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Le Char Triomphal de l’Antimoine🔗 cataloguesEntrée Data.Bnf Rechercher sur Sudoc Rechercher sur Openlibrary Rechercher sur Worldcat
Triumph Wagen Antimonii, Currus triumphalis antimonii


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
𝔏 Basile Valentinpubl. 1604Littératurepubl. Leipzig (Allemagne)AlchimieNon applicable

🕮 Bosc, ref.1530.

🕮 Caillet, ref.809.

🕮 Jouin, ref.547 :

[…] Lenglet Du Fresnoy (III, 317) : Basilii Valentini, Currus triumphalis Antimomii, commentario illustrus a Theodoro Kerkringio, in-12. Amstelodami, 1671 et 1685. Lenglet du Fresnoy cite 22 ouvrages de Basile Valentin.

On trouve dans Rosenthal (p.8, n°123), à l’énumération des œuvres de Basile Valentin : « De Occulta philosophia, oder von der wunderlichen Wiedergeburt der 7 Plancten und Metallen. In Druck verferligt durch. Joh. Thölden, Leipzig, 1611, 66 p. c’est-à-dire De la Philosophie occulte, ou De la Renaissance merveilleuse des sept planètes et métaux, préparé pour l’impression par Jehan Thölden.

Ce dernier ouvrage est catalogué au n°241 sous le nom de J. Thölden.

🕮 Lenglet Du Fresnoy, ref.839:9.

🕮 Ouvaroff, ref.852-854.


Texte et traduction : du haut allemand au français, UBI.

séparateur

AVANT-PROPOS DE L’AUTEUR

Avant que d’entrer plus particulièrement en la matière contenue en ce livre, j’ai trouvé nécessaire d’avertir le lecteur des points principaux à un vrai spagyrique craignant Dieu, lesquels il doit observer exactement et sur lesquels il doit établir le fondement de son art, afin que l’édifice ne vienne pas à être ébranlé par la furie des tempêtes. Ces considérations ne laisseront pas d’être utiles, car elles serviront à nos successeurs en la connaissance de la divine Bonté et à la louange de son saint Nom, et à suivre la loi de ses commandements. Mais l’état de mon ordre requiert un esprit tout différent de celui des autres personnes séculières.
En cette considération, j’ai trouvé cinq choses principales que tous les vrais philosophes et amateurs des sciences doivent observer :

La première est l’invocation de l’assistance divine.
La seconde est la contemplation des choses.
La troisième est la vraie et sincère préparation (des choses).
La quatrième est la méthode de s’en servir.
La cinquième est l’utilité qui en provient.

Il faut qu’un vrai chimiste considère ces cinq points et qu’il les connaisse parfaitement. Car sans iceux, il ne peut jamais acquérir la gloire d’un vrai spagyrique. Nous discourons en particulier de ces choses pour en produire un œuvre en général parfait et utile à tous.

Premier point concernant l’invocation du saint Nom de Dieu

L’invocation de Dieu se doit faire par le moyen d’une dévotion (particulière et un zèle) céleste du plus profond de nos cœurs, avec une conscience nette et pure qui ne soit point chargée d’envie, de gloire et d’avarice, d’oppression du prochain et autres péchés énormes, desquels il faut avoir la conscience libre et déchargée. Car ne vous imaginez pas de pouvoir obtenir les grâces du Saint-Esprit et avoir les trésors de la santé corporelle, si vous n’êtes auparavant sain d’esprit. Car je vous dis en vérité que Dieu ne se laisse pas trompera mais qu’il veut être invoqué et reconnu pour le créateur de toutes les choses du monde par une reconnaissance et obéissance réciproque. Ce qui est bien juste et raisonnable ; car l’homme n’a rien du tout que ce qu’il plut à sa bonté infinie de lui donner. Il lui a donné le corps, la vie, l’esprit et l’âme immortelle. Et pour la conservation de tout cela, il nous a donné le vrai éternel Verbe divin, pour la nourriture de l’âme spirituelle et pour otage de la vie éternelle. II a ordonné pour l’entretien du corps tout ce qui lui était nécessaire", de quoi n’auront jamais faute ceux qui le demandent avec une sincérité et pureté de conscience à celui qui a créé toutes choses visibles et invisibles, le firmament, les éléments (les planètes) et toutes les autres créatures. Car je suis assuré qu’aucun homme impie et méchant ne pourra jamais obtenir la vraie science de médecine ; beaucoup moins il goûtera la douceur de ce pain de vie éternelle.
C’est pourquoi, suivant ma doctrine, il faut premièrement que tous vos desseins et vos espérances soient fondés en la volonté du Créateur ; que vous demandiez sa bénédiction éternelle, afin que vos principes soient tirés de la crainte de Dieu et que, par son assistance, vous puissiez arriver au but de la sapience que vous désirez.
Ceux qui ont l’intention et le désir d’obtenir cette grâce qui est la plus grande et la plus belle du monde — savoir la connaissance de tous les biens des créatures que la bonté divine a donnés pour l’utilité de l’homme, et des vertus admirables qui résident es pierres, plantes, racines, semences, bêtes, minéraux, métaux et autres semblables —, il faut qu’ils éloignent de leur esprit toutes les pensées mondaines, supportent patiemment les adversités en attendant avec espérance en Dieu, le priant avec humilité qu’il leur octroie la fin de leurs désirs, ce qu’il fera infailliblement lorsqu’on y pensera le moins. Car c’est lui qui est le dieu d’Israël, qui a délivré son peuple des mains de Pharaon, qui accorde tout ce qu’on lui demande avec droiture et bonne intention. De sorte que la science ne se peut établir autrement que par l’invocation et l’assistance divine, laquelle ne se doit pas faire avec une mauvaise intention ou un cœur trompeur, mais de même que fit le bon capitaine de Capharnaüm, d’une espérance ferme et d’une foi constante, et comme la Cananéenne. Et lorsqu’on invoque l’aide divine, il faut avoir le désir de la charité chrétienne de communiquer après à son prochain ce qu’on espère obtenir par ses prières. Et, par ce moyen, on aura tout ce qu’on désire et une fin assurée de son espérance, tant de la santé que des richesses.

Deuxième point concernant la contemplation des choses

Après l’invocation de Dieu, s’ensuit la contemplation de toutes choses. C’est-à-dire qu’il faut considérer du commencement toutes les circonstances de chaque chose en particulier, et principalement connaître leurs opérations et vertus, et comment telles facultés leur sont communiquées ; comment les astres coopèrent ; comment les éléments y concourent et comment elles sont formées de leurs trois principes ; de même, comment toutes les choses corporelles se peuvent résoudre en leur première matière ou première essence, ainsi que j’ai déjà dit en divers endroits de mes écrits, afin que de la dernière matière on en puisse faire la première et, pareillement, de la première en faire la dernière.
Voilà ce qu’il faut considérer après l’invocation de Dieu, cette considération étant spirituelle et céleste (aussi bien que la première). Car la contemplation des choses pénètre par la pensée spirituelle de l’homme au plus profond des essences. Et toutes les pensées sont des effets de la spéculation de laquelle il y en a deux sortes. Les unes sont des choses possibles et les autres des choses impossibles. Celles des choses impossibles produisent des pensées inutiles et superficielles desquelles ne sortira jamais aucun effet possible ou aucune chose réelle, sinon des chimères, comme lorsque quelqu’un désire approfondir l’éternité du Seigneur, ce qui est non seulement impossible aux hommes, mais aussi une vanité et un péché contre le Saint-Esprit de vouloir pénétrer les mystères incompréhensibles de la divinité. L’autre contemplation de chaque chose consiste en la possibilité d’icelles. La théorie n’est autre chose que la contemplation de toutes les choses visibles et palpables et qui ont une formelle et temporelle essence ; comment on les peut perfectionner ou résoudre tout ce que chaque corps peut contenir en soi ou produire d’utile ; ce qu’il contient de bon ou de mauvais, poison ou médicament, et comment séparer ce qui est bon d’avec l’inutile et contraire à la santé de l’homme. Comment il faut faire l’anatomie de toutes les choses. Comment il les faut diviser, rompre et pulvériser auparavant, afin qu’on puisse séparer comme il faut les impuretés d’avec ce qui est pur et net. Laquelle séparation se peut faire en plusieurs manières : les unes sont communes à la pratique ; d’autres inconnues et non vulgaires, comme lorsque vous calcinez, sublimez, réverbérez, circulez, putréfiez, digérez, distillez, cohobez et figez. Lesquelles opérations se font les unes après les autres, par degrés, en la pratique, et s’apprennent en travaillant ; et par le moyen desquelles on peut connaître ce qui est fixé et ce qui ne l’est pas ; ce qui devient blanc, noir, rouge, bleu ou vert, et ainsi du reste, en toutes les opérations où les maîtres agissent bien (selon la nature), avec bonne considération. Car les opérations où les maîtres agissent ainsi ne peuvent qu’être bonnes, parce que les opinions peuvent bien tromper, mais la nature ne s’abuse jamais lorsque elle est conduite par celui qui opère avec elle. C’est pourquoi si vous avez manqué de bien gouverner la nature en la séparation de ses parties, apprenez mieux la théorie pour faire meilleur fondement de votre Art et avoir les principes assurés pour la séparation ou la résolution des choses, ce qui est le principal point.

Troisième point concernant la vraie et sincère préparation des choses

Après avoir bien entendu, en considérant toutes ces choses en particulier, et pénétré les circonstances susdites, ce qui n’est rien autre chose que la théorie, s’ensuit la vraie méthode de les préparer, laquelle se pratique par opération manuelle, afin qu’il s’ensuive des effets réels.
Et par telles opérations, vous acquerrez la science, les vrais fondements et les moyens des vrais médicaments. Les opérations manuelles se font par une pratique continuelle. Et la science s’acquiert et tient sa gloire de l’expérience, avec telle distinction que l’une se connaît avant l’autre par certaine faculté. Et l’anatomie des choses est le vrai juge de toutes deux. Les opérations manuelles donnent à connaître comment toutes les choses (cachées) se peuvent rendre manifestes et notoires. La science nous donne la pratique et les vrais fondements pour devenir bon praticien, et n’est autre chose que la confirmation des opérations manuelles, lorsque elles ont bien procédé et découvert les secrets de la nature qui étaient auparavant cachés.

Quatrième point concernant la méthode de se servir des bons médicaments

La préparation des choses étant faite par la séparation du bon d’avec le mauvais, il faut observer la méthode de s’en servir pour les hommes. En quoi il faut premièrement avoir égard à la mesure et au poids des doses qu’il en faut donner, ce qu’il faut noter et observer en leurs opérations : voir si elles sont trop fortes ou trop faibles, si elles profitent ou portent dommages. Ce qu’un médecin doit savoir auparavant que de les ordonner, s’il ne veut faire ouvrir de nouveaux cimetières, perdre son âme et sa réputation.

Cinquième et dernier point concernant l’utilité des bons médicaments

Après que les médicaments ont fait leur opération et se sont portés es membres du corps pour chasser la maladie et y faire les effets destinés, il reste finalement à observer l’utilité ou le dommage que telle opération aura produit. Car il se peut bien faire que les médicaments opèrent aussi bien en mal qu’en bien, et en tel cas ils ne sont pas médicaments mais poisons.
C’est pourquoi il faut bien remarquer ce dernier point et mettre par écrit tout ce qui se passe touchant l’utilité et dommage que les médicaments font aux malades, afin qu’en cas semblables on les puisse éviter. Il faut pareillement avant que prescrire les médicaments, faire distinction des maladies internes et externes. Car si elles consistent au centre du corps, il les faut attirer ou chasser par quelque remède intérieur à la circonférence ou dehors, parce qu’il leur faut ordonner tels médicaments qu’ils puissent pénétrer jusqu’au centre de la maladie, dissiper les causes morbifiques et restaurer ensuite la santé, si on en vient jusqu’au centre. Notez que toutes les maladies externes qui ont leur origine de l’intérieur et qui sont arrêtées en quelques parties ne se doivent pas guérir par les seuls médicaments externes, ou autrement la mort est sûre. Car si on veut repousser les fleurs d’une plante dans leurs boutons, il est nécessairement vrai qu’un tel mouvement contre nature sera cause de la perte de la plante.
C’est pourquoi il faut faire grande différence des plaies récentes extérieures d’avec les ulcères et tumeurs anciennes procédant de quelque indisposition interne. Car elles" se peuvent guérir par des remèdes topiques et extérieurs ; mais celles-ci ont besoin de médicaments internes pour épuiser la source de telles maladies. Il n’y a de finesse à guérir une plaie récente faite par quelque cause externe. Car un simple paysan la peut médicamenter avec une pièce de lard. Mais l’artifice consiste à empêcher les symptômes qui peuvent y arriver et tarir la source de ceux qui procèdent de quelques parties internes offensées.
Or pour entamer les discours de nos inventions, il faut remarquer que l’odeur des corps se doit soigneusement observer par ceux qui sont vraiment philosophes. Lesquels doivent rechercher ce qu’est une telle odeur, bonne ou mauvaise, d’où elle provient, en quoi consiste sa vertu, et comment on peut en tirer de l’utilité pour la santé de l’homme. Car il arrive qu’une merde puante engraisse la terre, la nourrisse et la fertilise, de sorte qu’elle en produit des fruits odorants. Ce qui se fait par plusieurs causes, lesquelles voulant toutes décrire en particulier, aussi bien que celles de l’altération, des corruptions et générations admirables de la nature, il faudrait faire des grands volumes. Mais la principale cause de tels transmutation et changement d’une forme en l’autre est celle-ci, savoir la digestion et la putréfaction, en ce que le feu et l’air produisent une maturité naturelle des choses, afin que de l’eau et de la terre il se fasse un changement. De même, on peut séparer un baume odoriférant de la fiente puante d’un paysan et réciproquement d’un baume odorant en faire une matière bien puante. Vous me pourrez dire avec raison que je vous apporte des comparaisons bien grossières ; il est vrai, je l’avoue. Mais ceux qui cherchent la cause des choses ne s’en doivent pas formaliser, puisqu’elles nous enseignent comment l’on peut transformer les choses viles en des choses précieuses, et les nobles en d’autres viles, comment on peut faire dégénérer un bon médicament en poison et changer la malignité d’un poison en un médicament très utile, d’une chose douce et agréable à la Nature en produire une amère et corrosive ; et des corrosives en faire des bonnes et utiles. La Nature ne laisse pas toujours ouvert le cabinet de ses secrets à un chacun.

Sainte aspiration et prière de l’auteur au Seigneur notre Dieu

Et vous, mon Dieu et mon Créateur, vous avez donné la vie aux hommes si brève qu’ils ne peuvent parvenir au bout de tous vos mystères naturels. Vous avez bien fait de vous réserver les plus grands, afin qu’un chacun se contente de les admirer et vous en donne la gloire que vous méritez comme le Créateur de toutes choses. Accordez-moi la grâce que je puisse toujours vous admirer en vos œuvres et vous louer éternellement dans mon cœur ; que je puisse, outre la santé et la nourriture corporelle que votre bonté infinie m’a données, obtenir celle de l’âme en votre céleste demeure, de laquelle je n’ai aucun doute, puisqu’on l’Arbre de la Croix vous avez répandu le vrai Baume et le Soufre céleste, pour moi, pauvre pécheur, et pour tous les autres. C’est ce Soufre admirable qui est le vrai médicament des âmes pécheresses et pénitentes, qui les guérit de la mort éternelle et qui donne la vie bienheureuse à vos élus, aussi bien que la damnation à Satan et à ses adhérents.

Analyse des grandes vertus de l’Antimoine

Venons maintenant (dit l’auteur) à notre Antimoine. Et auparavant il faut savoir que toutes les choses du monde contiennent en elles-mêmes des esprits agissants et vivifiants qui habitent dans les corps ; lesquels se repaissent d’iceux, se nourrissent, s’entretiennent ; les éléments mêmes ne sont pas sans esprit. Laquelle demeure il faut rechercher dans tous les corps, soit-elle bonne ou mauvaise. Les hommes et tous les animaux ont en eux un esprit actif et vivifiant, lequel étant séparé de leurs corps, il ne reste plus qu’un cadavre. Toutes les plantes contiennent en elles un esprit de la santé humaine, autrement on ne s’en pourrait servir dans la médecine. Les métaux pareillement et tous les minéraux entretiennent avec eux un esprit imperceptible dans lequel résident principalement toutes leurs facultés et vertus, en ce qu’ils peuvent servir à la vie de l’homme.
Car tout ce qui est dépouillé de ces esprits n’est qu’un corps mort et ne peut produire aucune opération vivifiante. C’est pourquoi il faut aussi conclure qu’il y a dans l’antimoine un esprit qui règne. Lequel doit exécuter toutes les opérations et vertus que nous voyons sortir d’un tel corps minéral, ce qui se fait néanmoins invisiblement, de même que la calamité a aussi une vertu cachée d’attirer à soi le fer, qu’elle conserve totalement en ses esprits, desquels nous parlerons en son lieu.
Ces esprits des corps sont de plusieurs sortes. Car il y en a qui sont visibles aux sens extérieurs, qui ont quelque intelligence et un raisonnement spirituel. Lesquels esprits néanmoins se rendent imperceptibles quand ils veulent et se dépouillent de leur corps. Tels sont les esprits des éléments et ceux qui habitent auprès d’eux, comme les esprits du feu qui paraissent comme des chandelles en l’air et ont des formes visibles de diverses sortes. Il y en a d’autres, qui sont des esprits de l’air, qui demeurent toujours en l’air. De même il y a des esprits dans l’eau, qui s’appellent aquatiques. Finalement, il y en a dans la terre qui se montrent principalement es lieux gras, autour des mines et des montagnes. Tous ces esprits ont de l’entendement et ont des arts particuliers et savent changer leurs formes. Je les laisserai tels qu’ils sont jusqu’au jour du jugement universel, auquel ils doivent recevoir leurs sentences comme nous autres. Je laisse ce secret à l’inscrutable et divine sagesse du Tout-Puissant.
Les autres esprits, lesquels ne parlent point et ne peuvent paraître en formes visibles ou perceptibles, sont ceux-là qui demeurent dans les corps des bêtes et des hommes, des plantes et de toutes les choses végétatives, aussi bien que des minéraux, lesquels ne laissent pas d’avoir une vertu active et une nature vivifiante qui se manifeste par les opérations qu’ils exercent et font paraître lorsqu’ils sont séparés de leurs corps par le moyen de l’art. Pareillement, l’esprit actif de l’antimoine manifeste ses admirables vertus et les communique aux hommes lorsque préalablement, pour être plus pénétratif, on l’a tiré ou séparé de son corps comme d’une prison, et qu’on lui a donné la liberté d’exercer plus amplement ses forces ; à quoi sert beaucoup la disposition du maître et de la Nature. Car il faut que Vulcain et le chimiste s’accommodent ensemble. Le feu sépare les esprits, et le maître forme la matière. Et de même qu’un maréchal ou forgeron ne se sert que d’un feu et d’une seule matière, qui est le fer, duquel il forme divers instruments, de sorte que d’une seule matière il prépare diverses formes pour différents usages, de même l’on peut former de l’antimoine plusieurs choses utiles. Et le Philosophe ressemble au maréchal qui perfectionne tout par l’opération, qui ensuite nous enseigne son usage.

Sainte exclamation de l’auteur sur la folie et l’aveuglement des humains

O mon Dieu! pourquoi est-ce que le monde est si fol qu’il n’a point de vue ni d’oreilles ni d’esprit? Pourquoi ne fait-il pas différence des trompeurs et charlatans de la vraie science qui se connaît par l’usage des médicaments? S’il avait tant soit peu de jugement, ne devrait-il pas quitter le bourbier dont il est continuellement abreuvé pour venir boire les eaux vives de la santé à la vraie source de la vie? Je veux bien que tout le monde sache que je rendrai en vérité plusieurs grands maîtres ignorants, et qu’au contraire beaucoup de pauvres écoliers qui sont rebutés et méprisés se rendront savants par les effets de mes expériences, et même grands médecins. Car pourvu qu’ils suivent ma doctrine, ils obtiendront tout ce qu’ils souhaitent et auront un perpétuel souvenir de ma mémoire quand je serai dans le tombeau. Et ceux qui, après mon décès, voudraient ressusciter mon corps pour disputer avec moi, trouveront leur réponse dans mes écrits, étant assuré que les sectateurs de ma doctrine n’oublieront pas mes préceptes. Car ils feront conquête de l’empire de la vérité, qui est le fondement de mes opinions et qui sera toujours triomphante contre tous les mensonges et demeurera à jamais victorieuse.
De plus, le lecteur doit être averti qu’il y a plusieurs sortes d’antimoine. Car l’un est beau, net, et a une propriété de l’or, parce qu’il contient en soi beaucoup de mercure. L’autre contient beaucoup de soufre et n’approche pas tant de la nature de l’or que le premier, qui a plusieurs petits rayons blancs et resplendissants. C’est pourquoi le premier est meilleur que l’autre pour l’usage de la médecine chimique, de même que la chair de poisson est bien moins bonne pour la nourriture du corps humain que celle des autres bêtes terrestres, quoiqu’ils soient tous des animaux ; ainsi la même différence se trouve d’un antimoine à l’autre.
De plus, il se tiendra pour averti qu’il y a plusieurs personnes qui écrivent des facultés de l’antimoine. Mais la plupart de ceux-là n’entendent pas les raisons de ses vertus et n’ont jamais appris ni trouvé par quel moyen il les peut réduire en action, d’autant qu’ils n’en écrivent qu’avec opinion. Et il ne faut pas s’étonner s’ils n’en obtiennent pas ce qu’ils désirent. Car pour parler de l’antimoine pertinemment, il est nécessaire d’avoir fait plusieurs observations de ses vertus, supporté grand travail en sa préparation, et avoir trouvé le vrai esprit dans lequel réside sa vertu, afin qu’on en puisse donner de vrais documents et en avoir une science infaillible pour connaître ce qui est bon ou mauvais en lui, ce qui est poison ou médicinal. Ce n’est pas peu de chose que de savoir-faire un bon examen de l’antimoine pour pénétrer son essence et trouver par expérience comment il faut séparer sa malignité (arsenicale) de laquelle se plaignent tant de gens, et le rendre un médicament bénin sans aucun poison. Il y en a d’autres qui ont extrêmement blâmé l’antimoine et en ont écrit des volumes entiers, mais beaucoup plus à leur perte qu’à celle d’une chose naturelle qui n’agit sinon que quand on la sait disposer et préparer. Car tous ceux-là n’ont jamais su la vraie méthode de le préparer ; c’est aussi pourquoi il ne faut pas s’étonner s’ils en ont mal écrit. L’antimoine se peut avec raison comparer à un cercle qui n’a point de fin, ainsi que le mercure est aussi qualifié. Il est de toutes les couleurs du monde, et plus on recherche ses vertus et plus on peut en apprendre, pourvu qu’on y procède comme il faut. Enfin un homme ne peut connaître ses vertus toutes ensemble, à cause que sa vie est trop courte. Il est vrai qu’il est un poison, et même un poison au dernier degré. Mais aussi est-il sans poison et se peut dire le remède des remèdes et le premier trésor de la vie, extérieurement appliqué et pris intérieurement. Ce que ne peuvent pas voir ceux qui sont aveuglés par l’ignorance. Ce défaut leur devrait être pardonné s’il était seul ; mais le pire est qu’ils ne veulent rien voir ni apprendre en ce cas ni en d’autres semblables.
L’antimoine a les quatre extrémités et qualités en soi avec leurs propriétés. Il est froid et humide, chaud et sec. Il se règle selon les quatre saisons de l’année. Il est fluide et fixe. Celui qui est fluide n’est pas sans poison ; et celui qui est fixe est libre de tout poison. C’est pourquoi il est certain que plusieurs écrivent diverses fictions de l’antimoine, lorsqu’ils parlent de ses facultés malignes. Car ils n’entendent pas ce qu’ils écrivent. Il est bien vrai que c’est un minéral admirable, fort difficile à bien connaître. On le peut même appeler un des sept miracles du monde, d’autant que jusqu’à présent il ne s’est trouvé personne, ni même de mon temps, qui ait pu connaître entièrement toute sa puissance, ses vertus et ses opérations, et qui ait pu totalement pénétrer son essence jusqu’à tel point qu’on y ait pu encore trouver quelque nouveauté. Et au cas qu’il se rencontre telle personne, elle mériterait d’être menée sur un chariot de triomphe, comme autrefois on avait accoutumé de faire entrer dans la ville de Rome les grands héros, lesquels avaient remporté quelque grande victoire sur les ennemis. Mais je ne crois pas que jamais on emploie beaucoup d’ouvriers à faire tel chariot de triomphe à ce sujet. La plupart des hommes d’aujourd’hui ne cherchent les facultés de l’antimoine à autre intention que pour acquérir quelque vaine gloire ou accumuler des richesses mondaines, ne se souciant pas de l’utilité que l’on en peut tirer pour la médecine et la santé des hommes, laquelle devrait être le but principal de tous ceux qui recherchent les secrets de la Nature, afin que l’Auteur d’icelle soit béni et loué en ses propres merveilles. Il faut avouer qu’outre la santé on peut trouver plus de richesse dans l’antimoine que vous ni que moi-même ne saurions croire. Car encore bien que j’aie plus vu, plus appris et plus expérimenté les vertus de l’antimoine que vous ni vos semblables qui croient en savoir beaucoup, si est-ce pourtant que je me trouve toujours apprentif en la recherche de ses facultés.
Ce n’est pas pourtant que j’envie la fortune de ceux qui recherchent les secrets de Nature, et qui ont trouvé et découvert en ce minéral des secrets admirables. Car la Bonté divine donne ses grâces particulières à qui lui plaît. Néanmoins, à cause que le monde est rempli d’ingratitude et ne reconnaît pas les bienfaits de son Créateur, il arrive le plus souvent que sa justice lui bande les yeux, afin qu’il ne puisse connaître les propriétés et les secrets de la Nature qui se trouvent en ses formes minérales.
Tous les hommes ne font que souhaiter les richesses, et un chacun dit ; « Je voudrais devenir riche et opulent, ainsi que les Epicuriens disent ; pourvu que je puisse acquérir des biens corporels, j’en trouverai bien des spirituels en abondance. » Tout le monde aujourd’hui ressemble à ce roi Midas qui, selon la fiction des poètes, ne désirait autre chose que de convertir en or tout ce qu’il toucherait. C’est pourquoi la plupart s’étudient à trouver les moyens de s’enrichir par l’antimoine. Mais d’autant que leur intention est dépravée et qu’ils n’ont point de charité pour leur prochain, il ne faut pas s’étonner s’ils connaissent ou comprennent si peu les mystères de la Nature, ressemblant en cela à ceux qui étaient présents aux noces de Cana en Galilée, lorsque notre divin Sauveur changea l’eau en vin. Ils ne pouvaient comprendre comment ce miracle s’était fait, encore bien qu’ils vissent la couleur et goûtassent la douceur du vin. Car notre Seigneur ne voulut pas leur découvrir sa toute-puissance, afin qu’ils eussent sujet de l’admirer. De même en est-il de ceux qui recherchent les mystères et les secrets que le Souverain Créateur a cachés dans la nature de ses créatures, lesquels sont infinis, incompréhensibles et autant de miracles. Il n’est cependant pas défendu de les contempler ni de les rechercher. Or ceux qui désirent devenir bons anatomistes de l’antimoine doivent premièrement observer les vrais moyens de le résoudre comme il faut, afin qu’ils ne manquent pas en ses principes. En second lieu, il faut observer le gouvernement du feu, afin qu’il ne soit pas trop ardent, ni moins effectif qu’il ne doit. Car le principal point consiste dans le feu, qui est le seul séparateur des esprits vivifiants, lesquels étant séparés de leurs corps ne doivent pas être dépouillés de leur force par la violence du feu. En troisième lieu, il faut noter l’usage et l’utilité de ces esprits, en savoir bien la mesure, ainsi que j’ai déjà averti ci-devant. En la division ou résolution de l’antimoine en ses parties consiste le principal point. Et pour s’en servir il les faut préparer par le feu et faire comme le boucher qui, ayant tué un bœuf, le divise en ses parties et les distribue au public pour les cuire s’ils les veulent manger. Car on n’en peut tirer l’utilité qu’on désire si on ne les fait cuire par le moyen du feu qui en ôte la crudité. Et si on les mange crues, il ne faut pas douter qu’elles ne servent plutôt de poison que de nourriture, d’autant que la chaleur naturelle de l’estomac des hommes est trop faible pour digérer la crudité d’un tel corps. De même en est de l’antimoine, lequel ayant un corps très dur et rempli de poison, ne peut se digérer par notre chaleur si auparavant on ne le prépare, et comme poison apporte bientôt la mort aux hommes. C’est pourquoi avant toute chose il faut séparer le poison de l’antimoine et y procéder de telle sorte que jamais il ne puisse reprendre sa malignité, de même que le vin, lorsqu’il est une fois changé en vinaigre par le moyen de la putréfaction, ne peut jamais produire le vrai esprit de vin, mais demeure vinaigre. Et au contraire, si on distille l’esprit de vin et qu’on en sépare l’aquosité (ou le flegme), et qu’après cet esprit de vin soit exalté, il ne se convertira jamais en vinaigre, quand même on le laisserait ainsi cent ans, et demeurera toujours esprit de vin par soi-même. L’esprit de vinaigre non plus ne se peut pareillement jamais changer en esprit de vin. La transformation du vin en vinaigre est un admirable changement, puisqu’il se rend tout autre en essence qu’il n’était auparavant. Quand on distille le vin, l’esprit sort le premier ; mais lorsqu’on distille le vinaigre, son phlegme monte le premier et son esprit le dernier, comme j’ai dit ci-devant. C’est pourquoi l’esprit de vin rend les corps fluides et volatils, ainsi qu’il l’est lui-même ; mais l’esprit de vinaigre fige et rend solides tous les médicaments, afin qu’ils puissent extirper les maladies figées de leur nature. Ce qu’il faut remarquer d’autant plus soigneusement que tout cela nous éclaircit beaucoup en la préparation de l’antimoine, lequel contient aussi son vinaigre, duquel on peut ôter la malignité et le rendre un médicament si bénin et si admirable qu’il n’a aucun poison ; mais bien loin de là, car il chasse et dissipe ou expulse des corps toutes sortes de poisons.
La vraie préparation de l’antimoine se fait par le moyen de l’alchimie, laquelle le divise en ses parties et le résout en ses principes en le calcinant, le réverbérant et sublimant, en faisant un extrait de son essence et en tirant d’icelui un mercure vivifiant. Lequel mercure par après se doit précipiter en une poudre fixe. On peut aussi, par le moyen de l’Art, en préparer une huile qui a la vertu de dissiper ces nouvelles maladies inconnues qui sont venues ici pendant le temps des guerres. Laquelle huile se fait en alcalisant l’antimoine et par autres préparations que l’art spagirique et l’alchimie nous enseignent. Par exemple, je dis que de même quand un brasseur veut faire de la bière avec de l’orge, du froment et autre blé, il faut qu’il passe par tous les degrés de préparation avant que de tirer la vertu du blé et l’approprier en boisson. Premièrement, il faut mettre l’orge dans l’eau pour le faire ramollir, et cela n’est que la putréfaction. Après, on le tire de l’eau et on le laisse égoutter ; on le met en monceau jusqu’à ce qu’il soit échauffé et qu’il commence à germer par le moyen de la chaleur : voilà une digestion. Ensuite on épand le monceau d’orge, de blé ou autre, on le fait sécher à l’air ou au feu, et voilà la réverbération ou coagulation. Pareillement, on fait moudre le blé qui est bien sec, ce qui n’est autre chose que la calcination. De sorte que, par tous ces degrés de préparation, le brasseur fait passer la matière dont il veut tirer l’essence pour préparer la bière, et il fait bouillir le tout ensemble avec de l’eau ; et cela se peut dire la distillation en grosse forme. Le houblon qu’on ajoute à la coction est le sel végétable et un préservatif pour conserver longtemps la bière en son état et pour empêcher une nouvelle putréfaction. Les Espagnols et les Italiens ne savent point faire la bière. De même dans la haute Allemagne, ma patrie, fort peu savent ce métier. Après que la bière est faite, on la laisse écumer et rasseoir, et il se fait par la clarification une nouvelle séparation des choses impures d’avec les pures, ce qui se fait par le mouvement naturel des esprits agités qui séparent la lie d’avec le corps et jettent dehors l’écume ou la levure, avant quoi la bière n’est pas bonne à boire, et ne peuvent en profiter à cause que les esprits sont mêlés avec la lie qui empêche leur opération. La même chose s’observe dans le vin, lequel pendant qu’il est trouble, bourru et non clarifié, ne fait pas les effets ordinaires à sa nature. Ni le vin ni la bière avant leur clarification ne donnent un esprit distillé si parfait. Outre toutes ces préparations, on peut faire une nouvelle séparation par une sublimation végétable, savoir en séparant les esprits du vin et de la bière, et par la distillation en faire une nouvelle boisson comme de l’eau-de-vie, ainsi qu’on les peut tirer aussi des lies restantes de tous deux. Ce que faisant, on sépare les esprits opérateurs de leurs corps par le moyen du feu. Et les esprits laissent leur demeure qu’ils avaient auparavant dans ces corps, lesquels étaient pour lors encore en vie ; mais après une telle séparation, ce ne sont plus que des corps morts et sans âme. L’exaltation de ces esprits se fait par la rectification de l’eau-de-vie, laquelle se distille jusqu’à ce qu’elle soit pure et nette, sans aucun flegme ni aquosité ; de laquelle une pinte a plus de force et plus d’activité que vingt autres qui ne sont pas rectifiées, car elle pénètre bien plutôt et opère très promptement.
Voyez donc si vous voulez apprendre quelque chose dans mes écrits et obtenir les richesses et les vrais médicaments de l’antimoine, et dans ce cas de bien observer ma pensée susdite, car il n’y a pas une lettre dans cet exemple qui soit superflue et qui n’ait quelque signification particulière pour votre instruction. Et vous trouverez plusieurs paroles réitérées qui sembleront des répétitions superflues, lesquelles il vous faut remarquer et apprendre. Car en elles le principal fondement de l’Art est caché. Et personne ne se doit ennuyer de réfléchir plusieurs fois sur tout le livre. Car quand vous payeriez pour chaque parole un écu d’or, vous n’égaleriez pas leur valeur. Vous verrez que mes exemples, quoique grossiers, contiennent en eux de grands mystères. Je ne veux cependant pas louer moi-même mes écrits, parce qu’en l’exécution des effets, lorsque leur valeur sera manifestée, ils déclareront assez leurs louanges. Je vous allègue des exemples parce que les vertus de l’antimoine et ses forces sont cachées ; il faut les rechercher au plus profond de son essence, ce qu’on ne comprendra pas au commencement si facilement. Il est nécessaire de vous introduire en telle connaissance par les choses les plus notoires et connues, afin que, tous les principes étant compris, on puisse arriver à la fin désirée.
L’antimoine est de même qu’un oiseau qui vole en l’air, lequel par l’assistance des vents se porte où il veut. L’opérateur ou l’Artiste se peut comparer au vent, qui peut mener l’antimoine où il lui plaît. Il le peut rendre rouge, jaune, blanc, noir et comme il veut, selon la disposition que son feu lui donne. Car l’antimoine contient toutes les couleurs, comme le mercure. Chose dont il ne faut pas s’étonner parce que la Nature a deux ressorts admirables, lesquels nous ne pouvons pas apprendre aujourd’hui ni après.
L’antimoine est un livre dans lequel ceux qui ne savent pas lire sont avertis que, s’ils désirent apprendre et connaître ses mystères et ses utilités, ils commenceront avec moi à connaître les lettres et les éléments premiers, afin qu’ils puissent lire d’eux-mêmes et monter d’une classe à l’autre. En quoi l’expérience nous servira de recteur pour faire le jugement à l’examen, et donner les prix qu’on aura mérités selon la doctrine d’un chacun. Je ne puis passer sous silence ceux qui crient journellement : « Crucifige! Crucifige." contre tous ceux qui ordonnent des poisons aux malades, qui préparent des venins et qui montrent comment on peut s’en servir en la médecine, et par le moyen desquels ils croient que tant de personnes meurent, comme par le mercure, l’arsenic et l’antimoine. Tous ceux qui font tels cris et tant de bruit ne sont ordinairement que des ignorants qui se disent médecins et qui ne savent pas eux-mêmes ce que c’est que poison, ce qui est poison ou médicinal, qui ne savent pas faire la séparation du poison d’avec le médicinal ; et c’est ce qui les incite à déclamer contre ceux qui sont leurs maîtres et qu’ils ne savent pas reconnaître pour tels. Mais j’ai bien meilleure raison de crier moi-même contre ceux-là qui, véritablement, ordonnent les poisons avant que de les avoir préparés, d’autant qu’ils n’en ont pas l’esprit. Car si le mercure, l’arsenic, l’antimoine, et autres semblables, demeurent en leur substance comme ils sont sans être bien préparés, ils sont véritablement poisons. Mais quand ils sont méthodiquement préparés, toute leur virulence est éteinte et dissipée, et sont convertis en médicaments salutaires, lesquels résistent contre tous autres poisons et les chassent lorsqu’ils se trouvent engendrés dans nos corps. Car un poison bien préparé, et de sorte qu’il ne retienne plus aucune mauvaise qualité, résiste et extirpe un autre poison quand il le rencontre. Et s’il ne le chasse pas, il a tout au moins la vertu de le préparer et de lui faire pareillement perdre ses mauvaises qualités et le rendre conforme à sa nature, nonobstant qu’ils fussent tous deux poisons auparavant.
Je veux bien croire que ce que je viens de dire suscitera des grandes disputes parmi les docteurs, lesquels examineront si la vérité des choses est possible ou non. Et leurs jugements seront très différents. Les uns seront d’opinion qu’il est du tout impossible qu’on puisse entièrement dépouiller un poison de toutes ses mauvaises qualités, ce qui ne m’étonnera point, d’autant que cette science leur est inconnue et que leur moindre pensée est d’apprendre un tel mystère. Mais il y en aura néanmoins quelques-uns qui avoueront qu’on peut bien, par le moyen de l’art, changer une mauvaise chose en une bonne, et ils défendront mon opinion. Ne m’avouerez-vous pas, Messieurs les médecins, que vous êtes de cette opinion que les maladies et les causes morbifiques de nos corps, qui sont toutes des poisons, se peuvent changer en bon état et se rendre propres à la santé? Pourquoi donc ne voulez-vous pas confesser que la malignité que contiennent certains médicaments se puisse séparer de leur bonté et que, par après, tels médicaments soient utiles et nécessaires à la santé de l’homme? Mais d’autant que l’expérience et la science de telle opération est encore inconnue à plusieurs, la plupart ne laissera pas de crier : « C’est poison! C’est poison! » comme les Juifs : « Crucifige! Crucifige! » notre Seigneur et Rédempteur Jésus-Christ, le rebutant et réputant comme le plus grand, le pire et le plus maudit poison de tous les hommes, vu qu’il était le plus noble, le plus riche et le plus précieux médicament de nos âmes pour les délivrer du péché, de la mort, du Diable et de l’enfer. Ce que ne voulaient pas reconnaître ni approuver les docteurs et les pharisiens, quoique cela fût vrai et demeurera confirmé en toute éternité ; et même les portes de l’enfer n’auront point de puissance pour renverser cette vérité. J’espère et suis assuré que, quand il y aurait encore deux fois autant de ces médisants et de ces docteurs de cabinet et tous les autres charlatans qui veulent porter le nom de médecins, et qu’ils criassent tous ensemble contre l’antimoine : « Crucifige! Crucifige! », il demeurerait malgré cela en possession de ses facultés en dépit de leur ignorance et, par le moyen des préparations qu’on lui donnera, surmontera la gloire de tous ses ennemis, les rendra confus et ensevelira le renom qu’ils cherchent avec si grande ambition.
Vous, Messieurs les grands docteurs et fameux personnages qui persuadez aux empereurs, rois, princes et autres potentats qu’il faut bien se garder de se servir de tels médicaments, à cause qu’ils sont nuisibles et vénéneux, vous me devriez bien pardonner si j’ose vous dire ou vous écrire combien me semble ridicule votre opinion. Mais je n’en parle pas, d’autant que vous ne sortez jamais des principes que vous avez une fois appris et que vous ne voulez pas faire d’autres observations que celles que vous avez vues. C’est aussi pourquoi vous ne devriez pas condamner celles des autres. Car encore bien qu’on eût donné un tel poison, que vous dites extrême, à quelqu’un, je me ferais fort assez de lui donner un contrepoison préparé en public qui lui sauverait la vie et chasserait à l’instant tout le poison duquel il devrait mourir aussitôt.
Et quoique les docteurs ne peuvent ni ne veulent comprendre cette vérité et qu’ils la croient impossible, n’importe, je sais les moyens de me défendre et d’en montrer les preuves quand on voudra, les ayant faites devant des gens qui en peuvent rendre témoignage. Et s’il me fallait disputer avec de tels docteurs qui ne savent faire eux-mêmes de telles préparations, parce qu’il faut les commettre à d’autres, je suis assuré qu’en la vraie école j’obtiendrais la place au-dessus d’eux et qu’ils seraient obligés, à leur déshonneur, qu’ils se missent bien bas. Car ils ne connaissent pas les médicaments ni ce qu’ils ordonnent à leurs malades, et même ne connaissent pas les couleurs et si elles sont blanches, noires, rouges, jaunes, grises ou bleues ; s’ils sont chauds, froids ou humides. Ils lisent seulement et s’en tiennent là et ne désirent pas d’en savoir davantage. O mon Dieu ! quelle conscience ont ces messieurs? Comment traitent-ils leurs malades? Ne trouveront-ils pas au jour du jugement la Justice, s’il n’y en a point à présent pour eux? Ils ne demandent que de l’argent ; mais s’ils pensaient aux devoirs où ils sont appelés, ils s’emploieraient nuit et jour à découvrir les secrets de la Nature. Mais les travaux leur semblent difficiles et pénibles ; ils ne s’en soucient pas, se contentant de cajoler le monde, croient faire de belles guérisons en enfilant des grands discours et laissent la guérison à part. Le charbon est trop cher : c’est aussi pourquoi ils en usent très peu, aimant mieux épargner l’argent qu’il faudrait employer que de trouver les merveilles de la Nature. Vulcain n’est pas de leurs amis, car il ne se trouve jamais en leur voisinage. Il suffit que leurs alambics soient chez les apothicaires, où ils se trouvent quelquefois pour écrire des ordonnances ; mais le seul son des mortiers que fera le garçon de boutique peut chasser au vent toutes ces recettes.
Mon Dieu ! je vous supplie de changer un peu les mœurs et le temps où nous sommes. Donnez quelque fin à cette vaine gloire et prêtez votre assistance à ceux qui ont confiance en vous, afin qu’ils puissent surmonter ceux qui les persécutent et haïssent. Je veux inciter tous les confrères que j’ai en ce monastère à prier Dieu jour et nuit pour qu’il lui plaise d’éclairer l’entendement de tous ces persécuteurs, leur faire connaître sa toute-puissance en ses créatures et les illuminer, de sorte qu’ils commencent à rechercher par l’anatomie des choses les vertus qu’il a cachées dans leur profondeur.

J’espère aussi que sa miséricorde qui a créé toutes les choses visibles et invisibles exaucera nos prières, et si ce n’est de mon temps ou celui de mes frères, ce sera après notre mort. Ainsi soit-il.

CHAPITRE PREMIER
TRAITÉ DE L’ANTIMOINE

Pour commencer le traité de l’antimoine par l’étymologie du nom, il faut savoir que les Arabes l’appellent Asinat. Les Chaldéens l’ont intitulé Stibium. Les Latins Antimonium. Les Allemands Spiessglass à raison que telle matière est fluide et qu’on en fait du verre qui retient toutes les couleurs desquelles on peut le former.
C’est pourquoi il faut tirer conséquence qu’à cette même raison que les Arabes, Chaldéens et Latins, nos premiers pères, et autres peuples ont donné un nom particulier à l’antimoine, ils ne l’ont pas fait sans raison ni sans avoir respecté la chose et observé ses facultés.
Mais il ne faut pas douter que par le moyen des jalousies naturelles on n’ait effacé ou supprimé les écritures qui faisaient foi de ses vertus pour les ensevelir. Car ses ennemis ont très facilement pu corrompre les impressions et les livres qui les déclaraient, d’autant que le Diable peut faire beaucoup de choses par la permission de Dieu à cause de nos péchés et de notre ignorance, parce que Satan, qui est ennemi juré du genre humain, a fait jusqu’à présent tout son possible et employé toutes ses ruses afin que la vraie médecine fût supprimée et ensevelie, et pour tâcher d’ôter la gloire à Dieu qui est l’auteur de tous les biens, et que les hommes ne pussent lui en rendre grâce, comme aussi pour priver la nature humaine d’une telle assistance.
Et d’autant que la dispute des noms des choses est inutile, car elle ne contribue ni ne diminue rien de leur essence, je ne dirai rien davantage sur les différents noms de l’antimoine. Et la louange que l’on peut acquérir de tout ce que nous faisons consiste seulement en la vraie préparation des médicaments et en la reconnaissance de la Bonté divine qui leur a infusé les vertus que nous y trouvons par nos labeurs. C’est pourquoi il est à propos de commencer à démontrer la préparation de l’antimoine et de décrire ses facultés, afin qu’on en rende grâce à Celui qui les a ordonnées.
Mais comme je vous ai avoué ci-devant que l’antimoine était un poison, auparavant de vous faire connaître ses vertus je vais vous montrer par exemple qu’un poison attire à soi un autre poison et le chasse de nos corps plutôt que tous les autres antidotes ou contrepoisons. Et cela à cause de la sympathie et la ressemblance de nature. Car il faut que vous sachiez que la vraie licorne chasse toutes sortes de poisons et ne les peut souffrir. En voici la preuve.
Prenez une araignée vivante ; faites un cercle tout autour d’elle avec de la licorne. Vous verrez qu’elle ne sortira pas du cercle que vous aurez marqué, d’autant qu’elle fuit ce qui résiste et est contraire à sa nature. Mais si vous mettez quelque autre chose autour d’elle qui symbolise avec sa nature venimeuse, elle n’aura pas d’antipathie à passer par-dessus. Notez de plus que si vous mettez un denier d’argent qui soit creusé (comme il y en a en Allemagne), avec la marque d’une fleur de lys, à nager sur l’eau comme si c’était un petit bateau, et que vous approchiez de ce dernier un petit morceau de licorne, sans toutefois qu’ils se touchent ensemble, vous verrez que la licorne, par sa vertu spirituelle, chassera en arrière le denier d’argent, de même que si c’était un canard qui voudrait éviter le coup d’un chasseur. Et au contraire, si vous jetez un petit morceau de pain pur et net, sans aucun mélange, dans un vaisseau rempli d’eau jusqu’au bord, et que vous teniez de la vraie licorne auprès de l’eau, pourvu qu’elle ne la touche point, vous verrez que la licorne attirera petit à petit la mie de pain à soi. En sorte que c’est une merveille de voir la sympathie des choses naturelles, comment l’une attire l’autre qui lui symbolise, et chasse et éloigne de soi celle qui lui est contraire. De quoi les médecins peuvent tirer une juste conséquence : que les poisons attirent à eux ce qui est de semblable nature, et ce qui n’est pas poison attire pareillement à soi ce qui en est exempt. C’est aussi pourquoi l’on peut aussi chasser tous les poisons de deux manières : premièrement, par leurs contraires qui y résistent et les combattent, ainsi qu’on vient de rapporter de la licorne. Secondement, on les peut chasser de nos corps par leurs semblables, à raison qu’un poison attire l’autre à soi, comme la calamité attire le fer. Il faut que tel antidote qui doit chasser le poison, et qui est poison lui-même, soit néanmoins préalablement préparé de telle façon que sa malignité se convertisse en médecine ou antidote et soit encore suffisante pour chasser l’autre poison à raison duquel on ordonne celui-ci.
Pareillement, le savon attire à soi et nettoie les ordures et la graisse des draps et du linge, quoique le savon ne fût auparavant que de la graisse. Car il se fait de talc, d’huile d’olive et autres choses semblables. Et la cause de cela est qu’on a préparé les matières onctueuses du savon par la séparation et que l’on y ajoute du sel quand on le fait, qui est la principale cause de sa vertu abstersive. Il a le pouvoir d’attirer à soi et de purger aussi les immondices onctueuses des linges. Pourquoi donc niera-t-on que les poisons ne peuvent perdre et quitter leur malignité par une préparation convenable et devenir un antidote qui ait faculté d’attirer les autres poisons et les chasser de nos corps ?
Mais afin que je vous puisse démontrer les propriétés inconnues de la Nature et vous faire connaître les matières bonnes ou mauvaises, vénéneuses ou autres, je vous proposerai quelques exemples par lesquels la vérité se manifeste, comme aussi la fausseté des grands et relevés médecins, aussi bien que leur négligence, se verra aussi manifestement que clairement.
Prenez un œuf gelé qu’on ait exposé au grand froid ; mettez-le dans de l’eau " froide quelque temps, et vous verrez que la gelée ou la glace qui était auparavant dedans l’œuf sera attirée dehors par le moyen de l’eau froide, et pénétrera la coquille, et toute la substance intérieure de l’œuf se remettra en son premier état comme s’il n’avait pas été gelé. De même, si quelqu’un avait quelques parties de son corps gelées et morfondues, qu’il prenne de l’eau la plus froide qu’il pourra trouver, comme de la neige fondue, et qu’il l’applique sans perte de temps sur la partie gelée : une fraîcheur attirera l’autre au-dehors, et la partie demeurera en son premier état de santé.
Et au contraire, si quelqu’un a quelque grande chaleur ou inflammation en quelque partie de son corps, qu’il applique sur le mal une matière chaude, savoir de l’esprit de vin rectifié, du meilleur qu’il pourra trouver, c’est-à-dire qu’il soit presque tout feu, ou de la quintessence du soufre, et très assurément il verra qu’une ardeur attire à soi l’autre, à raison de la ressemblance de leur nature, et il ne sentira pas soulagement ou seulement rafraîchissement de la partie, mais aussi l’entière restauration de la santé. Et pour plus de confirmation de cette vérité, prenez des œufs de grenouille qui apparaissent au mois de mars, et faites-les sécher sur une planche ; et après pulvérisez-les et mettez cette poudre sur la plaie de quelqu’un qui aura été mordu de quelque vipère ou serpent, et vous verrez que cette poudre ôtera le poison de la morsure, de sorte qu’après cela on pourra la guérir facilement avec les médicaments ordinaires, lesquels autrement n’y serviraient de rien. La même vertu de cette poudre se peut mettre sur du linge blanc que vous humecterez plusieurs fois et que vous sécherez après avec les œufs de grenouille. Lequel linge doit être coupé en petits lambeaux pour les appliquer sur la morsure.
Semblablement, prenez un crapaud vif ; pendez-le par une jambe de derrière au soleil pour le faire sécher comme il faut ; mettez-le après dans un pot bien couvert et réduisez-le en cendre avec le feu ; puis réduisez-le en poudre très fine. Servez-vous de cette poudre pour les blessures vénéneuses et je vous assure qu’elle en attirera le poison. Et pourquoi cela? C’est que, par le moyen de la calcination des crapauds, leur vertu médicinale d’attirer le poison se rend plus prompte et plus active et propre à exécuter ses forces pour attirer à soi son semblable.
Si quelqu’un vient à être infecté de la peste, qu’il prenne exemple de ces choses vénéneuses dont il vient d’être parlé et qu’on les observe pour lui. Car vous trouverez que tout ce que je vous dis par cet écrit est véritable, parce que vous pouvez vous servir des choses vénéneuses susdites en temps de peste pour ceux qui en sont infectés, pourvu seulement que vous y ajoutiez l’astre du soleil et l’esprit de mercure. Car l’esprit de mercure tire à soi ses semblables, ayant la faculté attractive de toutes les maladies vénéneuses.
Mais d’autant que l’astrum solis — duquel de même que par la vertu du soleil céleste vivifiant tout est engendré — in genere universali surpasse tous les autres en facultés, je crois aussi que le plus grand de tous les remèdes consiste en l’or, je veux dire en sa nature et ses esprits qui sont l’astre du soleil terrestre, desquels esprits tous les métaux et minéraux au commencement de leur génération ont tiré leur principe. Nous parlerons de tout ceci plus amplement quand je te révélerai l’astre du soleil sur ta conscience (car c’est le secret des secrets).
Et véritablement l’antimoine, en ces cas susdits, a la même vertu que l’or. Il faut entendre corporellement, car je ne puis affirmer qu’il l’ait pareil à l’astrum solis, quoiqu’on diverses choses l’antimoine ait beaucoup plus que lui des vertus. Néanmoins on peut dire que tout ce que peut l’astrum solis, l’antimoine le peut aussi.
Or, pour confirmer tout ce que nous avons dit, il faut noter que Vulcain est le premier maître et le principal agent de toutes nos opérations et préparations. Car prenez une pièce d’acier ou de fer bien dur et un caillou ; battez-les ensemble, et vous verrez qu’il en sortira du feu qui s’allume par la force du mouvement et de la collision.
Le soufre ou le feu qui est caché dans ces corps durs se montre par le moyen de la collision et de l’air, et se rend disposé à brûler. Le sel demeure dans la cendre et le mercure s’envole en même temps avec le soufre brûlant. De même faut-il croire de l’antimoine, quand on le prépare ; car son mercure se sépare d’avec son soufre et d’avec son sel par les moyens que la Nature nous enseigne. Et de même que le feu qui réside en ces matières dures ne se montre pas si on ne l’excite, ainsi tous les médicaments ont leurs vertus cachées, lesquelles on ne connaît pas avant qu’on ait séparé les choses impures et mauvaises d’avec les bonnes par le moyen du feu.
Les abeilles nous font foi de cette vérité lorsque par leur industrie elles séparent le doux miel des fleurs et des plantes (qui sont quelquefois vénéneuses et amères), duquel on se sert à plusieurs usages, tant en médecine que pour la nourriture. On peut néanmoins tirer du miel, qui est doux et agréable, le plus méchant et le plus corrosif des poisons. Ce que personne ne croit que ceux qui l’ont expérimenté ; et personne n’y prend garde que ceux qui en font une soigneuse observation. C’est pourquoi il ne faut pas mépriser le miel ni le rejeter comme inutile pour ce sujet. Car encore que l’ignorance ou malice de ceux qui le préparent peut le faire devenir un grand poison, il ne laisse pas d’avoir de grandes vertus et utilités en la médecine. Le miel donc se forme de cette sorte : les excréments et la fiente des animaux servent pour engraisser la terre et lui donner une humidité onctueuse, de laquelle elle produit diverses sortes de fleurs, herbes et autres plantes. Ce qui montre clairement qu’il se fait auparavant une altération et génération d’une chose en une autre, à savoir de la fiente puante et mauvaise il s’en forme une matière douce et odoriférante, qui est le miel duquel on fait plusieurs médicaments utiles et boissons. Et nonobstant tout cela, on en peut aussi préparer les plus pernicieux poisons de la Nature ", qui tuent les hommes et les bêtes. C’est pourquoi je vous prie de faire réflexion sur ces vérités. Et soyez assuré que si vous êtes amateur de la science, bien que vous soyez jeune, vieil, docte, ignorant, riche, pauvre, artisan ou de quelques autres qualités que vous puissiez être, suivez mes préceptes et les mouvements de la Nature. Je vous éclaircirai de la vérité et vous enseignerai comme il faut séparer les choses bonnes d’avec les mauvaises et les précieuses d’avec les inutiles. Et touchant l’antimoine, on en peut préparer un médicament, lequel est dépouillé de tout poison et de tout danger. Car sa malignité se convertit et se change en bonté par le moyen de l’art qui le rend capable de remédier à toutes sortes de maladies, pénétrer et digérer, chasser et expulser toutes les causes morbifiques comme le feu digère tout. C’est aussi pourquoi sachez qu’il faut préparer l’antimoine et le changer en une pierre, laquelle est sa faculté semblable au feu. Cette quintessence d’antimoine est intitulée dans mes écrits partout lapis ignis ou pierre de feu. Laquelle se faisant par la coagulation et étant préparée comme je dirai à la fin de ce traité, a la vertu de consumer toutes les mauvaises humeurs du corps, purger le sang au dernier degré de pureté et fait tout ce que fait l’or potable. C’est donc encore pourquoi vous qui n’en savez rien et qui n’en avez aucune connaissance, qui ignorez toutes expériences et qui n’en savez aucunement la préparation, et qui beaucoup moins avez pénétré les miennes, je vous prie de ne pas censurer suivant la passion de vos pensées, mais plutôt d’apprendre auparavant la vraie méthode de préparer l’antimoine ; comment il faut en séparer le poison et en produire un médicament le plus noble du monde. Et alors vous pourrez librement juger et donner votre avis de ce qu’il vaut, et connaîtrez la différence qu’il y aura de votre savoir à celui que vous aviez auparavant. Tous les médecins doivent observer qu’ils ne fassent rien qui répugne et qui soit contraire à la nature des choses. (C’est-à-dire qu’ils ne se servent pas des moyens répugnants ensemble pour exécuter leurs intentions.) Comme, par exemple, si vous vouliez verser de l’esprit de vin dans de l’eau forte, il se ferait une grande contrainte, à cause que ces deux corps ne s’accordent pas ensemble ; mais si vous les savez unir ensemble en les distillant, vous en trouverez d’autres effets merveilleux. Pareillement, l’huile de tartre ou sa liqueur ne doit pas se mêler avec du vinaigre fort qui soit fait de vin. Car ils se contrarient l’un l’autre et se fuient réciproquement, comme font l’eau et le feu, quoiqu’ils soient tirés tous les deux d’un même principe, à savoir du vin.
C’est pourquoi dans la cure de nos maladies, il faut bien considérer toutes les circonstances du mal et du patient, et lui demander tout ce qui s’est passé de son côté ; après quoi, il faut lui approprier les remèdes convenables à son mal, afin que la bonté de vos médicaments ne soit pas scandalisée au lieu de la gloire qu’ils méritent et ne soient pas blâmés. Comme, par exemple, lorsque vous voulez dissoudre du fer dans de l’eau forte : si vous y versez de l’huile de tartre, lorsque l’eau forte fait son opération, vous ne verrez pas seulement que votre verre se brisera, mais vous aurez aussi de la peine à vous garder d’embrasement. Car la contrariété de ces deux liqueurs allumera un feu, de même que la poudre à canon, qui brûlera tout ce qu’il rencontrera. Monsieur le docteur, avec son grand pellisson, ne se sauverait pas d’un tel feu, car il ne sait rien de tous ces secrets de Nature.
Oh ! si je n’étais pas religieux, comme je le suis, de cœur et de bouche, et comme je le serai toute ma vie, ainsi que j’en ai fait vœu, et qu’il me fût permis de dire mes sentiments et de déclamer contre ces ignorants, ces persécuteurs de la vérité, je les mettrais bien bas. Mais mon état m’apprend qu’il faut avoir patience. C’est pourquoi laissons tous ces discours à part et commençons à préparer notre antimoine.

CHAPITRE II
DE LA DESCRIPTION DE L’ANTIMOINE

Pour faire donc le fondement à notre Chariot triomphal de l’Antimoine, dans lequel il a son trône et son empire et par lequel il est élevé à sa gloire et à sa perfection, il faut avant toute chose démontrer l’origine de sa racine et de ses principes ; comment il opère et se forme dans les entrailles de la terre, à quelle disposition des astres il est soumis et quels éléments le produisent.
Vous saurez donc que l’antimoine n’est autre chose qu’une fumée ou bien une vapeur excitée par les astres dans les entrailles de la terre et, par le moyen des éléments, réduite à une coagulation formelle. Et les mêmes constellations qui produisent le mercure produisent aussi l’antimoine, lui communiquent son essence, ses vertus, ses opérations et ses qualités du commencement ; et il n’y a nulle autre différence en leurs principes de génération, sinon que l’antimoine est plus dur et plus coagulé que le mercure — ou Argent-vif— en son commencement. La raison de cette plus grande coagulation de l’antimoine est qu’il a plus de sel en ses trois principes matériels, quoique néanmoins le sel soit la moindre partie de ses trois principes. Mais respectivement il en a plus que le mercure, et c’est ce qui le coagule. Car le sel endurcit toutes choses et les coagule, ce qui manque au mercure qui en a très peu.
C’est pourquoi, à raison que le mercure contient en soi un esprit chaud et sulfureux, qui ne paraît néanmoins pas, il est toujours fluide et ne peut se coaguler si on ne lui ajoute d’autres esprits métalliques qui se rencontrent les plus propres pour cet effet dans la mère de Saturne ; et sans iceux on ne peut le figer. Et si le mercure n’a lui-même la Pierre philosophale par laquelle il puisse réduire lui-même ses trois principes en une proposition si bien concordante qu’il ait par après le corps fluide, solide et qui puisse résister au marteau et au feu comme les autres métaux. Autrement, il demeure toujours fluide (comme il l’est de nature), jusqu’à ce qu’on lui ait ôté un tel principe.
C’est pourquoi tous les animaux et végétaux sont trop faibles pour le coaguler et le rendre fixe, comme certaines personnes s’étudient en vain. Car le mercure est feu par toutes ses parties. C’est aussi pourquoi il résiste à tout feu et ne se laisse pas fixer par icelui : ou bien il s’évapore et s’enfuit incontinent par ses esprits et se résout en huile incombustible, ou bien il demeure tellement coagulé après sa fixation qu’il est impossible de le rompre. Au reste, tout ce qui se peut faire avec l’or se fait aussi avec le mercure préparé comme il faut. Car après sa vraie coagulation, il ressemble entièrement à l’or, à raison qu’il a les mêmes principes originaux qu’icelui. Mais laissons à part le mercure, puisque notre intention est de parler de l’antimoine, quoique ces comparaisons ne soient pas inutiles pour plus grand éclaircissement. Il faut donc noter et bien observer que les minéraux et les métaux ne sont autre chose qu’une vapeur ou fumée qui est attirée par quelque astre prédominant de l’élément de la terre, comme par une distillation du monde universel. Laquelle influence céleste opère jusqu’au centre de la terre par sa propriété aérienne et ses qualités chaudes ; de sorte que telle constellation opère spirituellement et donne de ses qualités à telle vapeur qu’elle élève, laquelle se résout en une liqueur dont tous les métaux et minéraux prennent leur origine ; et s’en forme un tel ou un autre, selon la prédomination des trois principes (selon qu’il y a plus de mercure, de soufre ou de sel) ; ou moins de l’un ou de l’autre, ou qu’ils se trouvent égaux, de manière que quelques métaux sont fluides, d’autres fixés. Les fixés sont communément l’or, l’argent, le cuivre, le fer, l’étain et le plomb. Outre ces métaux, il se forme aussi des mêmes trois principes, selon la proportion inégale de leur mélange, des autres minéraux comme le vitriol, l’antimoine, la marcassite, l’ambre, et plusieurs autres qu’il n’est pas nécessaire de produire ici. Mais l’or, dès son commencement, se perfectionne et contient en soi un soufre et un mercure parfaits, au-delà de tous les autres métaux et minéraux. De même aussi ses vertus sont beaucoup plus parfaites et vigoureuses que celles de tous les autres métaux. C’est pourquoi en l’astre du soleil on trouve ce qui est aux autres, et encore beaucoup plus, à cause de son plus de perfection. Au reste, je crois que quand on aura réduit ce soufre en sa perfection par le moyen du feu, il se trouvera en grande quantité en tous les autres métaux et minéraux. Il y a bien un minéral, duquel j’ai fait mention plusieurs fois, dans lequel le soufre du soleil se trouve aussi parfait, aussi puissant et encore plus, que dans l’or même. Vous trouverez encore deux sortes de métaux qui contiennent la même vertu sulfurienne du soleil et desquels je ne dirai rien à présent.
L’antimoine n’est donc autre chose qu’un minéral fait par une vapeur élevée et résoute en une liqueur. Laquelle vapeur est le vrai astre de l’antimoine. Et cette liqueur attirée de l’élément de la terre par les astres célestes et étant desséchée par l’élément du feu qui est en l’air, se réduit par la coagulation en une forme et essence palpable, dans laquelle forme le soufre prédomine, ensuite le mercure, et la moindre partie des trois principes est le sel, duquel il y en a néanmoins autant qu’il suffit pour lui donner une forme solide. Les qualités premières et élémentaires de l’antimoine sont sèches et chaudes et ne participent en la froidure et humidité qu’en un degré bien plus bas ; de même aussi le mercure, ou argent vif commun, et l’or corporel ont plus de chaleur que de froidure. Et ceci suffit de la matière et des trois principes de l’antimoine, ainsi que par l’archée il se forme dans l’élément de la terre. Mais d’autant qu’il importe fort peu à plusieurs de savoir tous ces miens discours précédents et ne se soucient pas en quel centre se trouve l’astre d’antimoine, ou de quels principes il est formé, et qu’on désire seulement savoir son utilité, son usage et sa préparation, afin de le pouvoir rendre parfait et voir ses facultés, desquelles on a tant écrit jusqu’à présent qu’il n’y a ni riche ni pauvre, docte ou ignorant, qui n’en ait parlé et qui n’attende avec grand désir une dernière description, je vais finir tous ces préambules et vous instruire simplement et fidèlement de toute la doctrine d’icelui, autant que mes labeurs et mes observations me le permettent. Il est bien vrai que j’ai employé en cela bien du temps et beaucoup de travaux ; et si néanmoins je n’ai pas connu toutes ses vertus, d’autant qu’en sa préparation après une merveille il en survient une autre : des couleurs, des vertus et des opérations infinies, les unes après les autres, de sorte qu’on n’en trouve jamais la fin.
Tout le monde a horreur du seul nom d’antimoine, et un chacun le déteste comme le plus grand et le plus puissant de tous les poisons ; on crie : « Gardez-vous bien de prendre de » l’antimoine », et particulièrement les grands médecins et philosophes des universités. Il est vrai, ainsi que je l’ai déjà confessé ci-devant et, pour ce sujet, je ne conseille à personne de s’en servir s’il n’est bien préparé. Mais je vous assure en vérité, aussi vrai que Dieu est le Créateur du ciel et de la terre et de toutes les créatures, qu’il n’y a pas de plus souverain ni de plus précieux remède sous le ciel que dans l’antimoine.
C’est pourquoi, mon cher enfant, et vous ami lecteur, comprenez bien mon discours et observez les expériences que j’ai faites de l’antimoine. Car ma théorie procède des fondements de la nature et ma pratique de l’expérience, laquelle peut démontrer aux incrédules les merveilles et l’utilité que j’en ai produites.
Et si quelqu’un de ces docteurs, de ces maîtres, de ces bacheliers, de ces médecins avec le bonnet rouge, me dit qu’il n’en faut pas user, à raison qu’on est incertain s’il est préparé comme il faut, je lui demande pourquoi l’on se sert si volontiers et si librement de la thériaque dans la composition de laquelle, outre les autres poisons, il y entre le serpent appelé thyrus, qui est un poison extrême. Ne dois-je pas dire par même raison : « Gardez-vous » bien d’en user, il y a du poison dans la thériaque »? Ils me répondront peut-être que ces poisons sont préparés comme il faut et qu’ils servent de contrepoison. De même aussi répondrai-je que l’antimoine ne se doit aussi user qu’après sa vraie préparation, laquelle lui ôte tout son poison.
Je me soucie fort peu de tout ce qu’ils peuvent dire ; et quoiqu’ils soient les persécuteurs de l’antimoine, ils ne sauraient me montrer ni meilleur remède ni même aussi bon que celui qui se fait avec l’antimoine. Car je sais de science certaine qu’avec l’antimoine, on fait des remèdes aussi bons qu’avec l’or et le mercure (excepté l’astre du soleil), et qu’on en prépare cet or potable pour guérir la lèpre, et l’esprit de mercure, qui est le souverain remède de ces nouvelles maladies inconnues, comme le mal vénérien ou la vérole, et autres médicaments salutaires. Mais avant que je vous fasse savants et que je vous enseigne la préparation de l’antimoine, puisqu’il est si vénéneux, quelqu’un pourrait me demander comment il se peut faire que les minéraux soient des poisons, et quelle est l’essence du poison, et de quoi peut procéder une telle malignité ; comment on peut aussi la séparer d’une telle matière métallique pour en faire des bons remèdes qui soient utiles et sans danger. À quoi je répondrai succinctement qu’il faut considérer en deux manières l’essence des poisons, à savoir naturelle et surnaturelle.
Et la première raison pourquoi, c’est que le Seigneur qui gouverne tous les cieux, les astres et la terre, a créé des poisons parmi ses créatures, et principalement dans les minéraux, pour faire paraître l’ordre, les merveilles et la toute-puissance et bonté de sa majesté, nous proposant devant les yeux telles choses pour nous faire connaître le bien et le mal, nous ayant aussi donné le jugement et la raison pour les comprendre, et le libre arbitre pour suivre le bien et fuir le mal si nous voulons.
En second lieu, les poisons s’engendrent dans les entrailles de la terre ou en autres lieux par certaines constellations, lorsqu’il se fait des opérations contraires et malignes des planètes et des étoiles, par lesquelles les éléments sont infectés et peuvent produire dans le Petit Monde des dispositions pestilentielles et autres maladies malignes ; de même se doit aussi entendre des comètes.
En troisième lieu, les poisons se forment par la conjonction de deux choses contraires, comme lorsque quelqu’un étant en passion de colère ou de tristesse, ou étant échauffé en quelque autre façon, boit froid : par l’antipathie de ces deux qualités, il se fait un poison dans nos corps qui nous conduit à la mort.
Finalement, si quelqu’un est blessé mortellement de quelque arme que ce soit, telle arme est poison à notre égard, parce qu’on en abuse contre notre vie, laquelle sera au contraire un antidote si nous nous en servons à propos pour nous défendre quand on nous attaque.
On connaît toutes sortes de poisons par l’instinct de la nature. Car tout ce qui est contraire et auquel répugne une chose est poison. Comme lorsque certaines personnes ont en horreur des viandes qu’elles ne peuvent supporter. Car alors telles viandes sont leur poison, à cause qu’elles sont contraires à leur nature ; et au contraire elles ne sont pas nuisibles à celles qui les aiment. Tous les poisons s’engendrent principalement dans la terre comme une essence mercurielle — je parle des poisons des minéraux —, laquelle n’est pas encore parfaite et bien digérée en sa forme, qui est contraire et répugnante à la nature ; d’autant que cette essence mercurielle n’a pas encore atteint sa perfection et concoction entière, elle pénètre tout le corps et ne peut être digérée par notre chaleur naturelle. De même que si nous mangions du blé tout cru et vert sans aucune préparation notre estomac aurait de la peine à le digérer et en recevrait affaiblissement de tout le corps, d’autant que notre chaleur naturelle est trop faible pour le réduire à une concoction telle qu’il requiert. Mais le blé qui est réduit en sa maturité par la chaleur du Grand Monde doit avoir de plus une coction et perfection plus grandes par le feu du Petit Monde, afin que l’homme le puisse digérer plus facilement. Ce qu’il faut aussi entendre de l’antimoine. Car d’autant qu’il n’est pas encore fixe et parfait lorsqu’on le tire de la mine, il est trop puissant et trop cru pour notre estomac. Ce qui est universellement vrai de tous les cathartiques et médicaments laxatifs, soit des minéraux, animaux ou végétaux, lesquels sont tous poisons à cause de leur nature et de la matière volatile et mercurielle qu’ils contiennent et qui prédomine encore en eux. Lesquels esprits volatils sont la cause que ces médicaments purgatifs chassent dehors tout ce qu’ils rencontrent. Ce n’est pas à dire que tous les médicaments purgent de la même façon, ou qu’ils se portent tous directement à tirer les humeurs qui sont les causes morbifiques. Car il y a grande différence entre eux. Ceux qui chassent et attirent les racines des maladies doivent être fixes. Car ceux qu’on a fixés par artifice, ou qui le sont de nature, cherchent aussi dans nos corps des maladies fixes et les déracinent entièrement, ce que ne peuvent pas exécuter les remèdes laxatifs qui ne sont pas fixés. Lesquels se peuvent comparer à un torrent rapide qui entraîne par violence ce qu’il rencontre seulement par les lieux où il passe. Mais les médicaments fixes ne purgent pas les selles, mais seulement en poussant au-dehors par les sueurs, lesquelles n’entraînent pas simplement la paille des maladies avec eux, mais bien la semence et la racine, ce que ne font pas ces autres médicaments crus et qui ne sont pas fixés, lesquels laissent la semence et la racine, n’entraînant que la surface et ne touchant jamais au centre.
C’est pourquoi on doit savoir que le poison de l’antimoine se doit entièrement séparer avant qu’on en puisse user en la médecine avec bonne conscience. Et il faut observer la séparation du bon d’avec le mauvais, du fixe d’avec ce qui ne l’est pas, du poison d’avec le médicament. Ce qui ne peut se faire que par le moyen du feu, c’est-à-dire par la préparation de Vulcain, qui est le professeur et recteur de toutes ces opérations. Car ce que le feu du Grand Monde a laissé à perfectionner ou à digérer dans les choses doit être achevé par le moyen du Vulcain du Petit Monde, qui rend tout en sa dernière perfection. Et il ne faut pas s’étonner si le feu a cette force de séparer les choses impures d’avec les pures. Car l’expérience journalière nous en fait foi par la diversité des couleurs et autres qualités qu’il induit successivement dans les corps qui passent par lui.
Oh! si la subtilité de tous ces docteurs pouvait pénétrer la vérité de mes secrets, qu’ils quitteraient bientôt les folies qu’ils étudient et chercheraient les moyens de séparer comme moi les choses impures d’avec les médicaments.
Je vous dis derechef que dans l’antimoine on trouve un mercure, un soufre et un sel qui sont les souverains médicaments de la santé des hommes. Le mercure de l’antimoine consiste dans son régule ; le soufre en sa rougeur ; et son sel demeure dans la terre noire qu’on laisse. Et lorsqu’on sait bien séparer ces trois choses l’une d’avec l’autre, et derechef les unir ensemble selon les régies de l’art et qu’on en peut faire une fixation sans poison, celui-là se peut vanter avec honneur qu’il a trouvé la pierre de feu qui se fait de l’antimoine pour la santé des hommes.
C’est pourquoi je vais vous donner diverses préparations de ces médicaments ; la façon d’en ôter le poison, de les rendre fixes et de les séparer comme il faut.
Le lecteur saura auparavant que les vertus de l’antimoine se peuvent comparer à celles d’une pierre précieuse en particulier, comme il y a certains métaux qui symbolisent plutôt avec une telle pierre qu’avec une autre ; mais que l’antimoine contient et a en soi universellement les différentes vertus de toutes les pierreries. Ce qui se montre assez clairement par les couleurs qu’il contient et qu’il change par le moyen du feu. Sa rougeur vive et claire est appropriée à l’escarboucle, aux rubis et au corail ; sa couleur bleue, au saphir ; la verte, aux émeraudes ; la jaune, aux hyacinthes et la noire aux grenats, qui ont une couleur noire cachée.
Et selon les métaux, la couleur noire de l’antimoine est appropriée à Saturne ; la rouge au fer ; la jaune à l’or ; la verte à Vénus ; la bleue à l’argent ; la blanche à Mercure ; et les autres couleurs mêlées à Jupiter. Et de même que nous trouvons toutes les couleurs des pierreries et des métaux dans l’antimoine, il contient aussi toutes les vertus médicinales ; lesquelles sont en si grand nombre, aussi bien que les couleurs dans l’antimoine, qu’il est impossible à l’homme de les pouvoir toutes connaître par le moyen de ses travaux.
Quelquefois, l’antimoine se résout par distillation en une liqueur aigre, de même que du vinaigre. D’autres fois, il se réduit en une matière rouge et transparente, douce et agréable, comme du miel et du sucre. Quelquefois aussi, il acquiert une amertume aussi puissante que celle de l’absinthe ; et, dans d’autres temps, on le réduit en une matière âcre et piquante comme de l’huile de sel. De sorte qu’il change ses qualités et ses vertus selon les préparations qu’on lui donne. Car parfois il se change en une montagne olympique par le moyen de la sublimation, de même qu’une aigle volante, rouge, jaune et blanche. Étant distillé par descensum, il donne aussi ses couleurs différentes, de même que par la réverbération, laquelle le réduit en un métal semblable au plomb. On en fait aussi du verre transparent, rouge, jaune, blanc, noir et d’autres couleurs, desquelles il n’est pas toujours à propos de se servir en la médecine s’il n’a passé par un autre examen. Il se résout aussi en des huiles étranges et admirables, desquelles les unes se font sans addition, c’est-à-dire sans mélange d’aucun autre ingrédient. D’autres se font avec addition de quelques matières. Et l’on s’en sert intérieurement pour les maladies internes, ou bien extérieurement pour les plaies, ulcères et autres maladies externes. On en fait aussi des extraits admirables, lesquels sont si différents en leurs couleurs, que si l’oracle d’Apollon était encore en état, comme du temps des païens, il aurait de la peine à les déclarer toutes comme il faut.
On en prépare aussi un mercure vif ; et un soufre ardent comme le commun. De sorte qu’il peut servir à faire de la poudre à canon. Et finalement, on en tire un sel très naturel et plusieurs autres choses. C’est pourquoi il est temps de vous montrer sa préparation : comment il en faut tirer l’essence, son magistère, son arcane, son élixir, ses teintures. Lesquelles vous observerez lorsque je donnerai la préparation de la pierre de feu, outre plusieurs autres secrets particuliers, dont le commun ignore en tout ou au moins la plus considérable partie, d’autant que les Egyptiens, les Arabes et Chaldéens, étant morts il y a longtemps, ont aussi enseveli avec eux ces secrets de Nature qui se peuvent employer à la vraie médecine sans aucun danger, mais avec grande utilité.
Observez donc diligemment toutes les préparations l’une après l’autre, ainsi que je vous les proposerai, parce qu’il n’y en a pas une qui ne soit d’une grande utilité. Car les médicaments fixes et préparés de l’antimoine chassent les maladies du corps. Mais ceux qui ne sont pas fixes, comme l’antimoine cru, sans être préparés, ouvrent et purgent seulement la première région du corps, comme l’estomac et les boyaux, et laissent le fondement de la maladie sans le tirer. La préparation de l’antimoine se fait donc seulement par le moyen du feu, après l’invocation de l’assistance divine. Elle se fait de plusieurs façons, selon l’ordre du feu et la diversité des opérations, desquelles toutes ses vertus et ses forces dépendent aussi par conséquent.
L’antimoine a une couleur mêlée de rouge, noir et blanc, et sa première préparation est la calcination et réduction en cendres qui se fait comme vous le verrez au chapitre suivant.

CHAPITRE III
DE LA CALCINATION DE L’ANTIMOINE ET DE SA RÉDUCTION EN VERRE CLAIR ET NET

Prenez du meilleur antimoine de Hongrie, ou autre, que vous pourrez trouver, et le pulvérisez sur une table de marbre ou de porphyre, le plus subtilement qu’il vous sera possible. Et vous le mettrez ainsi pulvérisé dans un vase de terre qui soit large, délié et presque plat (de manière que cette poudre d’antimoine soit éparse et comme parsemée, et non pas en monceaux). Ce plat ou vaisseau de terre, qui ne doit avoir les bords que de deux travers de doigts de hauteur, sera mis dans un fourneau calcinatoire, sous lequel il faudra faire au commencement un feu modéré avec du char- bon. Et quand vous verrez que l’antimoine commencera à fumer, vous le remuerez sans intermission avec quelque instrument de fer ; ce qu’il faudra continuer jusqu’à ce qu’il ne fasse plus .de fumée ou de vapeur. Et quand vous verrez qu’en le calcinant ainsi il s’amassera ensemble et s’attachera comme de la neige et comme une boule, il faudra le tirer hors du feu et le laisser refroidir ; le broyer derechef subtilement et le rémettre de même sur le feu ; le remuer et calciner de nouveau comme auparavant, et continuer ainsi à le calciner et remuer jusqu’à ce qu’il ne fume plus du tout et ne s’attache plus ensemble et demeure en sa couleur blanche comme de la cendre blanche. Et alors la calcination sera achevée.
Vous le mettrez ensuite dans un vase de terre semblable à ceux que les orfèvres prennent pour fondre l’or et l’argent ; et le mettrez au fourneau à vent, ou dans un autre fourneau près du soufflet. Et vous lui donnerez telle ardeur en soufflant que l’antimoine se fonde et soit aussi coulant que de l’eau claire et nette.
Et quand vous voudrez savoir et éprouver si le verre d’antimoine a acquis sa vraie consistance et sa couleur transparente, mettez dedans votre creuset de terre une verge de fer longue et froide, et le verre d’antimoine s’attachera au bout. Lequel vous détacherez avec un marteau. Et s’il paraît beau et transparent et clair au jour, alors le verre sera parfait. Ce que doivent bien observer les jeunes disciples et étudiants en l’art spagyrique — car je n’écris pas ceci pour ceux qui sont déjà versés en la pratique — lesquels doivent savoir qu’il n’y a rien de plus facile que de préparer le verre d’antimoine, et que tout le verre qui se prépare d’autres métaux et minéraux doit aussi avoir sa couleur claire et transparente si on veut s’en servir en la médecine et si l’on veut aussi qu’il ait les facultés qui lui sont requises et nécessaires ; ce qui s’opère entièrement par Vulcain et les propriétés qui lui sont naturelles. Lorsque l’antimoine sera ainsi réduit en une consistance de verre, prenez un plat ou une écuelle de cuivre ou de laiton ; faites-le premièrement chauffer sur le feu — autrement il se romprait — et versez ainsi votre antimoine fondu dedans ce plat peu à peu, le plus menu que vous pourrez ; et vous verrez qu’il se réduira en un verre jaune, transparent, clair et net.
Voilà la méthode la plus assurée et la meilleure pour préparer le verre d’antimoine, pur et sans mélange d’aucuns autres ingrédients. Et ce verre a plus de vertu que pas un autre. Je l’appelle le verre net d’antimoine, car on le fait aussi en y ajoutant du borax et autres choses ; mais il n’est pas égal à celui-ci. Si néanmoins vous en voulez faire avec addition d’autres choses, vous y procéderez dans la forme prescrite au chapitre suivant.

CHAPITRE IV
DE LA PRÉPARATION DU VERRE D’ANTIMOINE ROUGE

Prenez une partie de bon antimoine de Hongrie et deux parties de borax de Venise ; broyez-les ensemble et mettez-les ensuite dans un vase à fondre sur le feu jusqu’à ce qu’il soit tout fondu et coulant comme de l’eau. Et finalement versez-les dans un plat ou écuelle de cuivre échauffé comme nous avons dit ci-devant.
Par cette préparation, vous aurez un verre d’antimoine rouge et transparent, clair et brillant comme un rubis, pourvu que vous y procédiez comme il faut. On peut faire un extrait de cette couleur rouge de verre d’antimoine avec de l’esprit de vin et en préparer une médecine très utile et vertueuse par le, moyen de la calcination qui se fait de longue main.
Pareillement, on peut préparer du verre blanc et transparent de l’antimoine, ainsi que vous verrez plus au long au chapitre suivant.

CHAPITRE V
DE LA PRÉPARATION DU VERRE BLANC D’ANTIMOINE

Prenez une partie d’antimoine pulvérisée subtilement et broyez ensemble quatre parties de borax de Venise. Et étant bien mêlés et incorporés, mettez-les dans un creuset de terre et faites fondre le tout comme il a été dit. Au commencement, ils seront un peu jaunâtres, mais après qu’ils auront été longtemps sur le feu, la couleur jaune se dissipera et deviendra blanche et claire. Et cette matière vous produira un verre de même qualité. La preuve se fait avec une verge de fer, comme nous l’avons déjà dit.
Il y a encore plusieurs autres manières de préparer le verre d’antimoine ; mais je me contente de vous donner celles que j’ai expérimentées moi-même et que j’ai trouvées bonnes à la santé des hommes, tant à cause que cela pourrait être ennuyeux au lecteur que parce que j’en ai déclaré les principales couleurs qui sont la jaune, la rouge et la blanche. Car la couleur noire que l’antimoine a avant sa préparation est dissipée et évaporée par la fumée qui s’élève en sa calcination. Et c’est en cette couleur noire que consiste la plus grande ma- lice de la substance de ce minéral, et de laquelle il se trouve dépouillé par ladite calcination ; non pas entièrement, car le verre d’antimoine contient encore beaucoup de poison.
Mais poursuivons à déclarer plus amplement comment il faut encore séparer ce poison du verre, afin qu’on ne donne pas sujet aux murmurateurs de s’en plaindre et que ma gloire soit exaltée et immortalisée jusqu’à la fin du monde — ainsi que sans doute il arrivera — et que mes disciples m’en sachent bon gré quand ils verront et toucheront au doigt que mes écrits leur auront déclaré la vérité et laissé telle doctrine comme un testament digne de grâces pour les grandes utilités qu’ils en recevront.
La séparation donc du soufre d’antimoine, c’est-à-dire de son verre, et l’extrait de la teinture hors de son sel se fait ainsi qu’au chapitre suivant.

CHAPITRE VI
DE LA SÉPARATION DU SOUFRE DU VERRE D’ANTIMOINE ET DE L’EXTRACTION DE SA TEINTURE

Prenez autant qu’il vous plaira du verre d’antimoine, clair et net, et fait ainsi que je vous l’ai enseigné, sans aucune addition d’autres ingrédients, et pulvérisez-le le plus subtilement que vous pourrez, afin qu’il soit presque impalpable comme de la farine. Mettez-le ensuite dans un vaisseau de verre qui ait le fond ou la base plate et forte. Versez pardessus du bon vinaigre distillé, bien rectifié et le plus fort qu’il soit possible. Mettez le vaisseau sur une chaleur modérée, ou bien, en été, au soleil, l’agitant tous les jours deux fois, afin que le tout se mêle ensemble, et laissez-le digérer sur une telle chaleur tempérée, jusqu’à ce que le vinaigre ait pris la teinture jaune et qu’il soit bien jaune tirant sur le rougeâtre, comme de l’or fondu. Cela fait, versez par inclination le vinaigre teint dans un autre vaisseau, et remettez sur la matière du nouveau vinaigre distillé que vous ferez digérer comme la première fois et dont vous extrairez aussi l’extrait que vous joindrez au premier.
Vous remettrez encore du nouveau vinaigre distillé, ce que vous réitérerez jusqu’à, ce que le dernier vinaigre que vous aurez mis sur la matière ne puisse plus attirer aucune teinture. Et alors, prenez tout votre vinaigre teint, filtrez-le nettement et le mettez dans une cucurbite de verre, et distillez le tout entièrement par le bain-marie, jusqu’à ce qu’il ne demeure rien au fond qu’une poudre sèche, de couleur entre rouge et jaune.
Versez par plusieurs fois par-dessus cette poudre rouge et jaune de l’eau de pluie distillée, en en mettant toutes les fois de la nouvelle ; laquelle après vous distillerez. Et par là vous ôterez toute l’aigreur de votre verre d’antimoine. Et il restera au fond de cette distillation une poudre douce et agréable. Vous broierez ensuite cette poudre bien menue sur un porphyre ou autre pierre dure, ou dans un mortier de verre, en observant que la pierre ou le mortier doivent être un peu échauffés auparavant que de s’en servir. Après quoi vous mettrez cette poudre dans un petit matras, sur une chaleur modérée comme auparavant. Et par ainsi la teinture de l’antimoine sera extraite, belle au possible, très rouge et séparée des lies qui restaient au fond du vaisseau, duquel on a extrait ladite teinture par le vinaigre distillé. C’est un extrait doux et agréable, et un médicament si précieux qu’il ne se peut estimer autant qu’il vaut jusqu’à ce qu’on en ait vu les expériences. Les lies qui sont demeurées au fond du matras ont retenu le poison. Et l’extrait a seulement pris en soi la vertu médicinale, laquelle on peut prendre intérieurement par la bouche, et être appliquée extérieurement tant aux hommes qu’aux bêtes. Car cet extrait étant donné au poids de 3 ou 4 grains, il chasse la lèpre et la vérole, et la guérit entièrement. Il chasse la mélancolie et résiste à tout poison. Et ceux qui sont asthmatiques et sujets aux rhumatismes se guérissent à la fin par le moyen de ce remède ; lequel fait encore plusieurs autres merveilles, pourvu qu’on sache s’en servir en son ordre.
Pour extraire le soufre du verre d’antimoine ou en faire la liqueur de soufre, prenez cette poudre jaune précédente, laquelle était demeurée au fond du matras, avant que vous eussiez versé de l’esprit de vinaigre. Réduisez-la en poudre fine sur le marbre chauffé ; et prenez des œufs cuits durs, lesquels vous fendrez par le milieu, et remplissez cette cavité de la poudre jaune susdite, extraite du verre d’antimoine ; vous mettrez vos œufs ainsi farcis de poudre dans une cave bien fraîche, ou en un lieu humide. Et vous verrez que cette poudre se résoudra en une liqueur jaune, laquelle guérit toutes sortes de plaies récentes et solutions de continuité, si on s’en sert du commencement, en touchant légèrement le dedans de la plaie avec une plume trempée dans cette liqueur, et mettant par-dessus un emplâtre narcotique. Car il ne laisse venir aucune putréfaction aux plaies ni aucune suppuration, mais les guérit toutes, sans aucune tumeur, inflammation ou matière quelconque, qu’elles soient faites par incision, ponction ou contusion. Ce qui est digne d’admiration et montre combien il faut remercier la Bonté divine de nous avoir donné un tel médicament. Pareillement, vous pouvez vous servir de ce baume d’antimoine es ulcères invétérés, malins et corrosifs. Car vous verrez qu’il fera des merveilles pour les chancres, les loupes aux jambes, la synonit ou sirit : gros et petits cèdent par sa vertu, aussi bien que les ulcères formicants, pourvu qu’on applique extérieurement ce baume et qu’on en prenne aussi intérieurement après qu’il est figé comme il faut. J’ai coutume de résoudre le verre d’antimoine et de le transformer en huile par deux différentes manières et méthodes, dont la première est par distillation en alambic, ainsi que vous le verrez au chapitre suivant.

CHAPITRE VII
DE LA MANIÈRE DE FAIRE DE L’HUILE D’ANTIMOINE

Prenez du verre d’antimoine fait sans addition autant qu’il vous plaira ; pulvérisez-le subtilement ; tirez-en la teinture avec du vinaigre distille, et après que vous aurez ôté le vinaigre et dulcifié sa résidence, qui est l’extrait de la teinture, avec du bon esprit de vin, et que vous l’aurez extraite pour la seconde fois, vous l’enfermerez bien dans un pélican et la ferez circuler pendant un mois (c’est-à-dire cette dernière extraction par l’esprit de vin), après lequel temps vous la distillerez toute seule sans aucune addition. Et par cette seule distillation vous aurez un médicament doux, agréable et admirable, en forme d’une belle huile claire et rouge avec laquelle on prépare la pierre de feu. Cette huile est la vraie et meilleure quintessence d’antimoine qu’on puisse avoir, ainsi que j’ai déjà déclaré dans mon précédent traité, où j’ai tait mention qu’il y avait quatre sortes de préparations ou d’instruments pour préparer ladite quintessence, et que la cinquième préparation appartenait à Vulcain. C’est-à-dire qu’il faut se servir de diverses préparations avant que la quintessence d’antimoine soit parfaite, et que la cinquième est l’utilité et la disposition de l’ouvrage au corps humain, c’est-à-dire son opération. Le premier travail ou préparation est la calcination de l’antimoine et sa fusion en verre. La seconde est la digestion par laquelle l’extrait se fait.
La troisième est la coagulation. La quatrième est la distillation en huile, par laquelle se fait seulement la séparation du plus subtil d’avec le plus grossier ; après laquelle séparation s’ensuit la fixation par la dernière coagulation ; laquelle, finalement, réduit cette matière en une pierre transparente qui est tout feu ; laquelle se doit fermenter pour faire ses opérations seulement dans les métaux, à cause de sa trop grande faculté pénétrative, non pas toutefois si puissante que la Pierre philosophale, d’autant qu’elle n’est pas universelle, mais seulement particulière en teinture, de quoi nous parlerons plus amplement à la fin du traité où je parlerai de la pierre de feu. Cette huile, donc, ou quintessence, ainsi préparée, exécute tout ce qui est nécessaire de faire et de savoir à un bon médecin et ce qui est expédient en ses cures. Sa dose est de huit grains avant sa coagulation, prise dans du vin pur. Elle fait reverdir et devenir jeunes les hommes et les rend libres de toutes infirmités, les rendant vigoureux de même que s’ils étaient nouvellement nés. Et tout ce qui croît en nos corps, comme cheveux, ongles et autres accessoires, se changent totalement par le moyen de ce souverain remède ; de sorte qu’on devient jeune en se dépouillant de tout ce qui est vieux, comme le phénix — s’il y a un tel oiseau au monde, car je n’en parle que par similitude — se rend immortel par le feu. Cette médecine ne saurait non plus se brûler que les plumes de la salamandre inconnue. Cette quintessence consume tous les accidents dans le corps humain, comme un feu consumant auquel elle est aussi comparée. Elle chasse tout ce qu’il y a d’impur dans les corps, et finalement fait tous les mêmes effets que l’or potable, à l’exception de l’astre du soleil qui précède et qui est d’une excellence sur tous les autres médicaments du monde lorsqu’il est bien préparé et réduit à une parfaite fixation. Car l’astre du soleil et l’astre de Mercure sont sortis tous deux du même sang de leur mère et hors d’une même source vivifiante et vivificative de la santé humaine. On n’a pas aussi à craindre que cette extraction d’antimoine faite par vinaigre distillé, et ensuite exaltée au dernier degré de pureté et de subtilité avec l’esprit de vin et par le moyen de Vulcain, doive trop violemment purger par les selles ou vomissements. Car elle ne purge en aucune façon, mais seulement chasse les causes morbifiques par les sueurs, par l’urine et par les crachats, et restaure par merveille les forces perdues par la violence des maladies.
Pour purger simplement avec le verre d’antimoine, on en pulvérise subtilement six grains ou environ, selon la disposition des corps. On le met en infusion dans un peu de vin blanc pendant la nuit, lequel on décante tout doucement le matin. Et étant alors coulé et pris par la bouche, il purge assez violemment par le bas et parfois excite le vomissement. Ce qui se fait à raison de la qualité mercurielle qui est encore dans ce même verre d’antimoine, ainsi que les bons médecins peuvent juger d’eux-mêmes lorsqu’ils ordonnent le verre d’antimoine selon qu’il est requis. L’autre façon de préparer l’huile d’antimoine se fait par addition d’autres ingrédients ; et il se peut employer avec grande utilité en plusieurs maladies, comme je vais le déclarer dans le chapitre suivant.

CHAPITRE VIII
D’UNE AUTRE MANIÈRE DE FAIRE L’HUILE D’ANTIMOINE

On pulvérise le plus subtilement qu’il est possible le verre d’antimoine ; après quoi on verse dessus du verjus, c’est-à-dire du jus de raisin vert. Et ce verre ainsi pulvérisé se met avec le verjus dans un matras, qui a le fond luté, en digestion pendant quelques jours. Et l’on dessèche ensuite ce verjus passé par la digestion. Et lorsqu’il est sec, on pulvérise l’antimoine avec deux fois autant de sucre clarifié. Lesquels, étant mêlés ensemble, se doivent humecter avec du vinaigre distillé. Après cela, distillez, au nom de Dieu, ce vinaigre ainsi infusé avec le sucre et l’antimoine par la cornue, en donnant sur la fin un dernier degré de chaleur ; et vous en tirerez une huile rouge que vous clarifierez avec l’esprit de vin. Sa dose est fort petite, mais grandement utile. On fait addition avec cette huile d’un peu d’esprit de sel. Lesquels étant versés par-dessus la chaux subtile de l’or préparée auparavant avec son eau appropriée — comme je l’ai enseigné en mes autres écrits — et distillés ensemble par le matras, tirent toute la teinture de l’or, laissant son corps au fond. Je prie donc seulement les médecins qu’ils considèrent bien mes desseins et qu’ils se servent de mes préparations, car ils trouveront tous les jours plus de louanges, plus d’utilités, plus de facilités en leurs médicaments qu’aucun autre leur ait jamais enseigné ci-devant.
Lors donc que vous aurez préparé l’antimoine jusqu’au point de perfection et que vous serez expérimenté en son opération, vous pourrez alors vous glorifier de savoir préparer son magistère, qui est une chose qui n’est pas vulgaire ni commune à tous les maîtres. Ce magistère étant mêlé avec la dissolution ou teinture de corail et donné en breuvage avec quelques eaux confortatives et cordiales, il fait des effets merveilleux dans les maladies dysentériques et empêche toutes les maladies provenant d’un sang impur, réjouit le cœur, donne chasteté et probité, et finalement rend l’homme diligent en toutes affaires. Pour tous lesquels bienfaits, rendons grâce très humbles au Créateur et Conservateur de toutes choses, qui nous a bénignement accordé les remèdes pour guérir les maladies de notre corps et de notre âme, et qui nous donnera la consolation et l’assistance en toutes nos nécessités.
Je parlerai en outre dans le chapitre suivant, d’une manière très sommaire, de la manière de faire l’arcane de l’antimoine.

CHAPITRE IX
DE LA MANIÈRE DE FAIRE L’ARCANE DE L’ANTIMOINE

Prenez parties égales d’antimoine et de sel armoniac subtilement piles, et distillez-le tout par la retorte. Adoucissez ensuite ce qui est resté, en y mettant de l’eau de pluie distillée et chaude. Laquelle eau étant retirée, par la distillation ou autrement, et avec icelle toute l’acrimonie du sel armoniac, il vous restera au fond un verre d’antimoine semblable à des petites plumes blanches et luisantes, lesquelles vous dessécherez doucement à lente chaleur. Mettez-les ensuite dans un pélican ou vaisseau circulatoire couvert. Versez dessus de l’esprit blanc de vitriol rectifié. Circulez ces deux matières jusqu’à ce qu’elles soient bien unies ; après quoi vous les distillerez. Et sur la matière restante au fond, vous verserez de l’esprit de vin et vous circulerez comme auparavant. Et ainsi la séparation sera faite et quelques fèces résideront véritablement au fond du vaisseau ; mais l’arcane de l’antimoine demeure uni avec l’esprit de vin et le vitriol. Et si vous rectifiez encore une fois cet arcane, une seule goutte avec une d’eau de rosé opère, si on en boit, plus puissamment qu’une pleine chaudière d’herbes cuites, excite l’appétit, remet un estomac dans son bon tempérament, chasse la mélancolie, engendre le bon sang, aide à la digestion. C’est un très bon remède pour arrêter les élévations de la matrice, contre les passions hystériques et la colique. Enfin, cet arcane est si bon qu’il ne se peut payer par argent. Après l’arcane de l’antimoine, suit son élixir, que vous ferez en la manière que je vais vous prescrire au chapitre suivant, qu’il faut suivre exactement et de point en point.

CHAPITRE X
DE LA MANIÈRE DE FAIRE L’ÉLIXIR D’ANTIMOINE

Prenez, au nom de Dieu, d’une bonne mine d’antimoine deux parties réduites en poudre impalpable ; sublimez-les avec une partie de sel armoniac, et mettez ensuite dans une retorte de verre tout ce qui se sera sublimé, que vous distillerez trois fois en séparant les fèces à chaque distillation. Séparez après cela le sel armoniaque en l’édulcorant, et réverbérez la matière de l’antimoine à feu doux qu’il ne faut pas trop presser. Et cela jusqu’à ce qu’elle devienne comme une terre de cinabre. Vous jetterez ensuite du fort vinaigre de vin pour en extraire la rougeur ; après quoi vous séparerez ce vinaigre par le bain-marie, en sorte que la matière demeure en poudre. Et ensuite vous retirerez la teinture par l’esprit de vin, afin que les fèces en soient séparées. Et vous aurez une extraction claire et pure. Cela fait, mettez cet esprit de vin chargé de la teinture dans une cucurbite avec un peu de teinture de corail et de quintessence de rhubarbe, et vous en donnerez trois ou quatre gouttes par dose.

Vertus de l’élixir d’antimoine et de ses admirables propriétés.

II rend le ventre libre et purge sans tranchées. Car si vous avez bien opéré, il rend le sang fluide et est une médecine fort propre à ceux qui souhaitent d’avoir le ventre libre. Il se trouvera peut-être quelque médecin qui sera surpris que cette médecine rende le ventre libre, l’antimoine étant violent, et qu’on y ajoute de la rhubarbe qui est aussi purgative. Mais qu’il n’en soit point étonné, et qu’il sache que cette vertu de purger violente et dangereuse est tellement mortifiée par cette préparation qu’elle n’a plus aucune force pour agir et expulser ; mais sitôt qu’on lui a joint quelque purgatif simple, ce même simple fait son effet selon la force de la nature, en ouvrant et purgeant. Mais pour l’antimoine qui a été bien préparé, s’il n’a plus d’action sur l’estomac pour en chasser les impuretés au moyen de la médecine purgative à laquelle il est joint, il acquiert une vertu plus étendue pour pouvoir sans empêchement opérer de quelque autre manière et chercher pour ainsi dire la voie d’exécuter plus parfaitement ce à quoi il est destiné et pour quoi il a été préparé. On doit ajouter foi à ce que je dis, puisque rien ne m’oblige à écrire contre la vérité.
Cet élixir préparé de cette manière pénètre le corps et le purge de la même manière que l’antimoine pénètre l’or et en sépare toutes les impuretés. Si je voulais faire le dénombrement de ses forces et vertus, il me faudrait obtenir du Seigneur, à force de prières, qu’il prolongeât mes jours, afin que je pusse raconter avec louanges les choses merveilleuses qu’il contient, après les avoir recherchées avec toute l’exactitude possible ; les communiquer aux autres dans toute vérité, afin que tous, remplis d’admiration, rendissent avec moi des publiques actions de grâces au Créateur de nous avoir donné un être aussi parfait.
Mais pour m’acquitter de ce que je me suis proposé et pour ma propre satisfaction, je décris ici les vertus de l’antimoine, c’est-à-dire ce que j’en ai pu découvrir par mes expériences. Car je passe sous silence ce que j’en ignore, ne m’étant pas permis de porter des jugements sur des choses que je ne connais pas et dont je n’ai fait aucune expérience ; ce que je laisse à faire à ceux qui viendront après moi et qui, par leurs études et travail, auront fait de nouvelles découvertes. Car il n’est pas possible à qui que ce soit de pouvoir parvenir à une connaissance si étendue de toutes les vertus de l’antimoine qu’il n’en reste encore à apprendre. Et parce que, comme je l’ai déjà dit ci-devant, la vie est trop courte, mais plus encore parce que l’on découvre tous les jours quelque chose de nouveau dans ce sujet merveilleux.
Que les hommes sachent donc que l’antimoine non seulement purifie, nettoie, et sépare de l’or toutes les matières qui lui sont étrangères et tous les autres métaux, mais qu’il fait aussi, par une force et vertu qui lui est naturellement innée, le même effet dans les hommes et parmi les animaux. Ce que je vais vous prouver par une expérience grossière. Or est-il que si un laboureur a quelques bêtes à engraisser, comme un cochon, qu’il lui donne avant que de le mettre à l’engrais, pendant deux ou trois jours, une dose raisonnable d’antimoine cru dans la mangeaille, comme par exemple un demi-gros à un cochon : par ce moyen, il le purgera, ce qui non seulement lui donnera un fort grand appétit, mais le fera en très peu de temps devenir gros et gras. Et si cet animal a quelque indisposition, soit au foie ou en autre partie, il sera guéri, ainsi que de tous les autres, par le moyen de ce médicament.
Cet exemple est à la vérité fort grossier à citer devant gens savants et de marque. Mais je l’écris seulement afin que, quelque simple que l’on soit et qu’on ait l’esprit bien éloigné des subtilités de la philosophie, on voie clairement les effets de la vérité de ma doctrine, et que chacun croie que les autres choses qui sont plus relevées dans mes écrits sont de même façon.
Mais il y a grande différence entre la nature des hommes et celle des bêtes. Il ne faut donc pas inférer de là qu’il faille donner l’antimoine cru aux hommes. Car les animaux irraisonnables peuvent bien mieux supporter les viandes grossières et crues et les mieux digérer que les hommes dont la chaleur naturelle est beaucoup plus délicate et plus tempérée.
C’est donc aussi pourquoi ceux qui veulent se servir de l’antimoine avec utilité, doivent premièrement être expérimentés et bien versés dans sa préparation et, outre cela, bien connaître les complexions des hommes, s’ils sont jeunes, vieux, forts ou faibles, afin qu’ils ne fassent pas plus de dommage que d’utilité ; j’entends parler de la dose qu’il en faut donner, en quoi consiste le principal point. Mais pour éviter la prolixité et les longs discours qu’il faudrait employer à décrire toutes les circonstances de ce traité, laissons les exemples à part, poursuivons la préparation de notre antimoine et déclarons comme il le faut fixer. Sur quoi la nature du vin nous éclairera. Car lorsqu’on a séparé l’esprit de vin par distillation, il est certain que tel esprit échauffe intérieurement le corps des hommes, s’ils en boivent ; et au contraire, si on l’applique extérieurement aux parties enflammées, il les rafraîchit en tirant à soi toute la chaleur au-dehors. Pareillement, lorsqu’on a fait du fort vinaigre avec du vin, ce vinaigre rafraîchit intérieurement et extérieurement, nonobstant que tous deux soient sortis des mêmes principes, à savoir du vin. La raison de cela est que le vinaigre se fait seulement par digestion, laquelle réduit le vin à une putréfaction, avec une fixation végétable. Ainsi qu’au contraire les autres préparations de l’esprit de vin se font par la séparation en la distillation, ou bien par une sublimation végétable, par laquelle l’esprit de vin se rend fluide, de même aussi la préparation de l’antimoine ressemble à celle-là. Car, selon celle-ci ou celle-là, il exerce ses facultés différemment. La fixation donc de l’antimoine que j’entends ici se fait comme il va t’être dit au chapitre suivant.

CHAPITRE XI
DE LA FIXATION DE L’ANTIMOINE

Prenez de l’antimoine autant qu’il vous plaira. Pulvérisez-le subtilement et le mettez dans un matras. Versez ensuite par-dessus une puissante eau forte, de sorte qu’il y en ait par-dessus deux travers de doigt. Mettez ce matras en infusion sur un feu tempéré, pour faire extraction l’espace de dix jours, et que le verre soit bien fermé et luté. Après ces dix jours, décantez ou versez tout doucement par inclination cet extrait d’eau forte, et filtrez-le bien pour en séparer toutes les impuretés, fèces et immondices.
Cela fait, mettez votre extrait dans un verre et distillez cette eau forte sur la cendre ou sur un feu de sable, jusqu’à ce qu’il ne demeure rien au fond qu’une poudre jaune, toute sèche, sur laquelle vous verserez de l’eau de pluie distillée. Et remettez de nouveau votre verre sur une chaleur modérée pour en faire nouvelle extraction, laquelle à la fin sera belle et rouge comme un rubis. Il faudra filtrer cette extraction comme auparavant et la distiller au bain-marie ; et vous trouverez au fond du verre une poudre rougeâtre sur laquelle vous verserez derechef du vinaigre distillé qui soit fait de vin. Lequel, par le moyen d’une chaleur modérée, prendra avec le temps la teinture de cette poudre et deviendra tout rouge, ne laissant rien que des fèces blanches. Distillez pareillement ce vinaigre rouge séparé desdites fèces, et vous trouverez derechef au fond du verre une poudre rouge ; laquelle il faudra réverbérer trois jours durant sans intermission avec un feu de flammes ouvert. Et à la fin de ces trois jours, il vous faudra extraire la teinture de cette poudre réverbérée avec de l’esprit de vin, que vous séparerez d’avec la lie. Cela fait, distillez cet esprit teint par le bain-marie, et vous trouverez une poudre rouge fixe, de laquelle on peut prendre une demi-dragme par fois, trois fois le jour, le matin, le midi et au soir, ce qui est digne d’admiration. Et quand bien on en prendrait plus souvent, elle ne nuirait aucunement. Cette poudre a la vertu de dissiper le sang caillé dans le corps ; ouvre les abcès intérieurs sans aucun danger, les guérit parfaitement. Elle est le souverain remède de la vérole qu’elle chasse du corps radicalement ; fait recroître les cheveux et rend un corps vérolique tout autre qu’il n’était, en le purifiant. La plupart des médecins d’aujourd’hui ne savent que dire ou juger de ces choses, d’autant qu’ils n’ont pas appris cette noble science.
Mais le plus petit nombre qui est composé des jeunes apôtres et disciples de la vraie science spagirique, considéreront bien mieux mes écrits. Au reste, je vous dis, mes chers disciples et apôtres, si vous voulez me suivre, prenez d’abord au commencement votre croix sur vos épaules et endurez comme j’ai fait. Apprenez à supporter les persécutions comme moi ; travaillez sérieusement comme ont fait nos prédécesseurs ; priez continuellement la Bonté divine ; soyez patients en vos travaux, et le Tout-Puissant ne vous abandonnera pas et vous exaucera, ainsi qu’il m’a exaucé par sa clémence infinie, de quoi je lui rends grâces à tout moment. Nous allons parler dans le chapitre suivant des fleurs d’antimoine, de leurs extractions et de leur vertu.

CHAPITRE XII
DE L’EXTRACTION DES FLEURS D’ANTIMOINE

Les fleurs d’antimoine se font de plusieurs façons, ainsi qu’il appert à tous ceux qui ont connaissance de l’Art spagyrique. Quelques-uns les préparent mêlées ensemble avec le sel armoniac, par une cornue, et en séparent après le sel armoniac, et font grand cas de cette préparation qui fait les fleurs fort blanches. D’autres ont des instruments faits expressément pour la préparation de ces fleurs d’antimoine, lesquels instruments ont des oreilles à vent, afin que l’antimoine ait de l’air pour monter en haut. D’autres subliment l’antimoine qui, jouissant plus librement de l’air, monte plus facilement. D’autres font une sublimation à feu fort, se servant pour cela de trois chapiteaux, et tirent tout ensemble les fleurs blanches, jaunes et rouges. Lesquels ouvriers j’ai imité sans erreur. Mais pour employer dignement ces fleurs en la médecine, j’ai coutume de me servir des rouges en y mettant du colcotar vitriolique, en les sublimant trois fois. Car c’est ainsi que l’essence du vitriol monte avec les fleurs et qu’elle se rend plus forte. Cela fait, je tire des fleurs avec l’esprit de vin ; je sépare les fèces restantes ; je distille l’esprit de vin au bain-marie, tant que la poudre reste sèche au fond. Et ce sont ces fleurs ainsi préparées que je donne à mes frères et aux malades qui ont recours à moi et que je console. Ces fleurs purgent très doucement et sans excès, et elles ont ôté à plusieurs les fièvres quartes et tierces et plusieurs autres maladies. J’ai donc résolu, avec l’aide de Dieu et de la très sainte Vierge Marie, de faire un testament mémorable et de laisser un catalogue de toutes les cures que j’ai heureusement faites, afin de rendre publiquement grâces à Dieu, et que la postérité connaisse ma bienveillance et les miracles que Dieu a enfermés dans le sein de la Nature. Que le lecteur sache donc, touchant cette sublimation et fleurs d’antimoine, qu’elles sont de même condition que l’eau qui tombe d’une haute montagne. Et l’on peut donc ainsi juger de la différence des eaux, en ce que quelques-unes rejaillissent à la cime des plus hautes montagnes, d’autres sont cachées dans les entrailles de la terre et ne se peuvent trouver qu’en fouillant bien avant. Et quant à cette différence, je dis que la matrice de l’eau terrestre est plus puissante en des endroits qu’en d’autres, parce que tous les éléments en sont engendrés et en tirent leur naissance. Si donc cette matrice est forte en terre, elle jette sa semence, par une forte expulsion, même jusqu’au bout des Alpes.
La raison de notre sublimation est la même que celle des eaux, dont les unes, trouvées à la cime des montagnes, sont plus salutaires et plus froides que les eaux des prés et des fossés. De même aussi, si par la violence du feu la matière des Sages est élevée en leur montagne, la terre demeure au fond, de laquelle se tire un sel propre à son usage ; et par la sublimation se fait la séparation du bon d’avec le mauvais, du pur d’avec l’impur, du subtil d’avec l’épais, le tout pour connaître le venin d’avec la médecine. Nous, misérables pécheurs, mortels ayant mérité la mort à cause de nos péchés, demeurons ensemble dans cette masse terrestre où nous sommes conservés par le sel jusqu’à ce que nous pourrissions, et qu’enfin, étant ressuscites, par la chaleur du feu céleste nous soyons clarifiés et élevés à cette sublimation et exaltation où, étant dégagés des fèces et impuretés, nous puissions être enfants de Dieu, ainsi qu’il plaise à sa miséricorde de vouloir bien nous l’accorder.
Je crois donc que personne ne me reprendra de l’exemple, ou comparaison, que j’ai allégué de cette terrestre et céleste sublimation. Je n’ai pas fait cela sans cause, sachant par mon génie particulier ce qui est blanc et ce qui est noir, quand le ciel est serein ou qu’il est chargé de nuées. Je passerai donc à une préparation d’antimoine. Que mes disciples désireux de cet Art sachent et remarquent par doctrine philosophique que les extractions d’antimoine, et de toutes autres choses, sont beaucoup différentes dans les opérations qu’il en faut faire. Laquelle différence ne gît point dans la matière ni ne se connaît pas d’avec la matière d’où elle est tirée, mais dépend et est attachée à la préparation et à l’addition par le moyen de laquelle l’expérience nous fait foi que toutes les vertus sont tirées. Je déclare et je confirme cela par cet exemple, étant certain que ce qui est tiré de l’antimoine et de toutes les autres choses par l’esprit de vin acquiert bien une autre préparation que ce qui se tire avec le vinaigre distillé fortement, et dont la principale cause vous a été dite ci-devant, puisque les extractions antimoniales qui se font avec l’esprit de vin excitent et lâchent le ventre beaucoup plus que celles qui se font avec le vinaigre, qui, au lieu de lâcher, constipe et retient par une façon singulière et par un milieu tout particulier, parce que l’antimoine de volatil est devenu fixe. Il faut considérer attentivement ce secret ; mais peu y prennent garde, car ces mystères sont cachés et très profonds, et ce sont choses que les sophistes de l’Ecole ignorent sûrement et n’en ont aucune connaissance.
L’extraction faite avec le vinaigre resserre, et celle qui est faite avec l’esprit de vin purge. Ce qui est très remarquable.

CHAPITRE XIII
DES EXTRACTIONS ANTIMONIALES

L’extraction antimoniale se fait doublement par le vinaigre et par l’esprit de vin. Le vinaigre constipe et l’esprit de vin excite et lâche par les selles et urines, comme j’ai souvent dit, et particulièrement dans mes Douze clefs. L’extraction faite du verre d’antimoine par l’esprit de vin purge médiocrement, et celle qui est faite par le vinaigre ne purge point du tout, ce qui est très véritable. Cette expérience cause une profonde méditation et donne le propre de la véritable philosophie. Et c’est une merveille de voir que ce qui a été tiré de l’antimoine par l’esprit de vin retient une vertu purgative. Et le verre d’antimoine tiré au commencement par le vinaigre fait le contraire. Et si, après l’avoir préparé, on le tire encore avec l’esprit de vin, sa nature et propriété venimeuse est entièrement ôtée et il n’en demeure aucun vestige, ne mouvant plus qu’à la selle. Elle peut faire effet par la sueur et par plusieurs autres moyens, comme par les crachats et les vomissements. De plus, elle purifie le sang. Elle guérit les asthmatiques et plusieurs autres maladies, apaise la toux, de quelque genre qu’elle soit. Et enfin c’est un remède divin s’il est fait de vinaigre commun et point distillé.

CHAPITRE XIV
DE L’EXTRACTION ANTIMONIALE POUR LA LÈPRE

II se fait une autre extraction d’antimoine pulvérisé, sur lequel vous mettrez du vinaigre distillé. Mais il faut un antimoine non du commun, mais de celui de la minière. Bouchez ensuite le matras et le mettez au soleil ; et avec le temps votre vinaigre distillé rougira comme du sang. Séparez cette extraction et la filtrez. Mettez sur le sable dans un alambic ; et en distillant vous verrez paraître des couleurs merveilleuses. Et l’huile devient très rouge et laisse au fond du vaisseau beaucoup de fèces. Cette huile est employée en beaucoup de maladies avec utilité. Sa gloire et sa vertu se manifestent dans la guérison de la lèpre. Elle consume et dessèche les maux vénériens et fait d’autres miracles, pourvu que le médecin sache son usage véritable, qu’il observe une correcte préparation et qu’il consulte l’expérience et ne l’oublie jamais.

CHAPITRE XV
DE LA MANIÈRE DE PRÉPARER LE FOIE D’ANTIMOINE

Préparez le foie d’antimoine ainsi : prenez du tartre rouge et de l’antimoine minéral, parties égales. Pilez-les et après les avoir bien mêlées ensemble, mettez-les dans un pot bien luté sur un bon feu, jusqu’à ce que le tartre soit brûlé, ce qui doit se faire dans un fourneau à vent. Et auparavant que de piler cette matière brûlée, vous jetterez dessus de l’eau de pluie bouillante et la coulerez comme de la lessive. Et alors s’en fait le foie, car c’est ainsi que l’ont nommé nos prédécesseurs. Ce foie étant donc desséché et bien pulvérisé, mettez-le dans une cucurbite avec de l’esprit de vin, puis filtrez cet esprit de vin avec le papier gris, et distillez-le par le bain-marie, tant qu’il n’en demeure que la tierce partie. Cette extraction se peut mettre en usage, mais avec modération et beaucoup de discrétion. En quoi il y a un miracle à observer, qui est fort singulier : c’est que l’esprit de vin étant une fois séparé, il ne se peut plus réunir avec cette extraction rouge, mais il surnage par-dessus comme de l’huile sur l’eau. Et si cet esprit de vin est encore employé une fois, il se fait une autre extraction, laquelle, étant versée sur la première, ne se mêle aucunement avec elle. Ce qui est très merveilleux. Mais qui pourrait raconter les grands miracles de Dieu et les dons qu’il a faits à ses créatures? J’ai auparavant fait mention de l’extraction avec le vinaigre et l’esprit de vin. Que si de cette extraction l’on sépare le vinaigre par le bain-marie et que l’on fasse résoudre la poudre restante en huile jaune dans un lieu humide, cette liqueur vulnéraire fait des merveilles indicibles dans les plaies récentes et invétérées, et empêche tous les symptômes. Une autre extraction faite par l’esprit de vin de cette même poudre est un très grand remède pour les maladies internes. J’ai souvent proposé dans mes écrits précédents une autre préparation antimoniale, et je l’ai dit abondamment dans cet avertissement, parce que je sais l’utilité et les secours qui y sont cachés. C’est pourquoi je crois que les répétitions ne déplairont pas à mes disciples. Car je n’écris rien sans cause, et mes discours sont brefs et contiennent pourtant en eux un grand circuit.

CHAPITRE XVI
D’UNE AUTRE EXTRACTION ANTIMONIALE PAR EAU CORROSIVE

Prenez du vitriol et du sel commun, parties égales. Pilez et mêlez ces deux choses ensemble, et en distillez l’eau. Si vous augmentez le feu, vous tirerez une liqueur semblable au beurre fondu, ou à de l’huile, que vous garderez pour vous en servir en son temps et à son usage. Pulvérisez la tête morte, et résolvez-la à la cave en eau qu’il faut ramasser peu à peu, et la filtrez par le papier gris. Prenez, après, de l’antimoine de Hongrie subtilement pilé et le mettez dans un vaisseau de verre à fond plat. Versez dessus l’eau susdite, et vous mettrez le tout sur une chaleur lente, tant qu’il devienne de couleur violette. Alors augmentez le feu : vous aurez une couleur de saphir très brillant ; et de cette couleur sort une poudre très blanche ; et si vous versez de l’eau commune dessus, la même chose arrivera. Cette extraction de vitriol cru purge par haut et par bas. Et la solution de la tête morte à la cave transmue des lames déliées de Mars en Vénus. L’expérience en est témoin.
Ecoutez donc maintenant, lecteur, et soyez attentif. Mettez cette huile en l’eau susdite ci-devant racontée, dans du safran de Mars fait avec le soufre. Puis réverbérez bien à rougeur parfaite, et mettez à digérer pour tirer ainsi la teinture de Mars rouge comme du sang. Prenez après une partie de cette extraction rouge de l’antimoine fait avec le sel de pierre brûlée et avec l’esprit de vin préparé ; du mercure tiré peu à peu par le tuyau, jetez-en peu à peu une partie ; de la chaux d’or dissoute dans la susdite eau corrosive, une demi-partie. Mêlez tout cela et, en versant, changez d’un vase à l’autre pour purger. Et puis après, distillez sur les cendres à feu médiocre et, quoique vous ne passiez pas l’amalgame par la cornue, il demeurera au fond une solution fixe et rouge, très utile pour les ulcères. Le caput mortuum restant, résolu en lieu humide, produit une liqueur si âcre qu’aucune eau forte ne lui peut être comparée en corrosion.

CHAPITRE XVII
DE LA MANIÈRE DE FAIRE L’ANTIMOINE DIAPHORÉTIQUE

On fait aussi une préparation de l’antimoine que l’on réduit en une poudre blanche (diaphorétique) et se fait ainsi qu’il suit. Prenez de l’antimoine de Hongrie et du salpêtre trois jours purifié, parties égales. Pilez-les et les mêlez bien ensemble et faites ensuite brûler ce composé au feu de circulation dans un pot neuf dans lequel vous jetterez la matière peu à peu ; et cuisez le tout. Et cela étant fait, mettez la matière en poudre et versez de l’eau bouillante dessus. Remuez bien le tout, et après que la matière sera reposée, évacuez cette première eau et y en remettez d’autre, ce que vous continuerez tant que vous ayez ôté tout le salpêtre. Desséchez cette même matière et la mettez en poudre, en la mêlant derechef avec autant de salpêtre que la première fois. Et réitérez toutes ces opérations jusqu’à trois fois. Après quoi, la matière étant desséchée de la dernière eau, mettez-la en poudre dans un vaisseau de verre à fond plat et bien clos, lorsque vous y aurez mis l’esprit de vin nécessaire. Circulez-le tout un mois entier. Et vous retirerez ensuite ce premier esprit de vin et en remettrez de nouveau que vous ferez brûler sur la matière. Et, cela étant exécuté, il faudra tenir au feu pendant un jour entier, dans un creuset que vous entretiendrez toujours rouge, la poudre provenue de cette opération.
Cette poudre étant résoute en lieu humide sur une table de marbre ou de verre, ou dans des blancs d’œuf, elle forme une liqueur qui, à la chaleur, retourne en poudre. Et cette poudre fait de très belles choses qui ne pourraient pas être crues si l’expérience ne le démontrait pas manifestement. Son action est lente, mais si on lui donne le loisir, elle montre ses forces, car celui qui est travaillé d’apostéme intérieur sera guéri s’il prend tous les jours de cette poudre, cinq ou six fois le jour, quinze grains à chaque fois dans l’esprit de vin ou dans du vin pur, et peu à peu, vomissant le sang, retournera en santé. Celui qui est affligé du mal vénérien en peut user, et il sera radicalement guéri. Cette poudre fait venir des nouveaux cheveux, purge le sang et fait beaucoup d’autres biens que nous passerons sous silence, car je ne puis pas toujours si bien exposer toutes choses que tout le monde devienne médecin par mes écrits sans aucun autre travail. Mais que chacun porte, comme il est très juste, sa part de la peine ’". Par les discours philosophiques vous apprendrez et saurez la théorie, mais le travail et les opérations, joints à un suffisant avertissement, apprennent la pratique. C’est pourquoi il est nécessaire de se servir de discours clairs en semblables ouvrages et matières.

CHAPITRE XVIII
DE LA MANIÈRE DE FAIRE LE BAUME DU RÉGULE D’ANTIMOINE

Du régule d’antimoine se prépare un baume utile contre les maladies et duquel le mercure d’antimoine peut être revivifié. Prenez de l’antimoine de Hongrie et du tartre, parties égales, avec la moitié d’une partie de salpêtre. Et les ayant pilées et mêlées, faites-les fondre dans un creuset au fourneau à vent. Étant refroidies, séparez le régule de la terrestréité et purifiez-le encore trois ou quatre fois avec du tartre et du salpêtre. Et ainsi il devient blanc comme argent qui a souffert l’examen et surpasse la crudité de son plomb. Pilez le régule et le mettez dans un vaisseau de verre, et versez dessus de l’huile de genièvre ou de l’esprit de térébenthine, de celui qui est sorti le premier et qui est aussi clair que de l’eau. Bouchez bien le vaisseau et faites circuler tout le composé au bain-marie. L’huile ou esprit rougira d’abord. Versez-le et le rectifiez avec de l’esprit de vin. Ce baume a les mêmes vertus que le baume de soufre, comme je le dirai dans mon Traité du soufre, car la préparation de l’un ou de l’autre est presque semblable. Trois gouttes de ce baume prises dans du vin chaud trois fois dans une semaine guérira les pulmoniques, les asthmatiques, les phtisiques, pleurétiques et de la toux invétérée.
On fait aussi beaucoup d’huile d’antimoine. Quelques-uns la font simplement, d’autres par addition, et toutes ont diverses vertus selon la diversité de leur préparation. Je vous alléguerai sur cela une parabole. Beaucoup d’animaux, comme les vermisseaux, serpents et plusieurs autres espèces que les corruptions ordinaires nous font connaître soit dans les eaux ou dans l’air. Beaucoup d’animaux merveilleux se trouvent aussi dans les régions et climats chauds, lesquels maintiennent leur vie par la chaleur solaire et qui, étant transportés en d’autres lieux, n’y peuvent aucunement vivre. C’est ainsi que l’antimoine étant préparé avec un mélange aqueux a d’autres effets que lorsqu’il est mêlé et préparé avec une addition ignée. Et quoique sa préparation se fasse par le feu, sans lequel sa vertu ne peut se manifester ni être découverte, il faut néanmoins considérer qu’une addition terrestre fait d’autres effets qu’une addition aqueuse. Si l’antimoine demeure seul au feu, il s’enlève en l’air en esprit. Et, en un mot, de la diversité de ses préparations procède la diversité de ses vertus.

CHAPITRE XIX
DE LA PRÉPARATION DE L’HUILE OU SOUFRE D’ANTIMOINE

La première huile ou soufre de l’antimoine se prépare sans aucune addition, ainsi qu’il s’ensuit. Prenez de l’antimoine de Hongrie cru. Pilez-le et le mettez dans une cucurbite de terre. Versez dedans le vrai vinaigre des philosophes avec son sel. Lutez bien et putréfiez votre composé au bain-marie quarante jours de suite. Et vous verrez que le corps de l’antimoine s’ouvrira et fera la liqueur plus noire que l’encre, qui est le signe d’une solution parfaite. Mettez cela dans un alambic et distillez à petit feu pour en tirer le vinaigre. Et vous trouverez au fond une manière de bouillie qu’il faut laver et édulcorer avec eau de pluie distillée. La desséchez ensuite et la mettez dans un circulatoire à col long qui ait trois ventres, comme si trois sphères étaient jointes ensemble, avec différence néanmoins des vais seaux sublimatoires qui sont avec l’aludel qui a le col long comme une fiole. Laissez votre circulatoire dans une chaleur convenable l’espace de deux mois avec de l’esprit de vin bien rectifié qui surnage la matière de trois travers de doigt, et que votre vaisseau soit bien luté. Et l’esprit deviendra rouge et transparent comme un rubis. Alors videz et séparez par le filtre cet esprit de la terre noire que vous trouverez au fond, laquelle est très inutile. Distillez ensuite cet esprit de vin dans un alambic de verre bien luté, sur le sable. Et la teinture de l’antimoine sortira avec l’esprit de vin qui emportera avec lui les éléments qui sont compris dans l’extrait en les séparant. Et vous verrez l’alambic d’aussi belle couleur que l’or le plus fin. À la fin de la distillation, il n’y aura que très peu de fèces. Et cette couleur dorée se perdra dedans le verre. Circulez cette distillation dix jours. L’huile de l’antimoine qui a été faite par l’esprit de vin deviendra grave et pesante, descendra au fond, et l’esprit de vin retournera en sa première pureté, surnageant pardessus l’huile qu’il faut séparer. Cette huile est très douce et sans aucune corrosion. On ne saurait croire sa force et vertu et c’est aussi pourquoi je la nomme le soufre des soufres de l’antimoine, le baume de la vie, lequel, avec l’aide de Dieu, m’a beaucoup profité lorsque j’avais la mort sur les lèvres ainsi que mes frères peuvent témoigner. Cette huile renouvelle l’homme, purge le sang lorsqu’il est mêlé avec la teinture de corail. Elle chasse la lèpre ainsi que la gale provenant d’impuretés du sang. Elle chasse la mélancolie, corrobore le cœur et les membres, lors principalement qu’elle est mêlée avec les perles préparées. C’est un souverain remède à la lipothymie, car étant mêlée avec l’huile de cannelle en poids égal, six gouttes mises sur la langue guérissent tous les maux des narines, artères et descentes.

CHAPITRE XX
D’UNE AUTRE PRÉPARATION D’HUILE OU SOUFRE D’ANTIMOINE COMME AUSSI LE VÉRITABLE SEL DE CE PRÉCIEUX MÉTAL

Voici une autre manière de préparer l’huile d’antimoine et la faire passer par l’alambic sans addition. On fait un régule avec le tartre et le salpêtre, comme j’ai dit ci-devant. On le réduit en poudre que l’on met ensuite dans un vaisseau de verre rond, sur un feu de sable lent, pour le faire sublimer, comme il fera en effet. Mais vous observerez de séparer et faire retomber tous les jours avec une plume au haut du vaisseau. Il vous faudra continuer le feu et réitérer cette manœuvre tant qu’il ne sublime plus rien de la matière, mais que le régule demeure au fond du vaisseau précipité et fixe.
Vous broierez ce précipité sur le marbre, où vous le laisserez en lieu humide net et frais, une demi-année entière — car sachez que cette extraction est fort longue. Et la poudre se résoudra en huile rouge. Et comme il n’y a que le vrai sel de l’antimoine qui se résolve, les fèces demeurent naturellement séparées. Filtrez ensuite la liqueur résoute et distillez-en le flegme jusqu’à ce que la matière reste épaisse. Il vous faudra ensuite exposer cette matière dans un lieu frais. Et elle s’y congèlera en cristaux de couleur mêlée de blanc et de rouge. Et si on les purge encore une fois, ils deviendront tout blancs. C’est là le véritable sel d’antimoine que j’ai souvent fait dessécher. Mêlez après cela une partie de ce sel avec trois parties de verre de Venise, et distillez-le tout à fort feu. Et il sortira premièrement un esprit blanc, puis un rouge, qui toutefois se résoudra en blancheur.
Rectifier cet esprit à chaleur lente, dans le bain sec. Et vous aurez une autre huile d’antimoine inférieure à la première. Car c’est plutôt un esprit qu’une huile, parce que le sel la spiritualise.
Cette huile a beaucoup de louanges et de vertus dans les cures des fièvres quartes et tierces et toutes autres. Elle rompt la pierre ou calcul dans la vessie, excite l’urine, purifie et lave les vieux ulcères, purge le sang comme le sel de l’or, et pourrait être encore employée à d’autres maladies ; mais elle est moins parfaite que l’huile rouge de l’antimoine, parce que ce soufre a été conduit jusqu’à la dernière pureté.

CHAPITRE XXI
DE LA REVIVIFICATION DU MERCURE D’ANTIMOINE

Ayant donc décrit le sel et le soufre de l’antimoine, je parlerai maintenant de la préparation de son mercure et de son usage en la médecine.
Prenez donc du régule d’antimoine, huit parties ; du sel d’urine humaine, clarifié et sublimé ; du sel armoniac ; du sel de tartre ; une partie de chacun. Mêlez ces sels et versez dessus du fort vinaigre, dans un vaisseau que vous luterez sagement. Digérez ces sels au bain continuel un mois entier. Puis distillez le vinaigre au feu de cendre, tant que les sels demeurent secs. Mêlez-y trois parties de tartre de Venise et en tirerez, à forte distillation, un esprit merveilleux que vous verserez sur votre régule pulvérisé, lequel vous putréfierez ensuite pendant deux mois entiers. Après cela, tirez le vinaigre par distillation et, sur ce qui restera au fond, mêlez le quadruple de limaille d’acier et distillez à force de feu : les esprits de sel mèneront avec eux le mercure comme une fumée. Mais au lieu d’un récipient ordinaire, il faut avoir un gros ballon de verre plein d’eau, afin que les esprits des sels se mêlent avec l’eau et que le mercure vif et coulant aille au fond du vaisseau. Car c’est ainsi qu’un bon artiste peut tirer le mercure vif de l’antimoine, ce qui a tant été recherché de plusieurs. Je parlerai maintenant de son usage en la médecine. Versez ce mercure par le chamois dessus quatre parties d’huile rouge de vitriol bien rectifié. Tirez l’huile : l’esprit de l’huile demeurera avec le mercure. Augmentez le feu et quelque chose se sublimera ; rejetez cette sublimation sur la terre restante au fond. Remettez d’autre huile et réitérez la distillation et sublimation comme auparavant jusqu’à trois fois. Et pour la quatrième fois, jetez la sublimation sur sa propre terre. Pilez ensuite le tout ensemble, et il sera blanc et transparent comme du cristal. Mettez cela dans un vaisseau circulatoire, avec autant d’huile de vitriol et le triple d’esprit de vin. Circulez jusqu’à séparation. Et cette huile de mercure surnagera comme de l’huile d’olive. Séparez cette huile et la mettez dans un vaisseau circulatoire de verre et y ajoutez du plus fort vinaigre distillé. Car c’est ainsi que l’huile, dans l’espace de vingt jours environ, recouvre son poids et s’en va au fond. Et s’il était resté quelque chose de vénéneux, il est demeuré dans le vinaigre qui sera nébuleux et noirâtre. Et l’on voit évidemment que c’est un miracle de la Nature que cette huile, qui surnageait au commencement, se précipite au fond à la fin. Mais il faut remarquer que l’huile de vitriol est très pesante. Et c’est aussi pourquoi elle portait au commencement le mercure sur elle, parce qu’il était plus léger et qu’il n’était pas encore pur ; mais lorsque sa légère impureté a été reçue par le vinaigre, alors cette huile reprend son poids et va au fond.
Voilà donc l’huile tirée du mercure d’antimoine, la quatrième colonne de tous les remèdes, qui n’endure point la lèpre, guérit l’apoplexie, fortifie le cerveau, excite les esprits vitaux du cerveau. Et si l’on se sert tous les jours de cette huile, elle fait tomber les ongles et les cheveux et les rajeunit. Elle purge le sang et chasse tous les maux. Le mal vénérien n’est qu’un jeu pour cette médecine qui l’extirpe radicalement dans peu de temps. On ne saurait dignement louer ce remède avec la langue ni avec la plume. Misérables créatures! pâtures des vers! pourquoi retardez-vous de rendre grâces à Dieu pour les remèdes qu’il vous a donnés? Et vous, moqueurs et docteurs, professeurs de l’une et l’autre médecine, venez à moi et, quoique je ne sois qu’un religieux, je ne laisserai pas de vous manifester ce que vos yeux n’ont jamais vu. Et si quelqu’un rencontre par hasard de plus belles préparations, qu’il me les fasse connaître et qu’il m’accorde la grâce de me les communiquer, car je ne souhaite que d’apprendre et je n’ai point de honte de demander ce que je ne sais point et de rechercher avec soin les lumières que je n’ai pas encore eues, vous ayant dit assez souvent qu’il est impossible à un homme de pouvoir pénétrer et savoir tous les mystères de la Nature, à cause de la brièveté de la vie.
Mais quiconque ne comprendra pas mes écrits, faute d’expérience, ne les blâme pas pour cela. Et ne murmurez pas, je vous prie, par des discours hors de propos, quand vous verrez que je me servirai de plusieurs termes que vous n’aurez jamais entendus. Car mes façons de parler sont bien différentes de celles dont se servent mes adversaires qui, par leur aveuglement et dérèglement manifeste, s’attachent à un arbre sauvage de forêt, en méprisant le naturel et familier. Et c’est aussi pourquoi ils ne cueillent qu’un fruit sauvage et d’une nature étrange. Hommes ignorants et malheureux, ne jugez et ne condamnez pas ce que vous n’avez jamais connu et que l’étude ni la pensée ne vous ont jamais découvert.
Plusieurs paysans et rustiques disent que les poissons meurent de froid lorsqu’ils meurent dans l’eau. Mais cela est improbable et faux. Et quiconque pense et parle de la sorte ne le fait que par ignorance et imprudence. Car si pendant l’hiver, lorsque la superficie des eaux est toute glacée, l’on rompait la glace, jamais les poissons ne mourraient, quelque froid qu’il fît. Mais si la glace qui tient les eaux enfermées n’est rompue et qu’elle dure longtemps, les poissons meurent non par le froid, mais parce qu’ils sont privés de l’air qui ne peut pénétrer la glace, étant certain qu’un animal ne peut vivre sans air, qui est la seule raison pourquoi les poissons sont suffoqués sous la glace. Je vous donne cet exemple afin de vous faire entendre qu’il faut que l’antimoine jouisse de l’air, et qu’il est nécessaire qu’un bon faiseur de métaux lui fasse des trous dans les montagnes. Et si après vous voulez connaître la diversité de son usage, il faut que vous le prépariez par l’air, l’eau et le feu, de peur que sa fécondité ne soit suffoquée dans la terre et afin que, par la multiplicité de ses opérations et préparations, il soit connu et manifesté aux médecins par la guérison du mal pour lequel ils cherchent un remède antimonial.
Pauvres hommes de peu de connaissance, qui n’osez sonder la nature de l’antimoine et qui la méprisez! Où est votre rhétorique et votre éloquence pour vous défendre, puisque vous ne connaissez ni noir ni blanc, ni autres couleurs, dans les préparations de l’antimoine, et que ses vertus vous sont inconnues ? C’est aussi à bon droit que vous passez mes écrits sous silence et que vous ne vous y arrêtez pas. Car semblables à un feu impétueux enflé par le vent, vous craignez que votre petite nacelle remplie de fentes ne soit submergée par les ondes et par la tempête. Mon Dieu! s’il était possible que la pensée et l’intention de l’homme n’eussent d’autre but que d’acquérir l’Art par son étude et son travail pour voir ses succès certains et tels qu’il les souhaite, sans doute que la Fortune et les Muses lui seraient favorables! Et un disciple de l’Art de cette nature trouverait dans son oratoire et dans son laboratoire sa prospérité et son salut. Mes chers disciples, soyez attentifs de toute l’étendue de votre esprit à mon avertissement. Recherchez soigneusement ce centre qui rarement ou jamais ne paraît avec une face extérieure ; recherchez aussi sa vertu avec attente soigneuse, comme le chasseur sa proie. Prenez garde aux vestiges qui seront imprimés sur la neige, afin de discerner les pas des uns et des autres, pour ne pas prendre un cerf pour un daim. Car vous vous tromperiez dans le pas du renard et du lièvre si vous ne le savez connaître. Jetez donc vos filets bien à propos, et ils seront heureux à la prise des poissons ; et si vos rets sont bien tendus, l’oiseau se trouvera pris avec plaisir et profit.
Afin donc que je vous donne à tous le dernier avertissement, et toi, nautonier, sois particulièrement attentif, car tu dois savoir que jour et nuit tu navigues en pleine mer et que tu es en péril d’être agité de plusieurs tempêtes ; et si tu prends garde, tu ne seras pas frustré de ton espérance et tu prendras toujours quelque chose à la fin, et ton navire retournera en sûreté des régions éloignées et abordera heureusement et avec profit de ses marchandises. Mais pourquoi perds-je le temps de la sorte? Je n’ai plus qu’un pas à rétrograder, comme le gladiateur, qui est de faire un laboratoire et une école pour y déclarer et manifester la préparation de l’antimoine, afin que je prouve que c’est une véritable médecine très utile aux maladies externes. Je dirai bientôt quel est mon procédé. Mon cher disciple, amateur de l’Art, qui désirez savoir la science et les secrets de la Nature et sonder les plus profonds mystères, si vous voulez distinguer le jour d’avec la nuit et la lumière d’avec les ténèbres, écoutez ce qui suit.

CHAPITRE XXII
DU BAUME D’ANTIMOINE

Prenez de l’antimoine de Hongrie, une partie ; du sel commun, demi-partie ; de la terre dont se servent les potiers, qui n’ait point été cuite, six parties. Pilez et mêlez le tout ensemble et distillez à fort feu. Et vous verrez sortir continuellement une huile rouge qu’il faut déflegmer, afin qu’il demeure au fond une poudre rouge et sèche qu’il faut broyer sur le marbre et y laisser résoudre. Et il en sortira un baume rouge plus excellent que tous les autres baumes vulnéraires, qui est très utile aux plaies invétérées que les médecins vulgaires ne sauraient guérir avec leurs emplâtres, onguents et huiles, qui ne sont que des remèdes suspects ou périlleux. Cette huile ou baume a été estimé précieux pour les anciens ulcères et peu de remèdes le surpassent et l’égalent, si ce n’est l’huile d’antimoine qui se fait avec le mercure sublimé. Car il est beaucoup plus excellent aux cancers, noli me tangere, gangrènes, loups, fistules et ulcères. L’expérience m’en a fait connaître des merveilles incroyables que je veux taire pour ne point paraître désireux d’honneur, ce que je suivrai toujours avec l’aide de Dieu et de la très sainte Vierge Marie.

CHAPITRE XXIII
DE L’HUILE D’ANTIMOINE AVEC LE MERCURE SUBLIMÉ

II y a une autre préparation d’antimoine qui se fait ainsi. Prenez du mercure vulgaire éteint et très purement sublimé, et de l’antimoine, parties égales. Broyez-les et les mêlez ensemble. Distillez ensuite par la cornue dans un ballon qui retienne les esprits. Répétez la distillation de votre matière trois différentes fois. Rectifiez ensuite votre huile avec l’esprit de vin, et elle sera préparée et très rouge, étant au commencement blanche. Elle se coagule comme la glace ou le beurre fondu. Cette huile opère de si grandes merveilles en la nature qu’à peine pourrait-on croire qu’elles pussent se faire. Mais sa vertu, sa faculté et son opération paraissent toujours lorsque elles changent le mauvais en bon.

CHAPITRE XXIV
DE L’HUILE POUR LES ULCÉRÉS

On prépare encore une autre huile avec addition, très utile aux plaies extérieures. Prenez de l’antimoine et du soufre, de chacun une partie ; du sel armoniac et du sel d’urine clarifié, de chacun la moitié d’une partie ; de la chaux vive, deux parties. Pulvérisez et mêlez le tout ensemble, et puis distillez. Et s’il se sublime quelque chose, ôtez-le, rebroyez-le avec la tête morte, et reversez l’huile distillée sur la matière rebroyée. Et distillez comme auparavant. Réitérez trois fois cette même opération, et l’huile sera achevée.
Cette huile guérit tous les vieux ulcères opiniâtres et est très forte et pénétrante. Elle jette les fondements d’une guérison assurée, comme fait aussi l’huile de vitriol.

CHAPITRE XXV
D’UN AUTRE BAUME VULNÉRAIRE

On prépare aussi un baume vulnéraire de plusieurs choses. Prenez quatre onces de soufre, faites-les fondre à feu lent, puis mettez-y artistement demi-livre de mercure, remuant toujours avec un bâton jusqu’à ce que le tout soit bien incorporé et qu’il durcisse. Et après cela, pilez cette matière et la mêlez avec quatre onces d’antimoine, quatre onces d’arsenic rouge et deux onces de crocus martis, avec huit onces de brique pilée. Sublimez ensuite le tout dans un vaisseau de verre selon l’art, et vous aurez des rubis orientaux aussi beaux et aussi colorés que les véritables ; lesquels sont néanmoins volatils, n’ayant rien de fixe.
Ces rubis bien et artistement séparés du cinabre en sublimant, il faut les piler et en faire l’extrait avec le vinaigre distillé, qu’il faut après cela tirer très doucement par le bain. Et la poudre restante au fond se doit piler très subtilement. Ensuite de quoi on en tire la teinture dans un autre vaisseau par l’esprit de vin. Et l’on en sépare les fèces restantes. Circulez cette extraction au bain pendant un mois en vaisseau luté. Distillez ensuite comme vous avez fait le vinaigre, et la poudre restante au fond du vaisseau se résoudra à la cave en très peu de jours dans une liqueur belle et claire qui est très utile aux plaies et anciens ulcères si on les frotte d’icelle avec une plume et qu’on mette par-dessus un emplâtre commun vulnéraire. Cette liqueur n’abandonne jamais personne au besoin dans les plaies qui sont incurables à la médecine vulgaire. Mais je n’y comprends pas ces solutions de continuité qui dépendent de quelques causes externes. Car pour les guérir, il faut les remèdes internes qui dessèchent et arrachent les symptômes et le centre du mal, quoiqu’il y ait peu de maîtres aujourd’hui dans le monde qui prennent garde à ce que j’écris maintenant. Si les hommes considéraient la misérable condition de la vie, sa chute par le péché originel, d’où s’ensuivent toutes les calamités et même plusieurs grandes maladies qui nous accablent, ils emploieraient le temps plus utilement qu’ils ne font, et chercheraient tous les moyens de soulager la santé altérée de leur prochain avec des sentiments de charité chrétienne, ainsi que Dieu leur a commandé, pour remplir leur devoir. Mais parce que plusieurs perdent leur temps en des folies inutiles et rejettent le travail comme fâcheux et ennuyeux, ils demeurent dans leurs anciennes erreurs, et laissent pourrir la chair et le corps d’un malade sans le toucher, craignant de se gâter les mains et de faire augmenter le prix du savon dont ils auraient besoin pour se laver souvent.
Misérables que nous sommes! Nous n’avons rien de propre en ce monde dont nous puissions tirer aucune gloire. Nous n’y sommes que des passagers sous la conduite de Dieu qui a voulu que nous nous en servions et que nous en eussions seulement la jouissance ; mais il ne nous en a pas fait les propriétaires. C’est pourquoi nous devrions donc bien nous gouverner spirituellement et corporellement, comme font les fidèles dans la vie civile envers les propriétaires des maisons qu’ils occupent, afin que Dieu, le père céleste et notre bon père de famille, venant à nous retirer les biens qu’il nous a loués, nos péchés et notre ingratitude ne l’obligent point à nous enfermer dans cette prison où il n’y a que des grincements de dents et un éternel repentir. Car si l’homme considérait cela, il n’aurait jamais la pensée de pécher, et il s’acquitterait exactement de son devoir et se rendrait utile à son prochain. Mais, à dire vrai, il se souvient fort peu ou presque point du tout de cela ; et tout son but n’est que d’acquérir de l’argent à tort et à travers. Les grands et les puissants n’ont aucun soin de leurs devoirs ; le vulgaire s’attache à eux et couvre leurs violences du nom d’équité, afin de jouir plus sûrement de leurs mauvaises acquisitions. Prenez garde, je vous en avertis, que tant de biens mal acquis ne vous servent d’épines qui vous percent le cœur, et que vos morceaux ne s’arrêtent au milieu de votre gosier pour vous étrangler. Mais tous ces avertissements sont vains et méprisés. Car, ayant autrefois entrepris et fait un difficile pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle et étant de retour à mon couvent, je croyais que beaucoup de personnes se réjouiraient avec moi et rendraient grâces à Dieu des saintes reliques que j’avais apportées de ce lieu-là avec moi pour le soulagement et le secours de notre couvent et des pauvres. Mais peu de gens se corrigèrent et peu se trouvèrent redevables à Dieu pour un tel bienfait, et plusieurs, au contraire, ne firent que s’en moquer et augmentèrent même depuis ce temps-là leurs moqueries, leur mépris et leurs blasphèmes. Mais ce juste Juge les saura bien punir au jour du jugement. Je quitte ce sujet pour retourner à l’antimoine, duquel on prépare un autre remède pour toutes sortes de fièvres et pour la peste.

CHAPITRE XXVI
D’UNE AUTRE PRÉPARATION D’HUILE D’ANTIMOINE SANS ADDITION CONTRE LA PESTE ET TOUTES SORTES DE FIÈVRES

Prenez de l’antimoine en poudre fine. Distillez-le par la cornue jointe avec un récipient de verre. Réitérez trois ou quatre fois, et il se fera enfin une poudre rouge qu’il faudra extraire avec le vinaigre distillé. Après quoi vous circulerez cette extraction au bain-marie pendant dix jours ; ensuite de quoi vous distillerez le vinaigre et, sur la fin, vous presserez le feu par un certain artifice, pour que ce qui reste au fond se convertisse et passe en huile. Laquelle il faudra circuler dans un pélican tant que tout le flegme en soit séparé par distillation, et l’huile recueillie dans un nouveau récipient. Et cette huile guérit les fièvres tierces, les quartes et les continues, en en donnant quatre grains au malade avec de l’eau de chardon bénit ; elle fait suer et est très bonne en temps de peste.
La même dose de quatre grains mis en esprit de vin ou dans le vinaigre distillé, selon que la peste aura commencé par chaud ou par froid, la repousse et guérit puissamment. C’est ce que trois de mes frères ont bien éprouvé. Car étant attaqués de la peste et se voyant moribonds et privés de toute espérance de guérison, ils furent garantis de la mort par cet unique secret. Après quoi ils estimèrent ma médecine beaucoup plus qu’auparavant ; et par leurs prières et travail manuel, après avoir achevé le culte divin, m’aidaient tous les jours avec tant de soin et d’assiduité qu’à la fin ils acquirent avec moi beaucoup d’expérience. Ce qui fut cause que dans une seule année, tant par leur industrie que celle de plusieurs autres de mes frères, nous découvrîmes plus de secrets et de mystères de la Nature que nous n’avions pu faire auparavant. C’est pourquoi, étant réduit à une extrême vieillesse, je leur ai rendu grâce comme je le fais encore de tout mon cœur, parce qu’ils m’ont beaucoup obligé, ainsi que plusieurs bons chrétiens ; mais parce que je suis encore vivant, je prie Dieu qu’il veuille les récompenser.

CHAPITRE XXVII
DE LA PRÉPARATION D’UNE AUTRE HUILE POUR LES POUMONS

II se fait une autre huile d’antimoine avec addition qui est fort utile aux plaies. Prenez donc de l’antimoine, du soufre et du salpêtre, parties égales de chacun. Enfermez-les sous la campane ou cloche, comme l’on fait ordinairement. Mais vous aurez davantage d’huile si vous vous servez de l’alambic avec un récipient. Cette huile sera de couleur semblable à celle du soufre commun, mais elle est beaucoup plus forte à cause de l’addition et opère bien plus puissamment que l’huile du soufre commun que l’on fait pour les plaies. Cette huile est donnée intérieurement aux pulmoniques, à la quantité de trois gouttes dans l’esprit devin. Et par-dehors, aux plaies et ulcères fétides et puants, elle s’applique sur l’emplâtre. Et l’on observera que c’est un très utile et excellent remède à tous maux.

CHAPITRE XXVIII
D’UNE AUTRE HUILE EXCELLENTE AUX GANGRÈNES ET ULCÉRÉS

On prépare une autre huile d’antimoine pour guérir les gangrènes et les ulcères de cette façon :
Prenez une livre d’antimoine, demi-livre de sel commun, cinq livres de terre de potier non cuite. Pilez et mêlez le tout et le distillez ; et il sortira un esprit jaune. Et lorsque tous vos esprits seront sortis, mettez la matière dans un autre vaisseau de verre, tirez-en le flegme, et il vous restera une poudre que vous ferez résoudre à la cave en baume liquide très utile aux cancers, gangrènes et maladies rampantes ; et pareillement à la face de l’homme et aux mamelles des femmes. J’écrirais beaucoup de choses de ce baume, si je ne craignais les ignorantes et sottes propositions des sophistes, qui ne manqueraient pas de dire que j’écris toutes ces choses selon ma fantaisie et que j’en dis beaucoup plus que je n’ai trouvé.

CHAPITRE XXIX
D’UNE AUTRE HUILE POUR LES POUMONS ET MAUX D’ESTOMAC

On fait une autre huile de la manière qui suit :
Prenez quatre parties d’antimoine, une partie de sel armoniac. Pilez et mêlez le tout ensemble. Après cela, sublimez cette matière à feu lent, et vous verrez que le sel armoniac élèvera avec soi le soufre sanguin de l’antimoine. Pilez de nouveau la matière restante, en y ajoutant pour chaque livre cinq onces d’antimoine cru et quelques onces de nouveau sel armoniac. Et sublimez comme devant. Ce sublimé se résout facilement à la cave. Et vous aurez un soufre combustible comme celui qui se vend. Tirez ce soufre avec le temps par le vinaigre distillé que vous séparerez par le bain-marie. Tirez-en la teinture et, par un subtil artifice, poussez la poudre dans un récipient. Et si le studieux de l’Art suit bien le chemin, il trouvera une huile douce excellente et sans corrosion ni péril, qui chasse toutes les douleurs de côté. Et si les asthmatiques en prennent, soir et matin, deux grains dans de l’esprit de vin, elle remédie à toutes les maladies de la poitrine et en chasse toutes les impuretés ; et m’a beaucoup plus servi que je ne pensais. Ayant donc décrit toutes les vertus de l’antimoine dans les autres préparations ci-dessus, j’ai cru qu’il serait inutile de les répéter, de peur de me rendre ennuyeux et de donner quelque soupçon dans l’esprit des studieux. La liqueur de ce soufre d’antimoine est très utile aux maux externes. Elle ôte toute chose de la peau. Et si on y ajoute un peu d’huile, elle ôte toutes les saletés et macules des mains. Et si on s’en frotte, elle guérit la gale et la teigne et toutes démangeaisons qui viennent sur la peau.

CHAPITRE XXX
D’UNE AUTRE PRÉPARATION DU SOUFRE DE L’ANTIMOINE EN HUILE

On prépare encore autrement le soufre d’antimoine ainsi que vous l’allez voir. Prenez deux livres d’antimoine. Pilez-les et les faites bouillir pendant deux heures et un peu plus dans une lessive forte ; faites des cendres d’orties. Et après l’avoir tiré au clair et bien filtré, versez dessus du vinaigre ; et il tombera au fond du vaisseau une poudre rouge. Laquelle vous sécherez doucement de tout le flegme. Ensuite de quoi, vous en tirerez la teinture avec le vinaigre distillé, comme il est marqué en la précédente préparation de l’autre soufre. Réduisez-le en huile par distillation. Cette huile n’est pas inutile, mais elle est moindre en vertu à la première qui lui est très supérieure, parce que la sublimation qui se fait par le sel armoniac fait résoudre le soufre plus facilement et donne plus de force à la teinture.

CHAPITRE XXXI
DES REMARQUES PARTICULIÈRES ET NÉCESSAIRES SUR LES DIFFÉRENTES PRÉPARATIONS DE L’ANTIMOINE

II est à propos de remarquer qu’il y a trois choses nécessaires touchant les différentes préparations de l’antimoine en l’Art spagyrique.
Premièrement, la préparation du vinaigre de la mine d’antimoine.
Secondement, il ne faut pas passer sous silence l’étoile du régule.
Troisièmement, il faut enfin parler du plomb des philosophes, duquel beaucoup de gens se sont imaginé de grandes choses, et qui ont cru que de lui se pouvait faire le véritable mercure des philosophes. Mais ils se sont abusés, car cela est impossible, et Dieu ne lui a pas tant donné que dans lui se puisse trouver le véritable mercure des philosophes. Ce mercure, le premier être ou la première eau des métaux, de quoi se fait la grande Pierre des anciens philosophes, se trouve dans un autre minéral, dans lequel l’opération est plus grande que dans l’antimoine, dont le plomb n’a que quelque particulière utilité. Que cela donc vous suffise à cet égard. Remarquez donc bien que l’antimoine est la colonne universelle de la médecine tant interne qu’externe, pour toutes sortes de maladies, si toutefois, comme je l’ai souvent dit, il est dûment préparé.
Après cet avertissement, il ne manquera rien à l’Artiste que d’apprendre à discerner les natures métalliques et minérales, et surtout à observer exactement la préparation et l’usage de l’antimoine. Car cela lui étant connu, son jugement sera droit et équitable. Je satisferai donc ma promesse en enseignant aux yeux de mes disciples la dernière et véritable séparation du bon d’avec le mauvais pour la préparation du vinaigre philosophique, qui tire son commencement de l’antimoine Prenez de la mine de laquelle on fond et l’on sépare l’antimoine. Pilez-la subtilement et, après l’avoir mise dans un matras à col long, versez dessus de l’eau de pluie distillée jusqu’à la moitié du vaisseau que vous luterez bien. Et ensuite de cela, mettez votre vaisseau au bain de putréfaction, in ventre aequino, tant qu’il commence à bouillonner et que l’écume monte, qu’il faut ôter. Ce signe vous prouvera que le corps de l’antimoine est ouvert. Alors mettez cette matière dans une cucurbite bien lutée. Tirez-en l’eau que vous trouverez un peu acide ; et dans cet état augmentez le feu, et quelque chose se sublimera. Mêlez ce sublimé avec les fèces restantes et arrosez de la même eau que vous avez distillée ; et redistillez de nouveau et de la même manière qu’auparavant. Et vous réitérerez cette même opération tant de fois que votre vinaigre devienne d’une très grande force. Mais quant au sublimé, il se diminue à chaque distillation. Vous verserez ensuite ce vinaigre distillé sur du nouveau antimoine minéral bien pilé, dans un pélican qui surnage de trois travers de doigt. Et vous le laisserez digérer à chaleur douce pendant douze jours, tant que le vinaigre rougisse et devienne plus aigre. Après cela, séparez votre vinaigre en le versant doucement par inclination et de manière que vous puissiez avoir la liqueur claire sans aucun mélange de fèces, et le distillez au bain-marie par lui-même, sans addition. Le vinaigre montera et la rougeur demeurera au fond, laquelle étant tirée par l’esprit de vin, formera une très bonne médecine. Rectifiez encore une fois ce vinaigre au bain-marie, afin d’en séparer le flegme, et dissolvez une once de son propre sel dans quatre onces de ce vinaigre ; après quoi vous distillerez fortement par les cendres, et ce vinaigre deviendra plus fort.
Ce vinaigre rafraîchit merveilleusement et surpasse la force du vinaigre vulgaire. Il apaise les gangrènes allumées par les brûlures de la poudre à canon et tout autre accident externe, s’il est mêlé avec l’âme de Saturne en forme d’onguent et appliqué en cataplasme. Mêlé et brûlé avec le salpêtre fixé par le soufre, il sépare la squinancie et en éteint la chaleur.
En temps de peste, il en faut prendre une cuillerée. Il se peut aussi appliquer extérieurement sur un bubon pestilentiel, en faisant un cataplasme avec la troisième partie de l’eau distillée du sperme brûlé de grenouilles ; il attire le venin et rafraîchit.

CHAPITRE XXXII
DE LA PRÉPARATION DU VINAIGRE PHILOSOPHIQUE

Prenez de la mine de laquelle on fond et l’on sépare l’antimoine. Pilez-la subtilement et, après l’avoir mise dans un matras à col long, versez dessus de l’eau de pluie distillée jusqu’à la moitié du vaisseau que vous luterez bien. Et ensuite de cela, mettez votre vaisseau au bain de putréfaction, in ventre aequino, tant qu’il commence à bouillonner et que l’écume monte, qu’il faut ôter. Ce signe vous prouvera que le corps de l’antimoine est ouvert. Alors mettez cette matière dans une cucurbite bien lutée. Tirez-en l’eau que vous trouverez un peu acide ; et dans cet état augmentez le feu, et quelque chose se sublimera. Mêlez ce sublimé avec les fèces restantes et arrosez de la même eau que vous avez distillée ; et redistillez de nouveau et de la même manière qu’auparavant. Et vous réitérerez cette même opération tant de fois que votre vinaigre devienne d’une très grande force. Mais quant au sublimé, il se diminue à chaque distillation. Vous verserez ensuite ce vinaigre distillé sur du nouveau antimoine minéral bien pilé, dans un pélican qui surnage de trois travers de doigt. Et vous le laisserez digérer à chaleur douce pendant douze jours, tant que le vinaigre rougisse et devienne plus aigre. Après cela, séparez votre vinaigre en le versant doucement par inclination et de manière que vous puissiez avoir la liqueur claire sans aucun mélange de fèces, et le distillez au bain-marie par lui-même, sans addition. Le vinaigre montera et la rougeur demeurera au fond, laquelle étant tirée par l’esprit de vin, formera une très bonne médecine. Rectifiez encore une fois ce vinaigre au bain-marie, afin d’en séparer le flegme, et dissolvez une once de son propre sel dans quatre onces de ce vinaigre ; après quoi vous distillerez fortement par les cendres, et ce vinaigre deviendra plus fort.
Ce vinaigre rafraîchit merveilleusement et surpasse la force du vinaigre vulgaire. Il apaise les gangrènes allumées par les brûlures de la poudre à canon et tout autre accident externe, s’il est mêlé avec l’âme de Saturne en forme d’onguent et appliqué en cataplasme. Mêlé et brûlé avec le salpêtre fixé par le soufre, il sépare la squinancie et en éteint la chaleur.
En temps de peste, il en faut prendre une cuillerée. Il se peut aussi appliquer extérieurement sur un bubon pestilentiel, en faisant un cataplasme avec la troisième partie de l’eau distillée du sperme brûlé de grenouilles ; il attire le venin et rafraîchit.

CHAPITRE XXXIII
DU RÉGULE MARTIAL ÉTOILE

Observation :
Le régule martial étoile est fort estimé de plusieurs ; beaucoup n’ont rien épargné pour y parvenir ; quelques-uns y ont réussi, ayant trouvé ce qu’ils y cherchaient ; et les desseins des autres sont allés à l’eau. Plusieurs ont cru que cette étoile était la matière de la véritable Pierre des philosophes, croyant qu’il fallait de nécessité que cela fût parce que la Nature avait formé cette étoile de son bon gré. Quant à moi, je le nie et je soutiens que ces personnes, s’étant fourvoyées du chemin royal, prennent un chemin pour aller dans des lieux inhabités, où il n’y a que des hiboux et des oiseaux de proie qui y fassent leurs nids. Et l’on ne doit point attribuer à cette étoile qu’elle soit la matière de cette précieuse Pierre, quoiqu’elle contienne une très haute médecine qui se fait ainsi qu’il va être dit.
Manière défaire le régule étoile Prenez deux parties d’antimoine de Hongrie, une partie d’acier en limaille, quatre parties de tartre cru. On les fait fondre ensemble et puis on les jette dans un creuset. Et après que la matière est refroidie, on sépare le régule des fèces. On pile ensuite ce régule avec le triple de tartre cru. Et si on procède bien, ce qui est le principal, on a une étoile blanche et splendide comme de l’argent pur, et aussi bien divisée que si un peintre avait pris la peine de peindre ses rayons. Et ce régule étoile se réduit en huile ainsi qu’il s’ensuit.
Réduction du régule étoile en huile Ce régule étoile étant sublimé avec le sel armoniac devient rouge ; car la teinture du Mars monte, se sublime et se résout à la cave en huile qui est très utile aux plaies. Et si ce régule ou étoile est souvent allié par le feu au serpent pierreux, en sorte que, étant tout consumé (son soufre spirituel et invisible) soit absolument uni à ce serpent. L’Artiste a après cela une matière tout ignée et fervente qui cache plusieurs secrets. Et cette même matière se résout aussi à la cave en huile ; laquelle il faut distiller et rectifier tant qu’elle soit pure et claire. Son usage dans le corps doit être avec prudence et précaution, comme avec deux onces de vin ou quelque autre eau distillée qui soit propre au mal. Il en faut seulement prendre deux fois la semaine, trois gouttes à chaque fois. Que le médecin donc regarde bien la cause de la maladie, afin qu’il se serve de ces remèdes avec assurance. Cette huile contient une grande acrimonie, dans laquelle sont cachés beaucoup de secrets qui ne doivent être manifestés au vulgaire, afin que quelque chose de particulier soit réservé aux philosophes qui continuellement emploient leurs travaux à suer à ces recherches ; et que ceux qui veulent suivre mes traces ne se repentent point de rechercher avec avidité et assiduité, car au moyen de mes instructions, ils pourront trouver ce que je n’ai connu que par un travail opiniâtre et qu’auparavant j’avais demandé à Dieu de tout mon cœur.
Je vous ai donné dès le commencement beaucoup de préceptes pour parvenir à la fin désirée, et parce que plusieurs meurent sans avoir pu atteindre au commencement ni à la fin de leur magistère, j’ai voulu par cette raison laisser un livre des principes, afin que mes disciples qui ignorent la première expérience puissent par ce moyen parvenir plutôt au but désiré, et qu’y étant arrivés ils en rendent mille et mille grâces à Dieu.
Souverain remède contre la pierre et calcul Cette huile a cela d’admirable qu’elle dissout les cristaux qui ont été auparavant calcinés trois jours durant ; elle en tire le sel ; ensuite de quoi, étant passée par la cornue, elle devient un remède si puissant qu’elle brise et rompt la pierre et calcul de la vessie, et fait en outre plusieurs autres choses admirables.

CHAPITRE XXXIV
DU PLOMB DES PHILOSOPHES

Pour le plomb des philosophes, celui qui recherche les mystères de la Nature doit savoir que l’antimoine est allié et fort proche parent du plomb vulgaire, tout de même que les arbres qui poussent et jettent beaucoup de gommes et de résines, ce qui est en partie leur soufre. Car il en est de même du plomb de l’antimoine. Il y a d’autres arbres qui, étant trop abondants en mercure, ne produisent que des fleurs et des plantes étrangères et de différentes natures de la leur, ainsi qu’on le voit dans le chêne et dans le pommier qui produisent des monstres et des bâtards, ou des monstres de leurs sexes. De même, la terre a de semblables avortements qu’elle rejette et sépare quand elle travaille à perfectionner les métaux. Et quoique l’antimoine soit si étroitement allié à Saturne, néanmoins il en est rejeté et séparé à cause du trop de soufre qu’il a en lui, en sorte que le corps visqueux dans sa naissance l’a empêché de venir à la perfection d’un corps fusible et l’a contraint de rester parmi les minéraux, parce que la trop grande quantité de soufre chaud a sur monté son mercure qui, faute de froideur, ne s’est pu coaguler en corps fusible et malléable. Au reste, je dis que le plomb de l’antimoine n’est autre chose que son régule qui n’est point encore fusible et extensible. Et lorsque j’ai dit que plusieurs ont cru avec erreur, ainsi que je l’ai démontré, que ce régule étant joint à l’acier par la fusion, lorsqu’on en fait l’étoile, on pouvait en faire la Pierre des philosophes, j’ai enseigné tout de suite les remèdes qu’on en peut préparer. C’est pourquoi je n’en parlerai pas davantage.
On reconnaît que ce régule est plomb, parce que celui que le verre d’antimoine donne purement de soi, étant mêlé avec du sel de saturne et bien cimenté en un creuset dûment luté et tenu au feu pendant trois heures dans un four à vent et ensuite fondu, il se trouve malléable et plus pesant qu’auparavant, parce qu’il a acquis son augmentation et sa malléabilité du sel qu’on y a joint. De sorte qu’il demeure un corps compact et pondéreux. C’est pourquoi je dis qu’il n’y a pas une grande différence entre l’étoile signée et le plomb d’antimoine, quoique beaucoup de gens les regardent comme deux choses différentes. Car l’une et l’autre se font du régule et peuvent être préparées, comme j’ai dit, pour une même médecine. Je finirai ici et, après l’abrégé suivant, j’exposerai la pierre de feu dont j’ai ci-devant parlé. Je prie Dieu qu’il ouvre les oreilles et le cœur de ceux qui m’écoutent, afin qu’ayant connu les miracles de la Nature, ils louent sa toute-puissance et aident leur prochain.

CHAPITRE XXXV
CONTENANT L’ABRÉGÉ ET SUPPLÉMENT DE L’AUTEUR

Remarquez enfin (dit l’auteur) que l’antimoine a bien d’autres usages que dans les caractères de l’imprimerie : en mêlant d’autres métaux sous certaines constellations et conjonctions des planètes, on fait des sceaux d’admirables vertus. Et par le mélange aussi d’autres choses, on en fait des miroirs à plusieurs faces et propriétés. On en fait aussi des cloches et des statues. Mais comme tout cela ne regarde point la médecine non plus que ma vocation et profession, je demeure dans mon devoir et je laisse cela à traiter à d’autres Artistes.

CHAPITRE XXXVI
OU IL EST TRAITÉ EN PARTICULIER DU CHARIOT TRIOMPHAL DE L’ANTIMOINE ET DE LA COMPOSITION ET PRÉPARATION DE LA PIERRE DE FEU QUI S’EN FAIT

Comme j’étais un jour dégagé des pensées superflues du monde, après avoir fait d’ardentes prières à Dieu, je résolus de méditer des moyens spirituels pour parvenir à la connaissance des secrets de la Nature. Je conclus donc moi-même de me faire des ailes pour monter jusqu’aux plus hautes sphères des astres, afin qu’ étant arrivé je pusse comme un autre Icare ou Dédale, selon le témoignage des poètes, considérer tout ce qui se faisait là-haut. Mais, par mégarde et imprudence, m’étant trop approché du soleil, il brûla mes ailes et en même temps je tombai dans une mer très profonde. J’eus aussitôt recours à Dieu et l’invoquais dans ma nécessité. Et il m’envoya aussitôt un secours d’en haut qui me délivra de la mort et du péril où je me trouvais. Car un ange vint à mon secours, qui fit arrêter les eaux ; et, les ayant séparées, je découvris dans un profond abîme une très haute montagne sur laquelle je montai pour examiner s’il était possible, comme disent les enfants des hommes, que les choses supérieures eussent de la communication et correspondance avec les inférieures, et si les astres supérieurs ont reçu du Créateur la force de produire en terre quelque chose de semblable à eux.
Ayant donc examiné tout cela, j’ai connu que ce que nos anciens docteurs et précepteurs ont laissé par écrit à leurs disciples amateurs de la vérité était très véritable. C’est pourquoi j’en ai de tout mon cœur rendu grâces à Dieu qui est l’auteur de toutes les merveilles du ciel et de la terre.
Je dis en peu de mots que je trouve que toutes les choses qui sont engendrées dans les montagnes tirent leur origine des astres par un brouillard aqueux et une fumée ou vapeur humide, laquelle, ayant été longtemps nourrie par les astres et reçue des éléments, est enfin réduite dans une forme palpable ; d’où il arrive que cette vapeur est desséchée, afin que l’aquosité perde sa domination et que le feu domine après l’eau par le bénéfice de l’air, pour que de l’eau le feu se forme et que du feu et de l’air résulte la terre, lesquelles choses se trouvent conjointes dans toutes les choses corporelles du monde avant leur résolution. L’eau, donc, est la première matière de tous les corps, laquelle ayant été desséchée par l’air et le feu, a été convertie en terre. Ayant donc proposé que de l’antimoine se peut préparer une pierre de feu, et ayant dit que cette pierre guérit non seulement les hommes, mais aussi les métaux, de quelques maladies particulières, il est juste de vous avertir auparavant de ce que c’est que cette pierre de feu, quelle est sa minière, si cette pierre se peut faire sans une matière de pierre ou si elle est de la dernière différence, genre et usage des pierres.
Je prie le Saint-Esprit de m’assister dans ce mien discours, afin que je ne parle qu’autant qu’il m’est permis, dont j’espère une éternelle absolution du Grand Confesseur qui est assis de toute éternité dans le trône de sa miséricorde. Il rendra témoignage de toute chose dans ce dernier arrêt et jugera tous les hommes sans qu’il puisse y avoir aucune protestation ni appel.
Apprends donc avant toutes choses que la véritable teinture de l’antimoine, qui est la médecine des hommes et des métaux, ne se fait point de cet antimoine commun cru et fondu tel que les droguistes ou apothicaires vendent. Mais il le faut avoir tel qu’il sort de la mine. Il faut premièrement en faire le verre ; mais il faut savoir comment cette extraction se fait, car c’est tout l’Art et l’artifice. Et celui qui la trouvera ne manquera ni de richesses ni de santé. Sachez de plus, ami lecteur, que la teinture de l’antimoine, fixe et solide, ou, comme je l’appelle, la pierre de feu, est une certaine essence pure, pénétrante, spirituelle et ignée, réduite dans une matière coagulée, comparable à la salamandre qui ne peut être consumée par le feu.
La teinture de cette pierre de feu n’est pas universelle comme celle des philosophes, laquelle se prépare de l’essence du soleil, et moins encore que toutes les autres pierres. Car la Nature ne lui a pas donné tant de vertu pour cet effet. Mais elle teint seulement en particulier, savoir l’étain, le plomb et la lune, en soleil. Je ne parle point du fer ou du cuivre, si ce n’est en tant qu’on peut tirer d’eux la pierre d’antimoine par séparation, et qu’une partie d’icelle n’en saurait transmuer plus de cinq parties, à cause qu’elle demeure fixe dans la coupelle et dans l’antimoine même, dans l’inquart et dans toutes les autres épreuves, là où, au contraire, cette véritable et très ancienne Pierre des philosophes peut produire des effets infinis. Semblablement, dans son augmentation et multiplication, la pierre de feu ne peut pas s’exalter plus outre ; mais toutefois l’or est de soi pur et fixe. Au reste, le lecteur doit encore remarquer qu’on trouve des pierres de différentes espèces, lesquelles teignent en particulier. Car j’appelle pierres toutes les poudres fixes et tingentes. Mais il y en a cependant toujours quelqu’une qui teint plus efficacement et en plus haut degré que l’autre. La Pierre des philosophes tient le premier rang entre toutes les autres. Secondement vient la teinture du soleil et de la lune au rouge et au blanc. Après cela, la teinture du vitriol et de Vénus, et la teinture de Mars, chacune desquelles contient aussi en soi la teinture du soleil, pourvu qu’elle soit auparavant amenée jusqu’à une fixation persévérante. Ensuite, la teinture de Jupiter et de Saturne, qui servent à coaguler le mercure. Et enfin la teinture de Mercure même.
Voilà donc la différence et les diverses sortes de pierres et de teintures. Elles sont néanmoins toutes engendrées d’une même mère, d’une même semence et d’une même source, d’où a été aussi produit le véritable Œuvre universel, hors lequel on ne peut jamais trouver d’autre teinture métallique ; je dis même en toutes choses que l’on puisse nommer. Pour les autres pierres, quelles qu’elles soient, tant les nobles que les non nobles et viles, ne me touchent point. Et je ne prétends pas même en parler ni en écrire, parce qu’elles n’ont point d’autres vertus que pour la médecine. Je ne ferai pas non plus mention des pierres animales et végétales, parce qu’elles ne servent seulement que pour la préparation des médicaments et qu’elles ne sauraient faire aucun œuvre métallique ; non pas même produire de soi la moindre qualité. De toutes lesquelles pierres, tant minérales, végétales qu’animales, la vertu et la puissance se trouvent accumulées ensemble dans la Pierre des philosophes.
Les sels de toutes les choses n’ont aucune vertu de teindre ; mais ce sont seulement les clefs qui servent à la préparation des pierres, ne pouvant d’ailleurs rien d’eux-mêmes ; cela étant réservé et n’appartenant qu’aux seuls sels des métaux et des minéraux. Je dis maintenant quelque chose, et si tu voulais bien m’entendre, je te donnerais à connaître la différence qu’il y a entre les sels des métaux, lesquels ne doivent pas être omis ni rejetés pour ce qui regarde les teintures. Car dans la composition, nous ne saurions nous en passer, parce que dans eux se trouve ce trésor d’où toute fixation et permanence tire son origine et son véritable et unique fondement. Si quelqu’un demande donc si une telle pierre se peut faire sans matière, je dis que non. Car toutes choses ont nécessairement leur matière, mais diversement : les animaux, une ; les végétaux, une autre, et les minéraux, la leur. Remarque toutefois qu’aucun corps ne peut être utile à la confection d’aucune pierre sans la fermentation — de laquelle je parlerai à la fin de cet ouvrage —, quoique du commencement on se serve d’une forme corporelle et d’un être corporel visible et palpable. Néanmoins, de ce corps formel l’on doit tirer une céleste et spirituelle essence ; laquelle a été premièrement infuse à ce corps par les astres et qui, après, a été parfaite et cuite par les éléments. Laquelle essence spirituelle doit être derechef par le régime d’un petit feu " journellement et palpablement changée en une matière fixe, constante et incombustible. Mes paroles ne sont pas imaginaires. Je parle dans un champ libre et, si je ne disais pas vrai, je ne mettrais pas la main à la plume. Toutes les teintures des métaux doivent être préparées de cette manière, afin qu’elles aiment singulièrement les métaux et qu’elles souhaitent uniquement de se joindre et unir à eux et de les parfaire, comme deux amis qui ne peuvent reposer de l’ardeur qu’ils ont de s’unir et de satisfaire leurs désirs. Et pour lors ils sont en repos et, par la volonté de Dieu, sont multipliés.
L’homme est sujet à d’étranges maladies auxquelles on ne peut obvier et donner secours que par des antidotes, afin qu’il recouvre sa première santé. Mais l’amour surpasse tout le reste des maladies. Car on ne lui peut donner secours que par un amour réciproque. Et, comme il est le mutuel désir de l’un et de l’autre sexe, il s’éteint aussi par la seule satisfaction de l’accomplissement du désir et de l’union des deux. Plusieurs peuvent donner un fidèle témoignage de la puissance de l’amour qui n’attaque pas seulement les jeunes gens, mais encore les personnes avancées en âge, qui se trouvent quelquefois assez ardentes sous les cendres de la vieillesse ; laquelle ardeur, dans la dernière période de l’âge, est néanmoins plutôt fièvre que délire d’amour. Plusieurs autres maladies naturelles imitent la complexion des hommes ; et selon les différentes constitutions naissent les maladies. Mais l’amour attaque indifféremment les uns et les autres : riches, pauvres, jeunes) vieillards, et se moque des obstacles que l’on peut opposer à son progrès. Dans les autres maladies, la douleur n’occupe que certains membres et laisse les autres en repos. Mais l’amour saisit tout le corps, l’esprit, la substance, la forme et la matière, sans rien excepter. Car le cœur se remplit d’une si forte ardeur qu’il la communique à toutes les artères et la disperse par toutes les veines.
On pourra dire que c’est une chose indécente, à moi qui suis ecclésiastique, de parler de cette passion. Mais que personne ne s’en scandalise, car je puis assurer que cette ardeur m’a quitté ; et je prierai même Dieu qu’il me conserve tout entier à l’Eglise chrétienne à laquelle je suis voué par serment. Mais je parle de cette passion par exemple seulement, pour faire voir que toutes les teintures doivent avoir de l’amour pour les métaux, et qu’étant ainsi unis par amitié, ils puissent parvenir à une plus haute perfection, cet amour pénétrant leurs corps. Descendons à présent à la préparation de cette pierre, réservant l’usage à la fin. Et comme elle est d’une nature ignée et très pénétrante, il la faut faire cuire et mûrir au feu, comme toutes les choses du monde, avec différence selon la diversité des natures des choses ; les feux doivent être divers. Le premier feu est céleste, institué de Dieu, par lequel la foi et la charité envers Dieu est allumée sur les mystères de la Très Sainte Trinité et de notre miséricordieux Rédempteur Jésus-Christ. Laquelle foi ne nous trompera jamais et ne nous laissera point dans la nécessité, mais tirera nos âmes du dernier péril. Le second feu est le soleil ou feu élémentaire, produit par le Soleil véritable, père de la maturité des choses sublunaires ou du macrocosme.
Le troisième feu est corporel, par lequel toutes les viandes et médecines sont cuites et préparées. Duquel feu les hommes ne peuvent se passer, tant pour la santé que pour les aliments nécessaires à la vie. Le quatrième feu se rencontre dans la Sainte Ecriture, qui porte expressément que Dieu consumera le monde par le feu avant le jour du jugement. Savoir maintenant quel sera ce feu, il faut s’en rapporter au jugement du Très-Haut.
L’on fait encore mention dans la parole de Dieu d’un feu éternel qui doit être employé au supplice des damnés. Lequel aussi, par la permission de Dieu, affligera les diables, et duquel j’espère que Dieu nous préservera. C’est pourquoi j’avertis tout le monde fidèlement qu’il prie sans cesse selon sa vocation et toute sa vie, et qu’il fasse en sorte que Dieu le tire et délivre du supplice infini. Que tous sachent donc que notre pierre de feu doit être cuite et mûrie par le feu corporel du microcosme, comme les autres médecines. Car lorsque le feu du macrocosme cesse, le feu du microcosme commence à produire une nouvelle génération. Que personne ne s’étonne donc de cette coction. Le froment est parvenu à sa maturité par le feu élémentaire du macrocosme, et le feu corporel du microcosme en fait une autre coction et maturité, afin que l’homme s’en puisse servir pour sa conservation.
La véritable huile d’antimoine de laquelle la pierre de feu se prépare a une propriété très douce ; et aussi est-elle bien purgée et séparée de la terre. Si on l’expose au soleil dans un verre qui en soit plein, elle répand des rayons admirables, rouges comme des rubis, éclatants comme le feu, avec plusieurs merveilleuses couleurs, de même que ces miroirs taillés qui, étant exposés au soleil, représentent plusieurs images.
Ecoutez donc maintenant, mes chers disciples, amateurs de l’Art, si vous désirez de pousser votre expérience plus avant.

Première préparation de la pierre de feu.

Prenez, au nom de Dieu, une partie de la mine d’antimoine, née après le lever du Soleil, et autant de salpêtre très bien purifié. Et après les avoir piles et mêlés ensemble, mettez-les sur un feu lent que vous échaufferez et pousserez avec précaution selon que l’Art le requiert. Car c’est où gît le principal de tout l’œuvre. Vous aurez alors une matière tirant sur le brun, dont il faut faire le verre que vous pulvériserez comme il faut et dont après vous tirerez une teinture très rouge avec du fort vinaigre distillé fait de la propre minière d’antimoine. Tirez ce vinaigre par le bain-marie, et il vous restera une poudre au fond qu’il faut encore tirer avec de l’esprit de vin rectifié à la dernière perfection. Les fèces demeureront au fond, et vous aurez une extraction douce, très rouge et très utile à la médecine. C’est ici le pur soufre de l’antimoine très purement séparé. Si vous avez deux livres de cette extraction, ajoutez quatre onces de sel d’antimoine comme je l’ai enseigné ; mêlez-les bien et les circulez dans un vaisseau clos un mois entier, et ils s’uniront ensemble. Et si vous trouvez des fèces, vous les séparerez. Distillez premièrement l’esprit de vin par le bain ; augmentez ensuite le feu, et il sortira une huile très douce, rouge et claire, ayant plusieurs autres admirables couleurs. Rectifiez cette huile au bain, tant qu’il ne reste dans le vaisseau que la quatrième partie ; et alors elle est bonne et préparée.

Deuxième préparation de la pierre de feu.

Prenez après le mercure vif d’antimoine que je vous ai dit ci-devant, et versez dessus de l’huile rouge faite de vitriol de Mars rectifié au dernier point. Distillez sur le feu de sable le flegme du mercure, et vous aurez un précipité très beau et très utile dans les maladies chroniques, plaies et ulcères ouverts. Car il dessèche les humeurs accidentelles dont les maladies prennent leurs naissances, c’est-à-dire les maladies martiales, à quoi est fort utile l’esprit d’huile de vitriol qui demeure avec le mercure, se joint et s’unit intimement à lui.

Troisième et dernière préparation de la pierre de feu.

Prenez parties égales de ce précipité et d’huile d’antimoine ci-dessus, et après les avoir bien mêlées ensemble, mettez-les dans un vaisseau de verre bien clos. Digérez à chaleur lente et continuez tant que ce précipité soit réduit en huile et figé : tout le flegme sera consumé par le feu, et enfin le tout deviendra comme poudre fixe, rouge, sèche, fusible, qui ne fume plus du tout.

Mon cher disciple, je parlerai maintenant comme les philosophes qui prédisent l’avenir : si tu as poussé l’étude dans la philosophie jusque-là, tu as achevé ton travail, et l’antimoine que je t’ai prescrit. Tu as une médecine pour les hommes et pour les métaux. Elle est douce et agréable dans l’usage ; elle est pénétrante ; elle corrige et chasse le mal, sans exciter le ventre.
Uses-en comme il faut, et elle te sera d’une très grande utilité, tant pour la santé que pour le nécessaire à la vie. Car elle te récompensera contre la misère dans tous tes besoins, et rien ne te manquera en ce monde. C’est pourquoi tu dois à Dieu un sacrifice d’action de grâces. Mon Dieu, je parle maintenant d’un esprit triste, comme étant ecclésiastique. Car je ne sais si j’ai bien ou mal fait, si c’est trop ou trop peu. Je me soumets en cela au jugement d’un chacun. Si vous en venez à bout, remerciez-en Dieu et moi qui vous l’ai enseigné. Que si vous errez, n’accusez que vous-même, car je ne serai pas cause de votre faute. Quant à la santé de l’homme, son usage consiste à connaître et bien considérer le tempérament et la complexion de la personne. Prenez garde que vous ne chargiez trop la nature, et aussi que vous n’en donniez trop peu pour la soulager, quoique ce ne soit point une chose nuisible d’en donner trop peu. Car elle aide toujours et résiste au venin. Sachez donc que trois ou quatre grains, à chaque dose prise dans l’esprit de vin, sont suffisants pour chasser toutes les maladies. Cette pierre ou teinture pénètre tous les membres du corps et est plus excellente que tous les autres remèdes. Elle guérit promptement la phtisie, les vertiges et toutes les maladies des poumons, la difficulté de respirer, la toux, la lèpre, la vérole, la peste, la jaunisse, l’hydropisie, toutes les fièvres et poisons ; elle conforte le cerveau, la tête et tout ce qui lui appartient, l’estomac, le foie, les reins ; purge le sang vicieux, chasse les humeurs malignes, ainsi que le calcul et la pierre qu’elle rompt et brise dans la vessie ; chasse et excite l’urine qui est retenue par des vents ainsi que la dysenterie, ranime les esprits vitaux, guérit ceux qui sont infectés de charmes ou filtres, elle guérit la suffocation de matrice, la goutte et meut les menstrues, arrêtant aussi celles qui sont trop abondantes ; elle cause la génération et fait de bonne semence dans l’un et l’autre sexe. Cette pierre de feu guérit le dedans et le dehors, comme la gangrène, les maladies corrosives et celles qui naissent d’un sang corrompu. Elle chasse la gale, la teigne, les écrouelles ; guérit les cancers, le noli me tangere. En un mot, cette pierre, comme teinture particulière, transmue tous les métaux en or très pur et meilleur que celui des mines du Pérou. C’est un remède à toutes les maladies auxquelles l’homme peut être sujet : vérité très constante que l’expérience te démontrera, si tu es véritable médecin et appelé de Dieu.

FIN




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Maj : 20/12/2024