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Les Analectes
Dits de Confucius, Entretiens de Confucius et de ses disciples, 論語 (Lúnyǔ)


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
Confucius-V -IIILittérature (phil.)ChineMoraleNon applicable

Ouvrage fondamental du confucianisme abondamment commenté et faisant partie des 四書 (Sìshū) {Quatre livres}, il est une compilation post-mortem des dits de Confucius par ses disciples. Y est longuement développé, le concept de (Ren) et ses multiples manifestations.

■ Comme on ne réinvente par la roue, nous avons emprunté la transcription de Pierre Palpant, corrigeant et adaptant ce qui s’imposait(1). Il indique(2) : On se reportera utilement, pour la présentation du Louen yu, et plus généralement des ‘Quatre Livres’ et des livres classiques renfermant la doctrine de Confucius, aux éditions CSS (Classique des Sciences Sociales) suivantes : — Confucius, par Edouard Chavannes. — Histoire générale de la Chine, par Henri Cordier. — La Chine antique, par Henri Maspero. — La Pensée chinoise, par Marcel Granet. On retirera enfin, évidemment, un immense avantage à explorer et travailler, sur le très remarquable Site de l’association française des professeurs de Chinois, les pages consacrées aux Entretiens de Confucius Lien vers le site. Il serait d’ailleurs judicieux de lire en parallèle les deux fenêtres css et afpc, les références des paragraphes rendant très aisée cette façon de faire. Notez aussi qu’il a mis en place des liens hypertextes inter-documents que nous ne reproduisons pas ici, utilisez plutôt sa version d’origine si vous voulez profiter de cette superbe fonctionnalité.



1. Comme le déplacement des commentaires de Tchou Hsi.

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Texte et traduction : du chinois ancien au français moderne, Séraphin Couvreur in Les Quatre Livres, 1895. | bs. Université du Québec à Chicoutimi (Chicoutimi, Canada). Lien vers l’œuvre

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CHAPITRE PREMIER

I.1.

Le Maître dit :
— Celui qui cultive la sagesse et ne cesse de la cultiver n’y trouve t il pas de la satisfaction ? Si des amis de la sagesse viennent de loin recevoir ses leçons, n’éprouve t il pas une grande joie ? S’il reste inconnu des hommes et n’en ressent aucune peine, n’est-il pas un vrai sage ?

I.2.

Iou tzeu ditSC1 :
— Parmi les hommes naturellement enclins à respecter leurs parents, à honorer ceux qui sont Au-dessus d’eux, peu aiment à résister à leurs supérieurs. Un homme qui n’aime pas à résister à l’autorité, et cependant aime à exciter du trouble, ne s’est jamais rencontré. Le sage donne son principal soin à la racine. La racine, une fois affermie, donne naissance au tronc et aux branches. L’affection envers nos parents et le respect envers ceux qui sont Au-dessus de nous sont comme la racine de la vertu.

I.3.

Le Maître dit :
— Celui qui par des discours étudiés et un extérieur composé cherche à plaire aux hommes ruine ses vertus naturelles.

I.4.

Tseng tzeu dit :
— Je m’examine chaque jour sur trois choses : Si, traitant une affaire pour un autre, je ne l’ai pas traitée avec moins de soin que si elle eût été ma propre affaire ; si, dans mes relations avec mes amis, je n’ai pas manqué de sincérité ; si je n’ai pas négligé de mettre en pratique les leçons que j’ai reçues.

I.5.

Le Maître dit :
— Celui qui gouverne une principauté qui entretient mille chariots de guerre doit être attentif aux affaires et tenir sa parole, modérer les dépenses et aimer les hommes, n’employer le peuple aux travaux publics que dans les temps convenablesSC2.

I.6.

Le Maître dit :
— Un jeune homme, dans la maison, doit aimer et respecter ses parents. Hors de la maison, il doit respecter ceux qui sont plus âgés ou d’un rang plus élevé que lui. Il doit être attentif et sincère dans ses paroles ; aimer tout le monde, mais se lier plus étroitement avec les hommes vertueux. Ces devoirs remplis, s’il lui reste du temps et des forces, qu’il les emploie à l’étude des lettres et des arts li-béraux.

I.7.

Tzeu hia dit :
— Celui qui, au lieu d’aimer les plaisirs, aime et recherche les hommes sages, qui aide ses parents de toutes ses forces, qui se dépense tout entier au service de son prince, qui avec ses amis parle sincèrement, quand même on me dirait qu’un tel homme n’a pas cultivé la sagesse, j’affirmerais qu’il l’a cultivée.

I.8.

Le Maître dit :
— Si celui qui cultive la sagesse manque de gravité, il ne sera pas respecté et n’acquerra qu’une connaissance superficielle de la vertu. Qu’il mette au premier rang la fidélité et la sincérité ; qu’il ne lie pas amitié avec des hommes qui ne lui ressemblent pasSC3 ; s’il tombe dans un défaut, qu’il ait le courage de s’en corriger.

I.9.

Tseng tzeu dit :
— Si le prince rend les derniers devoirs à ses parents avec un vrai zèle et honore par des offrandes ses ancêtres même éloignés, la piété filiale fleurira parmi le peuple.

I.10.

Tzeu k’in adressa cette question à Tzeu koung :
— Quand notre maître arrive dans une principauté, il reçoit toujours des renseignements sur l’administration de l’État. Est ce lui qui les demande au prince, ou bien est ce le prince qui les lui offre ?

Tzeu koung répondit :
— Notre maître les obtient non par des interrogations, mais par sa douceur, son calme, son respect, sa tenue modeste et sa déférence. Il a une manière d’interroger qui n’est pas celle des autres hommes.

I.11.

Le Maître dit :
— Un fils doit consulter la volonté de son père, tant que son père est en vie, et ses exemples, quand il est mort. Si durant trois ans après la mort de son père, il imite sa conduite en toutes choses, on pourra dire qu’il pratique la piété filiale.

I.12.

Iou tzeu dit :
— Dans l’observation des devoirs mutuels, la concorde est d’un grand prix. C’est pour cette raison que les règles des anciens souverains sont excellentes. Toutes leurs prescriptions, grandes ou petites, ont été inspirées par le désir de la concorde. Cependant, il est une chose qu’il faut éviter : connaître le prix de la concorde, et faire tout pour la concorde, sans tenir compte du devoir, c’est ce qui n’est pas permis.

I.13.

Iou tzeu dit :
— Quand on peut accomplir sa promesse sans manquer à la justice, il faut tenir sa parole. Un respect et des égards conformes aux règles de la bienséance ne sont ni honteux ni déshonorants. Si vous choisissez pour protecteur un homme digne de votre amitié et de votre confiance, vous pourrez lui rester attaché à jamais.

I.14.

Le Maître dit :
— Un disciple de la sagesse qui ne recherche pas la satisfaction de son appétit dans la nourriture, ni ses commodités dans son habitation, qui est expéditif dans les affaires et circonspect dans ses paroles, qui se fait diriger par des hommes vertueux, celui-là a un véritable désir d’apprendre.

I.15.

Tzeu koung dit :
— Que faut-il penser de celui qui, étant pauvre, n’est pas flatteur, ou qui, étant riche, n’est pas orgueilleux ?

Le maître répondit :
— Il est louable ; mais celui-là l’est encore plus qui dans la pauvreté vit content, ou qui au milieu des richesses garde la modération.

Tzeu koung répliqua :
— On lit dans le Cheu king que le sage imite l’ouvrier qui coupe et lime l’ivoire, ou qui taille et polit une pierre précieuse. Ces paroles n’ont elles pas le même sens ?SC4

Le Maître repartit :
— SeuSC5 commence à pouvoir entendre l’explication du Cheu king ; sur ma réponse à sa question, il a aussitôt compris le sens des vers qu’il a cités.

I.16.

Le Maître dit :
— Le sage ne s’afflige pas de ce que les hommes ne le connaissent pas ; il s’afflige de ne pas connaître les hommes.

CHAPITRE II

II.1.

Le Maître dit :
— Celui qui gouverne un peuple en lui donnant de bons exemples est comme l’étoile polaire qui demeure immobile, pendant que toutes les autres étoiles se meuvent autour d’elle.

II.2.

Le Maître dit :
— Les odes du Cheu king sont au nombre de trois cents. Un seul mot les résume toutes : « Avoir des intentions droites. »

II.3.

Le Maître dit :
— Si le prince conduit le peuple au moyen des lois et le retient dans l’unité au moyen des châtiments, le peuple s’abstient de mal faire ; mais il ne connaît aucune honte. Si le prince dirige le peuple par ses bons exemples et fait régner l’union en réglant les usages, le peuple a honte de mal faire, et devient vertueux.

II.4.

Le Maître dit :
— À quinze ans, je m’appliquais à l’étude de la sagesse ; à trente ans, je marchais d’un pas ferme dans le chemin de la vertu ; à quarante ans, j’avais l’intelligence parfaitement éclairée ; à cin-quante ans, je connaissais les lois de la Providence ; à soixante ans, je comprenais, sans avoir besoin d’y réfléchir, tout ce que mon oreille entendait ; à soixante-dix ans, en suivant les désirs de mon cœur, je ne transgressais aucune règle.

II.5.

Meng i tzeu ayant interrogé, sur la piété filiale, le Maître répondit :
— Elle consiste à suivre les prescriptions.

Plus tard, Fan Tch’eu conduisant la voiture de Confucius, le philosophe lui dit :
— Meng i tzeu m’a interrogé sur la piété filiale ; je lui ai répondu qu’elle consiste à observer les prescriptions.

Fan Tch’eu dit :
— Quel est le sens de cette réponse ?

Confucius répondit :
— Un fils doit aider ses parents durant leur vie selon les prescriptions, leur faire des obsèques et des offrandes après leur mort selon les prescriptions.

II.6.

Meng Ou pe, ayant interrogé le Maître sur la piété filiale, reçut cette réponse :
— Les parents craignent par dessus tout que leur fils ne soit malade.

- TH1 -

II.7.

Tzeu iou ayant interrogé Confucius sur la piété filiale, le Maître répondit :
— La piété filiale qu’on pratique maintenant ne consiste qu’à fournir les parents du nécessaire. Or les animaux, tels que les chiens et les chevaux, reçoivent aussi des hommes ce qui leur est nécessaire. Si ce que l’on fait pour les parents n’est pas accompagné de respect, quelle différence met on entre eux et les animaux ?

II.8.

Tzeu hia l’ayant interrogé sur la piété filiale, le Maître répondit :
— Il est difficile de tromper par un faux semblant de piété filiale. Quand les parents ou les frères aînés ont des affaires, si les fils ou les frères puînés leur viennent en aide ; quand Ceux-ci ont du vin et des vivres, s’ils en font part à leurs parents et à leurs aînés, est ce suffisant pour qu’on loue leur piété filialeSC6 ?

II.9.

Le Maître dit :
— Houei écoute mes explications toute une journée sans m’adresser une objection ni une question, comme s’il était dépourvu d’intelligence. Quand il s’est retiré, je considère sa conduite privée, et j’y vois resplendir mes enseignements. Houei n’est pas dépourvu d’intelligence.

II.10.

Le Maître dit :
— Si l’on considère les actions d’un homme, si l’on observe les motifs qui le font agir, si l’on examine ce qui fait son bonheur, pourra-t-il cacher ce qu’il est ?

II.11.

Le Maître dit :
— Celui qui repasse dans son esprit ce qu’il sait déjà, et par ce moyen acquiert de nouvelles connaissances, pourra bientôt enseigner les autres.

II.12.

Le Maître dit :
— L’homme sage n’est pas comme un vase ou un instrumentSC7.

II.13.

Tzeu koung ayant demandé ce que doit faire un homme sage, le Maître répondit :
— Le sage commence par faire ce qu’il veut enseigner ; ensuite il enseigne.

II.14.

Le Maître dit :
— Le sage aime tous les hommes et n’a de partialité pour personne. L’homme vulgaire est partial et n’aime pas tous les hommes.

II.15.

Le Maître dit :
— Entendre ou lire sans réfléchir est une occupation vaine ; réfléchir, sans livre ni maître, est dangereux.

II.16.

Le Maître dit :
— Etudier des doctrines opposéesSC8, c’est nuisible.

II.17.

Le Maître dit :
— IouSC9, voulez-vous que je vous enseigne le moyen d’arriver à la science véritable ? Ce qu’on sait, savoir qu’on le sait ; ce qu’on ne sait pas, savoir qu’on ne le sait pas : c’est savoir véritablement.

II.18.

Tzeu tchang étudiait en vue d’obtenir une charge avec des appointements. Le Maître lui dit :
— Après avoir entendu dire beaucoup de choses, laissez de côté celles qui sont douteuses, dites les autres avec circonspection, et vous serez peu blâmé. Après avoir beaucoup vu, laissez ce qui serait dangereux, et faites le reste avec précaution ; vous aurez rarement à vous repentir. Si vos paroles vous attirent peu de blâme et vos actions peu de repentir, les appointements viendront d’eux-mêmes.

II.19.

Ngai, prince de Lou, dit à Confucius :
— Que doit faire un prince pour que le peuple soit content ?

Le philosophe répondit :
— Si le prince élève aux charges les hommes vertueux et écarte tous les hommes vicieux, le peuple sera satisfait ; si le prince élève aux charges les hommes vicieux et écarte les hommes vertueux, le peuple sera mécontent.

II.20.

Ki K’ang tzeu dit :
— Que faut-il faire pour que le peuple respecte son prince, lui soit fidèle et cultive la vertu ?

Le Maître répondit :
— Que le prince ait en public un maintien grave, et il sera respecté ; qu’il honore ses parents et soit bon envers ses sujets, et ses sujets lui seront fidèles ; qu’il élève aux charges les hommes de bien et forme ceux dont la vertu est encore faible, et il excitera le peuple à cultiver la vertu.

II.21.

Quelqu’un dit à Confucius :
— Maître, pourquoi ne prenez vous aucune part au gouvernement ?

Le philosophe répondit :
— Les Annales ne disent elles pas, en parlant de la piété filiale : « Respectueux envers vos parents et bienveillants envers vos frères, vous ferez fleurir ces vertus partout sous votre gouvernement ? » Faire régner la vertu dans sa famille par son exemple, c’est aussi gouverner. Remplir une charge, est ce la seule manière de prendre part au gouvernement ?

II.22.

Le Maître dit :
— Je ne sais à quoi peut être bon un homme qui manque de sincérité. Comment employer une grosse voiture qui n’a pas de joug pour le bœuf, ou une petite voiture qui n’a pas de joug pour les chevaux ?

II.23.

Tzeu tchang demanda si l’on pouvait savoir d’avance ce que feraient les empereurs de dix dynasties successives. Le Maître répondit :
— La dynastie des In a adopté les prescriptions de la dynastie des HiaSC10 ; on peut connaître par les documents ce qu’elle a ajouté ou retranchéSC11. La dynastie des Tcheou a adopté les prescriptions de la dynastie des In ; ce qu’elle a ajouté ou retranché se trouve mentionné dans les documents. On peut savoir d’avance ce que feront les dynasties à venir, fussent elles au nombre de centSC12.

II.24.

Le Maître dit :
— Celui-là se rend coupable d’adulation, qui sacrifie à un esprit auquel il ne lui appartient pas de sacrifier. Celui-là manque de courage, qui néglige de faire une chose qu’il sait être de son devoir.

CHAPITRE III

III.1.

Le chef de la famille Ki avait huit chœurs de pantomimes qui chantaient dans la cour du temple de ses ancêtres. Confucius dit :
— S’il ose se permettre un tel abus, que n’osera-t-il se permettre ?

- TH2 -

III.2.

Les trois familles faisaient exécuter le chant Ioung, pendant qu’on enlevait les vases, après les offrandes. Le Maître dit :
— Les aides sont tous des princes feudataires ; la tenue du Fils du Ciel est très respectueuse ; comment ces paroles peuvent elles être chantées dans le temple des ancêtres des trois familles ?

- TH3 -

III.3.

Le Maître dit :
— Comment un homme dépourvu des vertus qui sont propres à l’homme peut-il accomplir les cérémonies ? Comment un homme dépourvu des vertus qui sont propres à l’homme peut-il cultiver la musique ?

- TH4 -

III.4.

Lin Fang ayant demandé quelle était la chose la plus nécessaire dans les cérémonies, le Maître répondit :
— Oh ! que cette question est importante ! Dans les démonstrations extérieures, il vaut mieux rester en deçà des limites que de les dépasser ; dans les cérémonies funèbres, la douleur vaut mieux qu’un appareil pompeux.

III.5.

Le Maître dit :
— Les barbares de l’orient et du septentrion, qui ont des princes, sont moins misérables que les nombreux peuples de la Chine ne reconnaissant plus de prince.

III.6.

Le chef de la famille Ki offrait des sacrifices aux Esprits du T’ai chan. Le Maître dit à Jen Iou :
— Ne pouvez vous pas empêcher cet abus ?
Jen Iou répondit :
— Je ne le puis.
Le Maître répliqua :
— Hé ! dira t on que les Esprits du T’ai chan sont moins in-telligents que Lin Fang ?

- TH5 -

III.7.

Le Maître dit :
— Le sage n’a jamais de contestation. S’il en avait, ce serait certainement quand il tire à l’arc. Avant la lutte, il salue humblement ses adversaires et monte à l’endroit préparé. Après la lutte, il boit la liqueur que les vaincus sont condamnés à prendre. Même quand il lutte, il est toujours sage.

- TH6 -

III.8.

Tzeu hia dit à Confucius :
— On lit dans le Cheu king :
Un sourire agréable plisse élégamment les coins de sa bouche ; ses beaux yeux brillent d’un éclat mêlé de noir et de blanc. Un fond blanc reçoit une peinture de diverses couleurs.
Que signifient ces paroles ?
Le Maître répondit :
— Avant de peindre, il faut avoir un fond blanc.
Tzeu hia reprit :
— Ces paroles ne signifient elles pas que les cérémonies extérieures exigent avant tout et présupposent la sincérité des sentiments ?
Le Maître dit :
— Tzeu hia sait éclaircir ma pensée. À présent je puis lui expliquer les odes du Cheu king.

- TH7 -

III.9.

Le Maître dit :
— Je puis exposer les cérémonies de la dynastie des Hia. Mais je ne puis prouver ce que j’en dirais ; car les princes de K’i (descendants des Hia) n’observent plus ces cérémonies et ne peuvent les faire connaître avec certitude. Je puis exposer les cérémonies de la dynastie des in Mais les témoignages font défaut ; car les princes de Soung, descendants des In, n’observent plus ces cérémonies et ne peuvent en donner une connaissance certaine. Les princes de K’i et de Soung ne peuvent faire connaître avec certitude les cérémonies des Hia et des In, parce que les documents et les hommes leur font défaut. S’ils ne faisaient pas défaut, j’aurais des témoignages.

III.10.

Le Maître dit :
— Dans la cérémonie Ti, faite par le prince de Lou, tout ce qui suit les libations me déplaît ; je n’en puis supporter la vue.

- TH8 -

III.11.

Quelqu’un ayant demandé à Confucius ce que signifiait le sacrifice Ti, le Maître répondit :
— Je ne le sais pas. Celui qui le saurait n’aurait pas plus de difficulté à gouverner l’empire qu’à regarder ceci.
En disant ces mots, il montra la paume de sa main.

- TH9 -

III.12.

Confucius faisait des offrandes à ses parents défunts et aux Esprits tutélaires, comme s’il les avait vus présents. Il disait :
— Un sacrifice auquel je n’assisterais pas en personne, et que je ferais offrir par un autre, ne me paraîtrait pas un sacrifice véritable.

III.13.

Wang suenn Kia demanda quel était le sens de cet adage :
Il vaut mieux faire la cour au dieu du foyer qu’aux esprits tutélaires des endroits les plus retirés de la maison.
Le Maître répondit :
— L’un ne vaut pas mieux que l’autre. Celui qui offense le Ciel n’obtiendra son pardon par l’entremise d’aucun Esprit.

- TH10 -

III.14.

Le Maître dit :
— La dynastie des Tcheou a consulté et copié les lois des deux dynasties précédentesSC13. Que les lois des Tcheou sont belles ! Moi, j’observe les lois des Tcheou.

III.15.

Le Maître, étant entré dans le temple dédié au plus ancien des princes de Lou, interrogea sur chacun des rites. Quelqu’un dit :
— Dira t on que le fils du citoyen de Tcheou connaît les rites ? Dans le temple du plus ancien de nos princes, il interroge sur chaque chose.
Le Maître en ayant été informé, répondit :
— En cela, je me suis conformé aux rites.

- TH11 -

III.16.

Le Maître dit :
— Quand on tire à l’arc, le mérite ne consiste pas à transpercer, mais à frapper le centre de la cible ; car les hommes ne sont pas tous d’égale force. Ainsi l’ont décidé les anciens.

- TH12 -

III.17.

Tzeu koungSC14 voulait supprimer l’usage de fournir aux frais de l’État une brebis, qui devait être offerte aux ancêtres à la nouvelle lune. Le Maître dit :
— Seu, vous tenez par économie à garder cette brebis ; moi, je tiens à conserver cette cérémonie.

- TH13 -

III.18.

Le Maître dit :
— Envers mon prince j’observe exactement toutes les prescriptions. Les hommes m’accusent de flatterie, parce qu’eux-mêmes servent le prince négligemment.

III.19.

Ting, prince de Lou, demanda comment un prince devait conduire ses sujets, et comment les sujets devaient obéir à leur prince. Confucius répondit :
— Le prince doit commander à ses sujets selon les prescriptions, et les sujets doivent lui obéir avec fidélité.

III.20.

Le Maître dit :
— L’ode Kouàn ts’iù exprime la joie et non la licence, la douleur et non l’abattement.

III.21.

Ngai, prince de Lou, ayant interrogé Tsai Ngo au sujet des autels élevés en l’honneur de la Terre, Tsai Ngo répondit :
— Les Hia y plantaient des pins, et les In, des cyprès. Les Tcheou y plantent des châtaigniersSC15, afin d’inspirer au peuple la crainte et la terreur. Le Maître entendant ces paroles dit :
— Rien ne sert de parler des choses qui sont déjà accomplies, ni de faire des remontrances sur celles qui sont déjà très avancées, ni de blâmer ce qui est passé.

- TH14 -

III.22.

Le Maître dit :
— Que Kouan Tchoung a l’esprit étroit ! Quelqu’un demanda si Kouan Tchoung était trop parcimonieux. Confucius répondit :
— Le chef de la famille Kouan a élevé à grands frais la tour de San kouei ; dans sa maison aucun officier n’est chargé de deux emplois. Comment pourrait on le croire trop économe ? — Mais, reprit l’interlocuteur, s’il fait tant de dépenses, n’est-ce pas parce qu’il connaît les convenances ? Confucius répliqua :
— Les princes ont une cloison devant la porte de leurs palaisSC16 ; le chef de la famille Kouan a aussi une cloison devant sa porte. Quand les princes ont une entrevue amicale, ils ont une crédence sur laquelle on renverse les coupes ; Kouan Tchoung a une crédence semblable. Si le chef de la famille Kouan connaît les convenances, quel est celui qui ne les connaît pas ?

- TH15 -

III.23.

Le Maître, instruisant le grand directeur de musique de Lou, dit :
— Les règles de la musique sont faciles à connaître. Les divers instruments commencent par jouer tous ensemble ; ils jouent ensuite d’accord, distinctement et sans interruption, jusqu’à la fin du morceau.

III.24.

Dans la ville de ISC17, un officier préposé à la garde des frontières demanda à lui être présenté, en disant :
— Chaque fois qu’un sage est venu dans cette ville, il m’a toujours été donné de le voir. Les disciples, qui avaient suivi Confucius dans son exil, introduisirent cet officier auprès de leur maître. Cet homme dit en se retirant :
— Disciples, pourquoi vous affligez vous de ce que votre maître a perdu sa charge ? Le désordre est dans l’empire depuis longtemps déjà. Mais le Ciel va donner au peuple en ce grand sage un héraut de la véritéSC18.

- TH16 -

III.25.

Le Maître disait que les Chants du Successeur étaient tout à fait beaux et doux ; que les Chants du Guerrier étaient tout à fait beaux, mais non tout à fait doux.

- TH17 -

III.26.

Le Maître dit :
— De quelle règle puis je me servir pour juger la conduite d’un homme qui exerce une haute autorité avec un cœur étroit, qui s’acquitte d’une cérémonie sans respect, ou qui, à la mort de son père ou de sa mère, est sans douleur ?

CHAPITRE IV

IV.1.

Le Maître dit :
— Un bon voisinage est celui où règne la probité. Pourrait on appeler sage un homme qui, ayant à choisir un lieu pour sa demeure, ne voudrait pas avoir des voisins honnêtes ?

IV.2.

Le Maître dit :
— Un homme qui n’est pas vertueux ne peut demeurer longtemps dans l’indigence ou dans l’opulence sans devenir plus mauvais. Un homme vertueux trouve son bonheur dans la vertu ; un homme sage n’ambitionne que le trésor de la vertu.

IV.3.

Le Maître dit :
— Seul l’homme vertueux sait aimer et haïr les hommes comme il convient.

IV.4.

Le Maître dit :
— Celui qui s’applique sérieusement à cultiver la vertu s’abstient de mal faire.

IV.5.

Le Maître dit :
— Les richesses et les honneurs sont très ambitionnés des hommes ; si vous ne pouvez les obtenir par des voies honnêtes, ne les acceptez pas. La pauvreté et l’abjection sont en horreur aux hommes ; si elles vous viennent, même sans aucune faute de votre part, ne les fuyez pas. Si l’homme sage abandonne la voie de la vertu, comment soutiendra-t-il son titre de sage ? L’homme sage ne l’abandonne jamais, pas même le temps d’un repas. Il y demeure toujours, même au milieu des affaires les plus pressantes, même au milieu des plus grands troubles.

IV.6.

Le Maître dit :
— Je n’ai pas encore vu, un homme qui aimât vraiment la vertu et haït sincèrement le vice. Celui qui aime vraiment la vertu la préfère à toute autre chose ; celui qui hait sincèrement le vice cultive la vertu, et fuit toute atteinte du mal. Est-il un homme qui travaille de toutes ses forces à pratiquer la vertu un jour entier ? Je n’ai jamais vu aucun homme qui n’eût pas assez de forces pour être vertueux. Peut être en existe t il ; mais je n’en ai jamais vu. - TH18 -

IV.7.

Le Maître dit :
— Chaque classe d’hommes tombe dans un excès qui lui est particulier. On peut connaître la vertu d’un homme en observant ses défauts. - TH19 -

IV.8.

Le Maître dit :
— Celui qui le matin a compris les enseignements de la sagesse, le soir peut mourir content.

IV.9.

Le Maître dit :
— Un homme qui se livre à l’étude de la sagesse, s’il rougit d’un vêtement grossier et d’une nourriture ordinaire, ne mérite pas de recevoir mes enseignements.

IV.10.

Le Maître dit :
— Dans le gouvernement de l’empire, le sage ne veut ni ne rejette rien avec opiniâtreté. La justice est sa règle.

IV.11.

Le Maître dit :
— L’homme sage aspire à la perfection, et l’homme vulgaire, au bien être ; l’homme sage s’attache à observer les lois, et l’homme vulgaire, à s’attirer des faveurs.

IV.12.

Le Maître dit :
— Celui qui dans ses entreprises cherche uniquement son intérêt propre excite beaucoup de mécontentements.

IV.13.

Le Maître dit :
— Celui qui, dans le gouvernement de l’État, montre cette déférence qui fait le fondement de l’urbanité, quelle difficulté rencontrera-t-il ? Celui qui dans le gouvernement n’a pas la déférence requise par l’urbanité, quelle urbanité peut-il avoir ?SC19

IV.14.

Le Maître dit :
— Ne soyez pas en peine de ce que vous n’ayez pas de charge ; mettez vous en peine de vous rendre digne d’être élevé à une charge. Ne soyez pas en peine de ce que personne ne vous connaît ; travaillez à vous rendre digne d’être connu.

IV.15.

Le Maître dit :
— Ma doctrine se réduit à une seule chose qui embrasse tout.
Tseng tzeu répondit :
— Certainement.
Lorsque le Maître se fut retiré, ses disciples demandèrent ce qu’il avait voulu dire. Tseng tzeu répondit :
— Toute la sagesse de notre maître consiste à se perfectionner soi-même et à aimer les autres comme soi-même.

IV.16.

Le Maître dit :
— Le disciple de la sagesse est très intelligent en ce qui concerne le devoir, et l’homme vulgaire, en ce qui concerne l’intérêt propre.

IV.17.

Le Maître dit :
— Quand vous voyez un homme sage, pensez à l’égaler en vertu. Quand vous voyez un homme dépourvu de vertu, examinez vous vous même.

IV.18.

Le Maître dit :
— Si vos parents tombent dans une faute, avertissez les avec grande douceur. Si vous les voyez déterminés à ne pas suivre vos avis, redoublez vos témoignages de respect, et réitérez vos remontrances. Quand même ils vous maltraiteraient, n’en ayez aucun ressentiment.

IV.19.

Le Maître dit :
— Durant la vie de vos parents, n’allez pas voyager au loin. Si vous voyagez, que ce soit dans une direction déterminéeSC20.

IV.20.

Le Maître dit :
— Vous devez vous rappeler souvent l’âge de vos parents, vous réjouir de leur longévité, et craindre qu’ils ne viennent à mourir.

IV.21.

Le Maître dit :
— Les anciens n’osaient pas émettre de maximes ; ils craignaient que leurs actions ne répondissent pas à leurs paroles.

IV.22.

Le Maître dit :
— On s’égare rarement en s’imposant à soi-même des règles sévères.

IV.23.

Le Maître dit :
— Le sage s’applique à être lent dans ses discours et diligent dans ses actions.

IV.24.

Le Maître dit :
— La vertu ne va jamais seule ; un homme vertueux attire toujours des imitateurs.

IV.25.

Tzeu iou dit :
— Celui qui par des avis réitérés se rend importun à son prince tombe dans la disgrâce ; celui qui par des remontrances réitérées se rend importun à son ami perd son amitié.

CHAPITRE V

V.1.

Le Maître dit que Koung ie Tch’ang était un homme à qui l’on pouvait convenablement donner une fille en mariage ; que, bien qu’il fût dans les fers, il n’avait mérité aucun châtiment. Il lui donna sa fille en mariage. Le Maître dit que Nan Ioung, dans un État bien gouverné, aurait toujours une charge ; que, dans un État mal gouverné, il saurait échapper aux tourments et à la peine capitale. Il lui donna en mariage la fille de son frère.

- TH20 -

V.2.

Le Maître dit de Tzeu tsienSC21 :
— Quelle sagesse est en cet homme ! Si la principauté de Lou n’avait pas de sages, où celui-ci aurait il puisé une telle sagesse ?

V.3.

Tzeu koung demanda :
— Que dites vous de moi ?
Le Maître répondit :
— Vous êtes un vase.SC22
Tzeu koung reprit :
— Quel vase ?
— Un vase pour les offrandes, dit Confucius.

- TH21 -

V.4.

Quelqu’un dit :
— IoungSC23 est très vertueux, mais peu habile à parler.
Le Maître répondit :
— Que sert d’être habile à parler ? Ceux qui reçoivent tout le monde avec de belles paroles, qui viennent seulement des lèvres, et non du cœur, se rendent souvent odieux. Je ne sais si Ioung est vertueux ; mais que lui servirait d’être habile à parler ?

V.5.

Le Maître ayant engagé Ts’i tiao Kai à exercer une charge, celui-ci répondit :
— Je ne suis pas encore parvenu à savoir parfaitement.SC24
Cette réponse réjouit le Maître.

V.6.

Le Maître dit :
— Ma doctrine n’est pas mise en pratique. SiSC25 je montais sur un radeau et me confiais aux flots de la mer, celui qui me suivrait, ne serait-ce pas IouSC26 ?
Tzeu Iou, entendant ces paroles, en éprouva une grande joie. Le Maître dit :
— Iou a plus d’audace que moi ; mais il n’a pas le discernement nécessaire pour bien juger.SC27

V.7.

Meng Ou pe demanda si la vertu de Tzeu Iou était parfaite. Le Maître répondit :
— Je ne le sais pas.
Meng Ou pe renouvela la même question. Le Maître répondit :
— Iou est capable de former les troupes d’une principauté qui possède mille chariots de guerre. Je ne sais pas si sa vertu est parfaite.
— Que pensez vous de K’iou ?
Le Maître répondit :
— K’iou est capable de gouverner une ville de mille familles, ou la maison d’un grand préfet, qui a cent chariots de guerre. Je ne sais pas s’il est parfaitement vertueux.

- TH22 - Meng Ou pe demanda :
— Que dites vous de Tch’euSC28 ?
Le Maître répondit :
— Tch’eu serait capable de se tenir en habits de cour auprès d’un prince, et de converser avec les hôtes et les visiteurs. Je ne sais pas si sa vertu est parfaite.

V.8.

Le Maître dit à Tzeu koung :
— Lequel des deux l’emporte sur l’autre, de vous ou de Houei ?
Tzeu koung répondit :
— Comment oserais je me mettre en parallèle avec Houei ? Il suffit à Houei d’entendre expliquer une chose pour qu’il en comprenne dix. Moi, quand j’en ai entendu expliquer une, je n’en comprends que deux.
Le Maître dit :
— Vous lui êtes inférieur ; je suis de votre avis, vous lui êtes inférieur.

V.9.

Tsai Iu restait au lit pendant le jour. Le Maître dit :
— Un morceau de bois pourri ne peut être sculpté ; un mur de fumier et de boue ne peut être crépi. Que sert de réprimander Iu ? Auparavant, quand j’avais entendu parler un homme, je croyais que sa conduite répondait à ses paroles. À présent, quand j’ai entendu parler un homme, j’observe ensuite si ses actions répondent à ses paroles. C’est Iu qui m’a fait changer la règle de mes jugements.

V.10.

Le Maître dit :
— Je n’ai pas encore vu un homme qui eût une fermeté d’âme inflexible.
Quelqu’un dit :
— Chenn Tch’ang.
Le Maître répondit :
— Tch’ang est l’esclave de ses passions ; comment aurait il la fermeté d’âme ?

V.11.

Tzeu koung dit :
— Ce que je ne veux pas que les autres me fassent, je désire ne pas le faire aux autres.
Le Maître répondit :
— Seu, vous n’avez pas encore atteint cette perfection.

V.12.

Tzeu koung dit :
— Il est donné à tous les disciples d’entendre les leçons du Maître sur la tenue du corps et les bienséances, mais non ses enseignements sur la nature de l’homme et l’action du CielSC29.

V.13.

Quand Tzeu lou avait reçu un enseignement, il craignait d’en recevoir un nouveau, jusqu’à ce qu’il fût parvenu à mettre en pratique le premier.

- TH23 -

V.14.

Tzeu koung demanda pourquoi K’oung Wenn tzeuSC30 avait reçu après sa mort le nom de Wenn, Poli ou Cultivé. Le Maître répondit :
— Bien qu’il fût très intelligent, il aimait à être enseigné ; il n’avait pas honte d’interroger même ses inférieurs. C’est pour cette raison qu’il a reçu le nom posthume de Wenn.

V.15.

Le Maître dit que Tzeu tch’angSC31 pratiquait parfaitement quatre vertus : à savoir, la déférence envers ses égaux, le respect envers ses supérieurs, la bienfaisance envers le peuple, la justice envers ses sujets.

V.16.

Le Maître dit :
— Ien P’ing tchoungSC32 est admirable dans ses relations avec ses amis ; leur intimité eût-elle duré depuis longtemps, il les traite toujours, avec respect.

V.17.

Le Maître dit :
— Tsang Wenn tchoung a fait bâtir, pour loger une grande tortue, un édifice où la sculpture a figuré des montagnes sur les chapiteaux des colonnes, et la peinture a représenté des algues marines sur les colonnettes du toit. Peut on dire que ce soit un homme éclairé ?

- TH24 -

V.18.

Tzeu tchang dit :
— Tzeu wenn, premier ministre de Tch’ou, fut trois fois élevé aux honneurs et créé premier ministre ; il n’en manifesta aucune joie. Il fut trois fois dépouillé de sa charge ; il n’en manifesta aucun mécontentement. En quittant la charge de premier ministre, il faisait connaître à son successeur ses actes administratifs. Que faut-il penser de lui ?
Le Maître dit :
— Il a été fidèle au devoir.
Tzeu tchang reprit :
— Sa vertu a t elle été parfaite ?
Le Maître répondit :
— Je ne le sais pas ; son indifférence pour les charges est elle la perfection ?
Tzeu tchang dit :
— Ts’ouei tzeu, ayant tué son prince, le prince de Ts’i, Tch’enn Wenn tzeu, qui avait dix attelages de quatre chevaux, abandonna ses richesses, et quitta sa terre nataleSC33. Arrivé dans une autre principauté, il dit :
« Ici les officiers ressemblent à notre grand préfet Ts’ouei tzeu. » Et il s’en alla. Quand il arrivait dans une nouvelle principauté, il disait toujours : « Ici les officiers ressemblent à notre grand préfet Ts’ouei tzeu. » Et il se retirait. Que faut-il penser de lui ?
Le Maître répondit :
— Il craignait la moindre souillure.
Tzeu tchang reprit :
— Sa vertu a t elle été parfaite ?
Confucius répondit :
— Je ne le sais pas ; a-t-il atteint la perfection de la vertuSC34 ?

V.19.

Ki Wenn tzeu réfléchissait à plusieurs reprises, avant de faire une chose. Le Maître, l’ayant appris, dit :
— Il suffit de réfléchir deux fois.

- TH25 -

V.20.

Le Maître dit :
— Gning Ou tzeu se montra prudent, tant que l’État fut bien gouverné, et imprudent, quand l’État fut mal gouverné. Sa prudence peut être imitée ; son imprudence est Au-dessus de toute imitation.

- TH26 -

V.21.

Le Maître, étant dans la principauté de Tch’enn, dit :
— Retournerai-je, retournerai-je dans la principauté de Lou ? Les disciples que j’avais dans mon pays ont des aspirations élevées, s’appliquent peu aux choses vulgaires et sont d’une distinction remarquable. Mais ils ne savent pas comment régler ces bonnes qualités.

- TH27 -

V.22.

Le Maître dit :
— Pe i et Chou ts’i oubliaient les défauts passés d’autrui ; aussi avaient ils peu d’ennemis.

V.23.

Le Maître dit :
— Qui pourra encore louer la droiture de Wei cheng Kao ? Quelqu’un lui ayant demandé du vinaigre, il en demanda lui-même à l’un de ses voisins pour le lui donner.

V.24.

Le Maître dit :
— Employer un langage étudié, prendre un extérieur trop composé, donner des marques de déférence excessives, c’est ce que Tsouo K’iou ming aurait rougi de faire ; moi aussi, j’en aurais honte. Haïr un homme au fond du cœur et le traiter amicalement, c’est ce que Tsouo K’iou ming aurait rougi de faire ; moi aussi, j’en aurais honte.

V.25.

Le Maître dit à Ien Iuen et à Tzeu lou, qui se tenaient auprès de lui :
— Pourquoi ne me diriez vous pas chacun quels seraient vos désirs ?
Tzeu lou répondit :
— Je désirerais partager avec mes amis l’usage de mes voitures, de mes chevaux, de mes tuniques garnies de fine fourrure ; et, si mes amis les maltraitaient ou les gâtaient, n’en éprouver aucun mécontentement.

- TH28 -

Ien Iuen dit :
— Je désirerais ne pas vanter mes bonnes qualités, ne pas exagérer mes bons servicesSC35.
Tzeu lou reprit :
— Maître, je serais heureux d’apprendre quel serait votre désir.
Le Maître répondit :
— Pourvoir abondamment aux nécessités des vieillards, mériter la confiance de mes amis, aider avec affection les enfants et les jeunes gens.

V.26.

Le Maître dit :
— faut-il donc désespérer de voir un homme qui reconnaisse ses fautes, et se les reproche en secret ? Moi, je n’en ai pas encore vu.

V.27.

Le Maître dit :
— Dans un village de dix familles, il se trouve certainement des hommes à qui la nature a donné, comme à moi, des dispositions à la fidélité et à la sincérité ; mais il n’en est pas qui travaillent comme moi à connaître et à pratiquer ces vertus.

- TH29 -

CHAPITRE VI

VI.1.

Le Maître dit :
— IoungSC36 est capable de régler les affaires publiques, le visage tourné vers le midiSC37.
Tchoung koung interrogea Confucius sur Tzeu sang Pe tzeu. Le Maître répondit :
— Il a de bonnes qualités ; il se contente aisément.
Tchoung koung dit :
— Etre soi-même toujours diligent, et ne pas exiger trop de son peuple, n’est-ce pas louable ? Mais être soi-même négligent, et, dans l’administration, exiger peu des autres, n’est-ce pas se contenter trop facilement ?
Le Maître répondit :
— Ioung, vous dites vrai.

- TH30 -

VI.2.

Le prince Ngai demanda à Confucius quels étaient ceux de ses disciples qui s’appliquaient avec ardeur à l’étude et à la pratique de la vertu. Confucius répondit :
— Ien Houei s’y appliquait avec ardeur. Lorsqu’il était justement irrité contre quelqu’un, il n’étendait pas injustement sa colère à un autre. Il ne tombait jamais deux fois dans la même faute. Malheureusement, il a peu vécu. À présent, il n’est plus personne qui lui ressemble. Je n’ai entendu citer aucun homme qui aimât véritablement la sagesse.

VI.3.

Tzeu houa était dans la principauté de Ts’i chargé d’une missionSC38. Jen tzeuSC39 demanda à Confucius du grain pour la mère de Tzeu houa. Le Maître dit :
— Je lui en donne six boisseaux et quatre dixièmes.
Jen tzeu en demanda davantage. Confucius dit :
— Je lui en donne seize boisseaux.
Jen tzeu lui en donna de son chef quatre cents boisseaux. Le Maître réprimanda Jen tzeu, et lui dit :
— Tzeu houa est allé à Ts’i dans une voiture traînée par des chevaux magnifiques, et avec des vêtements garnis de fine fourrure. J’ai entendu dire que le sage secourait les indigents ; mais n’ajoutait pas à l’opulence des riches.

Iuen seu était gouverneur d’une préfecture. Confucius lui donna neuf cents mesures de grain. Iuen seu, jugeant que c’était trop, refusa. Le Maître dit :
— Acceptez ; vous le distribuerez aux pauvres dans les hameaux, les villages, les villes et les bourgades de votre préfecture.

- TH31 -

VI.4.

Le Maître dit en parlant de Tchoung koung :
— Si une génisse, née d’une vache au poil varié, est de couleur rousse et a les cornes bien régulières, quand même on ne voudrait pas l’offrir en victime, les esprits des montagnes et des fleuves n’exigeraient ils pas qu’elle leur fût immolée ?

- TH32 -

VI.5.

Le Maître dit :
— Ien Houei passait trois mois entiers sans qu’aucun mouvement de son cœur s’écartât de la plus haute perfection. Mes autres disciples atteignent la perfection au plus une fois par jour ou par mois, et ils s’arrêtent.

VI.6.

Ki K’ang tzeu demanda si Tzeu lou était capable d’administrer les affaires publiquesSC40. Le Maître répondit :
— IouSC41 sait prendre une décision ; quelle difficulté aurait il à administrer les affaires publiques ?
Ki K’ang tzeu dit :
— SeuSC42 est-il capable d’administrer les affaires publiques ?
Confucius répondit :
— Seu est très intelligent ; quelle difficulté aurait il à administrer les affaires publiques ?
Ki K’ang tzeu dit :
— K’iouSC43 peut-il gérer les affaires publiques ?
Confucius répondit :
— K’iou a beaucoup de talents ; quelle difficulté aurait il à administrer les affaires publiques ?

VI.7.

Le chef de la famille Ki fit inviter Min Tzeu k’ien à exercer la charge de gouverneur dans la ville de Pi. Min Tzeu k’ien répondit à l’envoyé :
— Exprimez poliment mon refus à votre maître. S’il m’envoie un second messager, je serai certainement au-delà de la WennSC44.

- TH33 -

VI.8.

Pe gniou étant malade, le Maître alla lui faire visite. Il lui prit la main à travers la fenêtre, et dit :
— Nous le perdrons. Le Ciel l’a ainsi ordonné. Se peut-il qu’un tel homme soit ainsi malade ! Se peut-il qu’un tel homme soit ainsi malade !

- TH34 -

VI.9.

Le Maître dit :
— Que la sagesse de Ien Houei était grande ! Il demeurait dans une misérable ruelle, n’ayant qu’une écuelle de nourriture et une cuillerée de boisson. Un autre, en se voyant si dépourvu, aurait eu un chagrin intolérable. Houei était toujours content. Oh ! que Houei était sage !

VI.10.

Jen K’iou dit :
— Maître, ce n’est pas que votre doctrine me déplaise ; mais je n’ai pas la force de la mettre en pratique.
Le Maître répondit :
— Celui qui vraiment n’a pas assez de forces tombe épuisé à moitié route. Pour vous, vous vous prescrivez des limitesSC45.

VI.11.

Le Maître dit à Tzeu hia :
— Soyez un lettré vertueux et sage, et non un lettré sans vertu.

VI.12.

Lorsque Tzeu iou était gouverneur de Ou tch’engSC46, le Maître lui dit :
— Avez vous trouvé des hommes qui méritent votre confiance ?
Tzeu iou répondit :
— Il y a T’an tai Mie ming. Il ne va jamais par les sentiers écartés et cachés. Jamais il n’est allé à mon prétoire que pour des affaires publiquesSC47.

VI.13.

Le Maître dit :
— Meng Tcheu fan ne se vante pas lui-même. L’armée ayant été mise en déroute, il est revenu le dernier. Arrivé à la porte de la capitale, il frappa son cheval, en disant :
— Ce n’est pas que j’aie eu le courage de me retirer après les autres ; mais mon cheval ne marche pas.

- TH35 -

VI.14.

Le Maître dit :
— À moins d’avoir le talent de l’orateur T’ouo et la beauté de Tchao de Soung, il est difficile d’échapper à la haine dans ce siècle.

- TH36 -

VI.15.

Le Maître dit :
— Quelqu’un peut-il sortir de la maison, si ce n’est par la porte ? Pourquoi personne ne marche t il par la voie de la vertu ?

- TH37 -

VI.16.

Le Maître dit :
— Celui chez qui les qualités naturelles l’emportent sur la politesse des manières et du langage est un homme agreste. Celui chez qui la politesse des manières et du langage l’emporte sur les vertus intérieures est comme un copiste de tribunal. Celui qui possède à un égal degré la vertu et la politesse est un sage.

VI.17.

Le Maître dit. — Tout homme en naissant a la rectitude du cœur. Si celui qui la perd ne perd pas en même temps la vie, il a un bonheur qu’il n’a pas mérité.

VI.18.

Le Maître dit :
— Il vaut mieux aimer la vertu que de la connaître seulement, et il vaut encore mieux en faire ses délices que de l’aimer seulement.

VI.19.

Le Maître dit :
— Un homme d’une vertu plus qu’ordinaire peut entendre des enseignements relevés. Un homme d’une vertu moins qu’ordinaire n’en est pas capable.

VI.20.

Fan Tch’eu l’interrogea sur la prudence. Le Maître dit :
— Remplir les devoirs propres à l’homme, honorer les esprits, mais s’en tenir à distanceSC48, cela peut s’appeler prudence.

- TH38 -

Fan Tch’eu l’interrogea ensuite sur la perfection de la vertu. Confucius répondit :
— Un homme parfait met en premier lieu ce qui est le plus difficileSC49 ; il met en second lieu les avantages qu’il en doit retirer ; alors il mérite d’être appelé parfait.

VI.21.

Le Maître dit :
— L’homme prudent aime l’eau, et l’homme parfait les montagnes. L’homme prudent se donne du mouvementSC50 ; l’homme parfait demeure immobileSC51. L’homme prudent vit heureux ; l’homme par-fait vit longtemps.

- TH39 -

VI.22.

Le Maître dit :
— Si la principauté de Ts’i s’améliorait d’un degré, elle vaudrait pour les mœurs celle de Lou. Si la principauté de Lou devenait meilleure d’un degré, elle serait parfaite.

VI.23.

Le Maître dit :
— Un vase à vin qu’on nomme kou, c’est-à-dire vase à angles, s’il n’a pas d’angles, doit il être appelé kou ?

- TH40 -

VI.24.

Tsai Ngo dit :
— Un homme parfait, apprenant qu’il est tombé quelqu’un dans un puits, se précipitera-t-il lui-même dans le puits pour l’en retirer ?
Le Maître dit :
— Pourquoi agirait il ainsi ? Un homme sage, en recevant cette annonce, pourra se déterminer à aller au bord du puits, mais il ne s’y jettera pas lui-mêmeSC51. Il pourra être trompéSC52, mais non être aveugléSC53.

VI.25.

Le Maître dit :
— Le disciple de la sagesse étudie les livres afin d’acquérir des connaissances étendues, et il règle sa conduite d’après les vrais principes ; il parvient ainsi à ne pas s’écarter de la voie droite.

VI.26.

Le Maître visita Nan tzeu. Tzeu lou en fut mécontent. Le maître dit, en prononçant une imprécation :
— Si j’ai mal fait, que le Ciel me rejette ! que le Ciel me rejette !

- TH41 -

VI.27.

Le Maître dit :
— La vertu qui se tient dans l’invariable milieu est la plus haute perfection. Peu d’hommes la possèdent, et cela depuis longtemps.

VI.28.

Tzeu koung dit :
— Que faut-il penser de celui qui répandrait partout ses bienfaits parmi le peuple et pourrait aider tous les hommes sans exception ? Pourrait on dire qu’il est parfait ?
Le Maître répondit :
— Aider tous les hommes sans exception, est ce une chose qui soit possible à la vertu parfaite ? Pour y parvenir, ne faudrait il pas la plus haute sagesse, unie à la plus grande puissance ? Iao et Chouenn eux-mêmes avaient la douleur de ne pouvoir le faire. Un homme parfait veut se tenir ferme lui-même, et il affermit les autres ; il désire comprendre lui-même ses devoirs, et il instruit les autres. La vertu parfaite consiste, non pas à secourir tous les hommes sans exception, ce qui est impossible ; mais à juger des autres par soi-même et à les traiter comme on désire être traité soi-même.

CHAPITRE VII

VII.1.

Le Maître dit :
— Je transmetsSC54, et n’invente rien de nouveau. Je m’attache à l’antiquité avec confiance et affection ; je me permets de me comparer à notre vieux P’eng.

- TH42 -

VII.2.

Le Maître dit :
— Méditer et se graver dans la mémoire les préceptes de la sagesse, apprendre sans éprouver jamais de satiété, enseigner sans jamais se lasser, ces trois mérites se trouvent ils en moi ?

VII.3.

Le Maître dit :
— Ce que je crains, c’est de ne pas m’appliquer à la pratique de la vertu, de ne pas chercher à me faire expliquer ce que je dois apprendre, de ne pouvoir accomplir ce que je sais être de mon devoir, et de ne pouvoir me corriger de mes défauts.

VII.4.

Lorsque le Maître n’était pas occupé d’affaires, son maintien était plein d’aisance, son air affable et joyeux.

VII.5.

Le Maître dit :
— J’ai beaucoup perdu de mon énergie. Depuis longtemps je ne vois plus en songe Tcheou koung.

- TH43 -

VII.6.

Le Maître dit :
— Proposez vous toujours de suivre la voie de la vertu ; demeurez dans cette voie ; ne vous écartez jamais de la perfection ; ayez pour délassements les six arts libérauxSC55.

VII.7.

Le Maître dit :
— Chaque fois que quelqu’un est venu de lui-même à mon école, en m’apportant les présents d’usage, ne fussent que dix tranches de viande séchée, jamais je ne lui ai refusé mes enseignements.

- TH44 -

VII.8.

Le Maître dit :
— Je n’enseigne pas celui qui ne s’efforce pas de comprendre ; je n’aide pas à parler celui qui ne s’efforce pas d’exprimer sa pensée. Si quelqu’un, après avoir entendu exposer la quatrième partie d’une question, ne peut comprendre par lui-même et exposer les trois autres parties, je ne l’enseigne plus.

VII.9.

Lorsque le Maître mangeait à côté d’un homme qui venait de perdre un proche parent, sa douleur lui permettait à peine de prendre un peu de nourriture. Quand il avait été pleurer un mort, toute la journée sa douleur l’empêchait de chanter.

VII. 10.

Le Maître dit à Ien Iuen :
— Vous et moi, nous sommes les seuls qui soyons toujours disposés à remplir une charge, quand on nous l’offre, et à rentrer dans la vie privée, quand on nous la retire.

Tzeu lou dit :
— Maître, si vous aviez trois légions à conduire, quel serait celui que vous prendriez pour vous aider ?
Le Maître répondit :
— Je ne prendrais pas un homme qui serait disposé à saisir sans aucune arme un tigre avec les mains, à travers un fleuve sans barque, à braver la mort sans aucun souci de sa vie. Je choisirais certainement un homme qui n’entreprendrait rien qu’avec cir-conspection, et qui réfléchirait avant d’agir.

VII.11.

Le Maître dit :
— S’il convenait de chercher à amasser des richesses, fallût il, pour y parvenir, remplir l’office de valet qui tient le fouet, je le remplirais. Mais tant qu’il ne convient pas de les rechercher, je poursuis l’objet de mes désirsSC56.

VII.12.

Trois choses excitaient surtout la sollicitude du Maître : l’abstinence avant une cérémonie, la guerre et la maladie.

- TH45 -

VII.13.

Le Maître, étant dans la principauté de Ts’i, entendit exécuter les chants de Chouenn. Pendant trois mois qu’il les étudia, il avait l’esprit tellement absorbé qu’il ne percevait pas la saveur des viandes.
— Je ne pensais pas, dit il, que l’auteur de ces chants eût atteint une si grande perfection.

VII.14.

Jen Iou dit :
— Notre maître est-il pour le prince de WeiSC57 ?
Tzeu koung répondit :
— Bien ; je le lui demanderai.
Entrant dans le lieu où était Confucius, il dit :
— Que faut-il penser de Pe i et de Chou ts’i ?
Confucius répondit :
— C’étaient deux sages de l’antiquité.
Tzeu koung reprit :
— Se sont ils repentis d’avoir renoncé à la royauté ?
Confucius répondit :
— Ils ont voulu être parfaits dans leur conduite, et ils ont atteint leur but. Pourquoi auraient ils eu du repentir ?
Tzeu koung, quittant Confucius, retourna auprès de Jen Iou, et lui dit :
— Notre maître n’est pas pour le prince Tche.

- TH46 -

VII.15.

Le Maître dit :
— Le sage, fût il réduit à manger une grossière nourriture, à boire de l’eau, et à reposer la nuit la tête appuyée sur son bras, il conservera sa joie au milieu de ses privations. Les richesses et les dignités obtenues par de mauvaises voies me paraissent comme des nuées qui flottent dans les airs.

VII.16.

Le Maître dit :
— Si le Ciel me donnait encore quelques années de vie, après avoir étudié le Livre des Changements durant cinquante années, je pourrais éviter les fautes graves.

VII.17.

Les entretiens du Maître roulaient ordinairement sur le Cheu king, sur le Chou king, et sur le Li ki, qui enseigne les devoirs à remplir. Tels étaient les sujets ordinaires de ses discours.

VII.18.

Le prince de Che ayant interrogé Tzeu lou sur la personne de Confucius, Tzeu lou ne répondit pas. Le Maître dit :
— Pourquoi n’avez vous pas répondu : C’est un homme qui s’applique avec une telle ardeur qu’il oublie de manger ; éprouveSC59 une telle joie qu’il oublie tout chagrin ; ne sent pas venir la vieillesseSC60 ?

- TH47 -

VII.19.

Le Maître dit :
— La connaissance des choses n’est pas innée en moi ; mais j’aime l’antiquité, et je m’applique à l’étude avec ardeur.

- TH48 -

VII.20.

Le Maître ne parlait pas des choses extraordinaires, ni des actes de violence, ni des troubles, ni des esprits.

- TH49 -

VII.21.

Le Maître dit :
— Si je voyageais avec deux compagnons, tous deux me serviraient de maîtres. J’examinerais ce que le premier a de bon et je l’imiterais ; les défauts que je reconnaîtrais en l’autre, je tâcherais de les corriger en moi-même.

VII.22.

Le Maître dit :
— Le Ciel m’a donné la vertu avec l’existence ; que peut me faire Houan T’ouei ?

- TH50 -

VII.23.

Le Maître dit :
— Pensez vous, mes enfants, que je vous cache quelque chose ? Je ne vous ai rien caché ; je n’ai rien fait dont je n’aie donné connaissance à mes disciples. Voilà comme je suis.

VII.24.

Le Maître enseignait spécialement quatre choses les lettres humaines et les arts libéraux, la morale, la fidélité et la sincérité.

VII.25.

Le Maître dit :
— Il ne m’a pas été donné de voir un homme d’une sagesse extraordinaire ; si je vois seulement un homme vraiment sage, je serai assez content. Il ne m’a pas été donné de voir un homme irréprochable ; si je vois seulement un homme d’une volonté constante, je serai assez content. Celui-là ne peut pas être constant qui n’a rien et feint d’avoir quelque chose, qui est vide et cherche à paraître plein, qui possède peu de choses et veut étaler une grande magnificence.

VII.26.

Le Maître pêchait à la ligne, mais non au filet ; il ne tirait pas la nuit sur les oiseaux qui étaient au repos.

- TH51 -

VII.27.

Le Maître dit :
— Il est peut être des hommes qui tentent des entreprises à l’aveugle ; moi, je n’agis pas ainsi. Après avoir beaucoup entendu, j’examine et mets à profit ce qu’on m’a appris de bon ; après avoir beaucoup vu, je grave dans ma mémoire ce que j’ai remarqué. Je suis de ceux qui viennent immédiatement après les grands sages chez qui les connaissances sont innées.

VII.28.

Les habitants de Hou hiang étaient si mauvais qu’il était difficile de leur enseigner à pratiquer la vertu. Un jeune homme de ce pays s’étant présenté pour suivre les leçons de Confucius, les disciples du philosophe doutèrent s’il convenait de l’admettre. Le Maître dit :
— Lorsque quelqu’un vient à moi avec l’intention de se corriger, j’approuve son intention, sans me faire garant de sa vie passée. J’approuve sa venue ; je n’approuve pas son départ futur, ni tout ce qu’il fera dans la suite. Pourquoi donc serais je si sévère ?

VII.29.

Le Maître dit :
— La vertu parfaite est elle loin de nous ? Si je veux la trouver, aussitôt elle est présente à moi.

- TH52 -

VII.30.

Le ministre de la justice de la principauté de Tch’enn demanda si Tchao, prince de Lou, connaissait les convenances. Confucius répondit qu’il les connaissait. Le philosophe s’étant retiré, le ministre de la justice rencontra et salua Ou ma K’i ; puis, l’ayant fait entrer, il lui dit :
— J’ai entendu dire que le sage n’était point partial ; le sage serait il aussi partial ? Le prince de LouSC61 a épousé, dans la principauté de Ou, une femme dont la famille porte aussi le nom de K’i ; et, pour cacher cette irrégularité, il a appelé sa femme Ou ma Tzeu, au lieu de Ou ma K’i, qui était son vrai nom. Si le prince de Lou connaît les convenances, quel est celui qui ne les connaît pas ?
Ou ma K’i rapporta ces paroles à Confucius. Le Maître répondit :
— Par un bonheur singulier, si je commets une faute, elle ne manque jamais d’être connue.

- TH53 -

VII.31.

Lorsque Confucius se trouvait avec d’habiles chanteurs qui exécutaient un chant, il le leur faisait répéter et chantait avec eux.

VII.32.

Le Maître dit :
— J’ai peut être autant d’érudition qu’un autre ; mais je ne suis pas encore arrivé à faire les actions d’un sage.

VII.33.

Le Maître dit :
— Oserais je penser que je possède la sagesse ou la vertu au plus haut degré ? Mais, pour ce qui est de cultiver la vertu sans jamais en éprouver de dégoût, et d’enseigner les autres sans jamais me lasser, on peut dire que je le fais, et voilà tout.
Koung si Houa dit :
— Ce sont précisément deux choses que nous, vos disciples, nous ne parvenons pas à apprendre.

VII.34.

Confucius étant gravement malade, Tzeu lou lui proposa de faire des prières. Le Maître dit :
— Cela convient il ?
Tzeu lou répondit :
— Cela convient. Dans les oraisons funèbres il est dit :
« Nous vous supplions, esprits du ciel et de la terre. »
Le Maître répliqua :
— Il y a longtemps que je prie.

- TH54 -

VII.35.

Le Maître dit :
— La prodigalité conduit à l’arrogance, et la parcimonie à l’avarice. L’arrogance est pire que l’avarice.

VII.36.

Le Maître dit :
— Le sage est calme, il a le cœur dilaté ; l’homme vulgaire est toujours accablé de soucis.

VII.37.

Le Maître était affable avec gravité, sévère sans dureté ; dans les cérémonies son maintien était respectueux, sans avoir rien de forcé.

CHAPITRE VIII

VIII.1.

Le Maître dit :
— T’ai pe doit être considéré comme un homme d’une vertu très parfaite. Il a cédé résolument l’empire, et il n’a pas laissé au peuple la possibilité de célébrer son désintéressement.

- TH55 -

VIII.2.

Le Maître dit :
— Celui qui fait des politesses outre mesure est fatigant ; celui qui est circonspect outre mesure est craintif ; celui qui est courageux outre mesure cause du désordre ; celui qui est franc outre mesure offense par des avis trop pressants. Si le prince remplit avec zèle ses devoirs envers ses parents et ses ancêtres, la piété filiale fleurit parmi le peuple. Si le prince n’abandonne pas ses anciens serviteurs ni ses anciens amis, le peuple suit son exemple.

VIII.3.

Tseng tzeu, sur le point de mourir, appela ses disciples et leur dit :
— Découvrez mes pieds et mes mainsSC62. On lit dans le Cheu king :
Tremblant et prenant garde, comme si j’étais sur le bord d’un gouffre profond, comme si je marchais sur une glace très minceSC63.
À présent et pour toujours, je vois avec plaisir que j’ai pu préserver mon corps de toute lésion, ô mes enfants.

- TH56 -

VIII.4.

Tseng tzeu mourant reçut la visite de Meng King tzeuSC64. Prenant la parole, il lui dit :
— L’oiseau qui va mourir crie d’une voix plaintive ; un homme qui va mourir donne de bons avis. Un prince sage a surtout soin de trois choses : il a soin d’éviter la raideur et le laisser aller dans la tenue du corps, la simulation dans l’air du visage, la grossièreté et l’inconvenance dans le ton de la voix. Pour ce qui est des vases de bambou ou de bois employés dans les cérémonies, il a des officiers qui en prennent soin pour lui.

VIII.5.

Tseng tzeu dit :
— Etre habile, et interroger ceux qui ne le sont pas, avoir beaucoupSC65, et interroger ceux qui ont peu, avoir de la science et de la vertu, et se considérer comme n’ayant rien, être riche, et se regarder comme dépourvu de tout, recevoir des offenses, et ne pas contester, voilà ce qu’était et ce que faisait mon condisciple Ien Iuen.

VIII.6.

Tseng tzeu dit :
— Un homme à qui l’on peut confier la tutelle d’un jeune prince haut de six palmesSC66 et le gouvernement d’un État ayant cent stades d’étendue, et qui, au moment d’un grand trouble ou d’une révolution, reste fidèle à son devoir, un tel homme n’est-il pas un sage ? Certainement c’est un sage.

VIII.7.

Tseng tzeu dit :
— Il faut que le disciple de la sagesse ait le cœur grand et courageux. Le fardeau est lourd, et le voyage long. Son fardeau, c’est la pratique de toutes les vertus ; n’est-ce pas lourd ? Son voyage ne finira qu’après la mort ; n’est-ce pas long ?

VIII.8.

Le Maître dit :
— Le disciple de la sagesse excite en son cœur des sentiments honnêtes par la lecture des VersSC67 ; il affermit sa volonté par l’étude et la pratique des cérémonies et des devoirs mentionnés dans le Li ki ; il perfectionne sa vertu par l’étude de la musique.

VIII.9.

Le Maître dit :
— On peut amener le peuple à pratiquer la vertu ; mais on ne peut lui en donner une connaissance raisonnée.

VIII.10.

Le Maître dit :
— Celui qui aime à montrer de la bravoure et supporte avec peine sa pauvreté causera du désordre. Si un homme, qui n’est pas vertueux, se voit trop détesté, il tombera dans le désordre.

VIII.11.

Le Maître dit :
— Un homme eût il les belles qualités de Tcheou koung, s’il est orgueilleux et avare, rien en lui ne mérite d’être regardé.

VIII.12.

Le Maître dit :
— Il est rare de trouver un homme qui se livre trois ans à l’étude de la sagesse, sans avoir en vue les appointements de la magistrature.

- TH57 -

VIII.13.

Le Maître dit :
— Le sage s’attache aux préceptes de la sagesse, et il aime à les étudier. Ils les observe fidèlement jusqu’à la mort, et par l’étude il se convainc de leur excellence. Il n’entre pas dans un pays menacé d’une révolution ; il ne demeure pas dans un État troublé par les dissensions. Si l’empire est bien gouverné, il se montreSC68. Si l’empire est mal gouverné, il se cacheSC69. Quand l’État est bien gouverné, le sage aurait honte de n’avoir ni richesses ni honneursSC70. Quand l’État est mal gouverné, il aurait honte d’avoir des richesses et des honneurs.

VIII.14.

Le Maître dit :
— Ne cherchez pas à vous immiscer dans les affaires d’une charge publique qui n’est pas confiée à vos soins.

VIII.15.

Le Maître dit :
— Lorsque le chef de musique Tcheu commença à exercer sa chargeSC71, comme le chant final La Mouette chantant charmait et satisfaisait l’oreille !

VIII.16.

Le Maître dit :
— Je n’accepte pas pour disciple un homme ambitieux et sans droiture, ou ignorant et léger, ou peu intelligent et peu sincère.

VIII.17.

Le Maître dit :
— Travaillez sans relâche à acquérir la sagesse, comme si vous aviez toujours à acquérir ; de plus, craignez de perdre ce que vous avez acquis.

- TH58 -

VIII.18.

Le Maître dit :
— Oh ! quelle grandeur d’âme ! Chouenn et Iu ont possédé l’empire, et leur cœur ne s’y est pas attaché.

VIII.19.

Le Maître dit :
— Que Iao a été un grand prince ! qu’il a fait de grandes choses ! Seul le Ciel est grand ; seul Iao lui a été semblable. L’influence de sa vertu a été sans limites ; le peuple n’a pu trouver de terme pour la nommer. Que ses mérites ont été insignes ! Que ses cérémonies, sa musique et ses lois ont été belles !

VIII.20.

Chouenn avait cinq ministres d’État, et l’empire était bien gouverné.
Ou wangSC72 disait :
— J’ai dix ministres qui m’aident à bien gouvernerSC73.
Confucius ajoute :
— On dit communément que les hommes de talent sont rares. Ce dicton populaire n’est-il pas vraiSC74 ? L’époque de Iao et de Chouenn a été plus florissante que la nôtreSC75. Cependant elle ne paraît pas l’emporter par le nombre des hommes de talent. Car Chouenn n’a trouvé que cinq ministres capables ; Ou wang a trouvé une femme de talent et neuf hommes, mais pas davantage. Posséder les deux tiers de l’empire, et employer sa puissance au service de la dynastie des In, ce fut le mérite de la famille des Tcheou ; ce mérite a été très grand.

VIII.21.

Le Maître dit :
— Je ne découvre aucun défaut dans l’empereur Iu. Sa nourriture et sa boisson étaient fort simples ; mais ses offrandes aux esprits étaient splendides. Ses vêtements ordinaires étaient grossiers ; mais sa robe et son bonnet de cérémonie étaient magnifiques. Son habitation et ses chambres étaient basses ; mais il donnait tous ses soins aux canaux d’irrigation. Je ne trouve aucun défaut dans l’empereur Iu.

CHAPITRE IX

IX.1.

Le Maître parlait rarement du gain, de la Providence céleste, de la vertu parfaite.

- TH59 -

IX.2.

Un homme du bourg Ta hiang avait dit :
— Le philosophe K’oung est certainement un grand homme. Il a beaucoup de science ; mais il n’a pas ce qu’il faut pour se faire un nomSC76.
Confucius, en ayant été informé, dit :
— Quel art exercerai-je ? Exercerai-je l’art de conduire une voiture ? Exercerai-je l’art du tir à l’arc ? Je me ferai conducteur de voiture.

- TH60 -

IX.3.

Le Maître dit :
— Le bonnet de chanvre est conforme à l’ancien usage. À présent on porte le bonnet de soie, qui coûte moins cher. Je me conforme à l’usage général, Anciennement, un officier saluait son prince au bas des degrés qui conduisaient à la salle. À présent, on le salue au haut des, degrés ; c’est de l’orgueil. Contrairement à tout le monde, je m’en tiens à l’ancien usage.

IX.4.

Le Maître évitait quatre défauts : il n’avait pas de désir désordonné, ni de détermination irrévocable, ni d’opiniâtreté, ni d’égoïsme.

IX.5.

Le Maître se trouvant en péril dans le bourg de K’ouang, dit :
— Wenn wang étant mort, la doctrineSC77 n’est elle pas iciSC78 ? Si le Ciel avait voulu que la doctrine disparût de la terre, il ne me l’aurait pas confiée après la mort de Wenn wang. Le Ciel ne veut pas encore ravir la doctrine à la terre. Que peuvent me faire les habitants de K’ouang ?

- TH61 -

IX.6.

Le premier ministre dit à Tzeu koung :
— Votre maître est-il un sage parfait ? Que d’arts lui sont fa-miliers !
Tzeu koung répondit :
— Certainement le Ciel lui a prodigué ses dons sans mesure ; il possède à peu près la plus haute sagesse possible et, de plus, une grande habileté dans beaucoup d’arts.
Le Maître en ayant été informé, dit :
— Le premier ministre me connaît il ? Quand j’étais jeune, j’étais d’un condition humble, j’ai appris plusieurs arts, qui sont choses de peu d’importance. Le sage en apprend il beaucoup ? Pas beaucoup.

LaoSC79 dit :
— Confucius disait : « J’ai cultivé les arts, parce que je n’ai pas été employé dans les charges publiques. »

IX.7.

Le Maître dit :
— Est ce que j’ai beaucoup de science ? Je n’ai pas de science. Mais quand un homme de la plus humble condition m’interroge, fût il très ignorant, je discute la question d’un bout à l’autre, sans rien omettre.

IX.8.

Le Maître dit :
— Je ne vois ni phénix arriver, ni dessin sortir du fleuve. C’en est fait de moi .

- TH62 -

IX.9.

Lorsque le Maître voyait un homme en deuil, ou un magistrat en costume officiel, ou un aveugle, fût ce un homme moins âgé que lui, aussitôtSC80 il se levait, ou il passait vite.

IX.10.

Ien Iuen disait avec un soupir d’admiration :
— Plus je considère la doctrine du Maître, plus je la trouve élevée ; plus je la scrute, plus il me semble impossible de la comprendre entièrement ; je crois la voir devant moi, et soudain je m’aperçois qu’elle est derrière moiSC81. Heureusement le Maître enseigne avec ordre et méthode, et dirige les hommes avec habileté. Il augmente mes connaissances en m’expliquant les raisons des choses, et il règle ma conduite en m’enseignant mes devoirs. Quand même je voudrais m’arrêter, je ne le pourrais. Mais, après que j’ai épuisé toutes mes forces, il reste toujours quelque chose qui semble se dresser devant moi comme une montagne, qu’il m’est impossible de gravir.

IX.11.

Le Maître étant gravement malade, Tzeu Iou engagea les disciples à lui servir d’intendantsSC82. Le mal ayant un peu diminué, Confucius dit :
— Il y a longtemps que Iou use de faux semblants. je n’ai pas d’intendants, et cependant je suis comme si j’en avais. Puis je tromper quelqu’un par cette ruse ? Espéré je tromper le Ciel ? D’ailleurs, ne m’est-il pas préférable de mourir entre les mains de mes disciples qu’entre les mains d’intendants ? Et quand même je n’aurais pas un pompeux enterrement, resterai-je sans sépulture, comme un homme qui meurt dans un chemin ?

IX.12.

Tzeu koung dit à Confucius :
— S’il y avait ici une belle pierre précieuse, la mettriez vous dans un coffre, et la tiendriez vous cachée, ou bien chercheriez-vous un acheteur qui en donnât un prix élevé ?
Le Maître répondit :
— Je la vendrais, certainement je la vendrais ; mais j’attendrais qu’on m’en offrît un prix convenable.

- TH63 -

IX.13.

Le Maître aurait voulu aller vivre au milieu des neuf tribus de barbares qui sont à l’orient.SC83 Quelqu’un lui dit :
— Ils sont grossiers ; convient il de vivre parmi eux ?

Il répondit :
— Si un homme sage demeure au milieu d’eux, qu’auront ils encore de grossier ?

- TH64 -

IX.14.

Le Maître dit :
— Depuis que je suis revenu de la principauté de Wei dans celle de Lou, la musique a été corrigée, les odes des parties du Cheu king qui sont intitulées Ia et Soung ont été remises en ordreSC84.

IX.15.

Le Maître dit :
— Hors de la maison, remplir mes devoirs envers les grands et les ministres d’État ; à la maison, remplir mes devoirs envers mes parents et ceux de mes frères qui sont plus âgés que moi ; observer le mieux possible toutes les prescriptions du deuil ; éviter l’ivresse ; ces quatre mérites se trouvent ils en moi ?

- TH65 -

IX.16.

Le Maître se trouvant au bord d’un cours d’eau dit :
— Tout passe comme cette eau ; rien ne s’arrête ni jour ni nuit.

- TH66 -

IX.17.

Le Maître dit :
— Je n’ai pas encore rencontré un homme qui aimât la vertu autant que l’éclat extérieur.

- TH67 -

IX.18.

Le Maître dit :
— Si, après avoir entrepris d’élever un monticule, j’abandonne mon travail, quand il ne manquerait qu’un panier de terre, il sera vrai de dire que j’ai abandonné mon entreprise. Si, après avoir commencé à faire un remblai, je continue mon travail, quand même je ne mettrais qu’un panier de terre, mon entreprise avancera.

- TH68 -

IX.19.

Le Maître dit :
— Un homme qui, dès qu’il avait reçu un enseignement utile, le mettait en pratique avec ardeur, c’était Houei.

IX.20.

Le Maître parlant de Ien Iuen, disait :
— Oh ! que sa perte est regrettable ! je l’ai toujours vu progresser, jamais s’arrêter.

IX.21.

Le Maître dit :
— Il est parfois des moissons qui n’arrivent pas à fleurir ; il en est aussi qui, après avoir fleuri, n’ont pas de grain.

- TH69 -

IX.22.

Le Maître dit :
— Nous devonsSC85 prendre garde que les jeunes gens n’arrivent à nous surpasser. Qui sait s’ils ne parviendront pas à égaler les hommes de notre temps ? À l’âge de quarante ou cinquante ans, s’ils ne se sont pas encore signalés par leur vertu, il n’y aura plus lieu d’avoir la même crainte.

IX.23.

Le Maître dit :
— Peut on fermer l’oreille à un avis juste et sincère ? Mais l’essentiel c’est de se corriger. Un avis donné doucement et adroitement peut-il déplaire ? Mais il faut surtout le méditer. je n’ai rien à faire d’un homme qui aime les avis, mais ne les médite pas, qui prête l’oreille, mais ne se corrige pas.

IX.24.

Le Maître dit :
— On peut enlever de force à une armée de trois légions son général en chef ; il est impossible d’arracher de force au moindre particulier sa détermination de pratiquer la vertu.

IX.25.

Le Maître dit :
— Iou est homme à ne pas rougir de se trouver vêtu d’une tunique de toile usée au milieu d’hommes vêtus de fourrures de renard et de martre. On peut lui appliquer ces deux vers du Cheu king :
Celui qui ne fait tort à personne et n’est pas cupide, ne sera-t-il pas bon envers tout le monde ?
Tzeu lou, flatté de cet éloge, répétait sans cesse les deux vers du Cheu king.
Confucius dit :
— Ces deux choses suffisent elles pour être parfaitement bon ?

IX.26.

Le Maître dit :
— C’est seulement quand le froid de l’hiver est arrivé, qu’on s’aperçoit que le pin et le cyprès perdent leurs feuilles après tous les autres arbres.

- TH70 -

IX.27.

Le Maître dit :
— Un homme éclairé et prudent n’hésite pas ; un homme parfait est exempt de soucis ; un homme courageux n’a pas peur.

IX.28.

Le Maître dit :
— On doit faire avancer son disciple graduellement ; à celui à qui on doit permettre seulement d’étudier avec le maître, on ne doit pas encore permettre d’entrer dans la voie de la vertu ; à celui à qui l’on doit permettre seulement d’entrer dans la voie de la vertu, on ne doit pas encore permettre de s’y fixer solidement ; à celui à qui l’on doit seulement permettre de s’affermir dans la vertu, on ne doit pas encore permettre de décider si une loi générale oblige ou non dans tel cas particulier.

IX.29.

Un ancien chant disait :
Le cerisier sauvage lui-même agite ses fleursSC86. Comment ne penserais-je pas à vous ? Mais vous demeurez loin d’ici.
Le Maître, après avoir cité cette strophe, disait :
— Les hommes ne pensent pas à la vertu. Ont ils à surmonter la difficulté de la distance ?

CHAPITRE X

X.1.

Confucius, dans le village où demeurait sa famille, était très simple ; il semblait ne pas savoir parler. Dans le temple des ancêtres et à la cour du prince, il s’exprimait clairement, mais avec une attention respectueuse.

X.2.

Dans le palais du prince, il parlait aux inférieurs avec fermeté et sans détours, aux supérieurs avec affabilité et franchise. En présence du prince, il montrait une crainte presque respectueuse, une noble gravité.

X.3.

Quand il était chargé par le prince de Lou de recevoir les hôtes, l’air de son visage semblait changé et sa démarche embarrassée. Pour saluer les hôtes à leur arrivée, il joignait les mains, tournait seulement les mains jointes à droite et à gaucheSC87, sa tunique restait bien ajustée par devant et par derrière. En introduisant les hôtes, il marchait d’un pas rapide, tenant les bras un peu étendus, comme les ailes d’un oiseau. Après le départ d’un hôte, il ne manquait pas d’avertir le princeSC88. Il lui disait : « L’hôte ne tourne plus la tête en arrièreSC89.

X.4.

En entrant à la porte du palais, il se courbait comme si la porte avait été trop basse pour le laisser passer. Il ne se tenait pas au milieu de l’entrée ; en marchant, il évitait de mettre le pied sur le seuil. En passant auprès du siège du princeSC90, l’air de son visage paraissait changé et sa démarche embarrassée ; les paroles remblaient lui manquer. Il montait à la salle, tenant sa tunique relevée, ayant le corps incliné, et retenant son haleine comme s’il ne pouvait plus respirer. En sortant, dès qu’il avait descendu le premier degré, son visage re-prenait son air accoutumé ; il paraissait affable et joyeux. Arrivé au bas des degrés, il hâtait le pas, comme un oiseau qui étend les ailes. En retournant à sa place, il paraissait éprouver une crainte respectueuse.

X.5.

Il tenait la tablette de son princeSC91, le corps incliné, comme s’il n’avait pas la force de la soutenir ; il la levait comme s’il avait salué, c’est-à-dire à la hauteur de la tête ; il l’abaissait comme s’il avait offert un objet, c’est-à-dire à la hauteur de la poitrine. Il avait l’air d’un homme qui tremble de peur. Il levait à peine les pieds en marchant, comme s’il avait cherché à suivre les traces de quelqu’un. En offrant au prince étranger les présents de son prince, il avait un air affable et joyeux. En lui offrant ses propres présents dans une visite particulière, il se montrait encore plus affable.

X.6.

Ce grand sage ne portait pas de collet à bordure de couleur rouge tirant sur le bleuSC92, ni de collet à bordure rouge tirant sur le noir.SC93

Il ne prenait pas pour ses vêtements ordinaires la couleur rouge tirant sur le blanc, ni la couleur violetteSC94. Pendant les chaleurs de l’été, sous une tunique de chanvre d’un tissu peu serré, il portait une autre tuniqueSC95. En hiver, il portait une tunique noire sur une tunique doublée de peau d’agneau noir, ou une tunique blanche sur une tunique doublée de peau de cerf blanc, ou une tunique jaune sur une tunique doublée de peau de renard jaune. La tunique doublée de fourrure qu’il portait ordinairement était longue ; mais la manche droite était plus courte que la gaucheSC96. Les vêtements doublés d’épaisse fourrure de renard ou de martre lui servaient à la maison. Quand il n’était pas en deuil, il portait toujours divers objets suspendus à la ceinture. Quant au vêtement qui lui descendait des reins jusqu’aux pieds, celui qui lui servait à la cour ou dans les temples avait des plis à la ceinture ; pour les autres, l’étoffe était deux fois moins large à la ceinture qu’à la partie inférieure. Il ne mettait pas sa tunique doublée de peau d’agneau ni son bonnet noir pour aller pleurer les mortsSC97. Le premier jour de la lune, il ne manquait pas de revêtir ses habits de cour et d’aller saluer son prince.

X.7.

Lorsqu’il gardait l’abstinenceSC98, il revêtait une tunique de toile qui était réservée pour les jours de purification. La nuit, il prenait son repos enveloppé dans un vêtement qui avait une fois et demie la longueur de son corps. Il changeait de nourriture et d’appartement.

- TH71 -

X.8.

Confucius aimait que sa bouillie fût faite d’un riz très pur, et son hachis composé de viande hachée très fin. Il ne mangeait pas la bouillie qui était moisie et gâtée, ni le poisson ni la viande qui commençaient à se corrompre. Il ne mangeait pas un mets qui avait perdu sa couleur ou son odeur ordinaire. Il ne mangeait pas un mets qui n’était pas cuit convenablement, ni un fruit qui n’était pas assez mûr. Il ne mangeait pas ce qui n’avait pas été coupé d’une manière régulière, ni ce qui n’avait pas été assaisonné avec la sauce convenable. - TH72 -

Lors même que les viandes abondaient, il ne prenait pas plus de viande que de nourriture végétale. La quantité de boisson fermentée dont il usait n’était pas déterminée ; mais elle n’allait jamais jusqu’à lui troubler la raison. Il ne voulait pas de liqueur fermentée ni de viande séchée qui eussent été achetéesSC99. Il avait toujours du gingembre sur sa table. Il ne mangeait pas avec excès.

- TH73 -

Quand il avait aidé le prince à faire une oblation dans le palais, il ne gardait pas même une nuitSC100 la viande offerteSC101. Il ne gardait pas plus de trois jours la viande qu’il avait lui-même offerte à ses parents défunts. au-delà de trois jours, il ne l’aurait pas mangée.

- TH74 -

En prenant ses repas, il ne discutait aucune question, lors même qu’on l’interrogeait. La nuit, quand il était couché, il n’entamait aucune discussion.

- TH75 -

Même quand il n’avait sur sa table qu’une nourriture grossière et du bouillon aux herbes, il ne manquait pas d’offrir quelque chose à ses parents défunts, et il l’offrait toujours avec respect.

X.9.

Il ne s’asseyait pas sur une natte qui n’était pas placée selon les règles.

X.10.

Quand il avait pris part à une réunion où les habitants de son village avaient bu ensemble, il quittait la salle après les vieillards à bâtonSC102. Quand les habitants de son village faisait des supplications pour écarter les maladies pestilentielles, il se tenait en habits de cour au pied des degrés, au côté oriental de la salle.

X.11.

Quand il envoyait saluer un ami dans une principauté étrangère, il faisait deux salutationsSC103, puis il conduisait l’envoyé jusqu’à la porte. Ki Kang tzeuSC104 lui ayant envoyé un remède en présent, le philosophe fit une salutation, reçut le présent, et dit :
— Je ne connais pas ce remèdeSC105 ; je n’oserai pas le prendre.

X.12.

Son écurie ayant été incendiée, Confucius, à son retour du palais, dit :
— Personne n’a-t-il été atteint par le feu ?
Il ne s’informa pas des chevaux.

X.13.

Quand le prince lui envoyait un mets tout préparé, il le goûtait sur une natte convenablement disposéeSC106. Quand le prince lui envoyait de la viande crue, il la faisait cuire, et l’offrait aux défunts. Quand le prince lui donnait un animal vivant, il le nourrissait. Lorsqu’il mangeait au palais à côté du prince, au moment où celui-ci offrait des mets aux défunts, Confucius goûtait les metsSC107. Quand il était malade et que le prince annonçait sa visite, il plaçait la tête vers l’orientSC108, il mettait sur lui ses habits de cour et étendait la ceinture officielle par dessus. Lorsque le prince l’appelait au palais, il s’y rendait à pied, sans attendre que sa voiture fût attelée.

X.14.

À la mort de l’un de ses amis, s’il n’y avait aucun parent pour prendre soin des funérailles, il disait :
— Je me charge des obsèques.
Quand il recevait des présents de ses amis, fût ce des voitures et des chevaux, il ne faisait pas de salutation, à moins que ce ne fût de la viande offerte aux défunts.

X.15.

Couché pour prendre son repos, il ne s’étendait pas comme un cadavre. À la maison, son maintien n’avait rien de trop grave. Lorsqu’il voyait un homme en habits de deuil, fût ce un ami intime, il prenait un air de com-passion. Lorsqu’il voyait un homme en costume officiel ou un aveugle, même en particulier, il ne manquait pas de lui donner une marque de respect. Lorsqu’il était en voiture, s’il voyait un homme en grand deuil, il mettait les mains sur l’appui de la voiture et saluait par une inclinaison de tête. S’il rencontrait un homme portant les tablettes du cens, il le saluait de la même manière. Quand on lui avait préparé un grand festin, il se levait et remerciait le maître de la, maison. Quand le tonnerre grondait ou que le vent se déchaînait, l’air de son visage témoignait son respect envers le Ciel irrité.

X.16.

Lorsqu’il montait en voiture, il tenait le corps droit, et prenait de la main le cordon qui aide à monter. Dans la voiture, il ne regardait pas en arrière, ne parlait pas avec précipitation, ne montrait rien du doigt.

X.17.

Lorsqu’un oiseau voit un homme à l’air menaçant, il s’envole, tournoie, puis se repose. Confucius dit :
— Que cette faisane, sur le pont, dans la montagne, sait bien choisir son temps pour s’envoler et pour se reposer !
Tzeu lou s’étant tourné vers elle pour la prendre, elle poussa trois cris, et s’envolaSC109.

- TH76 -

CHAPITRE XI

XI.1.

Le Maître dit :
— En ce qui concerne l’urbanité et la musique, les anciens passent pour des hommes peu civilisés, et les modernes, pour des hommes sages. Dans la pratique, j’imite les anciens.

- TH77 -

XI.2.

Le Maître dit :
— De tous les disciples qui m’ont accompagné dans les principautés de Tch’enn et de Ts’ai, aucun ne fréquente plus mon école. Ien Houei, Min Tzeu k’ien, Jen Pe gniou et Tchoung koung étaient remarquables par leurs vertus ; Tsai Ngo et Tzeu koung, par leur habileté à parler ; Jen Iou et Ki Lou, par leur habileté à gouverner ; Tzeu iou et Tzeu hia, par leur habileté dans les lettres et leur érudition.

- TH78 -

XI.3.

Le Maître dit :
— Houei ne m’excitait pas à parler ; il était content de tout ce que je disais.

- TH79 -

XI.4.

Le Maître dit :
— Que Min Tzeu k’ien était remarquable par sa piété filiale ! Les étrangers n’en parlent pas autrement que son père, sa mère et ses frèresSC110.

XI.5.

Nan Ioung, pour se souvenir qu’il fallait parler avec circonspection, répétait souvent ces mots du Cheu king :
La tablette blanche peut être polie et ses défauts disparaîtront.
Confucius lui donna en mariage la fille de son frère.

XI.6.

Ki K’ang tzeu demanda à Confucius lequel de ses disciples s’appliquait de tout son cœur à l’étude de la sagesse.
Le Maître répondit :
— Ien Houei s’y appliquait de tout son pouvoir. Malheureusement il a peu vécu. À présent personne ne l’égale.

XI.7.

Ien Iuen étant mortSC111, Ien Lou demanda la voiture de Confucius, afin d’en employer le prix à acheter un second cercueil au défunt. Le Maître répondit :
— Aux yeux d’un père, un fils est toujours un fils, qu’il ait du talent ou non. Quand mon fils Li est mort, il a eu un cercueil, mais pas de second cercueil pour contenir et protéger le premier. Je ne suis pas allé à pied, afin de lui procurer un second cercueil. Comme je viens immédiatement après les grands préfets, il ne convient pas que j’aille à pied.

- TH80 -

XI.8.

Ien Iuen étant mort, le Maître dit :
— Hélas ! le Ciel m’a ôté la vie ! le Ciel m’a anéanti !

XI.9.

Le Maître pleura amèrement la mort de Ien Iuen. Ses disciples lui dirent :
— Maître, votre douleur est excessive.
Il répondit :
— Ma douleur est elle excessive ? S’il y a lieu d’éprouver jamais une grande affliction, n’est-ce pas après la perte d’un tel homme ?

XI.10.

Ien Iuen étant mort, les disciples de Confucius voulurent faire de grands frais pour sa sépulture. Le Maître dit :
— Cela ne convient pas.
Les disciples l’enterrèrent néanmoins à grands frais. Le Maître dit :
— HoueiSC112 me considérait comme son père ; moi, je n’ai pu le traiter comme mon fils, c’est-à-dire l’enterrer pauvrement comme mon fils Li. Ce n’est pas moi qui en suis la cause, mais ces quelques disciples.

XI.11.

Tzeu lou interrogea Confucius sur la manière d’honorer les esprits. Le Maître répondit :
— Celui qui ne ait pas remplir ses devoirs envers les hommes, comment saura-t-il honorer les esprits ? Tzeu lou reprit :
— Permettez moi de vous interroger sur la mort. Le Maître répondit :
— Celui qui ne sait pas ce que c’est que la vie, comment saura-t-il ce que c’est que la mort ?

- TH81 -

XI.12.

Un jour Min tzeu se tenait auprès de Confucius avec un air ferme et affable, Tzeu lou, avec l’air d’un homme brave et audacieux, Jen Iou et Tzeu koung, avec un air sérieux. Le Maître était content de voir cette fermeté qui paraissait dans leur maintien.
— Un homme comme Iou, dit il, ne peut mourir de mort naturelleSC113.

XI.13.

Les ministres de la principauté de Lou voulaient reconstruire à neuf le magasin appelé Tch’ang fou. Min Tzeu k’ien dit :
— Si l’on réparait l’ancien bâtiment, ne serait-ce pas bien ? Est-il nécessaire d’élever une nouvelle construction ?
Le Maître dit :
— Cet homme ne parle pas à la légère ; quand il parle, il parle très bien.

XI.14.

Le Maître dit :
— Pourquoi la guitare de IouSC114 se fait elle entendre dans mon école ?
Les disciples de Confucius, ayant entendu ces paroles, conçurent du mé-pris pour Tzeu lou. Le Maître leur dit :
— Iou est déjà monté au temple de la sagesse ; mais il n’a pas encore pénétré dans le sanctuaire.

- TH82 -

XI.15.

Tzeu koung demanda lequel des deux était le plus sage, de Cheu ou de Chang. Le Maître répondit :
— Cheu va au-delà des limites ; Chang reste en deçà.
Tzeu koung reprit :
— D’après cela, Cheu l’emporte t il sur Chang ?
Le Maître répondit :
— Dépasser les limites n’est pas un moindre défaut que de rester en deçà.

XI.16.

Ki était devenu plus riche que ne l’avait été Tcheou koung. Cependant, K’iouSC115 levait pour lui des taxes, et augmentait encore son opulence. Le Maître dit :
— Jen Iou n’est plus mon disciple. Mes chers enfants, battez le tambourSC116 et attaquez le, vous ferez bien.

XI.17.

Confucius dit :
— Tch’ai est peu instruit, Chenn peu perspicace, Cheu plus soucieux d’une belle apparence que de la vraie vertu ; Iou n’est pas assez poli.

XI.18.

Le Maître dit :
— Houei avait presque atteint la plus haute perfection. Il était ordinairement dans l’indigenceSC117. Seu ne s’abandonne pas à la Providence ; il amasse des richesses ; mais il est judicieux.

XI.19.

Tzeu tchang interrogea Confucius sur la vertu de ceux qui sont naturellement bonsSC118. Le Maître répondit :
— Ils ne marchent pas sur les traces des sages ; ils n entreront pas dans le sanctuaire de la sagesse.

XI.20.

Le Maître dit :
— De ce qu’un homme fait des dissertations solides sur la vertu, on ne doit pas juger aussitôt qu’il est vertueux. Il faut examiner s’il est vraiment un sage, ou s’il en a seulement l’apparence.

XI.21.

Tzeu lou dit à Confucius :
— Quand je reçois un enseignement utile, dois je le mettre en pratique immédiatement ?
Le Maître répondit :
— Vous avez encore votre père et des frères plus âgés que vousSC119. Conviendrait il de mettre aussitôt à exécution tout ce que vous apprenez d’utile ?
Jen Iou demanda aussi s’il devait mettre en pratique sans retard tout ce qu’il apprenait de bon. Le Maître répondit :
— Faites le tout de suite.
Koung si Houa dit :
— Iou a demandé s’il devait mettre aussitôt à exécution tout ce qu’il apprenait d’utile à faire. Le Maître lui a répondu qu’il avait encore son père et des frères plus âgés que lui. K’iou a adressé la même question dans les mêmes termes. Le Maître a répondu qu’il devait mettre en pratique sur le champ ce qu’il apprenait de bon. Moi, Tch’eu, je suis dans l’incertitude ; j’ose vous prier de me l’expliquer.
Confucius dit :
— K’iou n’ose pas avancer ; je l’ai poussé en avant. Iou a autant d’ardeur et de hardiesse que deux ; je l’ai arrêté et tiré en arrière.

XI.22.

Le Maître avait couru un grand danger dans le bourg de K’ouang. Ien Iuen était resté en arrière. Confucius lui dit :
— Je vous croyais mort.
Ien Iuen répondit :
— Quand vous vivez encore, comment me serais je permis de m’exposer à la mort ?SC120

XI.23.

Ki Tzeu jen demanda à Confucius si Tzeu lou et Jen Iou avaient les talents nécessaires pour être de grands ministres. Le Maître répondit :
— Je pensais que vous alliez me parler d’hommes extraordinaires, et vous me parlez de Iou et de K’iou. Un grand ministre est celui qui sert son prince selon les règles de la justice, et qui se retire dès qu’il ne peut plus le faire. Iou et K’iou peuvent remplir d’une manière ordinaire les fonctions de ministres.
Ki Tzeu jen ajouta :
— Seront ils obéissants à leurs maîtres ?
Confucius répondit :
— Leur obéissance n’ira pas jusqu’à tremper dans un parricide ou un régicideSC121.

- TH83 -

XI.24.

Tzeu lou avait nommé Tzeu kao gouverneur de la ville de Pi. Le Maître dit :
— C’est faire grand tort à ce jeune homme et à son pèreSC122. Tzeu lou répondit :
— Il est chargé de diriger le peuple et les officiers, d’honorer les esprits qui président à la terre et aux moissons. Pour qu’il soit censé avoir appris l’art de gouverner, est-il nécessaire qu’il étudie les livres ?
Le Maître répliqua :
— Je hais ces beaux parleurs.

XI.25.

Le Maître dit à Tzeu lou, à Tseng Si, à Jen Iou et à Koung si Houan, qui étaient assis à ses côtés :
— Parlez moi franchement, sans considérer que je suis un peu plus âgé que vous. Laissés dans la vie privée, vous vous dites : « Les hommes ne me connaissent pasSC123. » Si les hommes vous connaissaient, que feriez vous ?
Tzeu lou se hâta de répondre :
— Supposons qu’une principauté, possédant mille chariots de guerre, soit tenue comme en servitude entre deux principautés voisines très puissantes ; que, de plus, elle soit envahie par une armée nombreuse ; qu’ensuite les grains et les légumes viennent à lui manquer ; si j’étais chargé de la gouverner, en trois ans, je pourrais inspirer du courage aux habitants, et leur faire aimer la justice.
Le Maître sourit.
— Et vous, K’iou, dit il, que feriez vous ?
Jen Iou répondit :
— Si j’avais à gouverner un petit pays de soixante à soixante dix stades, ou de cinquante à soixante, en trois ans, je pourrais mettre le peuple dans l’aisance. Pour ce qui concerne les cérémonies et la musique, j’attendrais la venue d’un sage.
Confucius dit :
— Vous, Tch’eu, que feriez vous ?
Koung si Houa répondit :
— Je ne dis pas que j’en sois capable, mais je désirerais l’apprendre. Je désirerais, portant la tunique noirâtre et le bonnet noir, remplir l’office de petit aide dans les cérémonies en l’honneur des ancêtres, et, dans les réceptions à la cour impériale, soit quand les princes s’y réunissent tous ensemble, soit quand ils y sont appelés dans une circonstance particulière.
Confucius dit :
— Vous, Tien, que feriez vous ?
Tseng Si cesse de toucher sa guitare ; mais les cordes vibrent encore. Il la dépose, se lève, et répond :
— Je ne partage pas les aspirations des trois autres disciples.
Le Maître dit :
— Quel mal y a-t-il ? Chacun peut exprimer son sentiment.
Tseng Si reprit :
— À la fin du printemps, quand les vêtements de la saison sont achevés, aller avec cinq ou six jeunes gens de vingt ans ou plus, avec six ou sept autres un peu moins âgés, me laver les mains et les pieds à la source tiède de la rivière I, respirer l’air frais sous les arbres de Ou iu, chanter des vers, et revenir ; voilà ce que j’aimerais.
Le Maître dit en soupirant :
— J’approuve le sentiment de Tien.
Quand les trois autres disciples se furent retirés, Tseng Si, resté seul, dit :
— Que faut-il penser de ce qu’ont dit ces trois disciples ?
Le Maître répondit :
— Chacun d’eux a exprimé son sentiment, et voilà tout.
Tseng Si dit :
— Pourquoi le Maître a-t-il souri, après avoir entendu Iou ?
Le Maître répondit :
— Celui qui gouverne un État doit montrer de la modestie. Le langage de Iou n’a pas été modeste. Voilà pourquoi j’ai souri.
Tseng Si dit :
— K’iou n’a-t-il pas aussi parlé du gouvernement d’un ÉtatSC124 ?
Confucius répondit :
— Existe-t il un domaine féodal de soixante à soixante dix stades, ou de cinquante à soixante stades qui ne soit pas un État, une principautéSC125 ?
Tseng si dit :
— Tch’eu n’a-t-il pas aussi parlé du gouvernement d’un État ?
Confucius répondit :
— Les offrandes aux ancêtres des princes, les réunions soit particulières soit générales des princes, qui concernent elles, si ce n’est les princesSC126 ? Si Tch’eu n’est qu’un petit assistant, qui pourra être grand assistant ?

CHAPITRE XII

XII.1.

Ien Iuen ayant interrogé Confucius sur la vertu parfaite, le Maître répondit :
— Se vaincre soi-même, rendre à son cœur l’honnêteté qu’il tenait de la nature, voilà la vertu parfaite. Si un jour vous parvenez à vous vaincre vous même, à recouvrer entièrement l’honnêteté du cœur, aussitôt tout l’univers dira que votre vertu est parfaite. Il dépend de chacun d’être parfaitement vertueux. Est ce que cela dépend des autres hommes ?
Ien Iuen dit :
— Permettez moi de vous demander à quoi se résume la pratique de la vertu parfaite.
Le Maître répondit :
— Que vos yeux, vos oreilles, votre langue, tout en vous soit maintenu dans les règles de l’honnêteté.
Ien Iuen dit :
— Malgré mon incapacité, j’essaierai, si vous me le permettez, de mettre en pratique ce précepte.

XII.2.

Tchoung koung interrogea Confucius sur la vertu parfaite. Le Maître répondit :
— En sortant de la maison, soyez attentif, comme si vous voyiez un hôte distingué ; en commandant au peuple, soyez aussi diligent que si vous présidiez à un sacrifice solennel ; ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse à vous même. Dans la principauté, personne ne sera mécontent de vous ; dans la famille, personne ne se plaindra de vous.
Tchoung koung dit :
— Malgré mon incapacité, si vous me le permettez, j’essaierai de suivre ce précepte.

XII.3.

Seu ma Gniou ayant interrogé Confucius sur la vertu parfaite, le Maître répondit :
— Un homme parfait parle difficilement, c’est-à-dire avec grande retenue, avec circonspection ;
Seu ma Gniou dit :
— Pour être parfait, suffit il d’être circonspect dans ses paroles ?
Le Maître répondit :
— Celui qui est circonspect dans ses actions, peut-il ne l’être pas dans ses paroles ?

XII.4.

Seu ma Gniou demanda à Confucius ce que c’était qu’un homme sage. Le Maître répondit :
— L’homme sage est exempt de chagrin et de crainte.
Seu ma Gniou dit :
— Pour être un sage, suffit il d’être exempt de chagrin et de crainte ?
Le Maître répondit :
— Celui qui, examinant son cœur, ne reconnaît en lui aucune faute, quel chagrin, quelle crainte aurait il ?

XII.5.

Seu ma Gniou dit avec chagrin :
— Les autres hommes ont tous des frères ou plus âgés ou moins âgés qu’eux ; je suis le seul qui n’en aie pas.
Tzeu hia répondit :
— J’ai entendu dire que la vie et la mort sont soumises aux décrets de la Providence, que les richesses et les honneurs dépendent du Ciel. L’homme sage veille sans cesse sur sa propre conduite ; il est poli, et remplit exactement ses devoirs envers les autres. Entre les quatre mers, tous les hommes sont ses frères. L’homme sage a-t-il lieu de s’affliger de n’avoir pas de frères ?

- TH84 -

XII.6.

Tzeu tchang demanda en quoi consiste la perspicacité. Le Maître répondit :
— Ne pas admettre les calomnies qui s’insinuent peu à peu dans les esprits, ni les accusations qui font ressentir à ceux qui les écoutent comme la douleur d’une blessure ou d’une piqûre ; cela peut s’appeler perspicacité. Ne pas admettre les insinuations adroites des calomniateurs, ni les plaintes qui font éprouver comme la douleur d’une blessure ou d’une piqûre ; c’est la perspicacité d’un homme qui voit loin.

XII.7.

Tzeu koung interrogea Confucius sur l’administration des affaires publiques. Le Maître répondit :
— Celui qui administre les affaires publiques doit avoir soin que les vivres ne manquent pas, que les forces militaires soient suffisantes, que le peuple lui donne sa confiance.
Tzeu koung dit :
— S’il est absolument nécessaire de négliger une de ces trois choses, laquelle convient il de négliger ?
— Les forces militaires, répondit Confucius.
— Et s’il est absolument nécessaire d’en négliger encore une seconde, dit Tzeu koung, quelle sera t elle ?
— Les vivres, répondit Confucius, car de tout temps les hommes ont été sujets à la mort, mais si le peuple n’a pas confiance en ceux qui le gouvernent, c’en est fait de lui.

XII.8.

Ki Tzeu tch’engSC127 dit :
— Que le sage ait des vertus solides, cela suffit. Qu’a-t-il à faire de l’urbanité et de tout ce qui ne servirait que comme d’ornement à sa personne ?
Tzeu koung répondit :
— C’est bien dommage ! Vous parlez ordinairement, Seigneur, en homme sageSC128. Un attelage de quatre chevaux ne saurait aller aussi vite que la langueSC129. On doit soigner l’extérieur comme l’intérieur, et l’intérieur comme l’extérieur. Une peau de tigre ou de léopard ne se distingue pas d’une peau de chien ou de brebis, quand le poil est racléSC130.

XII.9.

Ngai, prince de Lou, dit à Iou jo :
— Cette année les récoltes ont manqué ; je n’ai pas assez pour mes dépenses ; que faut-il faire ?
Iou jo répondit :
— Pourquoi ne percevez vous pas la dixième partie des produits de la terre ?
Le prince dit :
— Les deux dixièmes ne me suffisent pas. Comment puis je n’exiger qu’un dixième ?
Iou jo répliqua :
— Quand le peuple a le suffisant, le prince ne l’a-t-il pas aussi avec tous ses sujets ? Quand le peuple manque du suffisant, le prince ne manque-t-il pas aussi du suffisantSC131 ?

XII.10.

Tzeu tchang demanda à Confucius ce qu’il fallait faire pour acquérir une grande vertu et pour reconnaître l’erreur. Le Maître répondit :
— Le moyen d’acquérir une grande vertu, c’est de s’appliquer principalement à garder la fidélité et la sincérité, et d’observer la justice. Désirer la conservation de ceux que vous aimez et la mort d’un homme dont vous désiriez auparavant la conservation, c’est vous tromperSC132.

XII.11.

King, prince de Ts’i, interrogea Confucius sur l’art de gouverner. Confucius répondit :
— Que le prince remplisse ses devoirs de prince, le sujet ses devoirs de sujet, le père ses devoirs de père, le fils ses devoirs de fils.
Très bien, dit le prince. En effet, si le prince ne remplit pas ses devoirs de prince, le sujet ses devoirs de sujet, le père ses devoirs de père, le fils ses devoirs de fils, quand même les grains ne manqueraient pas, pourrais je en avoir pour vivre ?

XII.12.

Le Maître dit :
— IouSC133 est homme à terminer un procès en disant un seul mot.
Tzeu lou exécutait ses promesses sans retard.

- TH85 -

XII.13.

Le Maître dit :
— Entendre les plaideurs et rendre la justice, je le puis, tout comme un autre. L’important serait de faire qu’il n’y eût plus de plaideurs.

XII.14.

Tzeu tchang interrogea Confucius sur l’administration. Le Maître répondit :
— Il faut appliquer son esprit aux affaires sans relâche, et les traiter avec justice.

XII.15.

Le Maître dit :
— Le sage aide les autres à bien faire, mais non à mal faire. L’homme vulgaire tient une conduite tout opposée.

XII.16.

Ki K’ang tzeu interrogea Confucius sur l’art de gouverner. Confucius répondit :
— Gouverner ou diriger les hommes, c’est leur faire suivre la voie droite. Si vous-même, Seigneur, marchez à leur tête dans la voie droite, qui osera ne pas la suivre ?

XII.17.

Ki K’ang tzeu était dans l’embarras à cause des voleurs ; il consulta Confucius. Le philosophe lui répondit :
— Seigneur, ne soyez ni cupide ni ambitieux, et il n’y aura plus de voleurs, quand même vous encourageriez le vol par des récompenses.

XII.18.

Ki K’ang tzeu, interrogeant Confucius sur la manière de gouverner, lui dit :
— Ne ferais je pas bien de mettre à mort les malfaiteurs, afin de rendre le peuple vertueux ?
Confucius répondit :
— Pour gouverner le peuple, Seigneur, avez vous besoin de la peine de mort ? Vous même veuillez sérieusement être vertueux, et votre peuple sera vertueux. La vertu du prince est comme le vent ; celle du peuple est comme l’herbe. Au souffle du vent, l’herbe se courbe toujours.

XII.19.

Tzeu tchang demanda à Confucius ce que devait faire le disciple de la sagesse pour mériter d’être appelé illustre. Le Maître dit :
— Qu’appelez vous homme illustre ?
Tzeu tchang répondit :
— Celui qui a du renom auprès de son prince, de ses concitoyens, et de tous ses parents.
Le Maître reprit :
— Celui-là a du renom, il n’a pas une gloire véritable. Un homme illustre est simple, droit, ami de la justice. Il fait attention aux paroles qu’il entend, et il observe l’air du visageSC134. Il a soin de se mettre au dessous des autres. Il est-illustre auprès de ses concitoyens et de ses parents. Un homme qui a seulement du renom revêt une apparence de vertu, mais ses actions sont opposées à la vertu. Il se flatte d’être vertueux et s’en tient assuré. Il a du renom auprès de ses concitoyens et de ses parentsSC135.

XII.20.

Fan Tch’eu, accompagnant Confucius dans une promenade au pied de la colline nommée Ou iu, lui dit :
— Permettez moi de vous demander comment on peut acquérir une grande vertu, corriger ses défauts, reconnaître ses erreurs.
Le Maître répondit :
— Quelle excellente question ! Avoir en vue la pratique plutôt que la possession de la vertu, n’est-ce pas le moyen d’acquérir une grande vertu ? Faire la guerre à ses propres défauts, et non à ceux d’autrui, n’est-ce pas le moyen de se corriger ? Dans un moment de colère, mettre en danger sa vie et celle de ses parents, n’est-ce pas illusion ?

XII.21.

Fan Tch’eu demanda en quoi consiste la vertu d’humanité.
— Elle consiste à aimer les hommes, répondit le Maître.
Fan Tch’eu demanda en quoi consiste la prudence.
— Elle consiste à connaître les hommes, répondit Confucius.
Fan Tch’eu ne comprenant pas, le Maître dit :
— En élevant aux charges les hommes vertueux, et en laissant de côté les méchants, on peut déterminer les méchants à se corriger.
Fan Tch’eu s’étant retiré, alla trouver Tzeu hia, et lui dit :
— Tout à l’heure, j’ai été voir le Maître, et lui ai demandé en quoi consiste la prudence. Il m’a répondu : En élevant aux charges les hommes de bien et en écartant les hommes vicieux, on peut déterminer les méchants à se corriger. Que signifient ces paroles ?
Tzeu hia dit :
— Ces paroles sont pleines de sens. Chouenn, devenu maître de l’empire, choisit entre tous ses sujets et promut Kao iao ; les mé-chants s’en allèrent bien loin. T’ang, parvenu à l’empire, choisit entre tous ses sujets et promut I in ; tous les méchants disparurent.

XII.22.

Tzeu koung ayant interrogé Confucius sur l’amitié, le Maître dit :
— Avertissez vos amis avec franchise, et conseillez les avec douceur. S’ils n’approuvent pas vos avis, arrêtez ; craignez de vous attirer un affront.

XII.23.

Tseng tzeu dit :
— Le sage se fait des amis par son érudition, et l’amitié est un moyen de perfection pour lui et pour eux.

CHAPITRE XIII

XIII.1.

Tzeu lou interrogea Confucius sur la manière de gouverner le peuple. Le Maître répondit :
— Que le prince donne lui-même l’exemple de toutes les vertus, et prête secours au peuple dans ses travaux.
Tzeu lou pria le Maître de lui en dire davantage. Confucius répondit :
— Que le prince s’applique sans relâche à faire les deux choses que je viens de dire.

XIII.2.

Tchoung koung était grand intendant du chef de la famille Ki. Il interrogea Confucius sur l’administration. Le Maître dit :
— Mettez en avant les préfets, c’est-à-dire ne faites pas tout par vous même, mais servez vous des préfets, qui sont à vos ordres ; pardonnez les fautes légères ; mettez en charge des hommes sages et habiles.
Tchoung koung dit :
— Comment connaîtrai-je les hommes sages et habiles, afin de leur confier les charges ?
Confucius répondit :
— Mettez en charge ceux que vous connaissez. Quant à ceux que vous ne connaissez pas, est ce que d’autres ne vous les feront pas connaître ?

XIII.3.

Tzeu lou dit :
— Si le prince de Wei vous attendait pour régler avec vous les affaires publiques, à quoi donneriez vous votre premier soin ?
— À rendre à chaque chose son vrai nom, répondit le Maître.
— Est ce raisonnable ? répliqua Tzeu lou. Maître, vous vous égarez loin du but. À quoi bon cette réforme des noms ?
Le Maître répondit :
— Que Iou est grossier ! Un homme sage se garde de dire ou de faire ce qu’il ne sait pas.
« Si les noms ne conviennent pas aux choses, il y a confusion dans le langage. S’il y a confusion dans le langage, les choses ne s’exécutent pas. Si les choses ne s’exécutent pas, les bienséances et l’harmonie sont négligées. Les bienséances et l’harmonie étant négligées, les supplices et les autres châtiments ne sont pas proportionnés aux fautes. Les supplices et les autres châtiments n’étant plus proportionnés aux fautes, le peuple ne sait plus où mettre la main ni le pied.
« Un prince sage donne aux choses les noms qui leur conviennent, et chaque chose doit être traitée d’après la signification du nom qu’il lui donne. Dans le choix des noms il est très attentif. »

- TH86 -

XIII.4.

Fan Tch’eu pria Confucius de lui enseigner l’agriculture. Le Maître répondit :
— Un vieux laboureur vous l’enseignerait mieux que moi.
Fan Tch’eu le pria de lui enseigner l’art de cultiver les jardins potagers. Confucius répondit :
— Un vieux jardinier vous l’enseignerait mieux que moi.
Comme Fan Tch’eu se retirait, le Maître lui dit :
— Que Fan Siu a l’esprit petit ! Si le prince aime l’urbanité et les convenances, aucun de ses sujets n’osera les négliger. Si le prince aime la justice, aucun de ses sujets n’osera lui refuser l’obéissance. Si le prince aime la sincérité, aucun de ses sujets n’osera agir de mauvaise foi. Les choses étant ainsi, les habitants de toutes les contrées accourront à lui, avec leurs petits enfants sur leurs épaules. Quel besoin a-t-il d’apprendre l’agriculture ?

XIII.5.

Le Maître dit :
— Supposons qu’un homme ait appris les trois cents odes du Cheu king ; qu’ensuite, s’il est chargé d’une partie de l’administration, il manque d’habileté ; s’il est envoyé en mission dans les pays étran-gers, il soit incapable de répondre par lui-même ; que lui sert toute sa littérature ?

XIII.6.

Le Maître dit :
— Si le prince est lui-même vertueux, le peuple remplira ses devoirs, sans qu’on le lui commande ; si le prince n’est pas lui-même vertueux, il aura beau donner des ordres, le peuple ne les suivra pas.

XIII.7.

Le Maître dit :
— Les deux principautés de Lou et de Wei sont sœurs par leur administration, comme par leur origine.

- TH87 -

XIII.8.

Le Maître disait que Koung Tzeu king, tai fou de la principauté de Wei, était toujours content de l’état de sa maison ; que, quand il commença à posséder quelque chose, il disait :
— J’ai amassé un peu,
que, quand il eut des ressources suffisantes, il disait :
— Je suis presque au comble de l’opulence,
que, quand il fut devenu riche, il disait :
— Je suis presque dans la splendeur.

XIII.9.

Le Maître alla dans la principauté de Wei avec Jen Iou, qui conduisait sa voiture. Le Maître dit :
— Que les habitants sont nombreux !
— Maintenant qu’ils sont nombreux, dit Jen Iou, que faut-il faire pour eux ?
Le Maître répondit :
— Les rendre riches.
Jen Iou reprit :
— Quand ils seront devenus riches, que faudra-t-il faire de plus pour eux ?
— Les instruire, répondit Confucius.

XIII.10.

Le Maître dit :
— Si un prince me chargeait de l’administration des affaires publiques, au bout d’un an, elle serait assez bien réglée ; au bout de trois ans, elle serait parfaite.

XIII.11.

Le Maître dit :
— Si des princes vertueux se succédaient sur le trône durant cent ans, a dit un poète, ils parviendraient à corriger les hommes les plus scélérats, et à ne plus appliquer la peine de mort. Que ces paroles sont véritables !

XIII.12.

Le Maître dit :
— S’il paraissait un souverain vraiment digne de ce nom, au bout de trente ans, la vertu fleurirait partout.

XIII.13.

Le Maître dit :
— Si un homme sait se gouverner lui-même, quelle difficulté aura-t-il à gouverner l’État ? Mais celui qui ne sait pas se gouverner lui-même, comment pourra-t-il gouverner les autres ?

XIII.14.

Jen Iou revenant du palais, le Maître lui dit :
— Pourquoi revenez vous si tard ?
Jen Iou répondit :
— Les affaires publiques m’ont retenu.
Le Maître répliqua :
— Vous avez été retenu par les affaires particulières de ce Ki suennSC136. S’il y avait eu des affaires publiques, quoique je ne sois plus en charge, j’aurais été appelé à la délibération.

XIII.15.

Ting, prince de Lou, demanda à Confucius s’il existait une sentence qu’il suffise de suivre pour gouverner parfaitement. Confucius répondit :
— Une sentence ne peut avoir une si grande portée. On dit communément qu’il est malaisé d’être bon souverain, qu’il n’est pas facile d’être bon ministre d’État. Si un prince comprenait bien la difficulté de régner, cette seule sentence ne lui serait elle pas presque suffisante pour régler parfaitement son administration ?
Le prince Ting dit :
— Existe t il une maxime telle que, si un prince la met en pratique, il perdra ses États ?
Confucius répondit :
— Une maxime ne peut avoir une si grande portée. On dit communément : Je ne trouve pas d’agrément dans l’exercice du pouvoir ; une seule chose me plaît, c’est que, quand je parle, per-sonne ne me contredit. Si le prince parle bien, et que personne ne le contredise, ne sera ce pas bien ? Mais s’il parle mal, et que personne ne le contredise, ce seul mauvais principe ne le mettra-t-il pas en danger de perdre la souveraineté ?

XIII.16.

Le prince de Che interrogea Confucius sur la manière de gouverner. Le Maître répondit :
— Si ceux qui vivent près du prince sont contents, si ceux qui sont loin viennent d’eux-mêmes, le gouvernement est bien réglé.

XIII.17.

Tzeu hia, étant préfet de Kiu fou, interrogea Confucius sur l’administration des préfectures. Le Maître dit :
— Ne vous hâtez pas trop ; ne recherchez pas les petits avantages. Qui se hâte n’atteint pas loin ; qui poursuit de petits avantages néglige les grandes choses.

XIII.18.

Le prince de Che dit à Confucius :
— Dans mon pays il est des hommes qui font profession de droi-ture. Parmi eux, si un père vole une brebis, son fils rend témoignage contre lui.
Confucius répondit :
— Dans mon pays, les hommes droits agissent autrement. Le père cache les fautes de son fils, et le fils celles de son père. Cette conduite n’est pas opposée à la droiture.

XIII.19.

Fan Tch’eu interrogea Confucius sur la vertu parfaite. Le Maître répondit :
— Quand vous êtes seul à la maison, veillez sur vous même ; dans le maniement des affaires, soyez diligent ; soyez de bonne foi avec tout le monde. Fussiez vous au milieu des tribus barbares, il ne vous serait pas permis de négliger l’une de ces trois choses.

XIII.20.

Tzeu koung demanda ce qu’à fallait faire pour mériter d’être appelé disciple de la sagesse. Le Maître répondit :
— Celui-là mérite d’être appelé disciple de la sagesse qui dans sa conduite privée a de la pudeur et, dans les missions qui lui sont confiées en pays étrangers, ne déshonore pas le prince qui l’a envoyé.
Tzeu koung dit :
— Permettez moi de vous demander quel est celui qui vient immédiatement après le disciple de la sagesse.
— C’est, répondit Confucius, celui dont la piété filiale est attestée par tous les membres de la famille, et dont le respect pour les aînés et les supérieurs est loué par tous les habitants du bourg et tous les voisins.
Tzeu koung dit :
— Permettez-moi de vous demander quel est celui qui vient au troi-sième rang.
Confucius répondit :
— Un homme sincère dans ses paroles, obstiné dans ses actions, est sans doute un homme opiniâtre, vulgaire ; cependant il peut être placé au troisième rang.
Tzeu koung dit :
— Que faut-il penser de ceux qui administrent à présent les affaires publiques ?
Le Maître répondit :
— Hélas ! ce sont des hommes d’un esprit étroit. Méritent ils d’être comptés pour quelque chose

XIII.21.

Le Maître dit :
— Comme je ne trouve pas de disciples capables de se tenir constamment dans le juste milieu, je cherche des hommes qui aient de hautes aspirations, bien qu’ils soient incapables d’arriver si haut, ou des hommes qui, sans être très intelligents, ont l’amour du devoir. Les premiers avancent dans la vertu, et suivent les exemples et les enseignements des sages. Les seconds s’abstiennent de mal faire.

XIII.22.

Le Maître dit :
— Les habitants du midi disent communément qu’un homme inconstant ne peut pas même devenir habile devin ou bon médecin. Cet adage est très vrai. On lit dans le I king :
Celui qui manque de constance sera la risée des autres.
Le Maître dit :
— On ne réfléchit pas sur ces paroles, et de là vient tout le mal.

XIII.23.

Le Maître dit :
— Le sage est accommodant avec tout le monde, mais il n’a pas de complaisance coupable. L’homme vulgaire est complaisant pour le mal, et n’est pas accommodant avec tous.

XIII.24.

Tzeu koung demanda ce qu’il fallait penser d’un homme qui est aimé de tous les habitants de son pays. Le Maître répondit :
— Cela ne prouve pas suffisamment sa vertu.
Tzeu koung reprit :
— Que faut-il penser d’un homme en butte à la haine de tous les habitants de son pays ?
Le Maître répondit :
— Ce n’est pas une preuve certaine de sa vertu. On pourrait à plus juste titre estimer vertueux celui qui dans son pays est aimé de tous les hommes de bien et haï de tous les hommes vicieux.

XIII.25.

Le Maître dit :
— Il est aisé de servir l’homme sage, mais difficile de lui plaire. Si l’on cherche à gagner ses bonnes grâces par une voie peu louable, on n’y réussira pas. Pour ce qui est du service qu’il demande, il considère les aptitudes. Il est difficile de servir l’homme vulgaire, et facile de lui plaire. Si l’on cherche à lui plaire même par des voies peu louables, on lui plaira. Mais, dans ceux qui sont à son service, il exige la perfection.

XIII.26.

Le Maître dit :
— Le sage est calme, et n’est pas orgueilleux. L’homme vulgaire est orgueilleux, et n’est pas calme.

XIII.27.

Le Maître dit :
— Un homme courageux, ou constant, ou simple dans ses manières, ou réservé dans ses paroles, arrivera aisément à la perfection.

XIII.28.

Tzeu lou pria Confucius de lui dire ce que doit être un disciple de la sagesse. Le Maître répondit :
— Celui qui est dévoué, zélé pour exciter les autres à cultiver la vertu, affable et prévenant dans ses manières, mérite le nom de disciple de la sagesse. Il est dévoué à ses amis et les excite à la pratique de la vertu ; il est affable envers ses frères.

XIII.29.

Le Maître dit :
— Si un homme vertueux formait le peuple à la vertu pendant sept ans, on pourrait ensuite en tirer des soldats pour la guerre.

XIII.30.

Confucius dit :
— Conduire le peuple à la guerre, avant de l’avoir formé à la vertu, c’est le mener à sa perte.

CHAPITRE XIV

XIV.1.

Iuen Seu pria Confucius de lui dire de quoi l’on devait avoir honte. Le Maître répondit :
— On doit avoir honte de recevoir un traitement d’officier sous un bon gouvernement si l’on ne rend aucun service, ou de remplir une charge sous un mauvais gouvernement.

XIV.2.

Iuen Seu dit :
— Un homme qui réprime ses désirs de prévaloir ou de se vanter, ses sentiments d’aversion, sa cupidité, doit il être considéré comme parfait ?
Le Maître répondit :
— La répression des passions doit être considérée comme une chose difficile ; mais, à mon avis, ce n’est pas la perfection.

XIV.3.

Le Maître dit :
— Un disciple de la sagesse qui recherche le bien être n’est pas un véritable disciple de la sagesse.

XIV.4.

Le Maître dit :
— Sous un gouvernement bien réglé, parlez franchement et agissez ouvertementSC137 ; sous un gouvernement mal réglé, agissez ouvertement, mais modérez votre langage.

XIV.5.

Le Maître dit :
— Un homme vertueux a certainement de bonnes paroles sur les lèvres ; un homme qui a de bonnes paroles sur les lèvres peut n’être pas vertueux. Un homme parfait est certainement courageux ; un homme courageux peut n’être pas parfait.

XIV.6.

Nan Koung kouo dit à Confucius :
— I était un archer très habile ; Ngao poussait lui seul un navire sur la terre ferme. Tous deuxSC138 ont péri de mort violente. Iu et Heou Tsi ont cultivé la terre de leurs propres mains ; cependant SC139, ils ont obtenu l’empire.
Le Maître ne répondit pas ; mais, lorsque Nan Koung kouo se fut retiré, il dit de lui :
— Cet homme est un sage ; cet homme met la vertu Au-dessus de tout.

- TH88 -

XIV.7.

Le Maître dit :
— On trouve des disciples de la sagesse qui ne sont pas parfaits ; on n’a jamais vu un homme sans principes qui fût parfait.

XIV.8.

Le Maître dit :
— Un père qui aime son fils peut-il ne pas lui imposer des exercices pénibles ? Un ministre fidèle peut-il ne pas avertir son prince ?

XIV.9.

Le Maître dit :
— Quand il fallait écrire une lettre au nom du prince, Pi Chenn en composait le brouillon ; Cheu chou en examinait avec soin le contenu ; Tzeu iu, qui présidait à la réception des hôtes, corrigeait et polissait le style ; Tzeu tch’an, de Toung li lui donnait une tournure élégante.

- TH89 -

XIV.10.

Quelqu’un ayant demandé à Confucius ce qu’il pensait de Tzeu tch’an, le Maître répondit :
— C’est un homme bienfaisant.
Le même lui ayant demandé ce qu’il pensait de Tzeu si, il dit :
— Oh ! celui-là ! celui-làSC140 !
Le même lui ayant demandé ce qu’il pensait de Kouan tchoung, il répondit :
— C’était un homme si vertueux que, le prince de Ts’i lui ayant donné la ville de P’ien qui comptait trois cents familles, le chef de la famille Pe, dépouillé de ce domaine et réduit à se contenter d’une nourriture grossière, n’eut jamais un mot d’indignation contre lui.

- TH90 -

XIV.11.

Le Maître dit :
— Il est plus difficile de se défendre du chagrin dans la pauvreté que de l’orgueil dans l’opulence.

XIV.12.

Le Maître dit :
— Meng koung Tch’oSC141 excellerait dans la charge d’intendant de la maison de Tchao ou de Wei ; il ne serait pas capable de remplir la charge de tai fou dans la principauté de T’eng ou de Sie.

XIV.13.

Tzeu lou pria Confucius de lui dire ce que c’est qu’un homme parfait. Le Maître répondit :
— Celui qui aurait la prudence de Tsang Ou tchoung, l’intégrité de Koung tch’o, le courage de Tchouang tzeu, préfet de Pien, l’habileté de Jen K’iou, et qui de plus cultiverait les cérémonies et la musique, pourrait être regardé comme un homme parfait.
Confucius ajouta :
— À présent, pour être un homme parfait, est-il nécessaire de réunir toutes ces qualités ? Celui qui, en présence d’un profit à retirer, craint de violer la justice, qui, en face du danger, s’offre lui-même à la mort, qui, même après de longues années, n’oublie pas les enga-gements qu’il a pris dans le cours de sa vie ; celui-là peut aussi être considéré comme un homme parfait.

XIV.14.

Le Maître, parlant de Koung chou Wenn tzeuSC142 à Koung ming KiaSC143, lui dit :
— Est-il vrai que votre maître ne parle pas, ne rit pas et n’accepte rien ?
Koung ming Kia répondit :
— Ceux qui lui ont fait cette réputation ont exagéré. Mon maître parle, quand il est temps de parler, et ses paroles ne fatiguent personne. Il rit, quand il est temps de se réjouir, et son rire ne déplaît à personne. Il accepte, quand la justice le permet, et personne n’y trouve à redire.
Le Maître reprit :
— Est ce vrai ? Cela peut-il être vraiSC144 ?

XIV.15.

Le Maître dit :
— Tsang Ou tchoung, maître du pays de Fang, a demandé au prince de Lou de lui constituer un héritier et un successeur de sa propre famille. Il a beau dire qu’il n’a pas fait violence à son prince, je n’ajoute pas foi à son affirmation.

- TH91 -

XIV.16.

Le Maître dit :
— Wenn, prince de Tsin, était fourbe et manquait de droiture ; Houan, prince de Ts’i, était plein de droiture et sans duplicité.

XIV.17.

Tzeu lou dit :
— Houan, prince de Ts’i, tua le prince KiouSC145. Chao Hou ne voulut pas survivre au prince KiouSC146. Kouan Tchoung ne se donna pas la mort. Il me semble que sa vertu n’a pas été parfaite.
Le Maître répondit :
— Le prince Houan réunit sous son autorité tous les princes feudataires, sans employer ni armes ni chariots de guerre ; ce fut l’œuvre de Kouan Tchoung. Quel autre fut aussi parfait que luiSC147 ?

XIV.18.

Tzeu koung dit :
— Kouan Tchoung n’a pas été parfait, ce semble. Le prince Houan ayant tué le prince Kiou, Kouan Tchoung n’a pas eu le courage de se donner la mort ; de plus, il a servi le prince Houan.
Le Maître répondit :
— Kouan Tchoung aida le prince Houan à établir son autorité sur tous les princes. Il a réformé le gouvernement de tout l’empire, et jusqu’à présent le peuple jouit de ses bienfaits. Sans Kouan Tchoung, nous aurions les cheveux épars et le bord de la tunique fixé au côté gaucheSC148. Devait-il montrer sa fidélité comme un homme vulgaire, s’étrangler lui-même dans un fossé ou un canal et se dérober à la connaissance de la postérité ?

XIV.19.

L’intendant de la maison du tai fou Koung chou qui fut lui-même plus tard tai fou, montait au palais du prince avec son maîtreSC149. Le Maître l’ayant appris, dit :
— Koung chou est vraiment un homme d’un esprit cultivé.

XIV.20.

Le Maître ayant dit que Ling, prince de Wei, ne s’appliquait pas à faire régner la vertu, Ki K’ang tzeu demanda comment il n’avait pas encore perdu ses États. Confucius répondit :
— Tchoung chou Iu est chargé de recevoir les hôtes et les étrangers ; T’ouo dirige les cérémonies et prend la parole dans le temple des ancêtres ; Wang suenn Kia s’occupe de l’armée. Comment perdrait il ses États ?

XIV.21.

Le maître dit :
— Celui qui ne craint pas de promettre de grandes choses a de la peine à les exécuter.

XIV.22.

Tchenn Tch’eng tzeu avait mis à mort le prince Kien. Confucius, après s’être lavé la tête et le corps, alla au palais informer Ngai, prince de Lou.
— Tch’enn Heng, dit il, a tué son prince ; je vous prie de le faire châtier.
Le prince répondit :
— Adressez vous à ces trois grands seigneurs.
Confucius se dit en lui-même :
— Parce que j’ai encore rang parmi les tai fou, je n’aurais pas osé me dispenser d’avertir. Le prince me répond de m’adresser à ces trois seigneurs !
Confucius alla faire son rapport aux trois grands seigneurs, qui rejetèrent sa demande. Il leur dit :
— Parce que j’ai encore rang parmi les tai fou, je n’aurais pas osé ne pas avertir.

- TH92 -

XIV.23.

Tzeu lou demanda comment un sujet devait servir son prince. Le Maître répondit :
— Il doit éviter de le tromper et ne pas craindre de lui résisterSC150.

XIV.24.

Le Maître dit :
— Le sage tend toujours en haut ; un homme sans principes tend toujours en bas.

XIV.25.

Le Maître dit :
— Anciennement, on s’appliquait à l’étude de la sagesse pour devenir vertueux ; à présent, on s’y livre pour acquérir l’estime des hommes.

XIV.26.

K’iu Pe iu envoya saluer Confucius. Le philosophe invita le messager à s’asseoirSC151 et lui demanda à quoi son maître s’appliquait.
— Mon maître, répondit-il, désire diminuer le nombre de ses fautes, et il n’y parvient pas.
Quand l’envoyé se fut retiré, le Maître dit :
— O le sage messager ! O le sage messager !

- TH93 -

XIV.27.

Le Maître dit :
— Ne vous mêlez pas des affaires publiques dont vous n’avez pas la charge.

XIV.28.

Tseng tzeu dit :
— On lit dans le I king :
Les pensées, les projets du sage restent toujours dans les limites de son devoir, de sa condition.

XIV.29.

Le Maître dit :
— Le sage est modeste dans ses paroles, et il fait plus qu’il ne dit, c’est-à-dire sa conduite est toujours Au-dessus de ses préceptes.

XIV.30.

Le Maître dit :
— Le sage pratique trois vertus, qui me font défaut : parfait, il ne s’afflige de rien ; prudent, il ne tombe pas dans l’erreur ; courageux, il n’a point de crainte.
Tzeu koung dit :
— Maître, c’est vous qui le dites.

XIV.31.

Tzeu koung s’occupait à juger les autres. Le Maître dit :
— SeuSC152 est donc déjà un grand sage ! Moi, je n’ai pas le tempsSC153.

XIV.32.

Le Maître dit :
— Le sage ne s’afflige pas de n’être pas connu des hommes, mais de n’être pas capable de pratiquer parfaitement la vertu.

XIV.33.

Le Maître dit :
— Celui-là n’est-il pas vraiment sage, qui ne présume pas d’avance que les hommes ou chercheront à le tromper ou seront en défiance contre lui ; mais qui cependant découvre les ruses et les défiances des autres, aussitôt qu’elles existent ?

XIV.34.

Wei cheng Meou dit à Confucius :
— K’iou, pourquoi enseignez vous avec tant d’assiduité ? Et, pour captiver vos auditeurs, n’avez vous pas recours aux artifices du langage ?
Confucius répondit :
— Je ne me permettrais pas de faire le beau parleur ; mais je hais l’opiniâtretéSC154".

XIV.35.

Le Maître dit :
— Dans un excellent cheval, ce qu’on estime, ce n’est pas tant la force que la douceur.

XIV.36.

Quelqu’un dit :
— Que faut-il penser de celui qui rend le bien pour le mal ?
Le Maître répondit :
— Que rendrez vous pour le bien ? Il suffit de répondre à l’injustice par la justice et de rendre le bien pour le bien.

XIV.37.

Le Maître dit :
— Personne ne me connaît.
Tzeu koung dit :
— Maître, pourquoi dites vous que personne ne vous connaît ?
Le Maître reprit :
— Je ne me plains pas du Ciel et n’accuse pas les hommes. je m’applique à l’étude de la sagesse, commençant par les principes fondamentaux, et avançant par degrés. Celui qui me connaît, n’est-ce pas le CielSC155 ?

XIV.38.

Koung pe Leao avait parlé mal de Tzeu lou à Ki suenn. Tzeu fou King pe en informa Confucius et lui dit :
— Ki suenn a conçu des soupçons contre Tzeu lou par suite des accusations de Koung pe Leao. Je suis assez puissant pour obtenir que cet accusateur soit exposéSC156 sur la place publique ou à la cour du palais.
Le Maître répondit :
— Si ma doctrine doit suivre sa voie, c’est que le Ciel l’a décidé. Si elle doit être arrêtée dans sa marche, c’est que le Ciel le veut. Que peut faire Koung pe Leao contre les décrets du Ciel ?

XIV.39.

Le Maître dit :
— Parmi les sages, plusieurs vivent retirés du monde, les uns à cause de la corruption des mœurs ; les autres, d’une vertu moins parfaite, à cause des troubles de leur pays ; d’autres, encore moins parfaits, à cause du manque d’urbanité ; d’autres, d’une vertu encore inférieure, à cause du désaccord dans les opinions.

XIV.40.

Le Maître dit :
— De nos jours, sept sages se sont retirés dans la vie privéeSC157.

XIV.41.

Tzeu lou passa une nuit à Chenn mena. Le gardien de la porte lui dit :
— D’où venez vous ?
— De l’école de Confucius », répondit Tzeu lou.
— C’est, reprit le gardien, un homme qui s’applique à faire une chose qu’il sait être impossibleSC158.

XIV.42.

Le Maître, dans la principauté de Wei, jouait d’un instrument de musique composé de pierres sonoresSC159. Un lettré venant à passer devant la porte du philosophe, avec une corbeille sur les épaules, dit :
— Les sons de son instrument font connaître qu’il aime beaucoup les hommes.
Peu après il ajouta :
— Quelle aveugle opiniâtretéSC160 ! Personne ne le connaît. Qu’il cesse donc d’enseigner, et voilà tout. » Le Cheu king dit :
Si le gué est profond, je le traverserai les jambes nues ;
s’il ne l’est pas, je relèverai mes vêtements seulement jusqu’aux genoux
SC161.
Le Maître dit :
— Qu’il est cruelSC162 ! Son genre de vie n’a rien de difficile.

XIV.43.

Tzeu tchang dit :
— Les Annales rapportent que l’empereur Kao tsoung se retira dans une cabaneSC163 où il demeura sans parler durant trois ans. Que signifie cette cérémonie ?
Le Maître répondit :
— Qu’est-il besoin de citer Kao tsoung ? Tous les anciens faisaient la même chose. Quand un souverain mourait, les officiers rem-plissaient leurs fonctions sous la direction du premier ministre pendant trois ans.

- TH94 -

XIV.44.

Le Maître dit :
— Si le prince aime à garder l’ordre fixé par les lois et les usages, le peuple est facile à diriger.

XIV.45.

Tzeu lou demanda ce que c’est qu’un vrai disciple de la sagesse. Le Maître répondit :
— Un disciple de la sagesse se perfectionne en veillant attentivement sur lui-même.
— Cela suffit il ? » reprit Tzeu lou.
Confucius répondit :
— Il se perfectionne lui-même, puis il travaille à la perfection et à la tranquillité des autres.
— Est ce tout ? » demanda Tzeu lou.
Confucius dit :
— Il se perfectionne lui-même, ensuite il fait régner la vertu et la paix parmi le peuple. Se perfectionner soi-même, faire régner la vertu et la paix parmi le peuple, c’est ce que Iao et Chouenn eux-mêmes trouvaient très difficile, et croyaient être Au-dessus de leurs forces.

XIV.46.

Iuen Jang attendait Confucius en se tenant accroupi. Le Maître lui dit :
— Quand vous étiez jeune, vous ne respectiez pas ceux qui étaient plus âgés que vous. Devenu grand, vous n’avez rien fait de louable. Devenu vieux, vous ne mourez pas. Vos exemples sont très nuisibles.
Confucius avec son bâton lui frappa légèrement les jambes.

XIV.47.

Confucius employait au service des hôtes et des visiteurs un enfant du village de K’iue tang. Quelqu’un demanda s’il faisait des progrèsSC164. Le Maître répondit :
— Je le vois prendre place parmi les hommes faits, et marcher côte à côte avec ceux qui sont plus âgés que lui. Il ne cherche pas à progresser peu à peu ; mais il voudrait être parfait tout de suite.

CHAPITRE XV

XV.1.

Ling, prince de Wei, interrogea Confucius sur l’art de ranger les armées en bataille. Confucius répondit :
— On m’a enseigné la manière de ranger les supports et les vases de bois pour les sacrifices ; je n’ai pas appris à commander les armées.
Confucius s’en alla dès le lendemainSC165. Dans la principauté de Tch’enn, les vivres lui manquèrentSC166. Ses compagnons étaient affaiblis par la faim ; aucun d’eux n’avait plus la force de se lever. Tzeu lou indigné se présenta devant lui et dit :
— Le sage est-il aussi exposé à manquer de tout ?
— Le sage, répondit le Maître, demeure constant et courageux dans la détresse. Un homme vulgaire, dans la détresse, ne connaît plus aucune loi.

XV.2.

Le Maître dit :
— Seu, me considérez vous comme un homme qui a beaucoup appris et beaucoup retenu ?
— Oui, répondit Tzeu koung. Suis-je dans l’erreur ?
— Vous êtes dans l’erreur, reprit Confucius. Une seule chose me donne l’intelligence de toutSC167.

XV.3.

Le Maître dit :
— Iou, peu d’hommes connaissent la vertu.

- TH95 -

XV.4.

Le Maître dit :
— Chouenn était un prince qui, presque sans avoir besoin de rien faire, maintenait l’empire dans un ordre parfait. Que faisait il ? Il veillait attentivement sur lui-même et se tenait gravement le visage tourné vers le midi.

XV.5.

Tzeu tchang demanda quel était le moyen d’agir sur les autres hommes. Le Maître répondit :
— Un homme sincère et véridique dans ses paroles, prudent et circonspect dans ses actions, aura de l’influence, même au milieu des barbares du midi ou du septentrion. Un homme qui n’est ni sincère ni véridique dans ses paroles, ni prudent ni circonspect dans ses actions, aura-t-il quelque influence, même dans une ville ou un village ? Quand vous êtes debout, voyez par la pensée ces quatre vertusSC168 se tenant auprès de vous, devant vos yeux. Quand vous êtes en voiture, contemplez les assises sur le joug. Par ce moyen, vous acquerrez de l’influence.
Tzeu tchang écrivit sur sa ceinture ces paroles du Maître.

XV.6.

Le Maître dit :
— Combien la droiture de l’historiographe Iu est admirable ! Que le gouvernement soit bien ou mal réglé, il suit toujours le droit chemin, comme une flèche. Que K’iu Pe iu est sage ! Quand le gouvernement est bien réglé, il exerce une charge. Quand le gouvernement est mal réglé, il sait se retirer et tenir sa vertu cachée.

- TH96 -

XV.7.

Le Maître dit :
— Si vous refusez d’instruire un homme qui a les dispositions requises, vous perdez un homme, c’est-à-dire vous laissez dans l’ignorance un homme que vous pourriez rendre vertueux et sage. Si vous enseignez un homme qui n’a pas les dispositions nécessaires, vous perdez vos instructions. Un homme prudent ne perd ni les hommes ni ses enseignements.

XV.8.

Le Maître dit :
— Un homme qui est parfait ou résolu à le devenir ne cherche jamais à sauver sa vie au détriment de sa vertu. Il est des circonstances où il sacrifie sa vie, et met ainsi le comble à sa vertu.

XV.9.

Tzeu koung demanda ce qu’il fallait faire pour devenir parfait. Le Maître répondit :
— L’ouvrier qui veut bien faire son travail doit commencer par aiguiser ses instrumentsSC169. Dans la contrée où il demeure, qu’il se mette au service des tai fou les meilleurs ; qu’il contracte amitié avec les hommes les plus parfaits.

XV.10.

Ien Iuen demanda à Confucius ce qu’il fallait faire pour bien gouverner un État.
Le Maître répondit :
— L’empereur doit suivre le calendrier des HiaSC170. Il doit adopter la voiture des InSC171 et porter dans les cérémonies le bonnet des TcheouSC172. Il doit faire exécuter les chants de ChouennSC173. Il doit bannir les chants de la principauté de Tcheng et écarter les beaux parleurs. Les chants de Tcheng sont obscènes ; les beaux parleurs sont dangereux.

XV.11.

Le Maître dit :
— Celui dont la prévoyance ne s’étend pas loin sera bientôt dans l’embarras.

XV.12.

Le Maître dit :
— faut-il donc désespérer ? Je n’ai pas encore vu un homme qui aimât la vertu autant qu’on aime une belle apparence.

XV.13.

Le Maître dit :
— Tsang Wenn tchoungSC174 n’usa-t-il pas de sa dignité comme un voleurSC175 ? Il connut la sagesse de Houei de Liou hia et ne le demanda pas pour collègue à la cour du prince.

- TH97 -

XV.14.

Le Maître dit :
— Celui qui se reproche sévèrement ses fautes à lui-même et reprend les autres avec indulgence évite les mécontentements.

XV.15.

Le Maître dit :
— Je n’ai rien à faire pour celui qui ne demande pas : Comment ferai-je ceci ? comment ferai-je celaSC176 ?

XV.16.

Confucius dit :
— Ceux qui se réunissent en troupe et demeurent ensemble toute la journée, qui ne disent rien de bon et veulent suivre les lumières trompeuses de leur propre prudence, quelle difficulté n’auront ils pas !

- TH98 -

XV.17.

Le Maître dit :
— Le sage prend la justice pour base ; il la pratique d’après les règles établies par les anciens ; il la fait paraître modestement ; il la garde toujours sincèrement. Un tel homme mérite le nom de sage.

XV.18.

Le Maître dit :
— Le sage s’afflige de ne pouvoir pratiquer la vertu parfaitement. ; il ne s’afflige pas de n’être pas connu des hommes.

XV.19.

Le Maître dit :
— Le sage ne veut pas mourir qu’il ne se soit rendu digne d’éloge.

XV.20.

Le Maître dit :
— Le sage attend tout de ses propres efforts ; l’homme vulgaire attend tout de la faveur des autres.

XV.21.

Le Maître dit :
— Le sage est maître de lui-même et n’a de contestation avec personne ; il est sociable, mais n’est pas homme de parti.

XV.22.

Le Maître dit :
— Le sage n’élève pas un homme aux charges uniquement parce qu’il l’a entendu bien parler ; et il ne rejette pas une bonne parole parce qu’elle a été dite par un méchant homme.

XV.23.

Tzeu koung demanda s’il existait un précepte qui renfermât tous les autres, et qu’on dût observer toute la vie. Le Maître répondit :
— n’est-ce pas le précepte d’aimer tous les hommes comme soi-même ? Ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse à vous même.

XV.24.

Le Maître dit :
— Quel est celui que j’ai blâmé ou loué avec excès ? Si je loue trop quelqu’un, c’est que j’ai reconnu qu’il se rendra digne des éloges que je lui donne. Notre peuple est encore celui que les empereurs des trois dynasties ont traité avec la plus grande justiceSC177.

XV.25.

Le Maître dit :
— Dans mon enfance, j’ai encore pu voir un historiographe qui n’écrivait rien dont il ne fût certain, un homme riche qui prêtait à d’autres ses chevaux. À présent on n’en voit plusSC178.

XV.26.

Le Maître dit :
— Les beaux discours font prendre le vice pour la vertu. Une légère impatience ruine un grand projet.

XV.27.

Le Maître dit :
— Quand la haine ou la faveur de la multitude s’attache à un homme, il faut examiner sa conduite, avant de juger s’il est digne d’affection ou de haine.

XV.28.

Le Maître dit :
— L’homme peut développer et perfectionner ses vertus naturelles ; les vertus naturelles ne rendent pas l’homme parfaitSC179.

XV.29.

Le Maître dit :
— Ne pas se corriger après une faute involontaire, c’est commettre une faute véritable.

XV.30.

Le Maître dit :
— Autrefois je passais des jours entiers sans manger et des nuits entières sans dormir, afin de me livrer à la méditation. J’en ai retiré peu de fruit. Il vaut mieux étudier à l’école d’autrui.

XV.31.

Le Maître dit :
— Le disciple de la sagesse tourne toutes ses pensées vers la vertu, et non vers la nourriture. Le laboureur cultive la terre pour en tirer sa nourriture ; mais quand la récolte vient à manquer dans son travail il rencontre la disette et la faim. Au contraire, le disciple de la sagesse, en ne travaillant que pour acquérir la vertu, s’attire des honneurs et des richesses. Il donne tous ses soins à la vertu et n’a aucun souci de la pauvreté.

XV.32.

Le Maître dit :
— Si quelqu’un connaissait la doctrine des sages et qu’il n’eût pas assez de vertu pour la mettre en pratique, sa science ne lui servirait de rien. Si quelqu’un connaissait la doctrine des sages et pouvait la mettre en pratique, mais manquait de gravité en public, le peuple ne le respecterait pas. Si quelqu’un connaissait la doctrine des sages, était capable de la mettre en pratique, paraissait en public avec gravité, mais ne dirigeait pas le peuple d’après les règles établies, ce ne serait pas encore la perfection.

XV.33.

Le Maître dit :
— On ne peut apprécier le sage dans une petite choseSC180, mais on peut lui en confier de grandes. On ne peut confier de grandes choses à l’homme vulgaire ; mais on peut l’apprécier dans les petitesSC181.

XV.34.

Le Maître dit :
— La vertu est plus nécessaire au peuple que l’eau et le feuSC182. J’ai vu des hommes périr en marchant dans l’eau ou dans le feu ; je n’ai jamais vu personne périr en marchant dans la voie de la vertu.

XV.35.

Le Maître dit :
— Celui qui s’applique principalement à pratiquer la vertu peut rivaliser avec un maître, c’est-à-dire se diriger lui-même et les autres.

XV.36.

Le Maître dit :
— Le sage s’attache fortement à la vérité et au devoir ; il ne s’attache pas opiniâtrement à ses idées.

XV.37.

Le Maître dit :
— Celui qui est au service de son prince doit remplir sa charge avec grand soin, et ne penser à son salaire qu’en dernier lieu.

XV.38.

Le Maître dit :
— Le sage admet à son école tous les hommes, sans distinction.

- TH99 -

XV.39.

Le Maître dit :
— Deux hommes qui suivent des voies différentes ne peuvent pas s’entraider par leurs conseils.

XV.40.

Le Maître dit :
— Le langage doit exprimer clairement la pensée, cela suffit.

XV.41.

Le préfet de la musique MienSC183 étant allé faire visite à Confucius, lorsqu’il fut arrivé aux degrés de la salle, le Maître lui dit :
— Voici les degrés.
Lorsqu’il fut arrivé auprès de la natte, le philosophe lui dit :
— Voici la natte.
Quand tout le monde fut assis, le Maître dit au préfet de la musique :
— Un tel est ici ; un tel est là.
Lorsque le préfet Mien se fut retiré, Tzeu tchang demanda si c’était un devoir d’avertir ainsi le préfet de la musique.
— Certainement, répondit le Maître, c’est un devoir d’aider ainsi les directeurs de la musiqueSC184.

CHAPITRE XVI

XVI.1.

Le chef de la famille Ki se préparait à envahir Tchouen iuSC185. Jen Iou et Tzeu louSC186 allèrent voir Confucius et lui dirent :
— Ki prépare une expédition contre Tchouen iu.
— K’iouSC187, répondit Confucius, n’avez vous pas quelque part à ce crime ? Tchouen iu a été choisi par les anciens empereursSC188 pour être le lieu ordinaire des sacrifices, au pied du mont Moung oriental. De plus, il fait partie de la principauté de Lou et relève de l’autorité de notre prince. De quel droit Ki irait il l’attaquer ?
— Notre maître le veut, répondit Jen Iou ; nous, ses ministres, nous ne le voulons ni l’un ni l’autre.
Confucius dit :
— K’iou, Tcheou jennSC189 répétait souvent : « Que celui qui peut se dépenser pour le bien du peuple entre dans les rangs de la magistrature ; que celui qui ne peut rendre un vrai service n’accepte pas de charge. À quoi servira ce conducteur d’aveugles, qui ne saura ni affermir celui qui est ébranlé, ni soutenir celui qui tombe ?SC190 » De plus, votre réponse est blâmable. Si un tigre ou un bœuf sauvage s’échappe de sa cage ou de son enclos, si une écaille de tortue ou une pierre précieuse est endommagée dans le coffre, à qui en est la faute?SC191 ?
Jen Iou répliqua :
— Tchouen iu est bien fortifié et proche de la ville de Pi?SC192. Si Ki ne s’empare pas à présent de Tchouen iu, dans les temps à venir ses descendants seront dans l’embarras.
— Kiou, répondit Confucius, le sage déteste ces hommes qui ne veulent pas avouer leur cupidité et inventent des prétextes pour l’excuser. J’ai entendu dire que ce qui doit faire le souci des tchou heou et des tai fou, ce n’est pas le petit nombre de leurs sujets, mais le défaut de justice ; ce n’est pas le manque de ressources, mais le manque d’union et de concorde. La pauvreté n’est pas à craindre, où la justice est observée ; ni le défaut de sujets, où règne la concorde ; ni le bouleversement de l’État, où règne la tranquillité. Si les habitants des contrées éloignées ne reconnaissent pas l’autorité du prince, qu’il fasse fleurir les vertus civiles ?SC193, afin de les attirer ; après les avoir attirés, qu’il les fasse jouir de la tranquillité. Vous, Iou et Kiou, vous êtes les ministres de Ki. Les habitants des contrées éloignées ne se soumettent pas, et vous ne savez pas les attirer. La principauté de Lou penche vers sa ruine et se divise en plusieurs parties. Vous ne savez pas lui conserver son intégrité ; et vous pensez à exciter une levée de boucliers dans son sein. Je crains bien que la famille de Ki ne rencontre de grands embarras, non pas à Tchouen iu, mais dans l’intérieur même de sa maison?SC194.

- TH100 -

XVI.2.

Le Maître dit :
— Quand l’empire est bien gouverné, l’empereur règle lui-même les cérémonies, la musique, les expéditions militaires pour soumettre les feudataires désobéissants. Quand l’empire n’est pas bien gouverné, les tchou heou règlent les cérémonies, la musique, les expéditions militaires. Alors?SC195 les familles des tchou heou conservent rarement leur autorité au-delà de dix générations?SC196. Lorsque les tai fou s’emparent du pouvoir, ils le conservent rarement plus de cinq générations. Les intendants des princes ou des grands préfets, devenus à leur tour maîtres du pouvoir, le conservent rarement plus de trois générations. Quand l’empire est bien réglé, la haute administration n’est pas entre les mains des tai fou ; les particuliers ne sont pas admis à délibérer sur les affaires d’État.

XVI.3.

Confucius dit :
— Les revenus publics ont passé de la maison du prince de Lou aux maisons des trois puissants tai fou Meng Suenn, Chou suenn et Ki Suenn, qui descendent de Houan, prince de Lou, cela depuis cinq générations. La haute administration est entre les mains des tai fou depuis quatre générations. Aussi, la puissance de ces trois grands seigneurs touche à son terme?SC197.

- TH101 -

XVI.4.

Confucius dit :
— Trois sortes d’amitié sont avantageuses, et trois sortes d’amitié sont nuisibles. L’amitié avec un homme qui parle sans détours, l’amitié avec un homme sincère, l’amitié avec un homme de grand savoir, ces trois sortes d’amitié sont utiles. L’amitié avec un homme habitué à tromper par une fausse apparence d’honnêteté, l’amitié avec un homme habile à flatter, l’amitié avec un homme qui est grand parleur, ces trois sortes d’amitié sont nuisibles.

XVI.5.

Confucius dit :
— Il y a trois choses qu’il est utile d’aimer, et trois choses qu’il est nuisible d’aimer. Aimer à étudier les cérémonies et la musique, aimer à dire le bien qu’on a observé dans les autres, aimer à se lier d’amitié avec beaucoup d’hommes sages et vertueux, ces trois choses sont utiles. Aimer à donner libre cours à ses convoitises, aimer à perdre son temps et à courir çà et là, aimer les festins et les plaisirs déshonnêtes, ces trois passions sont nuisibles.

XVI.6.

Confucius dit :
— Quand vous êtes en présence d’un homme distingué par son rang et sa vertu, vous avez trois défauts à éviter. Si vous lui adressez la parole avant qu’il vous interroge, c’est précipitation. Si, interrogé par lui, vous ne lui répondez pas, c’est dissimulation. Si vous lui parler avant d’avoir vu, à l’air de son visage, qu’il vous prête une oreille attentive, c’est aveuglement.

XVI.7.

Confucius dit :
— Celui qui s’applique à pratiquer la vertu se tient en garde contre trois choses. Dans la jeunesse, lorsque le sang et les esprits vitaux sont toujours en mouvement, il se tient en garde contre les plaisirs des sens. Dans l’âge mûr, lorsque le sang et les esprits vitaux sont dans toute leur vigueur, il évite les querelles. Dans la vieillesse, lorsque le sang et les esprits vitaux ont perdu leur énergie, il se tient en garde contre la passion d’acquérir.

XVI.8.

Confucius dit :
— Le sage respecte trois choses. Il respecte la volonté du Ciel?SC198 ; il respecte les hommes éminents en vertu et en dignité ; il respecte les maximes des sages. L’homme vulgaire ne connaît pas la loi naturelle et ne la respecte pas ; il traite sans respect les hommes éminents ; il tourne en dérision les maximes des sages.

XVI.9.

Confucius dit :
— Ceux en qui la connaissance des principes de la sagesse est innée sont des hommes tout à fait supérieurs. Au second rang viennent ceux qui acquièrent cette connaissance par l’étude ; et, au troisième rang, ceux qui, malgré leur peu d’intelligence, travaillent à l’acquérir. Ceux qui n’ont ni intelligence ni volonté d’apprendre forment la dernière classe d’hommes.

XVI.10.

Confucius dit :
— Le sage donne une attention spéciale à neuf choses. Il s’applique à bien voir ce qu’il regarde, à bien entendre ce qu’il écoute ; il a soin d’avoir un air affable, d’avoir une tenue irréprochable, d’être sincère dans ses paroles, d’être diligent dans ses actions ; dans ses doutes, il a soin d’interroger ; lorsqu’il est mécontent, il pense aux suites fâcheuses de la colère ; en face d’un bien à obtenir, il consulte la justice.

XVI.11.

Confucius dit :
— À la vue d’un bien à faire, déployer toute son énergie, comme si l’on craignait de ne pouvoir y parvenir ; à la vue d’un mal à éviter, se retirer comme si l’on avait mis la main dans l’eau bouillante ; c’est un principe que j’ai vu mettre en pratique, et que j’ai appris des anciens. Se préparer dans la retraite?SC199 à servir son prince et son pays, pratiquer la justice?SC200, afin d’étendre au loin l’influence de sa vertu, c’est un principe que j’ai appris des anciens, mais que je n’ai encore vu suivi par personne.

XVI.12.

King, prince de Ts’i, avait mille attelages de quatre chevaux. À sa mort, le peuple ne trouva aucune vertu à louer en lui. Pe i et Chou ts’i moururent de faim au pied du mont Cheou iangSC201. Le peuple n’a pas encore cessé de célébrer leurs louanges,
non à cause de leurs richesses,
mais seulement à cause de leur rare vertu.

Ces deux vers du Cheu king ne peuvent ils pas leur être appliqués justement ?

XVI.13.

Tch’enn Kang demanda à Pe iuSC202 si son père lui avait donné des enseignements particuliers qu’il ne communiquait pas à ses disciples. Pe iu répondit :
— Aucun jusqu’à présent. Un jour qu’il se trouvait seul, comme je traversais la salle d’un pas rapide, il me dit :
Avez-vous étudié le Cheu king ? Pas encore, lui dis je. Si vous n’étudiez le Cheu king, me répondit il, vous n’aurez pas de sujets de conversation.
« Je me retirai et me mis à étudier le Cheu king. Un autre jour qu’il était encore seul, comme je traversais la salle d’un pas rapide, il me dit :
Avez vous étudié le Li ki ? Pas encore, lui répondis-je. Si vous n’étudiez pas le Li ki, dit il, votre vertu n’aura pas de fondement solide.
« Je me retirai et me mis à étudier le Livre des Devoirs. Voilà les deux enseignements que j’ai reçus.
Tch’enn Kang se retira satisfait et dit :
— J’ai demandé une chose, et j’en ai appris trois ; dont l’une concerne le Cheu king, l’autre concerne le Livre des Devoirs ; et la troisième, c’est que le sage ne donne pas d’enseignements secrets et particuliers à son fils.

XVI.14.

Un princeSC203 appelle sa femme fou jenn, son aide. La femme d’un prince, en parlant d’elle-même, s’appelle petite fille. Les habitants de la principauté la désignent sous le nom de Dame qui aide le prince. Quand ils parlent d’elle devant un étranger, ils l’appellent leur petite Dame. Les étrangers lui donnent le nom de Dame qui aide le prince.

CHAPITRE XVII

XVII.1.

Iang Houo désirait recevoir la visite de Confucius. Confucius n’étant pas allé le voir, Iang Houo lui envoya un jeune cochon. Confucius choisit le moment où Iang Houo n’était pas chez lui et alla à sa maison pour le saluer ; il le rencontra en chemin. Iang Houo dit à Confucius :
— Venez, j’ai à vous parler.
Alors il lui dit :
— Celui qui tient son trésorSC204 caché dans son sein et laisse son pays dans le trouble, mérite t il d’être appelé bienfaisant ?
— Non, répondit Confucius.
Iang Houo reprit :
— Celui qui aime à gérer les affaires publiques et laisse souvent passer les occasions de le faire mérite t il d’être appelé prudent ?
— Non, répondit Confucius.
Iang Houo continua :
— Les jours et les mois passent ; les années ne nous attendent pas.
— Bien, répondit Confucius ; j’exercerai un emploiSC205.

- TH102 -

XVII.2.

Le Maître dit :
— Les hommes sont tous semblables par leur nature ; ils différent par les habitudes qu’ils contractent.

XVII.3.

Le Maître dit :
— Il n’y a que deux classes d’hommes qui ne changent jamais de conduite : les plus sages et les plus insensés.

XVII.4.

Le Maître, arrivant à Ou tcheng, entendit des chants et des sons d’instruments à cordes. Il sourit et dit :
— Pour tuer une poule, emploie t on le couteau qui sert à dépecer les bœufs ?
Tzeu iou répondit :
— Maître, autrefois je vous ai entendu dire que l’étude de la sagesse rend les officiers bienfaisants et les hommes du peuple faciles à gouverner.
— Mes enfants, reprit le Maître, Ien a dit vrai. Ce que je viens de dire n’était qu’une plaisanterie.

- TH103 -

XVII.5.

Koung chan Fou jao, maître de la ville de Pi, s’était révolté. Il manda Confucius. Le philosophe voulait aller le voir. Tzeu lou indigné lui dit :
— Il n’est pas d’endroit où il convienne d’allerSC206. Quelle nécessité y a-t-il d’aller trouver le chef de la famille Koung chan ?
Le Maître répondit :
— Celui qui m’a invité l’a-t-il fait sans une intention véritableSC207 ? Si l’on me donnait la direction des affaires publiques, ne ferais je pas revivre en Orient les principes des fondateurs de la dynastie des Tcheou ?

- TH104 -

XVII.6.

Tzeu tchang demanda à Confucius en quoi consiste la vertu parfaite. Confucius répondit :
— Celui-là est parfait qui est capable de pratiquer cinq choses partout et toujours.
Tzeu tchang dit :
— Permettez moi de vous demander quelles sont ces cinq choses ?
— Ce sont, répondit Confucius, la gravité du maintien, la grandeur d’âme, la sincérité, la diligence et la bienfaisance. La gravité du maintien inspire le respect ; la grandeur d’âme gagne les cœurs ; la sincérité obtient la confiance ; la diligence exécute des œuvres utiles ; la bienfaisance rend facile la direction des hommes.

XVII.7.

Pi Hi invita Confucius à aller le voir. Le Maître voulait s’y rendre. Tzeu lou dit :
— Maître, autrefois je vous ai entendu dire que le sage ne faisait pas société avec un homme engagé dans une entreprise coupable. Pi Hi, maître de Tchoung meou, a levé l’étendard de la révolte. Convient il que vous alliez le voir ?
Le Maître répondit :
— Il est vrai, j’ai dit ces paroles. Mais ne dit on pas aussi qu’un objet très dur n’est pas entamé par le frottement ? Ne dit on pas aussi qu’un objet essentiellement blanc ne devient pas noir par la teinture ? Suis-je donc une courge ventrue, qui peut être suspendue, et ne pas manger ou n’être pas mangée ?

- TH105 -

XVII.8.

Le Maître dit :
— IouSC208, connaissez vous les six parolesSC209 et les six ombresSC210 ?
Tzeu lou se levant, répondit :
— Pas encore.
— Asseyez vous, reprit Confucius, je vous les dirai. Le défaut de celui qui aime à se montrer bienfaisant, et n’aime pas à apprendre, c’est le manque de discernement. Le défaut de celui qui aime la science, et n’aime pas l’étude, c’est de tomber dans l’erreur. Le défaut de celui qui aime à tenir ses promesses, et n’aime pas à apprendre, c’est de nuire aux autresSC211. Le défaut de celui qui aime la franchise, et n’aime pas à apprendre, c’est d’avertir et de reprendre trop librement sans aucun égard pour les personnes. Le défaut de celui qui aime à montrer du courage et n’aime pas à apprendre, c’est de troubler l’ordre. Le défaut de celui qui aime la fermeté d’âme, et n’aime pas à apprendre, c’est la témérité.

XVII.9.

Le Maître dit :
— Mes enfants, pourquoi n’étudiez-vous pas le Cheu king ? Il nous sert à nous exciter à la pratique de la vertu, à nous examiner nous mêmes. Il nous apprend à traiter convenablement avec les hommes, à nous indigner justement, à remplir nos devoirs envers nos parents et envers notre prince. Il nous fait connaître beaucoup d’oiseaux, de quadrupèdes et de plantes.

XVII.10.

Le Maître dit à son fils Pe iu :
— Etudiez vous le Tcheou nan et le Chao nanSC212 ? Celui qui n’a pas étudié le Tcheou nan et le Chao nan n’est-il pas comme un homme qui se tiendrait le visage tourné vers un mur ?

XVII.11.

Le Maître dit :
— Quand on parle d’urbanité, et qu’on vante l’urbanité, veut on parler seulement des pierres précieuses et des soieriesSC213 ? Quand on parle de musique, et qu’on vante la musique, veut on parler seulement des cloches et des tambours ?

- TH106 -

XVII.12.

Le Maître dit :
— Ceux qui en apparence sont rigides observateurs des préceptes de la sagesse et, au fond, n’ont aucune énergie, ne ressemblent ils pas à ces hommes de la lie du peuple quiSC214 passent à travers ou par dessus les murs pour volerSC215 ?

XVII.13.

Le Maître dit :
— Ceux qui passent pour hommes de bien aux yeux des villageoisSC216 ruinent la vertu.

XVII.14.

Le Maître dit :
— Répéter en chemin à tous les passants ce que l’on a appris de bon en cheminSC217, c’est jeter la vertu au vent.

XVII.15.

Le Maître dit :
— Convient il de faire admettre à la cour des hommes abjects, et de servir le prince avec eux ? Avant d’avoir obtenu les charges, ils sont en peine de les obtenir. Après les avoir obtenues, ils sont en peine de les conserver. Alors, ils ne reculent devant aucun crime pour ne pas les perdre.

XVII.16.

Le Maître dit :
— Les anciens étaient sujets à trois défauts, qui n’existent peut être plus à présentSC218. Anciennement, ceux qui avaient de grandes aspirations négligeaient les petites choses ; à présent, ils s’abandon-nent à la licence. Anciennement, ceux qui étaient constants dans leurs résolutions se montraient peu accessibles ; à présent, ils sont colères et intraitables. Anciennement, les ignorants étaient simples et droits ; à présent, ils sont fourbes.

XVII.17.

Le Maître dit :
— Je n’aime pas la couleur pourpre, parce qu’elle est plus foncée que le rougeSC219. Je déteste la musique de Tcheng, parce qu’elle est plus brillante que la bonne musique. Je hais les langues bavardes, parce qu’elles troublent les États et les familles.

XVII.18.

Le Maître dit :
— Je voudrais ne plus parler.
— Maître, dit Tzeu koung, si vous ne parlez pas, quels enseignements vos disciples transmettront ils à la postérité ?
Le Maître répondit :
— Est ce que le Ciel parle ? Les quatre saisons suivent leur cours ; tous les êtres reçoivent l’existence. Est ce que le Ciel parle jamais ?

- TH107 -

XVII.19.

Jou Pei désirait voir Confucius. Confucius s’excusa sous prétexte de maladie. Lorsque celui qui porta cette réponse au visiteur eut passé la porte de la maison, Confucius, prenant son luth, se mit à jouer et à chanter, afin que jou Pei l’entendîtSC220.

XVII.20.

Tsai Ngo interrogeant Confucius sur le deuil de trois ans, dit :
— Une année est déjà un temps assez long. Si le sage s’abstient de remplir les devoirs de convenance durant trois années, ces devoirs tomberont en désuétude ; s’il abandonne la musique pendant trois années, la musique sera en décadence. Dans le courant d’une année, les grains anciens sont consumés, les nouveaux sont re-cueillis ; les différentes sortes de bois ont tour à tour donné du feu nouveau. Il convient que le deuil ne dure pas plus d’un an.
Le Maître répondit :
— Au bout d’un an de deuil, pourriez vous bien vous résoudre à manger du riz et à porter des vêtements de soie ?
— Je le pourrais, dit Tsai Ngo.
— Si vous le pouvez, reprit Confucius, faites le. Le sage, en temps de deuil, ne trouve aucune saveur aux mets les plus exquis, n’aime pas à entendre la musique, et ne goûte aucun repos dans ses appartements ordinairesSC221. Aussi ne le ferait il pas. Pour vous, si vous pouvez vous résoudre à le faire, faites le.
Tsai Ngo se retirant, le Maître dit :
— Iu a mauvais cœur. Les parents portent leur enfant sur leur sein durant trois années ; c’est pour reconnaître ce bienfait que le deuil de trois ans a été adopté partout. Iu n’a-t-il pas été l’objet de la tendresse de ses parents durant trois années ?

- TH108 -

XVII.21.

Le Maître dit :
— Quand on ne fait que boire et manger toute la journée, sans appliquer son esprit à aucune occupation, qu’il est difficile de devenir vertueux ! N’a t on pas des tablettes et des échecs ? Mieux vaudrait se livrer à ces jeux que de rester à ne rien faire.

XVII.22.

Tzeu lou dit :
— Le sage n’a-t-il pas en grande estime la bravoure ?
Le Maître répondit :
— Le sage met la justice Au-dessus de tout. Un homme élevé en dignité qui a de la bravoure et ne respecte pas la justice trouble le bon ordre. Un homme privé qui a de la bravoure et manque de justice devient brigand.

XVII.23.

Tzeu koung dit :
— Est-il des hommes qui soient odieux au sage ?
Le Maître répondit :
— Oui. Le sage hait ceux qui publient les défauts ou les fautes d’autrui ; il hait les hommes de basse condition qui dénigrent ceux qui sont d’une condition plus élevée ; il hait les hommes entreprenants qui violent les lois ; il hait les hommes audacieux qui ont l’intelligence étroite.
Le Maître ajouta :
— Et vous, Seu, avez vous aussi de l’aversion pour certains hommes ?
— Je hais, répondit Tzeu koung, ceux qui observent la conduite des autres, croyant que c’est prudence ; je hais ceux qui ne veulent jamais céder, s’imaginant que c’est courage ; je hais ceux qui reprochent aux autres des fautes secrètes, pensant que c’est franchise.

XVII.24.

Le Maître dit :
— Les femmes de second rang et les hommes de service sont les personnes les moins maniables. Si vous les traitez familièrement, ils vous manqueront de respect ; si vous les tenez à distance, ils seront mécontents.

XVII.25.

Le Maître dit :
— Celui qui, à quarante ans, conserve encore des défauts qui le rendent odieux, ne se corrigera jamais.

CHAPITRE XVIII

XVIII.1.

Le prince de Wei quitta la cour ; le prince de Ki fut réduit en esclavage ; Pi kan, pour avoir adressé des remontrances, fut mis à mort. Confucius dit :
« Sous la dynastie des In, il y eut trois hommes d’une vertu parfaite. »

- TH109 -

XVIII.2.

Houei de Liou hia était préposé à la justiceSC222 ; il fut plusieurs fois destitué de sa charge. Quelqu’un lui dit :
— Le moment n’est-il pas encore venu de quitter ce paysSC223 ?
— Si je veux servir le public en observant toutes les règles de l’honnêteté, répondit il, où irai-je pour n’être pas destitué plusieurs fois ? Si je veux servir le public en faisant fléchir les lois de la probité, qu’ai-je besoin de quitter ma patrie ?

XVIII.3.

King, prince de Ts’i, se préparant à recevoir Confucius, dit à ses ministres :
— Je ne puis le traiter avec autant d’honneur que le prince de Lou traite le chef de la famille Ki. je le traiterai moins honorablement que le prince de Lou ne traite le chef de la famille Ki, mais plus honorablement qu’il ne traite le chef de la famille Meng.
Puis il ajouta :
— Je suis vieux ; je ne pourrai mettre en pratique ses enseignements.
ConfuciusSC224 quitta la principauté de Ts’iSC225.

XVIII.4.

Le prince de Ts i et ses ministres envoyèrent au prince de Lou une bande de musiciennes. Ki Houan les reçut ; au palais, durant trois jours, le soin des affaires fut abandonné. Confucius s’en alla.

- TH110 -

XVIII.5.

Un sage de la principauté de Tch’ou, qui contrefaisait l’insensé, nommé Tsie iu, passa devant la voiture de Confucius, en chantant :
— O phénix ! ô phénix ! Que ta vertu est diminuée ! Il n’est plus temps d’empêcher par des avis tes égarements passés ; mais tes fautes futures peuvent encore être prévenues. Cesse donc de te produire et d’enseigner. Ceux qui maintenant sont à la tête des affaires sont en grand danger.
Confucius descendit de voiture pour lui parler. Mais Tsie iu s’en alla d’un pas rapide. Confucius ne put converser avec lui.

- TH111 -

XVIII.6.

Tch’ang Ts’iu et Kie Gni s’étaient associés pour cultiver la terre. Confucius, passant en voiture auprès d’eux, envoya Tzeu lou leur demander où était le guéSC226. Tch’ang Ts’iu dit :
— Quel est celui qui est dans la voiture et tient les rênes ?
— C’est Confucius, répondit Tzeu lou.
— Est ce Confucius de la principauté de Lou ? reprit Tch’ang Ts’iu.
— C’est lui, dit Tzeu lou.
— Puisqu’il a parcouru plusieurs fois tout le pays, dit Tch’ang Ts’iu, lui-même connaît le gué.
Tzeu lou interrogea Kie Gni.
— Qui êtes vous ? dit Kie Gni.
— Je suis Tchoung Iou, répondit Tzeu lou.
Kie Gni dit :
— N’êtes vous pas l’un des disciples de Confucius de Lou ?
— Oui, répondit Tzeu lou.
— Tout l’empire, dit Kie Gni, est comme un torrent qui se précipite. Qui vous aidera à le réformer ? Au lieu de suivre un philosophe qui fuit les hommesSC227 ne feriez-vous pas mieux d’imiter les sages qui fuient le monde et vivent dans la retraite ?
Kie Gni continua à recouvrir avec sa herse la semence qu’il avait déposée dans la terre.
Tzeu lou alla porter à Confucius les réponses de ces deux hommes. Le Maître dit avec un accent de douleur :
— Nous ne pouvons pas faire société avec les animaux. Si je fuis la société de ces hommesSC228, avec qui ferai-je société ? Si le bon ordre régnait dans l’empire, je n’aurais pas lieu de travailler à le réformer.

- TH112 -

XVIII.7.

Tzeu lou, voyageant avec Confucius, resta en arrière et le perdit de vue. Il rencontra un vieillard qui à l’aide d’un bâton portait sur son épaule une corbeille pour recueillir de l’herbe. Il lui demanda s’il avait vu son maître. Le vieillard lui dit :
— Vous ne remuez ni pieds ni mainsSC229 ; vous ne savez pas même distinguer les cinq espèces de grains. Quel est votre maître ?
Puis, ayant enfoncé en terre son bâton, il arracha de l’herbe. Tzeu lou joignit les mainsSC230 et attendit. Le vieillard l’invita à passer la nuit dans sa maison. Il tua un poulet, prépara du millet, et servit à manger à son hôte. Il lui présenta aussi ses deux fils.
Le lendemain, Tzeu lou s’en alla et raconta ce fait à Confucius. Le Maître dit :
— C’est un sage qui vit caché.
Il ordonna à Tzeu lou d’aller le voir de nouveau. Quand Tzeu lou arriva, le vieillard était déjà parti. Tzeu lou dit à ses deux fils :
— Refuser les charges, c’est manquer à un devoir. S’il n’est pas permis de négliger les égards dus à ceux qui sont plus âgés que nous, quelqu’un a-t-il le droit de ne pas remplir les importants devoirs d’un sujet envers son prince ? En voulant se conserver sans tache, il violerait les grandes lois des relations sociales. Le sage accepte les charges, pour remplir le devoir qu’il a de servir son prince. Le bon ordre ne règne pas ; c’est ce que nous savons depuis longtemps.

- TH113 -

XVIII.8.

Pe i, Chou ts’i, Iu tchoung, I i, Tchou Tchang, Houei de Liou hia et Chao lien ont vécu en simples particuliers. Le Maître dit :
— Pe i et Chou ts’i n’ont ils pas tenu invariablement leur résolutionSC231 de peur de se souiller ?
Confucius dit que Houei de Liou hia et Chao lien faisaient fléchir leur résolution et s’abaissaient eux-mêmes ; que leur langage avait été conforme à la droite raison, et leur conduite, d’accord avec le sentiment commun des hommes ; qu’ils avaient eu cela de bon, et rien de plus. Il dit que I tchoung et I i avaient vécu dans la retraite, donné des avis avec une liberté excessive ; mais qu’ils avaient pratiqué la vertu la plus pure, et que le sacrifice des dignités leur était permis à cause des circonstances. « Pour moi, ajouta-t-il, je ne suis pas du sentiment de ces sages, je ne veux ni ne rejette rien absolumentSC232. »

XVIII.9.

Tcheu, chef de tous les musiciens du prince de Lou, s’en alla dans la principauté de Ts’i. Kan, chef des musiciens qui jouaient pendant le deuxième repas, s’en alla dans la principauté de Tch’ou. Leao, chef de ceux qui jouaient au troisième repas, s’en alla dans la principauté de Ts’ai. K’iue, chef de ceux qui jouaient au quatrième repas, s’en alla dans la principauté de Ts’in. Fang chou, qui battait le tambour, se retira au bord du Fleuve jaune. Ou, qui agitait le petit tambour à manche, se retira au bord de la Han. Iang, aide du directeur en chef, et Siang, qui frappait le k’ing, se retirèrent au bord de la merSC233.

- TH114 -

XVIII.10.

Tcheou koungSC234, instruisant le prince de LouSC235, lui dit :
— Un prince sage ne néglige pas ceux qui lui sont unis par le sang. Il a soin que les grands officiers ne puissent pas se plaindre de n’être pas employésSC236. À moins d’une raison grave, il ne rejette pas les membres des anciennes familles qui ont servi l’État de génération en génération. Il n’exige pas qu’un officier possède à lui seul tous les talents et toutes les qualités.

- TH115 -

XVIII.11.

La dynastie des Tcheou eut huit hommes remarquables : Pe ta, Pe kouo, Tchoung tou, Tchoung hou, Chou ie, Chou hia, Ki souei, Ki koua.

CHAPITRE XIX

XIX.1.

Tzeu tchang dit :
— Celui-là est un vrai disciple de la sagesse, qui, en face du péril, expose sa vie, en face d’un avantage à recueillir, consulte la justice, dans les cérémonies en l’honneur des esprits, a soin d’être respectueux et, dans le deuil, ne pense qu’à sa douleur.

XIX.2.

Tzeu tchang dit :
— Celui qui entreprend de pratiquer la vertu, mais dans des limites étroites, qui croit aux principes de la sagesse, mais avec hésitation, doit il être compté pour quelque chose ? doit il être compté pour rien ?

XIX.3.

Les disciples de Tzeu hia ayant interrogé Tzeu tchang sur l’amitié, Tzeu tchang leur demanda ce qu’en disait Tzeu hia.
— Il dit, répondirent ils, qu’on doit faire société avec les hommes dont l’amitié peut être utile, et qu’il faut repousser les autres.
Tzeu tchang répliqua :
— Ce principe ne s’accorde pas avec les enseignements que j’ai reçus. Le sage honore les hommes vertueux, et ne rejette personne ; il encourage par des éloges ceux qui sont avancés dans la vertu et a compassion de ceux qui sont encore faibles. Suis-je un grand sage ? Quel est l’homme que je devrai repousser ? Suis-je dépourvu de sagesse ? Les hommes sages me repousseront ! Convient il de repousser quelqu’un ?

- TH116 -

XIX.4.

Tzeu hia dit :
— Les métiers, les arts, même les plus humblesSC237, ne sont nullement à mépriser. Mais si quelqu’un les exerçait en vue de plus grandes chosesSC238, cette occupation lui serait peut être un obstacleSC239. Pour cette raison le sage n’exerce pas ces métiers.

XIX.5.

Tzeu hia dit :
— Celui qui chaque jour examine, étudie ce qu’il n’a pas encore pu comprendre ou pratiquer parfaitement, et qui chaque mois examine s’il n’a rien oublié ou négligé de ce qu’il a appris, celui-là désire vraiment apprendre.

XIX.6.

Tzeu hia dit :
— Etendez vos connaissances et ayez une volonté ferme ; interrogez sur les choses pratiquesSC240 ; pensez aux choses qui vous touchent de prèsSC241. Là se trouve la vertu parfaite.

XIX.7.

Tzeu hia dit :
— Les artisans demeurent constamment dans leurs ateliers sur la place publique, afin de faire des ouvrages parfaitsSC242. De même, le disciple de la sagesse apprend et s’exerce assidûment, afin de ren-dre sa vertu parfaite.

XIX.8.

Tzeu hia dit :
— L’homme vulgaire colore toujours d’une belle apparence les fautes qu’il a commises.

XIX.9.

Tzeu hia dit :
— L’apparence du sage est sujette à trois changements. Vu de loin, il paraît grave et sérieux ; vu de près, il paraît affable ; quand il parle, il paraît inflexible dans ses principes.

XIX.10.

Tzeu hia dit :
— Il faut qu’un officier gagne la confiance de ceux qui sont soumis à son autorité, avant de leur imposer des charges. Sinon, ils croiront qu’il veut les vexer. Il faut qu’il se concilie la confiance de son prince, avant de lui adresser des remontrances. Sinon, le prince le considérera comme un homme qui l’accuse faussement.

XIX.11.

Tzeu hia dit :
— Celui qui dans les grandes choses ne dépasse pas les limites peut dans les petites choses aller au-delà ou rester en deçà, sans grand dommage pour sa vertu.

XIX.12.

Tzeu iou dit :
— Les disciples de Tzeu hia savent très bien arroser et balayer la terre, répondre à ceux qui les appellent ou les interrogent, avancer ou se retirer. Mais ce sont des choses accessoires. Ils ignorent les plus importantes. Peut on les considérer comme de vrais disciples de la sagesse ?
Ces paroles ayant été rapportées à Tzeu hia, il dit :
— Ah ! Ien IouSC243 est dans l’erreur. Qu’est ce que le sage met au premier rang et enseigne à ses disciples ? Qu’est ce qu’il met au dernier rang et néglige ? Les disciples sont comme les plantes, dont chaque espèce exige une culture particulière. Est ce que le sage se permettrait de tromper ses disciplesSC244 ? Le sage par excellence, n’est-ce pas celui qui embrasse toutes choses, non pas à la fois, mais par ordre ?

XIX.13.

Tzeu hia dit :
— Que celui qui est en charge remplisse d’abord les devoirs de sa charge ; puis, s’il a du temps et des forces de reste, qu’il étudie. Que celui qui étudie apprenne d’abord parfaitement ; puis, si ses forces le lui permettent, qu’il exerce une charge.

- TH117 -

XIX.14.

Tzeu iou dit :
— Le deuil est parfait, si le cœur éprouve une affliction parfaite ; tout le reste est secondaire.

XIX.15.

Tzeu iou dit :
— Mon compagnon Tchang fait des choses qu’un autre ferait difficilement. Cependant, sa vertu n’est pas encore parfaite.

XIX.16.

Tseng tzeu dit :
— Que Tchang est admirable dans les choses extérieures ! Mais il est difficile dé pratiquer avec lui la vertu parfaite.

- TH118 -

XIX.17.

Tseng tzeu disait :
— J’ai entendu dire à notre maître que, quand même les hommes ne feraient pas tout leur possible dans les autres circonstances, ils devraient le faire à la mort de leurs parents.

XIX.18.

Tseng tzeu dit :
— Au sujet de la piété filiale de Meng Tchouang tzeu, j’ai entendu dire à notre maître qu’on pouvait aisément imiter tous les exemples de ce grand préfet, hormis celui qu’il a donné en ne changeant ni les serviteurs ni l’administration de son père.

XIX.19.

Iang Fou, ayant été nommé directeur des tribunaux par le chef de la famille Meng, demanda des conseils à son maître Tseng tzeu. Tseng tzeu lui dit :
— Ceux qui dirigent la société s’écartant du droit chemin, depuis longtemps le peuple se diviseSC245. Si vous reconnaissez la vérité des accusations portées devant les tribunaux, ayez compassion des coupables, et ne vous réjouissez pasSC246.

XIX.20.

Tzeu koung dit :
— La scélératesse de l’empereur Tcheou n’a pas été si extrême qu’on le dit. Le sage craint beaucoup de descendre le courant et de s’arrêter dans l’endroit où toutes les eaux de l’empire se déversent, c’est-à-dire de tomber enfin si bas qu’on lui impute tous les crimes de l’univers, comme il est arrivé au tyran Tcheou.

XIX.21.

Tzeu koung dit :
— Les fautes involontaires d’un prince sage sont comme les éclipses du soleil et de la lune. Quand il s’égare, tous les yeux le voient. Quand il se corrige, tous les regards le contemplent.

XIX.22.

Koung suennSC247 Tch’ao de Wei demanda à Tzeu koung de quel maître Confucius tenait ses connaissances. Tzeu koung répondit :
— Les institutions de Wenn wang et de Ou wang ne sont pas encore tombées dans l’oubli ; elles vivent toujours dans la mémoire des hommes. Les hommes de talent et de vertu en ont appris les grands principes. Les hommes ordinaires en ont appris quelques principes particuliers. Les enseignements de Wenn wang et de Ou wang subsistent encore partout. De quelle source mon maître n’a-t-il pas tiré quelque connaissance ? Et quel besoin avait il de s’attacher à un maître déterminé ?

XIX.23.

Chou suenn Ou chouSC248 dit aux grands préfets réunis dans le palais du prince :
— Tzeu koung est plus sage que Confucius.
Tzeu fou King peSC249 rapporta cette parole à Tzeu koung. Tzeu koung répondit :
— Permettez moi d’employer une comparaison tirée d’une maison et de son mur d’enceinte. Mon mur d’enceinte ne s’élève qu’à la hauteur des épaules d’un homme. Chacun peut regarder et voir du dehors tout ce que la maison a de beau. Le mur du Maître est plusieurs fois plus haut que la taille d’un homme. À moins de trouver la porte du palais et d’y entrer, on ne voit pas la magnificence du temple des ancêtres ni l’appareil pompeux des officiers. Peu savent en trouver la porte. L’assertion de Chou suenn Ou chou n’est elle pas contraire à la vérité ?

XIX.24.

Chou suenn On chou dépréciait Confucius. Tzeu koung dit :
— Toutes ses paroles n’auront aucun effet. La détraction ne saurait diminuer la réputation de Tchoung gui. La sagesse des autres hommes est comme une colline ou un monticule qu’il est possible de gravir. Tchoung gni est comme le soleil et la lune ; personne ne peut s’élever Au-dessus de lui. Quand même on se séparerait de lui en rejetant sa doctrine, quel tort ferait on à celui qui brille comme le soleil et la lune ? On montrerait seulement qu’on ne se connaît pas soi-même.

XIX.25.

Tch’enn Tzeu k’in dit à Tzeu koung :
— C’est par modestie que vous mettez Tchoung gni Au-dessus de vous. Est ce qu’il est plus sage que vous ?
Tzeu koung répondit :
— Une parole d’un disciple de la sagesse suffit pour faire juger qu’il est prudent ; une parole dite inconsidérément suffit pour faire juger qu’il manque de prudence. Il faut faire attention à ses parolesSC250. Personne ne peut égaler notre maître, de même que personne ne peut s’élever jusqu’au ciel avec des échelles. Si notre maître avait eu un État à gouverner, il aurait, comme on dit, pourvu à la nourriture du peuple, et le peuple aurait trouvé la nourriture ; il aurait dirigé le peuple, et le peuple aurait marché en avant ; il aurait procuré la tranquillité au peuple, et le peuple l’aurait aimé et respecté ; il aurait excité le peuple à la vertu, et le peuple aurait vécu en bonne intelligence ; il aurait été honoré pendant sa vie, et pleuré après sa mort. Qui peut l’égaler ?

CHAPITRE XX

XX.1.

L’empereur Iao dit :
— Eh bien, Chouenn, voici le temps fixé par le Ciel pour votre avènement à l’empire. Appliquez vous à garder en toutes choses le juste milieu. Si par votre négligence le peuple manquait de ressources, le Ciel vous retirerait pour jamais le pouvoir et les trésors royaux.
Chouenn donna les mêmes avis à Iu, son successeur.
Tch’eng T’ang, fondateur de la dynastie des Chang, après avoir chassé Kie, le dernier empereur de la dynastie des Hia, dit :
— Moi Li, qui suis comme un faible enfant, j’ai osé immoler un taureau noirSC251. J’ai osé déclarer solennellement, en face de l’auguste Souverain et Seigneur du Ciel, que je ne me permettrais pas d’épargner le coupableSC252 et que je ne laisserais pas ensevelis dans la vie privée les serviteurs du Souverain RoiSC253, parce que les cruautés du tyran et les vertus des sages étaient inscrites dans le cœur du Maître suprême. Si je commets une faute, le peuple n’en sera pas responsable. Si le peuple commet une faute, j’en serai responsableSC254.

- TH119 -

Ou Wang, fondateur de la dynastie des Tcheou, répandit ses bienfaits dans tout l’empire. Il n’enrichit que les hommes vertueux.

— Bien que le tyran Tcheou ait beaucoup de proches parents, dit il, ils ne valent pas mes hommes, qui sont très vertueux. Si je ne le ren-verse pas, toutes les plaintes du peuple se tourneront contre moi seul.
Il régla les poids et les mesures, révisa les lois et les ordonnances, rétablit les charges qui avaient été établies par Tcheou ; et, dans tout l’empire, l’administration reprit son cours régulier. Il reconstitua les principautés supprimées, donna une postérité adoptive aux chefs des grandes familles morts sans enfant mâle ; éleva aux charges les hommes capables qui avaient été laissés dans la vie privée ; et tous les cœurs furent à lui. Il attachait une grande importance à la subsistance du peuple, aux funérailles et aux sacrifices. Si un prince fait du bien à tous ses sujets, il se conciliera tous les cœurs ; s’il est diligent, il mènera toutes ses œuvres à bonne fin ; s’il est juste, il fera la joie du peuple.

XX.2.

Tzeu tchang demanda à Confucius ce qu’il fallait faire pour bien gouverner. Le Maître répondit :
— Il faut avoir en estime cinq qualités, et éviter quatre défauts ; cela suffit.

— Quelles sont ces cinq qualités ? dit Tzeu tchang.
Le Maître répondit :
— Un prince sage exerce la bienfaisance, sans rien dépenser ; il im-pose des charges au peuple, sans le mécontenter ; il a des désirs, sans être cupide ; il est heureux et calme, sans orgueil ni négligence ; il a de la dignité, sans avoir rien de dur.

Tzeu tchang dit :
— Comment exerce t il la bienfaisance sans rien dépenser ?
Le Maître répondit :
— Il favorise tout ce qui procure des ressources au peuple ; par ce moyen, n’exerce t il pas la bienfaisance sans rien dépenser ? Il n’impose ni travaux ni autres charges qu’aux époques convenables et pour les choses nécessaires ; dès lors, qui serait mécontent ? Il désire que son administration soit bienfaisante, et il l’obtient ; com-ment serait il cupide ? Un prince sage, sans considérer si les personnes sont peu ou beaucoup, ni si les affaires sont importantes ou non, ne se permet jamais la moindre négligence. N’est-il pas tranquille, sans orgueil ni manque de soin ? Un prince sage prend garde que ses vêtements et son bonnet soient bien ajustés, que ses regards aient de la dignité. Sa gravité inspire le respect. N’est-il pas majestueux, sans être dur ?

Tzeu tchang demanda ensuite quels étaient les quatre défauts à éviter. Le Maître répondit :
— Ne pas instruire ses sujets, et les punir de mort, quand ils enfreignent les lois, c’est de la cruauté. Sans avoir averti d’avance, exiger que le travail imposé soit terminé tout de suite, c’est de la précipitation et de la violence. Donner des ordres peu pressantsSC255 et hâter ensuite l’exécution, c’est assassiner le peuple. Quand il est absolument nécessaire de donner quelque chose tôt ou tard, calculer avec parcimonie ce que l’on reçoit et ce que l’on donne, c’est agir comme un intendantSC256.

XX.3.

Le Maître dit :
— Celui qui ne connaît pas la volonté du CielSC257 ne sera jamais un sage. Celui qui ne connaît pas les règles et les usages ne sera pas constant dans sa conduite. Celui qui ne sait pas discerner le vrai du faux dans les discours des hommes ne peut connaître les hommes.



Notes de Tchou Hsi

R-TH1. Un bon fils partage cette sollicitude de ses parents, et se conforme à leurs sentiments. Il ne néglige rien de tout ce qui sert à la conservation de sa personne.

R-TH2. Le chef de la famille Ki ou Ki suenn était grand préfet dans la principauté de Lou. L’empereur avait huit chœurs de pantomimes ; les tchou heou, six, les tai fou, quatre et les officiers inférieurs, deux. Le nombre des hommes dans chaque chœur était égal au nombre des chœurs. Quelques auteurs disent que chaque chœur se composait de huit hommes. On ne sait laquelle de ces deux opinions est la vraie. Le chef de la famille Ki était seulement tai fou ; il usurpait les cérémonies et les chants réservés à l’empereur.

R-TH3. Ces trois familles étaient les familles Meng suenn (ou Tchoung suenn), Chou suenn et Ki suenn, dont les chefs étaient grands préfets dans la principauté de Lou.
Parmi les fils de Houan, prince de Lou, le prince Tchouang, né de la femme légitime, devint le chef de la principauté ; K’ing fou, Chou ia et Ki iou, nés d’une femme de second rang, formèrent trois familles : K’ing fou, la famille Tchoung suenn, Chou ia, la famille Chou suenn, et Ki iou, la famille Ki suenn. K’ing fou changea le nom de Tchoung (second fils) et prit celui de Meng (fils aîné), parce qu’il était le fils aîné d’une femme de second rang, et qu’il n’osait pas se dire le frère cadet du prince Tchouang.
Ioung est le nom d’une ode qui se trouve dans le Cheu king parmi les Eloges des Tcheou. Ou wang la faisait chanter, quand il présentait des offrandes à Wenn wang. Les Tcheou la faisaient chanter dans le temple des ancêtres à la fin des offrandes, pour annoncer que la cérémonie était terminée. Les chefs des trois familles, qui n’avaient que le rang de tai fou, se permettaient l’usage d’une cérémonie et d’un chant réservés à l’empereur.

R-TH4. Quand un homme perd avec les vertus du cour les qualités propres à l’homme, son cour n’a plus le respect, qui est la partie essentielle des cérémonies ; il n’a plus l’harmonie des passions, qui est le fondement de la musique.

R-TH5. T’ai chan, montagne située dans la principauté de Lou. D’après les rites, chaque prince feudataire sacrifiait aux Esprits des montagnes et des cours d’eau qui étaient dans son domaine. Le chef de la famille Ki, en sacrifiant aux Esprits du T’ai chan, s’arrogeait un droit qu’il n’avait pas (il n’était que tai fou). Jen Iou, nommé K’iou, disciple de Confucius, était alors intendant de Ki suenn. Le philosophe lui dit :
« Ki suenn ne doit pas sacrifier aux Esprits du Tai chan. Vous êtes son intendant. Le faire changer de détermination serait-ce la seule chose qui vous fût impossible ? » Jen Iou répondit : « Je ne le puis. » Le philosophe reprit en gémissant : « Hé ! s’imaginera-t-on que les Esprits du T’ai chan agréent des sacrifices qui sont contraires aux rites, et qu’ils comprennent moins bien que Lin Fang, moins bien qu’un citoyen de Lou, ce qui est essentiel dans les cérémonies ? Je suis certain qu’ils n’agréent pas les sacrifices de Ki suenn. »

R-TH6. D’après les règles du tir solennel, le président divisait les archers en trois groupes de trois hommes chacun. Le moment arrivé, les trois compagnons partaient et s’avançaient ensemble, se saluaient trois fois, témoignaient trois fois leur respect mutuel, et montaient à l’endroit préparé pour le tir. Après le tir, ils se saluaient une fois, descendaient, puis, se tenant debout, ils attendaient que les autres groupes eussent fini de tirer. Les vainqueurs, se plaçant en face des vaincus, les saluaient trois fois. Ceux-ci montaient de nouveau au lieu du tir, prenaient les coupes et, se tenant debout, buvaient la liqueur qu’ils devaient accepter à titre de châtiment. Ordinairement, quand on offrait à boire, on présentait les coupes. Mais, après le tir à l’arc, on obligeait les vaincus à prendre eux-mêmes les coupes, sans leur faire aucune invitation polie, afin de montrer que c’était une peine. Ainsi les anciens sages, même quand ils se disputaient la victoire, étaient conciliants et patients, se saluaient et se témoignaient mutuellement leur respect. De cette manière, au milieu même de la lutte, ils montraient toujours une égale sagesse. Vraiment le sage n’a jamais de contestation.

R-TH7. Un homme dont la bouche est élégante et les yeux brillants peut recevoir divers ornements, de même qu’un fond blanc peut recevoir une peinture variée. Les anciens empereurs ont institué les cérémonies afin qu’elles fussent l’élégante expression et comme l’ornement des sentiments du cœur. Les cérémonies présupposent comme fondement la sincérité des sentiments, de même qu’une peinture exige d’abord un fond blanc.

R-TH8. Confucius blâme l’autorisation accordée aux princes de Lou de faire une cérémonie qui aurait dû être réservée à l’empereur. Anciennement, l’empereur, après avoir fait des offrandes au fondateur de la dynastie régnante, en faisait au père du fondateur de la dynastie, et, en même temps, au fondateur lui-même. Cette cérémonie avait lieu tous les cinq ans, et s’appelait Ti.
Comme Tcheou koung s’était signalé par d’éclatants services et avait été créé prince de Lou par son frère Ou wang, Tch’eng wang, successeur de Ou wang, permit au prince de Lou de faire cette importante cérémonie. Le prince de Lou offrait donc le sacrifice Ti, dans le temple de Tcheou koung, à Wenn wang, comme au père du fondateur de la dynastie, et il associait à cet honneur Tcheou koung. Cette cérémonie était contraire aux anciens rites.
Les libations consistaient à répandre à terre, dès le commencement du sacrifice, une liqueur aromatisée, pour inviter les mânes à descendre. Au moment de ces libations, l’attention du prince de Lou et de ses ministres n’était pas encore distraite ; la vue de cette cérémonie était encore supportable. Mais, ensuite, ils s’abandonnaient peu à peu à l’insouciance et à la négligence ; ils offraient un spectacle pénible à voir.

R-TH9. Les anciens empereurs ne montraient jamais mieux que dans le sacrifice Ti leur désir d’être reconnaissants envers leurs parents et d’honorer leurs ancêtres éloignés. C’est ce que ne pouvait comprendre cet homme qui avait interrogé sur la signification du sacrifice Ti. De plus, dans la principauté de Lou, où les princes accomplissaient cette cérémonie, il fallait éviter de rappeler la loi qui la défendait à tout autre qu’à l’empereur. Pour ces raisons, Confucius répondit : « Je ne le sais pas. » Sur cette question pouvait il y avoir quelque chose que le Sage par excellence ignorât réellement ?

R-TH10. Wang suenn Kia était un grand préfet tout-puissant dans la principauté de Wei. Confucius était alors dans cette principauté. Wang suenn Kia soupçonnait qu’il avait l’intention de solliciter une charge. Il désirait qu’il s’attachât à lui ; mais il n’osait le lui dire ouvertement. Il eut donc recours à une allégorie, et lui dit :
« D’après un proverbe, on offre des sacrifices auprès du foyer et dans les endroits retirés de la maison. Le foyer est la demeure du dieu du foyer. Bien que ce dieu soit d’un rang peu élevé, on lui offre un sacrifice particulier. Les endroits retirés de la maison sont les appartements situés à l’angle sud-ouest. Les esprits qui y demeurent sont d’un rang élevé ; néanmoins on ne leur offre pas de sacrifice particulier. Quand on veut sacrifier aux esprits pour obtenir une faveur, il vaut mieux faire la cour au dieu du foyer pour obtenir sa protection secrète, que de faire la cour aux esprits de la maison pour rendre hommage à leur inutile dignité. Cet adage populaire doit avoir un sens profond. Quelle est sa signification ? » En parlant ainsi, Wang suenn Kia se désignait lui-même sous la figure du dieu du foyer, et il désignait son prince sous la figure des esprits de la maison. Il voulait dire qu’il valait mieux s’attacher à lui que de rechercher la faveur du prince. Confucius devina sa pensée. Sans le reprendre ouvertement, il se contenta de lui répondre : « Je réprouve toute flatterie, soit à l’égard des esprits de la maison, soit à l’égard du dieu du foyer. Au-dessus des esprits de la maison et du dieu du foyer, il y a le Ciel, qui est souverainement noble et n’a pas d’égal. Celui qui se conduit d’après les lumières de la droite raison est récompensé par le Ciel. Celui qui agit contrairement à la droite raison est puni par le Ciel. Si quelqu’un ne sait pas rester dans les limites de sa condition, ni suivre la droite raison, il offense le Ciel. Celui qui offense le Ciel, où trouvera-t-il un protecteur qui lui obtienne son pardon ?

R-TH11. Dans la principauté de Lou, le temple du plus ancien des princes était celui de Tcheou koung. Tcheou est le nom d’une ville de la principauté de Lou. Chou leang Ho, père de Confucius, avait été préfet de cette ville. Confucius est appelé pour cette raison le fils du citoyen de Tcheou. Il naquit à Tcheou.

R-TH12. Après avoir déployé la cible, on fixait en son milieu un morceau de cuir, qui formait le centre, et s’appelait Kou, petit oiseau. Les anciens avaient établi le tir à l’arc pour juger de l’habileté. L’essentiel était d’atteindre le centre de la cible, et non de la transpercer.

R-TH13. À chaque nouvelle lune, les princes feudataires offraient à leurs ancêtres une brebis, et leur faisaient connaître leurs projets. Après les avoir invités, ils leur présentaient la victime encore vivante. À partir de Wenn koung, les princes de Lou avaient cessé de faire la céré-monie de la nouvelle lune ; cependant les officiers continuaient à fournir la brebis. Tzeu koung voulait abolir cette coutume, qui n’atteignait plus son but, et supprimer une dépense qu’il croyait inutile. Mais, bien que la cérémonie de la nouvelle lune eût été abandonnée, l’offrande de la brebis en rappelait le souvenir et pouvait en ramener l’usage. Si l’on avait supprimé l’obligation de fournir la brebis, la cérémonie elle-même aurait été entièrement oubliée.

R-TH14. Tsai Ngo, nommé Iu, était disciple de Confucius. Les anciens plantaient auprès des autels érigés à la Terre les arbres qui convenaient le mieux au terrain. Tsai Ngo avait mal interprété leur intention et prêté aux princes actuellement régnants le désir de châtier et de mettre à mort leurs sujets. Confucius l’en reprit sévèrement, et lui marqua plusieurs choses dont il ne convenait pas de parler.

R-TH15. Kouan Tchoung, nommé I ou, grand préfet de Ts’i, aida Houan, prince de Ts’i, à établir son autorité sur tous les grands feudataires. Il avait l’esprit étroit, il ne connaissait pas les grands principes de conduite suivis et enseignés par les sages.

R-TH16. Il y avait deux sortes de clochettes. L’une, à battant de métal, servait pour les affaires militaires. L’autre, à battant de bois, servait à l’officier chargé d’enseigner ou d’avertir le peuple.

R-TH17. Les chants de Chouenn sont appelés les Chants du Successeur, parce qu’il succéda à l’empereur Iao, et comme lui, gouverna parfaitement. Les chants de Ou wang sont nommés les Chants du Guerrier, parce qu’ils célèbrent les exploits de Ou wang, qui délivra le peuple de la tyrannie de Tcheou. Les Chants du Successeur sont au nombre de neuf, parce qu’il y eut neuf péri-péties ; les Chants du Guerrier sont au nombre de six, parce qu’il y eut six péripéties.

R-TH18. Tout homme, s’il fait des efforts sérieux, peut atteindre la perfection.

R-TH19. L’homme vertueux excède toujours en libéralité, et l’homme vulgaire, en parcimonie ; l’homme vertueux, en bienfaisance, et l’homme vulgaire, en dureté de cœur. En voyant les défauts d’un homme, on peut connaître s’il est vertueux ou non.

R-TH20. Nan Ioung, disciple de Confucius, habitait Nan koung.
Il s’appelait T’ao et Kouo. Son surnom était Tzeu ioung, et son nom posthume King chou. Il était le frère aîné de Meng I tzeu.

R-TH21. Les vases que les Hia appelaient hou, ceux que les Chang appelaient lien, et ceux que let Tcheou appelaient fou et kouei, servaient à offrir le millet dans les temples des ancêtres ; ils étaient ornés de pierres précieuses. Bien que Tzeu koung ne fût encore qu’un vase, c’était un vase très noble. Ses talents lui permettaient de traiter les affaires publiques et d’exercer la charge de grand préfet, ce qui était honorable. Son langage avait une élégance remarquable, ce qui faisait comme l’ornement de sa personne.

R-TH22. Une principauté qui possède mille chariots de guerre est celle d’un grand prince. Une maison qui a cent chariots de guerre est celle d’un ministre d’État ou d’un grand préfet. Le titre de gouverneur désigne le préfet d’une ville et l’intendant de la maison d’un grand dignitaire. Le préfet d’une ville a la direction des personnes, et l’intendant d’une maison, celle des affaires.

R-TH23. Tzeu lou s’empressait moins d’apprendre du nouveau que de mettre en pratique ce qu’il savait déjà. Il désirait faire promptement ce qu’on lui avait enseigné et se préparer à recevoir plus tard de nouveaux enseignements. En voyant que, tant qu’il n’avait pas fait ce qu’on lui avait enseigné, il craignait d’apprendre du nouveau, on peut juger que, quand il l’avait fait, sa seule crainte était de ne pas recevoir de nouveaux enseignements.

R-TH24. Tsang Wenn tchoung, nommé Tch’enn, chef de la famille Tsang suenn, était grand préfet dans la principauté de Lou. Ts’ai, grande tortue, ainsi nommée parce qu’elle provenait du pays de Ts’ai (aujourd’hui compris dans le Jou gning fou, province de Ho nan). Wenn tchoung croyait qu’une tortue entourée de tant d’honneurs ferait certainement descendre les faveurs célestes. Il ignorait que la tortue n’a d’usage que pour la divination, qu’elle peut seulement donner des présages heureux ou malheureux, mais ne peut pas dispenser les biens et les maux. Méritait-il de passer pour un homme éclairé ?

R-TH25. Ki Wenn tzeu, nommé Hing fou, était grand préfet dans la principauté de Lou. Avant de faire une chose, on doit réfléchir, mais pas trop. Après avoir réfléchi deux fois, on peut prendre une détermination. Un troisième examen fait naître des intentions peu louables, et obscurcit les idées, au lieu de les éclaircir. L’important est de prendre la justice pour règle de ses actions.

R-TH26. Gning Ou tzeu, nommé Iu, était grand préfet dans la principauté de Wei. D’après les commentateurs du Tch’ouenn ts’iou, il exerça cette charge sous le prince Wenn et sous le prince Tch’eng. Le prince Wenn sut bien gouverner ; sous son règne, Ou tzeu ne s’attira aucune difficulté. En cela, il montra une prudence qui peut être égalée. Le prince Tch’eng gouverna si mal qu’il perdit le pouvoir souverain. Ou tzeu prit soin de réparer les fautes du prince, avec le plus entier dévouement, bravant les souffrances et les périls. Les affaires dans lesquelles il s’est engagé étaient toutes de celles que les officiers prudents et rusés (uniquement occupés de leurs propret intérêts) évitent soigneusement et ne consentent par à entreprendre. Cependant il a su jusqu’à la fin conserver sa personne et servir son prince. En cela son imprudence est Au-dessus de toute imitation.

R-TH27. Confucius parcourait les différentes principautés, répandant partout ses enseignements. Lorsqu’il était dans la principauté de Tch’enn, voyant que sa doctrine n’était pas mise en pratique, il résolut de fonder une école, qui lui survécût et transmît ses préceptes aux âges futurs. Comme il ne trouvait pas de disciples capables de garder toujours le juste milieu, il pensa à ceux qu’il avait laissés dans la principauté de Lou, et qui étaient d’une capacité un peu moindre. Il jugea que des hommes aux aspirations élevées pourraient faire des progrès dans la voie de la vertu. Il craignait seulement qu’ils n’allassent au-delà des justes limites, ne s’écartassent du droit chemin, et ne tombassent dans l’erreur. Pour cette raison, il voulait retourner dans son pays et modérer leur ardeur excessive.

R-TH28. Tzeu lou répondit : « On doit partager avec tout l’univers l’usage des choses de tout l’univers. »

R-TH29. Confucius, pour exciter les hommes à cultiver la vertu, dit :
Il est facile de trouver des hommes doués d’excellentes dispositions naturelles ; mais on entend rarement citer un homme qui ait des vertus parfaites. Celui qui s’applique de toutes ses forces à cultiver la vertu peut devenir un très grand sage. Celui qui ne s’y applique pas ne sera jamais qu’un homme inculte, et comme un paysan grossier.

R-TH30. Si un officier prend la ferme résolution d’être diligent, il a une détermination, et se gouverne lui-même avec sévérité. Si de plus il exige peu du peuple, les charges imposées ne sont pas nombreuses, et le peuple n’est pas molesté. Mais s’il se propose avant tout de se contenter aisément, il n’a pas de détermination, et il est très indulgent envers lui-même. Si de plus, dans les affaires, il se contente de peu, n’est-ce pas une négligence excessive et l’abandon de toutes les lois ? Dans les Traditions de famille sur Confucius, il est rapporté que Tzeu sang Pe tzeu ne portait à la maison ni tunique ni bonnet. Confucius l’a blâmé d’avoir voulu que les hommes vécussent comme les bœufs et les chevaux.

R-TH31. Un officier ne doit pas refuser le traitement ordinaire. S’il a du superflu, il fera bien de le distribuer aux pauvres et aux indigents.

R-TH32. Sous la dynastie des Tcheou, les victimes de couleur rougeâtre étaient les plus estimées ; on immolait des bœufs roux. Sans doute une génisse ou un taureau qui n’est pas d’une seule couleur ne peut servir comme victime ; mais la génisse ou le taureau né d’une vache ou d’un taureau aux couleurs variées peut être immolé, si sa couleur est rougeâtre ou rousse. Le père de Tchoung koung était un homme méprisable et vicieux. Confucius se sert d’une comparaison tirée de la couleur des victimes, pour montrer que les vices du père ne détruisent pas les bonnes qualités du fils ; que si Tchoung koung a des vertus et des talents, on doit lui confier une charge dans l’intérêt du pays.

R-TH33. Min Tzeu k’ien, nommé Suenn, disciple de Confucius. Wenn, rivière qui passait au sud de la principauté de Ts’i, au nord de celle de Lou. Le chef de la famille Ki était grand préfet ; il gouvernait la principauté de Lou avec un pouvoir absolu. La ville de Pi lui appartenait, et lui servait comme de citadelle pour résister à son prince. Lorsque Confucius était ministre de la justice, il voulait toujours la démolir. Un jour Ki fit inviter Min tzeu à exercer la charge de gouverneur dans cette ville. Il n’avait d’autre dessein que de se l’attacher. Mais Min tzeu était un disciple vertueux et sage du plus sage des philosophes. Comment aurait il consenti à suivre le parti d’un sujet qui avait usurpé tout le pouvoir ? Il répondit à l’envoyé : « Le grand préfet veut se servir de moi ; mais les honneurs et les riches appointements n’excitent pas mes désirs. Vous, parlez pour moi à votre maître doucement et adroitement. Dites-lui mon désir de n’exercer aucune charge, et détournez-le de me confier un emploi. Si l’on revient me faire une seconde invitation, certainement je quitterai la principauté de Lou, et me réfugierai au-delà de la Wenn. »

R-TH34. Pe gniou était l’un des disciples de Confucius. Son nom de famille était Jen, et son nom propre Keng. Les anciens lettrés ont pensé que sa maladie était la lèpre. La fenêtre dont il est ici parlé regardait le midi. D’après les usages, celui qui était malade se tenait auprès d’une fenêtre tournée au nord. S’il devait recevoir la visite d’un prince, il changeait de place et se tenait auprès d’une fenêtre tournée au midi, afin que le prince en le visitant eût le visage tourné vers le midi. Les personnes de la maison de Pe gniou voulurent faire le même honneur à Confucius ; mais le philosophe n’osa pas l’accepter. Il n’entra pas dans la maison, prit la main du malade par la fenêtre, et lui dit un éternel adieu.

R-TH35. Meng Tcheu fan, nommé Tche, était grand préfet dans la principauté de Lou. La onzième année de Ngai, l’armée de Ts’i envahit la frontière septentrionale de Lou. Les troupes de Lou rencontrèrent celles de Ts’i non loin de la capitale de Lou. Elles furent mises en déroute. Meng Tcheu fan resta seul derrière tous les autres, revint le dernier et, en se retirant, il résista encore à l’ennemi, afin de sauver l’armée. On peut dire qu’il a bien mérité de son pays. Arrivé à la porte de la capitale de Lou, au moment où tous les regards étaient tournés vers lui, il fouetta son cheval, et dit :
« ]e n’aurais pas eu le courage de rester le dernier ; mais mon cheval ne peut avancer. » Non seulement il n’eut aucun orgueil de sa belle action, mais il essaya même de la cacher.

R-TH36. L’orateur T’ouo, grand préfet dans la principauté de Wei, était chargé de faire l’éloge des ancêtres du prince, de leur adresser des prières et de transmettre leurs réponses. Il était très habile à parler. Tchao, fils du prince de Soung, était remarquable par sa beauté. Ces deux hommes étaient en grand renom, à l’époque des événements racontés dans le Tch’ouenn Ts’iou. Confucius dit en gémissant : « À présent les hommes ne sont plus comme autrefois. Ils n’aiment pas la franchise, mais la flatterie ; ils n’aiment pas la vertu, mais la beauté. À moins d’avoir l’habileté de l’orateur T’ouo et la beauté de Tchao, fils du prince de Soung, il est impossible de plaire aux hommes de notre époque, et très difficile d’échapper à la haine et à l’envie. »

R-TH37. Les hommes savent que, pour sortir, il faut passer par la porte, et ils ne savent pas que, pour bien agir, il faut passer par la voie de la vertu (suivre la loi naturelle).

R-TH38. Honorer les esprits, c’est s’appliquer de tout cœur à leur témoigner sa reconnaissance et à leur faire des offrandes. Les esprits, dont il est ici parlé, sont ceux auxquels on doit faire des offrandes. Se tenir à l’écart, c’est ne pas chercher à faire en quelque aorte la cour aux esprits pour en obtenir des faveurs. L’homme a des régler constantes à observer dans toutes ses actions chaque jour de sa vie. Si quelqu’un, guidé par la lumière de la raison, donne toute son application aux devoirs qu’il doit remplir et aux choses qu’il doit faire ; s’il honore les esprits par des hommages sincères, tans leur faire la cour ni solliciter leurs faveurs ; la prospérité et l’infortune ne sont plus capables de le toucher ; ne doit-on pas l’appeler prudent ?

R-TH39. L’homme prudent a l’esprit exempt de tout préjugé et de toute passion, très perspicace et libre de toute entrave. Il a une ressemblance avec l’eau ; c’est pour cela qu’il aime l’eau. L’homme parfait est grave et ferme par caractère ; rien ne peut l’émouvoir ni l’agiter. Il a une ressemblance avec les montagnes, et il les aime. L’homme prudent pénètre toutes choses par l’intelligence ; son activité atteint presque le plus haut degré possible. L’homme parfait pratique toutes les vertus sans aucun effort ; son cœur n’est ni troublé ni tourmenté par les passions. Son repos est presque absolu. Un homme dont le cœur est attaché aux choses extérieures, comme par des liens, rencontre des obstacles à ses désirs et éprouve mille soucis. L’homme prudent, dont l’âme est toujours pure et sereine, n’est arrêté par aucun obstacle. Comment ne serait il pas heureux ? Un homme qui ne met pas de frein à ses passions ni à ses désirs se conduit mal et abrège sa vie. L’homme parfait jouit d’une santé forte et vigoureuse, qu’aucun excès ne vient altérer. Comment ne vivrait-il pas longtemps ?

R-TH40. Confucius voyait que dans le monde beaucoup de choses avaient un nom cana réalité. C’est pour cela qu’il exprima sa douleur à propos du vase de vin nommé kou. Pour qu’un fils mérite le nom de fils, il faut qu’il pratique la piété filiale. Pour qu’un sujet mérite le nom de sujet, il faut qu’il soit fidèle à son prince. Il en est de même de toute autre chose.

R-TH41. Nan tzeu, femme de Ling, prince de Wei, avait une conduite déréglée. Confucius étant arrivé à la capitale de Wei, Nan tzeu l’invita à aller la voir. Confucius s’excusa d’abord ; puis, contraint par la nécessité, il alla visiter la princesse. Anciennement, celui qui exerçait une charge dans une principauté devait, d’après les usages, faire visite à la femme du prince. Tzeu lou, ne connaissant pas cette coutume, trouvait que c’était une honte de visiter cette mauvaise femme.

R-TH42. Le vieux P’eng, dont le nom de famille est Ts’ien et le nom propre K’eng, était petit-fils de l’empereur Tchouen hiu. À la fin de la dynastie des In, il avait plus de sept cents ans, et n’était pas encore cassé de vieillesse. Il reçut en fief la vallée de Ta p’eng dans la principauté de Han et, pour cette raison, fut appelé le vieux P’eng.

R-TH43. Lorsque Confucius était dans la force de l’âge, il se proposait d’imiter Tcheou koung, et il le voyait en rêve. Quand il fut devenu vieux, et incapable d’imiter de si grands exemples, il n’eut plus les mêmes aspirations ni les mêmes songes.

R-TH44. Dix tranches de viande séchée formaient un paquet. Chez les anciens, lorsqu’on faisait une visite, l’usage exigeait qu’on offrît un présent. Un paquet de dix tranches de viande était le moindre de tous les présents. Confucius désirait que tous les hommes sans exception entrassent dans la voie de la vertu. Mais il n’était pas d’usage que le maître allât enseigner celui qui ne savait pas venir recevoir des leçons. Si quelqu’un venait en observant les usages, Confucius lui donnait toujours ses enseignements.

R-TH45. Confucius était attentif à tout. Mais trois choses attiraient spécialement son attention : l’abstinence, parce qu’elle prépare à entrer en communication avec les intelligences spirituelles ; la guerre, parce que la vie ou la mort d’un grand nombre d’hommes, le salut ou la ruine de l’État en dépendent ; la maladie, parce que notre vie en dépend.

R-TH46. Ling, prince de Wei, chassa de ses États son fils K’ouai kouei, qui devait hériter du titre de prince. Le prince Ling étant mort, ses sujets mirent à sa place Tche, fils de K’ouai kouei. Mais les habitants de la principauté de Tsin ramenèrent K’ouai kouei dans la principauté de Wei : et Tche entra en lutte avec son père. Confucius était alors dans la principauté de Wei. Les habitants croyaient que, K’ouai kouei ayant encouru la disgrâce de son père, Tche, petit-fils légitime du prince Ling, devait lui succéder. Jen Iou eut des doutes et interrogea à ce sujet.
Pe i et Chou ts’i étaient deux fils du prince de Kou tchou (pays actuellement compris dans le Tcheu li). Leur père en mourant légua son titre de prince à Chou ts’i (qui était son troisième fils). Quand il fut mort, Chou ts’i voulut céder le titre de prince à Pe i, son frère aîné. Pe i rappela la volonté de son père ; et prenant la fuite, se retira dans un autre pays. Chou ts’i n’accepta pas non plus l’héritage, et s’enfuit également. Les habitants établirent héritier le deuxième des fils du prince défunt. Plus tard, Ou wang (fondateur de la dynastie des Tcheou), ayant chassé Tcheou (dernier empereur de la dynastie des Chang), Pe i et Chou ts’i montèrent à cheval, et allèrent en toute hâte reprocher à Ou wang d’avoir éteint la dynastie des Chang. Considérant comme une honte de manger le grain récolté dans l’empire des Tcheou, ils se retirèrent sur le mont Cheou iang, où ils moururent de faim.
Tzeu koung, quittant Confucius, dit à Jen Iou : « Puisque notre maître approuve la conduite des deux frères Pe i et Chou ts’i, qui se cédèrent l’un à l’autre la dignité de prince, certainement il désapprouve le prince de Wei qui dispute à son père cette même dignité. Evidemment il n’est pas pour le prince de Wei. »

R-TH47. Le prince de Che était Chenn Tchou leang, nommé Tzeu kao, préfet de Che bien. Il avait usurpé le titre de prince.

R-TH48. En parlant ainsi, Confucius a voulu s’abaisser lui-même. Il a été un grand sage, parce que la sagesse était innée en lui. Quand il disait qu’il aimait l’étude, ce n’était pas uniquement pour engager les autres à étudier. Car, ce qu’un homme peut connaître naturellement et sans étude, ce sont les devoirs de justice et de convenance. Quant aux faits historiques, aux changements in-troduits dans les cérémonies, dans la musique, dans les insignes des dignités, nul ne peut les connaître avec certitude, s’il ne les a étudiés.

R-TH49. Parler des choses extraordinaires, c’est exciter les hommes à ne pas suivre les règles ordinaires ; parler des actes d’audace et de violence, c’est affaiblir dans les hommes les sentiments de douceur ; parler de résistance aux lois ou à l’autorité, c’est porter les hommes à violer la justice ; parler des esprits, c’est brouiller les idées de ceux qui écoutent.

R-TH50. Houan T’ouei était Hiang T’ouei, ministre de la guerre dans la principauté de Soung. Il descendait du prince Houan, et pour cette raison s’appelait le chef de la famille Houan. Confucius, étant dans la principauté de Soung, expliquait les devoirs de l’homme à ses disciples sous un grand arbre. T’ouei, qui haïssait le philosophe, fit abattre l’arbre. Les disciples furent frappés de crainte. Confucius, s’abandonnant avec confiance aux soins de la Providence, dit :
« Puisque le Ciel, en me donnant l’existence, a mis en moi une telle sagesse, certainement il a des desseins sur moi. Quand même les hommes voudraient me nuire, ils ne pourraient résister à la puissance du Ciel. »

R-TH51. Il s’agit ici de tirer sur les oiseaux avec une flèche retenue par un long fil de soie écrue. Confucius étant d’une famille pauvre et d’une humble condition, il était parfois obligé dans sa jeunesse de prendre des poissons à la ligne ou de chasser aux oiseaux, pour nourrir ses parents et faire des offrandes aux morts. Mais tuer et prendre tous les animaux était contraire à sa volonté, et il ne le faisait pas. En cela apparaît le cœur compatissant de cet homme si bon. En voyant de quelle manière il traitait les animaux, on peut juger comment il traitait les hommes ; en voyant la manière dont il agissait dans sa jeunesse, on peut juger comment il agissait dans l’âge mûr.

R-TH52. La vertu parfaite est la bonté naturelle que chaque homme possède nécessairement. Mais les hommes, aveuglés par leurs passions, ne savent pas la chercher. Ils suivent la pente du vice et se persuadent que la vertu est loin d’eux.

R-TH53. Ou ma K’i, nommé Cheu, disciple de Confucius. D’après les usages, un homme et une femme, dont les familles portent le même nom, ne se marient pas ensemble. Or les familles princières de Lou et de Ou s’appelaient toutes deux Ki. Le prince de Lou, pour cacher le nom de famille de sa femme, l’appela Ou meng Tzeu, comme si elle avait été fille du prince de Soung, dont le nom de famille était Tzeu. Confucius ne pouvait se permettre de dire que son prince avait mal agi ; d’un autre côté, il ne pouvait dire que celui qui avait épousé une femme de même nom que lui connût (et observât) les usages. Pour cette raison, il laissa croire que sa réponse était blâmable, et ne chercha pas à s’excuser. S’il avait censuré ouvertement la conduite de son prince, il aurait manqué au devoir d’un sujet fidèle. S’il n’avait pas dit qu’il avait mal répondu, il aurait paru méconnaître une loi concernant les mariages. On voit que le philosophe dans sa réponse a atteint la perfection au moyen d’un détour. En s’accusant lui-même, il dit :
« Le plus grand malheur qui puisse arriver à un homme, c’est de n’être pas averti de ses fautes. Moi, j’ai un bonheur particulier ; si je commets une faute, elle ne manque pas d’être connue. Lorsqu’elle est connue des autres, j’en suis informé ; je puis changer de conduite, et me rendre irréprochable. n’est-ce pas un très grand bonheur pour moi ? »

R-TH54. « En effet, prier, ce n’est autre chose que pratiquer la vertu, se corriger de ses défauts, et solliciter ainsi le secours des esprits. Moi, tous les jours, si j’ai quelque défaut, je le corrige, s’il est une vertu à pratiquer, je la pratique. Ma prière est vraiment continuelle. Comment aurais-je attendu jusqu’aujourd’hui pour prier ? »

R-TH55. Anciennement, T’ai wang, prince de Tcheou, eut trois fils, dont l’aîné fut nommé T’ai pe, le second Tchoung ioung, et le troisième Ki li. Ki li eut pour fils Tchang, qui devint Wenn wang. T’ai wang, voyant que Wenn wang possédait toutes les vertus au plus haut degré, résolut de léguer la dignité de prince à Ki li, afin qu’elle passât à Wenn wang. T’ai pe ayant connu l’intention de son père, aussitôt, sous prétexte d’aller cueillir des plantes médecinales, s’en alla avec son frère cadet Tchoung ioung, et se retira au milieu des tribus barbares du midi. Alors T’ai wang transmit sa principauté à Ki li. Plus tard, Ou wang (fils de Wenn wang) gouverna tout l’empire. Si l’on considère la conduite de T’ai pe comme elle parut aux yeux de ses contemporains, il n’a cédé qu’une principauté (la principauté de Tcheou). Mais si on la considère avec les connaissances actuelles, on voit qu’il a réellement refusé l’empire et l’a cédé au fils de son frère. Après l’avoir cédé, il s’est caché, il a disparu, il n’est pas resté trace de lui. Pour cette raison, le peuple n’a pu célébrer ses louanges. T’ai pe a enseveli dans l’ombre sa personne et son nom ; il a fait en sorte d’oublier le monde et d’en être oublié. C’est le plus haut degré de la vertu.

R-TH56. Un fils doit rendre entier à la terre ce que ses parents lui ont donné entier, et ne pas les déshonorer en laissant endommager son corps. Sans doute, la principale obligation d’un bon fils est de se bien conduire, de faire honneur à ses parents en rendant son nom illustre ; mais celui qui sait conserver ses membres intacts sait aussi mener une vie irréprochable. S’il n’est pas permis de laisser perdre l’intégrité de son corps, à plus forte raison est-il blâmable de déshonorer ses parents par sa mauvaise conduite.

R-TH57. Le philosophe Iang dit :
« Tzeu tchang, malgré toute sa sagesse, fut convaincu de convoiter les revenus attachés aux charges ; à plus forte raison, ceux qui sont moins vertueux que lui.

R-TH58. Celui qui ne progresse pas chaque jour recule chaque jour.

R-TH59. Celui qui cherche sa propre utilité blesse la justice. La question de la Providence céleste est très subtile. La voie de la vertu parfaite est immense. Confucius parlait rarement de ces trois choses. Il parlait peu du gain, de peur de porter les hommes à ne désirer que des choses basses, à ne chercher que leurs propres intérêts. Il parlait peu de la Providence céleste et de la vertu parfaite, de peur d’exciter les hommes à vouloir faire des choses trop Au-dessus de leurs forces. Il parlait peu de gain, de peur que ces disciples ne fussent trop portés à chercher leur propre intérêt. Il parlait peu de la Providence céleste et de la vertu parfaite, parce que ses disciples n’auraient pas facilement comprit ces hautes questions.

R-TH60. Un conducteur de voiture est le serviteur d’autrui. Son métier est encore plus vil que celui d’archer. Le philosophe, entendant faire son éloge, répondit en s’abaissant lui-même. Ce grand sage n’avait pas réellement l’intention de se faire conducteur de voiture.

R-TH61. Iang Hou avait exercé des cruautés dans le bourg de Kouang. Confucius extérieurement ressemblait à Iang Hou. Les habitants le cernèrent pour le prendre.

R-TH62. Le phénix est un oiseau qui annonce les choses futures. Au temps de Chouenn, il a été apporté et offert en présent à ce prince. Au temps de Wenn wang, il a chanté sur le mont K’i. Le dessin sorti du fleuve est un dessin qui est sorti du Fleuve ]aune sur le dos d’un cheval-dragon au temps de Fou hi. Le phénix et le dessin sorti du fleuve ont annoncé les règnes d’empereurs très sages. Confucius dit :
« Il ne paraît aucun présage annonçant le règne d’un empereur très sage ; un tel empereur ne viendra donc pas. Quel empereur se servira de moi pour enseigner le peuple ? C’en est fait de ma doctrine ; elle ne sera pas mise en pratique. »

R-TH63. Tzeu koung adressa à Confucius cette double question, parce qu’il voyait un homme doué de tant de vertus n’exercer aucune charge. Confucius répondit qu’il fallait vendre la pierre précieuse ; mais qu’il ne convenait pas d’aller chercher les acheteurs. Le sage est toujours disposé à accepter et à exercer une charge ; mais il veut que les principes soient observés. Il attend une invitation régulière, comme la pierre précieuse attend les offres d’un acheteur.

R-TH64. Confucius, voyant que ses enseignements étaient infructueux, aurait désiré quitter l’empire chinois et se retirer dans une contrée étrangère. Il lui échappait, malgré lui, des gémissements par lesquels il manifestait comme le désir de vivre au milieu des neuf tribus des barbares orientaux. Il disait de même qu’il aurait désiré se confier à la mer sur un radeau (et se retirer dans une île déserte). Il n’avait pas réellement le dessein d’aller habiter au milieu des barbares dans l’espoir de les civiliser.

R-TH65. Le philosophe, pour instruire les autres en s’abaissant lui-même, dit :
« C’est au prix de grands efforts et à grand’peine que j’accomplis ces quatre choses. »

R-TH66. Le sage imite ce mouvement continuel de l’eau et de toute la nature. Il ne cesse de se faire violence, jusqu’à ce qu’il arrive au sommet de la perfection.

R-TH67. L’histoire raconte que, Confucius se trouvant dans la principauté de Wei, le prince Ling, porté sur une même voiture avec sa femme, fit monter Confucius sur une seconde voiture, et, pour frapper les regards, lui fit traverser la place publique. Le philosophe trouva ce procédé de très mauvais goût et dit à cette occasion les paroles qui viennent d’être citées.

R-TH68. Si le disciple de la sagesse fait sans cesse des efforts, même en recueillant peu à la fois, il amassera beaucoup ; mais s’il s’arrête à moitié chemin, il perdra tout le fruit du travail qu’il a déjà accompli.

R-TH69. Ainsi en est-il des hommes qui s’adonnent à l’étude de la sagesse, s’ils ne sont pas persévérants.

R-TH70. Le froid de l’hiver est l’image d’une époque de trouble. La persistance du feuillage est l’image de la volonté ferme et constante du sage. Quand la tranquillité règne, l’homme vulgaire pourra ne pas se distinguer de l’homme sage. C’est seulement au milieu des avantages ou des désavantages apportés par une révolution, qu’on reconnaît la constance du sage.

R-TH71. Lorsque Confucius se préparait à faire une offrande, il gardait l’abstinence prescrite. Après avoir prit un bain, il revêtait (sur ses vêtements ordinaires) la tunique des jours de purification, afin de conserver son corps pur et net de toute souillure. Cette tunique était de toile. Il avait soin de purifier parfaitement, non seulement son cœur et ses intentions, mais aussi son corps. Au temps de l’abstinence, comme il n’est permis de prendre son repos ni déshabillé, ni revêtu de la tunique des jours de purification, il avait un vêtement spécial qu’il mettait la nuit sur ses vêtements ordinaires. Ce vêtement avait une fois et demie la longueur de son corps, afin qu’il servît à couvrir les pieds. Au temps de l’abstinence, il changeait l’ordinaire de sa table. Il ne buvait pas de boisson fermentée, ne mangeait pas de légumes à odeur forte, de crainte que l’odeur n’obscurcit la clarté de son intelligence.

R-TH72. Le hachis se fait avec de la viande de bœuf ou de mouton, ou de la chair de poisson, que l’on hache très fin. Le riz bien pur nourrit l’homme, le hachis grossièrement préparé lui nuit. Pou ien, ces mots signifient que Confucius trouvait ces aliments très bons, mais non qu’il voulût absolument les avoir tels. Il ne mangeait rien de ce qui pouvait nuire à la santé. Il pensait que la viande devait être coupée d’une manière régulière. Quand elle ne l’était pas, il ne la mangeait pas ; il haïssait le manque de régularité.

R-TH73. Les grains doivent faire la partie principale de la nourriture. Pour cette raison, Confucius ne mangeait pas plus de viande que d’autres aliments. Les liqueurs fermentées servent à exciter la joie dans les réunions. Confucius ne se prescrivait pas de règle fixe, seulement il évitait l’ivresse, et n’allait pas jusqu’à avoir la raison troublée. Le gingembre éclaircit l’intelligence, et dissipe toutes les impuretés. Confucius en avait toujours sur sa table.

R-TH74. Lorsqu’il avait aidé à faire des offrandes aux morts dans le palais du prince de Lou, il recevait sa part des viandes. De retour à la maison, il les distribuait aussitôt, sans attendre au lendemain, par respect pour les faveurs des mânes, et par honneur pour les dons du prince. Quand il avait fait une offrande dans sa maison, bien qu’il lui fût permis d’attendre un peu, quand il n’avait pu distribuer la viande le jour même, il ne la conservait pas plus de trois jours. Car elle aurait été gâtée, et les hommes ne l’auraient pas mangée. C’eût été traiter sans respect les restes du repas des mânes.

R-TH75. Ce grand sage, aux heures des repas, s’occupait de manger ; aux heures du repos, il se reposait. Ce n’était pas alors pour lui le temps de discourir ni de répondre aux questions sur la philosophie. Il ne s’occupait alors que d’une seule chose.

R-TH76. Si un oiseau remarque si bien tous les indices, l’homme devrait il aller et venir sans examen ni délibération ?

R-TH77. Confucius appelle anciens les hommes qui vivaient au temps de Wenn wang, de Ou wang, de Tch’eng wang et de K’ang wang ; et modernes, ceux qui vivaient dans les derniers temps de la dynastie des Tcheou. Chez les anciens, l’urbanité et la musique étaient parfaites et pour le fond et pour la forme. Au temps de Confucius, elles étaient considérées comme trop simples, et les anciens eux-mêmes passaient pour des hommes grossiers. Plus tard, l’urbanité et la musique eurent plus d’apparence que de réalité. Néanmoins, au temps de Confucius, elles étaient considérées comme parfaites pour le fond et pour la forme, et les modernes passaient pour des sages.

R-TH78. Les uns étaient dans leurs foyers, les autres, dans les charges ; les uns vivaient encore, les autres étaient morts.

R-TH79. Il n’avait jamais ni doute ni difficulté et n’interrogeait pas son maître. Comment l’aurait il excité à discourir ?

R-TH80. Li, nommé aussi Pe iu, était le fils de Confucius. Il mourut avant son père. Confucius dit que Li, bien qu’inférieur à Ien Iuen en talents et en vertus, était cependant son fils, comme Ien Iuen était le fils de Ien Lou. À cette époque, Confucius n’exerçait plus aucune charge ; mais il avait encore rang parmi les grands préfets. Par modestie, il dit qu’il vient après eux.

R-TH81. Le philosophe Tch’eng dit :
« Celui qui sait ce que c’est que la vie, sait ce que c’est que la mort. Celui qui remplit parfaitement ses devoirs envers ses supérieurs, remplit parfaitement ses devoirs envers les esprits. »

R-TH82. Tzeu lou était d’un caractère raide et impétueux. Les sons de sa guitare imitaient les cris que poussent les habitants des contrées septentrionales au milieu des combats et des massacres. Le philosophe l’en reprit, en disant : « Dans mon école, le juste milieu et l’harmonie forment la base de l’enseignement. La guitare de Iou manque tout à fait d’harmonie. Pourquoi se fait elle entendre dans mon école ? » Les disciples de Confucius ; ayant entendu ces paroles, ne témoignèrent plus aucune estime à Tzeu lou. Le Maître, pour les tirer d’erreur, leur dit :
« Tzeu lou, dans la voie de la sagesse, a déjà atteint une région pure, spacieuse, élevée, lumineuse ; seulement, il n’a pas encore pénétré profondément dans les endroits les plus retirés et les plus secrets. Parce qu’il manque encore une chose à sa perfection, on ne doit pas le mépriser. »

R-TH83. Ki Tzeu jen était fils de Ki P’ing tzeu et frère puîné de Ki Houan tzeu. Il croyait que sa famille avait beaucoup gagné en attirant à son service Tzeu lou et Jen Iou. Ki Houan tzeu était le chef de la famille Ki. (Voir Ch. III, 1, 2 et 6.)

R-TH84. Seu ma Gniou était de la principauté de Soung. Voyant son second frère Hiang T’ouei exciter une révolte contre le prince de Soung, et ses autres frères Tzeu ki et Tzeu kiu prendre part à ce crime, il éprouvait une grande affliction, et disait : « Les autres hommes ont tous des frères ; je suis le seul qui n’en aie pas. »

R-TH85. Tzeu lou était juste, sincère, perspicace, résolu. Dès qu’il dirait un mot, on se soumettait à sa décision avec confiance.

R-TH86. K’ouai kouei, héritier présomptif de Ling, prince de Wei, honteux de la conduite déréglée et licencieuse de sa mère Nan tzeu, voulut la tuer. N’ayant pas réussi, il s’enfuit. Le prince Ling voulut nommer Ing son héritier. Ing refusa. À la mort du prince Ling, sa femme Nan tzeu nomma Ing héritier de la principauté. Ing refusa de nouveau. Elle donna la principauté à Tche, fils de K’ouai kouei, afin d’opposer le fils au père. Ainsi, Kouai kouei, en voulant tuer sa mère, avait encouru la disgrâce de son père ; et Tche, en prenant l’autorité princière, faisait opposition à son père K’ouai kouei. Tous deux étaient comme des hommes qui n’auraient pas eu de père. Evidemment, ils étaient indignes de régner. Si Confucius avait été chargé du gouvernement, il aurait commencé par corriger les appellations (celui-là seul aurait porté le nom de père ou de fils qui en aurait rempli les devoirs). Il aurait fait connaître au chef de l’empire l’origine et tous les détails de cette affaire ; il l’aurait prié d’ordonner à tous les seigneurs de la contrée de reconnaître Ing pour héritier de la principauté. Dès lors, la loi des relations entre le père et le fils aurait été remise en vigueur. Les noms auraient repris leur véritable signification, la loi naturelle aurait été observée, le langage aurait été exempt d’ambiguïté, et les choses auraient été exécutées.

R-TH87. La principauté de Lou était gouvernée par les descendants de Tcheou koung, et celle de Wei par les descendants de Kang chou. Les deux dynasties descendaient donc de deux frères. Au temps de Confucius, elles étaient en décadence, et les deux pays étaient également troublés.

R-TH88. Chouenn légua l’empire à Iu. Les descendants de Heou tsi l’obtinrent à leur tour en la personne de Ou Wang, prince de Tcheou.

R-TH89. Ces quatre hommes étaient grands préfets dans la principauté de Tcheng. Quand le prince de Tcheng avait des lettres à écrire, elles passaient toutes successivement par les mains de ces quatre sages, qui les méditaient et les examinaient avec le plus grand soin, chacun d’eux déployant son talent particulier. Aussi, dans les réponses envoyées aux princes, on trouvait rarement quelque chose à reprendre.

R-TH90. Tzeu si, fils du prince de Tch’ou, s’appelait Chenn. Il refusa la dignité de prince de Tchou, la fit donner au prince Tchao, et réforma l’administration publique. Il fut un sage et habile tai fou. Mais il ne sut pas faire supprimer le titre de Wang, que le prince de Tch’ou s’était arrogé. Le prince Tchao voulut mettre en charge Confucius. Tzeu si l’en détourna et l’en empêcha.

R-TH91. Tsang Ou tchoung, nommé Ho, était grand préfet dans la principauté de Lou Fang, domaine ou fief qui avait été constitué par le prince de Lou et donné à Ou tchoung. Ou tchoung, ayant offensé le prince de Lou, se réfugia dans la principauté de Tchou. Mais, après, il revint de Tchou à Fang et députa au prince de Lou des envoyés pour lui présenter d’humbles excuses, le prier de lui constituer un successeur de sa propre famille et lui promettre de se retirer ensuite. En même temps il laissait voir que, s’il n’obtenait par sa demande, redevenu possesseur de son fief, il se mettrait en révolte. C’était faire violence à son prince.

R-TH92. Trois ministres, chefs de trois grandes familles, s’étaient arrogé tout le pouvoir et gouvernaient en maîtres la principauté de Lou. Le prince n’était pat libre de décider par lui-même. Il répondit ù Confucius : « Vous pouvez vous adresser à ces trois grands seigneurs. » C’étaient les chefs des trois grandes familles Meng suenn, Chou suenn et Ki suenn.

R-TH93. K’iu Pe ia, nommé Iuen, était grand préfet dans la principauté de Wei. Confucius avait reçu l’hospitalité dans sa maison. Lorsqu’il fut de retour dans le pays de Lou, Pe iu lui envoya un messager. Pe iu .n’examinait lui-même et travaillait à soumettre ses passions, comme s’il craignait sans cesse de ne pouvoir y parvenir. On peut dire que l’envoyé connaissait à fond le cœur de ce sage, et qu’il remplit bien ton mandat. Aussi Confucius dit deux fois : « O le sage messager ! » pour marquer son estime.

R-TH94. La cabane où l’empereur passait les trois années de deuil s’appelait leang ngan, parce qu’elle était tournée au nord et ne recevait pas les rayons du soleil.

R-TH95. Celui qui ne la possède pas ne peut en connaître ni la nature ni les charmes.

R-TH96. L’historiographe était un annaliste officiel. Iu était tai fou dans la principauté de Wei ; il s’appelait Ts’iou. Après sa mort, devenu cadavre, il donna encore des avis à son prince. Malade et sur le point de mourir, il dit à ton fils : « À la cour du prince, je n’ai pu obtenir que les charges fussent confiées aux hommes sages et refusées aux hommes vicieux. Après ma mort, il ne faudra pas faire les cérémonies funèbres. Il suffira de déposer mon corps dans la salle qui est au nord. » Le prince, étant allé faire les lamentations ordinaires, demanda la raison de cette singularité. Le fils du défunt répondit avec un accent de douleur profonde : « Mon père l’a ainsi ordonné. » « Je suis en faute », dit le prince. Aussitôt il ordonna de revêtir le corps du défunt dans l’endroit où l’on rendait cet honneur à ses hôtes. Puis, il mit en charge Kiu Pe iu et éloigna Mi tzeu hia (son indigne ministre).

R-TH97. Houei de Liou hia était Tchen Houe, nommé K’in, grand préfet de Lou. Il tirait ses appointements de la ville de Liou hia. Il reçut le nom posthume de Houei, qui signifie Bienfaisant.

R-TH98. Ils ne peuvent pas entrer dans la voie de la vertu ; ils auront des chagrins et des peines.

R-TH99. Les vertus que la nature donne à chaque homme (avec l’existence) sont parfaites en elles-mêmes. La différence des bons et des méchants est due à la différence des éléments dont leurs corps sont composés, et des habitudes qu’ils ont contractées. Lorsqu’un rage tient école, tour les hommes peuvent, sous sa direction, recouvrer la perfection primitive de leurs vertus naturelles, et mériter de n’être plus rangés dans la classe des méchants.

R-TH100. L’intérieur de la maison, c’est ici la cloison ou petit mur élevé devant la porte d’une habitation pour dérober aux passants la vue de la maison. Dans les visites entre un prince et son sujet, les témoignages de respect commencent auprès de cette cloison. C’est pourquoi elle s’appelle cloison du respect.

R-TH101. À la mort de Wenn, prince de Lou (609 avant notre ère), ses fils avaient mis a’ mort l’héritier présomptif Tch’eu, et lui avaient substitué le prince Siuen. Celui-ci n’eut qu’une ombre de pouvoir (l’autorité souveraine fut usurpée par Ki Ou, chef de la famille Ki suenn). Siuen, Tch’eng, Siang, Tchao, Ting, en tout cinq princes, s’étaient succédé. Le tai fou Ki Ou, qui avait usurpé le pouvoir, avait eu pour successeurs Tao, Ping et Houan. En tout, quatre tai fou s’étaient succédé l’un à l’autre, et l’autorité passa de leurs mains entre celles de Iang Hou, intendant de leur famille.

R-TH102. Iang Houo, appelé aussi Iang Hou, était intendant de la famille Ki. Il avait jeté dans les fers Ki Houan, le chef de cette famille, et gouvernait seul en maître la principauté de Lou. (Il avait ainsi rendu à son maître ce que Ki Ou, bisaïeul de celui-ci, avait fait au prince de Lou.) Il voulait déterminer Confucius à lui faire visite ; mais Confucius n’y alla pas. Lorsqu’un grand préfet envoyait un présent à un lettré, si le lettré n’était par chez lui pour le recevoir, il devait, d’après les usager, aller à la maison du grand préfet présenter ses remerciements. Iang Houo, profitant d’un moment où Confucius n’était par chez lui, lui envoya un jeune cochon en présent, afin de l’obliger à venir le saluer et lui faire visite. Confucius, choisissant aurai le moment où Iang Houo était absent, alla à sa maison pour le remercier. Il craignait de tomber dans le piège que ce méchant homme lui avait tendu et de sembler reconnaître son pouvoir absolu ; et il voulait tenir sa première résolution, qui était de ne pas le voir. Contre son attente, il rencontra Iang Houo en chemin. Iang Houo, en cri-tiquant la conduite de Confucius, et en l’engageant à accepter une charge sans délai, n’avait d’autre intention que d’obtenir son appui pour mettre le trouble dans le gouvernement. Confucius était tout disposé à exercer un emploi, mais non à se mettre au service de lang Houo.

R-TH103. Ou tch’eng dépendait de la principauté de Lou. Tzeu iou était alors préfet de Ou tcheng et enseignait au peuple les Devoirs et la Musique. Aussi tour les habitants savaient chanter et jouer des instruments à cordes. La joie de Confucius parut sur son visage. Il sourit et dit :
« Pour tuer une poule, un petit animal, quelle raison y a-t-il d’employer le grand couteau qui sert à dépecer les bœufs ? » Il voulait dire que Tzeu iou employait les grands moyens administratifs pour gouverner une petite ville. Il ne le dirait pas sérieusement. Les pays à gouverner n’ont pas tous la même étendue ; mais ceux qui les gouvernent doivent toujours enseigner les devoirs et la musique, et tenir ainsi la même conduite.

R-TH104. Koung chan Fou jao était intendant du chef de la famille des Ki, qui était grand préfet dans la principauté de Lou. Koung chan était son nom de famille, Fou iao son nom propre, et Tzeu sie son surnom. Avec Iang Houo, il s’était emparé de la personne du tai fou Ki Houan et, maître de la ville de Pi, il soutenait sa révolte contre le grand préfet. Il fit inviter Confucius à se rendre auprès de lui. Confucius voulait y aller. C’est que Koung chan Fou jao était en révolte contre la famille des Ki, et non contre le prince de Lou. Confucius vou-lait y aller dans l’intérêt du prince de Lou, non dans l’intérêt de Koung chan Fou iao. Si Confucius était parvenu à exécuter son dessein, il aurait retiré l’autorité souveraine des mains des grands préfets pour la rendre au prince ; et, après l’avoir rendue au prince, il l’aurait fait retourner à l’empereur. Il voulait se rendre auprès de Koung chan Fou iao parce que tels étaient ses principes. Cependant, il n’y alla pas, parce qu’il lui serait impossible d’exécuter son dessein.

R-TH105. Confucius dit :
« Ma vertu est si ferme et si pure que je puis sans danger l’exposer au contact des hommes vicieux. Pourquoi ne répondrais je pas à l’invitation de Pi Hi, par crainte de me souiller moi-même ? Suis-je donc une courge ? M’est-il permis de me rendre inutile aux hommes, comme une courge qui reste suspendue toujours dans un même endroit, et ne peut rien faire, pas même boire ou manger ?

R-TH106. L’urbanité exige avant tout le respect, et la musique a pour objet principal l’harmonie (la concorde). Les pierres précieuses, les soieries, les cloches, les tambours ne sont que des accessoires.

R-TH107. Dans la conduite du sage par excellence, tout, jusqu’aux moindres mouvements, est la claire manifestation de la plus haute raison ; de même que le cours des saisons, la production des différents êtres, tout dans la nature est un écoulement de la puissance céleste. Est ce que le Ciel a besoin de parler pour manifester sa vertu ?

R-TH108. Les anciens tiraient le feu nouveau d’un instrument de bois, qu’ils faisaient tourner comme une tarière. Le bois employé était, au printemps, l’orme ou le saule ; au commencement de l’été, le jujubier ou l’abricotier ; vers la fin de l’été, le mûrier ordinaire ou le mûrier des teinturiers ; en automne, le chêne ou le iou ; en hiver, le sophora ou le t’an. Un fils, après la mort de son père ou de sa mère, durant trois ans, ne prenait qu’une nour-riture grossière, portait des vêtements de chanvre, et couchait sur la paille, la tête appuyée sur une motte de terre.

R-TH109. Le prince de Wei était le frère du tyran Tcheou, mais il était né d’une femme de second rang. Le prince de Ki et Pi kan étaient princes du sang, d’une génération antérieure à celle de Tcheou. Le prince de Wei, voyant la mauvaise conduite de Tcheou, quitta la cour.
Le prince de Ki et Pi kan adressèrent tous deux des remontrances au tyran. Tcheou mit à mort Pi kan, jeta dans les fers le prince Ki et le réduisit en esclavage. Le prince de Ki contrefit l’insensé et fut accablé d’outrages.

R-TH110. Ki Houan, nommé Seu, était grand préfet dans la principauté dé Lou. Sous le règne de Ting, prince de Lou, Confucius exerça la charge de ministre de la justice. En trois mois, il avait établi l’ordre le plus parfait dans le gouvernement. Le prince de Ts’i et ses ministres l’ayant appris, et craignant la puissance de Lou, envoyèrent en présent une bande de quatre-vingts filles, qui, vêtues d’habits magnifiques, et montées sur des chevaux richement ornés, exécutèrent des chants avec pantomime, et se donnèrent en spectacle hors de la ville, près de la porte méridionale. Houan exerçait le pouvoir souverain. Le prince Ting ne conservait plus qu’un vain titre. Il finit par accepter la bande de musiciennes. Le prince de Lou et ses ministres tombèrent ainsi dans le piège tendu par ceux de Ts’i. Entièrement occupés à entendre des chants et à voir des spectacles lascifs, les oreilles et les yeux fascinés, ils négligèrent les affaires publiques, et n’eurent plus d’estime pour les hommes vertueux et capables. Confucius aurait voulu adresser des remontrances au prince ; mais il ne le pouvait pas (ou bien, il voyait qu’elles auraient été sans effet). Il quitta le pays. (Ce fut la quatorzième année du règne de Ting, en 496 av. J.-C.).

R-TH111. La dynastie des Tcheou étant sur son déclin, les hommes de mérite pratiquaient la vertu dans la retraite. Tsie iu dit :
— Quand la société est bien réglée, le phénix apparaît ; quand elle est troublée, il demeure caché. Tant il aime la vertu ! Maintenant, en quels temps est-il venu ? Comment ne va-t-il pas encore replier ses ailes et se cacher ?
Tsie iu compare Confucius au phénix. Il le blâme de ce qu’il ne se décide pas à vivre dans la retraite, et prétend que sa vertu a beaucoup diminué.
Tes fautes futures peuvent encore être prévenues, c’est-à-dire il est encore temps de te retirer dans la vie privée.

R-TH112. Autrefois, sur les confins des principautés de Tch’ou et de Ts’ai (dans le Ho nan actuel), deux lettrés qui menaient la vie privée s’étaient associés pour cultiver leurs champs. Leurs noms n’ont pas été transmis à la postérité. Les annalistes ont appelé l’un Ts’iu, Qui s’arrête et ne sort pas du repos, et l’autre, Gni, Qui reste au fond de l’eau et n’émerge jamais.

R-TH113. Le vieillard dit à Tzeu lou :
— À présent, c’est le moment de se livrer aux travaux des champs. Voua entreprenez des voyages lointains à la suite de votre maître. Quelle utilité en revient-il aux hommes de notre siècle ? Qui connaît seulement votre maître ?
Les cinq espèces de grains sont deux sortes de millets à panicules, les haricots et les pois, le blé et l’orge, le riz.
Les cinq relations sociales sont celles qui existent entre le prince et le sujet, entre le père et le fils, entre le frère aîné et le frère puîné, entre le mari et la femme, entre les amis.

R-TH114. L’empereur et tous les princes avaient des musiciens qui jouaient pendant leurs repas, pour les exciter à manger. Les morceaux de musique et les directeurs de musique étaient différents pour les différents repas. La dynastie des Tcheou venant à déchoir, la musique tomba en décadence. Confucius, en revenant de Wei dans sa patrie, restaura la musique. Dès lors, tous les musiciens, depuis les premiers jusqu’aux derniers, connurent parfaitement les règles de leur art. L’autorité du prince de Lou devint de plus en plus faible ; les trois fils de Houan s’emparèrent du pouvoir et l’exercèrent arbitrairement. Alors tous les musiciens, depuis le directeur en chef jusqu’aux derniers, furent assez sages pour se disperser dans toutes les directions. Ils traversèrent les fleuves et passèrent les mers, fuyant loin de leur patrie troublée.

R-TH115. Dans les temps prospères, au commencement de la dynastie des Tcheou, parurent huit hommes d’un grand talent et d’une rare vertu, qu’on appela les huit hommes remarquables. Ils étaient nés d’une même mère, deux à la fois d’une même couche.

R-TH116. Le principe de Tzeu hia est trop étroit. Tzeu tchang a raison de le blâmer. Mais ce qu’il dit lui-même a le défaut d’être trop large. Sans doute le sage ne rejette personne ! mais il doit repousser toute amitié nuisible.

R-TH117. Celui qui se livre à une occupation doit d’abord faire parfaitement tout ce qui s’y rapporte, et il peut ensuite étendre ses soins à d’autres choses. Pour un officier, l’exercice de sa charge est la chose importante, et l’étude n’est pas absolument nécessaire ; il doit donc avant tout remplir les devoirs de sa charge. Pour un étudiant, l’étude est la chose principale, et l’exercice d’une charge n’est pas nécessaire ; il doit donc avant tout étudier parfaitement. Toutefois, un officier trouve dans l’étude un moyen d’établir ses ouvres plus solidement ; et un étudiant trouve dans l’exercice d’une charge un moyen de confirmer et d’étendre ses connaissances.

R-TH118. Tzeu tchang donnait son principal soin aux choses extérieures. Hautain dans ses manières, il ne pouvait ni être aidé ni aider les autres dans la pratique de la vraie vertu.

R-TH119. Ces expressions, l’auguste Souverain et Seigneur du Ciel, sont des termes respectueux pour désigner le Souverain Maître. Tous les hommes sages sont les ministres du Souverain Maître. Avant de marcher contre Kie, Tch’eng t’ang dit :
« Toutes les actions bonnet ou mauvaises sont inscrites et se lisent dans le cour du Souverain Seigneur. En attaquant Kie, je ne ferai qu’obéir aux ordres du Souverain Roi. »

Notes de Séraphin Couvreur

R-SC1. Disciple de Confucius.

R-SC2. Afin de ne pas nuire aux travaux des champs.

R-SC3. Qui ne cultivent pas comme lui la sagesse.

R-SC4. Ne signifient-elles pas que le sage ne doit pas se contenter de n’être ni flatteur dans la pauvreté, ni orgueilleux dans l’opulence, mais travailler à conserver toujours la joie de l’âme et la modération ?

R-SC5. Tzeu koung.

R-SC6. La piété filiale requiert en outre une affection cordiale.

R-SC7. Qui n’a qu’un usage ; il est apte à tout.

R-SC8. Aux enseignements des anciens sages.

R-SC9. Tzeu lou.

R-SC10. Qui n’avait fait qu’interpréter la loi naturelle.

R-SC11. Sur des points accessoires.

R-SC12. Elles feront observer la loi naturelle.

R-SC13. Hia et Chang.

R-SC14. Ministre du prince de Lou.

R-SC15. Châtaignier, en chinois, signifie craindre.

R-SC16. Pour en dérober la vue aux passants.

R-SC17. Où Confucius s’était retiré après avoir été dépouillé de sa charge par le prince de Lou.

R-SC18. Héraut : littéralement, clochette à battant de bois.

R-SC19. Il peut encore moins gouverner l’État.

R-SC20. Afin qu’ils sachent où vous êtes.

R-SC21. Disciple de Confucius.

R-SC22. Qui peut être employé, mais à un seul usage.

R-SC23. Disciple de Confucius.

R-SC24. L’art de gouverner moi-même et les autres.

R-SC25. Renonçant à enseigner inutilement les hommes, et fuyant le monde.

R-SC26. Tzen Iou.

R-SC27. S’il l’avait, il ne penserait pas que je voulusse fuir la société des hommes.

R-SC28. Disciple de Confucius.

R-SC29. Ce grand sage procédait avec ordre et graduellement.

R-SC30. Grand préfet de la principauté de Wei.

R-SC31. Grand préfet de Tcheng.

R-SC32. Grand préfet de T’si.

R-SC33. Parce qu’elle avait été souillée du sang de son prince.

R-SC34. En fuyant les officiers vicieux.

R-SC35. Ou : ne donner aucune peine à personne.

R-SC36. Tchoung koung.

R-SC37. Exercer l’autorité souveraine.

R-SC38. Qui lui avait été confiée par Confucius, alors ministre de la justice dans la principauté de Lou.

R-SC39. Ami de Tzeu houa.

R-SC40. En qualité de grand préfet.

R-SC41. Tzen Iou.

R-SC42. Tzeu koung.

R-SC43. Jen Iou.

R-SC44. Non plus dans la principauté de Lou, mais dans celle de Ts’i.

R-SC45. Que vous ne voulez pas dépasser ; ce n’est pas la force, mais la volonté qui vous manque.

R-SC46. Ville de la principauté de Lou.

R-SC47. Et non pour ses propres affaires.

R-SC48. C’est-à-dire n’aller pas sans cesse à eux, comme les courtisans à leur prince, pour obtenir des faveurs.

R-SC49. La victoire sur ses passions.

R-SC50. Comme l’eau qui coule.

R-SC51. Comme une montagne.

R-SC52. Avec la certitude d’y laisser sa vie, sans pouvoir sauver celle d’un autre.

R-SC53. Par un faux avis.

R-SC54. Au point de confondre ce qui est louable avec ce qui ne l’est pas.

R-SC55. Les enseignements des anciens.

R-SC56. L’urbanité, la musique, le tir à l’arc, l’art de conduire un char, l’écriture et le calcul.

R-SC57. La sagesse.

R-SC58. Nommé Tche.

R-SC59. Après avoir acquis une vertu.

R-SC60. Absorbé qu’il est dans l’étude de la sagesse.

R-SC61. Dont la famille s’appelle Ki.

R-SC62. Et voyez que j’ai conservé tous mes membres dans leur intégrité.

R-SC63. C’est ainsi que j’ai pris soin de mon corps.

R-SC64. Grand préfet de la principauté de Lou.

R-SC65. De science et de vertu.

R-SC66. Environ douze décimètres.

R-SC67. Du Cheu king.

R-SC68. Il peut et doit accepter une charge, dans l’intérêt de l’empereur et du peuple.

R-SC69. Cultivant la vertu dans la vie privée.

R-SC70. Car, alors, il peut et doit exercer une charge.

R-SC71. Dans la principauté de Lou.

R-SC72. Fondateur de la dynastie des Tcheou.

R-SC73. [Cf. Chou king]. Parmi eux il comptait sa femme, l’impératrice I kiang, qui gouvernait la ville impériale.

R-SC74. Il est vrai, puisque Chouenn n’a trouvé que cinq ministres capables, et Ou wang, dix.

R-SC75. Celle de la dynastie des Tcheou.

R-SC76. Parce qu’il n’exerce aucun des six arts libéraux.

R-SC77. La connaissance des cérémonies, des devoirs, de la musique, des lois.

R-SC78. En moi.

R-SC79. Disciple de Confucius.

R-SC80. Par commisération ou par honneur.

R-SC81. Je n’arrive pas à la saisir.

R-SC82. Comme si leur maître exerçait encore une charge importante, et à lui préparer de pompeuses funérailles, comme à un haut dignitaire.

R-SC83. Le long des côtes de la Mer Jaune.

R-SC84. Par mes soins.

R-SC85. Nous efforcer de faire sans cesse de nouveaux progrès dans la vertu et …

R-SC86. Comme s’il avait du sentiment.

R-SC87. Vers les hôtes qui étaient à ses côtés.

R-SC88. Qui attendait à la porte, où il avait lui-même reconduit l’hôte.

R-SC89. Le prince peut rentrer dans ses appartements.

R-SC90. Entre la porte et la cloison intérieure, bien que ce siège fût inoccupé, Confucius éprouvait un sentiment de respect si profond que …

R-SC91. Lorsque Confucius se présentait comme envoyé dans une cour étrangère.

R-SC92. Parce que c’était le collet des jours d’abstinence.

R-SC93. Parce que c’était le collet porté la deuxième et la troisième année du deuil de trois ans.

R-SC94. Parce qu’elles ne sont pas rangées au nombre des cinq couleurs simples ou élémentaires, et qu’elles se rapprochent des couleurs des vêtements des femmes.

R-SC95. Pour cacher parfaitement son corps.

R-SC96. Afin que la main droite fût plus libre pour le travail.

R-SC97. Parce que c’était le costume qu’on revêtait pour faire des offrandes.

R-SC98. Pour se purifier avant de faire une offrande.

R-SC99. De peur qu’elles ne fussent pas propres.

R-SC100. Mais il distribuait aussitôt.

R-SC101. Dont le prince lui faisait présent.

R-SC102. Par respect pour leur âge.

R-SC103. Comme s’il avait salué son ami.

R-SC104. Tai fou de la principauté de Lou.

R-SC105. Ni ses vertus, ni son emploi.

R-SC106. Sans l’offrir aux défunts.

R-SC107. Par un sentiment de modestie, comme s’il n’avait pas été le convive du prince, mais seulement un chef de cuisine.

R-SC108. Après avoir fait mettre son lit auprès de la fenêtre qui regardait le midi.

R-SC109. Les interprètes expliquent diversement ce passage. Quelques-uns disent : « Tzeu lou prit, fit cuire et servir cette faisane. Confucius en respira trois fois l’odeur et se leva ; il n’en mangea pas. »

R-SC110. Tout le monde s’accorde pour le louer.

R-SC111. Son père, qui était pauvre.

R-SC112. Ien Iuen.

R-SC113. Tzeu lou périt en combattant sous les murs de Ts’i tch’eng. On y voit encore sa tombe.

R-SC114. Tzeu lou.

R-SC115. Jen Iou.

R-SC116. Dénoncez hautement sa conduite.

R-SC117. Sans en éprouver aucune peine.

R-SC118. Mais ne s’appliquent par à l’étude ni à la pratique des maximes des sages.

R-SC119. Vous devez les consulter avant de rien faire.

R-SC120. En me jetant au milieu de la mélée l Ne devais je pas prendre tous les moyens de sauver ma vie, afin de recevoir encore vos enseignements ?

R-SC121. Bien qu’ils ne soient pas d’une vertu extraordinaire.

R-SC122. Tzeu kao avait beaucoup de talent, mais il n’avait pas encore étudié.

R-SC123. S’ils connaissaient mes talents, ils me confieraient une charge.

R-SC124. Pourquoi sa réponse ne vous a-t elle pas fait sourire ?

R-SC125. Sans doute, K’iou a parlé d’un État, mais pas avec la même suffisance que Tzeu lou.

R-SC126. Tch’eu a donc parlé du gouvernement d’un État, mais il l’a fait avec modestie; car …

R-SC127. Tai fou de la principauté de Wei.

R-SC128. Mais cette fois vous êtes dans l’erreur.

R-SC129. Et faire rentrer une parole qui a été dite sans avoir été assez pesée.

R-SC130. Enlevez ce qui fait l’ornement extérieur de la personne; l’homme sage ne se distinguera plus de l’homme vulgaire.

R-SC131. Les impôts onéreux rendent la culture impossible, ruinent le peuple et l’État.

R-SC132. Car c’est vouloir une chose qui ne dépend pas de vous, mais du Ciel, à savoir, la vie ou la mort de l’homme.

R-SC133. Tzeu lou.

R-SC134. Afin de connaître ce qu’on approuve et ce qu’on désapprouve de lui.

R-SC135. La renommée et la gloire semblent être la même chose, et ne le sont pas. Elles diffèrent entre elles comme le vrai du faux.

R-SC136. Qui, simple tai fou, gouverne en maître la principauté de Lou.

R-SC137. Même au risque de vous attirer des inimitiés.

R-SC138. Malgré leur force et leur habileté.

R-SC139. À cause de leur vertu.

R-SC140. Ne m’en parlez pas !

R-SC141. Tai fou de la principauté de Lou.

R-SC142. Tai fou de la principauté de Wei.

R-SC143. Qui était de la même principauté.

R-SC144. Sa vertu est elle si parfaite ?

R-SC145. Son frère puîné, qui lui avait disputé la principauté. Parmi les partisans de Kiou étaient Chao Hou et Kouan Tchoung.

R-SC146. Il s’étrangla.

R-SC147. Quel autre rendit autant de services à son pays ?

R-SC148. Comme les barbares, dont nous imiterions les mœurs et les usages.

R-SC149. Comme s’ils avaient été de même rang, le maître le voulant ainsi, afin d’honorer la sagesse de son intendant.

R-SC150. S’il agit mal.

R-SC151. Par déférence pour K’in Pe iu.

R-SC152. Tzeu koung.

R-SC153. De juger les autres; je m’applique tout entier à me juger et à me corriger moi-même.

R-SC154. De ceux qui n’ont pas à cœur de se rendre utiles aux autres.

R-SC155. Les hommes n’estiment pas une vertu qui croît peu à peu et ne cherche pas à briller.

R-SC156. Mis à mort et son cadavre exposé.

R-SC157. On ne connaît pas leurs noms.

R-SC158. Réformer les mœurs.

R-SC159. Exprimant par des sons plaintifs la douleur que lui causait l’état malheureux de la société.

R-SC160. De vouloir réformer la société.

R-SC161. Le sage demeure dans la retraite ou se montre en public selon les circonstances.

R-SC162. Cet homme qui n’a pas compassion des autres.

R-SC163. À la mort de son père.

R-SC164. Dans l’étude de la sagesse.

R-SC165. Voyant que le prince était peu disposé à étudier la sagesse.

R-SC166. Il fut assiégé durant sept jours, par ordre du prince.

R-SC167. Je n’ai étudié qu’une seule chose, à savoir, la nature de mes facultés intellectuelles et morales.

R-SC168. La sincérité, la véracité, la prudence et la circonspection.

R-SC169. Ainsi, celui qui veut se rendre parfait doit d’abord chercher des secours auprès des autres.

R-SC170. D’après lequel l’année commençait, comme sous les Ts’ing, au deuxième mois lunaire après le solstice d’hiver.

R-SC171. Elle était simple.

R-SC172. Il était très orné.

R-SC173. Ils portent à la vertu.

R-SC174. Ministre du prince de Lou.

R-SC175. En cherchant son intérêt et non celui de l’État.

R-SC176. Car il n’a pas un vrai désir d’apprendre.

R-SC177. Les empereurs ont récompensé et puni selon la justice; à leur exemple, je donne à chacun l’éloge ou le blâme qu’il a mérité.

R-SC178. Chaque prince avait des historiographes.

R-SC179. S’il ne fait aucun effort.

R-SC180. Parce qu’il ne peut exceller dans toutes les petites choses.

R-SC181. Parce qu’il ne peut exceller que dans les petites choses.

R-SC182. Et elle ne nuit jamais.

R-SC183. Qui était aveugle.

R-SC184. Qui sont ordinairement aveugles.

R-SC185. Petite principauté qui dépendait de celle de Lou.

R-SC186. Qui étaient au service de Ki.

R-SC187. Jen Iou.

R-SC188. De la dynastie des Tcheou.

R-SC189. Ancien historien.

R-SC190. Si vous ne pouvez pas travailler pour le bien public, quittez votre charge.

R-SC191. La faute en est à celui qui est chargé de garder ces bêtes féroces ou ces objets.

R-SC192. Qui appartient à Ki.

R-SC193. L’urbanité, l’harmonie, la pureté des mœurs.

R-SC194. Parce que l’injustice trouble la paix des citoyens, et amène la discorde intestine.

R-SC195. La justice est violée, les lois ne sont plus observées, le trouble est dans l’État.

R-SC196. Elle leur est enlevée par les tai fou.

R-SC197. Parce que les tai fou ne peuvent la conserver au-delà de cinq générations.

R-SC198. La loi naturelle.

R-SC199. Par l’étude et la pratique de la vertu.

R-SC200. Dans la vie publique.

R-SC201. Voir chap. VII, 14.

R-SC202. Fils de Confucius, aussi nommé Li.

R-SC203. Tcheou heou.

R-SC204. La sagesse.

R-SC205. Quand le temps en sera venu.

R-SC206. Puisque les vrais principes sont partout méconnus.

R-SC207. De me confier une charge.

R-SC208. Tzeu lou.

R-SC209. Les six vertus.

R-SC210. Les six défauts dans lesquels tombe celui qui veut pratiquer ces six vertus et ne cherche pas à les bien connaître.

R-SC211. En leur promettant et en leur accordant des choses nuisibles.

R-SC212. Les deux premiers chapitres du Cheu king.

R-SC213. Qu’on offre en présent.

R-SC214. La nuit.

R-SC215. Et le jour paraissent bonnêtes.

R-SC216. Et ne le sont pas.

R-SC217. Sans se donner la peine de le méditer ni de le mettre en pratique.

R-SC218. Mais qui ont fait place à d’autres beaucoup plus graves.

R-SC219. Le rouge est une couleur naturelle.

R-SC220. Qu’il comprît qu’il s’était attiré ce refus par quelque faute, et changeât de conduite.

R-SC221. demeure retiré dans une cabane. Voir chap. XIV, 43.

R-SC222. Dans la principauté de Lou.

R-SC223. Et d’aller dans un autre, où vos services seraient mieux appréciés.

R-SC224. À qui ces paroles furent rapportées.

R-SC225. Voyant qu’il n’y rendrait aucun service.

R-SC226. Pour passer la rivière.

R-SC227. Qui cherche partout des princes et des ministres amis de la vertu, et qui, n’en trouvant pas, passe sans cesse d’une principauté dans une autre.

R-SC228. Des princes et de leurs sujets.

R-SC229. Vous ne cultivez pas la terre.

R-SC230. En signe de respect.

R-SC231. De pratiquer la vertu la plus parfaite, et de ne jamais rien accorder aux hommes ni aux circonstances.

R-SC232. Mais je consulte toujours les circonstances.

R-SC233. Dans une île.

R-SC234. Tcheou koung, créé prince de Lou, envoya son fils gouverner la principauté à sa place.

R-SC235. Son fils Pe k’in.

R-SC236. Et de ne pas avoir sa contiance.

R-SC237. Comme la culture des champs ou des jardins, la médecine, la divination.

R-SC238. Pour se perfectionner lui-même et les autres.

R-SC239. Au lieu d’être un secours.

R-SC240. Et non sur celles qui sont purement curieuses et inutiles.

R-SC241. Et non à celles qui vous sont étrangères.

R-SC242. N’étant pas distraits dans leurs travaux.

R-SC243. Tzeu iou.

R-SC244. En négligeant de leur enseigner les choses les plus nécessaires.

R-SC245. Et la discorde amène beaucoup de crimes.

R-SC246. De votre habileté à les découvrir.

R-SC247. Grand préfet de la principauté.

R-SC248. Grand préfet dans la principauté de Lou.

R-SC249. L’un d’entre eux.

R-SC250. Ce que vous venez de dire ne paraît pas assez réfléchi.

R-SC251. Comme les empereurs de la dynastie des Hia.

R-SC252. L’empereur Kie.

R-SC253. Les hommes sages.

R-SC254. En qualité de chef de peuple.

R-SC255. Avec préméditation.

R-SC256. Qui n’ose rien accorder de son propre chef.

R-SC257. La loi naturelle.