dans sa puissance juvénile, expansive et ardente qui perce le ciel pour y apporter ses radiations.

↳ Dans cette mesure, elle invoque le vertu et la dignité et ainsi la force, l’entendement, l’intellect et l’intuition et ainsi un savoir clair. Elle engendre enfin la compétence, le prestige et le bonheur. En somme, elle est ce qui est centrale et va droit au cœur, réchauffe par sa proximité et sa chaleur, trône avec noblesse et éternité, figure le pouvoir et le prestige des rois : le grand œuvre, union de l’amour et de la sagesse conjointes ensemble au travail, la foi, la vie au sens transcendant dans l’union à Dieu.

↪ Le jaune étant énergie qui va du ciel vers la terre, est aussi force primale vectorisée, manifestée en terre fertile, nourricière et centrale, saturée des forces cycliques produisant avec constance le blé et le maïs, fabriquant la chaire dorée des immortels dont se nourrit l’initié. Le jaune est alors carrefour, médiateur et psychopompe, il sustente, éclaire, guide et rend justice, pesant les actions, faisant respecter les contrats, gardien de la transmutation. En somme, le jaune est tel la foudre, reliant ciel et terre comme un pont et lorsqu’il est manifesté, moyeu roulant autour d’un axe et permettant aux autres forces de faire œuvre de permutation

► Lorsqu’elle devient ocre et que son mouvement se ralenti, elle est une couleur accessoire, neutre et intermédiaire, évoquant les feuilles automnales et quant elle tire vers le glauque alors qu’elle est presque immobile, elle fusionne adultère avec le gouffre matériel et devient soufre infernal : elle appelle égocentrisme et arrogance, jalousie et trahison, cynisme et dissimulation, maladie et déclin.

II. Exemples

◆ Couleur du Soleil [1] ◆ Vêtements de Vishnu ◆ Couleur de Mithra ◆ Couleur d’Apollon ◆ Peau de Ratnasambhava ◆ Fertilité (Chine) ◆ Oeuf de Brahma ◆ Couleur de HorusChrist en gloire ◆ Couleur du Haoma ◆ Couleur du Om ◆ Couleur d’Ahura Mazda ◆ Yeux de Soura au Chinvat ◆ Couleur d’Athéna ◆ Couleur d’Anubis ◆ Couleur des pommes Hespérides

Violet

I. Description

► Fusion du bleu et du rouge, le violet est la combinaison de ces deux couleurs et signifie en propre, la tempérance et la réunion des pôles opposés, du chthonien et du céleste, du contingent subjectif et de l’absolu objectif, de l’amour et la bonté avec la vérité et la sagesse et en définitive, de la projection de la vitalité individuelle dans le plan de l’éternité.

↳ Couleur de transmutation, elle arrache la force de vie à la gangue matérielle, opère un passage entre deux pôles par la force de la rectitude et de la foi indomptable car soutenue par la raison et haranguée par l’affection. Le violet, mécanisme qui permet au vert de s’élever, figure la souffrance et le deuil, le lien nécessaire menant à la transcendance.

↳ Passage obscur de la vie à la mort, elle représente l’exaltation maîtrisée, le plaisir dominé, l’énergie domptée, en somme le sacrifice et la passion, de celle qui force les amalgamations jusqu’à l’extrême fusion et termine les hiérogamies, termine le temps et l’espace dans une mystique mélancolique, une sublimation ferme, inaltérable et victorieuse de l’âme se détachant des contingences en emportant l’objet de son désir.

► Le pourpre, sophistiqué, mercuriel et aérien est puissant et empli de l’autorité de celui qui est élevé par sa maîtrise spirituelle et se rend apte à organiser et gérer les choses et les êtres avec résolution et justice : il est en conséquence, un habit royal ainsi que de dignité ecclésiastique. Assombri, le violet est la couleur de la traîtrise, de la fausseté et de l’erreur et par là, des fanatismes, de l’hérésie et de la perversité.

II. Exemples

◆ Couleur de Saturne [2] ◆ Christ en passion

Orange

I. Description

► Composé de rouge et de jaune, fusion de l’amour et de la parole, le orange figure la révélation et la transmission des émotions divines depuis leur source ainsi que leur action sur la matière qui opère une élévation des passions terrestres et des énergies sexuelles par l’illumination, raison de la couleur safranée des flammeum et des kasaya.

↳ Glorieux, l’orangé est l’originelle aurore et l’efficace transmutateur, le lien éternel du créateur à la créature, un déploiement ostentatoire de plaisir et de vitalité. Teinté d’obscurité, il devient gloriole, vanité et prétention, égoïsme et fragilité, luxure et adultère.

II. Exemples

◆ Couleur du Soleil [2] ◆ Vêtements de Dionysos ◆ Vêtements des muses

Marron

I. Description

► Rouge et noir, le marron évoque la terre chthonienne et ses idées de résistance, de robustesse et d’entêtement, de chaleur et de sein maternel, de neutralisation équilibrante. Il représente encore l’automne et la dégradation, l’humilité et la pauvreté, les chaînes de la matière qui sont brisées et tombantes laissant place à une liberté intimidante et paradoxalement contraignante par son manque de complexification.

II. Exemples

◆ Couleur de Mercure [1] ◆ Couleur de Héra ◆ Sikke des mevlevis

Rose

I. Description

► Mélange de rouge et de blanc, le rose, couleur de la chaire, évoque l’innocence et la sincérité, le feu de la passion purifié et sophistiqué, doux mais aussi joyeux et mobile, lunatique et inconstant. Il est ainsi couleur de l’amour, de l’amour de la sagesse dans un sens plus intuitif et duel que ne le représente le jaune qui fusionne ces deux axes dans l’unité.

↳ Symbolisant l’homme nouvellement régénéré par la parole divine et qui accède à une intelligence nouvelle, le rose est couleur puérile, doux feux céleste qui habite ceux qui se lavent dans la douce rosée baptismale. Glauque, il est naïveté, indolence et perfidie.

II. Exemples

◆ Couleur de Mercure [2]

Gris

I. Description

► Couleur intermédiaire entre le blanc et le noir, le gris représente un équilibre suspendu entre deux extrêmes, voir même entre toutes les couleurs, créant ou révélant un nouvel espace équilibré, simultanément parfait et imparfait où le temps est suspendu. Il est couleur figurant l’hésitation et l’indécision, la réflexion et la temporisation, la multiplicité des possibilités, l’informe non manifesté.

► Il représente encore l’innocence accusée, bafouée et calomniée ou inversement le pêcheur en cours de rédemption subissant le purgatoire. Il est aussi symbole de la mort terrestre et l’immortalité spirituelle, de la résurrection des corps. Le gris quant il est sombre, devient opaque fumée, cendres épaisses et mélancoliques : il est impiété et erreur, deuil et mort spirituelle, égo qui nourrit par l’amour dépravé et l’intelligence pervertie, dévore la flamme divine.

II. Exemples

◆ Couleur de Mercure [3] ◆ Couleur d’HermèsChrist au jugement dernier ◆ Cheval de Mort, cavalier de l’apocalypse

Valeur réciproque des couleurs

Valeur réciproque des couleurs
Noir Blanc Rouge Bleu Vert Jaune
Noir - Équivalence Hiérogamie verticale Hiérogamie horizontale Essentialisation Identification
Blanc Équivalence - Solidification Sublimation Identification Essentialisation
Rouge Hiérogamie verticale Sublimation - Équivalence Hiérogamie horizontale Solidification
Bleu Hiérogamie horizontale Solidification Équivalence - Sublimation Hiérogamie horizontale
Vert Transmutation Identification Hiérogamie horizontale Solidification - Hiérogamie verticale
Jaune Identification Transmutation Sublimation Hiérogamie horizontale Hiérogamie verticale -



1. Turquoise, jadéite, émeraude.

2. 𝕍 Chalchihuitl : emplois métaphoriques du mot et symbolisme in Journal de la société des américanistes (64), Marc Thouvenot, 1977 Lien vers le document sur Persée

3. Ou "agents universels" dirait Saint-Martin dans son essai sur l’arc-en-ciel.

4. 𝕍 Dictionnaire des symboles, Chevalier & Gheerbrant, 1969. "Couleurs" pp. 297-298.

5. Fort importantes pour les nord et mésoaméricains chez qui on recense un nombre considérable de variantes en fonction des peuples.