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Les Joutes chimiques du Frère Perardua et les sept lances qu’il brisa
The Chymical jousting of brother Perardua


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
Aleister Crowleypubl. 1909Littératurepubl. AngleterreAlchimie
Hermésisme

► Le texte est numéroté Liber 055 selon le classement de l’Astrum Argentum.

► L’illustration qui accompagnait le texte d’origine et que nous reproduisons ici est de John Frederick Charles Fuller alias Frater Per Ardua


Texte et traduction : de l’anglais au français, , Le Nouvel Aeon 1, 1996 (Texte d’origine in Equinox, 1 1, 1909).

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Il pourfendit le Sieur Argon le Paresseux.
Maintenant, Frère Perardua quoique simple Zélator de notre Ordre antique, s’était déterminé à procéder au Magnum Opus, et à se procurer un grain de la Poudre, une once de l’Elixir et la Teinture de Double Efficacité. Il ne saisissait pourtant pas entièrement le Mystère de notre Art, aussi s’imposa-t-il le douloureux régime septénaire. Car faute d’avoir 1a Cloche d’Electrum Magicum de Paracelse comment l’adepte pourrait-il ne serait-ce qu’avertir de son arrivée les Puissances de l’Œuvre ?
Mais notre Frère, au cœur robuste - il fut en effet soldat dans bien des contrées lointaines - se mit allègrement en route. Il couronna de cinq pétales de lotus blanc sa tête toute chenue, comme pour signifier la pureté de son corps, et partit vers ce lieu où ni champ ni sillons n’existent ; et ce pour y semer un rouleau aux vingt-deux graines diverses.

Il pourfendit 1e Sieur Abjad le Sarrasin
Même son zèle et son application ne lui ont permis de recueillir plus de sept plantes, qui brillaient dans l’obscurité ; chaque plante portait une fleur aux sept pétales - on les aurait prises pour des étoiles ; car si en vérité elles n’étaient pas elles-mêmes éblouissantes, l’endroit où elles poussaient était d’une telle noirceur qu’elles semblaient surpasser l’éclat du soleil. Puis elles furent placées l’une au-dessus de l’autre en une seule ligne droite, s’accordant aux sept centres de son Intention, qu’il portait autour de lui en un tube creux aux trente-deux jointures.

Il pourfendit le Sieur Amorex le Désireux
Ces plantes furent cueillies par notre frère Perardua, comme l’ordonnent les rites mystiques ; et elles furent vivement chauffées dans son alambic, mais à la seule chaleur végétale, tandis qu’il conservait constamment leur moiteur, y versant goutte à goutte son eau lunaire, dont il restait soixante-treize (minimes) des soixante-dix-huit offertes par son Père ; et elles furent portées sur un chameau à travers le désert jusqu’au lieu où il se trouvait à présent, dont le nom est l’Oasis du Lion, de même que l’entier Régime qu’il accomplit jusqu’à la fin est en forme de Lion.
Dès lors ce Lion fut excessivement assoiffé, léchant toute cette rosée. Mais contre cela le feu était à parts égales, ainsi ne connut-il pas de malaise.

Il pourfendit le Sieur Lionel le Gardien des Marches
Aussi a-t-il maintenant porté la Matière première à un degré d’excellence au-delà de ce qui est humain ; car sans conteste sa teinture était belle. Tout d’abord elle portait les cornes et la couronne du puissant roi Alexandre ; elle avait aussi des ailes d’un fin saphir ; son avant était semblable au Lion, ce en quoi elle participait de la plus haute Vertu, et son arrière-train était comme celui d’un taureau.
De plus elle se tenait sur la Sphère Blanche et sur le Cube Rouge ; et il est impossible à un Elixir de surpasser cela, à moins de suivre notre Voie.

Il pourfendit le Sieur Merlin l’Enchanteur
Pourtant, notre frère Perardua - devenu ô combien habile à manier l’athanor ! - se décida à arriver à une plus haute Projection de notre art. Aussi a-t-il subtilement préparé un Dragon Rouge, ou Serpent Volant Igné comme certains alchimistes l’appellent, avec lequel il dévorera son Sphinx, nourri avec tant de soin et d’ingéniosité.
Autour de ce Dragon Rouge s’enroulait par sept fois le feu, ce qui est propre aux sept étoiles d’argent. En outre sa tête était fort venimeuse et avide, et huit flammes l’entouraient ; car le Sphinx avait deux ailes et quatre pieds et deux cornes ; mais le Serpent est un, comme le roi est un.

Il pourfendit le Grand Dragon dit Recourbé
À présent ce travail est intégralement consumé et supprimé par cette formidable chaleur qui se trouve dans la bouche et le ventre du Dragon ; et ce qui en sort n’est en aucune manière ce qui y est entré. Pourtant, ces douze sont les enfants des vingt-deux. Aussi, lorsqu’il brisa la cucurbite, il n’y trouva aucune trace des sept, seulement un bouton d’or fondu - nous l’appelons ainsi car ce n’est pas de l’or…
Maintenant, ce bouton a douze faces, et vingt-quatre angles saillants et rentrants ; et nos Frères Egyptiens le nommaient le Dallage du Firmament de Nu.

Il pourfendit le roi Astur aux Armes d’Argent
Maintenant, ce métal n’est en aucune manière semblable aux métaux terrestres ; que les frères prennent garde, car bien des tromperies les attendent. Il y a trois choses dorées : l’or minéral du marchand, qui n’est que scorie ; l’or végétal qui croît à partir de la graine du rouleau par la vertu du Lion ; et l’or animal qui est issu du régime du Dragon, et seul ce dernier est l’or du Philosophe. Car voici un Arcane ! je vous charge de garder ce sujet secret ; car les frères exécrables le pervertiraient s’ils parvenaient à 1e deviner.
Cet Or minéral ne peut être transformé en aucune autre substance.
Cet Or Végétal est fluide ; il doit croître à merveille et être fixé dans la Perfection du Sphinx.
Mais ledit Or Animal se trouve être instable à un très haut degré, il ne peut ni croître ni décroître, et il ne peut non plus demeurer ce qu’il est, ou ce qu’il semble être. Car ainsi qu’une goutte de verre inégalement refroidi est pulvérisée d’un simple toucher en milles particules, de même l’être de cet or philosophique, d’un simple contact, se dissout - souvent en en une terrible explosion - ou bien encore avec tant de subtilité qu’aucun homme ne le peut percevoir, son attention fut-elle aussi précise qu’une aiguille pour le détail ou qu’une lentille de nécromancien pour la précision...
C’est pourtant là que nous entrons au cœur du sujet, car après ladite explosion rien ne subsiste des sept ou des douze ou des trois graines Mères qui s’y cachaient. Mais d’une certaine manière, mystiquement, les Autres Dix sont mis en lumière, quoique très faiblement, comme si le Serpent d’Airain était devenu l’Epée Flamboyante. Pourtant, il s’agit là d’une énigme ; car en vérité il n’y avait lien d’aucune sorte entre eux.
Car cet Or Animal disparaît entièrement ; il n’en demeure aucun bouton, aucune plume des Ailes du Sphinx, aucune marque ni du Semeur ni des Semailles. Mais sous la Foudre tout a disparu, la Cucurbite, l’Alambic et l’Athanor entièrement brisés en éclats… et là se trouvait Ce qu’il avait entrepris de chercher ; et bien plus encore ! un grain de la Poudre, trois onces de l’Elixir, et Six drachmes de la Teinture de Double Efficacité.
…Pourtant les frères se moquèrent de lui ; car il s’était fortement mis en danger ; si bien qu’à ce jour le nom de Perardua est tombé en oubli, et ceux qui en viennent à parler de lui disent gaiement Non Sine Fulmine.