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Sur l’Art sacré de la Pierre philosophale
De Arte sacra lapidis philosophorum, Περί τῆς ἱερᾶς τέχνης τῆς φιλοσοφικῆς λίθου (Perí tês hierâs téchnis tês filosofikês líthou)


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
Olympiodore le Jeuneecr. VILittératureecr. GrèceAlchimieNon applicable

► L’ouvrage de Zosime, Sur l’Action qui est commenté ici est perdu : il ne nous en reste que des fragments.

► La transcription de ce texte est due au travail de recherche, de compilation et de traduction de Marcelin Berthelot et Charles-Émile Ruelle. Ce texte traduit du grec, vient de l’ouvrage Collection des anciens alchimistes grecs, 1887 1888. Ils ont principalement utilisé pour leur travail le Manuscrit de Saint Marc (Gr.Z.299 Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre bs. Bibliothèque Marcienne) datant du X XI.


Texte et traduction : Du grec ancien au français, Marcelin Berthelot in Collection des anciens alchimistes grecs, 1887. | bs. Bibliothèque Universitaire de livres rares de Thomas Fisher (Toronto, Canada). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre Lien vers l’œuvre

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Commentaire sur le livre "Sur l’action" de Zosime, et sur les dires d’Hermès et des philosophes.

1. « La macération se fait depuis le 25 méchir (février) jusqu’au 25 mésori (août). Toutes les choses que tu peux faire macérer et lessiver, laisse-les déposer dans des vases (convenables) ; et, si tu le peux, accomplis l’œuvre de la macération, toi le meilleur des sages.

Il était d’usage chez les anciens de cacher la vérité et les choses tout à fait évidentes pour les hommes, au moyen des allégories et (du langage) de l’art des philosophes. En effet, non seulement ils ont tenu dans l’ombre ces arts honorables et philosophiques par leur exposition obscure et ténébreuse ; mais encore ils ont remplacé les termes communs par d’autres termes : comme cela a lieu quand on intervertit ce qui est dans le sujet et ce qui n’est pas dans le sujet. Tu sais toi-même, philosophe mon maître, que Platon et Aristote ont procédé de même par allégories et modifié le sens des mots. Ainsi Aristote dit que la substance n’est pas dans le sujet, mais que c’est l’accident qui est dans le sujet. Platon de son côté établit la même opposition : d’une part, il ne place pas la substance dans le sujet ; et, d’autre part, il place l’accident dans le sujet. En un mot, de même qu’ils ont exposé beaucoup de choses de cette nature, suivant la manière qui leur a paru convenable ; de même, en ce qui concerne cet art honorable, les anciens y ont mis toute leur application, ayant pour unique affaire et pour art unique d’exposer (les faits) au moyen de certaines considérations et énigmes ; ils se proposaient d’aiguillonner les chercheurs et de les faire sortir des choses naturelles, pour les tourner vers la poursuite des choses mystérieuses : ce qui eut lieu en effet. C’est ce que montrera le présent traité.

2. « La macération s’effectue au moyen de la terre limoneuse ».

Ici le philosophe veut parler de la terre qui doit être lessivée. Car il faut laver et relaver, jusqu’à ce que la partie limoneuse disparaisse, suivant ce que dit la divine Marie. En effet toute terre de cette nature, contenant un corps (métallique), lorsqu’elle est lavée, est réduite à l’état de minerai.

Ainsi donc, après un lavage sérieux et purificateur, tu trouveras les corps métalliques dans les sables ; c’est-à-dire les paillettes d’or, argentées ou plombées (ce qui veut dire ayant la couleur de l’argent ou du plomb), ainsi que les pierres ; le minerai qui contient la substance s’apercevant d’en haut. C’est celui que les anciens ont appelé par le nom propre de pierre d’argent, et il est permis d’y trouver le mot dont le nom a quatre syllabes et neuf lettres.

3. L’expression « depuis le mois de méchir » ne signifie rien (en soi) elle a été placée là, afin que celui qui la rencontre croie que la poudre sèche et la manipulation dépendent d’un certain intervalle de temps, et que, laissant de côté la droite voie, il recoure à la route incertaine et épineuse.

4. L’expression « à déposer dans des vases », signifie les digesteurs de terre cuite. Zosime est le seul à en faire mention.

5. Par les mots « Accomplir l’art de la macération », il nous exhorte à l’œuvre efficace. Et en effet le mot « action » est pris ici dans le sens d’opération pratique. Sache que celui qui macère a besoin d’ingrédients, d’un certain (laps de) temps et d’une époque favorable. Ainsi donc le limon lessivé à cette époque, ayant été réduit à l’état de sable, est desséché.

6. L’expression « depuis le 25 du mois de méchir, jusqu’au 25 mésori », signifie que, à la suite de la macération, le minerai est traité par le feu. Or, il n’a pas dit : « après la fin de mésori », il est traité par le feu ; mais à partir de la macération, ou du lessivage, ou plutôt du desséchement.

7. Les mots : « Toutes les choses que tu peux faire macérer et lessiver, » signifient l’espèce qui renferme la substance et celle qui est obtenue par le desséchement. « Toutes les choses », c’est l’espèce qui renferme la substance ; « macérer et lessiver », c’est l’espèce obtenue par le dessèchement ; car on a toujours besoin d’y recourir. Ainsi s’opère le lessivage. Ces mots : « l’espèce qui renferme la substance » ont fait voir à mon maître ce que c’est que la macération, le lessivage, la dessiccation, l’évaporation. Démocrite parle quelque part de l’alun décomposé : ce philosophe (n’)a (pas) voulu que les lecteurs imaginassent qu’il fallait prendre n’importe quels aluns, ou qu’ils fussent égarés parmi les espèces, gaspillant (ainsi) tout leur temps. Il y a deux sortes de lessivage, le lessivage mystique et le lessivage au sens propre. On a donc parlé du lessivage mystique et du lessivage au sens propre. Le lessivage mystique est précisément celui qui se fait au moyen de l’eau divine.

C’est là le lessivage essentiel, celui dont on assure le succès par les paroles de bon augure et l’obéissance (aux règles) : il s’agit des matières fluides qui s’écoulent ensemble, c’est-à dire de la régénération à l’état métallique des métaux qui en avaient été dépouillés, ainsi que des esprits, c’est-à-dire de leurs âmes : opération qui s’accomplit par la seule action de la nature, et non par la main des hommes, comme le croient quelques-uns. Car Hermès dit : « Lorsque tu auras pris (quelque substance) après le grand traitement, c’est-à-dire le lessivage du minerai… » Voilà donc qu’il a nommé le minerai, substance, et le lessivage, grand traitement. Agathodémon parle dans le même sens. Ah ! quelle libéralité chez le Philosophe ! Aucun des anciens n’a jeté ainsi la lumière sur l’œuvre ; aucun n’a appelé l’espèce par son nom, sinon cet homme excellent et doué de toute science ; car le lessivage purificateur est évidemment le grand traitement.

Je vais t’expliquer (maintenant) l’économie de la soudure d’or.

SUR LA SOUDURE D’OR

8. La soudure d’or, c’est l’art de réunir l’or avec l’or, en opérant sur les paillettes d’or tirées du minerai. Comment faut-il unifier ces paillettes, c’est-à-dire les souder et les joindre entre elles, afin que l’esprit tinctorial de la chrysocolle y soit conservé?

Pour conserver cet esprit, il dit qu’il convient d’employer une combustion à feu modéré, afin que, par suite d’une grande incandescence, des choses non convenables n’arrivent pas. Il faut que le feu brûle avec modération et douceur, de crainte que la vapeur ne s’en aille en fumée et ne soit perdue. Il s’agit de la vapeur, qui tend à s’échapper. Cette vapeur, c’est le mercure. Cette vapeur donc, autrement dit le mercure, éprouvant l’action du feu, s’en va en fumée. Or, lorsqu’elle s’en va en fumée et sort du creuset, les paillettes d’or, celles que Zosime appelle paillettes de claudianos, brûlées maladroitement par la violence du feu, s’en vont aussi en fumée.

9. Apprends, ô ami des Muses, ce que signifie le mot économie, et ne va pas croire, comme le font quelques-uns, que l’action manuelle à elle seule soit suffisante ; il faut encore celle de la nature, une action supérieure à l’homme. Lorsque tu as pris de l’or, tu dois le traiter, et si tu opères avec soin, tu obtiendras de l’or. Et ne suppose pas, dit-il, que la teinture aura lieu avec certaines autres idées : et certaines autres plantes ; mais travaille suivant une pratique conforme à la nature, et tu obtiendras l’objet cherché.

Quant au mot économie, il a été employé en mille endroits par tous les anciens ; car ils veulent parler de la marche opératoire pour fixer la teinture. Or qu’est-ce que la fixation d’une teinture? sinon la fixation de quelque mercure fugace. Car Zosime dit : « Fixe le mercure avec le corps (métallique) de la magnésie. »

10. On a dit que la soudure d’or est le mélange des deux substances ; le principe fixateur qui en résulte, je sais le maintenir dans le composé. Nous savons en effet que la vapeur (mercurielle) est fugace ; et Il est spécifié en mille endroits que ce n’est pas seulement la vapeur (mercurielle) qui est fugace, mais encore toutes les (substances de la même classe) du catalogue. Avant et après, le philosophe s’attache au mercure, comme à toutes les substances fugaces du catalogue, telles que celles dont les anciens ont fait mention, couleurs et plantes, et autres ; parce que toutes ces substances, en éprouvant l’action du feu, sont fugaces.

11. Quant à moi, je ne t’en expose pas toutes les classes, vu leur grand nombre et les témoignages des anciens, tous d’accord sur ce point ; afin de ne pas perdre le temps mal à propos. Mais je te soumettrai un petit nombre de choses, comme les plus intéressantes, les plus faciles à comprendre, et à l’abri du reproche de futilité.

Il fait allusion ici aux anciens, dont quelques-uns ont dit des choses futiles et fait perdre aux chercheurs un temps infini. Sache donc, dans ta science excellente, que les anciens font trois teintures : La première est celle qui se dissipe promptement, comme les soufres ; la seconde, celle qui se dissipe lentement, comme les matières sulfureuses ; la troisième, celle qui ne se dissipe pas du tout, comme les corps métalliques liquéfiés et les pierres.

12. Première teinture, teignant le cuivre en blanc au moyen de l’arsenic, comme il suit.

L’arsenic (sulfuré) est une espèce de soufre qui se volatilise promptement ; je veux dire, se volatilise au feu. Toutes les substances semblables à l’arsenic sont aussi appelées des soufres et des corps volatils. Or la préparation se fait ainsi : prenant de l’arsenic lamelleux couleur d’or, 14 onces, tu le coupes en morceaux, tu le porphyrises de façon à le réduire en parties aussi fines que du duvet ; puis tu fais tremper dans du vinaigre, pendant deux ou trois jours et autant de nuits, la matière renfermée dans un vase de verre à col étroit, en lutant le haut avec soin, afin qu’elle ne se dissipe pas. Agitant une fois ou deux par jour, fais cela pendant plusieurs jours ; puis, vidant le (vase), lave avec de l’eau pure, seulement jusqu’à ce que l’odeur du vinaigre ait disparu. Garde la partie la plus subtile de la substance ; mais ne la laisses pas s’écouler avec l’eau. Ensuite, laissant la masse se dessécher et se contracter à l’air, mélange et broie avec 5 onces de sel de Cappadoce.

Or l’emploi du sel a été imaginé par les anciens pour éviter que l’arsenic adhère au vaisseau de verre. Ce vaisseau de verre est nommé asympoton, par Africanus. Il est luté avec de l’argile ; un couvercle de verre en forme de coupe est posé par-dessus. À la partie supérieure, une autre coupe enveloppe le tout ; elle est assujettie de tous les côtés, afin que l’arsenic brûlé ne se dissipe pas.

Fais-le donc brûler à plusieurs reprises et pulvérise-le, jusqu’à ce qu’il soit devenu blanc ; on obtient ainsi de l’alun blanc et compacte. Puis on fait fondre le cuivre avec du cuivre dur de Nicée ; ensuite tu prends de la fleur de natron, tu en jettes au fond du creuset 2 ou 3 parties pour ramollir. Tu projettes alors la poudre sèche (arsenic brûlé), avec une cuiller de fer ; tu en jettes la valeur d’une once pour 2 livres de cuivre. Après cela, tu ajoutes dans le creuset pour une once (de cuivre) un peu d’argent, en vue de rendre la teinture uniforme. Tu projettes encore dans le creuset une petite quantité de sel. Tu auras ainsi un très bel asèm.

13. Deuxième teinture, celle qui se volatilise lentement :

Le cuivre brûlé, la rubrique et les substances analogues ne se dissipent pas promptement, mais lentement. Or il faut savoir que la fabrication de l’émeraude se fait ainsi. Prends : deux onces de beau cristal ; cuivre brûlé, une demi-once. Chauffe d’abord le cristal, dans ses parties extrêmes, et jette-le dans l’eau pure ; puis nettoie-le, afin qu’il n’ait pas de crasse. Ensuite tu le pulvérises dans un mortier propre, sans le réduire en poudre impalpable ; et tu délaies, avec la rubrique et le cuivre brûlé. Tu en fais fondre la valeur de 4 livres sur un feu de charbon. Après avoir luté tout autour et fermé le creuset à sa partie supérieure, et après avoir chauffé sur un feu bien régulier, tu auras ce que tu cherches. Or il est préférable d’opérer la fonte dans un creuset d’argile crue, non cuite ; parce que dans les creusets des orfèvres, l’émeraude fond avec la matière du creuset et donne lieu à un retrait qui fait éclater le creuset. Elle demande à être refroidie dans le fourneau même, et à être enlevée après refroidissement ; attendu que si tu l’enlève pendant que le fourneau est encore chaud, le creuset éclate aussitôt.

14. Troisième teinture, celle qui ne se dissipe pas du tout.

On a dit « se dissipe au feu » ; et deux mystères sont exposés par là : l’un concerne le corps dissipé ; l’autre, le corps qui détermine la dissipation. De même Démocrite a parlé quelque part des trois (teintures) antiques :

L’une se dissipe promptement, c’est-à-dire par le départ des liquides, ou par la montée de la vapeur. C’est pour cela qu’il dit : Les substances qui se dissipent promptement, telles que les soufres ; car les soufres sont très prompts (à se réduire) en fumée.

Les autres se dissipent lentement, telles sont les matières sulfureuses. Et il parle du principe de la fixation des mêmes liquides fugaces, lorsqu’ils deviennent plus lents à se dissiper (étant composés par le mélange) des (substances) fugaces avec les substances fixes et les corps métalliques.

Ensuite il parle de la troisième classe : celle qui se dissipe à la façon des corps (métalliques) fusibles. C’est là ce que l’on appelle proprement la teinture. (On l’obtient) après avoir fait le traitement et placé séparément les corps qui ne se dissipent pas et les corps qui se dissipent.

En effet il est impossible de faire cela (en une seule fois) ; mais c’est en desséchant progressivement et jusqu’à la fin qu’avec la coopération de Dieu nous rendons les (substances) tout à fait fixes.

15. « Comme les corps métalliques fusibles. »

Il est évident que ces corps étaient d’abord dissipables par l’action du feu, parce qu’ils ne rencontraient rien qui pût les fixer ; lorsqu’ils ont au contraire été amenés à une fixité complète, la nature indélébile de la teinture les a fait passer à l’état de métaux. Ces corps ont reçu un nom semblable, en raison de leur résistance au feu et de leur fixité. Si le corps dissipable rencontre l’agent fixateur, il acquiert une nature indélébile. Entends par là, la nature qui existe dans le Tout ; conçois celle qui subsiste jusqu’à la fin, inextractible et demeurant toujours : c’est là l’indélébile, ce qui reste à jamais inaltérable. Car les anciens connaissaient toutes les (matières) sans stabilité qui existent dans le catalogue, et leur but était de faire comprendre aux gens intelligents de quelle nature sont les matières stables et les matières instables. C’est pour cela qu’ils ont établi que toute matière appartient soit à la classe des solides, soit à celle des liquides.

16. Sache que cet art ne se pratique pas au moyen d’un feu (violent). Ainsi donc, ils ont écrit comme s’entretenant avec des (lecteurs) intelligents, et tel était leur but. Zosime fait un discours particulier sur le feu ; néanmoins dans chacun de ses livres il s’occupe du feu, comme tous les anciens. Le feu est le premier agent, celui de l’art tout entier ; c’est le premier des quatre éléments. En effet, le langage énigmatique des anciens, par cette expression les quatre éléments, désigne l’art. Que ta vertu examine avec soin dans les quatre livres de Démocrite les endroits où il parle des quatre éléments, dans le langage qui convient à un naturaliste. Il s’explique (ainsi) :

Il a exposé d’abord les choses qui ont besoin du feu, et qu’il convient de traiter tantôt sur un feu doux, tantôt sur un grand feu, tantôt sur des charbons.

Puis il parle de l’air et des choses de l’air, telles que les animaux qui vivent dans l’air.

Pareillement des choses des eaux, telles que la bile, les poissons, tout ce qui se prépare au moyen des poissons et au moyen des eaux.

De même il parle des choses de la terre, telles que le sel, les métaux et les plantes. Il sépare en classes chacun de ces êtres, d’après leurs couleurs, leurs propriétés spécifiques et génériques, tous étant susceptibles d’être mâles et femelles.

17. Sachant cela, tous les anciens voilèrent l’art sous la multiplicité des discours. De toute manière l’art a besoin de quelqu’une de ces choses ; en dehors d’elles, il n’y a rien de sûr. Démocrite le dit : rien ne pourrait subsister sans ces (éléments). Mais sache-le, sache que j’ai écrit suivant mon pouvoir ; étant faible, non seulement dans mon langage, mais encore dans mon intelligence. Et je demande que par vos prières, vous empêchiez la justice divine de s’irriter contre moi, pour avoir eu l’audace d’écrire cet ouvrage : Qu’elle me soit propice de toute manière.

Voici les écrits des Egyptiens, leurs poésies, leurs opinions, les oracles des Démons, les expositions des prophètes : une intelligence infinie est nécessaire pour embrasser ce sujet, et il tend vers un but unique.

18. Que ta sagacité sache que les anciens ont employé plusieurs noms pour l’eau divine. Cette eau divine désigne ce que l’on cherche, et ils ont caché l’objet de la recherche sous le nom d’eau divine. Je vais te donner une petite explication : écoute, toi qui es en possession de toute vertu. Car je connais le flambeau de tes pensées, ta bonté, ta patience. Je veux te présenter l’esprit des anciens ; te dire comment, étant philosophes, ils ont le langage des philosophes et ils ont appliqué la philosophie à l’art, par le moyen de la science ; ne cachant rien aux (esprits) intelligents, mais décrivant toutes choses avec clarté. En cela ils tiennent bien leur serment. Car leurs écrits traitent de la doctrine, et non des œuvres pratiques. Quelques-uns des philosophes naturalistes rapportent aux principes le raisonnement sur les éléments, parce que les principes sont quelque chose de plus universel que les éléments. Disons donc comment le principe premier est plus universel que les éléments. En effet, c’est lui que se ramène tout l’ensemble de l’art. Ainsi Agathodémon ayant placé le principe dans la fin, et la fin dans le principe, il veut que ce soit le serpent Ouroboros ; et s’il parle ainsi, ce n’est pas (pour cacher la vérité) par jalousie, comme le croient certaines personnes non initiées. Mais cela est (rendu) manifeste, ô initiateur, par le mot pluriel : les œufs.

Vois, toi qui sais tout, et apprends ce qu’est Agathodémon. Quelques-uns racontent que c’est un ancien, un personnage des plus vieux, qui philosopha en Egypte. D’autres disent que c’est un ange mystérieux ; ou que c’est le bon génie de l’Egypte. D’autres l’ont appelé le Ciel, et peut-être tient-on ce langage parce que le serpent est l’image du monde. En effet, certains hiérogrammates égyptiens, voulant retracer le monde sur les obélisques, ou l’exprimer en caractères sacrés, ont gravé le serpent Ouroboros. Or son corps est constellé d’astres. Telles sont les choses que j’ai expliquées au sujet du principe, dit Agathodémon. C’est lui qui a publié le livre de la Chimie.

Après l’avoir personnifié, cherchons maintenant comment il se fait que le principe soit plus universel que les éléments. Nous disons que ce qui est pour nous un élément, est aussi un principe ; car les quatre éléments constituent le principe premier des corps. Mais tout principe n’est pas pour cela un élément. En effet le divin, l’œuf, l’intermédiaire, les atomes, sont pour certains philosophes les principes des choses ; mais ce ne sont pas des éléments.

19. Cherchons donc, d’après certains signes, quel est le principe de toutes choses et s’il est un ou multiple. S’il est unique, est-il immuable, infini, ou déterminé? S’il y a plusieurs principes, les mêmes questions se posent : sont-ils immuables, déterminés, ou infinis? Qu’il y ait donc un principe unique, immuable et infini de tous les êtres, c’était l’opinion de Thalès de Milet, disant que c’était l’être (de l’eau), [c’est-à-dire l’être de l’eau divine, l’or ; c’est-à-dire l’œuf de l’eau divine, l’or]. Car celui-ci est un et immuable ; il est exempt de toute mutation apparente ; il est de plus infini : en effet le divin est d’une puissance infinie, et personne ne peut en dénombrer les puissances.

20. Parménide prend aussi pour principe le divin, dont la puissance est une, immuable, déterminée ; car celui-ci, comme on l’a dit, est un et immuable, et l’énergie qui en émane est déterminée. Observe que Thalès de Milet, considérant l’essence de Dieu, disait qu’il est infini ; car Dieu est d’une puissance infinie. Mais Parménide, (ayant en vue) les choses qui proviennent de lui, disait qu’il est déterminé ; en effet, il est partout évident que, la puissance étant déterminée, ce que Dieu produit répond à une puissance finie. Entends (par là) les choses périssables, à l’exception des choses intellectuelles. Ces deux hommes, je veux dire le Milésien et Parménide, Aristote est d’avis de les rejeter du chœur des naturalistes. En effet, ce sont des théologiens s’occupant de questions étrangères aux choses naturelles, et s’attachant aux choses immuables ; tandis que toutes les choses naturelles se meuvent, car la nature est le principe du mouvement et du repos.

21. Thalès a admis l’eau comme principe déterminé des êtres, parce qu’elle est féconde et plastique. Elle est féconde, puisqu’elle donne naissance aux poissons ; et plastique, puisqu’on peut lui communiquer la forme que l’on veut. En effet tu fais prendre à l’eau la forme que tu veux : dans quelque vase qu’on la mette, elle en prend la forme ; je veux dire dans un setier, ou dans un pot de terre, ou dans un vase triangulaire ou quadrangulaire, ou enfin dans tout autre que tu voudras. Ce principe unique est mobile ; l’eau se meut en effet ; elle est déterminée et non pas éternelle.

22. Diogène soutint que le principe est l’air, parce qu’il est opulent et fécond : car il engendre les oiseaux. L’air, lui aussi, est plastique ; car on lui donne la forme que l’on veut ; il est un, mobile et non éternel.

23. Héraclite et Hippasus ont soutenu que le feu est le principe de tous les êtres, parce qu’il est l’élément actif de toutes choses. Un principe en effet doit être la source de l’activité des choses issues de lui, d’après ce que disent quelques-uns. Le feu est aussi fécond ; car tous les êtres naissent dans l’échauffement.

24. Quant à la terre, nul n’en a fait le principe, sinon Xénophane de Colophon ; comme elle n’est pas féconde, nul n’en a fait un élément. Et que celui en qui réside toute vertu remarque ce fait que la terre n’a pas été considérée par les philosophes comme un élément, parce qu’elle n’est pas féconde : le sens de cet énoncé se rapporte à notre recherche. En effet Hermès dit quelque part :

« La terre vierge se trouve dans la queue de la Vierge ».

25. Anaximène professe que le principe de toutes choses, un, mobile, infini, est l’air. Il parle ainsi : L’air est voisin de l’incorporel, et comme nous existons grâce à son écoulement, il faut qu’il soit infini et opulent, puisqu’il ne fait jamais défaut.

Anaximandre dit que le principe est l’intermédiaire ce qui désigne la vapeur humide, ou la vapeur sèche (fumée). Car la vapeur humide est intermédiaire entre le feu et la terre. En général, tout ce qui est intermédiaire entre le chaud et l’humide est vapeur ; tandis que l’intermédiaire entre le chaud et le sec c’est le fumée.

26. Venons à l’opinion propre de chacun des anciens, et voyons comment chacun veut établir la sienne et se poser en chef d’école, par son point de vue personnel. En effet, çà et là quelque omission a eu lieu, par suite de la complication de notre marche.

Récapitulons donc par parties, et montrons comment nos philosophes (chimiques), empruntant à ceux-là le point de départ, ont construit leur système. Zosime, la couronne des philosophes, dont le langage a l’abondance de l’Océan, le nouveau devin, suit en général Mélissus en ce qui concerne l’art et dit que l’art est un comme Dieu. C’est ce qu’il expose en mille endroits à Théosébie ; et son langage est véridique. Voulant nous affranchir de la confusion des raisonnements et de celle de toute la matière, il nous exhorte à chercher notre refuge dans le Dieu un et il dit : « Reste assis à ton foyer, ne reconnaissant qu’un seul Dieu et qu’un seul art, et ne va pas t’égarer en cherchant un autre Dieu ; car Dieu viendra à toi, lui qui est partout ; il n’est pas confiné dans le lieu le plus bas, comme le Démon. Repose ton corps, et calme tes passions ; te dirigeant ainsi toi-même, tu appelleras à toi l’être divin, et l’être divin viendra à toi, lui qui est partout. Quand tu te connaîtras toi-même, alors tu connaîtras aussi le seul Dieu existant en soi ; agissant ainsi tu atteindras la vérité et la nature, rejetant avec mépris la matière. »

27. De même, Chymès suit Parménide et dit : « Un est le Tout, par lequel le Tout est ; car s’il ne contenait pas le Tout, le Tout ne serait rien. »

Les Théologiens parlent sur les choses divines, comme les naturalistes sur la matière.

Agathodémon, tourné vers Anaximène, parle de l’air.

Anaximandre parle de l’intermédiaire, c’est-à-dire de la vapeur humide et de la fumée sèche.

Pour Agathodémon, c’est tout à fait la vapeur sublimée. Zosime le dit aussi ; et il a été suivi de préférence par la plupart de ceux qui ont fait la philosophie de notre art.

Hermès parle de la fumée, à propos de la magnésie : « Laisse-la, dit-il, brûler en face du fourneau, en la soumettant à l’action des écailles de cobathia rouges ». Car la fumée des cobathia, étant blanche, blanchit les corps. La fumée est intermédiaire entre le chaud et le sec ; et, dans le cas présent, cette fumée est la vapeur sublimée et tout ce qui en résulte. Mais la vapeur humide est intermédiaire entre le chaud et l’humide ; elle désigne les vapeurs sublimées humides, celles par exemple que distillent les alambics et les appareils analogues.

28. Pour éviter une vaine phraséologie, je te ferai une transmission brève ; je t’expliquerai clairement ce qu’ont dit les anciens, ô rejeton des nobles Piéride, (je veux dire) des neuf Muses, ô chef des orateurs ; car Dieu t’a envoyé pour cela. Apprends, au moyen d’un écrit de peu de prix, à faire les plus grandes choses. Car Dieu veut t’éprouver de deux côtés, par ta piété notoire aux êtres supérieurs, et par ton habileté bienfaisante à l’égard des êtres terrestres. Sache donc, sache, pour abréger les choses que tu devras prescrire, comment j’ajusterai mon discours aux écrits primitifs.

Or il vous a été dit, ô vous les hommes les plus considérables, que les anciens ont parlé des quatre éléments. Sachez en effet, que c’est au moyen des quatre éléments que sont constitués les choses sèches et les choses humides ; les choses chaudes et les choses froides, le mâle et la femelle. Deux (éléments) se portent en haut, et deux en bas. Les deux éléments ascendants sont le feu et l’air ; les deux éléments descendants sont la terre et l’eau. Ainsi donc, c’est au moyen de ces quatre (éléments) qu’ils ont constitué toute la description de l’art ; ils l’y ont renfermé, en en garantissant les lois par des serments. Connaissez vous-mêmes toutes les substances du catalogue, telles qu’elles sont constituées par le feu, l’air, l’eau et la terre.

Mais pour que la composition se réalise exactement, demandez par vos prières à Dieu de vous enseigner, dit Zosime ; car les hommes ne transmettent point (la science) ; les démons sont jaloux, et l’on ne trouve pas la voie. On cherche en vain ceux qui la savent, et les écrits n’ont pas de précision. La matière est multiple ; l’embarras se produit ; et (l’œuvre) ne s’accomplit pas sans une grande fatigue ; il y a lutte, violence et guerre. Le démon Ophiuchus introduit la négligence dans ces choses, entravant notre recherche, rampant de tous côtés, du dedans et du dehors, amenant tantôt des négligences, tantôt la crainte, tantôt l’imprévu, en d’autres occasions les afflictions et les châtiments, afin de nous faire abandonner (l’œuvre). Mais moi, je lui dirai Qui que tu sois, ô démon, je ne te céderai point ; mais je tiendrai bon jusqu’à ce que, ayant consommé (l’œuvre), j’aie connu le résultat. Je ne me laisserai pas abattre, étant doué de persévérance et luttant, en prenant mon appui sur une vie honnête et des purifications philosophiques. Ainsi donc, ayant recueilli les préceptes utiles des sages, je vous les présenterai (en commençant) par le commencement, d’après les anciens ; car votre sagacité en présence d’un langage étranger n’est pas déroutée par les milliers d’espèces, tant liquides que solides, dont les anciens donnent le catalogue. Parmi ces couleurs diverses, les unes sont crues, les autres cuites ; dans la cuisson, certains corps prennent les couleurs et d’autres s’y conservent sans changer de couleur ; tantôt ils doivent être traités sur un feu vif, tantôt sur un feu doux (toutes circonstances) qui exigent une grande circonspection dans (la pratique de) l’art.

29. Ces choses ont été dites par moi, afin que vous sachiez que les mille classes (de corps) que les anciens établissent doivent passer par ces diverses opérations et par mille autres encore, tel que pulvérisations, décoctions, décompositions diverses, à chaud et à froid, expositions à la rosée, ou en plein air, et mille autres choses. C’est pourquoi, en raison de la multiplicité des explications et à cause des traitements dont on ne parle pas, l’esprit de ceux qui abordent cet art est jeté dans la confusion. Or il nous affranchit de tout cela, le Dieu dispensateur de tous les biens.

30. Entends donc, toi dont l’esprit est inspiré, ce qu’ils ont écrit en s’adressant à des Égyptiens c’est pourquoi ils n’expliquent pas clairement l’objet cherché. Non seulement ils ont décrit mille procédés pour faire de l’or ; mais encore ils ont ritualisé ces choses. Ils ont donné les mesures des excavations et des intervalles et assigné les positions des entrées et des sorties de leurs temples, en considérant les quatre points cardinaux attribuant le levant à la substance blanche, et le couchant à la substance jaune. Les mines d’or de l’Arsenoéron (sont) à la porte orientale, c’est-à-dire que tu trouves à l’entrée du temple la substance blanche. À Térénouthi, dans le temple d’Isis, à l’entrée occidentale du temple, tu trouveras du minerai jaune, après avoir creusé (à une profondeur) de trois coudées et demie À la moitié des trois coudées tu trouveras une couche noire. Après l’avoir enlevée, traite (la) [et tu en trouveras une verte ailleurs].

Ce choses relatives aux mines d’or, inscrites sur la montagne de l’Est, et sur la montagne Libyque, ont été dites dans un sens mystérieux. Ne passe pas légèrement à côté ; ce sont de grands mystères : remarque qu’ils ont été tous démontrés vrais.

31. C’est de là qu’il fait partir son opération ; c’est pour cette raison qu’il a dit : Attribuant au levant la substance blanche, c’est-à-dire, assignant à l’origine des opérations le commencement du jour, le lever du soleil sur la terre. Car le blanchiment, par rapport au jaunissement, est le véritable commencement de l’opération ; lors même que celle-ci ne se fait pas en débutant de suite par là, parce que l’on attend que la décomposition ait débuté sans le (secours du) feu.

Est-ce sans raison qu’Hermès a voulu faire entendre au prêtre, outre le commencement, cette circonstance qui précède le blanchiment? Ecoute Apollon disant : « (la terre) est traitée, étant prise dès l’aurore ». Or l’expression « dès l’aurore » fait voir que le moment qui précède le lever (du soleil), est aussi celui qui précède le blanchiment et le commencement de tout l’œuvre.

Ensuite l’achèvement de tout l’œuvre (j’entends par là le jaunissement), il l’a attribué au couchant, qui est l’accomplissement du jour entier. La phrase : « à la moitié de la hauteur des trois coudées, tu trouveras une couche noire », a été dite au sujet des matières sulfureuses, c’est-à-dire au sujet de notre plomb, celui que l’on retire des scories (espèce de peu de valeur) aussitôt après le blanchiment, au moyen de la décomposition opérée à chaud et de la fixation. (C’est ce plomb), dit-il, que les prophètes des Egyptiens, s’efforçaient d’obtenir.

32. Sache que cet énoncé des minerais est une allégorie. Car ils n’entendent pas parler des minerais, mais des substances.

Sur quoi nous appuyons-nous (pour dire) que le levant a été attribué au masculin, et le couchant au féminin? Il s’agit d’Adam. Car celui-ci, le premier de tous les hommes, est issu des quatre éléments. On l’appelle aussi terre vierge et terre ignée, terre charnelle et terre sanglante. Tu trouveras ces choses dans les bibliothèques de Ptolémée. Je les ai dites pour établir relativement aux choses sacrées, qu’aucun des êtres n’a été expliqué irrationnellement par les anciens. Car le couchant est attribué à l’élément féminin. Zosime dans son livre sur l’Action (dit ceci) : « Je proclame et j’appelle Hermès comme témoin véridique, lorsqu’il dit : Va-t’en auprès d’Achaab le laboureur et tu apprendras que celui qui sème le blé produit le blé ». Moi aussi je dis de même que les substances sont teintes par les substances, d’après ce qui est écrit. Or le fait d’être teint ne comporte pas d’autre distinction que celle de la substance corporelle et de la substance incorporelle : cet art admet l’une et l’autre. Il dit que les substances corporelles sont les substances (métalliques) fusibles ; tandis que les substances incorporelles (sont) les pierres. Il désigne comme n’ayant pas le caractère de substances les minerais et les matières qui n’ont pas été traitées par le feu, à cause de la nécessité de ce premier traitement.

Pélage dit à Pausiris : « Veux-tu que nous le jetions dans la mer, avant que les mélanges soient effectués? Et Hermès dit : « Tu parles très bien et avec une grande exactitude ». La mer, comme le dit Zosime, c’est l’élément hermaphrodite.

33. (La terre) est traitée, étant prise dès l’aurore, cela veut dire étant encore imprégnée de la rosée. En effet le soleil levant enlève par ses rayons la rosée répandue sur la terre, pour s’en nourrir. La terre (ainsi) se trouve comme veuve et privée de son époux, ce que dit aussi Apollon. Par l’eau divine, j’entends ma rosée, l’eau aérienne.

Vois combien il y a de témoignages pour établir que cette composition a besoin d’abord de quelque liquide ; afin, dit-il, que la matière ayant été corrompue garde son caractère spécifique invariable. Par les mots « ayant été corrompues », il a fait entendre qu’il faut un certain temps pour que la décomposition ait lieu. Or la décomposition ne se produit jamais sans le concours de quelque liquide. En effet, c’est au catalogue des liquides, dit-il, que le mystère a été confié.

34. Au sujet des minerais : « Tous les anciens s’en sont préoccupés ». Comme ils adressent leurs discours aux Egyptiens, je t’alléguerai encore leur témoignage, à cause de ton incrédulité.

35. Zosime donc, dans son livre de l’Accomplissement, s’adressant à Théosébie, s’exprime ainsi : « Tout le royaume d’Egypte, ô femme, est soutenu par ces trois arts, l’art des choses opportunes, l’art de la nature et l’art de traiter les minerais. C’est l’art appelé divin, c’est-à-dire l’art dogmatique pour tous ceux qui s’occupent de manipulations et de ces arts honorables, que l’on appelle les quatre (arts) chimiques. (Cet art divin), enseignant ce qu’il faut faire, a été révélé aux prêtres seuls. En effet la manipulation naturelle du minerai appartenait aux rois ; aussi lorsqu’un prêtre, ou ce qu’on appelait un sage, expliquait les choses qu’il avait reçues en héritage des anciens, ou de ses ancêtres, lors même qu’il en possédait (complètement) la connaissance, il ne la communiquait pas sans réserve : car (autrement) il était puni. De même que les artisans chargés de frapper la monnaie royale ne la frappent pas pour eux-mêmes, attendu qu’ils seraient châtiés. De même aussi, sous les rois d’Egypte, les artisans préposés aux opérations faites par la voie du feu, ainsi que ceux qui avaient la connaissance du lavage du minerai et de la suite des opérations, ne travaillaient pas pour eux-marnes ; mais ils étaient chargés d’accroître les trésors royaux. Ils avaient des chefs particuliers, préposés aux richesses du roi, et des directeurs généraux, qui exerçaient une autorité tyrannique sur le travail du minerai par le feu. C’était une loi chez les Egyptiens que personne ne divulguât ces choses par écrit.

« Quelques-uns reprochent à Démocrite et aux anciens de n’avoir pas fait mention de ces arts dans des termes appropriés, mais d’avoir exposé seulement ceux dont on parle publiquement. Il est injuste de le leur reprocher ; car ils ne pouvaient faire autrement. Étant amis des rois d’Égypte, et s’honorant d’occuper les premiers rangs en dignité parmi les prophètes, comment auraient-ils pu révéler au public des connaissances contraires aux (intérêts des) rois et donner à d’autres le pouvoir dominateur de la richesse? Quand même ils l’auraient pu, ils ne l’auraient pas fait ; car ils étaient jaloux (de leur science). Les Juifs seuls parvinrent à en connaître la pratique, ainsi qu’à décrire et à exposer ces choses clandestinement. Voilà comment nous trouvons que Théophile, fils de Théogène, a parlé de toute la description topographique des mines d’or ; il en est de marne de la description des fourneaux par Marie et des écrits des autres Juifs. »

36. Synésius s’adressant à Dioscorus parle du mercure (et) de la vapeur sublimée étésienne et dit que tous les anciens savent que ce sublimé est blanc et volatil, et sans substance propre. Il s’unit à tous les corps fusibles ; il les attire en lui-même, comme l’expérience l’a enseigné ; l’auteur s’exprime ainsi : si tu veux savoir exactement les choses, fais attention que dans les deux catalogues le mercure a été classé avant toutes choses, et dans le jaune : ce qui signifie l’or ; et dans le blanc : ce qui signifie l’argent. Dans (le traité de) l’or, il est dit : « Le mercure qui provient du cinabre). Et dans le (traité du) blanc, il est dit : le mercure qui provient de l’arsenic ou de la sandaraque », etc.

D. — Le mercure est donc de différentes sortes?

S. — Oui, il est de différentes sortes, tout en étant un.

D. — Mais, s’il est un, comment est-il de différentes sortes ?

S. — Oui, il est de différentes sortes, et il a une très grande puissance. N’as-tu pas entendu dire à Hermès : « Le rayon de miel est blanc, et le rayon de miel est jaune? »

D. — Oui, je (le lui) ai entendu dire. Mais ce que je veux apprendre, Synésius, enseigne-le moi : c’est l’opération que tu sais. Le mercure prend donc de toute manière les apparences de tous les corps?

S. — Tu as compris, Dioscorus. En effet, de même que la cire affecte la couleur qu’elle a reçue ; de même aussi le mercure, ô philosophe, blanchit tous les corps et attire leurs âmes ; il les digère par la cuisson et s’en empare. Étant donc disposé convenablement, et possédant en lui-même le principe de toute liquidité, lorsqu’il a subi la décomposition, il opère partout le changement des couleurs. Il forme le fond permanent, tandis que les couleurs n’ont pas de fondement propre. Ou plutôt le mercure, perdant son fondement propre, devient un sujet modifiable par les traitements exécutés sur les corps métalliques et sur leurs matières.

D. Et quels sont ces corps et leurs matières ?

S. — C’est la tétrasomie et ses congénères.

D. — Et quels sont ses congénères ?

S. — Tu as entendu dire que leurs matières sont leurs âmes.

D. — Ainsi les matières (des métaux) sont leurs âmes ?

S. — Oui ; car de même que le menuisier, lorsqu’il prend un objet de bois et qu’il fabrique un siège, ou un char, ou quelque autre chose, ne travaille que sur la matière ; de même aussi opère cet art, ô philosophe, lorsqu’il divise les corps. Ecoute, ô Dioscorus : le tailleur de pierre taille la pierre, ou bien la scie, afin de la rendre propre à son usage. Semblablement aussi le menuisier scie et taille le bois, pour en faire un siège, ou un char : l’artiste ne cherche pas par-là à modifier autre chose que la forme ; car il n’y a rien là que du bois. Semblablement aussi, l’airain façonné en statue, en anneau, ou en tout autre objet : l’artiste ne cherche à modifier que la forme.

De même aussi le mercure travaillé par nous reçoit toutes sortes de formes. Fixé sur un corps formé des quatre éléments, ainsi qu’il a été dit, il y demeure fermement attaché et il est impossible de l’en chasser : il est à la fois dominé et dominant. Voilà pourquoi Pébéchius disait qu’il avait une grande affinité.

37. Que pouvons-nous entendre de plus? C’est que le mercure travaillé devient matière réceptive, échangeant sa substance contre celle de tout corps (métallique) fusible. Privé de nature propre, il devient volatil.

De même aussi notre magnésie, ou l’antimoine (sulfuré), ou les pyrites, ou les minerais, ou (enfin) tous les corps métalliques que l’on peut nommer, transformés au moyen de l’huile de natron, soit dans le récipient à digestion spontanée, soit par l’action du soufflet, soit par un autre appareil, de quelque nom que tu veuilles l’appeler ; — je dis transformés conformément à leur aptitude naturelle, — sont réduits à l’état de cendres. En effet, le corps réceptif par excellence, celui qui est appelé parmi eux le plomb noir, celui qu’ont désiré connaître les prophètes des Egyptiens, celui que les oracles des Démons ont révélé, ce sont les scories et les cendres de Marie. Car ils savent que ces choses existent dès le principe. C’est pour cela qu’il y a coloration en noir et dans (le cours de) l’opération, décoloration, c’est-à-dire blanchiment ; car le mot blanchiment ne signifie pas autre chose que le fait de décolorer, par privation du noir. Vois l’exactitude de tout ceci, ô sage. Car tu possèdes ici le fruit de tout le labeur du captif ; tu possèdes ici ce que l’on cherche depuis des siècles je sais la persévérance de ta sagesse.

38. Telle est la clef du discours, et le résumé de l’art dans son ensemble. Ne passe légèrement à côté d’aucune de ces choses ; car cette clef t’ouvrira les portes de la théorie et de la pratique ; tu as appris que les scories sont le mystère tout entier. Tous (les philosophes) sont suspendus et attentifs à ces (scories) ; des milliers d’énigmes s’y rapportent ; des livres en aussi grand nombre y font allusion ; c’est le fondement du blanchiment et du jaunissement. En effet, il y a deux couleurs extrêmes : le blanc et le noir ; le blanc est séparatif, et le noir compréhensif. Zosime faisant allusion à cette couleur, dit : « Elle entoure la pupille de l’œil, ainsi que l’arc en ciel. »

Les gens sans intelligence ne saisissent pas ce que c’est que le séparatif et le compréhensif. Or le compréhensif, ainsi que ce qu’il comprend, est tiré des corps (métalliques) eux-mêmes. C’est ainsi que de l’essence liquide, on extrait la nature intime du plomb, comme le dit aussi le divin Zosime ; et il s’appuie sur toute vérité et connaissance venant de Dieu. Cette nature intime, dis-je, c’est-à-dire cette me (du plomb), cessant de manifester en elle.mme le monde invisible, se manifeste dans un autre corps (métallique), celui de l’argent ; et dans l’argent elle manifeste le sang rouge, c’est-à-dire l’or.

39. O mon ami, toi qui es généreux, institue ton discours pour ma justification, employant les moyens de défense que te suggère ton honnêteté ; que ta douceur et ta patience, en présence de la négligence et du désordre de cette étude, ne s’en prenne pas au sujet de l’étude elle-même, mais à la négligence de la forme.

Ainsi le blanc est séparatif ; car le blanc ne s’appelle pas à proprement parler une couleur. En effet toute couleur comprend et distingue (certaines variétés) : ainsi le noir est une couleur véritable, puisqu’il y a plusieurs variétés de noir. Lorsqu’ils discourent sur les couleurs, l’esprit des non initiés tombe dans la confusion ; mais nous, ne nous écartons pas du bon sens. Les anciens savent que le plomb est noir. Or le plomb possède l’essence liquide ; remarque l’exactitude de ce que nous disions plus haut de rame attirée par l’essence liquide. Car par sa pesanteur celle-ci tend à descendre et attire tout à soi. Voici que tous les mystères t’ont été divulgués.

40. Il faut d’abord apporter quelques témoignages, puis revenir à notre opinion. Marie suppose que le plomb est noir dès le principe, et elle dit : « Si notre plomb noir est fabriqué, voici dans quel sens ; car le plomb commun est noir dès le principe ». Ainsi elle ne parle pas du plomb commun, mais du (plomb) produit par l’art.

Or « comment est-il produit? » dit Marie. « Si tu ne rends pas les substances corporelles incorporelles et si tu ne rends pas incorporelles les substances corporelles, et si des deux (corps) tu n’en fais pas un seul, aucun des (résultats) attendus ne se produira ».

Et ailleurs : « Si tous les corps métalliques ne sont pas divisés par l’action du feu, et si la vapeur sublimée, réduite en esprit, ne s’élève pas, rien ne sera mené à terme. »

Et ailleurs encore : « Le molybdochalque est la pierre étésienne. Toutes les (substances) fondues et coulées ensemble, (il) les change en or par l’action ignée. En puissance, il a la vertu de cuire les choses crues et de doubler les choses cuites. Mais si tu réussis à blanchir ou à jaunir, ce ne sera plus seulement en puissance, mais en acte. Voici ce que j’affirme, dit Marie : le molybdochalque existe par l’effet du traitement. »

Il s’agit du traitement des deux scories et la doctrine est la suivante.

Traite par le vinaigre la pierre étésienne, ou la pierre phrygienne ; trempe (la) d’abord dans la liqueur, puis après l’avoir ramollie, broie-la et conserve.

Démocrite disait : « de l’antimoine (sulfuré) et de la litharge, retire le plomb » et il observe : « Je ne parle pas dans le sens propre, de peur que tu ne t’égares ; mais il s’agit de notre (plomb) noir ». Agathodémon, au moyen de notre plomb, fait les affinages ; il prépare une liqueur noire avec le plomb et les eaux (chimiques), liqueur destinée à désagréger l’or.

En général, ils préparent du plomb noir ; car, ainsi que je l’ai dit, si le plomb commun est noir dès le principe, le nôtre est noir par fabrication, ne l’étant pas d’abord.

41. L’expérience nous servira de maître et je m’efforcerai de nouveau d’expliquer la question par des démonstrations véridiques, en revenant à notre premier sujet. L’asèm ne devient pas or de lui-même, comme on le dit ; et il ne le deviendrait pas, sans le secours de notre œuvre.

Il n’est pas juste de déprécier les anciens ; car « la lettre tue, mais l’esprit vivifie ». Ce mot adressé par le Seigneur à ceux qui l’interrogeaient sans réflexion, s’applique à tout ce qu’ont dit les anciens qui se sont occupés de ces matières. Celui qui connaît l’art caché de la chimie, leur dit : « Comment dois-je entendre maintenant la transmutation? Comment l’eau et le feu, ennemis et contraires l’un à l’autre, opposés par nature, se sont-ils réunis dans le même (corps), par concorde et amitié? etc. O l’incroyable mélange ! D’où vient cette amitié inattendue entre des ennemis? »

42. Ici encore les oracles d’Apollon déclarent la vérité, car ils parlent du tombeau d’Osiris. Or qu’est-ce que le tombeau d’Osiris? C’est un mort lié et entouré de bandelettes, n’ayant que le visage découvert. L’oracle dit, en désignant Osiris : Osiris, c’est le tombeau étroitement resserré, cachant tous les membres d’Osiris et ne laissant voir aux mortels que son seul visage. Mais en cachant les corps, la nature a voulu exciter notre étonnement. Car Osiris est le principe de toute liquidité ; c’est lui qui opère la fixation dans les sphères du feu. C’est ainsi qu’il lie et resserre le Tout du plomb, etc. »

43. Un autre oracle du même Dieu s’exprime ainsi : « Prends le chrysolithe, celui que l’on nomme le mâle de la chrysocolle, c’est-à-dire l’homme destiné à la combinaison. Ce sont ses gouttes qui enfantent l’or de la terre Ethiopienne. Là une espèce de fourmi extrait l’or, le porte au jour et en jouit. Mets avec lui la femme de vapeur, jusqu’à ce qu’il soit transformé : c’est l’eau divine, amère et styptique, celle que l’on appelle la liqueur de Chypre et la liqueur de l’Egyptienne aux tresses d’or. Avec ce (produit), enduis les feuilles de la déesse lumineuse, celles de Cypris la blonde, et fais fondre, en comprenant l’or dans ton invocation. »

À son tour, Petasius le philosophe, parlant du principe de l’œuvre, s’accorde avec ce qui a été déjà exposé au sujet de notre plomb et dit : « La sphère de feu est retenue et enserrée par celle du plomb ». Et le même, se faisant son propre commentateur, ajoute : « Cela veut dire à partir du produit qui vient de l’eau mâle ». Or c’est l’eau mâle qu’il a appelée la sphère de feu. Il a dit (aussi) que le plomb est tellement possédé du démon et livré à l’impudence, que ceux qui veulent apprendre (la science) tombent dans la folie, à cause de (leur) ignorance (de ses propriétés).

44. Voici ce qui a été dit dès le début au sujet des éléments, ce qui est proclamé ici. J’ai dit que le plomb est l’œuf (philosophique), composé des quatre éléments ; Zosime l’expose aussi quelque part. Or le Tout aboutit au plomb. En effet, quelle que soit l’espèce qu’ils comprennent dans le catalogue, ils entendent par là l’ensemble : « les quatre sont un » dit Marie. Si tu entends parler des minerais, comprends par là les espèces métalliques) ; et si tu entends parler des espèces, comprends les minerais. En effet, les quatre corps forment la tétrasomie.

C’est au sujet de cette tétrasomie que Zosime dit : « Ensuite la malheureuse, tombée et enchaînée dans le corps (métallique) du quadruple élément, subit aussitôt les colorations voulues par celui qui l’assujettit au moyen de l’art : telles que la coloration noire, ou la blanche, ou la jaune. Ensuite, ayant reçu les couleurs et, parvenue peu à peu à l’adolescence, elle atteint la vieillesse et finit dans le corps à quadruple élément : [ce qui signifie (l’ensemble constitué par) le cuivre, le fer, l’étain et le plomb]. Elle finit avec eux dans l’opération de l’iosis, comme détruite par ces (métaux) et surtout ne pouvant plus s’échapper ; [c’est-à-dire entrelacée avec eux et ne pouvant s’en échapper]. Et de nouveau elle se retourne avec eux, retenant lié avec elle celui qui la poursuit du dehors, au sein de l’appareil circulaire ». Or qu’est-ce que l’appareil circulaire? si ce n’est le feu et la cause de l’évaporation sans issue, opérée dans la fiole sphérique. De même que, dans la maladie le premier sang étant corrompu, il se forme un nouveau sang dans le rétablissement (de la santé) ; de même il manifeste dans l’argent le (nouveau) sang couleur fauve, c’est-à-dire l’or.

45. Tels sont tous les témoignages. Autant que possible, je les ai résumés, les tirant de beaucoup de discours ; non que nous manquions de papier ; en effet quelle quantité de papier suffirait pour exposer les puissances si vastes de l’art? Lors même que je préparerais un papier aussi étendu que le ciel, je ne pourrais développer ici qu’une petite partie de ce qui concerne la matière rendue corporelle. En cela, notre art ressemble à l’intelligence parfaite et ineffable. C’est pourquoi nous devons nous exercer, selon le divin Démocrite [c’est là une comparaison], disant : « C’est pourquoi nous devons nous exercer et avoir une intelligence ouverte et perçante. » Zosime dit aussi : « Si tu es exercé, tu possèdes le fruit de tes exercices ; en effet l’art demande de l’intelligence, et se développe par elle. »

46. Vois comment toutes choses te sont devenues faciles à comprendre. Après avoir recueilli ce qui a été dit dès le principe, j’ai fait un choix de tout ce qui t’a été présenté.

Ce fait qu’ils ont parlé des substances liquides et sèches, induit les lecteurs en erreur. En effet le mot « liquidité » un double sens. Tantôt il s’agit d’un liquide proprement dit, tel que l’eau ; tantôt on nomme liquidité, comme parmi les artisans, la qualité onctueuse des pierres. Or, il est impossible d’exprimer deux choses contraires par un seul (mot).

Ici s’applique vraiment la parole de Petasius le philosophe, disant que le plomb est tellement possédé du démon et présomptueux, que ceux qui veulent apprendre tombent dans la folie et perdent l’esprit. Mon cher ami, éclaire-moi sur les choses obscures. Il faut que tout mensonge disparaisse. Car les philosophes, ces modèles de générosité, connaissent toute vérité. J’ai besoin de pardon, car il est possible que vous ayez à corriger mes erreurs ; tandis qu’elles deviendront un voile pour ceux à qui il ne nous est pas permis de faire la révélation.

47. On attribue au plomb les deux qualités contraires, attendu qu’il donne à la fois la sensation d’un corps liquide et celle d’un corps sec. Il possède trois propriétés en lui-même, il est blanc, jaune et noir ; et il est aussi liquide. Voici qu’il se produit aussi (avec le plomb) quatre couleurs différentes du jaune. Le plomb comporte encore deux traitements. C’est à bon droit que (Petasius) fait reposer l’art sur lui ; mais c’est à tort qu’on lui adjuge le caractère théâtral et éclatant, le même en vérité qu’à la (pierre) astérie. C’est à cause d’une semblable nature, que la plupart des anciens placent l’art dans le plomb. Zosime le dit ainsi : « Le Tout aboutit au plomb. » Et ailleurs : « Le plomb, c’est notre magnésie ; il est liquide par nature. » En outre la scorie du plomb ressemble à la scorie produite par la fonte du minerai aurifère. C’est surtout pour cette raison, qu’on fait résider l’art dans le plomb.

48. Ainsi le corps (métallique) de la scorie, regardé par tous comme un produit sans application, vil et méprisé, mérite au contraire les éloges qui viennent de lui être décernés. On doit penser (à ce sujet) comme tous les anciens, lui rendre sa gloire et le traiter par l’art. « Ne sois pas intimidé par ton inexpérience, dit Zosime, et lorsque tu verras que tout est devenu cendre, comprends alors que tout va bien ». Pulvérise donc cette scorie et épuise-la de sa partie soluble, lave-la six ou sept fois dans des eaux édulcorées, après chaque fonte. Ces fontes ont lieu en raison de la richesse du minerai. En suivant cette marche et ce lavage, dit Marie, la composition s’adoucit.

Tout l’art repose sur les éléments ; car après la fin de l’iosis, une projection ayant lieu, le jaunissement stable des liquides se produit. En faisant cela, tu fais sortir au dehors la nature cachée à l’intérieur. En effet, transforme leur nature, et tu trouveras ce que tu cherches.

C’est là, pour nous, un sujet inépuisable : tant il est difficile de louer dans une mesure suffisante la gloire de l’art ; c’est donc par respect pour notre propre sujet que nous mettons un terme à notre discours.

Il fait aussi allusion à la demeure des âmes des philosophes et dit : « Il y avait une demeure sphéroïde, ou ovoïde, regardant le couchant, côté où elle avait son entrée ; elle était en forme de spirale. » Tu en trouveras la description dans le discours rappelé plus haut.

49. On rapporte encore l’art au soleil et à la lune ; or le soleil préside au levant, et la lune au couchant. On apporte comme démonstrations plausibles sur ces choses, ce qui a été dit du minerai, c’est-à-dire des substances que l’on en tire.

Quelques-uns font macérer les substances sulfureuses : quand arrive le mois de pharmouthi, ils placent chacune des espèces dans une étoffe de lin solide et d’un tissu serré. Ils les font bouillir dans de l’eau de mer, rejetant le bouillon produit et laissant de nouveau baigner dans de l’eau de mer. Ils ne connaissent pas à simple vue le résultat, mais par les (signes) dont parle Hermès en plusieurs endroits (lorsqu’il dit) : « Fais bouillir dans une étoffe de lin solide. »

Lui-même a dit de faire bouillir la plante, et (cela) avec raison : « en effet elle prend de l’accroissement ». Cet accroissement n’est pas une chose vaine, car les plantes croissent pour la nourriture et la production des semences.

Un grand nombre d’anciens ont mentionné les ébullitions. Marie et Démocrite (ont dit) : « Lave et relave, jusqu’à ce que l’antimoine ait perdu sa couleur noire ». Par ce lavage, ils veulent faire entendre le blanchiment, ainsi qu’il a été dit plus haut.

50. En s’occupant maintenant de la substance jaune, ils font le catalogue des espèces jaunes. C’est pourquoi l’on dit : « Il y a deux blanchiments, et deux jaunissements ; il y a deux compositions, l’une sèche, l’autre liquide » ; c’est-à-dire que dans le catalogue du jaune, tu trouveras des plantes et des minéraux. Tu trouveras aussi deux liqueurs : l’une dans le chapitre du jaune, et l’autre dans celui du blanc.

Dans le chapitre des liqueurs jaunes, figurent les produits obtenus avec les plantes jaunes, telles que le safran, la chélidoine et autres semblables.

Dans la liste des compositions blanches, et parmi les matières sèches, sont toutes les (substances) blanches, telles que la terre de Crète (la craie), la terre de Cimole et autres analogues.

Dans le chapitre des liqueurs blanches, sont toutes les eaux blanches, telles que la bière, les sèves, les sucs propres des plantes.

Rangeant toutes ces choses parmi les couleurs, ils y ont appliqué leurs soins. Jugez-en vous-mêmes, gens intelligents, après vous être préalablement exercés en ces (matières). Quant à nous autres, dédaignant toutes ces choses, suivant Démocrite, « nous connaissons les diversités de la matière et nous allons au plus utile ».

Vois dans le traité de l’Action, au second livre, ce que dit Zosime au sujet du blanchiment : « Il y a deux blanchiments, comme aussi deux jaunissements, l’un par délaiement, et l’autre par cuisson. Voici comment on opère par délaiement : l’opération n’a pas lieu simplement, mais elle s’accomplit dans une demeure consacrée. À l’extérieur de cette demeure sacrée, distribués pareillement dans tous les sens, sont disposés à l’entour des pièces d’eau et des jardins, afin que le zéphir en soufflant (ne dessèche pas) la poussière et ne l’enlève pas hors du mortier. » C’est ainsi qu’il a parlé, en termes mystiques, du lieu de la pulvérisation. Et vous-mêmes, gens intelligents, distinguez « le centre de la demeure » ; ainsi que le sens de ces mots : « les pièces d’eau et les jardins ».

51. Hermès suppose que l’homme est un petit monde (microcosme), lorsqu’il dit : « Tout ce que possède le grand monde, l’homme aussi le possède. Le grand monde a des animaux terrestres et aquatiques ; l’homme a aussi des puces et des poux, en fait d’animaux terrestres, et des helminthes, en fait d’animaux aquatiques. Le grand monde a des fleuves, des fontaines, des mers ; et l’homme a des intestins. Le grand monde a les animaux aériens, et l’homme a les cousins. Le grand monde a les souffles partout répandus, tels que les vents ; et l’homme a les flatuosités. Le grand monde a le soleil et la lune ; l’homme a ses deux yeux, et l’on consacre l’œil droit au soleil, et l’œil gauche à la lune. Le grand monde n des montagnes et des collines, et l’homme a des os. Le grand monde a le ciel ; l’homme a la tête. Le grand monde a les douze signes du Zodiaque, savoir : le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Verseau et les Poissons. L’homme a ces choses depuis la tête, c’est-à-dire depuis le Bélier, jusqu’aux pieds, qui répondent aux Poissons.

C’est là ce que les anciens expriment, en disant que l’homme est l’image du monde ; ce que rapporte Zosime dans son livre de la Vertu. De même la terre est l’image du monde.

52. Ne pouvons-nous pas aussi délayer l’homme et en faire des projections? dit le philosophe, s’adressant à Zosime. Or celui-ci dit : « Nous avons prouvé que cet œuf (philosophique) est la reproduction de l’univers. » Hermès, aussi, faisant entendre par énigme l’œuf dans la pyramide, disait que l’œuf était à proprement parler la substance de la chrysocolle et de l’argent. L’œuf est appelé le monde à la chevelure d’or ; et Hermès désigne le coq comme étant un homme maudit par le soleil. Voilà ce qu’il dit dans le livre antique. C’est là qu’il fait mention de la taupe, disant que cet animal avait aussi été un homme ; il avait été maudit de Dieu, pour avoir révélé les mystères du soleil et (Dieu) l’avait rendu aveugle. Et de fait, si la taupe monte à la face du soleil, la terre ne l’accueille plus jusqu’au soir. Il dit que cela est arrivé parce que cet homme avait connu la forme (mystérieuse) du soleil. (Dieu) le relégua dans la terre noire, comme ayant transgressé la loi, et révélé le mystère aux hommes.

53. Résumons tout ceci, pour abréger. On reconnaît que le genre (animal) existe en raison de ses générations successives et se distingue en espèces, telles que les êtres volatils (et ceux qui ne le sont pas), lesquels sont à ra portée de la main, sans autre défense qu’eux-mêmes. De même les reptiles et les quadrupèdes, distincts entre eux quant à l’espèce, tandis qu’ils s’accordent par la puissance (de reproduction). Mais l’homme est supérieur à tous les animaux sans raison, comme Synésius l’écrit à Dioscorus. Il dit : « L’homme est le plus important de tous les animaux vivant à la surface de la terre. »

« Le but propre de tout l’art, dit Horus, c’est d’avoir pris secrètement la semence du male ; tandis que toutes choses sont mâles et femelles. » Comme le dit quelque part Marie : « Unissez le mâle et la femelle et vous trouverez ce qui est cherché. En effet sans le procédé de cette réunion, rien ne peut réussir, car la nature charme la nature, etc. »

54. Démocrite, à l’occasion de ces choses, a composé quatre livres sous ce titre : Le Principe.

Marie dit : « prenant une feuille d’argent.... » ; et la même, ailleurs « prenant la feuille de la kérotakis ». Or elle appelle kérotakis l’instrument employé pour échauffer la feuille. [Le mot feuille désigne (aussi) un débris de plante].

Et ailleurs, la même : « Dans le même motarion (mets) de la sandaraque jaune. » [Remarquez le nom féminin de la sandaraque. Quant aux motaria, comme vous le savez, ils sont faits avec du linge].

Et sur la stèle, au-dessous de la figure de l’espèce masculine, il y a ces mots de Marie « et avec toutes choses » ; et ailleurs : « la préparation ignée ». Marie dit encore : « Ne va pas toucher avec tes mains ; tu n’es pas de la race d’Abraham ; tu n’es pas de notre race ».

55. Remarque que l’art est spécial et non commun, comme quelques-uns le croient : ils ont parlé comme à des auditeurs ordinaires, capables de connaître et de comprendre. Mais toi, mon excellent fils, recueille les choses qui te paraissent utiles, conseillé par le philosophe en ces termes : « Je (vous) parle comme à des gens intelligents, exerçant vos esprits à connaître de quelles choses il faut se servir ». Si les modernes avaient été exercés dans ces matières, ils n’auraient pas échoué en s’engageant sans discernement dans les opérations. Et (encore) : « Devenez tels que les fils de médecins, afin de comprendre les natures ; en effet les fils de médecins, lorsqu’ils veulent préparer un remède salutaire, n’opèrent pas avec, une précipitation inconsidérée, etc. »

Voici dans quel sens il a été dit que l’art est spécial et non livré à tous, Ecoutez, gens sans réflexion, ce que dit Horus l’extracteur d’or à Cronammon, sur l’art des divisions et des espèces : « J’introduirai une petite explication, exposant l’interprétation de la véritable nature, seulement en ce qui touche les classes mentionnées parmi nous ; la vérité concernant les minerais et les pierres n’ayant été publiée nulle part. Je dis la vérité relative aux minerais ; car les classes n’ont jamais été épuisées jusqu’au bout. En effet qui ne sait que l’or, l’argent, le cuivre, le fer, le plomb, l’étain, comme aussi les terres, les pierres, les minerais métalliques sont (extraits) de la terre et sont mis en œuvre? »

C’est d’après ces (données) qu’ils ont fait leur écrit ; ils exposent aussi les liqueurs tirées des sèves et des sucs des plantes, des arbres, des fruits, des bois secs et humides. En composant des liqueurs avec ces substances, ils ont constitué l’art. Ils ont partagé cet art unique comme un arbre divisé en mille rameaux, et ils en ont formé mille classes.

Tu as donc ici, en toute puissance, l’ensemble de l’œuvre. Il comprend le molybdochalque, la pierre étésienne et toutes les substances dorées, obtenues par cuisson et qui s’écoulent ensemble. Or ces mots : « les substances qui s’écoulent ensemble » ne signifient pas autre chose que les substances qui se liquéfient simultanément et par cet agent, c’est-à-dire au moyen du feu.