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Atalanta Fugiens, Secretioris Naturæ Secretorum Scrutinium Chymicum


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
ecr. Michel Maier
Ill. Jean Théodore de Bry
et/ou Matthäus Merian
publ. 1617Littératurepubl. Oppenheim (Allemagne)Hermésisme
Alchimie

► Il existe d’autres versions coloriées, l’Institut d'histoire des sciences en possède un certain nombre. Celles de l’édition Paris présentées ici ont été ajoutées après l’impression de l’ouvrage.

■ Nous avons gardé les paragraphes de la version traduite car le texte est ainsi plus facile à lire que dans l’ouvrage original.

🕮 Bosc, ref.75 ?,878.

🕮 Caillet, ref.6988.

🕮 Dorbon-Aîné, ref.2850 : […] L’auteur décrit les opérations nécessaires pour parvenir à la réalisation du grand-œuvre et commente les écrits des principaux philosophes chimiques, tels que Lulle, Geber, Basile Valentin, Riplée, Morien, Paracelse, Arnauld de Villeneuve.

🕮 Jouin, ref.211,360,415,445,827 :

1. D’après Kloss, n° 2543, le titre complet de cet ouvrage est le suivant : Atalanla fugiens, h.e. Emblemata nova de secetis naturæ chymica, accommodata partim oculis et intellectui, figuris cupri incisis, adjectisque sententiis. La première édition aurait été donnée en 1617, chez Jerôme Galler, à Oppenheim. Une autre aurait suivi dès 1618, chez le même éditeur, aux frais de J. Theod. de Bry, et cette seconde édition serait particulièrement appréciée à cause des cuivres gravés par de Bry. 11 est vraismblable que Peeters a en vue cette édition qu’il indique par erreur sous la date de 1608, au lieu de 1618. Ce livre fut réimprimé en 1687, à Francfort, chez H. Oehrling, sous le titre : Secretioris Naturæ Secretorum scrutinium chymicum. Une traduction allemande en fut faite en 1708, chez le même éditeur de Francfort ; cf. Kloss, n° 2545.

Pour d’autres ouvrages de M. Maier, voir Kloss, nos 2679, 2480, 2520, 2521, 2544, 2546, 2547, 2568, 2569, 2586, 2612.

Michel Maier (1568-1622), alchimiste allemand, a beaucoup écrit sur les Rose-Croix. Nous le retrouverons à ce sujet.

Cf. Lenclet du Fresnoy, III, 228 ; Fellbr, VIII, 43 ; Michaud, XXVI, 114.

2. François de Los-Rios (lib. cit. p.41 et 43, nos 123 et 131) cite l’Atalenta fugiens, (Oppenhein 1618, in-4°) et l’Arcana arcanissima (s.l.s.d., in-4°) comme les meilleurs ouvrages de Michel Mayer. Il ajoute : « En général, toutes les productions de cet Auteur sont assez recherchées. »

3. Voici ce que Waite écrit sur l’Atalanta fugiens (p. 269) : « Le plus curieux de tous ses ouvrages est « Atalanta fugiens », qui abonde en gravures sur cuivre bizarres et mystiques, révélant emblématiquement les plus inscrutables secrets de la Nature. Cette œuvre, avec le Tripus Aureus ou trois traités de Basile Valentin, Thomas Norton, et Cremer, l’Abbé de Westminster, qui furent déterrés par l’activité de Maier. semble avoir paru avant qu’il ne se soit plongé dans l’insoluble mystère rosicrucien ».

🕮 Lenglet Du Fresnoy, ref.472:8,9.


Texte et traduction : du latin au français, Étienne Perrot, 1969. (Retranscription, M.E, XX).

Illustrations : én. de L’Atalante fugitive, 1618. | bs. Bibliothèque Nationale de France. Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France (Il manque 4 figures à cette édition)

Illustrations : én. de L’Atalante fugitive, 1600. | bs. Institut de Recherche Getty (Los Angeles, États-Unis d’Amerique). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur Internet Archive (Il manque 4 figures à cette édition)

Fugues : Merci à RODERICVS.

𝕍 Sémiogenèse de la symbolique alchimique, étude des gravures de l’Atalanta Fugiens, Émilie Granjon, 2008. Lien vers l’œuvre

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EPIGRAMME DE L’AUTEUR

L’audacieux jeune homme emporta le trésor
Du jardin d’Hespéros quand des mains de Cypris
II eut reçu le triple fruit.
La vierge fuit ; il suit et lance sur le sol
La pomme qui l’attire et ralentit sa course.
Vite il bondit ; mais elle, vite, le devance,
Plus prompte que l’Eurus. Il sème devant elle
De nouveaux présents d’or. La vierge un court instant
S’attarde, mais bientôt elle fuit de plus belle,
Jusqu’à ce que, l’amant renouvelant les poids,
Noble prix, Atalante à son vainqueur se rende.
Hippomène est la force du soufre ; la vierge,
Mercure fugitif ; le mâle vainc la femme.
Lorsque, saisis d’amour, ils s’étreignent tous deux,
Au temple de Cybèle, irritant la déesse,
Elle se venge en les vêtant de peaux de lions
Qui font rougir leurs corps et les rendent sauvages.
Pour exprimer au mieux ce que fut cette course
Ma muse t’offre ici les trois voix de la fugue.
L’une est simple et durable ; elle est fruit qui retarde ;
Mais la seconde fuit, que poursuit la troisième.
Des oreilles, des yeux accueille ces emblèmes,
Puis guide ta raison vers leurs signes secrets.
J’ai mis devant tes yeux l’appât de ces images :
L’esprit doit y trouver les choses précieuses.
Les biens de l’univers, les remèdes qui sauvent
Te seront tous donnés par ce double lion.

AU TRES EMINENT, TRES ILLUSTRE ET TRES EXCELLENT
ORDRE SENATORIAL DE
MULHAUSEN
EN THURINGE IMPÉRIALE

Hommes très remarquables par la vertu, la science et la vraie noblesse de l’âme,
Et à son. syndic très vigilant,
CHRISTOPHE
REINART, Docteur en droit, etc…

À tous et à chacun de ses seigneurs à qui sont dûs respect et honneur,

MICHEL MAIER, Médecin impérial. Comte conseiller, chevalier du Palais de César, consacre, dédie et offre
très respectueusement, quelle qu’en soit la valeur, ce témoignage de sa bienveillance et de sa gratitude.

HOMMES très éminents et très sages, on rapporte de ce fameux Trépied offert par Vulcain à Pélops lorsqu’il prit pour femme Hippodamie, fille du roi d’Elide Oenomaos, qu’en raison de la perfection de son art, Pélops l’offrit ensuite, à Delphes, à Apollon Pythien, afin qu’une vierge rendît, grâce à lui, des oracles sous l’inspiration du Dieu. Ainsi, le présent Trépied élaboré par Vulcain ayant été mis à ma disposition, j’ai décidé, mû par l’exemple de Pélops, de le consacrer et de l’offrir à une place et à un ordre qui en soient très dignes et avant tous les autres, certes, à vos Eminences et à vos Excellences, non, à la vérité, pour qu’il rende des oracles (encore que ceux-ci n’y fassent pas défaut, mais ce sont des oracles chymiques), mais afin de témoigner publiquement d’une manière quelconque l’empressement de mon cœur et les bonnes dispositions de ma volonté envers Vous qui il y a quelques années avez bien voulu, à mon passage parmi vous, à une époque où, je faisais partie des médecins conseillers de Sa Majesté Impériale Rodolphe II de divine mémoire, déclarer à son ministre quels étaient vos sentiments à l’égard de votre seigneur, sentiments les plus nobles et les plus dignes de votre condition. Depuis ce temps j’ai vanté vos vertus auprès des étrangers autant qu’il a été en mon pouvoir, mais je me suis en outre réellement efforcé d’ouvrir davantage ma pensée et de la prodiguer d’une façon plus abondante à vos Excellences. Ayant senti que je ne pouvais le faire autrement que par un modeste présent littéraire, et ayant consacré quelque soin à cette Atalante Fugitive, j’ai voulu la dédier entièrement, quelle qu’en soit la valeur, à vos Eminences et à vos Excellences, imitant en cela les écrivains de notre époque et de l’antiquité qui n’ont jamais voulu se produire en public ou aller sur les lèvres des hommes sans un appui, un guide ou un compagnon. Si en effet ils étaient venus à tomber, qui les aurait secourus ? Je vous prie de m’autoriser à vous appeler les patrons de ce petit ouvrage, non qu’autant que je sache, vous ayez appliqué la main ou l’esprit a cette étude, difficile en vérité (car de très importantes affaires ne vous en ont pas laissé le loisir), mais parce que vous me paraissiez tout à fait capables de protéger quelque partie de la science et qu’aucune matière ne m’a paru plus digne et plus honorable (sauf abus), eu égard à l’époque. Quoi qu’il en soit, vous manifesterez (je le sais) votre estime pour mes efforts, en considérant non la pauvreté du volume, mais la candeur de mon âme, et vous me tiendrez et compterez à l’avenir au nombre des plus respectueux serviteurs de vos Excellences. Adieu.

Donné à Francfort-sur-le-Main en l’an 1617, au mois d’août.

PREFACE AU LECTEUR

L’HOMME, candide lecteur, est, de l’avis de tous, un abrégé de l’univers par la manière dont il est composé, et il est destiné à vivre trois genres de vies, à savoir, la vie végétative dans le sein maternel où il croît et augmente à la manière d’une plante ; la vie sensible, qu’il mène dans ce monde où il est conduit surtout par ses sens, comme les autres animaux dont il diffère en ce qu’il commence à se servir de son intelligence, bien que d’une façon imparfaite ; et enfin la vie intelligible, dans l’autre monde, auprès de Dieu et des intelligences qui l’assistent ou bons Anges. Dans la vie présente, plus quelqu’un approche de la nature divine, plus il trouve de joie et de plaisir dans les choses qui doivent être explorées à l’aide de l’intelligence, réalités subtiles, merveilleuses et rares. Au contraire, plus quelqu’un penche vers la catégorie des bêtes sans raison, et moins il est attiré par ces réalités, et plus il est assujetti à une manière de sentir corporelle. Nous pouvons voir des exemples de ces deux sortes d’existences : quelques-uns, les plus savants, formés par les arts et les sciences, s’adonnent au premier genre de vie ; la plupart se livrent au second, c’est-à-dire aux plaisirs du corps, à la débauche, à la gourmandise, à la magnificence extérieure et aux choses analogues.

Pour développer l’intelligence, Dieu a caché dans la nature une infinité de secrets (arcanà) que l’on extrait, comme le feu du silex, et que l’on met en pratique, grâce à toutes sortes de sciences et d’arts. Parmi eux, les secrets chymiques ne sont pas les derniers mais bien les premiers et les plus précieux de tous, après la recherche des choses divines. Ils doivent être poursuivis, non par les charlatans de foires et les faux chimistes qui font illusion (ils sont comme des ânes devant une lyre, aussi éloignés que possible de toute science et de tout dessein excellent) mais par des esprits élevés, qui ont reçu une éducation libérale et sont nés pour explorer les réalités les plus hautes ; ce sont là en effet des choses très subtiles, augustes, sacrées, rares et obscures, qui, pour cette raison, doivent être saisies par l’intelligence avant de l’être par les sens, grâce à une contemplation profonde qui s’opère par la lecture des auteurs et leur comparaison entre eux et avec les œuvres de la nature, plutôt qu’au moyen d’une opération sensible ou une expérience manuelle, qui est aveugle si la Théorie ne la précède.

À la suite des sciences intellectuelles et tout près d’elles sont placées celles qui traitent d’un objet visible ou audible ; ainsi l’optique ou perspective, et la peinture que certains poètes appellent muette, de même que la poésie est pour eux une peinture parlante ; nommons encore la musique vocale ou instrumentale. Les anciens philosophes s’exercèrent dans ce dernier art au point que celui qui avait refusé la lyre dans les festins était déclaré ignorant et contraint de chanter en tenant une branche de myrte, comme on le lit à propos de Thémistocle.

Socrate était versé dans la musique, et Platon lui-même, qui déclare composé de façon inharmonieuse celui qui ne goûte pas l’harmonie musicale. Pythagore s’illustra également dans cet art, lui qui, dit-on, utilisait le moyen d’un concert de musique le matin et le soir pour bien disposer les esprits de ses disciples. La musique possède en effet ce pouvoir particulier d’exciter ou d’adoucir les sentiments, selon les différents modes musicaux. Ainsi le mode phrygien, était appelé par les Grecs belliqueux parce qu’on l’utilisait à la guerre et en allant au combat, et qu’il était doté d’une vertu singulière pour exciter le courage des soldats. À sa place on se sert maintenant du mode ionien qui était autrefois tenu pour propre à éveiller l’amour (comme l’est aujourd’hui le mode phrygien, ce qui nous fait supposer qu’ils ont été intervertis). On dit que Timothée de Milet se servit du mode phrygien pour rendre Alexandre le Grand plus prompt et plus hardi aux choses de la guerre, ce que Cicéron mentionne au second livre des Lois. Le Lesbien Terpandre usait du mode ionien. Mandé par les Lacédémoniens que des troubles et des séditions opposaient entre eux, il apaisa leurs esprits par la douceur de son chant au point qu’ils revinrent à des sentiments d’amitié et cessèrent toute sédition. Depuis ce temps les chanteurs lesbiens méritèrent toujours le premier prix au jugement des Spartiates. Fabius dit de la musique : « La musique est un divertissement agréable et très honorable, très digne d’esprits libéraux ». C’est pourquoi, afin de posséder en quelque sorte d’un seul coup d’œil et d’embrasser à la fois ces trois objets des sens les plus spirituels : la vue, l’ouïe et l’intelligence elle-même, et pour faire pénétrer en une seule et même fois dans les esprits ce qui doit être compris, voici que nous avons uni l’Optique à la Musique, et les sens à l’intelligence, c’est-à-dire les choses précieuses à voir et à entendre, avec les emblèmes chymiques qui sont propres à cette science. Lorsque les autres arts présentent des emblèmes concernant les mœurs ou toutes choses autres que les secrets de la nature, cette méthode paraît étrangère à leur but et à leur fin, puisqu’ils veulent et doivent être compris de tous. Il n’en va pas de même de la Chymie qui doit être vue, telle une chaste vierge, au travers d’un treillage, et, comme Diane, non sans un vêtement de couleurs variées, pour des raisons qui ont été exposées ailleurs. Reçois donc en une seule et même fois, dans un seul livre, ces quatre sortes de choses : compositions fictives, poétiques et allégoriques ; œuvres emblématiques, gravées dans Vénus ou le cuivre, non sans Vénus ou la grâce ; réalités chymiques très secrètes à explorer par l’intelligence ; enfin compositions musicales des plus rares, et applique à ton usage ces choses qui te sont dédiées. Si cet usage est plus intellectuel que sensuel, il te sera un jour d’autant plus profitable et plus agréable. Mais si l’utilisation en est d’abord revendiquée par les sens, il n’est pas douteux que le passage se fasse du sens à l’intelligence, comme par une porte. On dit en effet qu’il n’y a rien dans l’intelligence qui ne soit entré par un sens quelconque, l’intelligence de l’homme qui vient de naître étant tenue pour une sorte de table rase sur laquelle il n’y aurait encore rien d’écrit, mais où l’on pourrait écrire toutes choses au moyen des sens, comme avec un stylet. Et l’on dit communément : « On ne désire pas ce qu’on ignore », parce qu’il faut que les sens, agissant en qualité d’investigateurs et de messagers, apportent et fassent connaître en premier lieu tout ce qui peut être su à l’intelligence, comme au premier magistrat et à l’arbitre, à la manière de gardiens qui veillent à la porte (leurs organes) de quelque cité.

J’ajouterai quelques mots pour expliquer le titre de ces emblèmes, afin qu’il ne te semble pas étrange et peu adapté. Atalante a été célébrée par les poètes pour la fuite qui lui permettait de précéder tous ses prétendants à la course. Ainsi, à la place de la vierge, récompense promise de la victoire, les vaincus trouvaient la mort, jusqu’au jour ou Hippomène, jeune homme des plus audacieux et prévoyant, la vainquit et l’obtint en jetant dans sa course trois pommes d’or l’une après l’autre. Pendant qu’elle les ramassait, elle fut dépassée par lui, alors qu’elle allait atteindre le but. De même que cette Atalante fuit, une voix musicale fuit toujours devant l’autre, et cette autre la poursuit, comme Hippomène. Cependant elles sont stabilisées et consolidées dans la troisième qui est simple et d’une seule valeur, comme par une pomme d’or. Cette même vierge est purement chymique ; elle est le mercure philosophique fixé et retenu dans sa fuite par le soufre d’or. Si quelqu’un sait l’arrêter, il possédera l’épouse qu’il recherche, sinon, il trouvera la perte de ses biens et la mort. Hippomène et Atalante s’unissant d’amour dans le temple de la Mère des Dieux, qui est le vase, deviennent des lions, c’est-à-dire qu’ils acquièrent la couleur rouge. Cette vierge remporta encore la victoire devant des hommes lorsqu’elle tua un certain sanglier d’une grandeur prodigieuse et qu’elle reçut pour cela une récompense des mains de Méléagre. Auprès du temple d’Esculape à Stéthée, elle frappa un rocher et en fit jaillir de l’eau dont elle but, dans sa soif. Comme toutes ces choses sont en réalité allégoriques et emblématiques et nullement historiques, j’ai voulu consacrer ce traité emblématique en commémoration intellectuelle de cette héroïne, étant donné, en particulier, que les pommes jetées vers elle provenaient des jardins d’Hespérie et avaient été remises à Hippomène par Vénus, déesse de la suavité.

Dans ces petits morceaux ou fugues vous verrez que l’on a veillé à ce que chaque distique adapté à ces trois voix puisse être chanté d’une façon aisée. Tant de variétés de fugues y ayant été accommodées à une simple voix, tout homme doué de jugement et comprenant cette représentation emblématique l’approuvera, de la même manière que son adaptation à chaque voix, et la tiendra en une certaine estime. Si en effet des marchands apprécient et achètent pour une grande somme d’argent quelque peinture d’artiste où seuls les yeux sont trompés, parce qu’ils la jugent proche de la nature, comment des hommes de lettres n’accorderaient-ils pas du prix et une grande valeur à ces figures mises au service de l’intelligence et de plusieurs sens, de telle sorte qu’un grand profit peut en être espéré, en plus de l’agrément ? Adieu.

EMBLEME I.

Le vent l’a porté dans son ventre.

EPIGRAMME I.

L’embryon enfermé dans le sein de Borée
S’il apparaît un jour, vivant, à la lumière
Peut, lui seul, surpasser les labeurs des héros
Par son bras, son esprit, son corps ferme, son art.
Qu’il ne soit pas pour toi avorton inutile,
Agrippa ou Céson, mais né sous un bon astre.

DISCOURS I.

Hermès, investigateur très diligent de tout secret naturel, donne dans sa Table d’Emeraude une description écrite, bien que succincte, de l’œuvre naturelle, où il dit entre autres choses : « Le vent l’a porté dans son ventre », comme s’il disait « Celui dont le père est le Soleil, et la Lune la mère, avant d’être produit à la lumière, sera porté par des fumées de vent, comme l’oiseau par l’air pendant qu’il vole ». La coagulation des fumées ou vents (qui ne sont rien d’autre que l’air mis en mouvement) produit l’eau qui, mélangée avec la terre, donne naissance à tous les minéraux et les métaux. Bien plus, il est établi que ces derniers corps se composent eux-mêmes de fumées et se coagulent immédiatement. Donc qu’il soit placé dans l’eau ou dans la fumée, cela revient au même puisque l’une et l’autre sont la matière du vent. Il faut en dire autant, quoique d’une façon plus lointaine, des minéraux et des métaux. Mais, demandera-t-on, quel est celui qui doit être porté par le vent ? Je réponds : chimiquement c’est le soufre qui est porté dans l’argent-vif comme l’attestent Lulle au chapitre 32 du Codicille, et tous les autres ; au point de vue physique c’est le fœtus qui doit bientôt naître à la lumière ; je dis aussi qu’au point de vue arithmétique, c’est la racine du cube ; dans le domaine de la musique c’est la double octave ; au point de vue géométrique, c’est le point, principe de la ligne qui s’écoule ; à l’égard de l’astronomie c’est le centre des planètes Saturne, Jupiter et Mars. Bien que ces sujets soient divers, cependant, si on les compare entre eux avec soin, ils révéleront aisément le fœtus du vent, ce qui doit être laissé à la plus ou moins grande industrie de chacun.

Mais je désigne ainsi la chose d’une façon plus claire : tout Mercure est composé de fumées, c’est-à-dire d’eau qui soulève la terre avec elle dans la faible densité de l’air, et de terre qui force l’air à redevenir une terre faite d’eau ou une eau faite de terre.

En effet, les éléments sont partout, en lui, mélangés et comprimés, réduits l’un par l’autre en une certaine nature visqueuse ; par contre, ils ne se séparent pas aisément, mais tantôt ils suivent vers le haut les substances volatiles, tantôt ils demeurent en bas avec les fixes, ce qui apparaît d’abord dans le Mercure vulgaire et aussi dans le Mercure philosophique et les métaux fixes. Chez ceux-ci les éléments fixes dominent sur les volatils, dans celui-là les volatils l’emportent sur les fixes. Et ce n’est certes pas sans cause que Mercure est appelé et regardé comme le messager, l’interprète des autres dieux, et, en quelque sorte, leur serviteur courant dans l’espace intermédiaire, avec des ailes adaptées à la tête et aux pieds. Il est en effet plein de vent et vole à travers les airs comme le vent lui-même, ainsi qu’en général la preuve en est faite, au grand détriment de beaucoup. Il porte le Caducée, ceint obliquement de deux serpents, qui a le pouvoir d’introduire les âmes dans les corps, de les en faire sortir, et d’exercer de même de nombreux effets contraires ; ainsi il représente parfaitement le symbole du Mercure des Philosophes.

Le Mercure est donc le vent qui reçoit le Soufre ou Dionysos, ou, si l’on préfère, Esculape, à l’état d’embryon imparfait, tiré du sein maternel, je dirai même des cendres du corps maternel consumé, et porté là où il peut mûrir. Et l’embryon est le Soufre qui a été infusé par le Soleil céleste dans le ventre de Borée pour que celui-ci le conduise à maturité et l’enfante. Car Borée, au terme de la gestation, mit au monde deux jumeaux, l’un à la chevelure blanche, nommé Calaïs, l’autre aux cheveux rouges appelé Zétès. Ces fils de Borée (comme l’écrit le poète Orphée) furent, avec Jason, au nombre des Argonautes partis pour ramener la Toison d’Or de Colchide. Le devin Phinée, dont les mets étaient souillés par les Harpyem, ne put être délivré que par ces enfants de Borée. En reconnaissance du bienfait ainsi obtenu, il annonça aux Argonautes le cours entier de leur voyage. Or les Harpyes ne sont rien d’autre que le soufre corrupteur qui est détruit par les fils de Borée quand ils sont parvenus à l’âge convenable. Il devient parfait, alors qu’il était imparfait, incommodé par les substances volatiles nuisibles. Il n’est plus alors sujet à ce mal et indique à ce moment au médecin Jason le chemin à suivre pour acquérir la Toison d’Or. Notre Basile s’est, lui aussi, parmi d’autres, souvenu de ces vents. Il écrit dans la sixième clé : « Il doit venir un vent double nommé Vulturne et ensuite un vent simple appelé Notus qui souffleront impétueusement de l’Orient et du Midi. Quand leur mouvement aura cessé, de manière que l’air soit devenu eau, tu pourras être hardiment assuré que le spirituel deviendra corporel. » Et Riplée, en la huitième porte dit : « Notre enfant doit naître dans l’air, c’est-à-dire, dans le ventre du vent. » Dans le même sens l’Echelle des philosophes dit : « Et il faut savoir que le fils des Sages naît dans Voir. » Et au huitième degré : « Les esprits aériens s’élevant ensemble dans l’air s’aiment mutuellement, ainsi qu’Hermès déclare : “Le vent l’a porté dans son ventre.” Car la génération de notre enfant a lieu dans l’air ; s’il naît dans l’air, il naît selon la sagesse : car il s’élève de la terre en l’air et de nouveau il descend en terre, acquérant la puissance d’en haut et celle d’en bas. »

EMBLEME II.

La terre est sa nourrice.

EPIGRAMME II.

On dit que Romulus téta une âpre louve,
Jupiter, une chèvre, et que c’est assuré.
Faut-il donc s’étonner si, selon nous, la Terre
A nourri de son lait le tendre fils des Sages ?
Quand d’un faible animal le lait fit ces héros,
Comme il sera donc grand, celui dont la nourrice
Est le globe terrestre !

DISCOURS II.

Les péripatéticiens et les philosophes au jugement droit affirment que la nourriture est changée en la substance du sujet nourri et qu’elle lui est assimilée après et non avant son altération. Cet axiome est regardé comme très véridique. Comment en effet la nourriture qui est déjà, auparavant, semblable et identique au sujet nourri, aurait-elle besoin d’un changement de sa substance ? Si un tel changement se produisait, la nourriture ne demeurerait pas semblable et identique. Et comment les aliments qui ne peuvent être assimilés par le sujet nourri, par exemple le bois, les pierres et autres choses semblables, seraient-ils pris comme nourriture ? Par conséquent la première de ces opérations est sans objet et la seconde contraire à la nature.

Mais qu’un homme qui vient de naître soit nourri du lait des animaux, cela ne répugne pas à la nature : l’assimilation de ce lait peut s’opérer, celle du lait maternel bien plus aisément, toutefois, que celle d’un lait étranger. C’est pourquoi les médecins concluent que l’enfant sera en bonne santé, semblable à sa mère par la substance et par les mœurs et qu’il recevra la vigueur, s’il est toujours réchauffé et élevé grâce au lait de sa propre mère. Leur conclusion est inverse s’il s’agit d’un lait étranger. Telle est l’harmonie de toute nature : le semblable trouve sa joie en son semblable et imite ses pas en toutes choses, autant qu’il le peut, selon une sorte de consentement, de conspiration tacites. Il en va habituellement, dans l’œuvre naturelle des Philosophes, dont la forme est justement réglée par la nature, comme pour l’enfant à l’intérieur du sein maternel. Et, bien que son père, sa mère et sa nourrice elle-même lui soient assignés par voie de similitude, cette œuvre, cependant, n’est pas plus artificielle que la génération de n’importe quel animal. Deux semences sont unies, suivant un certain procédé plein d’attrait, par les animaux et par les deux sexes humains. Leur union produit, par une altération successive, l’Embryon qui croît et se développe, acquiert vie et mouvement, puis est nourri de lait. Pendant la période de la conception et de la grossesse, il est nécessaire que la mère agisse avec mesure en ce qui concerne la chaleur, l’alimentation, le repos, le mouvement et le reste. Sinon, il s’ensuit l’avortement et la destruction du fœtus ; ce précepte, dans « les six choses non naturelles » est également artificiel, car il est prescrit par les médecins suivant leur art. De même, si les semences n’ont été unies dans l’œuvre philosophique, il faut qu’elles le soient. Et si on les trouvait, en quelque endroit, unies de la même manière que, dans l’œuf, les semences du coq et de la poule sont regardées comme une seule substance ensemble dans un seul contenant, l’œuvre des philosophes serait alors encore plus naturelle que la génération des animaux. Et disons, comme les philosophes l’attestent, que l’un vient de l’Orient et l’autre de l’Occident et qu’ils deviennent une seule chose ; que leur fournit-on de plus que le mélange dans leur vase, la chaleur, la juste proportion, et la nourriture ? Le vase, il est vrai, est artificiel, mais il n’existe pas de différence selon que le nid est l’œuvre de la poule ou qu’il est édifié par la fermière en un certain endroit mal déterminé (comme c’est l’usage) : la génération des œufs se produira de la même manière, ainsi que l’éclosion des poussins.

La chaleur est une chose naturelle, qu’elle provienne soit du feu modéré des fourneaux ou du fumier de la putréfaction, soit du soleil et de l’air, des entrailles de la mère ou d’ailleurs. Ainsi, l’Egypte applique avec art, au moyen de ses fourneaux, la chaleur naturelle pour faire éclore les œufs. On recueille des semences de bombyx et même des œufs de poule que l’on a fait éclore grâce à la tiédeur des seins d’une vierge. Ainsi l’art et la nature se prêtent mutuellement la main de manière que chacun soit le substitut de l’autre. Néanmoins la Nature demeure la Maîtresse et l’art le serviteur.

Mais pourquoi la Terre est-elle déclarée nourrice du Fils des Philosophes ? Un doute sur ce point pourrait naître du fait que la terre est, parmi les éléments, aride et sans aucun suc, elle qui possède la sécheresse comme qualité propre. Il faut répondre qu’on l’entend ici, non de l’élément mais de la terre élémentée dont nous nous sommes abondamment souvenu et avons expliqué la nature au premier jour de la Semaine philosophique. Elle est la nourrice du Ciel, nourrice qui ne dissout, ne lave ni n’humecte le fœtus, mais le coagule, le fixe, le colore, le change en suc et en sang pur. Car la nutrition comprend l’augmentation en longueur, largeur et profondeur, c’est-à-dire celle qui s’étend suivant toutes les dimensions du corps. Comme elle existe ici, fournie au fœtus philosophique par la seule terre, celle-ci devra, à bon droit, être appelée du nom de nourrice. Mais cet admirable suc de la terre produit un effet contraire à celui des autres espèces de lait qui sont changés et ne changent pas. Car, grâce à sa vertu très puissante, il modifie grandement la nature du sujet nourri, de même que, selon l’opinion admise, le lait de la louve a disposé le corps de Romulus en vue d’une nature hardie et prompte à la guerre.

EMBLEME III.

Va trouver la femme qui lave du linge ; toi, fais comme elle.

EPIGRAMME III.

Toi qui aimes scruter les vérités cachées
Sache de cet exemple extraire tout l’utile :
Vois cette femme, comme elle purge son linge
Des taches, en jetant dessus de chaudes eaux.
Imite-la : ton art ne te trahira point.
L’onde lave en effet l’ordure du corps noir.

DISCOURS III.

Lorsque les étoffes de lin reçoivent des souillures qui les tachent et les noircissent, comme il s’agit d’ordures faites de terre, on les enlève à l’aide de l’élément le plus proche, à savoir, l’eau, et on expose les étoffes à l’air afin que, grâce à la chaleur du soleil agissant en tant que feu, quatrième élément, l’humidité en soit extraite en même temps que les souillures. Si cette opération est répétée fréquemment, les étoffes qui étaient auparavant sordides et fétides deviennent pures et purgées de taches. Ceci est l’art des femmes, qu’elles ont appris de la nature elle-même. Nous voyons en effet les os des animaux exposés à l’air : ils sont d’abord noirs et sales, mais si la pluie les humecte souvent et s’ils sont sèches à de nombreuses reprises par la chaleur du soleil survenant à son tour, ils sont ramenés à une extrême blancheur, comme le note Isaac. Il en est de même du sujet philosophique. Toutes les crudités et les souillures qui ont pu se rencontrer en lui sont purifiées et détruites, lorsqu’on l’arrose de ses propres eaux. Ainsi le corps est ramené à une grande clarté et à une grande perfection. Car toutes les opérations chymiques, comme calcination, sublimation, solution, distillation, descension, coagulation, fixation et toutes les autres, se réduisent à une ablution.

En effet, qui lave à l’aide de l’eau une chose impure lui procure le même effet que celui obtenu par tant de modes d’opérer. Car c’est par le feu, comme le dit le Jardinier des Philosophes, que les linges du roi Duenech, tachés par la sueur, doivent être lavés, et ils doivent être brûlés par les eaux. On voit par là que l’eau et le feu se sont communiqué mutuellement leurs qualités, que l’espèce du feu philosophique n’est pas la même que celle du feu commun, et qu’il faut penser la même chose de l’eau. Nous avons observé, au sujet de la chaux vive et du feu grégeois, qu’ils s’embrasent dans l’eau et ne s’éteignent nullement, contre la nature des autres corps inflammables.

Ainsi l’on affirme que le camphre, enflammé préalablement, brûle dans l’eau. Et la pierre gagate (comme l’atteste Anselme de Bood) s’éteint plus facilement, lorsqu’elle est enflammée, avec de l’huile qu’avec de l’eau. Car l’eau ne peut se mélanger avec ce qui est gras, elle cède au corps igné, à moins qu’elle ne le recouvre et ne le submerge entièrement. Mais ceci ne peut se faire aisément puisque c’est une pierre et que, comme toute huile, elle gagne la partie supérieure de l’eau. Ainsi le naphte, le pétrole et les substances qui leur ressemblent ne craignent guère les eaux. Certains écrivent, au sujet des charbons souterrains de Liège, que, lorsqu’ils sont en feu sous la terre, on ne les éteint pas avec de l’eau mais en entassant par-dessus des poussières de terre, comme le cœur. Tacite raconte d’une semblable espèce de feu qu’elle ne put être étouffée avec de l’eau, mais seulement avec des bâtons et des vêtements ôtés du corps. Il existe donc une grande diversité de feux, en ce qui concerne la manière de l’allumer et de l’éteindre. La diversité n’est pas moindre dans le domaine des liquides, car le lait, le vinaigre, l’eau-forte, l’eau régale et l’eau commune diffèrent grandement entre elles, dans leur comportement à l’égard du feu. Il y a plus : la matière elle-même supporte le feu, comme ces fameuses étoffes de fin lin tenues dans l’antiquité pour précieuses et utilisées par les riches, qu’on lavait avec le feu et non avec l’eau ; en d’autres termes, on les ramenait à leur pureté antérieure, ayant brûlé les souillures.

Il ne faut pas ajouter foi aux | contes fantaisistes sur les poils du reptile nommé Salamandre, contes suivant lesquels on en ferait des lampes. Certains donnent pour vrai qu’une trame de tissu avait été réalisée à l’aide de talc, d’alun de plume et d’autres matières de ce genre, et qu’on la nettoyait avec le feu. Mais celle qui possédait cette recette (une femme d’Anvers) l’aurait fait disparaître avec elle, par envie, et la juste proportion n’en aurait jamais été retrouvée. Nous ne parlons pas ici des matières combustibles. Le sujet philosophique devra être considéré selon toutes ces différences, si l’on vient à le préparer. Car le feu, l’eau et la matière elle-même ne seraient pas alors les éléments communs. Pour les philosophes, en effet, le feu est eau et l’eau est feu. Et les étoffes à laver ont la nature du fin lin ou du talc préparé, dont la juste proportion et le procédé de préparation ne sont pas non plus évidents pour tous. Pour les laver, ils font une lessive non avec des cendres de chênes ou leur sel, mais avec le sel métallique, qui est plus durable que tous les autres, non avec l’eau commune, mais avec celle qui, sous le signe du Verseau, a été congelée en glace et en neiges, et qui est faite assurément de parties plus ténues que les eaux stagnantes ou fangeuses des mares, de manière à pouvoir pénétrer davantage à l’intérieur du corps philosophique, noir et immonde, pour le laver et le purger.

EMBLEME IV.

Unis le frère à sa sœur et fais-leur boire le breuvage d’amour.

EPIGRAMME IV.

La race des humains n’emplirait pas le monde
Si la première sœur n’eût épousé son frère.
Va, unis donc ces premiers-nés des deux parents
Afin que sur la couche on ait mâle et femelle.
De la philothésie offre-leur le nectar.
L’amour en eux engendrera l’espoir du fruit.

DISCOURS IV.

La loi divine et civile défend à ceux que la nature unit à un degré de consanguinité assez rapproché de contracter mariage ; tels, ceux qui sont directement ascendants et descendants dans l’arbre généalogique et ceux qui se rencontrent en ligne collatérale. Les raisons de cette règle sont très certaines. Mais quand les philosophes parlent d’unir par le mariage la mère à son fils, le père à sa fille, ou le frère à sa sœur, ils ne disent ni ne font rien de contraire à la loi énoncée. Car les sujets entraînent la distinction des attributs et les causes celles des effets. En effet les personnages des Philosophes sont en dehors de ces débats, à l’égal des filles et des filles d’Adam qui s’épousaient mutuellement sans donner lieu à l’imputation d’un crime quelconque. La raison principale paraît en être de faire que le genre humain se lie et s’associe plus solidement par l’alliance et l’amitié, et d’éviter qu’il ne se divise en factions familiales, ennemies et héréditaires. Puisque cette cause n’atteignit pas, à l’origine, les frères et les sœurs adamiques, rien ne s’opposa à ce qu’ils fussent unis par le mariage. Car ils constituèrent alors, à eux seuls, le genre humain, et personne d’autre ne vécut, en dehors d’eux et de leurs parents. Aussi, de même qu’ils furent liés par le sang, ils durent nécessairement s’allier par le mariage. Mais lorsque la multitude des hommes vint à croître et fut distribuée en d’innombrables familles, cette cause se révéla véridique et juste, entraînant que les frères ne dussent pas épouser leurs sœurs.

Il existe, chez les philosophes, une autre raison pour que les sœurs se marient à leurs frères : c’est la similitude de substance, afin qu’elle soit unie à son semblable. Ce genre contient seulement deux êtres semblables l’un à l’autre quant à l’espèce et différents quant au sexe, dont l’un est salué du nom de frère et l’autre de celui de sœur. C’est pourquoi ils doivent être légitimement unis en un seul mariage suivant la même liberté, la même condition, et aussi la même nécessité inévitable qui s’imposa aux premiers hommes consanguins. Le frère est ardent et sec et, pour cette raison, fortement cholérique. La sœur est froide et humide, possédant en elle beaucoup de matière phlegmatique. Ces natures, si différentes par le degré de chaleur, s’accordent d’ordinaire d’une façon parfaite en amour, en fécondité et pour la propagation des enfants. Car on ne fait pas jaillir facilement un feu susceptible d’être propagé, de l’acier et de l’acier, corps très dur, ni du silex et du silex, corps fragile, mais d’un corps dur et d’un corps fragile, c’est-à-dire l’acier et le silex. De la même manière, un enfant vigoureux s’obtient, non d’un mâle ardent et d’une femelle enflammée, ni de deux conjoints froids (car la frigidité du mâle est infécondité) mais d’un mâle chaud et d’une femelle plutôt froide. Car la femme la plus chaude, dans les limites du tempérament humain, se révèle plus froide que l’homme le plus froid de son sexe (mais toutefois en bonne santé) comme Lemnius le prouve dans son livre Les Merveilles cachées de la nature. Le frère et la sœur sont donc unis à bon droit par les Philosophes. Si quelqu’un désire faire naître un petit d’une poule, d’une chienne, d’une chèvre, d’une brebis ou d’autres bêtes brutes, il leur unit un coq, un chien, un bouc, et tout animal de leur espèce ; ainsi il n’est pas frustré de ce qu’il espère. Et il ne considère pas, en vérité, la consanguinité des bêtes mais seulement la générosité de chacune et la convenance de leur nature. Il faut en dire autant du tronc d’arbre et du greffon qu’on doit y insérer. La nature métallique elle-même qui, cependant, possède plus que tout la similitude et l’homogénéité de la substance, l’exige ainsi, lorsqu’elle demande qu’on lui unisse quelque chose.

Mais le frère et la sœur, une fois unis, ne deviennent pas féconds et ne persistent pas longtemps dans l’amour si l’on ne leur donne à boire la Philothésie, ou breuvage d’amour, à la manière d’un philtre. Grâce à ce breuvage, en effet, leurs cœurs sont si bien apaisés et accordés que, dans une sorte d’ivresse (à la manière de Loth), ils rejettent la pudeur, s’épousent et engendrent une descendance (non souillée dans son origine mais) légitime. Qui en effet ignore que le genre humain a une très grande dette à l’égard de la médecine ? Grâce à ses bienfaits et à son œuvre, des myriades d’hommes existent maintenant dans le monde, qui n’auraient pas été si leurs parents ou leurs grand-parents n’avaient pas été délivrés du vice de stérilité par l’éloignement et l’enlèvement de la cause ou d’un empêchement proche et éloigné, ou si leurs mères n’avaient pas été préservées de l’avortement. Aussi ce breuvage d’amour est donné à ces nouveaux époux pour les mêmes raisons qui, comme chacun peut le reconnaître d’après ce qui a déjà été dit, sont au nombre de trois : assurer la constance de l’amour, ôter la stérilité et empêcher l’avortement.

EMBLEME V.

Place un crapaud sur le sein de la femme, pour qu’elle l’allaite et meure et que le crapaud soit gros de ce lait.

EPIGRAMME V.

Sur le sein de la femme place un crapaud glacé
Pour que, tel un enfant, il s’abreuve de lait.
Tarissant la mamelle, qu’il s’enfle, énorme bosse,
Et la femme épuisée abandonne la vie.
Ainsi tu te feras un illustre remède
Qui chasse le poison du cœur, ôtant son mal.

DISCOURS V.

L’assemblée entière des philosophes s’accorde pour déclarer que leur œuvre n’est rien d’autre que mâle et femelle : au mâle, il appartient d’engendrer et de dominer sur la femme ; à celle-ci, de concevoir, de devenir grosse, d’enfanter, d’allaiter et d’élever la progéniture, ainsi que d’être soumise à l’autorité du mâle. Comme elle réchauffe et nourrit, sous son sang, l’enfant conçu avant qu’il soit produit à la lumière, elle fait de même, au moyen de son lait, lorsqu’il est né. Ainsi la nature a préparé pour le tendre petit, dans les mamelles de la femme, un aliment digestible et proportionné qui attend sa venue comme premier approvisionnement, premier viatique dans cette carrière du monde. C’est pourquoi, grâce au lait, il est nourri, il croît et augmente jusqu’au point où il possède les instruments nécessaires pour broyer le pain, c’est-à-dire les dents. Il est alors sevré à bon droit, puisque la nature a pourvu à lui fournir une autre nourriture plus solide.

Mais ici les philosophes disent qu’il faut placer sur le sein de la femme un crapaud, pour qu’elle le nourrisse de son lait, à la manière d’un enfant. C’est là chose déplorable et affreuse à contempler, disons même impie, que le lait destiné à un petit enfant soit présenté au crapaud, bête venimeuse et ennemie de la nature humaine. Nous avons entendu et lu des récits sur les serpents et les dragons qui tarissent les pis des vaches. Peut-être les crapauds auraient-ils la même convoitise si l’occasion s’en offrait à eux chez ces animaux. On connaît l’histoire d’un crapaud qui, pendant le sommeil d’un villageois, lui occupa la bouche et l’intérieur des lèvres, de telle manière qu’il n’eût pu être délogé par aucun stratagème, sinon grâce à une violence qui aurait été accompagnée d’un péril mortel et qui dut en conséquence être écarté : le crachement du venin (qui lui sert, dit-on, d’armes offensives et défensives). On découvrit donc, pour le pauvre homme, un remède tiré d’une antipathie, celle d’une énorme araignée et du crapaud qui se poursuivent mutuellement d’une haine mortelle. On le porta donc, avec le crapaud, tout droit au lieu où l’araignée toute boursouflée avait exposé ses ouvrages tissés. Dès que celle-ci eut aperçu le crapaud, elle descendit à la hâte sur son dos et le piqua de son dard. Comme, à la vérité, il n’en éprouvait aucun dommage, elle descendit une seconde fois et le perça de nouveau plus fortement.

Alors, on vit le crapaud enfler et tomber mort de la bouche de l’homme, sans aucun préjudice pour Celui-ci. Mais ici c’est le contraire qui se produit : car le crapaud occupe non la bouche mais le sein de la femme, dont le lait le fait croître jusqu’à ce qu’il devienne d’une grandeur et d’une force considérables et que, de son côté, la femme, épuisée, dépérisse et meure. Car le venin, par les veines de la poitrine, se communique facilement au cœur qu’il empoisonne et éteint, comme le montre la mort de Cléopâtre : elle plaça des vipères sur son sein quand elle eut décidé d’être devancée par la mort, pour ne pas être tramée dans les mains et les triomphes de ses vainqueurs. Mais, afin que nul n’estime les philosophes assez cruels pour ordonner d’appliquer à la femme un serpent venimeux, on doit savoir que ce crapaud est le petit, le fils de cette même femme, issu d’un enfantement monstrueux. Il doit, en conséquence, selon le droit naturel, jouir et se nourrir du lait de sa mère. Il n’entre pas dans la volonté du fils que la mère meure. Car il n’a pu empoisonner sa mère, celui qui avait été formé dans ses entrailles et s’était augmenté, grâce à son sang.

Est-ce, en vérité, un prodige, que de voir un crapaud naître d’une femme ? Nous savons que cela s’est produit à une autre occasion. Guillaume de Newbridge, écrivain anglais, écrit dans ses Commentaires (avec quelle fidélité, que d’autres en décident !) que, tandis que l’on partageait une certaine grande pierre, dans une carrière située sur le territoire de l’évêque de Wilton, on trouva à l’intérieur un crapaud vivant muni d’une chaîne d’or. Sur l’ordre de l’évêque, il fut enfoui à la même place et plongé dans de perpétuelles ténèbres, de peur qu’il ne portât avec lui quelque mauvais sort. Tel est aussi ce crapaud, car il est rehaussé d’or. Ce n’est pas sans doute un or apparent et consistant en l’ouvrage artificiel, d’une chaîne, mais un or intérieur, naturel, celui de la pierre que d’autres nomment borax, chelonitis, batrachite, crapaudine ou garatron.

Cette pierre, en effet, l’emporte de loin en puissance sur l’or en face de n’importe quel venin d’animal, et on l’insère d’ordinaire dans l’or, comme dans une boîte ou une enveloppe, de peur qu’il ne se gâte ou ne se perde ». Mais il faut que cette pierre soit légitime quand on la demande à l’animal ; si, par contre, on l’extrait des fosses souterraines, comme c’est l’usage, qu’on la travaille pour lui donner la forme de la précédente et qu’on lui fasse tenir sa place, elle doit être choisie à partir des meilleurs minéraux, ceux qui soulagent le cœur. C’est en eux, en effet, que l’on trouve véritablement le crapaud philosophique, non dans une carrière (comme le prétend cet inventeur de fables) et il possède l’or en lui, non au-dehors pour en faire étalage. Dans quel but, en effet, s’ornerait un crapaud caché et enfermé dans les ténèbres ? Serait-ce par hasard pour recevoir le salut magnifique du scarabée si, au crépuscule, il se portait à sa rencontre ? Quel orfèvre souterrain lui aurait fabriqué une chaîne d’or ? Serait-ce par hasard le père des enfants verdoyants qui sortirent de la terre de saint Martin disons, de la terre elle-même, comme aussi, selon le même auteur, deux chiens sortirent d’une carrière ?

EMBLEME VI.

Semez votre or dans la terre blanche feuillée.

EPIGRAMME VI.

Les paysans à la grasse terre livrent leur grain
Lorsqu’avec leurs râteaux ils l’ont bien feuilletée.
Les sages ont transmis l’art de répandre l’or
En la neige des champs tels que des feuilles minces.
Pour faire ainsi, regarde bien : vivant miroir
Le froment saura t’enseigner comme l’or germe.

DISCOURS VI.

Platon dit que la cité se compose, non du médecin et du médecin, mais du médecin et de l’agriculteur, c’est-à-dire d’hommes aux fonctions diverses. Il fait surtout mention du médecin et de l’agriculteur, car leurs œuvres sont particulièrement remarquables sous le rapport de l’imitation, de l’amélioration et du perfectionnement de la nature. L’un et l’autre en effet prennent le sujet naturel, auquel ils ajoutent, selon leur art, certaines choses nécessaires qui faisaient défaut, ou encore en ôtent le superflu. Leur art à tous deux peut en conséquence être défini (de même que la médecine par Hippocrate) comme l’adjonction de ce qui manque et la soustraction du superflu. L’agriculteur fait-il rien de plus, en effet, que d’ajouter au champ laissé par la nature le labourage, la lyration, le hersage, l’engrais ou fumure, l’ensemencement et le reste ? Ne confie-t-il pas l’accroissement et le développement à la nature qui fournit la chaleur du soleil et la pluie, multiplie, par ce moyen, les semences et les amène bientôt à l’état de récoltes bonnes à être coupées ? Entre temps, comme l’herbe pousse en abondance, il enlève les tribules et tout ce qui fait obstacle, il moissonne les récoltes mûres, ôte à ce qu’il a moissonné le superflu, c’est-à-dire la baie, la paille et autres choses du même genre. De même le médecin lui aussi (et assurément, le chimiste, à un point de vue différent) s’est donné pour tâche de conserver au corps humain la santé présente, et de la ramener si elle est absente, au moyen de divers remèdes ; il enlève la cause qui a provoqué le mal, soigne la maladie, calme les symptômes ; si le sang est trop abondant, il en diminue la quantité par la saignée ; s’il fait défaut, il le restaure en ordonnant un bon régime de vie, il chasse par la purgation les humeurs nuisibles et ainsi, de mille manières, il imite, supplée et corrige la nature par les œuvres de l’esprit et de l’art.

Ces choses sont bien connues. Aussi notre examen doit porter plutôt sur les réalités chymiques. Car la Chymie témoigne des opérations de l’agriculture par ses fins et ses modes d’opérer secrets. Les agriculteurs ont une terre où ils sèment leurs graines. De même les chimistes. Ils ont un fumier à l’aide duquel ils fertilisent leurs champs ; les chimistes aussi en ont un : sans lui rien ne se ferait et il ne faudrait espérer aucun fruit. Ceux-là ont des semences dont ils désirent la multiplication. Si les chimistes n’en possédaient pas, ils imiteraient (comme le dit Lulle) un peintre qui s’efforcerait de reproduire le visage d’un homme qu’il n’aurait jamais vu lui-même et dont il n’aurait jamais vu l’image. Les agriculteurs attendent la pluie et la chaleur du soleil ; de même les chimistes, eux aussi, administrent véritablement la chaleur qui convient à leur œuvre et la pluie. Pourquoi m’étendre ? La Chymie est entièrement parallèle à l’agriculture, elle est son substitut ; elle remplit en tous points son rôle, et cela, suivant l’allégorie la plus parfaite. C’est pourquoi les Anciens présentèrent Cérès, Triptolème, Osiris, Dionysos, dieux d’or, c’est-à-dire ayant trait à la Chymie, comme apprenant aux mortels à jeter la semence de leurs fruits dans la terre, enseignant l’agriculture et la propagation de la vigne, ainsi que l’usage du vin, toutes choses que des ignorants détournèrent à des usages rustiques, mais à tort. Ce sont là en effet des mystères très secrets de la nature qui, sous ces voiles de l’agriculture, sont cachés aux yeux du vulgaire et manifestés aux sages. C’est pourquoi les philosophes disent qu’il faut semer leur or dans la terre blanche feuillée, comme s’ils voulaient que l’ensemencement du blé soit tenu pour exemple et imité, ce que l’auteur du Traité du Blé et Jodocus Greverus ont fait d’excellente façon dans leurs descriptions. Tous deux ont en effet adapté, avec beaucoup de grâce, chacune des opérations de l’agriculture dans la production du blé à l’ensemencement de l’or ou génération de la teinture. La terre blanche, étant sablonneuse, fournit peu de fruit aux paysans, à qui obéit mieux la terre noire et grasse.

Mais la première en dispense, plus que tout, aux philosophes, si elle a été feuilletée, c’est-à-dire bien préparée. Ceux-ci en effet savent l’engraisser de leur fumier que les paysans ignorent totalement. L’ensemencement est la propagation du monde, grâce à laquelle ce qui ne peut durer dans l’individu reçoit la possibilité de durer dans l’espèce. Elle existe dans l’homme, les animaux et les plantes, chez celles-ci sous une forme hermaphrodite, chez ceux-là sous forme d’un double sexe distinct. Mais dans les métaux il en va bien autrement. Chez eux en effet, de l’écoulement du point naît la ligne, de celle-ci, la surface et de la surface, le corps.

Et ce point, les astres l’ont produit avant la ligne, la surface et le corps, car il est leur principe à tous. La nature ajoute l’écoulement après un long intervalle de temps, ce qui veut dire que le Phoebus céleste a engendré sous la terre un petit enfant que Mercure a présenté à Vulcain pour qu’il fasse son éducation, et à Chiron, c’est-à-dire à l’artisan manuel, pour qu’il l’instruise. On écrit la même chose d’Achille, qui fut placé nu et endurci sous les flammes par sa mère Thétys. De Chiron, entre autres choses, il apprit la Musique et l’art de jouer de la cythare.

Mais Achille n’est autre que le sujet philosophique (dont le fils est Pyrrhus à la chevelure rouge ; sans l’un et l’autre Troie n’aurait pu être prise, comme nous l’avons longuement démontré dans nos Hiéroglyphes). Aussi ce n’est pas sans raison que nous utilisons la musique (bien qu’au passage seulement) dans le présent ouvrage où nous décrivons Achille, ses vertus et ses exploits héroïques. Si en effet la musique a été l’ornement d’un si grand héros, comment ne donnerait-elle pas à ce petit livre plus de variété et d’agrément ? Car les anges chantent (comme l’attestent les Saintes Lettres), les cieux chantent, comme Pythagore l’a établi, et ils racontent la gloire de Dieu, ainsi que le dit le psalmiste ; les Muses et Apollon chantent, comme les poètes ; les hommes, même tout petits, chantent ; les oiseaux chantent, les brebis et les oies chantent sur des instruments de musique. Si donc nous aussi nous chantons, nous ne le faisons pas hors de propos.

EMBLEME VII.

L’oisillon s’envole de son nid et y retombe.

EPIGRAMME VII.

L’oiseau de Jupiter en une roche creuse
A fait son nid, s’y cache, y nourrit ses petits.
L’un d’eux veut s’envoler sur ses ailes légères,
Mais son frère, un oiseau sans plumes, le retient.
Il revient donc au nid qu’il fuyait. À tous deux
Joins la tête et la queue : ce n’est pas œuvre vaine.

DISCOURS VII.

Le chef de file des médecins, Hippocrate, affirme qu’il n’y a pas dans l’homme une humeur unique mais que les humeurs sont diverses et multiples, car s’il en était autrement des maladies variées ne pourraient pas naître. Nous pouvons remarquer que cela s’applique véritablement aux éléments du monde. S’il n’existait qu’un seul élément, il ne se changerait jamais en un autre, il n’y aurait ni corruption ni génération, mais toutes choses seraient une seule réalité immuable, et la nature ne produirait à partir de là ni corps célestes, ni minéraux, ni plantes, ni animaux. C’est pourquoi le Créateur suprême a disposé avec art tout ce Système du monde à partir de natures diverses et contraires, à savoir légères et pesantes, chaudes et froides, humides et sèches, pour que, suivant leurs affinités, l’une se convertisse en une autre, et qu’ainsi se réalise la composition de corps différant grandement entre eux sous le rapport de l’essence, des qualités, des vertus et des effets. Les mixtes imparfaits possèdent en effet des éléments légers comme le feu et l’air et aussi des éléments lourds comme la terre et l’eau, qui s’équilibrent entre eux d’une manière parfaitement égale de telle sorte qu’ils ne se fuient pas mais qu’ils supportent aisément d’être pris et retenus l’un par l’autre, le voisin par son voisin.

La terre et l’air s’opposent mutuellement et il en va de même du feu et de l’eau. Cependant le feu nourrit de l’amitié pour l’air en raison de la chaleur qui leur est commune et pour la terre à cause de leur sécheresse. Ainsi tous sont reliés entre eux par des liens d’affinité ou plutôt de consanguinité, et ils demeurent ensemble dans une composition unique qui, si elle est riche en parties légères, élève avec elle les parties lourdes et, si elle contient en abondance des éléments lourds, abaisse avec elle les parties légères.

Telle est la signification des deux Aigles, l’un emplumé, l’autre privé de plumes, dont le premier, qui a tenté de voler, est retenu par le second. Le combat du faucon et du héron fournit de ceci une illustration évidente. Le premier nommé, après être monté plus haut que l’autre dans l’air grâce à son vol rapide et à ses ailes légères, capture dans ses serres et déchire le héron dont le poids les fait tomber tous deux à terre. Le contraire pouvait se voir dans la colombe artificielle ou automate d’Archytas, dans laquelle les parties pesantes étaient soulevées par les éléments légers, c’est-à-dire que son corps de bois était emporté vers le haut par l’air renfermé à l’intérieur.

Dans le sujet philosophique, les éléments légers l’emportent tout d’abord sur les parties lourdes, sous le rapport de la quantité, néanmoins ils sont vaincus par la puissance de ces dernières. Mais après un certain temps les ailes d’aigle se déchirent et les deux oiseaux donnent naissance à un oiseau unique et de grande taille (l’autruche), qui est capable d’avaler le fer et court à terre, embarrassée par son poids, plus qu’il ne vole dans l’air, bien qu’il possède des plumes magnifiques. C’est de cet oiseau ou d’un de ses pareils qu’Hermès écrit, comme l’atteste l’auteur de l’Aurore au chap. V : « J’ai contemplé un oiseau vénéré des Sages, qui vole, tandis qu’il est dans le Bélier, le Cancer, la Balance et le Capricorne ; et tu en feras l’acquisition pour toujours à partir des vraies minières et des montagnes pierreuses. » Senior parle du même oiseau dans la Table, où il en voit deux, l’un volant, l’autre sans plumes ; chacun d’eux tient dans son bec la queue de l’autre, de telle sorte qu’on ne peut les séparer facilement. Telle est en effet la disposition de la nature Universelle : elle soulève toujours ce qui est lourd au moyen de ce qui est léger, et, inversement, abaisse les parties légères grâce aux parties lourdes, comme le déclare l’auteur du Parfait Magistère. Celui-ci a dénombré sept esprits minéraux à la ressemblance des astres errants et autant de corps métalliques ou étoiles fixes et il enseigne qu’il faut marier les premiers avec les seconds. C’est pourquoi l’Aristote chymique dit : « Lorsque l’esprit aura dissous le corps et l’âme de manière qu’ils existent dans sa propre forme, il ne demeurera pas de corps fixe si tu ne l’as pas capturé lui-même. La capture consiste à l’unir avec le corps dont tu as effectué la préparation au début, car dans ce corps l’esprit est capturé et empêché de fuir vers ce qui est au-dessus. » Dans le camphre, comme le rappelle Bonus, les éléments légers, qui sont l’eau et le feu, l’emportent sur les éléments pesants. C’est pourquoi on dit qu’il s’évapore tout entier et se dissipe dans l’air.

Dans l’argent-vif, les fleurs de soufre et d’antimoine, le sel de sang de cerf, l’armoniac et les autres substances analogues, la terre vole avec l’air dans l’alambic et n’en est pas séparée. Dans l’or, le verre, le diamant, la pierre émeri, les grenades et les corps semblables, les éléments demeurent toujours unis et intacts, en présence de l’attaque du feu, et la terre retient et garde le reste en elle. Dans les autres combustibles, il se produit une division et une séparation des composants : les cendres demeurent au fond, l’eau, l’air et le feu gagnent les parties supérieures. Il ne faut pas, en conséquence, considérer la composition inégale des derniers corps mentionnés, qui ne provient pas d’un mélange suffisamment vigoureux, ni la mixtion des premiers, bien qu’elle soit plus durable, car ils sont néanmoins volatils, mais il faut avoir égard à la solidité, la constance et la fixité de la catégorie intermédiaire. Ainsi l’oiseau sans plumes retiendra l’oiseau emplumé, et la substance fixe fixera le corps volatil ; et c’est là ce qu’il faut obtenir.

EMBLEME VIII.

Prends l’œuf et frappe-le avec un glaive de feu.

EPIGRAMME VIII.

Le ciel compte un oiseau, de tous le plus hardi,
Dont tu chercheras l’œuf, n’ayant pas d’autre soin.
Un mol blanc entoure le jaune. Avec prudence
Touche-le d’une épée de flamme (c’est l’usage).
Mars doit venir en aide à Vulcain ; il va naître
Un oiselet vainqueur et du fer et du feu.

DISCOURS VIII.

Il est des espèces d’oiseaux multiples et variées dont les représentants sont en nombre indéterminé et dont les noms demeurent ignorés de nous. On rapporte qu’il existe un oiseau gigantesque appelé Ruc qui apparaît dans une petite île de l’océan à une époque déterminée de l’année et peut emporter avec lui dans l’air un éléphant. L’Inde et l’Amérique donnent des perroquets de diverses couleurs, des corbeaux et d’autres oiseaux du même genre. Mais rechercher les œufs de ces derniers ne relève pas de l’entreprise philosophique. Les Egyptiens se livrent chaque année à la destruction des œufs de crocodiles et les pourchassent comme en une guerre publiquement déclarée. Les Philosophes frappent leur œuf avec le feu, non pour qu’il soit détruit et périsse, mais pour qu’il reçoive la vie et croisse. Puisqu’en effet il en sort un poussin animé et vivant, il ne faut pas parier à son sujet de corruption, mais de génération. Il cesse, il est vrai, d’être un œuf par la disparition de la forme ovale et commence d’être un animal bipède et capable de voler par l’apparition d’une force plus noble.

Dans l’œuf, les semences du mâle et de la femelle sont unies ensemble sous une seule enveloppe ou coquille. Le jaune produit le poussin, la racine de ses membres et de ses viscères, grâce à la semence du mâle, formatrice et opérante, qui se trouve à l’intérieur. Le blanc fournit la matière, c’est-à-dire la trame et le moyen d’accroissement, à l’ébauche ou chaîne du poussin. La chaleur extérieure est le premier moteur qui, au moyen d’une certaine circulation des éléments et de leur transformation de l’un en l’autre, introduit une forme nouvelle, sous l’impulsion ou conduite de la nature. Car l’eau se change en air, l’air en feu, le feu en terre. Pendant que tous ces éléments s’unissent, une forme spécifique est envoyée du haut des astres et donne naissance à un individu d’une certaine espèce d’oiseau déterminée, à savoir celle à laquelle appartiennent l’œuf et la semence qui s’y trouve infusée.

On dit qu’il est frappé à l’aide d’un glaive de feu, parce que Vulcain, faisant office de sage-femme, fournit une issue au poussin (comme à Pallas, sortant du cerveau de Jupiter). C’est ce qu’affirme Basile Valentin lorsqu’il dit que Mercure fut enfermé en prison par Vulcain sur l’ordre de Mars, et qu’il ne fut pas libéré avant d’avoir subi tout entier la corruption et la mort. Cette mort est pour lui en vérité le commencement d’une vie nouvelle, de même que la corruption ou mort confère à l’œuf la génération et la vie nouvelles d’un poussin. Ainsi, lorsque le fœtus meurt à la vie humaine végétative (la seule dont il jouissait dans le sein maternel), une autre vie plus parfaite s’offre à lui par le passage à cette lumière du monde, autrement dit, par la naissance. Et pour nous aussi, une fois privés de cette vie présente que nous menons, une autre est toute prête, plus parfaite et éternelle.

Lulle appelle en de nombreux endroits ce glaive de feu, lance acérée, car le feu, de même que la lance ou le glaive acéré, transperce les corps, les rend poreux et susceptibles d’être traversés, de sorte que l’eau puisse les pénétrer pour les dissoudre et, de durs qu’ils étaient, les rendre mous et souples. Dans l’estomac du cormoran qui est de tous les oiseaux le plus vorace, un trouve des vers vivants, longs et fins, qui constituent pour lui, en quelque sorte, un instrument de chaleur : ils se précipitent soudain sur les anguilles et les poissons qu’il a capturés et les perforent à la manière d’aiguilles très acérées (comme il nous a été donné de l’observer nous-mêmes), et ainsi ils le dévorent en un instant, par une opération admirable de la nature. De même donc que la chaleur pique, ce qui pique fait parfois office de chaleur. C’est pourquoi on pourra à juste titre nommer glaive de feu l’arme avec laquelle l’œuf des philosophes doit être atteint ou frappé. Les philosophes, à la vérité, veulent plutôt entendre ceci de la chaleur tempérée au moyen de laquelle l’œuf est couvé, comme le déclare Morfoleus dans la Turbo., quand il dit : « II faut, hommes sages, que l’humidité soit d’abord brûlée à feu lent, comme un exemple nous en est propose dans la génération du poussin ; dès que l’on augmente la force du feu, il convient que le vase soit obturé de tous côtés pour éviter d’en faire sortir le corps d’air et son esprit fugitif. » Mais de quel oiseau est-ce l’œuf ? Moscus dit au même endroit : « Quant à moi je déclare que l’on n’obtient aucun instrument si ce n’est à partir de notre poussière blanche, étoilée, splendide et tirée d’une pierre blanche ; c’est à l’aide de cette poussière que se font les instruments adaptés à l’œuf. Mais ils n’ont pas nommé l’œuf ou l’oiseau dont il provient. »

EMBLEME IX.

Enfermé l’arbre et le vieillard dans une maison pleine de rosée ; ayant mangé du fruit de l’arbre, il se transformera en jeune homme.

EPIGRAMME IX.

Dans le jardin des sages est un arbre aux fruits d’or.
Prends-le avec notre vieillard ; enferme-les
En une maison de verre humide de rosée.
Puis laisse-les tous deux, unis, de nombreux jours :
Du fruit de l’arbre alors il se repaît (merveille !)
Pour être transformé, lui, vieillard, en jeune homme.

DISCOURS IX.

Tous les êtres qui croissent en longueur, en largeur et en profondeur, c’est-à-dire qui naissent, sont nourris et augmentent, parviennent à leur point de perfection et se propagent ; ces mêmes êtres décroissent, c’est-à-dire diminuent de force, meurent et sont entièrement détruits, comme on peut le voir dans tous les végétaux et les animaux. C’est pourquoi l’homme aussi, lorsqu’il est parvenu au plus haut degré d’augmentation, connaît la décroissance, c’est-à-dire la vieillesse, par laquelle il diminue progressivement de vigueur jusqu’au point où survient la mort. La cause de la vieillesse est celle-là même qui fait qu’une lampe dont l’huile est presque épuisée s’affaiblit et luit d’une façon obscure. La lampe comprend trois éléments : la mèche, la substance grasse et la flamme ; de même dans l’homme la mèche est constituée par les organes vitaux, les viscères et les membres ; la substance grasse est l’humide radical ; la flamme est la chaleur native. La seule différence réside en ce que la flamme de la lampe est lumineuse, mais que la chaleur native ne l’est en aucune manière, car elle n’est pas feu mais seulement chaleur, et que la graisse est huileuse et l’humide radical visqueux, car il provient du principe séminal. De même aussi que la lampe s’éteint par manque d’huile, ainsi l’homme, par l’effet de la vieillesse et sans autre maladie, tombe dans le marasme, la déchéance sénile et, finalement, dans la mort.

On rapporte que l’aigle, embarrassé par son bec recourbé, mourrait de faim si la nature ne lui ôtait ce bec et ne lui rendait, en quelque sorte, la jeunesse. Ainsi les cerfs paraissent rajeunir en déposant leurs cornes, les serpents en quittant leur peau ou dépouille, les crabes leur carapace. Mais telle n’est pas la réalité, car l’humide radical consumé ne leur est pas restitué et ce n’est qu’une apparence. Quant à l’homme, il n’est rien qui le fasse rajeunir, si ce n’est la mort elle-même et le commencement de la vie éternelle qui lui fait suite. En ce qui concerne la forme extérieure et la restauration des forces d’une manière quelconque, la disparition des rides et des cheveux blancs, il en est pour affirmer qu’un remède est trouvé :

Lulle l’affirme à propos de la quintessence et Arnaud à propos de l’or préparé.

Ici les philosophes déclarent que le vieillard doit, pour devenir un jeune homme, être enfermé avec un certain arbre dans une maison remplie de rosée, qu’il doit alors manger du fruit de l’arbre et qu’il recouvrera ainsi la jeunesse. Le vulgaire a peine à croire qu’il existe de nos jours de tels arbres dans la nature. Les médecins écrivent des choses merveilleuses sur les myrobalans, fruits provenant d’un arbre, et leur attribuent des effets semblables, prétendant qu’ils font disparaître les cheveux blancs, purifient le sang, prolongent la vie. Mais ceci est mis en doute par beaucoup de gens, à moins qu’on ne dise qu’ils produisent ces effets par accident, comme d’autres substances qui purgent la masse du sang des souillures qui y sont mélangées et donnent à la chevelure blanche la teinte noire dont les myrobalans colorent, dit-on, les cheveux blancs et la pupille de l’œil. Marsile Ficin écrit, au Livre sur la conservation de la vie des hommes d’étude, qu’il est utile, pour atteindre un âge avancé, de sucer tous les jours le lait d’une certaine femme belle et jeune ; d’autres vantent, à la place, la chair de vipère prise comme aliment. Mais en vérité ces remèdes sont plus rudes que la vieillesse elle-même et doivent être à peine utilisés à la dose d’un millième, même s’ils n’étaient pas dénués d’un effet très assuré. Paracelse écrit, au Livre de la Longue Vie, qu’un malade peut, par la seule imagination, attirer à lui la santé d’un autre, un vieillard la jeunesse d’un autre, mais cet auteur paraît avoir utilisé là sa seule imagination et non l’expérience. Il n’y a pas de doute à propos des Psylles à la pupille double et des striges qui fascinent par leur seul regard, d’où ce vers de Virgile : « Je ne sais quel œil fascine mes tendres agneaux. »

Mais ces choses se produisent sans le contact grâce auquel l’arbre rend la jeunesse au vieillard. Cet arbre en effet possède des fruits pleins de douceur, mûrs et rouges qui se transforment aisément dans le sang le plus parfait, car ils sont faciles à digérer, fournissent une excellente nourriture et ne laissent dans le corps rien de superflu ni aucun déchet. Le vieillard abonde en phlegme blanc, il est de couleur blanche, ainsi que sa chevelure. Humeur, couleur et cheveux changent lorsqu’il mange de ces fruits et deviennent rouges, comme chez les jeunes gens. C’est pourquoi les philosophes disent que la Pierre est d’abord un vieillard c’est-à-dire de couleur blanche, puis un jeune homme, c’est-à-dire rouge, car cette dernière couleur est celle de la jeunesse et la première celle de la vieillesse.

On ajoute que le vieillard doit être enfermé avec l’arbre, non à ciel ouvert, mais dans une maison qui n’est pas sèche, mais humide de rosée. On tient pour prodigieux que des arbres naissent ou se développent dans un lieu clos ; cependant, si ce lieu est humide, il ne fait pas de doute qu’ils dureront longtemps. L’arbre en effet a pour nourriture une humeur et une terre aériennes, c’est-à-dire grasses, capables de monter dans le tronc et dans les branches et d’y produire des feuilles, des fleurs et des fruits. Tous les éléments concourent à cette œuvre naturelle. Le feu donne en effet le premier mouvement, en tant qu’agent efficient, l’air, la subtilité et le pouvoir de pénétration, l’eau la consistance mobile et glissante, et la terre, la coagulation. Car l’air redevient eau et l’eau redevient terre si une quantité superflue de ces éléments était montée. Par le feu j’entends la chaleur native qui, propagée avec la semence, fabrique et forme, à la façon d’un artisan, des fruits semblables à ceux dont provient la semence, par la puissance des astres. Non seulement l’évaporation de la rosée sert à humecter l’arbre pour qu’il puisse produire des fruits, mais elle sert également au vieillard, pour que, grâce à ces fruits, il puisse rajeunir ; en effet, la chaleur et l’humidité tempérées amollissent, remplissent et restaurent la peau rugueuse et sèche. Les médecins, en effet, ordonnent et prescrivent très utilement les bains tièdes dans le marasme et la déchéance séniles. Si l’on considère bien les choses, cet arbre est la fille du vieillard qui, comme Daphné, a été changée en un végétal de cette sorte ; c’est pourquoi le vieillard peut à bon droit espérer d’obtenir la jeunesse de celle dont il a causé l’existence.

EMBLEME X.

Donne du feu au feu, du mercure à Mercure, et cela te suffit.

EPIGRAMME X.

À cette chaîne qui l’assemble
La machine du monde est pendue tout entière :
Le semblable toujours réjouît son semblable.
Ainsi le feu au feu et Mercure à Mercure
S’unissent : de ton art vois ici la limite.
Vulcain pousse Mercure ; mais cet Hermès ailé
Te dégage, ô Cynthie, qui libères Apollon.

DISCOURS X.

Cette sentence, si on la prend au sens littéral prescrit seulement la quantité de feu et de Mercure et non l’introduction dans le sujet de quelque qualité nouvelle. En effet tout semblable ajouté à son semblable renforce sa similitude. C’est pourquoi les médecins affirment que les contraires portent remède à leurs contraires et que ceux-ci sont chassés par ceux-là ; ainsi nous voyons que le feu est éteint par l’eau et attisé par le feu qu’on lui ajoute. Le poète pense de même quand il dit : « Et Vénus dans les vins et le feu dans le feu exercent leur fureur. » Mais il faut répondre que feu et feu, Mercure et Mercure diffèrent grandement entre eux. Il existe en effet chez les philosophes de nombreuses sortes de feux comme de mercures. De plus la même chaleur et le même froid, dès que leur lieu et leur siège diffèrent, se distinguent de qualités du même genre. Nous voyons par exemple que la chaleur du feu appliquée à un membre est attirée et ôtée par une chaleur semblable, et que les membres engourdis et presque réduits à l’état de mort par le froid de l’hiver sont restaurés si on les plonge dans l’eau froide, sans que l’on ajoute immédiatement une chaleur externe. De même qu’une lumière plus vive en obscurcit une autre moins intense, une chaleur ou un froid plus violents atténuent une chaleur, un froid plus modérés. Il importe toutefois que la chaleur et le froid externes soient moins grands que ceux dont les membres ou les articulations étaient affectés auparavant, sinon l’impression provoquée serait identique à celle qui existait auparavant et. le semblable serait augmenté bien plutôt qu’extrait par son semblable. En effet l’attraction du froid par l’eau froide et de la chaleur ignée par la chaleur convient à la nature, étant donné que tout changement soudain d’une qualité en son contraire est dangereux pour elle et qu’elle l’accueille moins volontiers, tandis qu’elle tolère celui qui se fait peu à peu et comme par degrés. Nous affirmons qu’autre est le feu interne, principe essentiel qui existe fixé déjà au préalable dans le sujet philosophique, et autre le feu externe. Il faut en dire autant du Mercure. Ce feu interne l’est d’une façon équivoque à cause de ses qualités ignées, de ses vertus et de ses opérations, et le feu externe l’est d’une manière univoque. Il faut donc donner le feu externe au feu interne et, de la même manière, Mercure à Mercure pour que le dessein de l’art se réalise.

Pour amollir ou mûrir par la cuisson tout ce qui est dur et cru, nous utilisons le feu et Peau. L’eau dissout la dureté et pénètre dans les parties compactes, la chaleur lui ajoute la force et le mouvement. Cela se voit, par exemple, dans la cuisson des petits pois : par eux-mêmes ils sont durs et compacts, mais l’eau les fait gonfler, les brise et les réduit en purée, car la chaleur du feu raréfie l’eau par l’ébullition et la transforme en une substance plus ténue et presque aérienne. Ainsi la chaleur du feu résout en eau les parties crues des fruits ou des viandes et les fait s’évanouir dans l’air avec cette eau. De la même manière le feu et le mercure sont ici le feu et l’eau ; et eux-mêmes sont les parties mûres et les parties crues ; celles-là doivent être mûries par la cuisson, celles-ci doivent être purgées de leurs superfluités par le ministère du feu et de l’eau.

Nous démontrerons brièvement ici que ces deux feux et ces deux mercures sont avant toutes choses et seuls nécessaires à l’art. Empédocles a posé deux principes de toutes choses : la discorde et l’amitié. La discorde provoque les corruptions, l’amitié les générations. On aperçoit clairement une discorde du même genre entre l’eau et le feu, puisque le feu fait s’évaporer l’eau et qu’inversement l’eau, si on l’ajoute au feu, l’éteint.

Cependant il est manifeste que les mêmes éléments engendrent grâce à une certaine amitié, car, sous l’effet de la chaleur, il se produit, à partir de l’eau, une génération nouvelle d’air et aussi un durcissement de l’eau en pierre. Ainsi ces deux éléments, en quelque sorte primitifs, donnent naissance aux deux autres et entraînent, par conséquent, la production de toutes choses. L’eau fut la matière du ciel et de tous les êtres corporels. Le feu, en tant que forme, meut et informe cette matière. Ainsi l’eau ou mercure fournit ici la matière, et le feu ou soufre, la forme. Pour que ces deux éléments parviennent à opérer et qu’ils se meuvent mutuellement en dissolvant, en coagulant, en altérant, en colorant et en rendant parfait, il a fallu avoir recours à des adjuvants externes, sans lesquels il n’y aurait pas d’effet produit. Car de même que l’artisan ne fait rien sans marteau et sans feu, le philosophe est, lui aussi, impuissant s’il n’a pas ses instruments, qui sont l’eau et le feu. Et cette eau est appelée par certains eau de nuées, comme ce feu est dit occasionné. L’eau de nuées est sans aucun doute ainsi appelée parce qu’elle tombe goutte à goutte, comme la rosée de mai, et qu’elle se compose de parties extrêmement ténues. Comme la rosée de ce mois enfermée dans une coquille d’œuf élève, dit-on, dans l’air, l’œuf ou ce qui le contient, cette eau de nuées ou rosée fait de même monter l’œuf des philosophes, c’est-à-dire qu’elle le sublime, l’exalte, le parfait. Cette eau est également un vinaigre très aigre qui fait du corps un pur esprit. Car de même que le vinaigre possède des qualités diverses, pénètre profondément et resserre, ainsi cette eau dissout et coagule, mais n’est pas coagulée, car elle n’appartient pas en propre au sujet. Cette eau a été rapportée de la fontaine du Parnasse qui, contrairement à la nature des autres fontaines, naît au sommet d’une montagne, créée par le sabot de Pégase, cheval volant9. Il faut en outre la présence du feu actuel qui doit cependant être modéré par ses degrés, comme par des freins. Il faut en effet imiter ici le Soleil qui, passant du Bélier au Lion, augmente peu à peu sa chaleur pendant que les êtres croissent, et se rapproche de plus en plus. En effet, l’enfant des philosophes doit être nourri de feu comme de lait et toujours plus abondamment à mesure qu’il grandit.

EMBLEME XI.

Blanchissez Latone et déchirez vos livres.

EPIGRAMME XI.

De Latone on connaît les rejetons jumeaux,
Enfants de Jupiter, selon l’antique fable
D’autres la disent faite de soleil et de lune
Mêlés : elle a des taches noires sur sa face.
Donc, à blanchir Latone apprête-toi ; détruis
Ces livres ambigus qui ne font que te nuire.

DISCOURS XI.

La diversité des auteurs dans leurs écrits est telle que les chercheurs de la vérité concernant le but de l’art désespèrent presque de la découvrir. En effet si les DISCOURS allégoriques sont en eux-mêmes difficiles à saisir et causes d’erreurs nombreuses, ils le deviennent tout particulièrement là où les mêmes termes sont appliqués à des réalités diverses, et des termes différents aux mêmes réalités. Si l’on veut y trouver une issue, il faut posséder un génie divin pour apercevoir la vérité qui se cache sous de telles ténèbres, ou déployer un travail et des dépenses infinis pour discerner ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas. Les philosophes affirment que l’un ne va pas sans l’autre, qu’un esprit pénétrant ne suffit pas sans le travail manuel et inversement, si bien que la théorie et la pratique ne doivent pas être séparées. Nul en effet n’est doué d’une intelligence assez clairvoyante pour éviter cent mille fois les détours, les erreurs, les méprises sur les mots, les fausses directions aux carrefours, les ambiguïtés, et pour se tenir dans le sentier véritable de la nature. C’est pourquoi les philosophes disent : « Qui n’a pas encore erré n’a pas encore commencé, et les erreurs sont les maîtres qui enseignent ce que l’on doit faire ou non. » Ils répètent encore qu’un homme pourrait passer toute sa vie à distiller et à redistiller, dut-il vivre mille ans, avant de parvenir à la vérité par la seule Expérimentation. Qu’il y ait peu de profit en dehors de l’étude et de la lecture des auteurs, le Réformateur des insensés le donne à entendre lorsqu’il dit : « L’étude dissipe l’ignorance et ramène l’esprit humain à la véritable connaissance et à la science de toutes choses. Il est donc avant tout nécessaire d’acquérir la science en étudiant cette œuvre pleine de douceur, et d’aiguiser son esprit au moyen des paroles physiques, car c’est en elles que réside la connaissance de la vérité. Si donc les hommes laborieux ne méprisent pas l’étude, ils goûteront la suavité du fruit qui en résulte. Mais ceux qui auront répugné à étudier et auront cependant voulu travailler, qu’ils voient si leur art est l’imitation de la nature, alors qu’ils prétendent corriger celle-ci. Il est impossible que de tels hommes mènent à son terme parfait la préparation des secrets des philosophes. Les sages disent d’eux qu’ils passent à la pratique comme l’âne se dirige vers le foin, ne sachant vers quoi il tend le museau, si ce n’est dans la mesure où il amène les sens extérieurs privés d’intelligence vers la pâture, sous la seule conduite de la vue et du goût. » Telles sont ses paroles.

Mais les philosophes ont voulu éviter que l’on ne dépérisse par l’excès de l’étude, mer inépuisable et d’une profondeur immense, et que l’on ne tente (en vain) de mettre en action tout précepte littéral, même s’il concorde avec beaucoup d’autres, et qu’on ne consume et ne fasse décliner par là ses forces, la durée de son corps, sa réputation, ses biens et ses richesses. Dans ce but ils disent en langage emblématique qu’on doit blanchir Latone et déchirer ses livres pour ne pas déchirer son cœur. La plupart des livres sont en effet écrits d’une façon si obscure qu’ils ne sont compris que de leurs seuls auteurs. Plus d’un fut laissé pour égarer les hommes par envie, ou plutôt pour les retarder dans leur course, de manière qu’ils n’atteignent pas sans difficulté le but, ou encore pour obscurcir ce qui fut écrit avant eux. Qu’est-ce donc que blanchir Latone ? Le rechercher, voilà l’ouvrage, voilà le travail. Latone, selon ce qu’affirme le traité « Le Son de la Trompette », « est un corps te parfait composé du soleil et de la lune ». Les poètes et les très anciens écrivains déclarent que Latone est la mère du Soleil et de la Lune, c’est-à-dire d’Apollon et de Diane ; d’autres disent qu’elle est leur nourrice. Diane selon eux naquit la première (la Lune en effet et la Blancheur apparaissent d’abord) et fit ensuite office de sage-femme le même jour pour la venue au monde de son frère Apollon. Latone est l’un des douze dieux hiéroglyphiques des Egyptiens. Ceuxci répandirent ces allégories, ainsi que d’autres, parmi les autres peuples. Mais seuls des prêtres égyptiens en très petit nombre en possédaient l’intelligence et la signification exactes ; le reste des hommes appliquait les récits de ce genre à des sujets qui n’existent pas dans la nature, à savoir des dieux et des déesses divers. C’est pourquoi Latone possédait dans ce pays après Vulcain un temple très somptueux, recouvert et orné d’or, comme étant la mère de l’Apollon des Philosophes et de Diane.

Cette Latone est sombre et noirâtre, elle porte sur son visage des taches qui doivent être enlevées par un procédé qui est le blanchissement. Certains opèrent leurs blanchissements au moyen de céruse, de mercure sublimé, de talc réduit en huile et d’autres produits semblables ; ils enduisent la peau, la couvrent et la blanchissent ainsi. Mais ces enduits destinés à blanchir tombent sous l’effet d’un souffle d’air ou du moindre liquide, car ils ne pénètrent pas à l’intérieur. Les philosophes dédaignent de tels fards que l’on utilise davantage pour tromper les yeux que pour teindre la substance intérieure du corps. Ils veulent en effet que le visage de Latone soit blanchi d’une façon pénétrante, et que la peau elle-même soit changée d’une façon réelle et non à l’aide d’un fard. Mais on pourrait demander comment l’on y parvient. Je réponds qu’il faut d’abord rechercher et identifier Latone ; bien qu’elle soit extraite d’un endroit méprisable, elle doit être élevée à une place plus digne, puis engloutie en un lieu bien plus vil, qui est le fumier. Car là elle blanchira et deviendra plomb blanc. Lorsqu’on a obtenu celui-ci, il n’y a plus à douter du succès final, c’est-à-dire du plomb rouge qui est le principe et la fin de l’œuvre.

EMBLEME XII.

La pierre que Saturne avait dévorée à la place de son fils Jupiter et qu’il avait vomie est posée sur l’Hélicon, monument pour les mortels.

EPIGRAMME XII.

Tu veux savoir pourquoi les poètes souvent
Parlent de l’Hélicon, de sa cime à gravir ?
Un monument se trouve en son sommet ; la Pierre
Que Saturne engloutit, pour son fils, et vomit.
Tu erres en prenant ces mots ainsi qu’ils sonnent.
Car de Saturne ici c’est la Pierre chymique.

DISCOURS XII.

Nous rencontrons l’allégorie de Saturne interprétée de diverses manières. Les astronomes en effet l’ont appliquée à l’astre le plus haut dans l’ordre des planètes, les apprentis chimistes, au métal le plus bas, à savoir le plomb. Les poètes païens l’ont tenu pour le père de Jupiter et le fils du Ciel ; les mythologues ont vu en lui le temps. Tous paraissent avoir pensé d’une façon juste à leur point de vue et possédé des justifications satisfaisantes de leur opinion. Cependant ils n’expliqueront pas ce que l’on raconte encore de Saturne : pourquoi il a avalé et vomi ses enfants, ainsi qu’une pierre à la place de Jupiter, pourquoi il est l’inventeur de la vérité, pourquoi il a pour attributs la faux, le serpent, la couleur noire, la tristesse et possède des jambes flageolantes. Les mythologues croient donner de cela l’interprétation la plus excellente : le temps, disentils, découvre la vérité et l’arrache aux ténèbres, il s’écoule en se déroulant comme un serpent, il anéantit toutes choses par la mort, comme à l’aide d’une faux, il dévore ses enfants c’est-à-dire toute les choses qu’il a engendrées, il ne peut digérer, c’est-à-dire faire disparaître entièrement les pierres dures, donc, en quelque sorte, il les vomit.

Certes, ces explications conviennent partiellement, mais elles ne cadrent pas avec la totalité du sujet, de la vérité et des circonstances. Les philosophes expérimentés déclarent pour leur part que Saturne est le premier à se présenter dans leur œuvre ; s’il est vraiment là, on ne peut se tromper et la vérité a été trouvée dans les ténèbres. Selon eux il n’est rien de plus excellent que le Noir. C’est pourquoi ils disent : « Toute couleur qui surviendra après la noirceur est digne d’éloges dans l’Assemblée des philosophes. Et lorsque tu auras vu ta matière devenir noire, réjouis-toi car c’est le principe de l’œuvre ». « Et dès qu’elle devient noire, nous disons que c’est là la clé de l’œuvre, car celle-ci ne se fait pas sans la couleur noire » selon le Rosaire citant Arnaud. Et le Miroir affirme : « Lorsque tu te seras mis à l’ouvrage, fais en sorte d’obtenir au commencement la couleur noire, et tu seras alors assuré que tu pourris et que tu suis la voie droite. » Et peu après : « Cette noirceur est appelée Terre ; elle s’obtient par une cuisson légère, réitérée le nombre de fois nécessaire jusqu’au moment où le Noir apparaît à la surface ». C’est pourquoi les mêmes affirment que Saturne a pour domaine la terre. Mercure l’eau, Jupiter l’air, et le soleil le feu. La couleur noire est donc Saturne, le révélateur de la vérité, qui dévore une pierre à la place de Jupiter. Car une noirceur, c’est-à-dire une nuée sombre, recouvre tout d’abord la pierre pour la dérober à la vue. Aussi Morien déclare : « Tout corps, s’il est privé d’âme, apparaît obscur et ténébreux. » Et Hermès : « Prends son cerveau, broie-le au moyen du vinaigre très aigre ou avec de l’urine d’enfants, jusqu’à ce qu’il devienne obscur ». Cela accompli, il vit dans la putréfaction, et les sombres nuées qui avant sa mort s’étaient trouvées au-dessus de lui et dans son corps reviennent.

Cette pierre est ensuite vomie par Saturne, lorsqu’elle blanchit. Elle est alors placée au sommet de l’Hélicon comme monument destiné aux mortels, ainsi que l’écrit Hésiode. Car la blancheur se cache en réalité sous le noir et on l’extrait de son ventre, c’est-à-dire de l’estomac de Saturne. D’où les paroles de Démocrite : « Purifie l’étain par une ablution spéciale, extrais-en sa noirceur et son obscurité, et sa blancheur brillante apparaîtra ». Et il est dit dans la Tourbe : « Joignez le sec à l’humide, c’est-à-dire la terre noire à son eau et cuisez jusqu’à ce qu’elle blanchisse ». Et Arnaud dans La Nouvelle Lumière, au chapitre IV, s’exprime de façon parfaite lorsqu’il dit : « L’humidité qui, dans la digestion, servait de remède à la noirceur, se montre donc desséchée lorsque la blancheur commence d’apparaître. » Et un peu plus loin : « Et mon maître me dit, parce que cette couleur brune montait, que la blancheur était extraite du ventre de sa noirceur, comme il est dit dans la Turba. Car lorsque tu auras vu le Noir lui-même, sache que sa blancheur est cachée dans le ventre du noir qui apparaît d’abord. » Outre le nom de Saturne, cette couleur noire reçoit celui de plomb. D’où les paroles d’Agadimon dans la Tourbe : « Cuisez l’airain jusqu’à ce que sorte le noir que l’on appelle pièce de monnaie, et mêlez bien les substances de notre art, et vous trouverez aussitôt le noir qui est le plomb des sages, duquel les sages ont abondamment parlé dans leurs livres ». Ici il fait allusion au propos d’Emigan : « Quand la splendeur de Saturne s’élève dans l’air, elle n’apparaît pas, sinon enténébrée. » Il pense aussi à Platon, dans le Rosaire : « Le premier régime, celui de Saturne, est de pourrir et de mettre au soleil. »

Tout ceci montre à quel point la pensée des philosophes est éloignée des opinions vulgairement reçues, quand ils parlent de Saturne. Saturne engendre Jupiter, c’est-à-dire une blancheur sombre ; Jupiter, de Latone, engendre Diane, c’est-à-dire le Blanc parfait, et Apollon, c’est-à-dire le Rouge. Et tel est le mode dont les couleurs parfaites permutent successivement entre elles. On dit que cette pierre rejetée par Saturne est placée comme monument destiné aux mortels, au sommet d’une montagne, ce qui est la vérité même.

EMBLEME XIII.

L’airain des Sages est hydropique et il veut être lavé sept fois dans le fleuve, comme Naaman le lépreux dans le Jourdain.

EPIGRAMME XIII.

L’airain des sages souffre, hydropique et bouffi :
Il désire les eaux qui portent le salut.
Comme dans le Jourdain Naaman perdit sa lèpre
Il se lave en ses propres eaux, trois, quatre fois.
Précipite tes corps au sein des douées ondes,
Ils y trouveront vite un remède à leurs maux.

DISCOURS XIII.

Que Naaman le Syrien, sur l’ordre du Prophète, se soit rendu en Judée et se soit baigné sept fois dans le fleuve Jourdain, il faut l’attribuer à sa confiance dans les paroles du prophète, mais qu’il ait été guéri de sa lèpre par cette ablution, c’est un miracle de la toutepuissance divine. Car la lèpre, qui s’attaque au sang et aux racines des membres de l’homme, est une sorte de chancre universel qui ne peut être guéri ou chassé par des lotions externes, encore moins par de l’eau froide comme celle du Jourdain. Il y a de même une espèce de miracle à ce que l’airain des philosophes souffrant d’hydropisic en soit délivré par des lotions d’eau, et qu’il soit en outre amené de l’imperfection à la perfection, de la maladie à la santé, au point de pouvoir impartir cette santé à d’autres malades. Il n’existe pas dans la nature d’autre exemple semblable et le chemin ordinaire de la nature ne la conduit pas à produire la teinture très parfaite des philosophes si elle n’est gouvernée par l’artiste et si les sujets convenables ne lui sont administrés avec l’agent externe. De même réduire les luxations n’est pas le propre de la nature, mais de l’art. Pourtant, dans la génération de l’homme, l’os sacré s’ouvre d’une façon qui tient du miracle pour que le fœtus puisse sortir comme par une porte : le Dieu Très Bon et Très Grand opère là par la nature un effet qui dépasse la nature. De même la réalisation de la Pierre peut également paraître hyperphysique bien qu’elle soit en vérité physique. C’est pourquoi le Philosophe dit dans le Rosaire : « Sache que notre pierre est aérienne et volatile, qu’elle est froide et humide dans son aspect visible, chaude et sèche dans son aspect caché. Cette froideur et cette humidité qui apparaissent sont une fumée aqueuse qui corrompt, noircit, se détruit et détruit toutes choses, fuit le feu. La chaleur et la sécheresse cachées constituent un or chaud et sec, c’est une huile très pure qui pénètre les corps ; cela ne fuit pas le feu, car la chaleur et la sécheresse de l’Alchymie teignent et rien d’autre. Fais donc en Sorte que la froideur et l’humidité aqueuse qui sont manifestées deviennent pareilles à la chaleur et à la sécheresse cachées, de manière qu’elles s’unissent, s’allient et deviennent ensemble une seule substance qui pénètre, teint, s’enfonce très profondément. Ces humidités doivent être détruites par le feu et les degrés de feu avec une douée modération, une digestion convenable et tempérée. »

Si ces paroles sont vraies, comment pourra-t-il être libéré des eaux par les eaux ? Mais il faut répondre qu’il existe certaines eaux chaudes et sèches en qualité, comme le sont nombre d’eaux thermales, dans lesquelles l’airain philosophique doit être lavé. C’est ce qu’ils veulent dire par ces mots : « Lave avec le feu et brûle avec l’eau. » Car le feu qui lave et l’eau qui brûle ne diffèrent l’un de l’autre que par le nom ; leurs effets et leurs opérations se rejoignent. Nous connaissons les méthodes essayées pour guérir les hydropiques : les priver de toute boisson pendant six mois, les ensevelir dans du sable chaud ou de la bouse de vache, les enfermer à l’intérieur ou au fond d’un four chaud, les faire transpirer, et d’innombrables autres moyens allant jusqu’aux eaux thermales desséchantes, telles que celles de Carisbad et de Wiesbaden, non loin de Mayence. De même notre malade devra être traité successivement par les eaux, l’air chaud des fours, le fumier, le sable et l’abstinence de boisson. Ce sont en effet des remèdes très efficaces dans les deux cas ; ils doivent être appliqués ici comme la. Dans tous ces traitements c’est la chaleur qui opère, fait sortir et disparaître les eaux superflues à travers leurs émonctoires et même les pores du corps. Car la chaleur extérieure excite la chaleur intérieure, c’est-à-dire les esprits vitaux, pour chasser comme excrément mutile l’humeur nocive qui jusque-là agissait en ennemie et supprimait la chaleur naturelle. Il faut procéder avec beaucoup de soin et de précaution dans cette cure pour éviter qu’un des viscères ne soit lésé pendant qu’on porte secours à un autre. Dans la fièvre quarte (pierre de louche du médecin, suivant Platon) nous avons vérifié que les humeurs épaisses et visqueuses comme la gomme ou la glu des arbres se rassemblent en venant des veines et de la masse sanguine et descendent par la veine cave ou grande veine jusque dans la profondeur du dos. Là elles obstruent les veines d’évacuation qui extraient du sang l’humeur séreuse, ou tout au moins elles en bouchent les portes ; le fonctionnement de ces veines s’en trouve gêné et il demeure dans le corps une plus grande quantité d’humeur séreuse, en sorte que, si l’on n’y veille, l’hydropisie peut se déclarer même si au début les autres viscères étaient intacts.

Les diurétiques ne peuvent ici servir que peu ou pas du tout ; les purgatifs moins encore, à moins qu’au bout d’un certain temps il ne se fasse une diminution et une évacuation. Les sudorifiques eux-mêmes sont manifestement nuisibles, car ils évacuent les parties les plus subtiles, n’atteignent pas les plus épaisses et, si on les continue, ruinent les forces. La nature en effet a recours d’ordinaire à cette voie pour évacuer les sérosités par les pores lorsque la voie de la vessie est obstruée. L’une est donc Scylla et l’autre Charybde ; il convient de les éviter toutes deux si l’on veut voir loin en avant. Quant à l’hydropisie qui provient d’une lésion du foie ou de la rate, elle est difficile à guérir si elle est confirmée. Mais dans l’airain philosophique la guérison n’est pas impossible puisque l’atteinte est ici accidentelle et secondaire plutôt qu’essentielle et primaire, à condition que l’on commence avec précaution comme nous l’avons dit en parlant de la quantité de liquide dans la fièvre quarte. On évitera ainsi de tomber dans la consomption en desséchant à l’excès, ou dans une hydropisie difficile à guérir en humectant trop abondamment.

EMBLEME XIV.

Voici le dragon qui dévore sa queue.

EPIGRAMME XIV.

Aiguillonné par la sinistre faim, le poulpe
Ronge ses membres, et l’homme se repaît de l’homme.
Tandis que le dragon mord et mange sa queue,
Il a pour aliment une part de lui-même.
Dompte-le par le feu, la faim et la prison ;
Qu’il se mange et vomisse, et se tue et s’enfante.

DISCOURS XIV.

Les Anciens ont affirmé que le serpent qui a dévoré un autre serpent devient un dragon, car il exerce sa cruauté sur sa propre race, comme le fait le voleur ou l’assassin. On sait qu’en Afrique il en est de si nombreux et de si gros qu’ils dévorèrent une grande partie de l’armée d’Alexandre. Chez les Asacliéens, peuple de l’Ethiopie, il en naît de très grands, qui, entortillés a la façon de claies, s’efforcent, de leurs têtes dressées, d’atteindre de meilleures nourritures. Les rois des Indes nourrissaient, dit-on, deux dragons, l’un de quatrevingts, l’autre de quatre-vingt-dix coudées de taille. Il résulte en outre d’une observation faite par des auteurs de notre époque que l’on rencontre encore des dragons semblables près de l’Angola, et qu’ils peuvent égaler d’énormes mâts de navires.

On rapporte de môme que des montagnes de l’Inde et de l’Afrique renferment une grande abondance d’or, mais qu’elles sont gardées par des dragons de manière que nul n’atteigne l’or et ne l’emporte. Les dragons en effet se rassemblent au bord des sources et des ruisseaux qui descendent des montagnes et, par la même occasion, ils montent la garde auprès de l’or. C’est pourquoi les philosophes placent tant de dragons et de serpents auprès de leurs trésors, comme la Toison d’or, le Jardin des Hespérides, et aussi auprès d’autres parmi leurs personnages ou sujets chymiques, Cadmus, Saturne, Esculape, Mercure dont le caducée est ceint de deux serpents, mâle et femelle.

Par les dragons ils n’entendent rien d’autre que les sujets chymiques. C’est pourquoi ils déclarent : « Les montagnes donnent Rebis et des dragons, la terre donne des fontaines. » Ils ajoutent que le dragon dévore sa queue, faisant allusion à sa faim extrême. D’autres l’interprètent de l’année qui revient sur elle-même et décrit un cercle, mais cette image fut d’abord appliquée par les philosophes chimiques à leurs sujets. Par ce dragon ils veulent signifier le serpent qui dévore un autre sujet de son espèce et qui est proprement appelé soufre, comme cela est attesté en d’innombrables endroits. Lulle déclare dans son Codicille au chapitre 31 : « C’est là le soufre, mon fils, et ce sont la vipère et le dragon qui dévorent leur queue, le lion rugissant et le glaive acéré, qui coupe, tue et brise toutes choses. » Et le Rosaire : « Le dragon ne meurt pas s’il n’est tué avec son frère et sa sœur. » Et un peu plus loin : « Le dragon est l’argent-vif extrait des corps qui possède en lui corps, âme et esprit. Cette eau reçoit encore le nom d’eau fétide après la séparation des éléments. »

On raconte que le serpent dévore sa queue parce qu’il absorbe la partie de lui-même qui est mouvante, vénéneuse et humide, si bien que, sans queue, il paraît ensuite plus volumineux et plus lent, car son mouvement et son agilité ont en grande partie leur origine dans sa queue. Tous les autres animaux s’appuient sur des pattes, mais les serpents, les dragons et les vers de ce genre remplacent les pattes absentes en contractant et en déployant leur corps ; comme l’eau répandue, ils décrivent des cercles déterminés, s’inclinant tantôt d’un côté et tantôt de l’autre, ainsi qu’on peut le voir de la plupart des fleuves qui, à la manière des serpents, infléchissent leur cours et le courbent en cercles. Ce n’est donc pas sans raison qu’ils ont donné à l’argent-vif le nom de serpent et qu’ils ont attribué des serpents à Mercure, puisqu’il semble traîner une queue et qu’il s’élance tantôt d’un côté tantôt de l’autre, avec une masse mouvante. Car comme le serpent se glisse, ainsi fait Mercure qui pour cette raison possède des ailes aux pieds et à la tête. En Afrique, dit-on, les serpents sont ailés et ils dévasteraient tout s’ils n’étaient ravagés par l’ibis. C’est pourquoi l’ibis est rangé au nombre des images sacrées de l’Egypte » en raison à la fois des services manifestes qu’il rend à tout le pays et d’une propriété cachée comprise seulement de quelques-uns.

On dit que ce dragon, après s’être mordu la queue, rejette sa vieille peau et en reçoit une nouvelle en même temps que la jeunesse, si bien que la nature a concédé une plus grande longévité non seulement aux corneilles, aux corbeaux, aux aigles et aux cerfs, mais aussi à la race des serpents. La fourmi en vieillissant acquiert des ailes, comme aussi de nombreux vers. L’homme, lorsqu’il vieillit, est confié à la terre et, renaissant à partir de la terre, il sera consacré à la vie éternelle. Avec n’importe quel serpent brûlé on fait une poudre qui se révèle très efficace contre tous les poisons ». L’on doit faire un antidote à l’aide de ce dragon une fois qu’il a dévoré sa queue (appendice ordinairement amputé chez les vipères), et ce sera un très puissant remède (alexipharmacon) contre les maux de la fortune et du corps.

EMBLEME XV.

Que l’œuvre du potier, qui se compose de sec et d’humide, t’instruise.

EPIGRAMME XV.

Vois comme le potier d’un mouvement rapide
Meut l’axe de sa roue pour façonner ses vases.
Du pied, il mêle l’eau à l’argile, et tempère
À chaque instant la soif de cette poudre sèche,
Fondant son art entier sur ces deux éléments.
Instruit par cet exemple, imite-le ; prends soin
Entre la terre et l’eau de garder l’équilibre.

DISCOURS XV.

De même que notre globe a pris la forme d’un corps rond par l’effet de l’union étroite de la terre et de l’eau, ainsi l’œuvre du potier paraît tout particulièrement composée des mêmes cléments, le sec et l’humide, de manière que l’un soit tempéré par l’autre. Si la terre était sans eau, l’océan, la mer, les lacs, les fleuves, les fontaines n’existeraient pas auprès d’elle ; elle-même ne porterait aucun fruit, mais demeurerait stérile. D’autre part si l’eau n’était pas recueillie dans les cavités de la terre mais entourait celle-ci, elle couvrirait facilement la terre entière, qui demeurerait inhabitable. Mais comme l’une a pénétré dans l’autre d’une façon tout amicale et que grâce a leur mutuelle étreinte l’eau a modéré la sécheresse de la terre et la terre l’humidité de l’eau, la fertilité et la commodité de chacun des deux éléments sont mises en lumière. De semblable manière le potier mélange du limon à l’eau pour en faire une masse propre à être modelée ; il façonne celle-ci à l’aide de sa roue et l’expose à l’air pour qu’elle se dessèche peu a peu. Puis il ajoute la violence du feu afin que ses vases acquièrent une dureté convenable et s’affermissent en une pierre durable, capable de résister à l’eau et au feu.

Les philosophes attestent que l’on procède de la sorte dans l’œuvre naturelle et qu’il faut donc prendre exemple sur les potiers. Dans les deux cas il y a une grande affinité entre le sec et l’humide, c’est-à-dire entre la terre et l’eau. Mais nous ne doutons pas que le mode de cuisson ainsi que la matière et la forme des éléments qui doivent être mis en composition ne diffèrent considérablement. Les terres cuites des potiers ont une forme artificielle ; la teinture des philosophes possède une forme entièrement naturelle, dont la noblesse l’emporte d’autant plus sur celle des vases que la matière est plus excellente. Dans les deux cas il s’agit certes d’un ouvrage de terre, mais dans l’œuvre philosophique il n’est rien, dit-on, qui ne réclame le ciel de l’air, tandis que dans Vautre domine une terre grasse et impure. Dans les deux cas le résultat est une pierre, ici commune, et là, philosophique. Abusée par ce nom, une certaine personne enferma dans un panier pour une durée déterminée une grande quantité de pierres artificielles ou briques et dans un autre des silex blanchâtres ; elle procéda sur ces pierres à des conjurations diaboliques, au moyen desquelles les unes auraient dû être converties en argent et les autres en or pur. Elle pensait que c’était là les pierres des philosophes et avait dépensé une grande somme d’argent pour acheter en même temps diverses choses et s’attendait à obtenir au bout du temps fixé de l’argent et de l’or nouveaux ; mais comme rien n’apparaissait et que les pierres ne s’étaient pas changées en l’or qu’on espérait, la mort mit un terme à sa confusion. On ne doit pas en effet rechercher l’or et l’argent là où ils ne sont pas naturellement contenus, car la magie diabolique n’a pas sa place dans ces œuvres divines, mais diffère d’elles autant que son auteur diffère d’un homme de piété et de dévotion, et l’enfer du ciel.

De même, si l’on avait la véritable pierre philosophale, on ne devrait pas se persuader de pouvoir réaliser grâce à elle des choses impossibles, suivant l’avertissement d’Isaac, car nul n’est contraint à des choses impossibles, que ce soit par les lois de la nature ou par celles de la Cité. Que chacun examine donc lui-même, lorsqu’on parle de la transmutation de gemmes ou de la malléabilité conférée au verre au moyen de la pierre, si ce sont là des effets possibles et conformes à la nature ou non. Geber affirme que les philosophes ont dit beaucoup de choses par allégorie et que lui-même, là où il s’est exprimé clairement, n’a rien dit ; que, par contre, il a dit la vérité lorsqu’il a utilisé des figures, cachant en quelque sorte le grain sous la paille. Ce que l’on sème, on le récoltera ; c’est ce qui a lieu dans le monde végétal et animal, bien que parfois les semences donnent naissance à des espèces différentes. Il faudra examiner si ce principe s’applique aux métaux, bien qu’ils ne se propagent pas au moyen de semences. Ici il n’y a que des parties homogènes, soufre et argent-vif, là elles sont hétérogènes ou organiques. Ici il n’y a pas de réceptacle pour les semences, là il en existe un ; ici on ne rencontre ni nutrition, ni augmentation, ni extension dans toutes les dimensions ; là elles existent au plus haut point. En outre les métaux sont des poids élémentés qui ne connaissent que la mixtion ; les autres corps, en plus de la mixtion, reçoivent une âme végétative et sensitive.

Cependant il est vrai, sans aucun doute, qu’il existe dans les lieux souterrains quelque chose qui n’est pas encore de l’or mais qui en deviendra par l’œuvre de la nature, au bout de mille ans. Qui niera qu’il y ait là une semence analogue de l’or ? Comme l’or et la nature aurifique sont de même origine, bien que la forme de celle-ci soit plus noble, une fois qu’on aura reconnu la semence de l’or, on connaîtra également celle de cette nature. Les philosophes affirment que c’est le sec et l’humide, c’est-à-dire le soufre et l’argent-vif, et qu’on doit la demander, très pure à deux montagnes.

EMBLEME XVI.

Les plumes dont l’un de ces Lions est dépourvu, l’autre les possède.

EPIGRAMME XVI.

Vainqueur des quadrupèdes, le Lion, cœur et griffe puissants,
Sait combattre sans peur et déguiser sa fuite.
Tu placeras sous lui une Lionne ailée
Qui vole, et dans son vol veut emporter le mâle.
Mais lui se tient à terre immobile et l’arrête.
Par cette image, apprends le chemin de nature.

DISCOURS XVI.

Le Lion, comme le fait connaître l’expérience, surpasse les autres animaux, non seulement par sa taille et sa vigueur corporelle, mais, plus encore, par sa générosité. Si, au cours d’une chasse, il est aperçu, il rougit de tourner le dos et recule peu a peu lorsqu’il est accablé par le nombre. Mais une fois hors de la vue des chasseurs, il prend rapidement la fuite, estimant (me d’être caché le préserve de la honte. Il s’abstient de Lundi en fuyant, mais non quand il poursuit une proie. Ses os sont solides et bien loin d’être vides. On les dit si durs que, lorsqu’on les heurte, ils produisent du feu, comme l’acier et le silex. Il redoute par-dessus tout le feu. Il paraît tirer sa substance de la nature du soleil. Par son impétuosité et sa chaleur il l’emporte sur tous les autres animaux, comme le soleil l’emporte sur les astres. En outre ses yeux apparaissent toujours enflammés et largement ouverts, comme le soleil regarde la terre d’un œil largement ouvert et enflammé. La lionne combattant pour ses petits fixe les yeux à terre, pour ne pas s’effrayer à la vue des épieux. Lorsque le lion flaire l’adultère du léopard, il livre au supplice la lionne infidèle et s’élance de toutes ses forces pour se venger. C’est pourquoi la lionne lave dans un fleuve sa faute et l’odeur de celle-ci ou bien, se sentant coupable, elle accompagne son amant dans sa fuite.

Les philosophes, contemplant la nature admirable de cet animal, ont présenté diverses allégories, qui sont comme des écritures hiéroglyphiques attestant leur œuvre secrète. Ayant constaté que le lion est un animal constant, ferme, sans ruse ni soupçons, ils lui ont assimilé la partie la plus noble de leur composition philosophique. Comme lui, elle ne fuit pas. Les os du lion sont solides. De même elle est fixe et ne connaît pas la défaite. De même que la lionne n’est pas toujours libre et a l’abri du reproche d’adultère, la Lune ou Mercure n’est pas exempte de toute tache, mais elle est unie par les ignorants tantôt à telle matière, tantôt à telle autre, et ce qui est ainsi réalisé est une union adultère entre des matières de nature discordante plutôt qu’un véritable mariage. Les petits du léopard et de la lionne ne possèdent pas de belles crinières autour du col et des épaules ; cette parure est réservée aux enfants qui ont été conçus du lion. Que l’on unisse donc la lionne philosophique à son époux légitime, et il naîtra un lionceau authentique et généreux que l’on reconnaîtra facilement à la griffe. On ne doit pas prendre n’importe quelle lionne, mais une lionne ailée capable d’engager le combat avec le lion, confiante en l’agilité de ses plumes : elle peut ainsi éviter d’être anéantie par l’excessive colère du mâle et, dans le cas où il entrerait en fureur sans motif, projeter de fuir. En effet pendant qu’il s’efforce de la retenir alors qu’elle veut s’enfuir, il s’éprend a son égard d’un amour plus vif, l’amitié succédant à la querelle.

Mais, dira-t-on, qui a jamais vu une lionne ailée, et de quelle utilité les plumes auront-elles pu être pour une lionne ? Près du mont Cythéron est une vallée profonde dans laquelle on ne voit que des lionnes ailées. Au sommet de la même montagne habite un lion rouge de la même espèce que le lion tué par Hercule. Il faut donc capturer ce lion, le conduire dans la vallée, et là il s’unira bientôt à la lionne. Celle-ci de son côté se laissera vaincre facilement comme l’égale par son égal. Ensuite il faudra les élever tous deux de cette vallée au sommet de la montagne, et dès lors ils ne se fuiront plus jamais mutuellement, mais demeureront toujours unis ensemble par un pacte inviolable. La capture des lions n’est pas aisée, je l’avoue ; elle est entourée de nombreux périls ; il faudra cependant l’entreprendre. Le lion ne prend pas sa nourriture avec la lionne, mais il erre à part, assure-t-on. C’est pourquoi ils doivent être recherchés et chassés séparément. Mais si l’on se procure des petits lionceaux au moment où ils commencent a pousser leurs griffes, c’est-à-dire deux mois après leur naissance, et qu’on les unit lorsqu’ils sont devenus adultes, comme nous l’avons dit, la chose sera exempte de tout péril. Ils naissent à la saison du printemps, chose que l’on doit observer, et les yeux ouverts. Comme, après la naissance, les lions suivent pour entrer un chemin oblique, afin d’éviter que l’on ne découvre leur couche, on devra les rechercher et enlever leurs petits avec le maximum de précaution et de soin.

EMBLEME XVII.

Le quadruple globe régit cette œuvre du feu.

EPIGRAMME XVII.

Toi qui veux imiter l’œuvre de la nature,
Recherche quatre globes enfermant en leur sein
Un feu léger qui les anime. Le plus bas
T’évoquera Vulcain, et le suivant, Mercure.
La troisième orbe est le domaine de la Lune.
La plus haute, Apollon, t’appartient ; on la nomme Feu de nature.
Cette chaîne Dans l’art saura guider ta main.

DISCOURS XVII.

Les philosophes ont fait mention en de nombreux endroits des quatre sortes de feux nécessaires à l’œuvre naturelle, ainsi Lulle, l’auteur de l’Echelle, Riplée et une multitude d’autres. « Et parlant alors des feux, (dit l’Echelle), Raymond s’exprime ainsi : « Il faut remarquer qu’il y a ici des opérations contraires’, car si le feu contre nature dissout l’esprit du corps fixe en eau de nuée et contracte le corps de l’esprit volatil en terre coagulée, inversement le feu de nature coagule l’esprit dissous du corps fixe en terre sphérique et résout le corps de l’esprit volatil rendu fixe par le feu contre nature, non en eau de nuée mais en eau philosophique. » Riplée parle plus clairement de ces feux dans les termes suivants : « Il y a quatre sortes de feux que tu dois connaître : le feu naturel, le feu innaturel, le feu contre nature et le feu élémentaire qui enflamme le bois. Ce sont ces feux que nous utilisons et pas un de plus. Le feu contre nature doit torturer les corps. C’est le dragon, je te l’affirme, brûlant avec violence comme le feu infernal. Le feu de nature est le troisième menstrue. Il est présent au sein de toutes choses. Nous appelons innaturel le feu occasionné, comme la chaleur des cendres et des bains destinée à putréfier.

Sans ces feux tu n’amèneras rien à la putréfaction de manière que ta matière soit séparée et à la fois proportionnée à une nouvelle conjonction. Fais donc à l’intérieur de ton verre un feu qui brûle mieux que le feu élémentaire. » Telles sont leurs paroles. On parle ici de feux parce qu’ils possèdent une vertu ignée, le feu naturel en coagulant, le feu innaturel en dissolvant, le feu contre nature en corrompant, et le feu élémentaire en fournissant la chaleur et le premier mouvement. On observe entre eux un ordre selon lequel ils s’enchaîne nt ; le second est excité à agir par le premier, le troisième par le second, le quatrième par le troisième et le premier à la fois. Ainsi l’un est agent et l’autre patient, et le même est à la fois agent et patient selon le point de vue. Ce que l’on observe dans les anneaux ou les poinçons de fer reliés entre eux par un aimant et rattachés par une attraction mutuelle se voit aussi dans ces feux.

Le feu élémentaire, tel l’aimant, envoie sa puissance à travers le second, et le troisième jusqu’au quatrième, et le premier les unit et les fait demeurer reliés l’un à l’autre, jusqu’à ce que l’action interne entre les feux supérieurs soit achevée. Le premier est, de nom et réellement, le feu élémentaire. Le second est air ou aérien, le troisième est d’eau ou de nature lunaire, le quatrième, de terre. Il est superflu de parler du premier, car il est connu de tout ce qui voit et touche. Les trois autres sont dragons, menstrues, eaux, soufres et mercures. On les dit dragons, car ils sont dotés de venin, dévorent les serpents de leur race, usent et altèrent les corps qui leur sont mêlés, c’est-à-dire coagulent et dissolvent. Ils sont appelés menstrues, car le fœtus philosophique est produit et nourri par eux jusqu’à sa naissance. Lulle, au Livre de la Quinte Essence (3e distinction), mentionne un double menstrue, végétal et minéral. Riplée, dans la préface des Portes, le veut triple ; mais en réalité tous ne font qu’un et se rejoignent. De tous en effet est engendré le fœtus, et son eau blanche précède sa naissance ; cette eau n’appartient pas à la substance du fœtus, mais à ce qu’il a de superflu ; il faut donc la séparer. Les feux sont encore des eaux, car elles manifestent dans le feu une nature aqueuse, c’est-à-dire la fluidité et la nature liquide qui conviennent à l’eau. On sait que les eaux possèdent des propriétés admirables et diverses : certaines sont pétrifiantes et se coagulent en tufs très propres à la construction des demeures des hommes. Les eaux des philosophes leur sont très semblables : elles durcissent et acquièrent la résistance des pierres. On leur donne encore le nom de soufres à cause de la nature sulfureuse qu’elles ont en elles. Car le soufre de la nature, mêlé à un autre soufre, devient une seule chose, deux soufres sont dissous par un seul et les soufres sont retenus par les soufres, comme Yximidius le déclare dans la Tourbe. Ce que sont les soufres, Dardaris l’indique en ces termes : « Les soufres sont les âmes cachées dans les quatre éléments ; extraites par l’art, celles-ci se contiennent l’une l’autre et s’unissent. Et si vous gouvernez et purifiez convenablement par l’eau la chose cachée qui est dans le ventre du soufre, celle-ci va à la rencontre de sa propre nature et se réjouit ; de même l’eau se réjouit de son égal. » Mosius dit de son côté : « Je vais vous dire ce que c’est : Un, certes, c’est l’argent-vif : deux, le corps composé en lui : et le troisième est l’eau de soufre qui sert à laver, à user et à gouverner l’un jusqu’à ce que l’œuvre soit achevée. » Ce que l’on a dit du soufre, il faudra l’entendre aussi du Mercure. Ainsi le même Mosius dans ce qui suit : « L’argent-vif Cambar est la magnésie, l’argent-vif ou orpiment est le soufre qui monte du composé mixte. » Mais j’arrêterai ici l’énumération de ces témoignages, car ils sont innombrables et à la portée de chacun.

Ces quatre feux sont enfermés dans des sphères ou cercles, c’est-à-dire que chacun a son propre centre duquel ou vers lequel tend son mouvement, et cependant on les observe reliés en partie par la nature et en partie par l’art, de telle sorte que l’un sans l’autre ne fait que peu de chose ou rien, et qu’en outre l’action de l’un est passion de l’autre et inversement.

EMBLEME XVIII.

Le feu aime à enflammer, For à transformer en or.

EPIGRAMME XVIII.

Tout agent qui opère en la nature lance
Sa force en cercle et cherche à la multiplier.
Le feu brûle ce qu’il rencontre. Rien ne saurait
Réaliser une œuvre noble sans sa cause :
Si l’or ne brûle pas, le feu ne peut dorer.
Chaque chose connaît le germe qu’elle porte.

DISCOURS XVIII.

La manière d’opérer de la nature dans tous les individus de l’univers est d’employer un procédé simple pour accomplir un mouvement simple. On le voit dans l’anatomie du corps humain : un muscle n’y exerce qu’un seul mouvement d’attraction ou d’expansion, l’un étant opposé à l’autre, si bien que, lorsqu’on veut faire décrire un cercle à un membre, cela s’opère au moyen de muscles variés placés circulairement. De même l’opération du feu est unique et simple : elle est d’échauffer et d’enflammer, et même d’assimiler et de brûler toutes les choses auxquelles on l’applique, si elles sont combustibles. D’où les paroles Avicenne au Livre de la coagulation des Pierres : « Ce qui tombe dans les salines devient sel, et ce qui tombe dans le feu devient feu tôt ou tard, suivant la puissance des composants actifs et la résistance des passifs. » Il existe un lieu en Arabie qui donne sa propre couleur à tous les corps qui s’y trouvent. Ainsi chaque chose dans la nature possède une vertu infusée en elle naturellement, par laquelle elle agit sur ce qui lui est mélangé ou appliqué, en altérant sa nature et sa forme. Ce que la génération par propagation des semences est chez les végétaux et les animaux, est représenté, dans les corps simples ou composés de mélanges, par l’infusion ou l’assimilation de leur vertu.

Le soleil, lumière du ciel, projette sur la terre des rayons de lui-même qui, rassemblés dans des miroirs concaves ou ardents, démontrent qu’ils sont produits par une cause semblable et apparaissent comme des formes du soleil susceptibles d’être projetées. Il en résulte que les rayons du soleil ne sont rien d’autre qu’une flamme ignée, répandue et dispersée en une vaste étendue. Cette flamme, recueillie et de nouveau condensée en elle-même par des instruments concaves, translucides et circulaires ou par des miroirs réfléchissants, concaves et en acier, brille comme la flamme et brûle tout ce qu’elle rencontre. De la même manière, dans un certain corps élémenté, est dispersée une certaine vertu semblable à une vapeur. Si on la rassemble et qu’on l’attire en une seule chose, elle devient eau et cette eau devient terre. C’est pourquoi Avicenne dit, à l’endroit cité plus haut : « De l’eau se fait la terre, elle est vaincue par les qualités de la terre, et inversement. Il est en effet une certaine chose dont se servent quelques hommes ingénieux lorsqu’il veulent coaguler une chose sèche : elle est composée de deux eaux et est appelée lait de vierge, parce que son effet est très assuré. » Telles sont ses paroles. Il en est qui s’engagent à pouvoir doubler ou multiplier la puissance de la pierre magnétique ; nous avons vu une de ces pierres incluses dans un poids d’argent d’une livre à peine qui attira et porta une ancre de fer de vingt-huit livres. Cela n’aurait pas été possible s’il n’y avait eu en elle une vertu augmentée et rendue plus forte, ce qui se fit sans aucun doute en rappelant en quelque sorte les forces dispersées en un seul point ou pôle, ou en les attirant d’un grand corps dans un plus petit. Il s’en trouve d’autres pour affirmer qu’il est possible d’infuser et de retenir l’émanation sulfureuse de Saturne dans le mercure vulgaire jusqu’à ce que celui-ci se coagule, et de réaliser ainsi une pierre plombifique qui transforme d’une façon continue le mercure commun en plomb. Certains se vantent de savoir faire du cuivre à partir de l’odeur de cuivre au moyen de l’antimoine ou de son régule étoile, et d’avoir même ainsi réalisé tous les métaux en l’espace de temps nécessaire pour manger un œuf. On doit leur accorder le crédit qu’ils méritent, bien qu’il ne me paraisse y avoir là rien de vraisemblable. Plus audacieux, sinon nécessairement plus heureux, sont ceux qui s’efforcent de tirer l’or de l’or, suivant la parole du Poète d’or : « Qui a au cœur le désir de l’orge sème précisément de l’orge, mais c’est dans l’or qu’est la semence de l’or ».

Chaque chose dans la nature possède certes un certain pouvoir de se multiplier, mais celui-ci ne s’actualise que dans les végétaux et les animaux, et nullement dans les métaux minéraux, pas plus ceux qui sont enfouis dans la terre que les météores. Parmi les plantes, certaines, nées d’une petite graine, donnent couramment mille graines ou plus, se multipliant et se propageant de cette manière, et cela chaque année. Les animaux aussi ont une progéniture selon la nature de chacun. Mais pour ce qui est de l’or, l’argent, le plomb, l’étain, le fer, le cuivre ou l’argent-vif, jamais on ne les a vus se multiplier de cette façon, bien qu’on les rencontre très souvent transmués l’un dans l’autre et ennoblis.

Cependant les philosophes affirment que le principe de la transformation en feu réside dans le feu, de même que celui de la transformation en or se trouve dans l’or : mais on recherche la teinture au moyen de laquelle l’or se fait. Il faut la rechercher dans ses propres principes et ses générations, et non dans les principes de corps étrangers. Car si le feu produit le feu, le poirier, un poirier, et le cheval, un cheval, de même le plomb engendrera du plomb, et non de l’argent, et l’or engendrera de l’or et non une teinture. De plus, les philosophes possèdent un or à eux, et ils ne nient pas qu’il doive être ajouté comme ferment à la pierre aurifique, à la fin de l’œuvre, mais ils déclarent qu’il est également requis d’une façon nécessaire. Car le ferment transforme le corps fermenté en sa propre nature et sans lui toute la composition ne parviendrait jamais à la perfection.

EMBLEME XIX.

Si des quatre tu en fais périr un, aussitôt tous seront morts.

EPIGRAMME XIX.

Quatre frères se tiennent en une longue file :
Tout le poids de la terre est aux mains du premier ;
Les autres ont pour part l’eau, l’air, le noble feu.
Pour les faire périr cause la mort d’un seul.
Unis dans un commun trépas ils disparaissent,
Car la nature les lia d’étroites chaîne s.

DISCOURS XIX.

Suivant la fable imaginée par les poètes, Géryon était un roi d’Espagne doté d’un triple corps ; il possédait des bœufs de couleur pourpre à la garde desquels étaient préposés un chien bicéphale et un dragon à sept têtes. On dit que Géryon est le fils de Chrysaor, né lui-même du sang de Méduse, et que le Dragon est l’enfant de Typhon et d’Echidna. Comme ces contes, si on les prend à la lettre, ne s’accordent à aucune vérité historique ou matérielle mais qu’ils confirment toutes les allégories chimiques, c’est à bon droit que nous les avons ajoutés a celles-ci. Par le triple corps de Géryon nous entendons trois faces vues en un seul père, selon le sentiment d’Hermès, ou, comme le veulent d’autres, quatre faces qui se rapportent aux quatre éléments. Du carré en effet il faut faire un triangle, et de même qu’un cercle a donné naissance au carré, le triangle doit revenir à la forme circulaire. II règne entre les corps de Géryon et les éléments une telle consanguinité, une telle conjonction naturelle, que si l’on a vaincu ou tué l’un d’eux, les autres tombent et se putréfient d’eux-mêmes, sans qu’on ait a fournir un effort manuel quelconque.

À propos des êtres au corps double il est connu que si l’un meurt, l’autre dépérit de son côté. Ainsi nous avons vu en Italie un enfant de quatre ans doté d’un double corps, qui cachait dans son propre corps la tête de son frère qui lui était accolé ; les autres organes pendaient jusqu’à l’ombilic où ils étaient reliés, nés ensemble. Et si l’on touchait avec une certaine force dans la région des pieds ou des mains celui qui formait excroissance et qui était porté par l’autre, étant beaucoup plus petit, le plus grand éprouvait de la douleur, de même qu’il sentait la faim si le petit était privé de nourriture. Telle est l’alliance étroite, la sympathie de nature selon laquelle les membres et les parties d’un corps unique ou né lié à un autre ont des rapports entre eux et sont affectés en eux-mêmes les uns par les autres. Si l’un est sain et indemne, les autres ne demeurent pas forcément sains et indemnes, mais si l’un est atteint, les autres souffrent avec lui et périssent du même mal. Ainsi lorsque quelqu’un réalise un gain important, son voisin n’en tire aucun avantage, mais s’il subit un incendie, il en résulte pour le voisin beaucoup de mal. Car si le mur du voisin est en feu, l’affaire te concerne.

Que le meurtre de l’un des quatre frères entraîne la mort des trois autres, une telle proposition ne sonne pas faux, car cela peut se produire de plusieurs manières : ou bien, nés simultanément du même père et de la même mère, ils ont connu des fins d’existence identiques, comme l’avaient été leurs débuts, ainsi que nous l’avons lu à propos de certains hommes, en raison peut-être de l’inclination des astres ; ou bien parce qu’ils adhèrent l’un à l’autre non seulement par l’esprit mais aussi par les membres du corps ; ou bien par l’épouvante de l’esprit, une vive imagination, au cours d’une épidémie ; ou bien encore à la suite d’un voeu scellant une alliance. En Inde, sous la domination du fameux grand Mogol (celui qui y règne actuellement est le neuvième descendant de Tamerian), habite un peuple païen portant le nom de Pythagoriciens qui, depuis les temps antiques jusqu’à ce jour, observe cette coutume que, si le mari vient à mourir, sa femme est brûlée par le feu, ou, comme cela se passe aujourd’hui, vit dans le plus complet déshonneur, abandonnée de tous et comme tenue pour morte. Le but de cette institution fut d’empêcher que les femmes ne portent atteinte à la vie de leurs maris par le poison si elles ne voulaient pas mourir elles-mêmes.

Ainsi, dans l’œuvre philosophique, lorsque l’un des frères meurt, les autres périssent par le feu, non sous la contrainte mais spontanément, pour que les survivants ne demeurent pas dans la tristesse et le déshonneur. Et si l’on frappe l’un d’eux avec un bâton, un fer ou une pierre, il entreprendra une guerre intestine avec ses frères, comme on le voit dans l’histoire des fils de la Terre nés des dents du dragon, lorsqu’ils se dressèrent contre Jason et ailleurs encore contre Cadmus, et ainsi tous s’entre-tuent et tombent. Touche en effet ou blesse celui qui porte l’air, et lui-même se dressera contre deux à la fois, ceux qui sont le plus proches de lui, le porteur d’eau et le porteur de feu, mais ceux-ci s’opposeront à la fois au porteur de terre et à celui qui entama le premier combat, jusqu’à ce qu’ils s’infligent et reçoivent des blessures mutuelles par lesquelles ils s’éteignent. On les a en effet comparés à des frères, car plus forte et plus vive est leur affection, plus ils sont irréconciliables une fois qu’ils ont commencé à se haïr ; alors ils se poursuivent jusqu’à la mort, de même que le miel le plus doux engendre la bile la plus amère dans un estomac trop échauffé ou un foie corrompu.

Tue donc le vif, mais de manière à ressusciter le mort, sinon cette mort de la victime ne t’aura servi à rien. Car la mort le révélera au moment où il ressuscitera, et la mort, les ténèbres et la mer s’enfuiront loin de lui, comme Hermès l’atteste, et le dragon qui gardait les ouvertures fuira les rayons du soleil ; notre fils qui était mort vit et, Roi par le feu, vient. Belin fait entendre la même chose dans sa métaphore citée par le Rosaire lorsqu’il dit : « Et que ceci se réalise, lorsque tu m’auras extrait en partie de ma propre nature et que tu auras extrait en partie mon épouse de sa nature, et qu’ensuite vous fassiez mourir les natures, et nous nous levons selon une résurrection nouvelle et incorporelle, car ensuite nous ne pouvons pas mourir. »

EMBLEME XX.

La nature enseigne à la nature à combattre le feu.

EPIGRAMME XX.

La flamme, ce dragon qui tout dévore, brûle
D’altérer la beauté charmante de la vierge.
Elle est baignée de pleurs, quand un homme la voit,
Court à l’infortunée en lui offrant son aide ;
Lui tendant son écu, il marche à l’ennemi
Et lui enseigne à mépriser de tels assauts.

DISCOURS XX.

C’est, chez les philosophes, un symbole commun et un signe de reconnaissance mutuelle, que la nature guide la nature, l’enseigne, la gouverne, la domine, comme la maîtresse son élevé, la dame sa suivante, la reine sa sujette, disons même la mère sa fille et la parente sa parente. L’expérience quotidienne montre le degré de vérité de cet adage dans l’éducation des enfants, parmi les hommes et dans d’autres actions comme l’enseignement des lettres, l’exercice de l’autorité, etc.

Pline dit des rossignols que, tandis qu’ils chantent, ils s’instruisent mutuellement, s’écoutent, s’observent, s’imitent, se vainquent, se plaignent lorsqu’ils sont vaincus, et que, parfois, l’un d’eux ayant connu la défaite, sa gorge se brise, il périt et tombe au milieu de son chant. Nous voyons aussi comment les oiseaux de toutes espèces habituent et préparent progressivement au vol leurs petits encore tendres et démunis de plumes, pour que non seulement la nature, mais également l’art et l’expérience placent en eux l’habitude du vol, bien que seule la nature leur ait donné le pouvoir et les organes nécessaires pour exercer cette action, sans lesquels ni l’apprentissage ni l’art n’auraient de place ou de fondement. Ainsi la jument apprend la course aux poulains, le chien enseigne à ses petits à aboyer, le renard montre ses tours aux siens. On ne rencontre aucune nature, aucune espèce naturelle, animée et sensible, qui ne conduise, instruise et gouverne une antre nature, à savoir ses petits, et qui ne souffre d’être dominée de son côté par une autre nature, sa mère. Chez les végétaux nous ne remarquons pas de règle semblable ; on observe cependant que l’habitude et la main de l’homme ont sur eux un grand pouvoir. Car pendant que la moisson est en herbe, on peut la débarrasser des chardons inutiles et de l’ivraie, pendant que l’arbre est encore une tige mince on peut le couper et le contraindre à volonté pour le faire croître.

De même dans les métaux et les sujets philosophiques une nature en maintient une autre dans le feu, l’y conserve et l’y protège. Cela est connu des fondeurs et des vérificateurs de métaux, maîtres de choix dans le domaine des choses naturelles. Lorsque l’argent et l’or sont encore tendres et spirituels, comme ils disent, mélangés dans leurs minières à la cadmie, l’arsenic et l’antimoine ravisseur, le fer qu’on leur ajoute est d’une grande utilité et remplit l’office d’accoucheur, si on le jette dans le feu des fours avec les minerais à brûler.

Pareillement, si le fer lui-même doit être transformé en acier, on le protège, pour qu’il ne soit pas consumé, au moyen de cailloux blancs trouvés sur le bord de la mer. Certains, pour empêcher que les poudres métalliques que l’on veut rendre liquides ne soient détruites par un feu excessif, jettent dessus de la poudre de verre cristallin, ou fiel de verre. Les philosophes utilisent à la place leur Eudica qui, selon Morien, « est aussi du fiel de verre et doit être cherchée dans des vases de verre.

La chaleur du feu, en effet, consume rapidement le corps lui-même » mais on y ajoute de l’Eudica ; celle-ci mettra à l’abri de toute combustion les corps changés en terre. En effet lorsque les corps ne retiennent plus leurs âmes, ils sont rapidement consumés : mais l’Eudica (fèces du verre), convient parfaitement à tous les corps ; elle les vivifie, les adapte et les défend de toute combustion ». Telles sont les paroles de Morien le Romain. C’est donc la nature qui apprend à une autre nature à combattre contre le feu, et a s’accoutumer à lui ; c’est la maîtresse qui instruit son élève, et, si l’on observe bien, la reine qui gouverne sa sujette et la fille qui anoblit sa mère. C’est le serviteur rouge qui est uni par le mariage à sa mère odoriférante et engendre d’elle une descendance beaucoup plus noble que ses parents. C’est Pyrrhus, le fils d’Achille, jeune homme à la rouge chevelure, au vêtement d’or, aux yeux noirs, aux pieds blancs. C’est le chevalier au collier, armé du glaive et du bouclier contre le dragon, afin d’arracher de sa gueule la vierge inviolée Albifica surnommée Beya ou Blanche. C’est Hercule, le tueur de monstres, qui libéra Hésione, fille de Laomédon, exposée à l’horrible monstre marin. C’est l’illustre Persée qui défendit contre le monstre marin Andromède, fille de Cassiopée et de Céphée, roi des Ethiopiens et, l’ayant délivrée de ses liens, fit d’elle son épouse. Il peut être comparé aux antiques libérateurs et purificateurs romains, M. Curtius, L. Scaevola, Horatius Codés, Manlius Capitolinus et leurs semblables, étant donné qu’il délivre, comme eux, des périls une ville, qui est en quelque sorte sa mère.

Telles sont en effet la manière d’agir et la voie de la nature lorsqu’elle poursuit la perfection d’une œuvre quelconque, qui est de faire sortir une chose d’une autre, la plus parfaite de la moins parfaite, et de la faire passer de la puissance à l’acte, sans tout accomplir en même temps, mais en faisant une chose après une autre. Et non seulement cela, mais surtout elle institue aussi un Vicaire d’elle-même à qui elle confie le pouvoir de vie et de mort, c’est-à-dire le pouvoir de former d’autres êtres. Par exemple, dans la génération de l’homme, elle utilise un long processus qui s’étend sur dix mois, au cours duquel elle forme d’abord le cœur comme son vicaire et Je viscère principal ; [mis le cœur dessine, façonne et mène à la perfection les autres membres nécessaires à la nutrition, la vie, les sens et la faculté de génération ; il leur distribue la vie et les souffles vivifiants par la systole et la diastole, ou dilatation et compression des artères, tant qu’il n’est pas empêché par les maladies et la violence. Ainsi une nature instruit une autre nature, ce que tu devras noter et suivre comme un très clair exemple de l’œuvre philosophique.

EMBLEME XXI.

Du mâle et de la femelle, fais un cercle, puis, de là, un carré, et ensuite un triangle ; fais un cerclé et tu auras la Pierre des Philosophes.

EPIGRAMME XXI.

Du mâle et de la femme, fais-toi un cercle unique,
D’où surgit le carré aux côtés bien égaux.
Construis-en un triangle, à son tour transformé
En sphère toute ronde. La Pierre alors est née.
Si ton esprit est lent à saisir ce mystère,
Comprends l’œuvre du géomètre et tu sauras.

DISCOURS XXI.

Platon, ce très illustre philosophe, a enseigné que les connaissances qui sont les fondements de tous les arts et de toutes les sciences sont comme gravées et imprimées en acte dans l’esprit humain, et qu’en se les rappelant, en se les répétant, chacun peut saisir et connaître tous les enseignements. Pour le prouver il met en scène un enfant encore tout jeune, inculte et ignorant les lettres et il dispose les interrogations qui lui sont posées sur la géométrie de telle manière que l’on voit l’enfant faire des réponses justes à toutes les questions et, bon gré mal gré ou à son insu, parvenir au cœur du sanctuaire d’une science si ardue. Il en conclut que toute science, toute doctrine ne commence pas par être apprise et recueillie par les enfants, mais qu’ils ne font que se la rappeler et la dérouler dans leur esprit, au moyen du souvenir (recordatione), et il feint de rapporter ceci ù sa grande année, grâce à laquelle, selon lui, quarante-huit mille années solaires plus tôt les mêmes personnes, les mêmes actions se sont présentées d’une façon identique avant la révolution du ciel. Mais il n’échappe à personne que ce sont là des sortes de rêveries sans aucun fondement de vérité.

Nous ne nions pas qu’il y ait, placées en nous, certaines étincelles des connaissances, et de pures virtualités qu’il faut actualiser par l’apprentissage et l’enseignement ; mais, qu’elles soient de telle nature et de telle importance que, sans aucune culture préalable, elles constituent les pépinières des arts et des sciences, nous refusons de l’admettre.

Mais, demanderont d’autres, d’où sont donc sortis les arts et les sciences, si les hommes ne les ont pas découverts ? Ont-ils été transmis a l’origine du haut du ciel ou par les dieux des païens ? Je réponds qu’une chose est d’affirmer que les cendres recouvrent des braises ardentes en une quantité telle que, si seulement on les met au jour en enlevant les cendres, elles suffisent à cuire nos aliments et à chauffer nos membres refroidis, mais qu’autre chose est de dire que là sont cachées seulement de petites étincelles qui, avant d’être utilisées pour la cuisson et le chauffage, doivent être stimulées et augmentées au moyen de leurs propres aliments par l’art et l’industrie des hommes, faute de quoi elles peuvent s’éteindre facilement et être entièrement réduites à l’état de cendres froides. Cette dernière opinion est celle des Aristotéliciens et la première celle des Platoniciens. La raison et l’expérience approuvent celle-là, la fantaisie ou imagination seule s’accorde avec celle-ci. Et l’on pourrait alors demander pourquoi Platon avait fait placer à la porte de son école une inscription déclarant que l’on n’y était pas admis si on ignorait la géométrie, puisque, selon lui, même un petit enfant illettré la connaît d’une façon actuelle. Les hommes seraient-ils plus ignorants que les enfants ? Ou bien les adultes auraient-ils livré à l’oubli ce que les enfants savent ? Cette opinion ne doit pas être retenue. Nous voyons en effet la bête sans raison, instruite par la nature, redouter et éviter les dangers du feu, de l’eau, de la chute brutale et des autres occasions semblables, même si elle ne voit la lumière que depuis peu de temps, tandis que le petit enfant ne sent ni n’évite de pareilles choses tant qu’il ne s’est pas fait mal en se brûlant le doigt à la flamme d’une bougie, à la manière de la luciole qui se brûle les ailes et meurt. Pourquoi la jeune abeille, la mouche, le moucheron ne se précipitent-ils pas dans le feu, de leur vol très rapide, alors que l’expérience ne leur a pas fait connaître le péril qui en résultera pour eux ? C’est que la nature les a instruits, mais n’a pas enseigné l’homme qui vient de naître.

Si la géométrie est pour les enfants si naturelle et si aisée, comment se Fait-il que la quadrature du cercle soit demeurée inconnue de Platon, au point qu’Aristote, disciple de Platon, ait déclaré qu’elle était connaissable mais non encore connue ? Cependant les Philosophes naturels ne l’ont pas ignorée, comme le montre leur commandement de convertir le cercle en carré et le carré à son tour en cercle par l’intermédiaire du triangle. Par ce cercle ils entendent le corps le plus simple, sans angles, et par le carré ils désignent les quatre éléments, comme s’ils disaient de prendre une figure corporelle susceptible d’être trouvée, de la diviser dans les quatre couleurs élémentaires pour obtenir un quadrilatère aux quatre côtés égaux. Tout le monde comprend que cette quadrature est physique et convient à la nature. Aussi elle procure plus d’utilité à l’Etat et plus de gloire à l’esprit humain que cette autre quadrature mathématique, qui est purement théorique ou séparée de la matière.

Pour apprendre la première quadrature naturelle, il faut explorer la géométrie qui traite des corps solides ; reconnaître la profondeur des figures solides, de la Sphère et du cube par exemple, et la faire passer dans la pratique ou l’application manuelle. Si le tour ou la circonférence de la Sphère est de 32 pieds, de quelle longueur sera l’un des côtés du cube pour égaler la capacité de la sphère ? Inversement, si la Sphère a un volume de 32 mesures et tant de circonférence, de combien sera un côté du cube pour occuper un volume égal, ou en considérant le volume que contient la sphère ou le cube, par rapport au nombre de pieds de chaque circonférence ? Les philosophes veulent de même que le carré soit réduit en un triangle, c’est-à-dire en corps, esprit et âme. Ces trois apparaissent sous la forme de trois couleurs qui précèdent le rouge, à savoir le corps ou terre dans le Noir de Saturne, l’esprit dans la blancheur lunaire, en tant qu’eau, l’âme ou air dans le jaune du Soleil. Le triangle sera alors parfait mais il doit être de nouveau changé en cercle, c’est-à-dire en rouge invariable. Par cette opération la femme est changée en mâle et devient une seule chose avec lui et le sénaire est transformé dans le premier des nombres parfaits par un qui est deux, ayant fait retour à la monade, en qui résident la tranquillité et la paix éternelles.

EMBLEME XXII.

Après t’être procuré du plomb blanc, opère l’œuvre des femmes, c’est-à-dire cuis.

EPIGRAMME XXII.

Tu aimes retirer grand fruit d’un peu de peine ?
De neige enduis le noir visage de Saturne.
La matière d’un plomb très blanc t’apparaîtra.
Tu n’auras plus alors que le travail des femmes.
Elles placent au feu leurs chaudrons. Cuis de même,
Mais il faut que la truite en ses eaux se dissolve.

DISCOURS XXII.

On place aux carrefours des statues de Mercure en même temps qu’une indication, et une inscription pour conduire dans le bon chemin les voyageurs hésitants. De même aussi les philosophes parsèment leurs livres allégoriques et ambigus de quelques phrases incisives pour que l’investigateur de la vérité soit, grâce à elles, prévenu et comme conduit par la main sur le véritable sentier. Le présent titre emblématique est l’une d’elles. Le sens en est que de l’airain philosophique on doit faire du plomb, et avec le plomb, de l’étain, que Geber appelle plomb blanc, en même temps qu’il enseigne comment on passe de Saturne à Jupiter en lavant avec Mercure. C’est pourquoi il faut ajouter foi à cet indice, tout semblable qu’il soit à un radotage de vieillard, pour le cas où il révélerait où se trouvent les bœufs philosophiques, puisque, ditil, les montagnes les détenaient, et qu’ils étaient sous ces montagnes. Beaucoup en effet, comme l’atteste Arnaud dans sa Nouvelle Lumière, au chapitre Ier, errent dans les montagnes sans connaître ces animaux. Pourtant ils sont vendus publiquement à un prix minime. Au sommet des montagnes, même l’été, on observe parfois des neiges et très souvent des nuages qui, à la façon d’une vapeur ou d’une eau, lavent le plomb noir et le changent en blancheur. Au fond des vallées, dans leur creux, on trouve des cristaux de glace congelés et durcis, en même temps que la pierre spéculaire et le talc dont l’usage est recommandé pour la blancheur et l’agrément du teint, si l’on en fait une huile. Mais l’on y trouve surtout un clair Mercure qui court ; bien préparé, il guérit Saturne de ses taches et le porte sur le trône de Jupiter.

Mais Saturne et Jupiter ne doivent pas être entendus comme des corps vulgaires, car les métaux vulgaires n’entrent pas dans l’œuvre physique, mais ce sont des corps préparés et rendus naturels au moyen d’une longue préparation.

Saturne est le père de tous les Gentils, ou plutôt de tous les hommes d’or et la première porte des secrets. Son fils Jupiter lui succéda, il mit fin au règne de son père et lui ôta sa virilité afin, évidemment, qu’il n’engendre plus d’enfants. De son membre viril projeté dans la mer naquit Vénus, la plus belle des femmes. De Jupiter, qui est le plomb blanc préparé, naquirent les autres planètes : Mars de Junon, Mercure de Maïa fille d’Atlas, roi de Mauritanie, la Lune et le Soleil de Latone. Tous les quatre viennent au jour au moyen de la simple coction, qui est l’œuvre des femmes. On entend par coction la maturation ou dispersion des parties crues, qui s’opère grâce à Vulcain dans les vases de la philosophie. Il ne faut pas croire en effet que ce soit la cuisson vulgaire quant à la manière d’opérer, mais l’une et l’autre ont une même fin ; car de même que la femme amène à maturité des poissons dans l’eau, c’est-à-dire résout en air et en eau toute leur humidité superflue, les fait bouillir et cuire, le philosophe agit pareillement avec son sujet. Il le fait macérer dans sa propre eau, qui est plus forte que le vinaigre le plus aigre, le liquéfie avec elle, le dissout, le coagule, le fixe dans le vase d’Hermès dont les jointures sont très rigoureusement fermées, comme il convient, de peur que l’eau ne s’exhale et que le contenu du vase ne soit brûlé. C’est le vase au-dessus du vase, et la marmite philosophique, le bain laconien dans lequel le vieillard transpire.

Il en est qui font bouillir les poissons, les crabes, les écrevisses ou les pois frais dans une double marmite, de façon que la matière à cuire soit dans la marmite supérieure et l’eau seule dans la marmite inférieure. Les marmites sont disposées l’une sur l’autre et entourées de cercles pour empêcher que la vapeur ne s’échappe. Grâce à ce procédé la vapeur d’eau monte seule, pénètre et fait mûrir le contenu, le rend tendre et mou d’une façon beaucoup plus parfaite que s’il avait bouilli dans l’eau. C’est le procédé des philosophes digne d’éloges au plus haut point ; par lui, ils amollissent ce qui est dur, dissolvent ce qui est compact, raréfient ce qui est dense. C’est en effet l’air, c’est-à- dire une vapeur insensible, qui fait mûrir les fruits dans les arbres, les cuit et les amène a la perfection, et non l’eau crue et froide en tant que telle. C’est l’air aussi qui, dans les jardins des Hespérides, teint et colore les pommes d’or. Car, si l’on observe bien, l’ébullition de l’eau, par le moyen de laquelle les’ viandes crues sont cuites jusqu’à ce qu’elles soient bonnes à manger, n’est rien d’autre que la raréfaction de l’eau et sa transmutation en vapeur aérienne, puisque les bulles sont de l’air contenu à l’intérieur de l’eau, qui s’évanouissent facilement, l’air sorti de l’eau se transportant dans sa sphère et l’eau se transportant dans son centre.

EMBLEME XXIII.

Il pleut de l’or tandis que Pallas naît à Rhodes et que le Soleil partage la couche de Vénus.

EPIGRAMME XXIII.

Rhodes, certes, vantait un étrange prodige,
Mais les Grecs nous en sont garants.
Ils rapportent qu’une pluie d’or tomba des nues
Au lieu où le Soleil et Vénus s’étreignaient
Et quand Pallas sortit du cerveau de son Père.
Ainsi, comme les eaux du ciel,
Que l’eau descende dans son vase.

DISCOURS XXIII.

Ce serait folie d’affirmer, à moins de l’entendre allégoriquement, qu’il a parfois plu de l’or sur la terre. Il n’existe pas dans les nuages de fleuves aurifères ou de cavités contenant des minerais d’or, où on pourrait le dire engendré, et l’or n’est pas assez léger pour pouvoir être attiré avec les vapeurs. Mais le langage figuré admet et excuse tout ceci. S’il est vrai que Pallas est réellement née du cerveau de Jupiter et que le Soleil s’est uni en adultère à Vénus, il est exact au même degré qu’il est également tombé une pluie d’or. Ce n’est pas que nous doutions de la réalité de ces deux événements, mais pour rejeter le sens littéral de ce qui est dit par allégorie. Si en effet nous adhérons aux paroles de cet emblème dans leur nudité rien n’est plus absurde, mais si nous envisageons leur esprit, rien n’est plus vrai.

Rhodes est une île primitivement appelée Ophiouse à cause de l’abondance de ses serpents et dite ensuite Rhodes par allusion aux rosiers qui y fleurissent, et enfin Colossicole à cause du Colosse du soleil qui s’y trouvait et qui fut compté au nombre des sept merveilles du monde. C’est pourquoi les anciens philosophes tirèrent certaines paraboles de l’île de Rhodes : leur matière mercurielle se comporte comme un serpent quand elle est crue, mais une fois préparée et cuite, elle revêt ensuite la couleur pourpre de la rosé. Pour la même raison ils lui ont attribué une pluie d’or, parce que le Soleil ou Apollon partageait la couche de Vénus. Cette figure fournit aux Rhodiens, remplis d’orgueil à la pensée que si de grands dieux s’étaient occupés chez eux de procréer des enfants, l’occasion d’ériger une sorte d’idole du soleil d’une grandeur et d’un prix incroyables. En effet ce Colosse de soixante-dix coudées était, au rapport des historiens, placé de telle sorte que les navires pouvaient passer entre ses jambes, voiles déployées. Ses doigts égalaient des statues ordinaires et peu d’hommes furent capables d’entourer son pouce. L’auteur de ce colosse fut Charès Lyndien, élève de Lysippe, qui le réalisa en douze ans. Abattu par un tremblement de terre au bout de cinquante-six ans, il fut, même à terre, un sujet d’émerveillement. On raconte que le sultan d’Egypte, ayant occupé Rhodes, chargea 900 chameaux de l’airain de cette statue. Ce que le soleil est parmi les planètes, dit le Philosophe, voilà ce qu’est l’or parmi les métaux.

Et cette suprématie est attribuée au soleil en raison surtout de sa chaleur, de sa couleur, de sa vertu et de son essence. C’est pourquoi une pluie d’or doit obligatoirement tomber lorsque le soleil engendre, quand Vénus conçoit de petits soleils. Vénus porte en effet sur son visage une couleur de rosé et si celle-ci est infusée à la semence du soleil, l’enfant qui naît de là doit en toute vérité être nommé Rhodes. Charmant, semblable aux rosés, c’est le fils des philosophes qui séduit et attire à lui tous les yeux et tous les esprits. Il mérite l’amour et il n’est pas étonnant que des merveilles se produisent à sa naissance, car il sera accompagné de miracles dans toutes ses actions et doit provoquer la pluie d’or. C’est le frère d’Augias, fils du Soleil, qui obtient dans l’héritage paternel les bœufs dont Hercule nettoya les excréments en un seul jour. C’est le frère d’Aèétès qui détenait la Toison d’Or dont Jason s’empara.

On raconte, à propos de Pallas sortant sans mère du cerveau de Jupiter, qu’elle naquit auprès du fleuve Triton et fut pour cette raison appelée Tritonie. Elle est représentée comme la déesse qui préside à la sagesse et on la dit à bon droit née du cerveau, où se trouve le siège de la sagesse. Le jour de sa naissance fut également marqué à Rhodes par une pluie d’or, pour que les hommes gardent en mémoire le jour où elle a paru en cette lumière.

Dans les fêtes et les réjouissances publiques, comme le couronnement d’un roi ou la naissance d’héritiers royaux, on jette parfois à la foule des pièces de monnaie, en une sorte de pluie d’or. La même chose se passe au moment où se lève Pallas. Car Pallas est la Sagesse ou Sophia, qui porte la santé dans sa main droite et les richesses dans sa main gauche, veillant au salut et au bien-être des hommes. Persée lui apporta la tête de Méduse, pétrifiante, effrayante par ses cheveux faits de serpents et de vipères. Elle l’utilisa sur son bouclier contre ses ennemis, les peuples grossiers et incultes, en les changeant en pierres. Et, en vérité, la Sagesse ou Philosophie naturelle rend stupides et vides d’intelligence et de jugement les incrédules pleins de haine et d’envie, par cette même chose dont est né Chrysaor qui fut le père de Géryon aux trois corps, à savoir le sang pétrifiant de la Gorgone qui n’est rien d’autre que la teinture de la pierre philosophique.

EMBLEME XXIV.

Le loup a dévoré le roi, et, consumé, il l’a rendu à la vie.

EPIGRAMME XXIV.

Efforce-toi de capturer le loup vorace.
Pour l’apaiser, à ce glouton jette le corps
Du roi ; puis place-le sur un bûcher ; le feu
Excité par Vulcain le réduira en cendres.
Opère ainsi souvent et tu verras le roi,
Doté d’un cœur de lion, surgir, fier, de la mort.

DISCOURS XXIV.

Tout le monde connaît l’appétit et la voracité du loup. Lorsqu’en effet les aliments viennent à lui faire défaut, il mange de la terre, au degré extrême de sa faim. On dit aussi qu’il remplit son ventre de la même manière lorsqu’il doit attaquer des troupeaux nombreux, afin que, rendu plus pesant par cette sorte de fardeau, il soit moins facilement repoussé et oppose une plus forte résistance. Lorsqu’il a pénétré dans les étables, il ne se contente pas de tuer ce qui suffirait à son ventre, mais il étrangle ici et là, au hasard, toutes les bêtes des troupeaux dans son extrême avidité. Il est consacré à Apollon et aussi à Latone parce qu’il l’a assistée quand elle enfantait : car Latone n’aurait pas pu enfanter sans la présence du loup. C’est donc à juste titre que le loup est réputé agréable à Apollon dont il a célébré la naissance. C’est aussi parce que ses yeux luisent la nuit et lancent des traits de lumière.

On jette à ce loup tenaillé par une horrible faim le corps du roi inanimé, non pour qu’il le dévore entièrement et le réduise à néant, mais pour que, par sa propre mort, il lui restitue la vie et les forces. Il y a en effet dans la queue du loup je ne sais quelle puissance d’amour que l’on infuse au roi à demi-mort, qui devient par là très agréable aux yeux de tous les hommes, retrouvant sa santé et sa beauté antérieures.

Les Hyrcaniens ne nourrissaient pas les chiens en vue d’un autre usage et ils leur donnaient à dévorer ceux dont la vie était achevée, comme le rapporte Cicéron. Ainsi les Massagètes livrent en proie aux chiens ceux qui sont morts de maladie. Les philosophes, eux, jettent leur roi au loup. Ils n’ont pas adopté l’usage des Sabéens de traiter les corps des défunts comme des ordures, ni celui des Troglodytes qui liaient le crâne du mort à ses pieds, le jetaient dehors et le confiaient à la terre, sans considération de lieu. Mais les philosophes ont préféré se conformer ici à la coutume des Mages qui n’inhumaient pas les cadavres des leurs sans qu’ils eussent été préalablement déchirés par les bêtes féroces. Ils ont également suivi l’habitude des Indiens qui se faisaient brûler vifs, ornés de couronnes et chantant les louanges des dieux, pour ne pas être surpris par la vieillesse. Mais le destin final de l’homme imposait cette coutume à tous ces peuples sans espoir de résurrection, sans renouvellement de la vie. Les philosophes ont adopté cet usage dans un sentiment bien différent : ils savent en effet d’une façon très certaine qu’une fois le roi mort, dévoré par le loup, il réapparaîtra vivant, jeune et robuste, et que le loup sera brûlé à sa place dans le feu. Car tuer le loup est chose aisée quand il s’est alourdi le ventre de la sorte, et le roi bien que mort possède la vigueur de Mars ou de Cycnus : on ne peut ni le blesser ni le faire disparaître.

Mais où faire la chasse à ce loup, et où prendre le roi ? Les philosophes répondent que le loup erre ça et là dans les montagnes cherchant à saisir une proie ; il faudra, selon eux, le faire sortir de sa caverne et le garder pour cet usage. Le roi, venant de l’Orient, finit par succomber, accablé par la fatigue d’un long voyage. En outre le chagrin hâte sa mort, car les étrangers ne lui rendent aucun honneur et ne lui manifestent que peu d’estime, si bien qu’il est vendu comme esclave pour quelques pièces d’or. Il faut prendre un loup provenant d’un pays froid. Les loups sont plus cruels lorsqu’ils naissent dans des régions froides, par comparaison à ceux d’Afrique ou d’Egypte : le froid extérieur provoque en effet chez eux une faim plus grande. Le roi ainsi dévoré renaît avec un cœur de lion et peut alors dompter toutes les bêtes sauvages. Et, bien qu’au milieu de ses six frères il soit le plus vil d’aspect, parce que le plus jeune de tous, il n’en parviendra pas moins au terme de bien des épreuves et des tribulations au plus puissant des règnes. C’est pourquoi Gratien dit dans le Rosaire : « Il est en alchimie un certain corps noble que l’on fait passer d’an maître à un autre maître. Il y a, en son commencement, misère et vinaigre, mais, en son terme, joie et allégresse. » Et Alain, au même endroit : « Entre toutes choses, il faut en choisir une, de couleur livide, qui a une apparence métallique, limpide et liquide ; c’est une chose humide et chaude, aqueuse et brûlante, c’est une huile vivante et une teinture vive, une pierre minérale et une eau de vie d’une efficacité admirable. »

Les rois ne sont pas toujours en sûreté lorsqu’ils voyagent hors des frontières de leur royaume. Quand ils sont reconnus, s’ils veulent se cacher, ils sont tenus pour des traîtres par leurs ennemis qui les mettent en prison ; s’ils s’avancent à découvert sans armée, ils sont traités de la même fâcheuse manière. Ce roi Indien a connu semblable sort, ou il l’aurait connu s’il n’était mort auparavant. C’est en cela que consiste la première opération de lavage, de sublimation, d’ennoblissement, que les philosophes pratiquent pour que la seconde et la troisième se réalisent d’une façon plus heureuse. Car sans la première, les autres ne seront d’aucune utilité, le roi étant encore timide, somnolent et malade. Il lui faut en effet exiger d’abord de ses sujets l’impôt et le tribut pour pouvoir se procurer les vêtements et les autres biens nécessaires, après quoi il sera assez riche pour fournir à son peuple des habits neufs chaque fois qu’il le voudra. Les grandes choses, nées la plupart du temps de petits commencements, peuvent ensuite soulever ce qui est petit ou même supprimer ce qui est grand, si elles le veulent. Un exemple en est fourni par les grandes villes qui, petites à l’origine, commandèrent plus tard à des grands rois et transformèrent des bourgades en cités vastes et populeuses.

EMBLEME XXV.

Le dragon ne meurt que s’il est tué par son frère et sa sœur, qui sont le soleil et la lune.

EPIGRAMME XXV.

Abattre le dragon n’est pas une œuvre aisée,
Car bientôt il revit et rampe sur le sol.
Il n’est qu’un seul moyen : que son frère et sa sœur
Frappent sa tête de leurs massues.
Le frère a nom Phoebus et la sœur est Cynthie.
Il détruisit Python, Orion mourut par elle.

DISCOURS XXV.

Lors de la conquête de la Toison d’Or, il fallait en premier lieu tuer le dragon ; mais beaucoup abordèrent cette épreuve sans succès : ils furent vaincus par le dragon et tués par son venin mortel. La cause de cette défaite fut qu’ils n’étaient pas assez protégés contre ce poison, ni instruits du stratagème à employer pour venir à bout du dragon. Mais Jason (Médecin) ne négligea aucune sorte de remède ; il en reçut plusieurs de Médée (conseil de l’intelligence) et, entre autres, les images du Soleil et de la Lune ; il sut s’en servir avec bonheur et acquit ainsi la victoire avec la récompense, c’est-à-dire la TOISON D’OR. Le dragon fut donc anéanti par le Soleil et la Lune ou leurs images, chose que les philosophes enseignent en divers endroits. Ainsi l’auteur du Rosaire rapporte les paroles d’autres écrivains : « Hermès. Le dragon ne meurt que s’il est tué par son frère et sa sœur ; non par l’un d’eux seulement, mais par tous les deux qui sont le Soleil et la Lune. Aristote. Mercure ne meurt jamais s’il n’est tué à l’aide de sa sœur, c’est-à-dire qu’il faut le coaguler à l’aide de la Lune ou du Soleil. Note que le Dragon est l’argent-vif extrait des corps, ayant en lui corps, âme et esprit, dont il dit : « Le Dragon ne meurt que s’il est tué à l’aide de son frère et de sa sœur, c’est-à- dire le soleil et la lune, ou encore le soufre que l’on a extrait et qui possède en lui la nature humide et froide de la Lune. Ainsi meurt le Dragon, c’est-à-dire l’argentvif extrait des mêmes corps au commencement ; c’est l’eau permanente que l’on obtient après la putréfaction et la séparation des éléments ; cette eau est encore appelée d’un autre nom, eau fétide. » Et tous les autres philosophes s’accordent avec celui-ci, si bien qu’il n’est pas besoin d’alléguer leur autorité en détail.

Les Egyptiens vénéraient un dragon dans le temple d’Apollon, à cause du meurtre de Python. Le dragon témoigne une inimitié et une hostilité innées à l’éléphant dont il assaille les yeux et la gorge, jusqu’au moment où l’éléphant tombe et, du même coup, tue le dragon sous la masse de son corps. C’est de là que provient le sang de dragon amené dans nos contrées. Le dragon possède des yeux qui ont la valeur de gemmes. Son regard est très perçant et très éclatant. C’est pourquoi il est souvent préposé à la garde des trésors ; il veille par exemple sur les fruits des Hespérides et, comme on l’a dit, sur la Toison d’Or, en Colchide. Les Anciens l’ont également assigné comme hiéroglyphe à Esculape.

Mais les Chymistes introduisent le dragon dans leurs opérations d’une manière allégorique et non matérielle. Le dragon en effet représente toujours Mercure, qu’il soit fixe ou volatil. C’est pourquoi l’on voit toujours Mercure avec deux dragons entrelacés dans le caducée (car le dragon est un serpent énorme).

Saturne en porte un autre qui dévore sa queue, de même que Janus. Le serpent est dédié à Esculape, fils d’Apollon, inventeur de la médecine (de la médecine philosophique). On prétend qu’il fut transporté d’Epidaure à Rome et qu’il y fut toujours honoré pour la délivrance d’une épidémie de peste qu’il avait, croyait-on, causée. Le dragon philosophique est toujours très vigilant et vif, il est difficilement vulnérable à cause de l’épaisseur de sa peau aussi bien que du venin dont il est armé. Car, à rencontre des dragons vulgaires qui, dit-on, n’ont pas de venin, Celui-ci n’en est pas dépourvu, et, si l’on ne procède pas avec précaution, il le lance sur quiconque l’approche. C’est pourquoi on peut rarement le vaincre par la force, si l’on n’y ajoute la ruse de ses proches, car le poète dit avec raison : « C’est une voie sûre et fréquentée que de feindre le nom d’ami. » Si d’ailleurs, dans d’autres affaires, cette voie est sûre et fréquentée, elle n’est pas exempte de reproche, mais non dans le cas présent. On dit que les charlatans et les médecins de carrefours chassent les vers des enfants après les avoir tués à l’aide de la poudre d’autres vers semblables, c’est-à-dire qu’ils tuent les frères à l’aide des frères, les sœurs à l’aide des sœurs. Ainsi le dragon doit être tué à l’aide de son frère et de sa sœur, le Soleil et la Lune. On voit par là que le dragon appartient également au nombre des planètes. Comme le Rosaire l’a déjà fait apparaître, c’est le Mercure extrait des corps.

Certains Grecs rapportent que, sous le règne d’Hérode, un dragon aima une vierge nubile et belle et prit place dans son lit, tandis qu’un autre servit à divertir l’empereur Tibère qui avait pris l’habitude de le nourrir de sa main. Ainsi le dragon philosophique abandonne également sa sauvagerie et devient l’ami de l’homme s’il est convenablement traité, sinon il demeure hostile. L’historien Xanthus, cité par Pline, témoigne que le petit d’un dragon fut rappelé à la vie par sa mère grâce à une herbe nommée Balis. Mais je vois là une allégorie philosophique plutôt qu’une histoire véritable, puisqu’aussi bien c’est seulement en Chymie que le dragon revit et que le dragon vivant meurt, à des reprises alternées. Mais, demandera-t-on, de quelle manière faudra-t-il capturer ce dragon ? Les philosophes répondent très brièvement en vers : Montagnes donnent rebis et dragons ; la terre donne des fontaines.

À propos de sa capture, on peut voir dans Tacite quel soin et quelle industrie des hommes en grand nombre durent déployer pour prendre un dragon que l’on avait découvert en Afrique et pour l’apporter à l’empereur Tibère. Le chemin que le dragon se frayait habituellement entre les pierres fut clôturé et rendu progressivement très étroit ; on l’y emprisonna à l’aide de filets et de liens et l’on finit par le maîtriser à coups de fouet et de bâton. Il fut alors chargé sur un grand nombre de chariots et mis dans un navire qui le transporta à Rome.

EMBLEME XXVI.

Le fruit de la sagesse humaine est l’arbre de vie.

EPIGRAMME XXVI.

Il n’est chez les humains de sagesse plus grande
Que celle qui produit et richesse et santé.
En sa main droite sont de longs jours de vie saine
Et la gauche contient des monceaux de trésors.
Si quelqu’un, par l’esprit et le bras, sait l’atteindre,
Elle sera pour lui fruit de l’arbre de vie.

DISCOURS XXVI.

Cicéron a décrit de façon admirable dans les termes suivants la différence essentielle qui distingue l’homme des autres espèces animales : « L’homme est né pour raisonner comme l’oiseau pour voler et le cheval pour courir. » En effet les lions, les ours, les tigres s’exercent et se mettent en valeur par - leur férocité, les éléphants et les taureaux par leur vigueur, les aigles, les faucons et les éperviers par la chasse qu’ils livrent aux oiseaux et par l’agilité de leurs ailes. Mais l’homme les surpasse, et il surpasse tous les autres animaux par sa raison, par les démarches de son esprit et de son intelligence. Aussi il n’existe pas chez les bêtes de férocité, de robustesse, d’agilité ou d’autre propriété qui ne puisse être adoucie, domptée ou devancée grâce à la raison. La raison n’est pas en effet quelque chose d’humain, né de l’humus, mais, comme dit le poète, une parcelle du souffle divin, envoyée du ciel dans un corps humain. On l’appelle tantôt mémoire, tantôt faculté intellectuelle ; si l’usage ou l’expérience s’y ajoutent, la Sagesse, qui est le bien le plus précieux de l’homme, prend naissance. L’usage est dit le père et la raison ou mémoire, la mère d’un si noble enfant, d’où ce dicton populaire : « L’usage m’a engendré, mais j’ai été enfanté par la mémoire, ma mère ». Mais quelle est donc la sagesse véritable et la plus digne d’être recherchée par l’homme, étant donné qu’il existe à ce sujet une infinité d’opinions et que chacun la rapporte à ses propres imaginations ? Il faut répondre que la Sagesse, les choses divines qui concernent le salut de l’âme étant toujours exceptées, n’est pas faite, dans le domaine des choses humaines, des arguties des sophistes, des propos oratoires et fleuris, de la sonorité poétique des vers, des subtilités critiques des grammairiens, qu’elle ne réside pas indifféremment dans le bien et dans le mal, dans les ruses et les parjures, les tromperies et les mensonges, la dureté de cœur et la sueur des pauvres, l’habileté à entasser l’argent et les biens, mais qu’elle n’est rien d’autre que la connaissance vraie de la Chymie jointe à la pratique, laquelle est la chose la plus utile au genre humain.

Telle est la Sagesse qui domine toutes choses, qui pénètre à droite jusqu’à l’Orient, à gauche jusqu’à l’Occident, et embrasse la terre entière. Salomon, au Livre de la Sagesse, parle d’elle de façon spéciale : « Ceux qui sont ses proches demeurent éternellement, et ceux qui sont ses amis possèdent la volupté véritable, et celui qui la recherchera avec diligence se rendra maître d’une grande joie. Car il n’y a aucun dégoût à vivre avec la Sagesse ; il n’y a pas de lassitude à se trouver avec elle, mais de l’allégresse et de la joie. Quel que soit le plaisir que la musique et le vin mettent au cœur de l’homme, la Sagesse est plus agréable encore. Car elle est un arbre de vie pour tous ceux qui la saisissent et ceux qui la gardent sont bienheureux. »

Lactance l’appelle aliment de l’âme. « Les sages seront en honneur ; qui tiendra la Sagesse pour précieuse sera exalté et honoré par elle. Car la Sagesse élève ses fils, et qui adhère solidement à elle aura l’honneur en jouissance. De plus on acquiert par elle un nom immortel auprès de la postérité. Elle est plus puissante que toutes choses ; elle fortifie le sage plus que dix puissants qui sont dans la cité. »

On peut aussi appliquer à cette sagesse universelle ce que dit le prophète Baruch : « Apprends donc la vraie sagesse, apprends à connaître celle qui donne une vie longue, les richesses, la joie et la paix. » Et il est affirmé au Livre de la Sagesse que la Sagesse est une habileté secrète à pénétrer dans la connaissance de Dieu (arcanum consilium in cognitione Dei). La sagesse procure toutes choses et des richesses infinies sortent du travail de ses mains. Plus encore : tous les biens procèdent d’elle ; les grandes richesses et les biens sont entre ses mains et celui qui s’unit à elle est élevé par elle avec honneur. » Et Sirach : « Dans les trésors de la Sagesse sont l’intelligence et la piété de la science. » Et ailleurs, il l’appelle enseignement de la prudence ou science de l’intelligence.

Le philosophe Morien dit d’elle : « Car cette Science est celle qui retire son maître de la misère de ce monde et le ramène à la science des biens futurs. » Qu’elle soit un don de Dieu, il l’atteste par les mots suivants : « Dieu accorde en effet cette pure et divine science à ses fidèles et à ses serviteurs, c’est-à-dire à ceux à qui il a décidé, dès l’origine de la nature, de l’attribuer dans son admirable force ». « Car cette chose n’a de pouvoir que comme Don du Dieu très-haut qui la remet et la montre selon qu’il le veut et aussi à qui il veut d’entre ses serviteurs et ses fidèles. Il convient donc qu’ils soient en toutes choses humbles et soumis au Dieu tout-puissant. » Et plus loin : « Il faut que tu saches, ô roi, que ce magistère n’est rien d’autre qu’une chose cachée, le secret des secrets du grand Dieu très-haut. Il a confié ce secret à ses prophètes, c’est-à-dire à ceux dont il a placé l’âme dans son paradis. » Elle est dite arbre de vie, non qu’elle porte en elle le salut éternel mais parce qu’elle montre en quelque sorte le chemin qui y conduit, qu’elle porte des fruits utiles pour cette vie, fruits qui ne peuvent lui faire défaut, tels que la santé, les biens de la fortune et de l’âme. Sans eux en effet l’homme, même encore vivant, est mort ; il ne diffère guère d’une brute, quand bien même il représente, dans sa partie extérieure, celui qu’il devrait être dans sa partie supérieure et qu’il n’est pas.

EMBLEME XXVII.

Celui qui tente d’entrer sans clé dans la Roseraie des Philosophes est comparé à un homme qui veut marcher sans pieds.

EPIGRAMME XXVII.

La Roseraie des Sages s’orne de mille fleurs,
Mais de puissants verrous ferment toujours sa porte.
Sa clé unique est, pour le monde, chose vile :
Si tu ne l’as, tu veux courir privé de jambes.
Tu affrontes en vain les pentes du Parnasse
Quand sur le sol uni tu te tiens à grande peine.

DISCOURS XXVII.

Il est écrit d’Erichthonios qu’il naquit de la semence répandue à terre alors que Vulcain était aux prises avec Pallas, déesse de la Sagesse, et que ses pieds étaient non d’un homme mais d’un serpent. Ils lui ressemblent, ceux qui, sans le concours de Pallas, et comptant uniquement sur l’aide de Vulcain, engendrent des enfants qui sont de toute évidence des avortons sans pieds, qui ne peuvent ni s’alimenter, ni être utiles à autrui. Il est lamentable de voir un homme avancer à la manière d’un quadrupède, c’est-à-dire en se servant à la fois des pieds et des mains ; mais il est bien plus lamentable encore de le voir entièrement privé de jambes et utilisant, à leur place, les bras. Ils paraissent avoir dégénéré et être passés à l’état de vers, puisqu’ils avancent à la manière des vers et des serpents. Les deux jambes sont en effet des membres faisant partie de l’organisme humain, sans lesquels on ne peut marcher d’une façon véritable, de même qu’on ne peut voir sans yeux, ou saisir sans mains les choses tangibles. De la même manière la Médecine, aussi bien que n’importe quel art opératif, possède, dit-on, deux jambes sur lesquelles elle se tient : l’expérience et le raisonnement ; si l’une ou l’autre fait défaut, l’art est mutilé, bancal, il n’est pas parfait dans ses traditions et ses préceptes et il n’atteint pas son but.

La Chymie trouve par-dessus tout sa joie dans deux sujets (qui lui tiennent lieu de jambes) : l’un est la clé, l’autre la courroie du verrou. Par eux, la roseraie philosophique, fermée de tous côtés, s’ouvre, et son accès est offert à ceux qui entrent d’une façon légitime. Si l’un d’eux fait défaut, celui qui veut entrer sera semblable à un homme infirme des pieds qui s’efforcerait de devancer un lièvre à la course. Qui s’introduit sans clé dans ce jardin qu’une clôture ou une haie ceignent de toutes parts imite le voleur qui, venant dans la nuit ténébreuse, ne discerne rien de ce qui pousse dans la roseraie et ne peut jouir des biens qu’il voulait dérober. La clé est en effet une chose très vile que l’on appelle pierre connue dans les chapitres, elle est la racine de Rhodes sans laquelle le germe ne peut pousser, le bourgeon se gonfler, la rosé fleurir et déployer ses mille pétales.

Mais, dira-t-on, où faut-il rechercher cette clé ? Je réponds avec l’oracle qu’on devra la rechercher là où l’on affirme que furent retrouvés les ossements d’Oreste, LÀ OÙ l’on pourrait trouver à la fois LES VENTS, CE QUI FRAPPE, CE QUI REPOUSSE LE CHOC ET LA DESTRUCTION DES HOMMES, c’est-à-dire, comme Lynchas sut l’interpréter, dans un atelier de forgeron. Dans le langage de l’oracle en effet les vents représentaient les soufflets, ce qui frappe, le marteau, ce qui repousse le choc, l’enclume, et par la destruction des hommes il entendait le fer. Le chercheur trouvera véritablement cette clé dans l’hémisphère septentrional du Zodiaque et la courroie du verrou dans l’hémisphère méridional, s’il sait bien dénombrer et distinguer les signes. Lorsqu’il en aura pris possession il lui sera facile d’ouvrir la porte et d’entrer. À l’entrée même il verra Vénus avec son amant Adonis. Car du sang de celui-ci cette déesse teignit les rosés blanches en pourpre. On y voit le dragon, comme au Jardin des Hespérides : préposé à la garde des roses, il veille. Le parfum des rosés est, dit-on, renforcé grâce aux aulx que l’on plante à proximité, et cela en raison du degré excellent de chaleur que possède l’ail et qui permet aux rosés de résister aux poisons froids. Les rosés réclament en effet la chaleur du soleil et de la terre avant d’acquérir une couleur et une odeur très agréables aux yeux et aux narines. Ajoutons que la fumée du soufre commun blanchit les roses rouges dans les parties qu’elle atteint et qu’à l’inverse, l’esprit du vitriol ou de l’eau-forte leur confère une couleur rouge intense et durable. Car le soufre commun est opposé au soufre philosophique, bien qu’il soit impuissant à le détruire, mais l’eau dissolvante a de l’amitié pour lui et lui conserve sa couleur. La rosé est dédiée à Vénus à cause de sa grâce par laquelle elle précède toutes les autres petites fleurs. Car elle est une vierge que la nature arma pour éviter qu’elle ne soit violée impunément et sans vengeance. Les violettes sont dépourvues d’armes et on les foule aux pieds. Les rosés cachées au milieu des épines possèdent une chevelure blonde au-dedans et un vêtement vert au-dehors. Nul, s’il n’est sage, ne pourra les cueillir et les séparer des épines ; sinon, ses doigts feront l’épreuve de leur aiguillon. De même personne, sauf un homme très prudent, ne cueillera les fleurs des philosophes, s’il ne veut pas faire l’expérience des dards et des abeilles dans les ruches, et du fiel dans le miel. La plupart sont entrés dans la Roseraie avec des mains avides, mais ils n’ont rien emporté que souffrance, c’est-à-dire qu’ils ont perdu leur huile et leur peine.

C’est pourquoi Bacusser dit dans la Tourbe : « Nos livres paraissent causer beaucoup de dommage à ceux qui lisent nos écrits une, deux ou trois fois seulement, car ils sont frustrés de l’intelligence de ces livres et de tout leur soin et, ce qui est le plus fâcheux, ils perdent les biens, le travail et le temps qu’ils ont consacrés à cet art ». Et, peu après : « Alors qu’on pense avoir opéré et posséder le monde, on se retrouvera n’ayant rien dans les mains ».

EMBLEME XXVIII.

Le roi se baigne, assis dans le bain laconien ; il est délivré de sa bile par Pharut.

EPIGRAMME XXVIII.

Le Roi Duenech (qui du lion vert porte les armes)
Sévère dans ses mœurs était gonflé de bile.
Il mande alors vers lui Pharut, grand médecin
Qui lui promet la guérison et d’une source
Prescrit l’onde aérienne ; on voit alors le roi
Se laver longuement sous la voûte de verre.

DISCOURS XXVIII.

Il y a dans l’homme trois cuissons : la première dans le ventricule, la seconde dans le foie et la troisième dans les veines. Il est, de même, un nombre égal d’évacuations générales des excréments qui correspondent aux cuissons et chassent chaque jour leurs superfluités. La première se fait par l’intestin et se rapporte à la première cuisson, la seconde s’effectue par l’urine, et la troisième par l’expiration du corps entier ou transpiration. Ces deux dernières correspondent respectivement à la deuxième et à la troisième cuissons. Dans la première de celles-ci s’élabore le chyle, dans la seconde, le chyme et dans la troisième une rosée ou substance rorale qui apparaît dans chacune des parties du corps. Les premières de ces excrétions, nommées fèces, sont épaisses, bilieuses, grasses. Elles sont expulsées par le derrière, à travers l’intestin, et, lorsqu’elle ne circulent pas, on les chasse soit avec douceur, soit avec une force moyenne, soit encore avec violence, à l’aide de purgatifs ou de laxatifs. Les excréments de la seconde catégorie sont liquides et de consistance plus subtile ; ils sont bilieux et salés. Ils sortent des veines par les reins et la vessie comme par des aqueducs. La substance de ces organes révèle l’urine. Les superfluités de la dernière classe sont encore beaucoup plus subtiles et, pour cette raison, sortent la plupart du temps d’elles-mêmes, par expiration, de pores extrêmement ténues ou sont véhiculées avec les humeurs liquides, comme la sueur.

Elles sont stimulées au moyen de sudorifiques de même que les précédentes le sont par les diurétiques. Les Grecs et les Romains de l’antiquité se préoccupèrent beaucoup de l’évacuation de cette troisième sorte d’humeurs. C’est pourquoi ils eurent recours à tant d’espèces de jeux et d’exercices, comme la friction matinale de tous les membres, les onctions d’huile, la lutte, l’art du pugilat, les concours de course, les jeux de balle à la paume, au filet et de grand jeu, les lotions et les bains quotidiens dans les rivières ou les établissements de bains artificiels. Pour faciliter ceux-ci, on avait construit à Rome des édifices si magnifiques qu’il est davantage en notre pouvoir de les admirer que de les imiter. Les thermes de Dioclétien dont il subsiste encore des restes importants et qui sont, si je ne me trompe, consacrés aux archanges, peuvent attester la grandeur, la magnificence et la splendeur de ces ouvrages.

La métallurgie comporte des espèces de cuisson à peu près identiques à celles que nous venons de citer. La première s’effectue, selon son mode, au cours de la grande Année, c’est-à-dire au cours de la révolution de la sphère supérieure, la seconde au cours de la révolution de la sphère inférieure et la troisième dans la révolution de la sphère moyenne. Les philosophes trouvent également des moyens variés pour parvenir, grâce au concours de l’art, à chasser commodément le poids mort que constituent les superfluités de ces excréments. Tels sont les ablutions, les purges, les bains ordinaires et les bains laconiens par lesquels ils pratiquent dans l’œuvre philosophique ce que les médecins opèrent dans le corps humain. C’est pourquoi Duenech est introduit par Pharut dans le bain laconien pour qu’il y transpire et se débarrasse par les pores des fèces de la troisième cuisson. La disposition de ce roi est mélancolique et atrabilaire et, pour cette raison, sa valeur et son autorité sont en moindre estime que celles des autres princes : on lui impute en effet le caractère morose de Saturne et la colère ou la fureur de Mars. Il voulut donc ou mourir ou être guéri si cela était possible. On trouva un médecin qui accepta cette province qu’on lui attribuait et fut amené grâce à des prières et des présents. Et cette allégorie est très fréquente dans les écrits des philosophes, comme par exemple chez Bernard et Alain, dans le petit traité de Duenech et dans une foule d’autres. C’est pourquoi nous n’ajouterons pas les autres circonstances que l’on peut trouver chez eux. Il suffit d’avoir observé ici quelle est la cuisson dont on chasse l’excrément par ce bain. Là se trouve en effet le pivot de toute l’affaire. Dans les thermes ou bains chauds, la chaleur enfermée dans le corps est rappelée à la surface de la peau en même temps que le sang, et il en résulte une couleur agréable du visage et de tout le corps. Lorsqu’elle sera présente, elle fournira le signe que la noirceur mélancolique qui affecte la peau peut être évacuée progressive. ment, que toutes les humeurs peuvent être rectifiées, afin qu’un sang rosé et excellent soit produit ensuite. Il est nécessaire que l’équilibre entier de ce corps soit corrigé, résultat que l’on demande au bon sang ; le corps est froid et sec tandis que le sang est, au contraire, chaud et humide. Il appartient au médecin de savoir et de dire à l’avance, par son pronostic, si cela peut se faire.

Il s’est trouvé des chercheurs qui ont tenu Cerdon pour un grand prince ou pour un fils de roi, mais ils ont décelé en fin de compte, à des signes certains, quelles étaient son origine et son éducation. L’artiste doit veiller à éviter une telle erreur et à choisir avant toutes choses le véritable enfant royal, bien qu’il ne resplendisse pas d’ornements d’or et qu’il ait un vêtement méprisé et vil, un teint livide et mélancolique ; il ne faut pas pour ces raisons le rejeter ou prendre un autre à sa place. Car s’il est parfaitement lavé, sa nature excellente et royale apparaîtra bientôt comme on le vit chez Cyrus, Paris, Romulus, qui furent élevés chez des paysans. Il faut prendre soin que le bain soit laconien, c’est-à-dire vaporeux et sudorifique, que l’eau ne durcisse pas les chairs tendres et n’obstrue pas les pores, ce qui apporterait plus de dommage que de profit et empêcherait l’effet attendu de se produire.

Que nul ne s’inquiète des vêtements royaux que le sujet doit revêtir après le bain. Comme autrefois la fille d’Alcinoüs présenta des vêtements à Ulysse naufragé et nu, il y aura quelqu’un pour lui en envoyer de très précieux, afin qu’on puisse, comme il le mérite, reconnaître en lui le fils du Soleil.

EMBLEME XXIX.

Comme la salamandre, la Pierre vit du feu.

EPIGRAMME XXIX.

La salamandre au cœur du feu vit plus puissante
Et ne craint nullement tes menaces, Vulcain.
Comme elle, née d’un feu sans déclin, notre Pierre
Ne cherche pas à fuir la flamme impitoyable.
Celle-là, froide, éteint l’incendie et sort libre.
La Pierre est chaude : elle aime donc chaleur pareille.

DISCOURS XXIX.

Il est deux éléments dans lesquels les animaux habitent : l’eau et l’air, et deux autres sans lesquels aucun être animé ne peut subsister : la terre et le feu. Les deux premiers en effet possèdent une nature moyenne et tempérée en ce qui concerne les qualités premières et les qualités secondes, tandis que les deux derniers au contraire ont une nature extrême : ce sont des corps ou bien trop épais, ou bien trop subtils, ce qui fait que leur épaisseur rend impossible la présence d’autres corps, tandis que leur subtilité la rend possible mais pénètre ces corps et les brûle. Si des hommes vivent dans des cellules et des fosses souterraines, cela est dû à l’air qui descend jusque-là et remplit ces lieux pour éviter qu’ils ne soient vides. Mais ici nous parlons de chacun des éléments pris en lui-même.

Dans l’eau vivent les poissons dont le nombre, la variété et la fécondité sont incroyables ; c’est même là que se rencontrent les plus grands de tous les animaux. L’air fait vivre les hommes, les quadrupèdes, les oiseaux, les vers et les insectes. Tout ce que l’on dit des esprits qui errent dans les parties cachées de la terre relève d’un domaine différent ; car ce ne sont pas des animaux. Dans le feu, diton, vit la seule salamandre. C’est un ver qui rampe ; elle ressemble assez au lézard, mais sa démarche est plus lente, sa tête plus grande et sa couleur différente. Je me souviens d’avoir vu une bête semblable dans les Alpes, au Mont-Splug. Après des orages et des pluies elle s’avançait hors des cavernes rocheuses et s’attardait sur le chemin. Un paysan m’indiqua son nom : Ein Moich. Elle avait autour d’elle une humidité tenace et visqueuse grâce à laquelle elle circule dans le feu sans dommage.

Mais la salamandre philosophique est bien différente de l’autre, bien qu’elle lui soit assimilée. Elle naît en effet dans le feu ; il n’en va pas de même de l’autre, mais si elle tombe dans le feu, sa froideur et son humidité abondantes et intenses empêchent qu’elle ne soit brûlée sur-le-champ et lui permettent de traverser librement la flamme. L’une est chaude et sèche, l’autre froide et humide. Toute chose en effet rappelle la chaleur du sein de sa mère, imite son lieu naturel et sa patrie : le feu ne produit rien que de chaud et de sec, c’est-à-dire de semblable à lui-même. Inversement, des cavernes humides et froides, des roches remplies par les pluies sort ce ver froid. La première salamandre se plaît dans le feu, en raison de sa ressemblance de nature, la seconde l’éteint, car elle lui est opposée et, pendant quelque temps, écarte d’elle son action. On dit que l’on voit s’envoler des fours où l’on traite le cuivre à Chypre un pyrauste engendré dans le feu. Mais personne ne saurait croire à la véracité d’un tel fait, sinon sur le mode allégorique. Car le feu détruit et corrompt les corps de tous les animaux si on le continue, puisqu’il brûle même la terre et la transforme en verre, réduit en cendres les bois résistants ainsi que tous les composés, sauf quelques-uns comme les substances mercurielles qui, ou bien demeurent intactes, ou bien s’envolent tout entières dans le feu, sans qu’aucune séparation de parties ait lieu en elles.

Vulcain est un bourreau intraitable : il convoque tous les mixtes composés de divers éléments pour les éprouver et les juger, en exceptant quelques-uns de sa compétence, comme en vertu d’un privilège, d’un induit de l’impératrice Nature. Il ne possède aucun droit de juridiction sur ces derniers, à moins d’adjoindre d’autres conseillers à son Aréopage ; telles sont les salamandres face à sa violence qu’elles ne redoutent pas. Avicenne, dans la Porte, énumère divers tempéraments de corps qui tous manquent d’équilibre et sont par conséquent susceptibles d’être corrompus par le feu et les autres atteintes. Une seule chose, à son avis, est parfaitement équilibrée ; elle possède autant de chaud que de froid, autant d’humide que de sec, non en poids mais en justice, comme disent les médecins. C’est la chose qui est plus passive qu’active. Si le feu s’efforce d’y résoudre l’eau qui lui est opposée en air qui est proche de lui, la terre ne permet pas cette résolution, car elle est incorporée à l’eau.

Et le feu interne du composé apporte son suffrage au jugement de la terre car il témoigne à la terre une intime amitié. Le jugement de Vulcain cesse donc de s’exercer. Le dieu utilise encore un autre détour et tente de consumer la terre et de la réduire en cendres comme il en a l’habitude. Mais l’eau qui est unie à la terre obtient une exception à son encontre : elle montre qu’elle est unie à la terre, que l’air lui est uni, que de l’autre côté de la terre se trouve le feu. En conséquence, qui voudrait incinérer la terre réduirait également en cendres les autres éléments ; et Vulcain, déjoué de la sorte, suspend son jugement pour ne pas être la risée de tous.

Ce corps est semblable à la très véritable salamandre en qui les éléments sont équilibrés par la violence des vertus. Le Rosaire rapporte à son sujet les paroles de Geber : « En outre, ce philosophe veut que cette substance de Mercure soit mortifiée, mais son Mercure est naturellement dans cette vénérable pierre, comme cela apparaît à chacun. Donc etc. » De plus, ce philosophe veut que cette substance du Mercure soit fixe, comme cela est évident, car il enseigne l’art de fixer avec des précautions et une habileté extrêmes, mais qui pourrait douter que la substance de cette pierre précieuse ne soit très fixe ?

Aucun, assurément, de ceux qui la connaissent. Il en résulte que la Pierre doit être amenée par la fixation à la nature de la salamandre, c’est-à-dire au plus haut point de fixité qui ne refuse pas le feu et ne se dérobe pas devant lui. Car la salamandre ne peut exister avant d’avoir appris avec la plus grande patience à supporter le feu, ce qui requiert obligatoirement un laps de temps prolongé. Il sera parlé plus loin, au DISCOURS emblématique XXXV, d’Achille et de Triptolème, placés la nuit sous des cendres ardentes jusqu’à ce qu’ils soient devenus capables de supporter une chaleur très violente. Ils acquirent eux aussi la propriété de la salamandre, moyennant l’habitude et l’accoutumance. L’habitude est en effet une seconde nature ; mais si cette nature n’a pas communiqué sa puissance et, agissant en maîtresse, n’a pas entrepris l’altération, l’habitude ne sera pas, ou ne sera que peu opérante. C’est pour cette raison que le feu ne peut solidifier la glace, mais qu’il peut solidifier le cristal, parce qu’ici la nature a commencé l’opération. On doit de même penser, à propos du Mercure aqueux et volatil, que sa nature ne permet pas la solidification, si ce n’est grâce à l’étreinte du soufre qu’on lui a marié. Ce soufre est la teinture philosophique et il fixe tous les esprits qui volent.

EMBLEME XXX.

Le soleil a besoin de la lune comme le coq de la poule.

EPIGRAMME XXX.

Soleil, tu ne fais rien si ma force ne t’aide,
Comme le coq est impuissant loin de la poule.
Et moi, lune, à grands cris j’invoque ton secours
Comme on entend la poule réclamer le coq.
Bien fou qui prétendrait affranchir de leurs liens
Des êtres que Nature a commandé d’unir.

DISCOURS XXX.

Avicenne, au Livre de l’Ame, prévient à plusieurs reprises que seuls doivent être utilisés dans l’art les œufs des poules qui ont été couvertes par le coq. Cela veut dire que le sujet féminin n’est d’aucune valeur sans la vertu masculine et qu’inversement le coq est inutile sans la poule. Ces deux sexes en effet doivent être unis dans l’enclos philosophique pour que la multiplication ait lieu.

Les philosophes utilisent la comparaison du coq parce que ce volatile correspond parfaitement à la puissance du soufre, plus qu’aucun autre mâle parmi les oiseaux, puisqu’un seul coq peut être le maître d’un grand nombre de poules et qu’il ne supporte pas aisément la présence d’un rival sur le même fumier, estimant qu’il est pour toutes un compagnon convenable et suffisant. C’est l’oiseau de Mars ; il provient de la métamorphose de l’enfant Gallus qui devait observer le soleil pour l’empêcher de surprendre l’adultère de Mars et de Vénus, comme le racontent les poètes. Il est extrêmement Martial dans le combat qu’il livre jusqu’à la mort à son adversaire. Dans l’œuvre philosophique, il figure le Soleil comme la poule représente la Lune. C’est pourquoi il est aussi nécessaire d’unir le Soleil à la Lune que de joindre le coq à la poule. Le coq est également consacré au soleil : il se lève à sa venue et va dormir en même temps que lui. Il regarde constamment le ciel et il dresse vers le haut ses queues, recourbées comme des faux. Il lutte, pour les poules, contre les serpents. Il est le héraut de la lumière et Latone le chérit parce qu’il l’assista dans ses couches. Latone mit au monde le Soleil et la Lune et ainsi le coq est approprié à la mère et au fils.

Mais le Soleil, la Lune et Latone s’accordent avec les sujets chimiques. Il en est de même du coq et de la poule. Car ceux-ci sont issus d’un œuf et ils produisent à leur tour des œufs qui écloront en petits poussins. De la même manière les philosophes possèdent des œufs qui se transforment en oiseaux de la même espèce, à condition qu’on leur fournisse une chaleur tempérée, semblable à celle de la poule qui couve, fournie d’une façon continue.

Alors que chez les autres oiseaux le mâle aussi se pose sur les œufs, le coq seul se considère comme exempt de ce devoir, de cette charge. Ainsi le soin et la peine de faire éclore les œufs et d’élever les petits incombent entièrement à la poule. On peut observer l’empressement et la sollicitude qu’elle manifeste dans cette tâche, la rapidité avec laquelle elle mange, boit, soulage son ventre pour courir en hâte vers ses œufs avant qu’ils ne viennent à refroidir. C’est également un ouvrage de la nature digne d’admiration que la force et l’élan avec lesquels elle défend ses petits, la tendresse avec laquelle elle les recueille et les protège sous ses ailes pendant qu’ils sont nus, la voix, pareille à celle d’une cloche, dont elle les convoque et les retient, le soin qu’elle met à briser pour eux les miettes ou les grains trop durs et à se servir de son bec comme d’un couteau. Et tout cela, pour que les œufs et les poulets ne fassent pas défaut à l’alimentation des hommes.

De la même manière, le philosophe ou l’artiste procède à toutes ses opérations avec un soin et une prudence extrêmes. II va prendre les œufs dans leurs lieux, là où. le coq s’est trouvé, il les examine avec soin de peur qu’ils ne soient pas frais, puis il les nettoie, les prépare et les dispose dans ses vases comme dans des nids et leur administre la chaleur convenable. Sous l’effet de celle-ci, les sujets mélangés entre eux exercent et subissent de jour en jour leurs influences réciproques jusqu’à ce qu’après un long espace de temps, passant par des couleurs diverses, ils en arrivent à posséder une couleur et une essence uniques. Dans cette œuvre, la solution, la coagulation, la sublimation, l’ascension, la descension, la distillation, la calcination et la fixation s’effectuent comme opérations intermédiaires. Ce qui est dur et compact ne peut en effet être altéré ; c’est pourquoi il est nécessaire de le dissoudre au préalable pour qu’il devienne liquide et mou. Dès que l’on a un corps dissous, il convient de le coaguler pour l’amener non à la dureté primitive, mais à un état où il est souple comme le miel. La sublimation sépare le pur de l’impur, ennoblit ce qui est vil, élève ce qui est bas. Elle doit donc être également présente, étant en quelque sorte la dame et la maîtresse de toutes les opérations. Pendant la sublimation, certaines parties montent assez haut, c’est l’ascension, et d’autres descendent et ainsi s’effectue la descension. Puis la distillation, souvent effectuée dans l’intervalle, clarifie le tout, et ce qui demeure au fond est brûlé. Tous deux deviennent fixes et ainsi s’achève l’œuvre. Si quelqu’un rassemble toutes ces opérations particulières sous la notion de l’opération générale qu’est la COCTION, il ne s’éloignera guère de son dessein. De même en effet que tous les poussins courant ça et là vont se retrouver sous les ailes d’une poule unique, leur mère et leur nourrice, ainsi tant de modes d’opérations, tant de chemins divers se rejoignent tous dans l’œuvre des femmes qui est la coction.

La cause de tout ceci est la Lune qui doit être exaltée au degré sublime du Soleil, ce qui signifie que l’on cherche à réaliser un mariage durable entre le Soleil et la Lune ; lorsqu’il aura eu lieu, toutes les ambassades, les promesses, les étreintes passagères, les incertitudes prendront fin. Il y aura désormais pour l’un et l’autre un seul lit et une seule chair, un amour mutuel et constant, une éternelle paix et une alliance indissoluble. Le Soleil est de peu de prix sans la Lune et la Lune sans le Soleil est de condition méprisée et de vile origine. Mais le Soleil son époux lui confère splendeur, dignité et force, c’est-à-dire fermeté de Pâme et du corps. La Lune, de son côté, assure au Soleil la multiplication de ses enfants et la propagation de sa race.

D’où les paroles du Jardinier (Rosarius) : « Si l’un d’eux seulement se trouvait dans notre Pierre, la médecine ne s’écoulerait jamais facilement et ne donnerait pas de teinture ; et si elle en donnait, elle ne teindrait pas si ce n’est dans la mesure où il y en aurait de reste, et le Mercure s’envolerait en fumée, car il n’y aurait pas en lui de réceptacle pour la teinture. » Et Geber reconnaît au Livre des Preuves que si le Soleil et la Lune sont incorporés ensemble avec art, on ne les sépare pas facilement.

EMBLEME XXXI.

Le Roi nageant dans la mer crie d’une voix forte : Qui me sauvera obtiendra une récompense merveilleuse.

EPIGRAMME XXXI.

Accablé par le lourd diadème, le Roi
Nage en la vaste mer, criant d’une voix forte :
Pourquoi ne m’aidez-vous ? Pourquoi n’accourez-vous,
Quand, délivré des eaux, je puis vous rendre heureux ?
Rendez-moi, par votre sagesse, à mon royaume,
Et vous ne craindrez plus souffrance ou pauvreté.

DISCOURS XXXI.

Savoir nager et reconnaître les lettres, tels étaient, dans l’antiquité, les premiers éléments de toute instruction. C’est pourquoi on disait habituellement d’un homme inculte et sans éducation : « II ne sait ni nager ni lire. » Les Anciens considéraient en effet que la nage pouvait souvent servir à sauver le corps et à l’arracher aux périls de l’eau, et la science, à mettre l’âme a l’abri des flots de la fortune. Ajoutons que la nage se révélait surtout utile à qui était sous les armes, en temps de guerre, et la connaissance des lettres à qui était chez soi, en temps de paix. Nous observons que les bêtes ont leurs armes toutes prêtes et fournies par la nature mais que l’homme a reçu, à la place, contre la violence extérieure, ses mains et son esprit inventif à qui il revient d’imaginer et de découvrir ses armes tandis que les bêtes produisent les leurs et en jouissent. Pareillement la faculté de nager est innée aux animaux mais non à l’homme.

Les premiers, même tout jeunes, se sauvent de l’eau à la nage, tandis que l’homme, fût-il âgé ou très robuste, y périt asphyxié. Il a donc fallu ordonner aux enfants de s’exercer à la nage, ce qui peut se révéler utile dans toute existence, afin que la pratique de l’art remplaçât ce que la nature n’avait pas donné. Les grands, les princes et les rois ont utilise le même exercice pour la sauvegarde de leur corps. Car ils ne sont pas nés en un lieu différent et entièrement libres des hasards de la fortune, mais ils y sont exposés tout comme les autres hommes. Si Denys n’avait pas su nager et lire lorsqu’il fut chassé du royaume de Sicile dont il était le tyran, il aurait péri dans les flots de la mer quand il fit naufrage dans le golfe de Corinthe. Mais s’étant soustrait au péril en nageant, il se rendit à Corinthe où il ouvrit une école pour les enfants et y enseigna les belleslettres ; devenu maître d’école, de roi qu’il était, il tint la férule à la place du sceptre, d’où le dicton : « Denys à Corinthe. »

De même, si le fils royal des philosophes ne savait pas nager, nul n’entendrait ses cris et ne lui porterait assistance alors qu’il serait déjà submergé par les eaux. La nage est donc nécessaire et utile à l’homme de toute condition. Certes, elle ne délivre pas sur-lechamp l’homme des flots de l’immense mer, mais elle lui procure un délai qui lui permet d’être délivré par d’autres. Le roi dont nous parlons se maintient très longtemps ; il ne cesse alors de crier, bien que peu de gens l’entendent et le voient, car la mer est vaste et il est loin, au large. Par chance en effet il atteint en nageant un rocher ou une très grande pierre à quoi il se retient si les flots deviennent trop forts. Veut-on savoir ce qu’est cette mer ? Je réponds qu’il s’agit de la mer Erythrée ou mer Rouge, située sous le Tropique du Cancer. Le fond de cette mer contient en abondance des pierres magnétiques ; aussi la traversée en est-elle dangereuse pour les navires dont la charpente est consolidée à l’aide de fer, ou qui sont chargés de ce métal, car ils pourraient facilement être entraînés au fond par le pouvoir de l’aimant. Le roi déjà cité ignorait cela.

Son navire a donc sombré et tous les passagers ont péri. Il s’est échappé seul à la nage. Il lui est resté sa couronne où luisent d’admirables rubis. Grâce à elle, il peut être aisément reconnu et ramené dans son royaume. Et quels sont les biens que ce fils de roi peut et désire rémettre à celui qui le ramènera dans son royaume ? Ils ne ressemblent en rien, certes, à ceux que Ptolémée, dernier roi d’Egypte, réserva à Pompée par qui son père avait été rétabli sur son trône : ce ne sont pas la trahison et la mort, mais la santé, la guérison des maladies, la préservation du mal, l’usage des choses nécessaires, la corne d’abondance, l’honneur et l’amour. Ce ne sont pas là des biens médiocres et vulgaires, mais les plus précieux auxiliaires et les plus beaux ornements de cette vie : qui donc, s’il n’est de plomb, ne chercherait à se les procurer ? qui ne nagerait au secours de ce naufragé ? qui ne lui prêterait mainforte pour le faire monter dans une barque ? Mais il faut prendre soin, pendant qu’on l’assiste, que son diadème ne tombe pas dans la mer. Dans ce cas en effet on aurait peine à reconnaître en lui le roi et ses sujets ne l’accueilleraient pas ; car le pyrope vénéré de tous aurait péri, la pierre Bezoar qui promet à tous la santé se serait évanouie.

C’est pourquoi le Jardinier (Rosarius) cite Aristote en ces termes : « Choisis-toi comme pierre celle par laquelle les rois sont vénérés dans leurs diadèmes et par laquelle les médecins ont le pouvoir de guérir leurs malades, car elle est proche du feu. » En effet, sans vertu médicinale la couronne serait de nulle valeur. Et que doit-on dire au roi une fois qu’il a été délivré ? Il faut le libérer des eaux qu’il a bues par des sudorifiques, du froid par la chaleur du feu, de la torpeur de ses membres par des bains modérément chauds, de la faim et du jeûne en lui administrant un régime convenable, des maux extérieurs enfin au moyen des remèdes salutaires qui leur sont opposés. Ensuite il faudra pourvoir aux noces royales ; de celles-ci naîtra en son temps un enfant très désiré, plein de grâces aux yeux de tous, rempli de beauté et très fécond, qui surpassera tous ses aïeux par sa puissance, ses royaumes, son opulence, ses peuples, ses richesses ; il soumettra ses ennemis, non par la guerre, mais par son humanité, non par la tyrannie, mais par la clémence qui lui est propre et naturelle.

EMBLEME XXXII.

Comme le corail croît sous les eaux et durcit à l’air, ainsi fait la Pierre.

EPIGRAMME XXXII.

Sous les flots siciliens croît une molle plante
Dont les branches, par la tiédeur des eaux, se multiplient.
Le Corail est son nom ; elle apparaît durcie
Lorsque Borée, du pôle âpre, lance le gel.
Changée en une pierre aux rameaux abondants
Elle est rouge et semblable à la Pierre Physique.

DISCOURS XXXII.

Les philosophes donnent à leur pierre l’épithète de végétale, parce qu’elle végète, croît, augmente et se multiplie à la manière d’une plante. Cela semble aux ignorants étrange et éloigné de la vérité, car il est évident que les pierres ne végètent ni ne croissent de cette façon et ne ressemblent en rien aux métaux liquéfiables. Mais ceux-là se trompent en jugeant de la sorte : ils pensent que ce qui est ignoré d’eux n’existe pas dans la nature, mesurant l’immensité de l’univers à leur propre capacité. Qui aurait jamais cru qu’une pierre pût se développer sous les eaux ou qu’une plante engendrée en un tel lieu pût se pétrifier, si l’expérience et le témoignage constant des écrivains n’étaient là pour le confirmer ? Où se trouve donc cette force pétrifiante, cette force colorante qui durcit et teint le corail : est-ce dans les eaux, dans l’air ou dans la terre ? Il est vraisemblable qu’il s’agit, comme ils l’affirment, d’une plante molle et flexible tant qu’elle est dans l’eau, et cependant de nature terrestre qui, lorsqu’on la coupe et qu’on l’expose aux vents froids, devient cassante comme une pierre. Alors en effet l’air froid et sec dessèche les abondantes parties aqueuses (car ces vents du nord apportent avec eux la sécheresse), et le reste du corps, qui est terrestre, est coagulé par les qualités terrestres de ces vents : la froideur et la sécheresse. En effet, dans le domaine des vertus propres à chaque élément, la terre est seule à posséder le pouvoir de coaguler, qui ne réside ni dans l’eau ni dans l’air.

La mer donne en outre, en d’autres lieux, trois pierres médicinales qui proviennent en partie du genre végétal, en partie du genre animal, ou qui plutôt sont extraites des domaines secrets de la nature. Ce sont les perles, l’ambre jaune et l’ambre gris. L’origine et le mode de récolte des perles nous sont connus, mais non ceux des deux autres pierres. On recueille l’ambre jaune sur les rivages de la Suède, après que le Circius ou Corus a soufflé violemment. Il jaillit sans doute dans la mer des veines de la terre, à la façon de bulles, ou bien la mer l’entraîne comme en lavant, et il est rejeté par les flots sur le rivage, car nous avons vu des minerais de fer et d’argent adhérant à l’ambre, ce qui n’a pu se faire que dans là terre. Quant à la présence de mouches, de moucherons, d’araignées, de papillons, de grenouilles et de serpents dans certaines parcelles, elle provient de l’influence et de la vertu imaginative du ciel, comme nous l’avons démontré ailleurs. Ainsi nous avons eu en notre possession cent vingt petits globes d’ambre taillés qui contenaient chacun un certain nombre de mouches, de moucherons, d’araignées et de papillons ; une parcelle en contenait même neuf, ce qui ne manquait pas de constituer un prodige remarquable de la nature. L’ambre gris se trouve de la même manière, le fait est indéniable, sur les rivages de l’Inde orientale et occidentale. Certains le rattachent au suc des arbres et à la gomme (comme l’ambre jaune ou succin dont nous avons parlé), mais ceux qui le font provenir des veines de la terre jugent avec plus de vraisemblance. Car on n’a vu nulle part d’arbres produisant l’ambre jaune et gris et cependant il est très assuré que ces arbres, s’il en existe, poussent hors de l’eau en des lieux ensoleillés. Nous rapporterons donc l’un et l’autre ambre à des veines souterraines ou à des pierres, de même que les perles aux zoophytes et le corail aux végétaux.

La Pierre des philosophes est assimilée à ces pierres et, tout d’abord, au corail. De même en effet que celui-ci croît dans l’eau et tire sa nourriture de la terre, la pierre philosophique s’est coagulée à partir de l’eau mercurielle et en a pris tout ce qui s’y trouve de terrestre pour son augmentation, en rejetant, par une sorte de transpiration, l’humidité superflue. La coagulation tend à procurer au corail la couleur rouge que des modernes appellent teinture coralline, de la même manière qu’à la pierre physique qui, au cours de son ultime coagulation, rougit et apparaît avec l’aspect du corail le plus rouge, ce qui est la teinture. Si le corail demande, pour durcir, le froid et le sec, la pierre réclame le chaud et le sec. Si l’on augmente ces qualités, elle se liquéfie de nouveau contrairement à la nature des autres pierres qui, certes, se liquéfient, mais se transforment ensuite en verre, ce qui ne convient en aucune manière à celle-ci. Et comme le corail sert à préparer divers remèdes d’une grande efficacité, de même le corail des philosophes a fait passer en lui-même les vertus de toutes les herbes et, pour cette raison, possède à lui seul autant de pouvoir que tous les remèdes tirés de tous les végétaux. Car le soleil céleste qui infuse dans les végétaux leur vertu et leur efficacité médicinales confère à celui qui est son fils et son vicaire terrestre plus de pouvoir qu’à tous les autres. C’est le corail philosophique végétal, animal et minéral qui se cache dans la très vaste mer où l’on ne peut l’apercevoir, afin qu’il ne soit pas exposé aux regards et placé entre les mains des ignorants. Mais il faudra le couper sous les eaux avec la plus grande prudence, pour éviter qu’il ne perde son suc et son sang, et qu’il ne demeure rien qu’un chaos terrestre, sans sa véritable forme. En cela réside toute la difficulté de s’emparer du corail.

Cependant il en est peut-être une autre : je veux parler de l’humidité superflue qui tue la pierre si on ne la sépare, car elle ne laisse pas apparaître le rouge corallin et, tant qu’elle est présente, ne permet pas la coagulation.

EMBLEME XXXIII.

L’Hermaphrodite, semblable à un mort et gisant dans les ténèbres, a besoin de feu.

EPIGRAMME XXXIII.

Cet être bicéphale au sexe double, image
Funèbre, a cet aspect quand l’humide lui manque.
Caché dans la nuit sombre, il réclame du feu.
Si tu lui en fournis, il revit aussitôt.
Le feu détient toute la force de la Pierre,
L’or et l’argent, celles du soufre et du mercure.

DISCOURS XXXIII.

Lorsque sévit le froid de l’hiver, c’est ici l’un des secrets de la nature, les grenouilles et les hirondelles gisent comme mortes, submergées par les eaux, tandis qu’à l’arrivée du printemps elles recouvrent le sens et le mouvement, accomplissant les opérations de la vie sensitive. Si, même en pleine saison des brouillards, on place à l’air chaud ou dans une étuve celles que l’on a trouvées dans l’eau, elles se mettent bientôt à remuer, comme en été. Cela prouve qu’il ne leur manque rien d’autre que la chaleur externe par laquelle la chaleur interne enfermée à l’intérieur puisse être excitée et actualisée. Les philosophes parlent de la même manière de leur Hermaphrodite qui, gisant dans les ténèbres, offre l’apparence de la mort et a besoin de la chaleur du feu. On dit qu’il gît dans les ténèbres parce qu’il est abandonné au sein d’une nuit d’hiver opaque et froide, c’est-à-dire qu’il demeure dans le Noir, qui est le signe du froid ; de là il doit être amené au Blanc grâce à une plus grande intensité de feu et, en augmentant encore celui-ci, au Rouge.

En effet, comme le dit Bodillus dans la Turba : « Rien ne s’engendre sans chaleur ; un bain d’une chaleur intense fait périr, mais s’il devient froid, il fait fuir ; par contre, s’il est tempéré, il convient au corps et lui est agréable. » Bonellus dit au même endroit : « Tous les êtres qui vivent meurent aussi : telle est la volonté de Dieu. C’est pourquoi la nature à qui l’humidité a été enlevée ressemble à un mort, tandis qu’elle est abandonnée dans la nuit. Cette nature a alors besoin du feu jusqu’à ce que son corps » et son esprit soient changés en terre et deviennent à ce moment semblables à un mort dans son sépulcre. Cela étant accompli. Dieu lui rend l’esprit et l’âme ; débarrassée de toute infirmité, notre nature se trouve affermie et purifiée. Il faut donc brûler sans peur cette chose, etc. » Par conséquent le feu qui détruit toutes choses construit celle-ci. À tout le reste il apporte la mort, et à ceci la vie. C’est ici l’unique Phénix qui est restauré par le feu, rénové par les flammes, qui sort des cendres, rendu à une vie nouvelle. Connu des seuls philosophes, il est brûlé et rappelé à la vie, quelles que soient les rêveries que d’autres nourrissent sur je ne sais quel oiseau qui n’existe nulle part et n’a jamais été vu, si ce n’est d’une manière fabuleuse.

L’Hermaphrodite dont parlent les philosophes possède une nature mixte, masculine et féminine ; l’une se transforme en l’autre sous l’influence de la chaleur. De femme en effet il devient homme, ce qui ne doit pas sembler, dans l’œuvre des philosophes, chose si étonnante, puisque, si l’on doit en croire les historiens, on a vu un grand nombre de personnages changer de sexe. Les poètes rappellent les noms de Cénéas, d’Iphis et de Tirésias, tel Pontanus dans Les Etoiles : Qu’ils déplorent pourtant leur sexe, et qu’ils souhaitent Devenir Cénéas, ou bien femme complète.

Et Ausone : « Ramenée à son antique figure, Ceneus se désole4. » Ainsi, sous le consulat de Licinius Crassus et de C. Cassius Longinus, une jeune fille devint garçon, à Cassinum, et Licinius Mutianus rapporte, selon Pline, qu’il a vu à Argos Ariston qui s’était appelé auparavant Aristouse. Il s’était marié, mais bientôt la barbe et la virilité lui étaient venues et il avait pris femme. Pline lui-même dit avoir vu en Afrique L. Cossicius, citoyen de Tisdritanum, changé en mâle le jour de ses noces, et que ces faits pourraient être confirmés s’il en était besoin. Il est assuré que, sous l’action d’une chaleur croissante, les membres génitaux ou virils font saillie à l’extérieur du corps. La femme est beaucoup plus froide que l’homme et garde caché au-dedans d’elle-même ce que le mâle porte à l’extérieur, comme le disent les médecins ; c’est pourquoi la nature incertaine, ne sachant si elle allait engendrer une femme ou un homme, produisit extérieurement une femme, bien qu’elle eût décidé de faire à l’intérieur un homme. La chaleur augmentant avec l’âge, et le mouvement s’y ajoutant, les membres tenus cachés parurent à l’extérieur et se montrèrent à la vue de tous. Chez les philosophes de même la femme devient mâle sous l’effet de la chaleur croissante, ce qui signifie que l’Hermaphrodite perd le sexe féminin et devient un homme robuste et grave qui ne possède en lui rien de la mollesse et de la légèreté de la femme. C’est ainsi que nous avons vu un jour un enfant hermaphrodite de noble famille passé ou plutôt promu à l’état de mule parfait et apte à engendrer des descendants (tel était l’espoir que l’on formait) grâce au célèbre médecin bolonais Casp. Tagliacozzo et à l’habileté de son art chirurgical. On fit un nouvel orifice au membre viril (qui en était dépourvu) et on ferma l’orifice inférieur semblable à celui d’une femme.

Les philosophes n’ont pas besoin de toutes ces opérations manuelles. En effet, tant que la froideur et l’humidité de la lune sont présentes, ils appellent leur sujet femme, et lorsque la chaleur et la sécheresse du soleil sont là, ils le nomment mâle.

Quand ces quatre qualités s’y trouvent à la fois, ils lui donnent le nom de Rebis ou d’Hermaphrodite. Ainsi il sera facile de convertir la femme, c’est-à-dire le froid et l’humidité, en mâle, ce qui s’opère par la seule chaleur du feu, comme il a été dit. La chaleur en effet éloigne et sépare le superflu des humidités et place dans le sujet son idée, qui est la teinture.

EMBLEME XXXIV.

Elle est conçue aux bains, naît dans l’air, et, devenue rouge, marche sur les eaux.

EPIGRAMME XXXIV.

Enfant conçu aux bains, en naissant elle brille
Dans l’air, puis voit les eaux sous ses pieds, rutilante.
Sur le sommet des monts, elle se vêt de blanc,
Celle qui des savants est l’unique souci.
Elle est pierre sans l’être, et, noble don du Ciel,
Sait rendre bienheureux l’homme à qui Dieu l’accorde.

DISCOURS XXXIV.

L‘opinion des hommes ou leur flatterie attribue à certains mortels des naissances particulièrement merveilleuses mais à coup sûr fabuleuses. Ainsi Alexandre le Grand serait le fils, non de Philippe de Macédoine, mais de Jupiter Hammon ; Remus et Romulus seraient nés de Mars, et Platon de la vierge Périctione séduite par une apparition d’Apollon. C’est ainsi que les païens ont voulu démontrer leur origine divine, de même encore que Thessalos, fils du médecin Hippocrate, s’efforce de l’aire croire entre autres aux Athéniens qu’il tire son origine d’Apollon. Mais nous demeurons incrédules à leur égard, sachant bien que ceux à qui ils prétendent faire remonter leur race n’ont existé ni comme hommes, ni comme dieux. Et s’il s’agit de héros qui ont pu paraître parmi les mortels comme des êtres divins, nous nous rendons compte que de tels récits ont été inventés par l’adulation de leurs sujets, de leurs disciples, et de tous ceux qui ont vanté leurs exploits au monde, et qu’ils ont été introduits dans l’opinion du vulgaire par des écrits mensongers. Mais c’est dans des conditions toutes différentes que les philosophes attribuent à leur fils une conception et une naissance inhabituelles. Celui-ci possède en effet, par rapport à tous les autres êtres nés dans le monde, cette particularité que sa conception a lieu aux bains et sa naissance dans l’air.

Les femmes stériles par excès de froideur et de sécheresse peuvent, nous le savons, tirer grand profit des bains chauds et devenir ainsi capables de concevoir, mais, que cette dernière opération doive se produire ou se soit produite pendant le bain, on ne l’a jamais entendu dire. Cela paraît n’appartenir qu’à cet enfant, en raison de la capacité très particulière d’une nature admirable. On dit ailleurs que sa conception a lieu au fond du vase et sa naissance dans l’alambic. Cette affirmation offre plus de clarté. En effet, les eaux du bain, s’il en est, se trouveront, non au sommet ou au milieu, mais au fond du vase, tandis que, dans l’alambic, les vapeurs sont aériennes. Dès que la conception a eu lieu, il monte donc dans l’alambic et il naît dans la couleur blanche.

Au fond c’est le noir qui domine ; le Rosaire en parle en ces termes : « La conception a lieu lorsque la terre se résout en poussière noire et commence à retenir une petite quantité de mercure. Alors en effet le mâle agit sur la femelle, c’est-à-dire l’azoth sur la terre. » Et peu après : « La conception et les fiançailles ont lieu dans la pourriture au fond du vase, et les enfants sont engendrés dans l’air, c’est-à-dire dans la tête du vase ou alambic. » Et la conception aux bains n’est pas autre chose que la putréfaction dans le fumier. Le Rosaire en effet continue ainsi : « Le corps ne fait rien s’il ne pourrit, et il ne peut pourrir si ce n’est à l’aide du mercure. Et il faut que la putréfaction se fasse sans retard au moyen d’un feu très lent de fumier chaud et humide, à l’exclusion de tout autre feu, de façon que rien ne monte. » Car si quelque chose montait, il se produirait une séparation des parties, ce qu’il faut éviter jusqu’à ce que le mâle et la femelle soient parfaitement unis ensemble ; l’un reçoit l’autre et le signe en est le noir de la solution parfaite qui paraît à la surface. Sa naissance est blanche ; elle a lieu au sommet des montagnes, c’est-à-dire dans l’air ou dans l’alambic. Ce que Rosinus explique ainsi à Euthicia : « Le Sage a dit : Prenez les matières extraites de leurs minières ; faites-les monter aux lieux plus élevés et envoyez-les du sommet de leurs montagnes pour les ramener à leurs racines. » Et plus loin : « Par montagnes, il entend les cucurbites, et par sommets des montagnes, les alambics. Car en langage imagé, « envoyer » signifie recevoir leur eau, à travers l’alambic, dans le récipient ; « ramener sur les racines », c’est les ramener sur ce dont elles sortent. Et il a appelé les cucurbites « montagnes », parce que dans les montagnes on trouve le soleil et la lune. De même, dans ces montagnes que sont les cucurbites, leur soleil et leur lune sont engendrés. » Telles sont ses paroles.

Ensuite il devient rouge et commence à aller sur les eaux, c’est-à-dire sur les métaux liquéfiés au feu, qui se présentent à la manière de l’eau mercurielle. Cet enfant est en effet le maître des eaux et il exerce sur elles son empire, tel Neptune ; il est le roi des mers et le possesseur des montagnes. On raconte de Xerxès, roi des Perses, que, se préparant à conduire une expédition en Grèce, il envoya une ambassade à la mer et au mont Athos, pour qu’ils ne lui causent aucun dommage, l’une par ses flots, l’autre par la violence de ses flammes, déclarant que, s’il en était autrement, il tirerait vengeance de tous deux. Mais ce conte fut adressé à des sourds : la mer engloutit plusieurs de ses navires, l’Athos en fit périr un nombre important par l’incendie. Irrité, le roi, agissant en maître de la mer et des monts, fit infliger à la mer un nombre déterminé de coups de fouet et fit précipiter dans la mer une grande partie de la montagne. Mais ces traits prouvent davantage l’audace que la prudence d’un si grand roi. Celui dont nous parlons purifie toutes les eaux de leurs obstacles et de leurs souillures, non par un décret mais par un acte, et s’avance librement sur elles. De plus il les coagule (ce qui est davantage) afin qu’elles soient assez dures pour porter son char, elles qui auparavant ont porté des navires. Il met les montagnes au même niveau que les plaines et ne craint pas les flammes du feu et, ainsi, il se rend librement où il veut, des colonnes d’Hercule aux colonnes de Dionysos, aux confins les plus reculés de l’Inde.

EMBLEME XXXV.

Par Cérès et Thétis, leurs mères, Triptolème et Achille furent accoutumés à rester dans le feu ; agit de même avec la Pierre.

EPIGRAMME XXXV.

Vois Achille, dur au combat, et Triptolème :
Ils bravent les ardeurs du feu grâce à leurs mères.
Dans la nuit, la divine Cérès et Thétis
Les durcissaient aux flammes et, quand venait le jour,
De leur sein généreux leur prodiguaient le lait.
Ainsi la bienheureuse médecine des sages
Comme un enfant à la mamelle
Doit être accoutumée à s’éjouir du feu.

DISCOURS XXXV.

Lycurgue, le fameux législateur des Spartiates, montra par un exemple oculaire au peuple convoqué en assemblée pour un spectacle l’importance de l’habitude et de la pratique, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Il présenta deux petits chiens provenant de la même portée et plaça devant eux un plat rempli de pâtée et un lapin. Voyant la nourriture et le lapin, l’un des chiots délaissa la première et courut à la poursuite du second parce qu’il avait été dressé à le faire, tandis que l’autre, négligeant le lapin, vida le plat comme il en avait, de son côté, l’habitude. Après quoi : « Vous voyez ici. dit Lycurgue, l’importance de l’éducation et des habitudes données dès le plus jeune âge, même chez ceux que la nature a produits égaux et semblables. Il convient donc d’amender la nature de cette manière et de la diriger vers le mieux, car elle est de cire et peut être aisément inclinée vers le vice ou la vertu. » Cette loi, dont Lycurgue a démontré la vérité dans le domaine de la cité, se vérifie également en physique. Chez les hommes et les animaux sans raison, des exemples quotidiens manifestent dans le monde entier l’importance de l’habitude. Chez les végétaux aussi de tels faits se rencontrent en assez grand nombre. II est plus rare d’en constater chez les minéraux et les métaux. Malgré cela, les philosophes fixent leur pierre en l’accoutumant au feu qui lui convient, comme ils l’indiquent en d’innombrables endroits. Il faut en effet la nourrir de feu, comme l’enfant est nourri de lait sur le sein de sa mère. C’est pourquoi Emigan dit : « Regardez l’enfant que sa mère allaite, et ne l’empêchez pas. » Et Bodillus : « L’embryon extrait (du sein) ne se nourrit pas d’autre chose que de lait et de feu, par lui-même et progressivement, tant qu’il est un petit enfant, et, dans la mesure où il est consumé plus entièrement, ses os s’affermissent et il est amené au stade de la jeunesse ; quand il y parvient, c’est assez pour lui. » Et Arnaud dans le Rosaire (L. 2, Ch. 7) : « Il importe toutefois que la médecine elle-même soit rôtie assez longtemps sur le feu et nourrie comme un enfant sur le sein. »

Les plus anciens philosophes ont voulu démontrer les mêmes vérités dans les allégories de Triptolème et d’Achille qui furent habitués à demeurer étendus et à être endurcis sous le feu, car tous deux ne désignent rien d’autre que le sujet philosophique, sinon ce ne serait qu’une sotte fable, indigne d’être adaptée aux réalités morales et introduite dans les oreilles d’hommes instruits. Cérès, jouant le rôle de nourrice, nourrissait Triptolème de lait pendant le jour et le plaçait sous les flammes la nuit. L’enfant était ainsi alimenté de façon parfaite, mais un jour son père Eleusios observa la scène. Cérès alors tua Eleusios et donna au jeune Triptolème un char tiré par des serpents sur lequel il se rendit à travers l’air dans toutes les parties du monde et enseigna aux mortels la culture des céréales. Mais ce Triptolème est la teinture philosophique nourrie sous le feu de cette manière ; conduite par des serpents, c’est-à-dire par Mercure, elle a enseigné aux mortels comment les semences philosophiques doivent être jetées dans leur terre. On attribue le même trait à Osiris qui parcourut pour cette raison l’univers comme nous l’avons exposé ailleurs, et à Dionysos qui voyagea à travers le monde en enseignant aux hommes l’usage du vin. Tous trois, Triptolème, Osiris et Dionysos, ont la même signification et le même rôle, bien plus, ils sont une réalité unique.

Ainsi encore Achille qui, devenu très robuste, devait être envoyé à la guerre de Troie. Son père est Pelée, c’est-à-dire la terre ou le mont Pelée, et sa mère Thétis, déesse de la mer ou des eaux. C’est d’eux que naît Achille. Mais à leurs noces fut apportée la pomme d’or d’Eris, cause première de la guerre de Troie ; aussi celui qui naquit de cette union conduisit à juste titre cette guerre. On dit qu’Achille fut endurci par sa mère de la même manière que Triptolème, dont nous avons déjà parlé, le fut par Cérès. Mais nous en avons assez dit sur ce point au VIe Livre des Hiéroglyphes, et nous jugeons superflu de le répéter ici.

La pierre a donc le feu pour aliment, mais ce n’est pas par ce moyen qu’elle s’étend en longueur, en largeur et en profondeur, comme certains pourraient le croire à tort ; car elle ne tire du feu que sa vertu, sa maturation et sa couleur, et apporte tout le reste avec elle, à la façon de provisions et d’argent pour la route. Lorsqu’on effet toutes ses parties provenant de lieux divers sont rassemblées, purifiées et unies, elle possède en elle tout ce dont elle a besoin. D’où la parole du Philosophe dans le Rosaire : « Cette eau porte avec elle tout ce dont le fœtus a besoin. » Et rien d’étranger ne lui est ajouté du commencement jusqu’à la fin, à moins d’être rendu homogène ; rien n’en est séparé, sauf les parties hétérogènes. Il convient d’autre part d’être attentif à bien reconnaître les dragons qui doivent être attelés au char de Triptolème avant d’entreprendre quoi que ce soit ; ils sont ailés et volatils. Si tu désires les connaître, tu les trouveras dans le fumier philosophique. Ils sont en effet fumier, ils sont engendrés du fumier, et ils sont ce vase dont Marie dit qu’il n’est pas un vase de nécromancien, mais le régime de ton feu sans lequel tu ne réaliseras rien. Je t’ai découvert la vérité que j’ai puisée, au prix d’un labeur incroyable et non sans y avoir consacré un grand nombre d’années, dans les monuments laissés par les Anciens.

EMBLEME XXXVI.

La Pierre a été projetée à terre et exaltée sur les montagnes ; elle habite dans l’air et se nourrit dans un fleuve qui est le Mercure.

EPIGRAMME XXXVI.

La Pierre, vil rebut, gît, dit-on, sur les routes
Afin que riche et pauvre puissent l’y ramasser.
D’autres l’ont située au sommet des montagnes,
Dans les brises de l’air, ou bien buvant aux fleuves.
Ces figures ne mentent point, mais je t’engage
À rechercher de tels présents sur les hauteurs.

DISCOURS XXXVI.

Tous ceux qui ont entendu citer, fût-ce une seule fois, le nom et la puissance de la Pierre, à moins de demeurer entièrement incrédules, ont coutume de demander où l’on peut la trouver, afin de courir vers elle en suivant en quelque sorte la voie droite. Les philosophes répondent d’une double façon : ils disent d’abord qu’Adam l’emporta avec lui hors du Paradis, qu’elle est en toi, en moi, et en tout homme, que les êtres qui volent l’apportent avec eux des lieux éloignés. Ils déclarent ensuite qu’on la trouve dans la terre, les montagnes, l’air et les fleuves. Dans laquelle de ces deux voies faut-il donc s’engager ? Dans l’une et l’autre, mais de la manière qui convient à chacune. La seconde pourtant nous sourit davantage et nous paraît plus sûre.

On dit que la pierre est jetée à terre, parce que l’élément terre apparaît d’abord dans le corps obscur et noir ; ensuite parce qu’elle est chose vile et de peu de prix, foulée aux pieds sur le chemin des voyageurs, et jusque dans le fumier. C’est pourquoi le Rosaire déclare : « Si je la nommais par son nom propre les sots ne croiraient pas que c’est elle. » Et Morien répond à Calid qui veut savoir si on la trouve en grande quantité : « Cela ne fait défaut, comme dit le Sage, ni au riche, ni au pauvre, ni à l’homme généreux, ni à l’avare, ni à l’homme qui marche, ni à celui qui est assis. Car cela est jeté sur les chemins et foulé aux pieds sur ses tas de fumier ; nombreux sont ceux qui dans le passé ont fouillé les fumiers pour l’en extraire, mais ils ont été déçus dans leur entreprise. » Mundus dit aussi dans la Turba : « Si les marchands la connaissaient ils ne la vendraient pas à si bas prix. » Et Arnaud déclare que l’on peut se procurer la pierre pour rien, en aussi grande quantité que l’on veut et qu’il ne faut interroger personne à ce sujet. Et tout cela est vrai.

Qui en effet, s’il n’est inhumain, refusera la terre et l’eau à qui lui en demande ? Comme les très antiques Cimbres avaient demandé de tels présents aux Romains et n’avaient pu les obtenir, leurs troupes se répandirent, ils entrèrent en Italie et massacrèrent des milliers de Romains avec leurs consuls, comme l’attestent les histoires. Car la Terre est ce qu’il y a de précieux en tant que mère et ce qu’il y a de plus vil en tant que matière dernière des choses putréfiées. Rien de plus vil que le limon ou la fange, et ce n’est pourtant rien d’autre que de la terre mélangée d’eau. Quoi de plus commun qu’une motte de terre ? Et cependant Euripyle, fils de Neptune, l’offrit en présent d’hospitalité aux héros Argonautes, en les accueillant. Lorsqu’elle eut été, non refusée, mais acceptée d’un cœur reconnaissant, et ensuite dissoute dans l’eau, elle fut pour Médée l’occasion de nombreuses prophéties. Il faut en effet dissoudre la terre dans l’eau, autrement l’une et l’autre demeurent sans pouvoir.

La pierre est ainsi jetée à terre ; toutefois elle n’y reste pas méprisée, mais elle est exaltée sur les montagnes, l’Athos, le Vésuve, l’Etna et leurs pareils qui vomissent des flammes, et que l’on voit en très grand nombre en diverses parties du globe. Car en eux brûle un feu perpétuel qui sublime la pierre et la porte à la dignité suprême. De même que sa croissance se fait dans les montagnes sous une forme grossière, à partir du soufre et de l’argent-vif, elle mûrit et se parfait au sommet des monts où pousse également une herbe sans laquelle le feu ne peut être tempéré. Si l’on jette cette plante humide et froide dans le feu, la violence de celui-ci est atténuée par son contraire. La pierre passe des montagnes dans Pair où elle trouve une demeure. L’air en effet devient pour elle une maison qui l’entoure, ce qui correspond ni plus ni moins au fait qu’elle est portée dans le ventre du vent et qu’elle naît dans l’air, expressions dont nous avons déjà parié.

Enfin elle s’alimente dans les fleuves, c’est-à-dire que Mercure s’alimente dans les eaux. C’est pourquoi les Grecs pratiquaient des hydrophories en son honneur, car la matière de la Pierre des philosophes est l’eau, comme le dit le Rosaire, et cela doit être entendu de l’eau de ces trois. C’est pour cette raison que Mercure est également appelé tricéphale, à savoir marin, céleste et terrestre, parce qu’il est présent dans l’eau, la terre et l’air. On dit qu’il fut élevé par Vulcain et qu’il a un penchant prononcé pour les larcins, parce que Mercure apprend à supporter le feu, lui qui est volatil et emporte avec lui ce à quoi il est mélangé. Il dicta autrefois leurs lois et leur enseignement aux Egyptiens, et aussi la religion aux prêtres de Thèbes et à une grande partie du monde, car c’est à partir des réalités chymiques que les Egyptiens eurent leur organisation politique et leur culte, de même que les Grecs et les Romains, de même aussi qu’une multitude de nations, comme on l’a démontré plus longuement ailleurs. Mercure tua Argus avec une pierre et changea Battus en pierre indicatrice. Pourquoi m’étendre ? Les volumes des auteurs chymiques n’enseignent rien d’autre que Mercure et ils confirment suffisamment son pouvoir par ce simple petit vers :

Mercure contient tout ce que cherchent les Sages. Il faudra donc le rechercher jusqu’à ce qu’on le trouve, en quelque endroit qu’il réside : dans l’air, le feu, l’eau ou la terre. Car il est vagabond, il court tantôt ici, tantôt là pour le service des dieux chymiques, comme étant leur commissionnaire, et ce rôle qui est le sien est souligné par le fait que certains lui donnent pour fille Angélia.

EMBLEME XXXVII.

Trois choses suffisent pour le magistère : la fumée blanche, qui est l’eau, le lion vert ou airain d’Hermès, et l’eau fétide.

EPIGRAMME XXXVII.

Pour notre magistère il nous faut trois semences :
Onde infecte, vapeur neigeuse et Lion vert.
Les autres éléments sortent de l’eau : les Sages
En retirent leur Pierre ; elle est principe et terme.
L’airain d’Hermès est le Lion vert, la Pierre connue
Des chapitres des Livres, l’eau et la fumée blanche.

DISCOURS XXXVII.

La construction de tout édifice requiert trois choses essentielles ; si l’une d’elles fait défaut l’ouvrage ne peut en aucune manière être parfait ; ce sont le fondement, les murs et le toit. Il faut autant de parties pour compléter le composé philosophique, et elles sont ici nommées par leur nom propre.

L’auteur de l’Aurore dit au chapitre 20 en parlant de la séparation des Eléments : « La terre est laissée à cette place pour que les trois autres éléments puissent prendre racine en elle ; si elle-même n’était pas, les éléments n’auraient pas de fondements pour construire dessus une nouvelle maison aux trésors. » Ce fondement est appelé ici eau fétide ; celle-ci est la mère de tous les éléments, au témoignage du Rosaire, c’est à partir d’elle que les philosophes le préparent, je veux dire l’Elixir, au commencement et à la fin. Elle est dite fétide parce qu’elle dégage une puanteur sulfureuse et une odeur de sépulcres. C’est l’eau fameuse que Pégase fît naître en frappant le Parnasse de son sabot, celle que la montagne de Nonacris en Arcadie fait jaillir de la roche, celle qu’on ne peut conserver que dans un sabot de cheval, à cause de sa très grande force. C’est l’eau du dragon, comme l’appelle le Rosaire, qui doit être réalisée dans l’alambic sans rien y ajouter, et dont la fabrication s’accompagne d’une extrême puanteur. Certains, ayant entendu ces paroles, se sont appliqués à distiller des excréments humains ou ceux d’animaux ; ils ont bien éprouvé une extrême puanteur dans cette opération, mais ont trouvé des excréments dans les excréments. Pourtant ne pense pas que les philosophes soient des scarabées qui opèrent dans les excréments. Sache que la puanteur, s’il en existe, se change bientôt en un puissant parfum, comme Lulle l’atteste de sa quintessence à laquelle il attribue une odeur si suave, lorsqu’elle est confectionnée selon les règles, que, mise à la partie supérieure de la maison, elle attire à elle et arrête les aigles volants. Il place sa quintessence dans le fumier dont la chaleur très douce provoque le dégagement de ce parfum. Certains ont essayé d’y parvenir avec du vin très fort, mais sans succès, et, en conséquence, ils ont accusé Lulle de mensonge, alors qu’eux-mêmes devaient plutôt être taxés de sottise, eux qui ne goûtèrent jamais au vin de Lulle. Mais l’excellent poète d’or a mieux compris Lulle, lui qui chante ainsi au Livre 1 de la Chrysopée : Mais celui-là n’entendit même pas ce que l’auteur semblait dire.

À première vue ; et des vins qui dégouttent Il ne savait pas ensuite opérer le mélange, etc. Après l’eau fétide se présente le Lion vert. Le Rosaire dit de lui ; « Tu as cherché ce qu’était le vert, pensant que l’airain était un corps lépreux à cause de ce vert qu’il possède. C’est pourquoi je te dis que tout ce qui existe de parfait dans l’airain est ce seul vert qui est en lui ; car ce vert est rapidement changé par notre magistère en notre or très véritable, et nous en avons fait l’expérience.

Mais tu ne pourras en aucune manière préparer la pierre sans le duenech vert et liquide qui paraît naître dans nos minières. 0 vert béni qui engendres toutes choses ! » Sache donc qu’aucun végétal, aucun fruit n’apparaît en germant sans que la couleur verte ne soit présente. Sache également que la génération de cette chose est verte, et que pour cette raison les philosophes l’ont appelée germe. Le Rosaire dit : « C’est l’or et l’airain des philosophes, la Pierre connue dans les chapitres, la fumée, la vapeur et l’eau, le crachat de lune qui est uni à la lumière du soleil. » Ce Lion vert lutte avec le dragon ; mais il est vaincu par lui et, avec le temps, il est dévoré.

Lorsque le lion est tombé en pourriture, on espère que de sa gueule il sortira de la douceur (comme chez celui que Samson tua). Le dragon, ayant pris le dessus, se gorge de la chair du lion, si bien qu’en peu de temps il crève et meurt. On pourra en faire une médecine très efficace et très utile dans toutes sortes d’affections, étant donné qu’en elle-même la graisse de lion (leonis adeps) utilisée tous les jours sert de remède contre la fièvre et concilie à tous ceux qui en sont oints grâce et faveur auprès des rois et des peuples.

En troisième lieu vient la fumée blanche. Si on la coagule, elle devient eau et fait office d’eau pour laver, dissoudre, ôter les taches à la manière du savon. C’est le feu contre nature que lu dois t’attacher ù découvrir. On l’appelle ainsi parce qu’il est contraire à la nature, défaisant et détruisant ce qu’elle avait composé avec un soin attentif. On n’alimente pas ce feu avec de l’esprit de vin ou de l’huile, mais à l’aide d’une matière incombustible, de durée et de chaleur constantes ; c’est un feu sans lumière et dont la combustion possède une grande vertu et une grande efficacité ; le trouver dans les ténèbres, puisqu’il ne luit pas, n’est pas une petite entreprise ; l’appliquer ù l’œuvre de la façon convenable est bien plus difficile encore. Nous avons suffisamment décrit, en divers endroits, ses particularités et ses propriétés.

EMBLEME XXXVIII.

Le Rebis, comme Hermaphrodite, naît de deux montagnes : celle de Mercure et celle de Vénus.

EPIGRAMME XXXVIII.

Les vieux récits font de Rebis un être double :
Androgyne, mâle et femelle en un seul corps.
Il est, né sur le double mont, Hermaphrodite
À Mercure enfanté par l’auguste Vénus.
Ne le méprise pas pour son sexe ambigu :
Cet homme-femme un jour te donnera le roi.

DISCOURS XXXVIII.

Comme on demandait à Socrate quelle était sa patrie, il répondit qu’il était cosmopolite ou citoyen du monde. Il voulut indiquer par là que, bien que né de corps à Athènes, il parcourrait librement, par son esprit, le monde entier et tout ce qu’il contient, puisque le sage a pour patrie la terre entière pour qu’il y vive bien. Si l’on demande aux philosophes quelle est la patrie de leur Hermaphrodite, ils répondent qu’il est cosmique (mundanum), qu’il est visible dans tous les coins du monde, là où l’on trouve les Eléments ; c’est bien le fils des Sages, lui qui possède avec eux une patrie commune. Cependant il n’arrive pas que l’on naisse à deux ou plusieurs reprises, nul ne fait son entrée pour la première fois à cette lumière en des lieux divers mais en un seul ; comme Socrate est tenu pour Athénien, le Rebis est réputé être l’habitant de deux monts qui sont ceux d’Hermès et de Vénus, d’où aussi le nom d’Hermaphrodite qu’on lui donne, à cause de ses deux parents. Ses lares aussi sont dans les montagnes, sa patrie est élevée et il descend donc d’êtres de haute naissance. Certes, ce n’est pas un facteur dénué d’importance, si l’on veut accomplir de grandes choses, qu’une patrie noble et puissante, dans laquelle les citoyens sont préférés aux étrangers et portés aux charges publiques pour éviter qu’ils ne demeurent dans l’obscurité, — comme cela se produit dans les endroits modestes —, et faire que rejaillisse sur eux quelque chose de l’éclat de leur patrie, mais il est plus grand encore de se distinguer par ses propres vertus, même si l’on appartient à une pauvre maison, et de procurer soi-même de la lumière à son pays. C’est ainsi que ces montagnes, qui sont inconnues de beaucoup, acquièrent de la renommée grâce à l’Hermaphrodite, à ses illustres exploits et à son nom célèbre à travers toute la terre. Qui en effet, ayant tant soit peu pratiqué les livres des philosophes, n’a pas reconnu le Rebis ? Qui n’a pas vu ou aperçu l’androgyne à deux têtes ? Il s’est fait connaître certes, jusqu’aux Indes et sa renommée s’est répandue plus loin que celle du roi Alexandre lui-même.

Nombreux sont ceux qui partent de régions lointaines pour voir et interroger quelque savant, ou encore un homme fameux pour sa compétence dans le domaine militaire, l’art ou la science. Mais bien plus nombreux sont ceux qui se rendent à ces monts du Rebis, pour peu qu’ils sachent en quel endroit on peut les rencontrer. Morien raconte lui-même dans son livre avec quel zèle et quel soin, après avoir quitté Rome, il rechercha Adferus d’Alexandrie qu’il finit par trouver. Il doit, pour cette raison, être tenu pour fortuné et aimé de Dieu, en ce qu’il apprit d’un précepteur vivant et non d’un livre muet, et qu’il vit en face cette chose qui est le lieu natal du Rebis. Ils doivent témoigner une persévérance et un zèle non moins grands, ceux-là qui, instruits par la raison et les indications des livres, cherchent seuls la patrie du Rebis. Car, bien que les livres semblent parfois contenir de la clarté, celle-ci est entourée et voilée de tous côtés par une grande obscurité, au point que l’on a peine à reconnaître et à discerner l’une de l’autre. C’est pourquoi il faut s’y avancer avec précaution, afin de ne pas les utiliser comme poison, alors qu’ils ont été préparés comme remède. Ils constituent un Océan immense. Pendant qu’ils errent sur cet océan, les navigateurs éprouvés peuvent connaître la latitude, qui est l’élévation de l’Equateur au-dessus de l’horizon, au moyen d’instruments astronomiques, car l’aiguille aimantée indique le pôle septentrional, mais il leur est impossible de savoir la longitude, c’est-à-dire le nombre de degrés qui les sépare du méridien d’origine situé tout près des Iles Fortunées. C’est pourquoi ils ignorent en quel lieu ils se trouvent entre le couchant et le levant. Que doit-on faire à ce moment ? Ce que font d’ordinaire les navigateurs, assister l’expérience par la raison, et apprendre de celle-ci à régler un long voyage au moyen de signes particuliers, promontoires, îles et autres, afin de ne pas heurter par imprudence des bancs de sable ou des écueils. Le péril ici est moindre si la navigation n’avance pas — et si elle avance on trouve grand profit — que là où, en une heure, on est perdu corps et biens.

La montagne du mercure philosophique est, non la montagne de Nonacris ou d’Atlas où l’on croit parfois qu’il est né, mais le Parnasse aux deux sommets dont l’un est la résidence d’Hermès, l’autre celle de Vénus. Là se trouvent aussi Apollon avec les Muscs et la fontaine de Pégase, l’Hippocrène avec le laurier toujours vert. Ce mont possède un nom unique, mais en réalité il est double comme on voit l’Hermaphrodite avec deux têtes et deux sortes de membres en un seul corps. Mais en est-il un entre mille pour persévérer dans la tentative de parvenir au sommet de ce mont ? Qui ne reste collé aux racines, entravé par je ne sais quels rémores ? Combien en est-il pour atteindre le centre de son nombril ?

« Car l’ascension n’est pas aisée pour qui veut gagner les hauteurs escarpées ;
Une abondante sueur le fait disparaître ; sans sommeil, privé de l’olivier nocturne,
II dépérit, et détruit tout ce qu’il avait jusqu’alors loué le plus en lui-même,
Celui qui désire recevoir l’honneur du feuillage éternel. »

Aussi n’est-il pas étonnant que sur dix mille un seul mène à leur terme ces travaux d’Hercule, plante son pied sur la cime du mont, et reçoive la récompense immortelle du laurier. Que tous ceux qui sont ouverts à l’enseignement, adonnés à la vertu et aux lettres, et qui possèdent un esprit bon tirent leur joie de ce prix, et que les porcs et les chiens en soient privés, tel doit être notre seul souhait.

EMBLEME XXXIX.

OEdipe, ayant vaincu le sphinx et mis à mort son père Laïus, fait de sa mère son épouse.

EPIGRAMME XXXIX.

Le Sphinx qui effrayait Thèbes par ses énigmes
Fut réduit par OEdipe à se donner la mort.
Celui-ci dut nommer l’être qui le matin
À quatre pieds, deux à midi, et trois le soir.
Vainqueur, il doit tuer Laïus qui lui résiste,
Et de celle qui est sa mère il fait sa femme.

DISCOURS XXXIX.

Le philosophe Bacasser déclare dans la Turba : « Ce que vous recherchez n’est pas de peu de prix. Vous recherchez le plus grand des trésors, le présent le plus excellent de Dieu. Et reconnaissez, ô chercheurs, ce que les philosophes ont indiqué tout à l’heure en disant ; que ce qui est droit ne se discerne pas sans erreur, et rien n’engendre plus de souffrance dans le cœur que l’erreur dans cet art et dans cette œuvre ; car tandis que l’on pense avoir opéré et posséder le monde, on se retrouvera les mains vides. » Les anciens philosophes ont voulu montrer les mêmes vérités en proposant l’image du Sphinx qui représente l’obscurité et les complications de l’œuvre. C’est pourquoi, dans les mystères isiaques que les Egyptiens célébraient en l’honneur d’Osiris, des prêtres mitres, la tête et tout le corps rasés, portant une tunique Manche et un vêtement de lin, dressaient sur le devant de l’autel une statue du Silence nommée Sigalion, afin que ces mystères soient cachés et demeurent inconnus du peuple ; les assistants recevaient le commandement de se taire et de tourner les yeux vers cette image. Dans le même but ils ajoutaient aux angles de l’autel des statues de Sphinx qui signifiaient la connaissance secrète des choses sacrées.

Boissard le démontre à partir des Anciens. Le sphinx en effet est une espèce de monstre très obscur qui propose des énigmes aux Thébains, et non seulement à eux, mais comme il le fit auparavant aux Egyptiens, il en propose à tous ceux qui aspirent a cet art après eux, et il monte la garde dans les livres des philosophes comme devant les portes de Thèbes. Si quelqu’un échappe à ce monstre, celui-ci ne lui causera aucun mal, mais l’homme qui s’appuyant sur l’audace de son courage ou de ses talents tente de dénouer ses énigmes prépare, s’il échoue, sa propre mort, c’est-à-dire de la douleur pour son cœur et du dommage pour ses biens, pour s’être trompé dans cette œuvre. Celui qui applique ces allégories à l’histoire possède un champignon à la place du cerveau et un melon à la place du cœur, comme dit le Comique, et ne juge pas plus sainement que celui qui s’égare alors qu’il est sur le droit sentier. Ces choses sont par trop puériles et dignes de vieilles femmes si on les prend à la lettre ; saisies différemment elles sont des témoins et des marques d’une doctrine profonde. On dit, il est vrai, qu’il existe en Afrique des bêtes monstrueuses nommées sphinx, mais ce n’est pas d’elles qu’il est question ici, bien que leur origine et leur nom semblent avoir été empruntés à celles qui nous occupent. Le sphinx philosophique a compris et utilisé un langage humain, la langue grecque, et a proposé des rébus subtils et des questions énigmatiques dans lesquels apparaît l’extrême finesse d’un savoir et d’une doctrine remarquables qui évite ainsi de se produire à tout venant (car les êtres sans raison en sont bien éloignés). Tels sont bien les enseignements philosophiques : seuls ceux qui se sont adonnés à leur étude les comprendront facilement. Car là où une chose est dite et une autre comprise, l’équivoque engendre l’erreur, et cela est non seulement permis, mais commandé aux seuls philosophes.

La ville de Thèbes ayant été longtemps tourmentée par les énigmes du sphinx, il se trouva un certain OEdipe qui répondit aux questions posées, d’une manière telle que le sphinx fut contraint de se précipiter du haut d’un rocher. Mais qui est OEdipe ? Le fils du roi des Thébains. Un oracle ayant prédit à son père qu’il serait tué par son fils, le roi ordonna de mettre OEdipe a mort. Il fut suspendu à un arbre au moyen d’une corde passée dans ses pieds que l’on avait percés. Ainsi abandonné, il fut délivré et élevé par un certain paysan. Devenu grand il eut, il est vrai, les pieds enflés, mais il manifesta d’une façon assez claire la vivacité supérieure de son esprit en dénouant l’énigme proposée par le sphinx. On dit que les énigmes du sphinx étaient très nombreuses mais que la principale était celle-ci, qui fut présentée à OEdipe : « Le matin il u quatre pieds ; à midi, deux pieds ; le soir, trois pieds. Qui est-ce ? » On ignore ce qu’OEdipe répondit, mais d’autres l’ont entendu des âges de l’homme, en quoi ils se trompent. Il faut ni effet considérer d’abord le carré ou les quatre éléments de toutes choses ; de là on parvient à l’hémisphère (il a deux lignes, l’une droite, l’autre courbe), c’est-à-dire la lune blanche ; puis on passe au triangle, qui se compose du corps, de l’esprit et de l’âme, ou du soleil, de la lune et de Mercure. C’est pourquoi Rhasis dit dans son épître : « La Pierre est un triangle dans son être, un carré dans ses qualités. » C’est aussi le sujet du XXI° Emblème et de son explication.

Oedipe est accusé de parricide et d’inceste, les deux crimes les plus affreux que l’on puisse imaginer, et qui cependant l’ont porté au trône (trône qui d’ailleurs lui était dû à d’autres titres). Il tua en effet son père qui ne voulait pas lui céder le passage, et épousa sa propre mère. la reine, épouse de Laïos. Toutefois ceci n’a pas été écrit comme une histoire ou un exemple à imiter, mais inventé et présenté allégoriquement par les philosophes pour découvrir les secrets de leur doctrine. Les crimes rapportés se rencontrent en effet tous deux dans cette œuvre ; car le premier agent, ou père, est renversé et terrassé par son effet, ou fils ; puis ce même effet s’unît à la seconde cause jusqu’à devenir une seule chose avec elle ; ainsi le fils est uni en mariage à sa mère et il s’empare du royaume de son père comme en vertu du triple droit des armes, de l’alliance et de la succession. Il a les pieds enflés et, par suite, ne peut courir, il ressemble à un ours, comme le dit Le Suprême Secret, ou à un crapaud, par sa démarche lente. Étant fixe, il fixe les autres corps ; il ne fuit ni ne redoute le feu. Les philosophes ont le plu » grand besoin de ce moyen, bien qu’il soit vil.

EMBLEME XL.

Des deux fontaines fais-en une seule : ce sera l’eau de sainteté.

EPIGRAMME XL.

D’une gorge limpide sort une double source :
En l’une est la tiédeur d’une urine d’enfant,
Mais la seconde est fraîche : on la nomme eau de Vierge.
Donne-leur même cours en unissant leurs ondes :
Ce ruisseau mêlera les vertus des deux sources,
Comme de Jupiter Ammon
La fontaine est chaude et glacée.

DISCOURS XL.

Les prodiges opérés par les eaux sont si grands et si nombreux qu’un gros volume pourrait à peine les contenir ; divers auteurs en ont traité en des endroits variés. Mais on célèbre par-dessus toutes les autres les deux eaux philosophiques, en affirmant d’elles que non seulement elles les égalent mais qu’elles les surpassent toutes par leurs propriétés et leurs pouvoirs. Le Sybaris, l’Axus de Macédoine, le Mêlas de Béotic sont des fleuves qui rendent noirs les troupeaux qui boivent de leurs eaux. Par contre le Crathis, le Clitumne de Mévanie et le Céphise les font passer de la couleur noire a la blanche. Les eaux de Sinuesse en Campanie mettent fin à la stérilité de l’un et l’autre sexes. Le fleuve Afrodisius rend les femmes stériles. La source Caburc en Mésopotamie possède une eau à l’odeur agréable. L’eau d’Anygrum dans le Péloponnèse dégage une forte puanteur. La source de Jupiter Hammon devient tour à tour froide le jour, chaude la nuit, tiède le matin et le soir. Sans nous attarder aux autres, disons que les eaux des philosophes procurent tous les effets, même les plus contraires les uns aux autres. Lulle en parle au Livre de la Quintessence (3e distinction : incération) ; « Ainsi il y a dans l’art, dit-il, une double considération : il faut réaliser, à partir de la nature d’un seul métal, deux liquides de composition contraire ; l’un aura une vertu qui fixe, coagule et durcit, l’autre sera volatil, instable et mou. Ce second liquide est durci, fixé, coagulé par le premier. De ces deux liquides il sort une pierre coagulée, fixe et durcie, qui possède le pouvoir de coaguler ce qui n’est pas coagulé, de durcir ce qui amollit et d’amollir ce qui est dur. »

Ces paroles font apparaître la nature de ces deux eaux et pourquoi il faut les réduire en une seule.

La pierre est en effet appelée eau parce qu’elle fond, et inversement l’eau est dite pierre parce qu’elle broie. Ces eaux sont amenées de divers endroits, moyennant parfois un long parcours, comme on peut le voir à Rome aux alentours de l’Eau de la Vierge et d’autres fontaines artificielles, et il faut ensuite les faire confluer et se mêler pour que, de deux, elles deviennent une seule. Si en effet la vertu de l’une est chaude et celle de l’autre froide, elles acquerront des vertus mixtes si on les mélange, et leurs pouvoirs se tempéreront de façon admirable. De là naîtront des eaux médicinales et thermales très efficaces qui combattront les maladies et les affections de toutes sortes et ramèneront l’homme à une santé vigoureuse. La nature, il est vrai, combine et mélange dans le sein de la terre, par son art secret des compositions, des eaux en grand nombre avec les vertus de divers minerais ; ces eaux procurent ainsi la santé à de nombreux malades ; mais la composition sera beaucoup plus efficace si, en outre, l’art et le régime convenables interviennent, si l’on procède au préalable aux évacuations et au reste, et si l’on mélange entre elles les substances à mélanger. Bien qu’artificielle en apparence cette composition est purement naturelle, car elle est une chose unique, simple, homogène faite à partir d’éléments divers, impossible à réaliser par l’art. Sans l’aide de la nature, à vrai dire, l’art n’opère que brouillamini et confusion, mais non une union véritable et naturelle que seule la nature réalise. La thériaque comprend le mélange artificiel de divers simples ; elle s’obtient en broyant et en faisant fermenter, mais personne n’affirmera sans témérité qu’elle est une composition naturelle et encore moins un médicament homogène. Il est assuré que, si l’on mélange des substances artificielles, elles ne pénètrent pas les unes dans les autres par leurs parties les plus ténues, bien que l’industrie humaine ne puisse pas les distinguer et les séparer de nouveau. Mais on veut examiner, à propos du mélange de toutes les qualités, si les premières thériaques de tous les simples ont été transformées en une seule quintessence ou si elles demeurent encore dans leurs poussières ou leurs substances, comme les accidents dans le sujet ou la couleur sur le mur ; et ensuite ce qu’il faut dire des qualités secondes, troisièmes et quatrièmes. Il est probable que toutes les qualités continuent d’adhérer à leurs sujets propres et qu’elles n’entrent pas en composition entre elles selon un mélange naturel.

S’il en était autrement, les qualités abandonneraient leurs corps, les quintessences seraient quatre dans tout composé artificiel, correspondant ainsi au nombre des classes de qualités, premières, secondes, etc. ; elles seraient alors sans leurs corps et séparables ; mais il n’en va pas ainsi.

Les auteurs écrivent, à propos du coagulum du lièvre, que dans le cas d’un flux provenant de la ténuité du sang, il l’arrête et, en quelque sorte, coagule le sang. Au contraire, lorsqu’il y a coagulation et présence de caillots, il ouvre la voie au sang et le fait couler. Ainsi le vinaigre, le plomb et beaucoup d’autres corps peuvent opérer de façons opposées suivant la diversité des usages, car la nature a réalisé de tels admirables mélanges. Ainsi également l’eau philosophique possède des vertus variées et contraires, car la nature en a opéré le mélange à partir de contraires, avec l’assistance de l’art, et elle en a fait une substance indivisible qui n’est rien d’autre que la quintessence par rapport aux autres substances qui doivent lui être mélangées.

EMBLEME XLI.

Adonis est tué par un sanglier : Vénus accourt vers lui et teint les rosés de sang.

EPIGRAMME XLI.

De son père, Myrrha mit au monde Adonis,
Bien-aimé de Cypris : un sanglier l’accable.
Vénus court : un rosier blesse sa belle jambe ;
La rose blanche alors de ce sang devient rouge.
Les Syriens, l’univers pleurent avec la déesse.
Sous de douées laitues elle place le mort.

DISCOURS XLI.

Nous avons suffisamment exposé et réfuté ailleurs la façon particulièrement impropre dont certains mythologues expliquent l’allégorie d’Adonis, tantôt en rapprochant ce personnage du soleil et le sanglier qui le fit périr de l’hiver piquant, tantôt en le rapportant aux semences des céréales, qui demeurent six mois sous la terre chez Proserpine et un temps égal chez Vénus. Nous proclamons ici avec l’unanimité des auteurs que sons Adonis on entend le soleil philosophique. D’où ces petits vers :

Et tout n’est qu’une même chose,
Dionysos, Soleil, Adonis.
Et Orphée :
Toi qui jouis de noms divers. Adonis,
Père des germes, et à la fois garçon et jeune fille.

Tout cela ne doit s’entendre en aucune manière du soleil céleste, mais du soleil philosophique. Celui-ci en effet exprime l’un et l’autre sexe, mais non celui-là. Ainsi ils attribuent à Dionysos et au soleil les même propriétés qu’à Adonis et inversement, de même qu’à Osiris. Adonis est tué par un sanglier, c’est-à-dire par le vinaigre très aigre ou eau dissolvante dont les dents féroces et foudroyantes enserrent Adonis. Le soleil philosophique est en effet blessé à mort par ce sanglier, il se résout et se divise en morceaux. Mais Vénus s’efforce de porter secours a son amant et, comme il était mort, elle le plaça et le garda au milieu de laitues. Osiris est de même tué par Typhon, et il est coupé en divers morceaux qu’Isis, épouse d’Osiris, recueille et ensevelit après les avoir rassemblés. Le même deuil qui en Egypte suivait la mort Osiris suivait celle d’Adonis en Syrie et dans les royaumes voisins. Là où l’on entendait pendant plusieurs jours des lamentations et des gémissements survenaient ensuite des manifestations de joie et des danses, parce que, pensait-on, celui qui avait été mort était de nouveau en vie et transporté au ciel. C’est de là que naquit la vanité de leur religion ou superstition païenne qui connut un immense développement, le diable lui en fournissant l’occasion et lui procurant de faux miracles.

Cet Adonis naquit (suivant la Fable) de Cinyras, roi de Chypre, et de sa fille Myrrha, inceste criminel si l’on considère l’histoire, et si l’on regarde l’allégorie, acte non illicite mais des plus nécessaires. Car rien ne s’accomplit dans cet art si l’on n’opère la conjonction de la mère et du fils, ou celle du père et de la fille, et s’il n’en résulte une naissance. Ici en effet plus les conjoints sont proches par le sang, au premier ou au second degré de consanguinité, et plus ils sont féconds, tandis qu’à l’inverse, plus ils sont éloignés et plus ils sont inféconds, ce qui est inacceptable appliqué au mariage humain. C’est pourquoi OEdipe épouse sa mère, Jupiter sa sœur, et de même Osiris, Saturne, le soleil, le serviteur rouge, Gabritius. Dans la métaphore de Belin que cite le Rosaire le soleil parle d’Adonis (c’est-à-dire de lui-même) de la manière suivante : « Sachez que mon père le soleil m’a donné autorité sur toute puissance et m’a revêtu d’un vêtement de gloire. » Et peu après : « Car je suis unique et semblable à mon père etc. J’extrais mes serviteurs de leur possibilité et de leur nature et je les revêts dans toutes leurs œuvres de ma splendeur et de ma belle lumière que mon père m’a données. Car je suis excellent, j’exalte toutes choses et je. les abaisse, et aucun de mes serviteurs n’a de pouvoir sur moi sauf un à qui cela est donné parce qu’il m’est contraire. Et celui-là me détruit, mais il ne détruit pas ma nature. Et celui-là est Saturne qui sépare tous mes membres. Après cela je vais à ma mère qui rassemble tous mes membres divisés et séparés. Je suis celui qui illumine tout ce qui est à moi, et je fais apparaître en chemin à découvert la lumière de mon père Saturne, et aussi de ma mère qui se montre mon ennemie. »

Ces paroles sont si claires que, même si quelqu’un n’est que médiocrement versé dans la lecture des auteurs, elles peuvent écarter les ténèbres des yeux de son esprit et manifester la lumière solaire qui est abondamment perçue dans les concordances présentées entre les réalités et les personnages. En effet les notions véritables, bien que recouvertes du voile de l’allégorie, s’accordent entre elles en un concert admirable, les notions fausses se combattent elles-mêmes et entre elles, et partent dans des directions diverses.

EMBLEME XLII.

À celui est versé dans la Chymie, la nature, la raison, l’expérience et la lecture doivent tenir lieu de guide, de bâton, de lunettes, de lampe.

EPIGRAMME XLII.

Que la nature soit ton guide, que ton art
La suive pas à pas ; tu t’égares loin d’elle.
Que l’esprit soit ta canne ; affermissant tes yeux
L’expérience au loin te donnera de voir.
La lecture, flambeau brillant dans les ténèbres,
T’éclaircira l’amas des mots et des matières.

DISCOURS XLII.

Les accidents qui peuvent survenir aux voyageurs sont innombrables, surtout s’ils décident de faire route à pied, la nuit, dans des endroits glissants et dangereux. Pour une telle entreprise quatre choses sont requises comme absolument nécessaires, sans parler de l’argent indispensable et d’un corps robuste. Il faut d’abord un compagnon ou un guide qui n’ignore pas les lieux que l’on doit traverser. Car si un ignorant conduit lin autre ignorant il leur arrive la même chose qu’aux aveugles, et ils sont tous deux précipités, sinon dans la fosse, du moins dans des erreurs et des chemins détournés. Il faut en second lieu un bâton ou une canne qui serve à se protéger du chemin glissant, pour qu’il ne soit pas source de dommages. Troisièmement des yeux sains : les voyages de ce genre sont en effet très périlleux pour les aveugles ou ceux qui ont les yeux malades. Quatrièmement, une lampe ou une torche allumée, afin de pouvoir discerner les endroits incertains de la route.

De la même manière, si quelqu’un entreprend un voyage des plus difficiles pour rechercher la Médecine des Sages, il désirera avoir avec lui, outre les ressources et la vigueur corporelle, quatre choses parallèles à celles mentionnées plus haut et leur correspondant respectivement, à savoir la nature, la raison, l’expérience et la lecture. Si l’une de ces choses fait défaut, le reste ne sera que d’une aide médiocre ou nulle. Car ce sont là comme les quatre roues du char philosophique qui lui permettent d’avancer : il ne peut lui manquer une roue, car dans ce cas rien ne lui sert d’exister encore. La nature présuppose les corps naturels et les esprits, sujets préalablement fournis par la nature, sur lesquels Fart agit ensuite en préparant cela, en le purifiant et en le rendant habilement tel qu’on puisse en faire ce que l’art promet comme terme. Ainsi le potier prend de l’eau et de la terre, le verrier des cendres et du sable, celui qui prépare les métaux, le fer, le cuivre, l’étain, le plomb, l’argent ou l’or, le tanneur, des peaux brutes, et ainsi de suite. C’est ainsi également que l’artiste chymique porte les yeux sur ses matériaux : les uns connaissent parfaitement les leurs dès le premier jour, à d’autres, lorsqu’ils commencent, ils demeurent souvent ignorés durant de nombreuses années, pour ne pas dire pendant toute leur vie. La nature, certes, désigne du doigt les matières, mais nombreuses sont les choses qui obscurcissent l’impression de la nature, de telle sorte qu’on ne peut les reconnaître. La première démarche est donc de contempler profondément la manière dont la nature procède dans ses opérations pour pouvoir obtenir les sujets chymiques naturels, sans défaut ni superfluité. C’est pourquoi la nature doit être le guide et le compagnon d’un si grand voyage et il faut suivre la trace de ses pas.

En second lieu, la raison doit être comme un bâton qui affermit les pas et assure les pieds de peur qu’ils ne trébuchent. Sans raisonnement on risquera de tomber dans des erreurs. C’est pourquoi les philosophes disent : « À propos de tout ce que tu entends, raisonne pour savoir s’il peut en être ainsi ou non. » Nul en effet n’est incité à croire ou à accomplir des choses impossibles, sauf si, doté d’une mémoire débile, d’un esprit obtus et d’une imagination stupide, il s’impose cette tâche en prenant le faux pour vrai et en rejetant le vrai comme faux. Les auteurs déclarent aussi que, quoi qu’ils disent, il ne faut pas se préoccuper des mots, mais seulement des choses et de ce qui doit être compris ; les mots, disent-ils, existent à cause (les choses et non les choses à cause des mots. Si l’on dit, par exemple, que le verre est rendu malléable par la teinture philosophique, pourquoi ne le croirai-je pas, pourvu que la raison me le dicte ? Troisièmement l’expérience donnera des lunettes permettant de voir les choses éloignées. Ce sont des instruments optiques qui aident et corrigent la faiblesse des yeux humains et ont été inventés et fabriqués par l’art. Les expériences tentées, vues ou véritablement entendues à propos de la matière minérale leur sont très semblables. Plus elles seront nombreuses dans la mémoire, plus la raison pourra y puiser, pour les comparer entre elles et avec d’autres, et discerner ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas. Quatrièmement la lecture doit briller dans l’intelligence comme une lampe claire, sans laquelle il y aura de toutes parts des ténèbres et des nuages épais. La lecture des bons auteurs doit être renouvelée souvent, autrement elle ne servira à rien. D’où Bacasser dans la Turba :

« En conséquence, dit-il, celui qui sera patient et qui jouit de bon cœur de sa patience, avancera dans le juste sentier de cet art ; mais si quelqu’un pense pouvoir saisir rapidement le fruit de nos livres, il se trompe et il eût mieux valu pour lui qu’il n’y jetât même pas les yeux, plutôt que l’inverse. » Et la suite de ce passage.

EMBLEME XLIII.

Prête l’oreille au vautour qui parle : il ne te trompe nullement.

EPIGRAMME XLIII.

Occupant le sommet d’une haute montagne
Un vautour crie sans cesse : On me dit noir et blanc ;
Je suis encore jaune et rouge et ne mens pas.
C’est aussi le corbeau qui sait voler sans ailes
Dans la nuit ténébreuse aussi bien qu’en plein jour.
L’un ou l’autre sera la tête de ton œuvre.

DISCOURS XLIII.

Nous entendons tous les jours parler ici et la d’oiseaux dotés de la parole ou rivalisant avec la voix humaine, perroquets, corbeaux, choucas, pies. Ainsi Pline écrit qu’à son époque, lorsqu’il publia son Histoire, Agrippine, femme de l’empereur Claude, possédait une grive qui imitait les paroles des hommes. Les jeunes Césars avaient de leur côté un étourneau et des rossignols exercés aux langues latine et grecque, qui disaient continuellement des choses nouvelles et prononçaient même de longues files de mots. Il n’est pas rare de rencontrer des oiseaux de ce genre et ils paraissent maintenant moins dignes d’admiration, étant donné que l’entraînement et l’exercice peuvent faire parler et bavarder tous les oiseaux dotés d’une langue assez large. Pourtant ce vautour dont les philosophes font mention n’a pas appris en s’exerçant les paroles qu’il peut lui arriver de proférer, mais sa propre nature les exprime tacitement. Les philosophes disent qu’il crie sans cesse et proclame d’une voix forte qui et quel il est. Il imite en cela les grands princes qui tiennent toujours à déclarer leurs titres et leur lignée au début de leurs proclamations, non par quelque trait d’orgueil, mais à cause des autres. Ils font ainsi savoir à tous l’autorité en vertu de laquelle ils gouvernent et le droit d’hérédité qu’ils revendiquent.

De même il est important de connaître les couleurs, marques, en quelque sorte, de ses armes et de ses titres, dont jouit l’oiseau philosophique, et par lesquelles il surpasse tous les autres. « Je suis, dit-il, selon le Rosaire qui cite Hermès, le noir du blanc et le jaune du rouge, et assurément je suis véridique et non menteur. » II se déclare noir, blanc, jaune et rouge, et il l’est véritablement, car bien qu’il ne possède pas encore les trois dernières couleurs d’une façon actuelle, il en attend l’héritage. C’est pourquoi Rosinus déclare au Livre des Interprétations divines : « Prends la pierre qui est noire, blanche, rouge, jaune, l’oiseau merveilleux qui vole sans ailes dans la noirceur de la nuit et dans la clarté du jour. Car de l’amertume qui est dans sa bouche on tire une coloration, et de son sang on tire une eau pure, comme le dit Alexandre : « Prends la Pierre de quatre couleurs, mon fils. » Les livres des philosophes répètent à satiété que toutes ces couleurs, qui sont les principales, se trouvent dans la pierre en ordre successif.

Il ne sera pas hors de propos de dire pourquoi le sujet philosophique est appelé vautour. Parmi les vautours, ceux qui dominent sont les noirs, mais leur vol est lent à cause de la masse de leur corps. On dit que cet oiseau conçoit sans semence mâle et sans union, et que ses petits vivent longtemps, jusqu’à la centième année. Ils font leur nid dans les rochers élevés et personne n’atteint ces nids. Leurs petits sont habituellement au nombre de deux ; ils viennent en aide contre les serpents. Ils conçoivent de l’Eurus. Lorsqu’ils ont commencé à produire des œufs, ils apportent du pays indien une sorte de noix possédant à l’intérieur quelque chose qui remue et rend constamment un son. Lorsqu’ils se le sont appliqués ils mettent au monde de nombreux petits, mais un seul demeure, que l’on appelle IMMUSULUS. Hermodore Fonticus atteste, selon Coelius, que les vautours sont les plus inoffensifs de tous les animaux, car ils ne touchent absolument à rien de ce que les hommes sèment, plantent, cultivent. En outre ils ne tuent aucun animal. Ils épargnent aussi les oiseaux morts, en qui ils reconnaissent d’une certaine façon leurs congénères. C’est pourquoi ils étaient très précieux dans les séances de divination, comme le montrent les origines de la ville de Rome. L’oiseau philosophique manifeste presque toutes les qualités des vautours et c’est donc à bon droit qu’il est appelé vautour par Hermès et les autres, lui dont le vol est lent et la couleur noire. II conçoit de lui-même. Le Rosaire dit en effet, vers la fin ; « C’est le dragon qui s’épouse lui-même, se féconde lui-même et enfante en son jour, etc. »

Et Rosinus à Sarratanta : « Et c’est le serpent qui se fait jouir lui-même, se féconde et enfante en un seul jour, etc. » Il vit très longtemps et se multiplie. Ce que Virgile écrit de l’oiseau phénix convient également à celui-ci (car c’est le même) :

Le corbeau vainc trois fois le cerf aux pieds ailés ; le phénix qui renaît, neuf fois le multiplie. Atteindre ses nids est chose très difficile. Il lutte avec le serpent mercuriel et le vainc, ce qui s’entend du soleil et de la lune. Il est conçu du vent, est porté dans son ventre et naît dans l’air. Beaucoup l’appellent simplement pierre aétite possédant en elle un caillou sonore. On ne trouve qu’un seul immusulus dans le nid philosophique. C’est un oiseau très inoffensif, car il ne fait de mal à personne, est profitable à ceux qui savent et se révèle excellent dans les présages. Mais pourquoi fait-il son nid sur une montagne et pourquoi, s’y étant posé, crie-t-il de la sorte ?

Rosinus répond d’après Rhasis et dit : « Considère les très hautes montagnes qui sont à droite et à gauche et montes-y. C’est là que l’on trouve notre, pierre ; elle est aussi sur une autre montagne qui porte toute espèce de plantes aromatiques, et les esprits ou espèces. » Morien : « Gravissez les hautes montagnes plantées d’arbres car notre pierre s’y trouve et y est cachée. » Et Hermès ; « Prenez la pierre bénie, broyez et lavez la pierre rouge d’où on l’extrait. On la trouve sur les montagnes, et quelquefois surtout dans les cloaques anciens. »

EMBLEME XLIV.

Typhon tue Osiris par traîtrise et disperse ses membres mais l’auguste Isis les rassemble.

EPIGRAMME XLIV.

Dionysos en Grèce, en Syrie Adonis,
En Egypte Osiris, sont le soleil des Sages.
Isis, épouse, sœur et mère d’Osiris
Unit ses membres saints déchirés par Typhon.
Mais le phallus se perd au fil de l’eau marine :
Le soufre qui donna le soufre n’est plus là.

DISCOURS XLIV.

L‘allégorie d’Osiris a été ramenée par nous à sa véritable origine, qui est chymique, et expliquée de façon complète en un autre endroit, à savoir le premier Livre des Hiéroglyphes. C’est pourquoi nous jugeons inutile de répéter ici les mêmes choses (bien qu’il faille dire les mêmes choses à propos des mêmes choses). Nous entreprendrons néanmoins ici un DISCOURS parallèle qui se tiendra toujours et demeurera à l’intérieur de l’enceinte de l’antique chymie (qui a été célébrée et figurée tout entière par les poètes). Me persuaderas-tu qu’Osiris est un dieu ou un roi égyptien ? Je ne le croirai pas, même si tu me persuades de le croire. Tout autre en effet est l’odeur des chiens et tout autre celle des porcs, comme le dit le proverbe. Je nie donc absolument qu’il soit un dieu, et tu te rangeras à mon avis, à moins d’être un païen ou d’avoir une opinion déviée de la droite raison. Il ne fut pas non plus un roi : toutes les circonstances exposées ailleurs le démontrent. Il est le soleil, mais le soleil philosophique, et ce nom qu’on lui trouve attribué ça et là dans les livres a été interprété du soleil extérieur par le vulgaire qui ne connaissait pas d’autre lumière que cette lumière du monde.

Le soleil des philosophes tire son nom du soleil du monde parce qu’il contient les propriétés naturelles qui descendent de ce soleil céleste ou qui lui conviennent. Le soleil est donc Osiris, Dionysos, Bacchus, Jupiter, Mars, Adonis, OEdipe, Persée, Achille, Triptolème, Pélops, Hippomène, Pollux ». La lune, de son côte, est Isis, Junon, Vénus, la mère d’OEdipe, Danaë, Déïdamie, Atalante, Hélène, et aussi Latone, Sémélé, Europe, Léda, Antiope, Thalie. Et ce sont les parties du composé qui avant l’opération est appelé pierre et du nom de tout métal, magnésie. Après l’opération son nom est Orcus, Pyrrhus, Apollon, Esculape. L’artiste est Hercule, Ulysse, Jason, Thésée, Pirithoüs. Innombrables sont les travaux et les périls dont ces artistes épuisèrent la coupe. Voyez les travaux d’Hercule, les navigations errantes d’Ulysse, les périls de Jason, les entreprises de Thésée et la rétention de Pirithoüs. Il y a là un volume considérable de matière et d’enseignement où l’on voit, à toutes les pages, aller et venir Vulcain, Mercure et Saturne, ce dernier comme père et cause de tous, Mercure, comme matière et forme, Vulcain comme agent.

Le soleil prend pour femme la lune sa sœur, Jupiter épouse Junon, comme Saturne prend Rhéa et Osiris Isis. Dionysos est sauvé du corps de sa mère Sémélé consumée par Jupiter, pour être placé dans la cuisse de son père Jupiter afin d’y parvenir à maturité. De même Esculape est arraché à sa mère Coronis. Dionysos devenu grand montre aux hommes le nouveau breuvage du vin et entreprend une expédition jusqu’en Inde. Osiris et Triptolème enseignent la manière de semer et d’utiliser les céréales, Esculape celle d’administrer la médecine. Dionysos, ainsi appelé par les Grecs, est Bacchus pour les Romains, Osiris pour les Egyptiens, Adonis pour les Syriens. OEdipe tue son père et épouse sa mère ; Persée met à mort son aïeul ; Typhon, son frère Osiris ; un sanglier, Adonis. Cérès, nourrice de Triptolème, tue son père Eleusios. Hippomène vainc Atalante grâce a une pomme d’or ; Tantale, père de Pélops, obtint la main d’Hippodamie à la suite d’un concours de chars. Osiris fut coupé en morceaux, et il fut rassemblé par Isis, sa mère, sa sœur et son épouse.

L’enfant Pélops, qui avait été cuit et bouilli, et dont Cérès avait mange l’épaule, fut rendu à la vie, grâce à l’adjonction d’une épaule en ivoire. Achille et Triptolème furent placés sous des charbons la nuit et nourris de lait le jour, l’un par sa nourrice Cérès, l’autre par sa mère Thétis. Achille et Hélène furent les causes de la guerre de Troie, l’une comme cause déterminante, l’autre comme cause efficiente. Hélène naquit d’un œuf et la pomme d’Erisla, première cause du rapt d’Hélène, fut jetée aux noces de Pelée et de Thétis d’où naquit Achille. Pollux fut du nombre des Argonautes que l’on suppose avoir vécu (s’ils ont vécu) cinquante ans environ avant le début de la guerre de Troie, et Hélène sortit du même œuf que Pollux. Hélène était donc une vieille femme lorsque Paris l’enleva.

Achille épousa, aux Champs-Elysées, Médée, qui devait être alors une vieille édentée, à moins qu’elle ne se soit rendu la jeunesse à elle-même, comme elle l’avait fait pour Aeson, père de Jason, et comme Cérès le fit pour Pélops, appelé pour cette raison deux fois pubère. Persée reçut un cheval ailé de Pallas et lui apporta en remerciement la tête de Méduse, tandis que Mercure remettait la harpe et le reste des dieux d’autres armes. Triptolème reçut de Cérès un char attelé de dragons ailes. Pendant que Pallas naissait du cerveau de Jupiter, il plut de l’or à Rhodes, de même que quand le Soleil s’unit à Vénus. Et Jupiter devint or pour séduire Danaë, cygne pour Léda, coucou pour sa sœur Junon, taureau pour Europe, satyre pour Antiope, et ainsi il y a concordance en toutes choses.

EMBLEME XLV.

Le soleil et son ombre achèvent l’œuvre.

EPIGRAMME XLV.

Le soleil, clair flambeau du pôle, ne peut vaincre
La densité des corps : une ombre à l’opposé
Demeure. Elle est la plus vile des choses
Et pourtant l’astronome en tire maint profit.
Mais le Soleil avec son ombre fait aux Sages
Un don meilleur : il achève l’œuvre de l’or.

DISCOURS XLV.

Comme dans un palais rond ou de forme sphérique un feu allumé en un seul endroit se propage jusqu’à l’ensemble des murailles et éclaire à la ronde les parties supérieures et inférieures à l’exception de celles où une table, placée au milieu, l’arrête en s’interposant et provoque une ombre ténébreuse, ainsi le soleil placé dans le beau palais du ciel ou théâtre ciselé illumine de ses rayons toute la concavité du ciel avec les corps diaphanes et pouvant recevoir la lumière qui sont contenus en lui, c’est-à-dire toutes les étoiles errantes et fixes, sauf à l’endroit où la densité de la terre intermédiaire l’en empêche. La en effet l’ombre noire et ténébreuse que l’on appelle nuit persiste jusqu’à ce que la présence du soleil la mette en fuite et qu’à sa place la lumière soit répandue et contemplée. Par conséquent l’ombre et la nuit sont la privation ou absence de la lumière solaire, et le jour est au contraire son irradiation et son expansion de tous côtés. C’est l’ombre qui ne peut supporter la vue du soleil et pour cette raison fuit et se cache tantôt d’une partie de la terre tantôt d’une autre, selon que le soleil est à l’opposé. Le soleil et l’ombre ne se sont jamais vus, bien que cela puisse se faire à n’importe quel moment, si la nature l’admettait. Mais le soleil, comme s’il avait entendu dire qu’elle est son ennemie, la poursuit constamment dans sa fuite et ne peut pas la saisir, car elle n’est jamais fatiguée, ainsi que Buchanan l’a bien chanté dans son Poème Sphérique.

À l’imitation et à l’exemple de ce grand soleil et de son ombre, les philosophes ont observé que leur soleil possède aussi une ombre noire, nébuleuse et fugitive. C’est pourquoi Hermès dit : « Mon fils, extrais du rayon son ombre » ; c’est-à-dire : veille à faire tourner ton soleil au moyen du premier mobile auquel Vulcain commande, pour que cette partie aussi de la terre, qui est maintenant recouverte par l’ombre et la nuit, jouisse de la claire lumière du soleil. Si en effet le mouvement premier ne faisait pas décrire un tour au firmament entier du ciel avec tout ce qu’il contient en chaque jour naturel, c’est-à-dire en vingt-quatre heures, et si le soleil n’était mû que par son mouvement propre, secondaire et annuel, les Antipodes qui se trouvent au-dessous de nous auraient en l’espace de six mois une seule nuit et nous un seul jour et ensuite, inversement, ils auraient le jour et nous la nuit ; l’année tout entière se composerait alors d’un jour et d’une nuit uniques, comme à présent la raison et l’expérience nous prouvent que ces successions se déroulent sous l’un et l’autre pôles. Mais il a plu à la Providence divine d’agir tout autrement. Elle a donc ordonné un double mouvement des planètes, l’un primaire et l’autre secondaire, et a ainsi distribué l’année en un grand nombre de jours. Cette ombre et le soleil ensemble font le jour et la nuit, ce que le soleil ne pourrait pas faire à lui seul puisque sa propriété est d’illuminer tous les lieux et les corps qui lui sont opposés, et non de faire de l’ombre, si ce n’est accessoirement lorsqu’il est absent.

De même le soleil philosophique lui aussi, avec son ombre, fait le jour, c’est-à-dire la lumière, et la nuit ou Latone ou la magnésie, dont l’ombre doit être détruite et brûlée au moyen d’un remède igné, selon les paroles de Démocrite, comme on le voit au début du troisième Livre de La Table d’Or. L’utilité des ombres en astronomie est si grande que sans elles cette science aurait peine à être complétée. Les chimistes déclarent également qu’ils doivent à leurs ombres de mener leur art à sa perfection. Que serait en effet le soleil sans son ombre ? Ce qu’est le battant sans la cloche. Certes, c’est le battant qui effectue le premier mouvement pour que le son soit rendu, mais c’est elle qui rend le son. Il est le plectre, elle est l’instrument ; il est la langue, elle est la vaste bouche. L’ombre est chose très vile, proche du non-être ; de même l’ombre des philosophes est chose noire, plus noire que le noir, comme ils l’appellent, plus vile même que l’algue, non en elle-même, mais au regard de l’opinion et de l’estime des hommes.

Qu’y a-t-il de plus utile que le feu, de plus précieux que l’eau, de plus aimable que la terre qui donne les fleurs et tout ce qu’il y a d’aimable ? Quoi de plus agréable que l’air, puisque toutes choses cessent d’être agréables si on l’empêche d’arriver ? Et cependant, comme ils sont à la disposition des hommes dans leurs sphères largement ouvertes, ils sont tenus pour choses très viles, par un défaut de l’imagination. L’ombre commune et l’ombre philosophique sont, de leur côté, jugées de la même manière. Ceux qui demeurent longtemps dans les ombres souterraines, s’ils sont amenés subitement à la claire lumière du soleil, perdent la vision et la vigueur des yeux. De même ceux qui restent et opèrent dans l’ombre philosophique et ne lui adjoignent pas le soleil sont privés de jugement et des yeux de l’esprit et ils sont frustrés du succès. À midi, quand le soleil céleste est liant, la chaleur est plus grande et l’ombre moins étendue. Ici de même l’ombre diminue lorsqu’on augmente la chaleur, et inversement. Il faut donc commencer lorsque le soleil est dans le Capricorne et, à partir du côté méridional, se tourne de nouveau vers notre pôle. Et la première opération sera accomplie jusqu’au Bélier. Alors commence l’œuvre des femmes jusqu’au Lion ; puis un travail sort de l’autre jusqu’à ce que l’année saisisse sa queue avec sa tête comme un serpent, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’elle soit accomplie.

EMBLEME XLVI.

Deux aigles venus l’un de l’Orient, l’autre de l’Occident se rencontrent.

EPIGRAMME XLVI.

De Delphes, Jupiter un jour lança deux aigles
Aux plages de l’Aurore, à celles d’Occident.
Comme il voulait scruter ce lieu, centre du monde,
La fable dit qu’à Delphes ils revinrent tous deux.
Ce sont là les deux pierres : celle de l’Orient
Et celle du Couchant, qui aiment à s’unir.

DISCOURS XLVI.

Cicéron rapporte au livre De la Nature des Dieux qu’un très ancien Apollon, né de Vulcain, était le gardien d’Athènes. Et certes cette opinion est très véridique si, comme on doit le faire, on la transporte dans le domaine de l’allégorie, car Vulcain produit le soleil philosophique qui est Apollon. Mais l’opinion a prévalu qu’il est né de Jupiter. Alors que Latone portait dans son sein les jumeaux Apollon et Diane conçus par elle de Jupiter, Junon jalouse envoya Python, serpent horrible et d’une taille monstrueuse, pour poursuivre et tourmenter la future mère. La pauvre femme, après avoir erré longtemps, fut enfin amenée par sa barque dans File d’Ortygie chez sa sœur Astérie qui régnait là. Et bien que cette île fût presque entièrement inondée par la mer, elle offrit une place à Latone en couches, et fut pour ce motif appelée Délos (visible) alors qu’elle était auparavant adhlos (obscure). Latone y mit donc au monde ses enfants. Diane sortit la première de son sein et s’offrit comme sage-femme à sa mère en travail pendant qu’elle enfantait son frère Apollon. Et c’est pour cette raison que les femmes enceintes invoquaient sa puissance divine tandis qu’elles accouchaient et qu’elles l’appelèrent Lucine ou Ilitliyie, parce qu’elle montrait là lumière aux nouveau-nés, après leur avoir ouvert les yeux. Apollon naquit donc et, devenu adulte, il mit à mort au moyen de ses flèches Python, qui avait tourmenté sa mère ; il tua les Cyclopes parce qu’ils avaient fabriqué pour Jupiter un foudre destiné à causer la mort de son fils Esculape : celui-ci, foudroyé par Jupiter, fut précipité par lui dans les Enfers, pour avoir rendu la vie à Hippolyte mis en pièces par ses chevaux.

Nous avons démontré en de nombreux endroits le caractère purement chymique de ces récits. En effet, Latone, Cynthie, Apollon et Python sont les sujets requis par l’art, qui se comportent de cette manière les uns à l’égard des autres, ainsi qu’on l’a dit. Comme ces choses avaient été divulguées par les écrits des anciens poètes, Orphée, Linos, Musée, Homère, elles fournirent aux ignorants l’occasion de rendre un culte à Apollon et de le vénérer. C’est ainsi qu’Apollon fut honoré en de nombreux endroits d’Europe et d’Asie et que d’innombrables temples furent érigés en son honneur. Delphes en particulier posséda un temple vénérable, objet d’un antique culte, où rois et princes avaient fait déposer des statues d’or massif et d’argent, très pesantes et très ouvragées, ainsi que d’autres dons précieux qui, pour des raisons religieuses, étaient cachés aux yeux des hommes de toutes conditions, dans des trésors. Pausanias rapporte qu’un squelette de bronze d’un art admirable fut suspendu à la voûte du temple par Hippocrate. Le fameux trépied fut également consacré à Apollon par Pélops lors de son mariage avec Hippodamie, fille du roi d’Elide Oenomaos ; Mulciber avait fabriqué ce trépied et en avait fait don à Pélops. Il avait été dressé au milieu du temple. La Pythie recevait, assise sur ce siège, le souffle du Démon qui s’élançait hors d’une profonde cavité. Saisie par cette inspiration, elle prophétisait et rendait des réponses à ceux qui voulaient savoir le déroulement des choses futures.

Delphes était située en Béotie, aux racines du Parnasse. Près du temple se trouvait une fontaine prophétique, Cassiotis. Si l’on approchait d’elle des torches ardentes, elles s’éteignaient ; si on les en éloignait, elles s’allumaient tout à coup et concevaient des flammes. L’eau de cette fontaine procurait, quand on l’avait bue, le pouvoir de prédire l’avenir. Mais la vie de ceux qui la buvaient était abrégée. Comme pour ces raisons on accourait vers l’oracle de Delphes (le toutes les parties de l’Europe et de l’Asie, les poètes feignirent que ce lieu fût au centre de la terre et ils le prouvèrent par l’exemple de Jupiter qui en avait fait l’expérience en y lâchant deux aigles. Bien que cette fable ne s’appuie pas sur la foi de l’histoire, il n’est pourtant pas étranger à la vérité de l’attribuer aux réalités chymiques, en particulier puisque Apollon tout entier est, comme on l’a dit, (l’origine chymique, bien qu’un démon ait ensuite, sous ce nom, confirmé la superstition et rendu des oracles. Les deux aigles sont les deux pierres dont l’une vient de l’orient et l’autre de l’occident, ce que les philosophes ont démontré de multiples façons. Jupiter les lâcha comme étant les porteurs de ses armes. L’aigle paraît être l’ami d’Apollon ou du soleil, puisqu’il soumet ses petits à l’épreuve du soleil et les fait périr comme étant dégénérés s’ils ne peuvent soutenir sa vue. On dit que ses plumes mêlées à d’autres choses ne pourrissent pas, qu’elle dévorent les plumes des autres oiseaux et admettent facilement la dorure. Il ne meurt ni de vieillesse, ni de maladie, mais de faim. En effet, la pointe recourbée de la partie supérieure de son bec l’empêche, en croissant, de prendre de la nourriture. Après s’en être défait, il se plonge trois fois dans une fontaine et de cette manière revient à la jeunesse. D’où le Psalmiste :

« Ta jeunesse sera renouvelée comme celle de l’aigle ». Seul parmi les oiseaux il n’est jamais atteint par la foudre. Il combat avec le dragon qui, pour cette raison, pourchasse ses œufs. Tous ces présents de la nature donnèrent motif aux philosophes de célébrer l’aigle dans leur œuvre et de lui assimiler la pierre. Comme il existe de cela dans leurs livres d’innombrables exemples évidents, nous n’en ajouterons pas ici.

EMBLEME XLVII.

Le loup d’Orient et le chien d’Occident se sont mutuellement mordus.

EPIGRAMME XLVII.

Du lieu où le soleil se lève un loup survient.
Un chien surgit du point où dans la mer il plonge.
Tous deux gonflés de bile et furieux, ils se mordent.
La rage et son rictus se peignent sur leur face.
Ce sont données à tous partout, toujours, pour rien,
Les deux pierres jumelles que tu dois posséder.

DISCOURS XLVII.

Les philosophes font mention en un grand nombre d’endroits de deux pierres qui sont données pour rien ; ainsi Isaac, Arnaud et d’autres. Parmi ceux-ci Avicenne dit qu’elles gisent rejetées dans le fumier et négligées par la multitude, et que, si on les unit, elles accomplissent l’œuvre. Certains vantent le mercure occidental qui se met au-dessus de l’or et le vainc. Mais, de tous, c’est l’auteur du Conseil du Mariage du Soleil et de la Lune qui décrit le mieux ces deux pierres en citant l’épître Aristote. Il dit « qu’il y a dans cet art deux pierres principales, une blanche et une rouge, d’une nature admirable. La blanche commence à se montrer à la surface des eaux au coucher du soleil, se cachant jusqu’à minuit, après quoi elle tend vers la profondeur. La rouge opère de son côté d’une manière inverse : elle commence à monter sur les eaux au lever du soleil jusqu’à midi, et ensuite elle descend au fond. » Ces pierres sont donc les aigles dont il a été question, qui furent lâchés par Jupiter à Delphes.

Ce sont aussi le loup et le chien venant de régions différentes ou opposées de la terre. L’un a mordu l’autre et tous deux sont devenus enragés, comme Rhasis l’atteste dans son épître. Ces pierres sont le très véritable bezoar ; la plus excellente est envoyée par l’Inde Orientale et se tire du ventre des bêtes féroces ; l’autre, de moindre efficacité cependant, est produite par l’Inde Occidentale, péruvienne ; on l’emprunte aux animaux apprivoisés. Ainsi l’Orient donne un loup très féroce qui tue le chien familier des hommes, ce qui veut dire que le soufre vient de l’Aurore et le mercure du pays d’Hespérie ; celui-ci est mol et facile à manier, celui-là, cholérique et emporté. Ces deux pierres, dès qu’elles se heurtent l’une l’autre, commencent à s’infliger des morsures réciproques. Le chien, remarquable par sa grande taille, remporte la première victoire en terrassant le loup et en le rendant à demi-mort. Mais après cela le loup recouvrant des forces jette le chien à terre et, pendant qu’il est au sol, l’accable jusqu’à la mort.

Pourtant il reçoit auparavant du chien des blessures non moins graves et non moins mortelles que celles qu’il lui avait infligées, jusqu’à ce que tous deux soient achevés et tués par leurs morsures mutuelles. Au sujet du loup, Rosinus dit à Euthicia : « C’est un soldat vainqueur de deux, robuste, d’un grand prix et d’une très grande force, transperçant les corps lorsqu’il se trouve en face d’eux ; il est blanc dans son apparition et rouge à l’expérience. C’est le mâle qui épouse la lune ; certains pensent que c’est l’or d’une conjonction très précieuse dont la coagulation ne se dissout jamais et dont les traces ne sont jamais détruites, que Dieu a accordé aux saints philosophes et aux élus. Sache que la nature a pris son égal comme ennemi ». Et peu après il dit : « Le soufre est très robuste et combat contre le feu qu’il contient et (où il)est contenu. Car de leur union sort une couleur très précieuse et le soufre qui est fugitif de nature ne peut plus jamais fuir après cela, parce que l’âme l’a transpercé ; de la même manière la teinture de l’âme a transpercé le corps et s’est mêlé à lui, et le corps a contenu l’âme et a empêché le naturel de fuir. » Et à celui qui demande ensuite laquelle des deux pierres est la plus forte il répond : « La pierre qui n’est pas pierre est plus forte que l’autre qui est son ennemie. Mais la rouge est plus forte qu’elle parce qu’elle a fortifié ses compagnons par sa vigueur. »

Donc le loup oriental est plus fort que le chien occidental, bien qu’il ne s’empare pas du résultat de la victoire, mais tombe en même temps que son ennemi. Cependant des deux on fait un poison qui teint. La différence entre le loup et le chien est faible, puisque le molosse ou chien énorme présente la forme et l’apparence du loup, au point qu’il paraît avoir été à l’origine un loup et être devenu apprivoisé au cours d’une longue suite de générations. De la même manière le soufre et le mercure différent peu entre eux, puisque le second tire son origine du premier, ou le premier du second. Le mercure, certes, a engendré le soufre, mais le soufre a purifié le mercure et l’a rendu tel.

Lorsque Euthicia demande à leur sujet : « D’où vient sa couleur ? » Rosinus répond : « De son amertume très intense. » Et elle : « D’où viennent son amertume et son intensité ? » Il répond : « De l’impureté de son métal ». Et elle : « Sa couleur rouge ne paraît-elle jamais à la surface ? » Il répond : « Si. » Et elle : « N’est-il jamais plus chaud que le feu ? » Il répond : « Le feu est, par rapport à lui, comme l’eau est par rapport au feu. » Et elle : « Est-il plus fort que le feu ? » Il répond : « Non ». Et elle : « Pourquoi affirmes-tu donc qu’il est pins fort que le feu ? » Il répond : « Parce que s’il rencontre des feux en face de lui, l’un mange l’autre ». Il est donc évident que l’un devient l’aliment et la nourriture de l’autre et que l’un croît dans la même proportion que l’autre décroît, jusqu’à ce que celui qui s’accroît l’emporte et que le dragon ait dévoré le serpent. Dans les grandes batailles il se produit souvent que ceux qui ont subi les plus grosses pertes s’assurent la possession du terrain et la victoire. Ainsi le chien, bien qu’accablé, n’est pas tombé entièrement vaincu, puisqu’il tient son ennemi si étroitement serré que celui-là ne peut vivre sans celui-ci, ni celui-ci mourir sans celui-là.

EMBLEME XLVIII.

Le Roi, ayant bu des eaux, a contracté un mal et, soigné par les médecins, il obtient la santé.

EPIGRAMME XLVIII.

Riche en peuples, en biens, un roi aimait les eaux
D’une source, et s’en fit apporter par ses gens.
Il en boit longuement ; ses veines s’en emplissent.
Pâle, il est assisté par de grands médecins.
Et quand ils l’ont purgé par la sueur, le ventre,
La bouche, on voit ses joues qui se teignent de roses.

DISCOURS XLVIII.

Alors que Xerxès, le fameux et très puissant roi de Perse, conduisait son armée à travers des lieux secs et incultes sous la chaleur ardente, il ne cracha pas quelques gouttes d’eau trouble qu’un soldat lui présentait, mais il les but avec beaucoup de plaisir et récompensa celui qui lui avait apporté cette offrande par un très riche présent. Et certes si quelqu’un à notre époque même (ainsi que l’attestent certaines histoire » très récentes) voyage aux confins de la Perse, il ne trouve que rarement, dit-on, des fontaines d’eau douce, car les eaux stagnantes y sont salées et le sol lui-même présente une grande abondance de substance salée à sa surface. De même le roi dont les philosophes ont fait mention est tourmenté par la soif et a donné l’ordre qu’on lui prépare une grande quantité d’eau douce et, quand on la lui a apportée, il boit jusqu’à satiété, comme chacun peut le voir d’après l’allégorie de Merlin. La guérison du roi malade et ayant perdu toute couleur est entreprise par divers médecins. Les Egyptiens chassèrent les humeurs encore crues en faisant boire leurs médecines, humeurs dont Hippocrate affirme qu’on doit les purger quand elles ont subi une coction, à moins qu’elles ne soient fluides et mobiles. Alors en effet il faut les faire sortir rapidement pour éviter qu’elles n’attaquent et n’assaillent des parties ou des viscères plus nobles. C’est de là que sont survenus chez le roi des symptômes dangereux, comme la lipothymie et la syncope. Les médecins alexandrins arrivant les derniers auprès d’un mal devenu chronique furent tenus pour plus heureux puisqu’ils rendirent le roi à sa santé primitive.

Prodiguer des soins à un si grand roi paraît chose nécessaire, puisque lorsqu’il a été guéri il offre à son médecin une main bienveillante et un visage serein. Noua lisons qu’un grand nombres de guérisons furent récompensées par divers rois de façon magnifique. Ainsi Démocrite reçut deux talents de Polycrate, tyran de Samos ; Erasistrate (qui, selon Pline, fut le disciple de Chrysippe et eut pour mère la fille d’Aristote), pour avoir guéri le roi Antiochus que rendait malade l’amour de sa belle-mère Stratonice, obtient cent talents de son fils Ptolémée ; Jacques Coctier, médecin du roi de France Louis II. reçut de celui-ci, comme honoraires, une pension mensuelle de quatre mille couronnes ; et nous ne faisons pas mention d’autres, plus récents. Mais la guérison de notre roi est récompensée par un présent et un prix bien plus grands encore. Hermès et Geber disent en effet dans le Rosaire : « Celui qui aurait accompli une seule fois cet art, s’il devait vivre mille ans et nourrir tous les jours quatre mille hommes, ne serait pas dans le besoin ». Et Senior le confirme en disant : « Celui qui possède la pierre de laquelle on tire l’élixir est aussi riche que celui qui possède le feu. Il peut donner du feu à qui il veut, quand il veut et autant qu’il veut, sans danger ni manque pour lui. » Le père de Démocrite fut si riche qu’il donna un banquet à l’armée de Xerxès, et un certain Pythius offrit au même roi la solde et le ravitaillement de son armée pour cinq mois, à condition qu’il ne contraignît pas son fils cadet, unique consolation de sa vieillesse, à se rendre dans le camp royal et qu’il lui permît de le garder chez lui. Mais le roi barbare, accueillant d’une façon très indigne la requête de Pythius, ordonna que son cadet fût tranché en deux parties et fixé sur des pals de chaque côté de la voie royale par laquelle l’armée tout entière devait passer, comme le note Sabellicus au Livre II de la III Ennéade.

Pourtant les richesses des hommes ne sont rien en comparaison des biens de ce roi, qui sont sans mesure et sans nombre. Lorsqu’il a été guéri et libéré des eaux, tous les rois et tous les puissants des autres pays l’ont honoré et craint. Et quand ils voulaient voir l’un de ses miracles ils plaçaient dans le creuset une once de mercure bien lavé et projetaient dessus comme un grain de mil de ses ongles, de ses cheveux ou de son sang, chauffaient légèrement avec des charbons, laissaient le mercure refroidir avec les autres corps, et trouvaient la pierre que je sais. C’est le roi dont le comte Bernard rappelle qu’il donne à six (te ses conseillers autant de son royaume qu’il en possède lui-même, pourvu qu’ils attendent qu’il ait recouvré la jeunesse dans le bain et ait été paré de vêtements variés, à savoir, d’une cuirasse noire, d’une robe blanche et de sang pourpre. Car il promet de donner alors à chacun de son sang et de les rendre participants de ses richesses.

EMBLEME XLIX.

L’enfant des philosophes compte trois pères, comme Orion.

EPIGRAMME XLIX.

La Fable nous apprend qu’Hermès, Vulcain, Phoebus
Dans une peau de bœuf jetèrent leur semence,
Et que le grand Orion eut à la fois trois pères.
De trois pères aussi naît l’enfant de Sagesse :
Le Soleil le premier, et Vulcain le second ;
L’homme habile en son art est le troisième père.

DISCOURS XLIX.

Les femmes qui se prostituent à différents hommes conçoivent rarement des enfants viables à cause du mélange des diverses semences. Car la nature, dans la génération de l’homme et des animaux, n’admet que très rarement la superfétation. C’est pourquoi toute progéniture, qu’elle se compose d’un ou de plusieurs sujets, naît d’un père et d’une mère uniques, comme cela résulte des histoires et du sort de ceux qui en jugent autrement, celui en particulier de cette fameuse Marguerite, femme d’Herrmann, comte d’Henneberg, qui, en l’an 1276, mit au monde trois cent soixante-cinq enfants. Tous reçurent au baptême le nom de Jean pour les garçons, et celui d’Elisabeth pour les filles.

Ils moururent ensuite et leur tombeau peut encore être vu, ainsi que le bassin de cuivre dans lequel ils furent baptisés, et l’inscription relatant l’histoire, dans l’église de Lausdun, à un mille de distance de La Haye, dans la direction de la mer, en Hollande. On dit que la cause de ce prodige fut la suivante : la comtesse voyant une pauvre femme porter dans ses bras des enfants jumeaux l’avait appelée adultère, tenant pour impossible que plusieurs enfants conçus ensemble eussent un seul père, et estimant qu’ils en avaient nécessairement plusieurs. La pauvresse, qui se savait pure d’une telle faute, lui avait alors lancé une imprécation et elle avait conçu en un seul moment et d’un seul homme autant de fois qu’il y a de jours dans l’année.

C’est là certes un miracle qui a pour cause la vengeance divine ; mais dans l’œuvre philosophique ce qui est en d’autres circonstances contraire à la nature est facilement admis sous le manteau de l’allégorie. Ici en effet un enfant unique est dit avoir trois pères ou deux, et autant de mères. C’est pourquoi Raymond, que cite le Rosaire, déclare : « Notre enfant a deux pères et deux mères, parce qu’il est nourri avec amour, de toute la substance, dans le feu, et pour cette raison, il ne meurt jamais. » De même Dionysos est appelé « Bimater » (qui a deux mères), lui que Jupiter tira, avant qu’il fût parvenu à maturité, du ventre de sa mère consumée, pour le coudre dans sa cuisse, de sorte que son père devint sa mère.

Mais cet enseignement est mieux mis en lumière dans la conception d’Orion qui est né, dit-on, des semences d’Apollon, de Vulcain et de Mercure mélangées et enfermées dans une peau de bœuf pendant dix mois. Cela serait proprement monstrueux et non simplement fabuleux, si sous cette enveloppe n’était caché un secret de la nature qui n’est pas accessible à tous. Lulle dans la Théorétique de son Testament attribue à ce même enfant philosophique un nombre égal de pères, et à peu près les mêmes. Le premier est le soleil, c’est-à- dire Apollon, ce qui veut dire que le soleil déleste est le premier auteur de cette génération, car, par sa vertu indicible et secrète ou astrale, il opère sur une certaine matière connue des philosophes comme sur la matrice d’une femme, et produit en elle un fils ou enfant semblable à lui-même auquel en vertu de ses droits paternels il remet et abandonne ensuite ses armes et les insignes de ses pouvoirs : la faculté de faire mûrir ce qui n’est pas mûr, et de teindre et de purger ce qui n’est ni teint ni purgé. Ce que le soleil, en effet, accomplit en mille années, son fils le réalisera en une demi-heure. C’est pourquoi afin que naisse en lui-même sa puissance mille fois plus grande que celle du soleil, son père le donne à instruire à Vulcain et en même temps à l’artiste, pour qu’ils cultivent son naturel généreux et qu’il reçoive d’eux un accroissement de vigueur. Ainsi Achille, Jason et Hercule furent confiés à Chiron dans le même dessein, pour qu’il les instruisît. En effet Milon de Crotone qui, étant enfant, portait un veau, porta un bœuf, une fois devenu grand, grâce a cet exercice. Ce n’est pas sans motif qu’en plus du Soleil, Vulcain et l’artiste sont appelés pères de cet enfant, car le premier lui donna l’être mais les autres lui donnèrent sa qualité et sa grandeur. Et on ne peut pas attribuer aux maîtres, pour leur enseignement, un salaire proportionné, de même qu’on ne peut pas donner aux parents une récompense équitable pour l’œuvre de la génération. Ceux-ci façonnent le corps, ceux-là l’esprit. Si l’esprit est plus précieux que le corps, il n’y a pas lieu de témoigner moins de reconnaissance aux premiers qu’aux seconds. Lors de la naissance d’Orion Mercure a fourni la matière, Apollon la forme et Vulcain la chaleur ou cause efficiente externe. De même aussi dans l’œuvre philosophique il convient de faire que trois pères paraissent avoir conspiré pour réaliser un enfant unique dans lequel les Philosophes trouvaient leurs délices.

EMBLEME L.

Le dragon tue la femme et la femme le dragon ; tous deux sont inondés de sang.

EPIGRAMME L.

Du dragon venimeux creuse profond la tombe :
Que la femme l’embrasse en une forte étreinte.
Tandis que cet époux goûte les joies du lit
Elle meurt, et la terre ensemble les recouvre.
Le dragon à son tour est livré à la mort ;
Son corps se teint de sang : vrai chemin de ton œuvre.

DISCOURS L.

La demeure des dragons se trouve dans les cavernes de la terre, mais celle des hommes est sur la terre et dans l’air qui en est tout proche : ce sont là deux éléments contraires que les philosophes commandent d’unir pour que l’un agisse sur l’autre. D’autres entendent ceci de la femme, comme Basile dans la 2ème Clé : « Il n’est pas utile en effet, dit-il, que l’aigle place son nid dans les Alpes, car le froid des neiges ferait mourir ses petits au sommet des montagnes. Mais si ta ajoutes à l’aigle le dragon froid qui a longtemps possédé son habitation dans les pierres et qui sort en rampant des cavernes de la terre, et si tu les places tous deux sur le siège infernal, alors Pluton fera souffler le vent, et il fera jaillir du dragon. froid un esprit igné volatil qui, par sa grande chaleur, brûlera les ailes de l’aigle et excitera le bain sudorifique au point que la neige fondra au sommet des montagnes et deviendra eau. Que l’on prépare avec cette eau le bain minéral qui doit procurer au roi fortune et santé ». Il est étrange assurément que le dragon froid émette un esprit igné. Cependant l’expérience atteste la véracité de ce fait dans les serpents brûlés qui émettent une flamme empoisonnée atteignant les assistants. Et ce n’est pas pour rien que les dragons gardiens des trésors chimiques sont représentés vomissant des flammes, comme celui de la Toison d’Or, celui du Jardin des Hespérides, celui de Cadmus et ceux qui leur ressemblent. Ce dragon habite dans les lieux resserrés des pierres souterraines ; il faut le prendre là et le joindre à un aigle ou à une femme, à celle-ci dans un sépulcre, à celui-là, si tu le préfères, dans son nid : car la nature du dragon est, en d’autres circonstances, d’attaquer les œufs de l’aigle et de livrer à l’aigle une guerre meurtrière.

Il est arrivé, au rapport d’écrivains grecs, qu’un dragon ait aimé une jeune fille et partagé sa couche. Qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que les philosophes veuillent que leur dragon doive être renfermé avec une femme dans une caverne ? Greverus unit les dragons rouges et noirs au fond de l’abîme de la montagne, il les brûle par le feu, et, les noirs venant à périr, il dit au gardien de la montagne de les rassembler de partout et de les porter sur la montagne. Merlin, dans sa Vision, (à moins qu’elle ne soit une fiction) fait mention d’un dragon blanc et d’un dragon rouge. Ces dragons, quels qu’ils soient, qu’il y ait là une femme ou un dragon femelle, agissent l’un sur l’autre jusqu’à ce que tous deux meurent et qu’ils laissent sortir le sang des blessures dont ils sont couverts. On entend ici par dragon l’élément de la terre et du feu et par femme celui de l’air et de l’eau. C’est pourquoi Le Son de la Trompette dit « que le dragon est la matière qui demeure au fond après que l’eau en a été séparée par distillation ». Et, citant les paroles d’Hermès : « L’eau, de l’air qui existe entre le ciel et la terre est la vie de toutes choses. En effet l’eau elle-même résout le corps en esprit, de mort qu’il était le rend vivant et réalise le mariage de l’homme et de la femme. En effet il réalise tout le bienfait de l’art ».

Et il parle également de la terre en ces termes : « Et comprends encore que cette terre même que nous foulons n’est pas le véritable élément, mais elle est élémentée par son véritable cinquième élément ; et la cinquième substance élémentaire ne s’éloigne pas de son corps élémenté duquel la ferre a été formée ». Et peu après : « Mais au centre de la terre sont la vierge et l’élément véritable que le feu ne pourra brûler. C’est le dragon dont nous parlons, qui s’insinue jusqu’au centre de la terre. Comme la chaleur y est grande, il conçoit en lui une ardeur enflammée par laquelle il brûle la femme ou l’aigle ». La femme ou l’aigle est l’eau aérienne ; certains la nomment aigle blanc ou céleste et s’affairent à la réaliser au moyen du Mercure vulgaire ou des sels sublimés, suivant en cela la direction de certains qui sont aveugles dans cet art et font semblant d’être des lynx.

« Mais je te déclare en vérité, dit le comte Bernard dans son Epître, qu’aucune eau ne dissout l’espèce métallique par réduction naturelle, si ce n’est celle qui demeure permanente en matière et en forme, et que les métaux eux mêmes peuvent coaguler à nouveau. » Et peu après : « L’eau ne convient pas aux corps dans les solutions lorsqu’elle ne demeure pas en eux dans les coagulations ». Et un peu plus loin : « Je te déclare en vérité que l’huile qui incère et unit naturellement les natures et introduit naturellement la médecine dans les autres corps à teindre n’est pas composée d’un corps étranger, mais qu’elle l’est seulement à partir des entrailles du corps à dissoudre ».

Donc une fois que l’on a saisi cela, on comprend l’aigle et la femme, comme aussi le dragon et les secrets de l’art presque entier, secrets que nous avons en ouvrant peut-être trop largement le sein de la nature, exposé et manifesté dans ces pages aux fils de l’enseignement, afin qu’ainsi GLOIRE SOIT RENDUE À DIEU.




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Maj : 15/11/2024