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Liber Scivias


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
Hildegarde de Bingenecr. 1151Littérature (myst.)ecr. Couvent de Rupertsberg (Allemagne)Mysticisme
Morale
Sotériologie

► Il s’agit du plus connu des trois livres d’Hildegarde décrivant ses visions, les deux autres étant le Le Livre des mérites de la vie {Liber vitae meritorum} et Livre des œuvres divines {Liber divinorum operum}. C’est aussi le premier et le plus illustré.

► Malgré qu’elle avait ces visions depuis jeune, l’abbesse hésita avant de les publier bien que Dieu lui aurait ordonné de le faire. Elle attendit l’approbation de sa hiérarchie avant d’accepter de retranscrire 26 de ses visions agrémentées de 35 enluminures(1).

► Le thème de l’âme aux prises à la tentation entre le bien et le mal qui est mis en avant dans l’ouvrage, atteint son apogée avec les partitions du drame liturgique le Jeu des vertus {Ordo virtutum} présent à la fin de l’ouvrage.

■ La version d’Eibingen est une copie du XX d’un original désormais perdu. Concernant toujours cette version, nous n’avons malheureusement trouvé aucun exemplaire numérisé qui soit complet et avons été réduit à chercher les images une à une, c’est pour cette raison que la qualité(2) est variable. La série étant presque complète, on peut supposer que le manuscrit à été en ligne il y a quelques années. Nous attendons l’occasion de pouvoir rectifier ce problème. Nous avons placé les images à la suite du texte, ne sachant où les insérer.

■ Concernant le texte nous n’avons retranscrit que le premier livre. L’édition utilisée est d’ailleurs une version abrégée ne traduisant que jusqu’à la vision cinq du second livre. La version d’Heidelberg indique une tripartition de l’œuvre en respectivement 6, 7 et 13 visions. Si vous voulez une traduction complète, contenant le second et troisième livre en entier, referez-vous à la traduction de Pierre Lachèze (1863) Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France. Nous avons aussi utilisé le chapitrage de Monsieur Lachèze, correspondant au chapitrage original. Nous avons aussi laissé le titre des chapitres manquants.


1. Elles sont toutes dans l’ordre donné par le Monastère Sainte Hildegarde, sauf la numéro 35 : nous savons qu’elle fait parti de la série, mais elle n’est pas indiquée par le monastère.

2. Et le manuscrit source pour certaines.


Texte et traduction : du latin au français, Raymond Chamonal, 1909. | bs. Bibliothèque Nationale de France (Paris, France). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

Illustrations : én. du Scivias, 1165. | bs. Abbaye Sainte-Hildegarde d’Eibingen (Eibingen, Allemagne).

Illustrations : én. du Scivias, 1220. | bs. Bibliothèque universitaire de Heidelberg (Heidelberg, Allemagne). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre

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PRÉFACE

Voici qu’en la quarante-troisième année de ma course temporelle, comme, toute saisie de crainte, esclave de ma volonté hésitante, je tenais (mes regards) attachés à une céleste vision, je vis une grande splendeur ; et, dans cette splendeur, une voix qui venait du ciel me dit : O homme (femme) fragile, cendre de cendre, corruption (issue) de la corruption, dis et écris ce que tu vois et entends.

Mais, parce que tu es timide dans le langage, inhabile dans l’exposition, ignorante de la manière d’écrire ces choses, dis-les, écris-les, non d’après les règles de l’élocution humaine, l’intelligence de son invention et de la disposition qu’elle exige, mais, d’après ce que tu vois et entends dans les splendeurs célestes, dans les merveilles de Dieu, en le proférant, pour le faire entendre, comme l’auditeur qui perçoit les paroles de son maître les répète, selon l’accent de son langage, parce que lui-même le veut, le montre et l’enseigne.

Ainsi, toi-même, ô femme, dis ce que tu vois et entends ; et, écris-le, non selon toi, mais d’après la volonté de Celui qui sait, voit et dispose toutes choses dans le secret de ses mystères.

Et de nouveau, j’entendis une voix du ciel qui me disait :

Raconte-donc ces merveilles, écris ces choses ainsi apprises, et dis :

En l’année mille cent quarante-et-une de l’Incarnation du Fils de Dieu, Jésus-Christ, à l’âge de quarante-deux ans sept mois, une lumière de flammes d’un merveilleux éclat, venant du ciel entr’ouvert, pénétra mon cerveau, mon cœur et ma poitrine, comme une flamme qui ne brûle pas, mais échauffe, à la manière du soleil qui darde ses rayons sur la terre.

Et soudain, je savourais l’intelligence de l’exposition des livres des Psaumes, des Evangiles et des autres livres catholiques, de l’Ancien et du Nouveau Testament, sans entendre toutefois l’interprétation du texte, des paroles de ces livres, ni la division des syllabes, ni la connaissance des cas et des temps . Mais, dès mon enfance, de l’âge de cinq ans à l’époque où j’écris ces choses, d’une manière admirable, je sentais en moi, comme maintenant, la vertu des mystères, des secrètes et merveilleuses visions ; et cependant, je ne le manifestai à aucun homme, excepté à quelques rares religieux qui vivaient assujétis à la même règle que moi ; car, jusqu’au temps où Dieu voulut, par sa grâce, que ces visions fussent découvertes, je me cachai dans le silence. Mais les visions que je vis, ce ne fut pas en songe, ni dans le sommeil, ni dans (une espèce) de phrénésie ; je ne les vis pas des yeux charnels, je ne les entendis pas des oreilles extérieures de l’homme, et dans des lieux cachés ; mais je les contemplai, selon la volonté de Dieu, en pleine veille, à découvert, les considérant dans toute la clarté de l’esprit, des yeux et des oreilles de l’homme intérieur. Comment cela se fit ? Il est difficile à l’homme charnel de le découvrir. Mais, ayant passé le terme de la jeunesse, et étant arrivée à l’âge de la maturité, j’entendis une voix du ciel qui disait : « Je suis la lumière vivante qui éclaire les ténèbres : J’ai établi qui j’ai voulu, et je l’ai élevé merveilleusement, comme il m’a plu, dans les prodiges, au-dessus des anciens personnages qui apprirent de moi beaucoup de choses mystérieuses ; mais je l’ai terrassé, pour qu’il ne s’élevât pas dans l’exaltation de son esprit. Le monde aussi n’éprouva en lui, ni joie, ni délectation, ni souplesse dans les choses qui lui sont propres, parce que je le privai de l’audace nécessaire, et qu’il était timide et craintif dans ses œuvres. Il souffrit dans les moelles et dans les veines de sa chair : son âme et ses sens, brisés par la douleur, il eut à supporter de grands tourments corporels, au point qu’il ne pût goûter aucune paix, mais qu’en toutes choses il dût s’estimer coupable. Car j’ai enclos les ruines de son cœur, de peur que son esprit ne s’élevât par la superbe et la vaine gloire, et pour qu’il éprouvât plus de crainte et de douleur en toutes ces choses, que de joie et d’orgueil. C’est pourquoi, dans mon amour, il considéra en son âme, qui pourrait lui découvrir la voie du salut. Il en trouva un, et l’aima, reconnaissant qu’il était fidèle, et lui ressemblait dans la part de l’œuvre qui me regarde ; et, se l’attachant, il s’efforça avec lui, aidé en toutes choses par le secours d’en-haut, de révéler mes merveilles cachées. Et lui-même ne s’enfla pas d’orgueil, mais s’humilia devant lui avec des soupirs, dans la conviction de sa bassesse et dans l’effort de sa bonne volonté. Toi donc qui reçois ces choses, non dans l’inquiétude de la déception, mais dans la pureté d’intention, parce qu’elles sont dirigées vers la manifestation de choses mystérieuses, écris ce que tu vois et entends. »

Mais bien que je visse et j’entendisse ces choses, cependant, à cause de mon irrésolution, de la mauvaise opinion que j’avais (de moi-même), et de la diversité des paroles humaines, je refusai d’écrire, non par obstination, mais pour rester dans mon rôle d’humilité, jusqu’à ce que, par un châtiment divin, terrassée par la maladie, je gardai le lit. Alors, contrainte par de nombreuses infirmités, sur les engagements d’une noble fille de bonnes moeurs, et de l’homme que j’avais secrètement cherché et trouvé, je mis la main à la plume. Comme j’écrivais, comprenant, ainsi que je l’ai dit, la profondeur sublime de l’exposition des livres, je sentis renaître mes forces et je me relevai de maladie. Mais, c’est à peine si, en dix ans, je pus terminer cet ouvrage.

J’eus ces visions et j’entendis ces paroles, à l’époque d’Henri, archevêque de Mayence, de Conrad, roi des Romains, et de Cunon, Abbé du Mont,du Bienheureux Pontife Disibode, sous le pape Eugène .

Je dis et j’écrivis ces choses, non selon l’invention de mon cœur ou (sous l’inspiration) d’un autre homme, mais comme je les vis dans les sphères célestes, et comme je les entendis et perçus en vertu des secrets mystères divins. - Et de nouveau, j’entendis une voix du ciel qui me disait : Crie donc et écris ainsi.

PREMIER LIVRE
LE SYSTEME DU MONDE

VISION PREMIERE
REVELATION DES SAINTES ECRITURES

Je vis comme une grande montagne couleur de fer, et sur elle quelqu’un était assis, resplendissant d’un tel éclat, que sa lumière offusquait ma vue ; et de chaque côté, le voilant d’une ombre douce, une aile, merveilleuse de largeur et de longueur, s’étendait. Et devant lui, au pied de la montagne, une Enluminure toute pleine d’yeux se tenait, de laquelle je ne pouvais distinguer nulle forme humaine, à cause de la multitude d’yeux ; et devant elle, était une autre Enluminure d’enfant, sombrement vêtue, mais chaussée de blanc, sur la tête de laquelle descendit une telle clarté, rayonnant de celui qui était assis sur la montagne, que je ne pouvais plus regarder sa face. Mais de celui-là même qui était assis sur la montagne, une infinité d’étincelles vivantes s’échappaient, qui enveloppaient ces figures, d’une grande suavité. Dans la même montagne, on distinguait, comme de nombreuses lucarnes, dans lesquelles apparurent comme des têtes d’hommes, les unes sombres, les autres blanches. Et voici que celui qui était assis sur la montagne, s’écriait d’une voix forte et pénétrante, disant : O homme, poussière insaisissable de la poussière de la terre, et cendre de la cendre, crie et parle sur l’origine de l’incorruptible salut, jusqu’à ce que soient édifiés ceux qui connaissant la moelle des Ecritures, ne veulent ni l’annoncer, ni la prêcher, parce qu’ils sont tièdes et languissants, pour la conservation de la justice de Dieu ; à ceux-là découvre-leur la clef des mystères, que, dans leur timidité, ils cèlent sans fruit dans le secret. Dilate-toi dans la fontaine d’abondance, et coule dans une mystique érudition ; afin que ceux qui te méprisent, à cause de la prévarication de la (première) Eve, soient ébranlés par le débordement de ta source. Car, ce n’est pas de l’homme que tu tiens la pénétration de ces mystères, mais tu reçois (ce don) d’en haut, du juge redoutable et suprême, par qui cette clarté brillera d’un éclat incomparable parmi les autres lumières. Lève-toi donc, fais entendre ta voix, et dis les choses qui se sont manifestées par la puissante vertu du secours divin ; parce que celui qui commande avec bonté et puissance à toutes ses créatures, pénètre ceux qui le craignent et qui le servent avec dilection, en esprit d’humilité, de la clarté de sa divine lumière ; et il conduit ceux qui persévèrent dans les voies de la justice, vers les joies de l’éternelle vision.

Cette grande montagne couleur de fer que tu vois, désigne la force et la stabilité de l’éternité du royaume de Dieu, laquelle ne peut être ébranlée par nul effort d’une mutabilité branlante ; et celui qui est assis sur la montagne, et dont la splendeur est si grande qu’elle offusque ton regard, t’indique dans le royaume de la béatitude, celui-là même qui, dans l’éclat de son indéfectible beauté, commande, comme suprême divinité, à tout l’univers, et est incompréhensible à l’esprit humain. Mais de chaque côté, cette ombre douce qui s’étend comme une aile merveilleuse de largeur et de longueur, signifie, dans l’admonition et le châtiment, la suave et douce protection de la bienheureuse défense, et démontre justement et pieusement l’ineffable justice, dans la persévérance de l’équité véritable.

Et devant lui, au pied de la montagne, une Enluminure pleine d’yeux se tient, qui, devant Dieu, en toute humilité, considère le royaume divin, et, fortifiée par la crainte du Seigneur, exerce sur les hommes avec la perspicacité d’une intention droite et juste, son zèle et son appui ; c’est pourquoi tu ne peux discerner en elle, à cause de la multitude de ses yeux, aucune forme humaine ; parce que, par l’acuité de son regard, elle déjoue à ce point tout oubli de la justice de Dieu, qu’éprouvent trop souvent les hommes dans l’hébétude de leur esprit, que l’inquisition des mortels, dans sa débilité, n’ébranle pas sa vigilance.

Avant cette image, une autre Enluminure d’enfant sombrement voilée, mais chaussée de blanc apparaît, parce que, précédés de la crainte du Seigneur, suivent les pauvres d’esprit ; car la crainte du Seigneur par le voeu d’humilité, possède pleinement la béatitude de la pauvreté de l’esprit, qui n’aime pas la jactance et l’exaltation du cœur, mais la simplicité et la modestie, ne s’attribuant rien à soi, mais à Dieu, dans l’abandon de la soumission en toutes ses œuvres ; (ce que signifie le peu d’éclat de sa tunique), pour suivre fidèlement les vestiges éclatants du fils de Dieu. Sur sa tête, une si grande clarté rayonne de celui qui est assis sur la montagne, que tu ne peux voir sa face ; parce que la sérénité de la visite de celui qui commande avec louange à toute créature, infuse une telle puissance et une telle force de béatitude, que tu ne peux en concevoir l’abondance dans tes mortelles et infirmes considérations ; car, celui qui possède toutes les richésses célestes se soumit humblement à la pauvreté.

Mais que, de celui-là même qui est assis sur cette montagne, une multitude d’étincelles vivantes sortent, qui voltigent autour de ces mêmes images avec un charme infini, cela signife que de la toute puissance de Dieu proviennent les diverses et fortes vertus, qui resplendissent dans la divine clarté, embrassent et flattent avec amour, (les entourant de leur aide et de leur protection), ceux qui craignent Dieu en vérité, et qui aiment fidèlement la pauvreté de l’esprit.

Dans la même montagne, apparaissent de nombreuses lucarnes, à travers lesquelles se montrent comme des têtes d’hommes, les unes sans éclat, les autres rayonnantes de blancheur ; parce que, dans la suprême hauteur de la très profonde et très pénétrante connaissance de Dieu, ne peuvent être cachées les intentions des actes humains, qui démontrent souvent par eux-mêmes leur zèle ou leur tiédeur ; car les hommes que fatigue l’action et que lassent les désirs du cœur, tantôt s’endorment dans l’infamie, tantôt s’éveillent, revenus à eux-mêmes, pour leur honneur, comme en témoigne Salomon, lorsqu’il dit, selon ma volonté : La main molle aboutit à l’indigence, mais la main des forts prépare les richesses . Ce qui veut dire : que l’homme se rend pauvre et misérable, qui ne veut pas accomplir les œuvres de justice, effacer l’iniquité, rémettre sa dette, et qui reste oisif dans les merveilles des œuvres de la béatitude. Mais celui qui accomplit les très puissantes œuvres du salut, courant dans la voie de la vérité, capte la source jaillissante de la gloire, et se prépare sur la terre et dans le ciel, les trésors les plus précieux. Et quiconque possède la science par le St-Esprit, et les ailes de la foi, ne transgresse pas mes avis, mais les reçoit avec amour pour en faire les délices de son âme.

VISION SECONDE
PROTECTION DE L’INTERPRETE À VENIR

Ensuite, je vis comme une grande multitude de lampes vivantes qui projetaient une grande clarté, et qui, recevant une lumière embrasée, acquéraient une splendeur sereine. Et voici qu’un lac très large et très profond apparut, dont l’orifice ressemblait à celui d’un puits qui vomissait une fumée de flamme puante, de laquelle aussi une nuée ténébreuse s’exhalant, atteignit à des hauteurs presque imperceptibles à la vue ; et, dans une région lumineuse souffla une nuée blanche qui était sortie d’une belle forme humaine, renfermant en soi de nombreuses étoiles ; et elle la chassa elle et la forme humaine de cette région. Alors une splendeur lumineuse environna cette région ; et ainsi, tous les éléments du monde qui auparavant étaient restés dans une paix profonde, plongés dans un grand trouble, manifestèrent des terreurs horribles. Et de nouveau j’entendis celui qui m’avait parlé auparavant, qui disait : Ceux qui suivent Dieu dans la fidélité de leur voeu, et qui dans leur dilection conservent pour lui un amour ardent, n’étant troublés par aucune sollicitation d’injustice, ne seront pas écartés de la gloire de la suprême béatitude ; tandis que ceux qui feignent de chercher Dieu, non seulement ne seront pas élevés plus haut, mais ils seront même renversés, par un juste jugement, (des grandeurs) qu’ils s’imaginent faussement posséder.

Ce que montre cette multitude de lampes vivantes et d’un si grand éclat, qui figurent la grande armée des esprits célestes, resplendissant (de gloire) dans la vie bienheureuse, et qui sont ornés de toutes les grâces ; parce que, créés par Dieu, ils ne se sont pas élevés dans leur orgueil superbe, mais ils se sont fortifiés dans l’amour divin. Car, recevant un redoublement de flamme (amoureuse), ils sont parvenus à la splendeur sereine ; et lorsque Lucifer avec les siens voulut se révolter contre le créateur suprême, (les bons anges) mettant tout leur zèle divin à la chute (de Lucifer) et de ceux qui s’étaient unis à lui, manifestèrent la vigilance de la dilection divine, tandis que les (légions de Satan) encoururent l’aveuglement de l’ignorance par laquelle ils avaient refusé de connaître Dieu. Comment ? Dans la chute du démon, un concert de louanges retentit parmi les esprits angéliques qui étaient restés dans la voie droite avec Dieu ; car, dans une illumination soudaine, ils reconnurent clairement, que Dieu immuable, persévère dans sa puissance, sans aucun changement de son essence, de telle sorte qu’il ne peut être vaincu par aucun ennemi. Et ainsi, brûlants de son amour et persévérant dans la droiture, ils méprisèrent tout repaire d’injustice.

Mais Lucifer qui fut précipité de la gloire du ciel à cause de son orgueil, au commencement de sa création, était si beau et si grand, qu’il ne découvrit aucun défaut dans sa beauté et dans sa force. C’est pourquoi, en contemplant sa grâce, et en considérant en lui-même la vertu de sa force, il rencontra la superbe qui lui promit d’entreprendre ce qu’il voudrait, parce qu’il pourrait accomplir ce qu’il entreprendrait. Et voyant le lieu où il pensait trouver sa place, pour y montrer sa beauté et sa force, il se disait en lui-même : Je veux briller là, comme celui-ci resplendit ici. Ce que ses légions approuvèrent en disant : Ce que tu veux, nous le voulons aussi. Et comme, exalté dans son orgueil, il voulait accomplir ce qu’il avait médité, le zèle du Seigneur se montrant dans tout son éclat, précipita Satan avec toute son armée dans les ténèbres de flammes ; de telle sorte qu’ils changèrent leur splendeur sereine, en la plus épouvantable noirceur. Pourquoi cela ? Parce que si Dieu n’eût pas repoussé leur présomption, il se fût montré injuste ; car il eût favorisé ceux qui voulaient diviser l’intégrité de la divinité ; mais il abattit leur orgueil, et réduisit à néant leur impiété ; comme il bannit de la présence de sa clarté, tous ceux qui veulent s’opposer à lui ; ainsi que le montre mon serviteur Job, lorsqu’il dit : La lumière des impies s’éteindra, (l’enfer) les couvrira de ses ondes, ils auront en partage les tourments de sa colère. Ils seront comme le brin de paille sous la rage du vent, et comme la cendre que le tourbillon disperse.

Ce qui veut dire que la gloire de la méchanceté superbe, procédant d’une fausse prospérité, comme l’illustration de l’honneur, dans la volonté de la chair de ceux qui ne craignent pas Dieu, (mais qui le méprisent dans leur impiété perverse, dédaignant de savoir que nul ne peut lutter contre Lui, et voulant consumer dans le brasier de leur férocité tout ce qui s’oppose) (à leur perversité) : celle-là, à l’heure de la vengeance de Dieu, sera foulée aux pieds comme la terre, et, en vertu du jugement suprême, s’appesantira sur les impies eux-mêmes, l’abjection de l’indignation de tous ceux qui habitent sous le ciel, de telle sorte qu’ils seront en horreur et à Dieu et aux hommes. Mais parce que Dieu ne leur permet pas d’avoir ce qu’ils veulent, crispés par la douleur, ils se démènent parmi les hommes, dans le délire de leur insanité, parce qu’ils brûlent de posséder ce que Dieu ne veut pas qu’ils engloutissent (dans leurs désirs insatiables). Et comme, de cette manière, ils s’éloignent de Dieu, ils sont comparés aux choses inutiles, puisqu’ils n’accomplissent aucune œuvre bonne, ni pour

Dieu, ni pour les hommes, retranchés qu’ils sont de la tige de vie, par l’œil prévoyant de la circonspection divine. C’est pourquoi, seront condamnés au même sort, ceux qui se laissent emporter par le goût fade des rumeurs iniques, et ainsi ne reçoivent pas la rosée fécondante du St-Esprit.

Mais ce lac si large et si profond qui t’apparaît est l’enfer qui se mesure à l’énormité (l’étendue) des vices et à la grandeur des pertes (des réprouvés) ; son orifice est comme celui d’un puits, et il exhale, avec une odeur fétide une fumée de flamme ; parce que dans sa voracité, voulant engloutir les âmes, il leur montre des délices et des jouissances, mais il les conduit par une déception perverse, à la perversité des tourments, dans un brasier ardent d’où sortent des nuages de fumée noire, exhalant des vapeurs fétides ; parce que ces cruels tourments, sont destinés au démon et à ceux qui le suivent (en s’écartant du souverain bien, sans vouloir le connaître et le comprendre) ; c’est pourquoi ils ont été rejetés de tout bien, non parce qu’ils l’ignorèrent, mais parce que, dans leur orgueil démesuré, ils le méprisèrent. Que signifie cela ? Dans la chute de Satan, ces ténèbres extérieures, qui concentrent toutes les peines, furent créées ; parce que ces esprits malins, au lieu de la gloire qui leur fut préparée, préférèrent la misère des diverses peines ; et à la place de la lumière dont ils jouirent, ils se couvrirent d’épaisses ténèbres. Comment? Lorsque l’ange superbe se dressa sur lui-même, comme la couleuvre, la prison infernale s’ouvrit ; parce qu’il ne put se faire, que quelqu’un prévalût contre Dieu. Et comme il ne conviendrait pas qu’il y eût deux cœurs dans une poitrine, ainsi dans le ciel, il ne put y avoir deux dieux. Et parce que le démon, avec les siens, satisfit sa présomption superbe, il trouva le lac de perdition préparé pour lui.

Ainsi les hommes qui les imitent dans leurs actes, deviennent participants de leurs peines selon leur mérite. Mais il y a des âmes qui, étant parvenues au comble de la damnation, sont rejetées de la science de Dieu ; et elles subiront les peines infernales, sans la consolation d’en voir la fin ; d’autres, au contraire, n’étant pas dans l’oubli de Dieu, mais en vertu d’un examen suprême, accomplissant la purgation des péchés dans lesquels elles sont tombées, verront enfin briser leurs liens, et parviendront au lieu du repos. Que signifie cela ? La géhenne est ouverte, à ceux qui restent sans repentir dans l’oubli de Dieu, au fond de leur cœur ; les autres tourments sont destinés à ceux qui, bien qu’ils fassent des œuvres mauvaises, n’y persévèrent pas cependant jusqu’à la fin, mais regardent enfin vers Dieu dans les larmes du repentir.

C’est pourquoi, que les fidèles fuient le démon et aiment Dieu, en renonçant aux œuvres mauvaises ; et qu’ils accomplissent le bien, avec les attributs de la pénitence, comme mon serviteur Ezéchiel, inspiré par moi, les y exhorte lorsqu’il dit : Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l’iniquité ne sera pas pour vous une cause de ruine. Ce qui signifie : O vous, hommes qui jusqu’ici gisez dans le péché, souvenez-vous de votre nom de chrétien, en vous convertissant à la voie du salut ; et accomplissez d’autres œuvres dans la fontaine de la pénitence. Vous qui d’abord avez commis beaucoup de crimes dans la multitude de vos vices, relevez-vous de vos mauvais penchants, afin que l’iniquité dans laquelle vous croupissez, ne vous accable pas dans la ruine de la mort ; parce que vous y avez renoncé au jour de votre rédemption.

Et de cette manière la gloire des anges vous suivra, parce que vous vous séparerez du démon pour courir vers Dieu, le connaissant mieux dans les bonnes actions, que vous ne pouviez le connaître auparavant, lorsque vous étiez assujetti à la moquerie de l’antique séducteur. Mais que du même lac, une nuée noire s’exhalant atteigne une hauteur presque imperceptible à la vue : cela signifie que de la profondeur de sa perte, la tromperie diabolique faisant sortir le serpent venimeux, qui renfermait en soi le crime d’une intention frauduleuse, (Satan) envahit le domaine de l’homme, pour le tromper. Comment ?

Parce que lorsque le démon vit l’homme dans le paradis, il s’écria avec une grande indignation - Oh ! qui m’égalera dans le séjour de la véritable béatitude ? Ainsi il savait en lui-même, qu’il n’avait pas encore satisfait la malice qu’il avait en lui, sur une autre créature ; mais voyant Adam et Eve passer (leur vie) dans une innocence candide, au milieu du jardin de délices, il se porta, dans sa fourberie, vers eux, sous la forme du serpent, pour les tromper.

Pourquoi ? Parce qu’il sut qu’il pourrait plus aisément jouer son rôle par le serpent, que par un autre animal ; et il s’efforça de mener à bonne fin, par son artifice, ce qu’il n’aurait pu accomplir sous sa forme réelle. Aussi, lorsqu’il vit qu’Adam et Eve s’éloignaient, d’esprit et de corps, de l’arbre défendu, il comprit en lui-même qu’il y avait là pour eux un précepte divin, et que dans la première œuvre qu’ils entreprendraient, il les détournerait facilement.

Il ne savait pas en effet que cet arbre était défendu, mais il l’apprit selon l’épreuve de son artificieuse interrogation, et d’après leur réponse. C’est pourquoi, dans cette région lumineuse, s’exhala par le moyen d’une nuée ténébreuse, la nuée blanche (et lumineuse) qui était sortie de la belle forme humaine, contenant en elle de nombreuses étoiles ; puisque Satan envahit, pour sa perte, par la séduction du serpent, dans le même lieu de délices, Eve qui avait une âme innocente, Eve qui avait été tirée d’Adam dans son innocence, portant dans son corps toute la multitude de la race humaine, déjà vivante dans la préordination divine.

Pourquoi cela ? Parce qu’il savait que la faiblesse de la femme serait plus facile à vaincre que la force de l’homme ; il voyait aussi qu’Adam était pénétré d’un amour si violent pour Eve, que s’il réussissait à la vaincre, tout ce qu’elle dirait à Adam, celui-ci le ferait. Et ainsi, le démon la bannit de cette région, elle et la forme de l’homme ; bien plus, le même antique séducteur, en chassant par sa fourberie Adam et Eve du siège de leur béatitude, les plongea dans les ténèbres de la discorde. Comment ? Il séduisit d’abord Eve, afin que celle ci, par ses flatteries, obtînt l’assentiment d’Adam ; parce qu’elle pouvait entraîner plus rapidement Adam à la désobéissance, que les autres créatures ; car elle avait été tirée d’une côte d’Adam. C’est pourquoi la femme fit tomber si aisément l’homme, car, comme il ne la détestait pas, il agréa facilement ses paroles.

Mais ce ne fut pas à Adam enfant, mais à Adam homme parfait, qu’une femme parfaite fut donnée ; car, lorsque l’homme ayant atteint l’âge de son complet développement, peut engendrer (puberté), il faut l’unir à une femme (nubile) ; de même, lorsque l’arbre commence à donner des fleurs, il faut le cultiver avec plus de soins. Car Eve fut formée d’une côte d’Adam et de sa chair, vivifiée de son sang ; et c’est pourquoi maintenant, la femme, après avoir reçu la semence provenant de la force et de l’ardeur virile, est destinée à multiplier la race dans le monde ; l’homme est en effet le semeur, et la femme reçoit la semence ; d’où vient que la femme reste sous la puissance de l’homme ; car la force de l’homme est à la faiblesse de la femme, comme la pierre dure est à la terre molle. Mais que la première femme ait été formée de l’homme, cela indique l’union matrimoniale de l’homme avec la femme. Et il faut le comprendre ainsi : cette union ne doit pas être contractée à la légère et dans l’oubli de Dieu, parce que Celui qui forma la femme d’une côte de l’homme, institua cette union pour le bien et pour l’honneur, en formant la chair de la femme de la chair de l’homme. C’est pourquoi, de même qu’Adam et Eve ne firent qu’une seule et même chair, ainsi maintenant l’homme et la femme ne forment qu’une chair, dans l’union de charité, pour multiplier le genre humain.

Par conséquent, la parfaite charité doit exister dans ces derniers, comme elle exista dans les premiers.

Adam, en effet, pouvait incriminer son épouse, de ce que, par son conseil, elle lui avait apporté la mort ; mais il ne la quitta pas, tant qu’elle vécut dans ce siècle, parce qu’il connut qu’elle lui avait été donnée par Dieu. Aussi, en vertu de la charité parfaite, que l’homme n’abandonne pas sa femme ; si ce n’est, pour le motif raisonnable que lui propose l’Église fidèle. Et que nulle division ne s’accomplisse, si ce n’est lorsque les deux conjoints, dans un même esprit, veulent regarder vers mon Fils, et se dire, dans l’ardeur de leur amour pour lui : Nous voulons quitter le monde, et suivre celui qui a souffert pour nous. Que si les deux ne sont pas d’accord, sur le même voeu de quitter le monde, alors qu’ils ne se séparent nullement l’un de l’autre ; parce que, de même que le sang ne peut être séparé de la chair, tant que la vie réside en elle ; ainsi, le mari et l’épouse ne se séparent pas l’un de l’autre, mais ils vont ensemble, n’ayant qu’une même volonté. Mais si la prévarication de la loi dans la fornication, se trouve dans le mari ou dans la femme, alors (leur crime) étant divulgué, par eux-mêmes ou par leurs prêtres, ils devront subir, selon ce qui est juste, la censure de leur maître spirituel. Le mari s’enquerra selon la justice de Dieu, devant l’Eglise et les prélats, de la transgression conjugale de la femme, et la femme, de celle de son mari ; non cependant, de telle sorte que, le mari ou l’épouse puisse contracter une autre union ; mais eux-mêmes, ou bien ils resteront ensemble, selon la règle du mariage, ou ils s’abstiendront ensemble du rapport conjugal, selon ce qui leur sera indiqué, d’après la discipline de la règle ecclésiastique ; et ils ne se déchireront pas par des morsures de vipère, mais ils s’aimeront d’une affection pure, parce qu’il ne peut y avoir mari et femme, s’ils ne sont unis par ce lien ; comme mon ami Paul en rend témoignage lorsqu’il dit : Comme la femme est sortie de l’homme, ainsi l’homme (naît) par la femme, mais toutes choses viennent de Dieu. Ce qui veut dire : La femme a été créée pour l’homme, et l’homme a été fait pour la femme ; parce que ce que celle-ci est, touchant le mari, le mari doit l’être, touchant la femme ; de peur que l’un ne se sépare de l’autre, dans l’unité de leur progéniture, car ils accomplissent ensemble la même œuvre, comme l’air et le vent mêlent leurs efforts dans un but commun. Comment ? L’air est agité par le vent, et le vent tourbillonne dans l’air, de telle sorte que dans leur évolution toutes les plantes verdoyantes leur sont soumises. Que signifie cela ? La femme coopère avec le mari à la procréation des enfants, d’où résultent de grands crimes, quand la fornication, aux jours de la procréation des enfants, engendre la division ; parce que l’homme et la femme retranchent leur propre sang du lieu où il a pris sa source, pour le rejeter dans un autre.

Il leur reste les fraudes de Satan et la colère de Dieu, parce qu’ils ont rompu le pacte établi par Dieu. C’est pourquoi, malheur à eux, quand leurs péchés ne leur sont pas remis ! Mais bien que l’homme et la femme coopèrent, comme il a été dit, s’il s’agit de leur progéniture ; cependant toutes choses, l’homme, la femme et les autres créatures dépendent de la disposition et de l’ordre divin ; parce que Dieu les fait selon sa volonté.

Mais avant l’incarnation de mon Fils, quelques-uns, dans le peuple ancien, avaient, selon sa volonté, plusieurs épouses ; parce qu’ils n’avaient pas encore entendu la prohibition facile à démontrer, que mon Fils venant en ce monde, donna pour la juste réglementation de cette union entre le mari et l’épouse, union qui doit ressembler pendant toute leur vie, à celle d’Adam et d’Eve ; parce que ce lien doit être contracté, non selon la volonté de l’homme, mais selon la crainte de Dieu ; car il vaut mieux le contracter d’après les dispositions de la règle de l’église, que de désirer la fornication ; quoique cependant, vous autres hommes, négligeant ces règles, vous assouvissiez votre luxure, non comme des hommes mais comme des bêtes. - Mais que la foi droite et le pur amour de la connaissance de Dieu soient chez le mari et l’épouse, de peur que leur semence étant souillée par un art diabolique, la vengeance divine ne les frappe, lorsqu’ils se déchirent (par la haine) l’un l’autre, et qu’ils répandent leur semence inhumainement, selon la manière lascive des animaux.

Aussi, quand l’envie les mord comme la vipère, et qu’il y a en eux une vicieuse superfluité de semence, sans nulle crainte de Dieu, ni règle de vie humaine, il arrive souvent, pour le châtiment de leur perversité que, par un juste jugement de Dieu, ceux qui naissent d’eux sont disgrâciés de la nature, et ne peuvent jouir d’une vie prospère ; à moins que, acceptant la pénitence qu’ils font de leur crime, je me montre miséricordieux envers eux. Car de ceux qui m’invoqueront pour l’expiation de leurs péchés, j’accepterai la pénitence, par amour de mon Fils ; par ce que de celui qui lèvera son doigt vers moi, en se repentant, c’est-à-dire de celui qui me fera entendre les gémissements de son cœur, dans la pénitence, en disant : Seigneur, j’ai péché devant vous ; mon Fils (qui est le prêtre des prêtres), me fera agréer la pénitence ; car la pénitence qui est offerte aux prêtres, par amour de mon fils, obtient le pardon des péchés pour ceux qui la font. C’est pourquoi, les hommes qui produisent de dignes fruits de pénitence, sortent de la mâchoire de Satan, qui voulant engloutir le hameçon de la toute puissance, blesse fortement la sienne ; ce qui fait qu’alors, les âmes fidèles s’écartant de la perdition, parviennent au salut. Comment ? Parce que les prêtres qui invoquent mon nom auprès des autels, reçoivent la confession des peuples et leur administrent le remède du salut. C’est pourquoi, quiconque veut se rendre Dieu favorable, ne souillera pas sa semence dans la diversité des vices, car ceux qui prodiguent leur semence dans la fornication ou dans l’adultère, rendent plus vicieux les fils qui naissent d’eux, de cette manière. Comment ? Celui qui met dans un vase purifié de la boue ou des ordures, rend-il le vase intact ? De même, celui qui corrompt sa semence par la fornication ou l’adultère, peut-il engendrer des fils valeureux ? Mais un grand nombre travaillent, selon la diversité de leurs moeurs et de leur tempérament ; d’autres deviennent prudents pour le siècle et pour Dieu. Et c’est avec eux que la céleste Jérusalem se remplit ; parce qu’ils abandonnent le vice, aiment la vertu ; et que dans la chasteté et les œuvres méritoires ils imitent mon Fils, accomplissant son martyre, chacun dans son corps, suivant sa passibilité. - Quand je ne veux pas que des enfants naissent d’un homme, j’enlève les germes virils de la semence, pour qu’elle ne se coagule pas dans la ventre de la mère ; comme je refuse les germes fertilisants à la terre, quand je le juge nécessaire à la manifestation de ma justice. Mais pourquoi t’étonnes-tu, ô homme, que je permette que des enfants naissent dans l’adultère et les autres crimes de cette sorte ? mon jugement est juste. Car à partir de la faute d’Adam, je n’ai pas trouvé dans l’humaine semence la justice qu’elle devait avoir, dès que Satan l’eut mise en fuite par le goût de la pomme, c’est pourquoi j’envoyai mon Fils, né dans le monde d’une vierge sans aucun péché ; afin que, en vertu de son sang, dans lequel il n’y avait aucune souillure de la chair, il enlevât au démon les dépouilles qu’il avait ravies à l’homme.

Car ni l’homme conçu dans le péché, ni l’ange non revêtu de la chair, ne pouvait soustraire à la puissance de Satan l’homme gisant dans le péché et infirme dans son corps ; seul, celui qui vint (dans le monde) avec un corps sans péché, put le délivrer par sa passion. C’est pourquoi, bien que les hommes soient nés dans le péché, cependant je les réunis pour la vie éternelle et le royaume céleste, lorsqu’ils le recherchent avec fidélité. Car nulle perversité ne peut m’enlever mes élus, comme la Sagesse en rend témoignage lorsque elle dit : Les âmes des justes sont entre les mains de Dieu, et le tourment de la mort ne les atteindra pas . Ce qui veut dire : Les âmes de ceux qui suivent le chemin de la justice, sont, avec un tendre dévouement, dans le plan de l’assistance divine ; de telle sorte que, à cause des bonnes œuvres par lesquelles ils tendent vers le ciel, dans les hauteurs de la justice, les tourments de la damnation ne les briseront pas ; parce que la vraie lumière les garde dans la crainte et l’amour de Dieu.

Mais après qu’Adam et Eve eurent été chassés du lieu de délices, ils connurent en eux l’œuvre de la conception et de la parturition ; et ainsi, par leur désobéissance, tombant dans la mort, ils conçurent la douceur du péché, lorsqu’ils connurent qu’ils pouvaient pécher. Mais de cette manière, détournant la droiture de mon institution vers la convoitise du péché, lorsqu’ils devaient savoir que le trouble de leurs sens n’était pas en vue de la douceur du péché, mais de l’amour des enfants ; par la suggestion du démon, ils la rapportèrent à la volupté et ainsi, perdant l’innocence de leur progéniture, ils la tournèrent vers le péché. Aussi, comme cela ne s’est pas fait sans la persuasion satanique, le démon employa toutes ses flèches à l’accomplissement de cette œuvre ; afin qu’elle ne fût pas achevée sans lui ; c’est pourquoi il dit : Ma force est dans la conception de l’homme, par là, l’homme m’appartient. Et voyant que l’homme devait être participant de ses peines, parce qu’il lui avait obéi, il disait de nouveau en lui-même : Toutes les iniquités sont contraires au Dieu très puissant, parce qu’il n’est nullement injuste. Et le trompeur mit dans son cœur, comme un signe certain, que l’homme qui lui avait obéi spontanément, ne pourrait lui être enlevé. C’est pourquoi il y eut en moi un conseil secret, pour envoyer mon fils sur la terre en vue de la rédemption des hommes, afin qu’ils fussent rendus à la céleste Jérusalem.

Et nulle iniquité ne peut résister à ce conseil, lorsque mon Fils venant en ce monde, attira à lui tous ceux qui voulaient l’entendre et l’imiter, en désertant le péché. Car je suis juste et droit et ne veux aucunement l’iniquité, que tu aimes, ô homme, lorsque tu reconnais que tu peux pécher.

Lucifer et l’homme, au commencement de leur création, tentèrent de se révolter contre moi, et ils ne purent se maintenir, abandonnant le bien pour choisir le mal.

Mais Lucifer comprit tout le mal, et fut rejeté de tout bien qu’il ne goûta nullement, et il tomba dans la mort. Adam, au contraire goûta le bien, lorsqu’il commença d’obéir ; puis il désira le mal et l’accomplit dans sa concupiscence, lorsqu’il désobéit à Dieu.

Pourquoi cela s’est-il fait ? L’homme mortel ne doit pas le rechercher, parce qu’il ne peut le savoir, pas plus qu’il ne peut savoir ce qui a été avant que le monde fût, et ce qui sera après le dernier jour. Dieu seul le sait, et ses élus autant qu’il leur permet de le connaître.

Mais la fornication qui est commune aux hommes, est abominable à mes yeux ; parce que, dès le commencement, j’ai établi l’homme et la femme pour l’honneur, et non pour l’ignominie.

C’est pourquoi ces hypocrites qui disent, qu’il leur est licite de commettre la fornication avec qui bon leur semble, suivant l’instinct de la brute, sont indignes à mes yeux ; parce que, méprisant l’honneur et la sublimité de leur raison, ils imitent les animaux, et se rendent semblables à eux. Malheur à ceux qui vivent ainsi et persévèrent dans leur turpitude.

Je ne veux pas aussi que le même sang se mêle dans le mariage, où l’ardeur de l’amour n’est pas atténué par la consanguinité ; de peur qu’il en résulte un amour impudent, au souvenir de la consanguinité ; mais le sang d’une lignée étrangère convient, dans lequel ne fermente aucun reste de consanguinité ; afin que la discipline humaine soit sauvegardée. Parce que le lait cuit, une fois ou deux, ne perd pas sa saveur ; tandis que, coagulé ou cuit pour la septième ou huitième fois, perdant ses vertus, il ne garde sa saveur délectable que dans la nécessité. Et de même que la marque de consanguinité doit être inconnue dans sa propre épouse, ainsi la marque de consanguinité de la première épouse, doit être abhorrée dans une autre union. Que l’homme ne contracte pas de liens semblables, comme le défend l’Eglise par ses docteurs, qui l’ont affermie par leur grande sollicitude et leur sainteté.

Si dans l’Ancien Testament, les hommes se sont unis selon le précepte de la loi, malgré le lien de consanguinité, c’est à cause de leur (endurcissement) pour qu’ils eussent la paix ; et que les liens de charité fussent si forts entre eux, que les tribus divisées ne se mêlant pas par l’alliance des Gentils, ils ne rompissent pas mon pacte ; jusqu’à ce que le temps vint dans lequel mon Fils, apportant la plénitude de la charité, changea, pour la sauvegarde de la pudeur, le lien de consanguinité charnelle, pour former celui d’une autre lignée. Aussi, comme l’épouse de mon Fils a reçu maintenant, dans le saint baptême, le lien de ma crainte et la véritable justice, le lien de consanguinité lui répugne fort ; parce que la fornication, sans pudeur et sans modération de passion, s’embraserait plus aisément, pour une œuvre infâme, dans l’union de l’homme et de la femme de même sang que d’un sang étranger. Et moi, je déclare ces choses par cette femme qui n’a jamais connu d’homme, et qui reçoit ce discours, non d’une vertu humaine, mais de la science de Dieu.

Mais je ne blâme pas ce temps de souffrance pour la femme, car je l’ai infligé à Eve, lorsque elle conçut le péché en goûtant le fruit défendu. Pendant ces jours, la femme doit être environnée de toutes sortes de soins charitables, et elle-même doit garder dans la retraite les règles de la discipline, non cependant qu’elle soit obligée de s’éloigner de mon temple, mais y pénétrer, avec permission, dans son rôle d’humilité, pour son salut.

Comme l’épouse du fils de Dieu (l’Eglise) est toujours dans son intégrité : que l’homme blessé, dont l’intégrité des membres a été divisée par quelque coup reçu, n’entre pas dans mon temple, sinon dans le cas d’une extrême nécessité, de peur d’être vu ; ainsi qu’il est arrivé pour Abel qui fut le temple de Dieu, et dont les membres furent cruellement divisés dans leur intégrité par Caïn son frère.

Mais lorsque la femme est dans l’enfantement, comme elle est blessée dans ses membres cachés, qu’elle ne pénètre dans mon temple que suivant les prescriptions de la loi donnée par moi afin que les saints sacrements de mon temple restent inviolables, éloignés de toute pollution et de toute douleur de l’homme et de la femme ; parce que mon Fils a été engendré par une Vierge très pure, qui demeura dans son intégrité sans aucune souillure du péché . Le lieu qui est consacré à l’honneur de mon Fils doit être, en effet, préservé de toute souillure provenant des blessures et du sang ; parce que mon Fils unique connut en lui l’intégrité de l’enfantement virginal.

Car lorsque l’Epouse (l’Eglise) fut unie à mon Fils, Jésus-Christ, sur l’arbre de la croix, elle-même se renferma dans le silence, jusqu’à ce que mon Fils ordonna à ses disciples, d’annoncer la vérité de l’Evangile par le monde entier ; ensuite, elle ressuscita ouvertement (comme le Christ), et annonça manifestement la gloire de son époux, dans la génération de l’Esprit et de l’eau. Que la vierge qui est unie à un époux fasse ainsi, avec une pudeur modeste, pendant le temps, que la censure ecclésiastique lui propose : qu’elle demeure dans la retraite ; et ce temps écoulé, qu’elle sorte de sa solitude et s’adonne à l’affection de son mari.

Je ne veux pas non plus que le dit acte de l’homme et de la femme s’accomplisse, lorsque déjà l’embryon de l’enfant est dans le sein de la mère, jusqu’à ses relevailles ; de peur que l’enfant embryonnaire soit souillé par la semence superflue et perdue ; et cela ne doit pas être empêché par violence mais en toute droiture, pour l’amour des enfants.

Ainsi le genre humain est établi pour procéder à l’œuvre de la procréation, en toute honnêteté, selon la discipline humaine ; et non comme le prétendent les hommes insensés et vains, qui disent qu’il leur est permis d’assouvir leur passion suivant leur volonté, et qui s’écrient : Comment pouvons-nous nous contenir, d’une manière si inhumaine ? O homme, si tu écoutes le démon, il t’entraîne vers toutes sortes d’œuvres mauvaises ; et il te donne la mort, par son venin mortel ; mais si tu lèves tes yeux vers Dieu, lui-même t’accorde son secours, et il te rend chaste. Est-ce que, dans cet acte, tu ne préfères pas la volupté à la chasteté ?… La femme est soumise à l’homme, qui répand en elle sa semence ; et ainsi, il travaille la terre, pour qu’elle porte des fruits. Est-ce que l’homme cultive la terre, pour qu’elle produise des ronces et des épines ? Non certes, mais pour qu’elle donne un bon fruit. Ainsi doit se porter le zèle de l’homme vers l’amour de ses enfants, et non vers les entraînements de la passion. O hommes, pleurez et criez vers votre Dieu, que si souvent vous méprisez dans vos péchés, lorsque dans la plus honteuse fornication vous rejetez votre semence ; alors, vous n’êtes pas seulement des fornicateurs, mais aussi des homicides, parce que, dédaignant le respect dû à Dieu, vous assouvissez votre passion, selon votre volonté. Aussi, le démon vous poursuit-il sans cesse dans cet acte, sachant que vous préférez la satisfaction de votre concupiscence, à la joie de vos enfants.

Ecoutez donc, vous qui êtes dans les tours de l’Eglise. Ne m’accusez pas dans votre fornication, mais considérez-vous vous-mêmes ; parce que, lorsque vous courez vers le démon, en me méprisant, vous accomplissez des actes illicites ; et c’est pourquoi vous ne voulez pas être chastes, comme parle mon serviteur Osée, au sujet du peuple impudique, lorsqu’il dit : Ils ne dirigeront pas leurs pensées vers le retour à Dieu, parce que l’esprit de fornication est au milieu d’eux, et ils n’ont pas connu Dieu(10). Ce qui veut dire : Les hommes mauvais, ne connaissant pas Dieu, cachent la face de leur cœur, et ne la retournent jamais vers lui, dans les diverses évolutions de leurs intrigues, pour revenir vers la vraie clarté. Ils ne peuvent distinguer d’un œil clairvoyant les choses de Dieu ; mais ils nourrissent le mal en eux-mêmes, parce que le souffle impétueux de l’impureté, par la suggestion de Satan, amollit la force virile qu’ils devraient avoir en eux, et ne les laisse pas placer en Dieu leur conscience bonne, tandis que son adversaire (satan) les éloigne de la vie bienheureuse.

Mais maintenant je veux me retourner vers mes brebis très aimantes que je garde au fond de mon cœur, et qui sont la semence de la chasteté ; (car la virginité a été plantée par moi, et mon Fils est né d’une Vierge). C’est pourquoi la virginité est le fruit le plus beau entre tous les fruits de la vallée, c’est un grand personnage entre tous les personnages, qui forment la cour du souverain roi ; parce qu’elle n’est pas soumise au précepte de la loi, puisqu’elle a donné mon Fils unique au monde. C’est pourquoi, qu’ils écoutent ceux qui veulent suivre le Fils de Dieu, dans l’innocence de la libre chasteté, et dans la séparation de la tristesse de la viduité ; parce que plus noble est la virginité, qui s’est toujours conservée intacte dès le commencement, que la viduité opprimée sous le joug de l’homme ; quoique cependant, après la douleur de la perte du mari, on suive la virginité.

Mon Fils, en effet, a supporté dans son corps de multiples douleurs, et la mort de la croix ; aussi aurez-vous à supporter dans son amour de nombreuses angoisses, lorsque vous extirperez en vous, ce qui a été semé dans la volupté du péché, depuis le fruit de l’arbre défendu. Mais cependant, en retenant dans votre semence les ruisseaux débordant de l’embrasement de la passion, lorsque vous ne pouvez pas être assez chastes, pour que la fragilité de l’humaine faiblesse ne se montre secrètement en vous : dans ce labeur, vous devez imiter la passion de mon Fils, lorsque vous résistez à vous-mêmes, en éteignant en vous l’ardente flamme de la volupté, ou en réprimant les autres passions séculières qui sont du monde, comme la colère, l’orgueil, la luxure et les autres vices de même sorte ; et en rapportant, dans un grand combat, cette victoire. Aussi ces luttes m’apparaissent plus fécondes et plus resplendissantes que le soleil, et d’un parfum plus excellent que l’odeur suave des aromates ; parce que vous imitez mon fils unique dans ses souffrances, lorsque vous réprimez en vous, dans un si rude combat, les feux de la volupté. Et quand vous persévérez ainsi, vous méritez une gloire éclatante dans le royaume céleste.

O fleurs admirables, mes anges admirent, dans votre combat, que vous évitiez la mort ; que dans la boue empoisonnée du monde vous ne soyez pas souillées, malgré que vous portiez un corps de chair, que vous foulez aux pieds par ce voeu (de chasteté) ; ce pourquoi vous serez glorifiées dans leur compagnie, puisque, à leur ressemblance, vous apparaissez pures et sans tache. Aussi réjouissez-vous dans votre persévérance, parce que je suis avec vous, puisque vous m’avez reçu fidèlement, et que vous avez observé ma parole avec la joie de votre cœur ; comme je le montre à mon bien aimé Jean, dans une vision secrète, en disant : Voici que je m’arrête à la porte et je frappe : si quelqu’un écoute ma parole, j’entrerai auprès de lui, je mangerai avec lui, et lui avec moi.(11) Ce qui veut dire : Vous qui m’aimez fidèlement, moi votre sauveur, voyez, que dans ma volonté de vous secourir, j’attends devant le tabernacle de votre cœur, en considérant ce que contient votre conscience dans la cassette de son cœur, et en rappelant le souvenir de votre esprit, j’ouvre votre âme, pour qu’elle reçoive la bonne volonté. Que si alors le cœur fidèle perçoit le son de mon amour, je m’unis à lui et je l’embrasse ; je prends avec lui une nourriture incorruptible, puisque lui-même il se donne à moi, comme un mets délicieux, dans les bonnes œuvres ; et il goûte en moi le pain de vie, car il l’aime ; ce qui apporte la justice à ceux qui désirent la vie.

Mais comme tu vois, Adam et Eve étant expulsés du paradis, une splendeur lumineuse environna cette région, parce que, après qu’ils eurent quitté le lieu de délices, à cause de leur transgression, la puissance de la divine majesté écarta de ce lieu toute souillure de contagion et l’environna de sa clarté, comme d’un rempart ; pour que désormais, il ne fût pas détourné de sa destination ; montrant aussi, que la transgression qui s’était produite dans ce lieu, devait être un jour abolie par sa clémence et sa miséricorde. Et ainsi tous les éléments du monde, qui d’abord étaient restés en paix, subirent une grande perturbation, et manifestèrent des troubles horribles ; parce que la créature, qui avait été faite pour le service de l’homme et n’avait subi en soi aucune adversité, (l’homme faisant sienne la désobéissance et devenant rebelle à son Créateur), perdit sa tranquillité et fût saisie d’inquiétude, causant à l’homme de grands et multiples tourments ; parce que s’étant lui-même détourné du devoir, il devait être châtié par elle. Pourquoi cela ? Parce que l’homme s’était révolté contre Dieu dans le lieu de délices, la créature, qui avait été soumise au service de l’homme, s’opposa désormais à sa volonté.

Le paradis est un lieu de délices, qui resplendit dans l’épanouissement des fleurs et des plantes, au milieu des parfums de tous les aromates, lieu embelli pour la joie des âmes bienheureuses, où la terre aride devient riche et fertile, étant sans cesse vivifiée, comme le corps par l’âme ; parce que le paradis n’est pas obscurci, pour cacher les pécheurs et les perdre. C’est pourquoi écoutez-moi et comprenez-moi, vous qui dites dans vos cœurs : Quelles sont ces choses, et pourquoi sont-elles ? Oh ! comment êtes-vous si insensés dans vos cœurs, vous qui avez été faits à l’image de Dieu et à sa ressemblance ?

Tant de gloire et d’honneur qui vous avaient été donnés, pouvaient-ils rester sans épreuve ? tandis, que l’or qui n’est que néant doit être éprouvé par le feu, et que les pierres précieuses doivent être purifiées et polies, et que toutes les choses doivent être transformées ainsi : O hommes insensés ! comment ce qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, pourrait-il rester sans épreuve ? L’homme, en effet, doit être examiné de préférence à toute créature, et éprouvé plus que tout le reste, et par toute créature.

Comment ? L’esprit doit être éprouvé par l’esprit, la chair par la chair, la terre par l’air, le feu par l’eau, la guerre par la paix, le bien par le mal, la beauté par la difformité, la pauvreté par la richesse, la douceur par l’amertume, la santé par l’infirmité, la longueur par la brièveté, la dureté par la mollesse, la hauteur par la profondeur, la lumière par les ténèbres, la vie par la mort, la joie par la peine, le ciel par la géhenne, les choses terrestres avec les choses terrestres, et les célestes avec les célestes. Ainsi l’homme est éprouvé en toute créature, dans le paradis, sur la terre, dans les enfers ; et il est ensuite placé dans le ciel.

Vous voyez manifestement peu de choses, de tout ce qui est mystère devant vos yeux. Et pourquoi vous moquez-vous de tout ce qui est droit, juste, équitable et bon entre tous les biens, aux yeux de Dieu ? Pourquoi vous indignez-vous de ces choses ? Dieu est juste ; mais le genre humain dans la prévarication des préceptes divins est injuste, lorsqu’il veut paraître plus sage que Dieu. Dis-moi, ô homme, que penses-tu avoir été, lorsque tu n’étais pas dans l’âme et dans le corps ? Tu ne sais même pas comment tu as été créé ! Et maintenant, ô homme, tu veux scruter le ciel et la terre, et juger de leur justice dans la constitution divine ! connaître les choses les plus hautes (l’infiniment grand), lorsque tu ne peux apprécier les plus petites (l’infiniment petit) ! lorsque tu ne sais pas comment tu vis dans le corps, et comment tu en es dépouillé.

Celui qui t’a créé dans le premier homme, celui-là a prévu toutes ces choses. Mais le Père très bon envoya son Fils unique mourir pour le peuple, afin de délivrer l’homme de la puissance diabolique. Et l’homme ainsi délivré brille en Dieu, et Dieu en l’homme ; l’homme ayant une affinité avec Dieu, possède dans le ciel une splendeur plus grande que celle d’avant sa chute. (12). Ce qui n’eût pas été, si le Fils de Dieu ne s’était pas revêtu de la chair ; parce que, si l’homme était resté dans le Paradis, le Fils de Dieu ne fût pas mort sur la croix. Mais lorsque l’homme fut trompé par le rusé serpent, Dieu touché d’une vraie miséricorde, voulut que son Fils unique s’incarnât dans une Vierge très pure ; et ainsi, après la ruine de l’homme, s’élevèrent pour resplendir dans le ciel, de nombreuses vertus, telle que l’humilité, la reine des vertus, qui fleurit dans l’enfantement virginal ; comme aussi les autres vertus, qui conduisent les élus de Dieu vers les régions célestes. Car lorsque un champ est bien cultivé, il produit beaucoup de fruits ; comme il a été montré, en ce qui concerne le genre humain ; puisqu’après la ruine de l’homme, de nombreuses vertus surgirent pour son relèvement. Mais ô hommes, appesantis par le corps, vous ne voyez pas cette gloire immense, qui vous est préparée, sans tache et sans mécompte, dans la pleine justice de Dieu, et que nul ne peut vous ravir ; car avant l’établissement du monde, Dieu avait prévu toutes ces choses dans la vraie justice. C’est pourquoi, ô homme, considère cette comparaison :

Le Seigneur qui veut faire un jardin, choisit premièrement un lieu favorable ; et ensuite, disposant la place de chaque plantation, il examine l’utilité des fruits des bons arbres, leur saveur, le parfum de ceux qui portent des aromates, et la diversité des espèces. Et ainsi le Seigneur, grand et sublime jardinier, dispose chaque plantation, pour les bien discerner en vue de son utilité ; et ensuite il pense à la haie vive dont il l’environnera, afin que nul ennemi ne vienne ravager sa plantation. Alors, il établit aussi des jardiniers, qui sachent arroser le jardin, et en cueillir les fruits, pour des usages divers. C’est pourquoi, ô homme, considère diligemment que si le Seigneur prévoit que le jardin, qui ne porte aucun fruit et n’est d’aucune utilité, doit être ravagé : pourquoi un si grand et si sublime jardinier trace-t-il, plante-t-il, arrose-t-il et défend-il ce jardin, avec tant de soins et tant de labeurs ? Ecoute donc et comprends : Dieu qui est le soleil de justice, envoya sa splendeur sur la boue qu’est la prévarication de l’homme ; et cette splendeur l’illumina d’une grande clarté, car cette boue était bien horrible et épaisse. Le soleil en effet resplendit dans sa clarté ; et la boue dégage des odeurs fétides ; ce qui fait que le soleil serait admiré avec plus de délectation, si la boue ne lui était pas unie. Mais comme la boue paraît horrible à l’image du soleil, ainsi la transgression de l’homme est inique devant la justice de Dieu. Aussi, la justice doit être aimée, parce qu’elle est belle ; et l’iniquité doit être détestée, parce qu’elle est horrible. Son horreur fut cause de la perte de la brebis du Seigneur qui avait planté le jardin. Et cette brebis, par son propre consentement, non par la faute du Seigneur, fut soustraite à sa puissance ; mais dans la suite, le Seigneur la reconquit par son amour et sa justice. C’est pourquoi, les chœurs des anges furent transportés d’une grande joie, lorsqu’ils virent dans le ciel l’homme racheté. Que signifie cela ? Lorsque l’agneau innocent fut suspendu à la croix, les éléments s’agitèrent ; parce que le très noble fils de la Vierge fut mis à mort corporellement par des mains homicides. Par cette mort, la brebis perdue fut ramenée vers les pâturages de vie.

En effet, lorsque l’antique persécuteur vit qu’il avait perdu cette brebis, à cause du sang que l’agneau sans tache avait versé, pour la rémission des péchés des hommes : alors il connut quel était cet agneau ; parce qu’il n’avait pu connaître auparavant, comment l’agneau céleste s’est incarné, sans la semence virile et sans aucune concupiscence du péché, dans le sein d’une Vierge, par l’opération du St-Esprit ; car le même persécuteur, au commencement de sa création, s’éleva au souffle de l’orgueil, se précipitant lui-même dans la mort, et éloignant l’homme de la gloire du paradis, sans que Dieu voulût lui résister par sa puissance, se réservant de l’emporter sur lui par l’humilité de son Fils. Et parce que Lucifer meprisa la justice de Dieu, par un juste jugement de Dieu, il ne put connaître l’incarnation du Fils unique de Dieu. Car dans ce conseil secret (des trois personnes de la sainte Trinité) la brebis perdue fut ramenée à la vie. Et d’où vient, ô hommes rebelles, que vous soyez si endurcis ? Dieu ne voulut pas abandonner l’homme, mais il envoya son Fils pour le sauver ; et ainsi Dieu écrasa la tête de l’orgueil superbe, dans l’antique serpent. Quand l’homme fut arraché à la mort, l’enfer dut ouvrir ses abîmes, malgré les hurlements de Satan qui s’écriait : Malédiction ! Malédiction ! Qui donc pourra me secourir ? Mais toutes les légions diaboliques se retirèrent dans un horrible frémissement, admirant quelle était cette puissance étrange, à laquelle elles-mêmes et Satan le prince du mal ne pouvaient résister, quand ils voyaient que les âmes fidèles leur étaient enlevées.

Ainsi l’homme fut élevé au-dessus des cieux ; parce que Dieu apparut dans l’homme, et l’homme dans Dieu, par le Fils de Dieu.

Le même Seigneur qui avait perdu la brebis, mais l’avait ramenée si glorieusement à la vie, fit pour elle ce que l’on fait pour la pierre précieuse qui est tombée dans la boue Il la rechercha lui-même, et l’ayant trouvée, il la retira avec joie, et la purifia de toute souillure ; comme l’or a coutume d’être expurgé dans la fournaise ; et il la rétablit dans sa dignité première, avec une gloire plus grande. Car Dieu créa l’homme, qui, de lui-même, par la persuasion de Satan, tomba dans la mort, de laquelle le Fils de Dieu le releva par la vertu de son sang ; et il le conduisit glorieusement vers les honneurs célestes. Comment ? Par l’humilité et la charité. L’humilité fit naître le Fils de

Dieu de la Vierge, dans laquelle fut trouvée (encore) l’humilité ; et ce ne fut pas dans les embrassements de l’homme, ni dans les curiosités de la chair, ni dans les richesses terrestres, ni dans les ornements précieux qu’il naquit, mais le Fils de Dieu fut couché dans une crèche, à cause de la grande pauvreté de sa mère. - L’humilité dans les gémissements et les larmes tue le crime ; et c’est son ouvrage. Quiconque veut combattre Satan, qu’il se munisse et s’arme de l’humilité, parce que Lucifer la fuit ; et, comme une couleuvre, il se cache devant elle dans les abîmes ; car, partout où elle le saisit, elle le brise aussitôt comme un fil fragile. La charité aussi contient le Fils unique de Dieu, dans le sein du Père, dans le ciel ; et elle l’envoie dans le sein de la mère, sur la terre ; parce qu’elle ne méprise ni les pécheurs, ni les publicains, mais elle s’efforce de les sauver tous. C’est pourquoi, en faisant couler souvent la source des larmes des yeux des fidèles, elle amollit la dureté du cœur. En cela l’humilité et la charité sont plus belles que les autres vertus ; car l’humilité et la charité sont comme l’âme et le corps, qui ont des vertus plus grandes que les autres facultés de l’âme ou chaque membre du corps. Comment ? L’humilité est comme le corps, et la charité comme l’âme ; et elles ne peuvent être séparées l’une de l’autre, mais elles agissent ensemble ; de la même manière que l’âme et le corps qui sont inséparables, s’entr’aident l’un l’autre, tant que l’homme vit dans son corps. Et comme les divers membres du corps sont soumis à l’âme et au corps, suivant leur rôle, ainsi les autres vertus sont, comme il est juste, les humbles servantes de l’humilité et de la charité. Et c’est pourquoi, ô hommes, pour la gloire de Dieu et pour votre salut, suivez l’humilité et la charité ; et ainsi armés, vous ne craindrez pas les embûches du démon, et vous possèderez la vie éternelle. Quiconque a la science du St-Esprit et les ailes de la foi, ne transgressera pas mon conseil, mais il le recevra pour en faire les délices de son âme.

VISION TROISIEME
SYSTEME DU MONDE D’APRES MOISE

Après cela, je vis une immense sphère ronde et ombreuse, ayant la forme ovale, moins large au sommet, plus ample au milieu, rétrécie à la base ; ayant à sa partie extérieure un cercle de lumière étincelante, et au dessous une enveloppe ténébreuse.

Et dans ce cercle de flamme, était un globe embrasé si grand, que toute la sphère en était illuminée, il avait au dessus de lui, rangées avec ordre, trois étoiles qui retenaient le même globe dans son activité ignée, de peur qu’elle ne tombât peu à peu ; et ce globe s’éleva parfois plus haut, et il lui vint plus de lumière ; de telle sorte qu’il put lancer ses rayons de flamme plus loin ; et puis parfois, il descendit plus bas, et le froid fut plus intense parce qu’il avait retiré sa flamme.

Mais de ce réseau de flamme qui entourait la sphère, un souffle (vent) avec ses tourbillons sortait ; et de l’enveloppe ténébreuse qui environnait le réseau de flamme, un autre vent avec ses tourbillons grondait, et se répandait en tous sens sur la sphère. Dans cette même enveloppe était un feu ténébreux, qui inspirait une si grande horreur, que je ne pouvais le regarder ; et qui, plein de troubles, de tempêtes et de pierres aigues, grandes et petites, agitait cette enveloppe de toute sa puissance.

Tandis qu’il faisait entendre son crépitement, le cercle lumineux, et les vents et l’air étaient agités ; de telle sorte que les éclairs prévinrent le grondement lui-même, parce que ce feu ressentait d’abord en lui la commotion qui produisait le tumulte. Mais sur la même enveloppe le ciel était très pur, et n’avait aucun nuage au dessus ; et dans ce ciel aussi, je distinguais un globe de feu ardent d’une certaine grandeur ; et au-dessus de lui, deux étoiles placées ostensiblement, qui retenaient le globe lui-même, pour qu’il n’excédât pas le but de sa course ; et dans le même ciel, beaucoup d’autres sphères lumineuses étaient placées de toutes parts, parmi lesquelles, le même globe se déversant un peu, envoyait par instant sa lumière ; et recourant au premier globe de feu embrasé, pour restaurer sa flamine, l’envoyait de nouveau vers les mêmes sphères.

Mais de ce ciel lui-même sortait, avec impétuosité, un souffle de vent avec ses tourbillons ; qui se répandait sur toute la sphère céleste. Sous ce ciel même, je voyais l’air humide, qui avait au-dessous une (enveloppe blanche) un nuage, qui se répandant de tout côté, étendit cette humidité sur toute la sphère. Et cette humidité s’étant amoncelée, une pluie soudaine tomba avec beaucoup de bruit ; et lorsque elle se fut épanchée doucement, une pluie fine tomba avec un léger bruissement. Alors un souffle (de vent) avec ses tourbillons sortit pour se répandre sur toute la sphère. Et au milieu de tous ces éléments, était un globe sablonneux d’une immense étendue, que les mêmes éléments environnaient, de telle sorte, qu’il ne pouvait disparaître ni dans un sens ni dans l’autre. Et tandis que les mêmes éléments avec les divers souffles luttaient ensemble, ils contraignaient le même globe (sablonneux) à se mouvoir un peu par sa force. Et je vis, entre l’Aquilon et l’Orient, (le nord et l’est) comme une grande monagne qui retenait vers l’Aquilon de nombreuses ténèbres, et vers l’Orient beaucoup de lumière ; de telle sorte que cependant la lumière ne pouvait atteindre les ténèbres, et les ténèbres atteindre la lumière.

Et j’entendis de nouveau une voix du ciel qui me disait : Dieu qui a fait toutes choses par sa volonté, les a créées pour la connaissance et l’honneur de son nom ; non seulement pour montrer en elles les choses visibles et temporelles, mais pour manifester en elles les choses invisibles et éternelles. Ce qui est démontré par la vision que tu contemples. Car cette immense sphère ronde et ombreuse que tu vois, ayant la forme ovale, moins évasée au sommet, plus ample au milieu, et rétrécie à la base, signifie fidèlement, le Dieu tout-puissant, incompréhensible en sa majesté, et inestimable dans ses mystères, l’espoir de tous les fidèles. Primitivement les hommes étaient rudes et simples dans leurs moeurs ; ensuite dans l’ancienne et la nouvelle loi, devenus plus instruits, ils se molestèrent et s’affligèrent mutuellement ; mais sur la fin des temps ils auront à souffrir beaucoup de traverses, dans leur endurcissement.

Sur la partie extérieure, tout autour, se trouve une flamme lumineuse, environnée d’une enveloppe d’ombre. Elle désigne ceux qui étant hors de la foi, sont consumés par le feu de la vengeance de Dieu ; ceux au contraire qui demeurent dans la foi catholique, Dieu les purifie par le feu de sa consolation ; déjouant ainsi les desseins ténébreux de Satan ; comme il fut fait lorsque le démon, créature de Dieu, voulant se révolter contre lui, tomba foudroyé dans la perdition. - Et dans cette flamme le globe d’un feu étincelant d’une grandeur telle, qu’il éclaire toute la sphère, montre, par la splendeur de sa clarté, ce qu’est dans Dieu le Père, son Fils unique ineffable, le soleil de justice embrasé de l’ardente charité, et possédant une gloire si grande, que toute créature est illuminée par la clarté de sa lumière. Il a au-dessus de lui trois étoiles, rangées avec ordre, qui retiennent le globe dans le rayonnement de leur flamme, c.à.d. la Trinité qui assujettit toutes choses à son administration ; elles démontrent que le Fils de Dieu, descendant du ciel sur la terre, délaissant les anges dans les cieux, manifesta même aux hommes qui ont un corps et une âme les choses célestes ; et ceux-ci, le glorifiant du bénéfice de sa lumière, renoncèrent à toute erreur funeste ; lorsqu’il fut magnifié comme étant le véritable Fils de Dieu, incarné dans le sein d’une vierge sans tache ; lorsque l’ange le leur eut annoncé, et que l’homme vivant dans son corps et dans son âme, l’eut reçu avec une joie fidèle.

Le même globe s’élève parfois plus haut, et il lui vient plus de lumière, de telle sorte qu’il étend ses flammes (rayons) plus loin : signifiant que lorsque le temps fut venu, que le Fils unique de Dieu dut s’incarner pour la rédemption et le relèvement du genre humain, par la volonté du Père, le St-Esprit, en la vertu du Père, opéra merveilleusement les suprêmes mystères dans la bienheureuse Vierge ; de telle sorte que, le même Fils de Dieu resplendissant admirablement dans la pudeur virginale, par la virginité féconde, la virginité devint glorieuse, puisque l’incarnation très désirable fut réalisée dans une très illustre Vierge.

Et le même globe de feu s’incline parfois plus bas, et il lui vient plus de froidure, c’est pourquoi il retire aussitôt sa flamme, pour signifier que le même Fils unique de Dieu, né d’une vierge, et abaissé ainsi miséricordieusement vers la pauvreté des hommes, au milieu des misères de toutes sortes, supporta toutes les infirmités corporelles, après s’être montré corporellement au monde ; et quitta le monde, pour retourner vers son père, en présence de ses disciples, comme il est écrit : Il s’éleva en leur présence, et une nuée le ravit à leurs yeux. Ce qui veut dire : Les enfants de l’Eglise, ayant reçu le Fils de Dieu dans la science intérieure de leur cœur : la sainteté de son corps s’éleva, par la puissance de sa divinité ; et, dans un miracle mystique, la nuée du secret mystère le ravit, pour le cacher aux yeux mortels ; car les éléments étaient à son service.

Mais comme tu vois, de cette flamme lumineuse qui entoure la sphère, sort un souffle (de vent) avec ses tourbillons : ce qui montre que, du Dieu qui remplit l’univers de sa toute puissance, une réelle diffusion se fit de paroles de justice, lorsque le vrai Dieu vivant fut manifesté aux hommes en vérité. Et de cette enveloppe qui l’environne, un autre souffle impétueux fait rage avec ses tourbillons, parce que de la colère de Satan, qui ignorant Dieu ne le craint pas, sort la mauvaise renommée avec les discours insensés, qui se répandent en tous sens sur la sphère ; car dans le siècle, des rumeurs utiles ou inutiles se mêlent de diverses manières, parmi les peuples.

Dans la même enveloppe, un feu ténébreux inspire une si grande horreur, que tu ne peux le regarder : ce qui signifie, que dans les plus lâches et les pires embûches de l’antique trompeur, l’affreux homicide cause tant de troubles, que l’esprit humain ne peut discerner son insanité, qui agite toute cette enveloppe ; parce que l’homicide, mit le comble, par son horreur, à toutes les malignités diaboliques ; lorsque dans les premiers nés, la haine bouillonnant de colère, perpétra le fratricide. - Ce feu était plein de grondements de tempêtes, et de pierres aiguisées grandes et petites : parce que l’homicide se mêle à l’avarice, à l’ivresse et aux plus cruelles méchancetés qui, sans miséricorde, se mettent en furie pour l’homicide et les crimes moins iniques. Lorsqu’il fait entendre son grondement, la flamme lumineuse, et les vents et les airs s’agitent : parce que lorsque l’homicide fait un bruit strident, dans le désir de l’effusion du sang : la suprême justice, les rumeurs rapides, qui tendent de toutes parts à la ruine du criminel, se soulèvent pour la vengeance, en vue du juste jugement : de telle sorte que les éclairs précèdent le son, parce que ce feu éprouve d’abord en soi la commotion qui produit le tonnerre. Car la sévérité du divin examen, l’emportant sur le crime, opprime le criminel ; parce que la divine majesté, avant que le frémissement que cause un pareil crime se manifeste publiquement, avec ce regard auquel rien n’échappe, a tout prévu manifestement.

Mais sur cette enveloppe le ciel est très pur et sans voile ; parce que, sous les embûches de l’antique trompeur, la foi lumineuse resplendit, dans laquelle ne se cache aucune incertitude d’infidélité ; elle ne vient pas d’elle-même, mais elle est fondée sur le Christ. Et dans ce ciel, tu vois un globe de feu brûlant, d’une grande étendue, qui désigne véritablement l’Eglise, unie dans la foi, comme te le démontre cette blancheur d’innocente clarté, qui lui forme une auréole de gloire ; et au-dessus d’elle deux étoiles placées distinctement, et retenant le globe de peur qu’il ne s’écarte de sa course : qui montrent par leur signification, que deux Testaments, celui de l’ancienne et de la nouvelle autorité, édités par la volonté d’en haut, conduisent l’Eglise (à l’accomplissement) des divins préceptes, basés sur les mystères célestes ; et ils la retiennent, de peur qu’elle ne s’avance précipitamment, selon la variété des moeurs ; et parce que l’ancien et le nouveau témoignage, lui montrent la béatitude de l’héritage suprême. C’est pourquoi aussi, dans le même ciel, de nombreuses sphères lumineuses sont posées de tout côté, sur lesquelles le même globe (lumineux) se déversant parfois, envoie sa clarté ; parce que dans la pureté de la foi, de nombreuses et magnifiques œuvres de piété apparaissent de tout côté, dans lesquelles l’Eglise soutient un peu de temps le mépris, tandis que la splendeur de ses merveilles s’évanouit un peu, et que plongée dans la tristesse, elle admire cependant l’éclat des premières œuvres dans des hommes parfaits ; et ainsi, recourant au globe de feu, pour y restaurer sa flamme, il la fait rayonner sur les mêmes sphères ; parce qu’elle-même, plongée dans le repentir, et s’avançant sous la protection du Fils de Dieu, reçoit de lui le support de la divine consolation, en manifestant l’amour des choses célestes, par les bonnes œuvres

De ce ciel, un souffle (de vent) avec ses tourbillons s’échappe avec impétuosité, et se répand de toutes parts sur la dite sphère ; parce que, sur l’unité de la foi, la retentissante renommée venant au secours des hommes, avec les preuves et les assertions véritables, atteint avec une grande célérité les confins de l’univers. Sous le même ciel, tu vois l’air humide, et au-dessous une enveloppe blanche (un nuage) qui, s’étendant en tous sens, propage l’humidité sur toute la sphère ; parce que, par la foi qui était l’âme des pères anciens ou modernes, le baptême, établi dans l’Eglise pour le salut des croyants, (comme il t’est manifesté véridiquement) sur l’innocence de la bienheureuse constance, se propagea partout sous l’inspiration divine, découvrant à l’univers entier, la source du salut pour les croyants.

Lorsque ce nuage s’amasse soudain, il laisse tomber la pluie avec les frimas ; et pendant qu’il s’épanche doucement, tombe une pluie légère avec un bruissement ; parce que, tandis que parfois, le baptême se propageait par les apôtres de la vérité, dans tout l’élan de la prédication et la profondeur de leur esprit : il se manifestait à l’étonnenement des hommes par l’abondance rapide des paroles, et dans le débordement de leur prédication ; parfois aussi, le baptême se dilatant par la prédication, avec une douce modération, se propageait par une irrigation suave, les peuples se sentant attirés avec tout le discernement désirable.

Et de lui aussi, un souffle avec ses tourbillons sortait et se répandait par toute la sphère ; parce que dès la diffusion du baptême, qui apportait le salut aux croyants, la renommée véritable se propageant avec les paroles de doctes discours, pénétra le monde entier de la manifestation de sa béatitude, chez les peuples qui délaissaient l’infidélité, pour embrasser la foi catholique, comme il a été dit clairement.

Et au milieu de ces éléments est un globe sablonneux, d’une grande étendue, que les éléments entourent ; de telle sorte qu’il ne peut se porter dans un sens ou dans l’autre : ce qui montre manifestement, dans la puissance des créatures de Dieu, l’homme objet des profondes considérations (de la Trinité sainte), fait du limon de la terre, d’une manière admirable, en vue d’une grande gloire ; et tellement environné de la vertu des créatures, qu’il ne peut être nullement séparé d’elles ; parce que les éléments du monde, créés pour le service de l’homme, sont à son usage ; tandis que l’homme, assis au milieu d’eux, les domine par une disposition divine ; comme le dit David inspiré par moi : Vous l’avez couronné de gloire et d’honneur, et vous l’avez établi roi sur les ouvrages de vos mains. Ce qui veut dire : O Dieu, qui avez fait admirablement toutes choses, vous avez couronné l’homme de la couronne d’or de l’intelligence ; et vous l’avez revêtu du vêtement superbe de la beauté visible ; en le plaçant ainsi, comme un prince, au-dessus de vos ouvrages parfaits, que vous avez disposés avec justice et bonté, parmi vos créatures. Car vous avez octroyé à l’homme des dignités plus grandes et plus admirables qu’aux autres créatures.

Mais, comme tu vois, tandis que parfois ces éléments luttent entr’eux avec les vents, ils contraignent le globe lui-même à se mouvoir un peu : parce que, quand il est convenable, les créatures de Dieu, par la renommée des miracles du créateur, s’assemblent entr’elles ; de telle sorte que le miracle disparaît sous un miracle plus grand, par la vertu des paroles ; et l’homme saisi par la grandeur de ces merveilles, sent l’agitation de son esprit et de son corps ; et, terrassé par ces prodiges, il considère le néant de sa fragilité.

Et tu vois entre l’aquilon et l’orient, comme une grande montagne, environnée du côté de l’aquilon de beaucoup de ténèbres, et du côté de l’orient d’une grande lumière : parce que, entre l’impiété diabolique et la divine bonté, apparait la grande chute de l’homme, par l’affreux mensonge de l’esprit malin qui causa aux réprouvés les multiples misères de la damnation ; et, par le salut désirable en faveur des élus, l’abondante félicité de la rédemption ; de telle sorte que, ni cette lumière ne peut aboutir aux ténèbres, ni ces ténèbres à la lumière ; parce que les œuvres de lumière ne peuvent se mêler aux œuvres des ténèbres, et les œuvres des ténèbres ne peuvent monter jusqu’aux œuvres de lumière ; bien que le démon travaille fréquemment à offusquer ces dernières, par le moyen des hommes mauvais ; comme il arrive chez les payens, les hérétiques, les pseudoprophètes, et tous ceux que ceux-ci s’efforcent d’entraîner à leur suite, par le mensonge. Comment ? Parce qu’ils veulent connaître ce qu’ils ne peuvent savoir, imitant celui qui voulut être semblable au Très-Haut. Et comme ils le suivent, il leur montre le mensonge sous l’aspect de la vérité, selon leur volonté ; c’est pourquoi ils ne sont pas avec moi, ni moi avec eux, car ils ne marchent pas dans mes voies ; mais ils aiment les sentiers détournés, recherchant ce que de folles créatures leur montrent faussement sur les causes futures ; ils veulent connaître ces choses, et s’efforcent de les découvrir d’une manière perverse, dans le mépris et l’abandon de mes saints qui m’aiment d’un amour sincère.

Mais ces sortes d’hommes, qui me tentent si opiniâtrement par leur art pervers, en scrutant la créature faite pour leur service, et lui demandant de leur montrer, selon leur volonté, ce qu’ils veulent savoir : peuvent-ils par les recherches de leur art, prolonger ou abréger le temps de la vie qui leur a été fixé par le créateur ? Certes, ils ne le peuvent faire, ni pour un jour, ni pour une heure. Ou bien peuvent-ils détourner la prédestination de Dieu ? Nullement, ô misérables ! mais je permets que parfois les créatures vous démontrent vos passions et leurs signes distinctifs, parce qu’elles me craignent comme leur Dieu ; de la même manière que le serviteur montre quelquefois la puissance de son maître, et comme le bœuf ou l’âne et les autres animaux manifestent la volonté de leur maître, lorsqu’ils la remplissent fidèlement dans leur servitude.

O insensés, quand vous me vouez à l’oubli, sans vouloir vous retourner vers moi ni m’adorer, et que vous regardez vers la créature qui vous est soumise, pour savoir ce qu’elle vous présage ou ce qu’elle vous indique, alors vous renoncez à moi obstinément ; et vous honorez la créature infirme, de préférence à votre Créateur.

C’est pourquoi je te demande, o homme, pourquoi honores-tu cette créature qui ne peut ni te consoler, ni te porter secours, ni te faire avancer vers la félicité ? comme les astrologues ordonnateurs de la mort, qui tracent la voie à l’infidélité des peuples idolâtres, et qui ont coutume d’affirmer témérairement : que les étoiles donnent la vie aux hommes et disposent tous leurs actes. O misérables, qui donc a fait les étoiles ? Mais parfois les étoiles, par ma permission, se manifestent aux hommes avec des signes, comme le montre mon Fils dans l’Evangile, lorsqu’il dit : Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles . Ce qui veut dire : Par la clarté de ces étoiles les hommes seront illuminés ; et les temps des temps seront démontrés par leur évolution. Aussi, dans les derniers temps, des périodes lamentables et périlleuses se manifesteront en elles, par ma permission ; de telle sorte que, les rayons du soleil, la splendeur de la lune, et la clarté des étoiles disparaîtront parfois, afin d’émouvoir le cœur des hommes.

De même, c’est par une étoile que l’incarnation de mon Fils s’est manifestée, selon ma volonté. Mais l’homme n’a pas une étoile particulière pour disposer sa vie, comme le peuple imbécile et qui s’abuse, s’efforce de le faire croire ; et toutes les étoiles sont communes à tout le peuple, pour son service. Mais que l’étoile (de l’incarnation) ait resplendi d’une manière plus éclatante que les autres, c’est parce que mon Fils unique, qui est au-dessus de tous les hommes, naquit par l’enfantement d’une vierge sans péché. Mais cette étoile n’apporta aucune autre aide à mon Fils, que d’annoncer fidèlement au peuple son incarnation ; parce que toutes les étoiles et les créatures qui me craignent, accomplissent seulement ma volonté ; et elles n’ont nulle autre signification d’aucune sorte, dans quelque créature que ce soit. Car, lorsqu’il me plaît, elles indiquent ma volonté à la créature ; comme lorsque l’artisan frappe une monnaie, il y imprime la forme qu’il lui plait ; alors la monnaie indique la forme imposée, la chose ne dépendant nullement de sa puissance ; et elle ne connaît pas le moment où l’artisan voudra lui imprimer une autre forme ; car elle ne discerne pas la longueur ou la brièveté du temps, que durera celle qu’il lui a donnée. Que signifie cela ? O homme, si une pierre était à tes pieds, dans laquelle, en l’examinant diligemment, tu conjecturerais quelques signes de tes passions : alors, selon ta fausse estimation, contristé de ton infélicité, ou enorgueilli de ta prospérité, dans ton erreur, tu te dirais : Ah ! je mourrai… ou bien : quel bonheur! je vivrai… ou hélas ! quelle infélicité… ou bienheureux mortel ! quelle prospérité est la mienne ! Et alors, que te donnerait cette pierre ? Mais, peut-elle te donner ou t’enlever quelque chose que ce soit ? Elle ne peut t’être utile ou nuisible en rien. De même aussi, ni les étoiles, ni le feu, ni les oiseaux, ni quelqu’autre créature que ce soit, dans les signes qu’on peut en augurer, ne sauraient te servir ou te nuire en rien.

Que si, en m’abandonnant, tu te fies à cette créature qui a été créée pour ton service : alors, moi aussi, par un juste jugement, je te rejetterai loin de ma face, et je te priverai de la félicité de mon royaume.

Car moi, je ne veux pas que tu scrutes les étoiles, ou le feu, ou les volatiles, ou telle autre créature que ce soit, sur les causes futures ; car si tu les observes obstinément, tes regards me déplaisent, et je te rejette comme un ange déchu qui a quitté la vérité pour se précipiter dans la damnation. O homme, lorsque les étoiles et les créatures ont été faites, où étais-tu ? Est-ce que tu as donné ton avis sur leur création ? Mais la présomption de cette sorte d’investigation, se fit jour dans le premier schisme ; à savoir lorsque les hommes eurent à ce point oublié Dieu, que chaque nation observa superbement les diverses créatures, et rechercha en elles les signes des causes futures. Cette erreur se manifesta dans Baal, que les hommes trompés adoraient comme Dieu, lorsqu’il n’était que sa créature, et vers lequel la dérision satanique les poussa, parce qu’ils préférèrent la créature au Créateur, et qu’ils voulurent savoir ce qu’ils ne pouvaient connaître. Et les choses ne firent qu’empirer, lorsque les hommes, par l’artifice du démon, commencèrent à divaguer dans l’art magique ; à tel point, qu’ils voyaient et entendaient le démon lui-même, leur parlant et leur montrant faussement, que ce qu’ils considèrent comme telle créature, en est une autre. Il faut taire la manière dont les premiers séducteurs furent instruits par le démon : ils le virent et l’entendirent comme ils le cherchaient ; mais ils furent eux-mêmes très répréhensibles, à cause de cette dépravation ; puisque, de cette manière, ils renièrent Dieu, pour suivre l’antique séducteur. O homme, je t’ai acquis par le sang de mon Fils, non avec malice et iniquité, mais avec la plus grande justice ; et cependant tu m’abandonnes, moi le vrai Dieu, et tu suis celui qui est le mensonge. Je suis la justice et la vérité ; c’est pourquoi je t’avertis dans la foi, je t’exhorte dans l’amour, et je te ramène dans la pénitence afin que, bien que tu sois tout ensanglanté par les blessures du péché, tu te relèves cependant de la profondeur de ta chute. Que si tu me méprises, tu éprouveras en toi l’effet de cette parabole :

Un certain Seigneur qui avait beaucoup de serviteurs, donna à chacun d’eux plusieurs armes de guerre en leur disant : Soyez probes et forts, et renoncez à la paresse et à la lâcheté. Mais comme ces serviteurs faisaient route avec lui, ils virent le long du chemin un méchant séducteur, inventeur d’un art étrange ; et quelques-uns d’entr’eux trompés dirent : Nous voulons connaître les artifices de cet homme. Et quittant les armes qu’ils avaient, ils coururent vers lui. D’aucuns leur disaient : Que faites-vous en suivant ce séducteur, et en provoquant votre maître à la colère ? Et eux répondirent : Qu’est-ce que cela peut faire à notre maître ? Et leur maître leur dit, O mauvais serviteurs, pourquoi avez-vous abandonné les armes que je vous avais données ? Et pourquoi vous est-il plus cher d’aimer cette vanité, que de me servir, moi votre maître, dont vous êtes les serviteurs naturels ? Suivez donc ce séducteur, comme vous le désirez, puisque vous n’avez plus le courage de me servir, et vous verrez à quoi vous serviront ses mensonges ; et il les éloigna de lui. Que signifie cette parabole ? Ce Seigneur, c’est le Dieu tout puissant, qui soumet tous les peuples à son autorité, qui arma tout homme de raison et d’intelligence, lui commandant d’être courageux et vigilant avec les armes des vertus, en secouant la malice et la négligence. Mais, tandis que les hommes prennent la voie de la vérité, se disposant à persévérer dans l’observation des commandements divins : il leur vient de nombreuses tentations, de telle sorte qu’ils ont égard à Satan, le séducteur de l’univers, et l’artisan pervers de nombreuses victoires, non dans la voie de la vérité, mais au milieu des embûches et des mensonges. D’où il résulte, que quelques-uns d’entr’eux, plus amoureux de l’injustice que du devoir, séduits par le démon, s’efforcent davantage d’imiter les vices de l’antique séducteur, que d’embrasser les vertus divines. Et l’intelligence qu’ils devraient appliquer aux commandements de Dieu, ils la font servir à la satisfaction des vices de l’iniquité terrestre, et se soumettent à Satan. Leurs directeurs, qui sont comme leurs compagnons et leurs commensaux, viennent souvent à leur secours avec les saintes Ecritures, leur reprochant leurs actes ; et ils les blâment de ce que, suivant les tromperies de Satan, ils attirent sur eux la vengeance céleste. Mais ils se moquent de leurs avis, et affirment dans leur orgueil qu’ils pèchent en de petites choses, dont Dieu n’est nullement offensé. Et comme ils persévèrent dans cette obstination, ils subissent la divine sentence, parce qu’il est objecté à ces esclaves de l’iniquité, le pourquoi ils ont obscurci leur intelligence, qui leur a été donnée d’en-haut, et le pourquoi ils ont accepté les mensonges de l’antique séducteur, et méprisé leur Créateur qu’ils devaient servir avec courage. Ainsi eux-mêmes, tombés dans le mépris de Dieu, sont livrés aux illusions de Satan, selon leurs œuvres (parce qu’ils n’ont pas voulu servir Dieu) ; ce en quoi ils sont forcés de considérer, que la séduction perverse ne leur a été d’aucune utilité ; puisqu’ainsi rejetés, ils encourent la damnation ; parce que, délaissant les préceptes divins, ils se sont efforcés de suivre Satan, de préférence à Dieu. Car je ne veux pas que les hommes me méprisent, eux qui doivent me connaître par la foi ; parce que s’ils me rejettent, pour suivre la créature qui les sert, imitant en cela l’antique serpent : alors moi je permets qu’il leur soit fait avec la créature et Satan, selon la concupiscence de leur cœur ; afin qu’ils expérimentent ce que peut leur rapporter la créature qu’ils ont adorée, et ce que peut leur octroyer Satan qu’ils ont suivi.

Eh ! O hommes insensés ! pourquoi interrogez-vous la créature sur le temps de votre vie ? Nul de vous, en effet, ne peut connaitre le temps de sa vie ; éviter ou dépasser celui qui a été déterminé par moi ; parce que, o homme, lorsque ton salut, soit dans les choses temporelles, soit dans les spirituelles, sera accompli : tu changeras le présent siècle, pour passer à celui qui n’a pas de fin. Car lorsque l’homme possède une si grande puissance qu’il m’aime plus ardemment que les autres créatures, de telle sorte que, sa conscience n’étant pas engourdie par le fétide péché, il évite les embûches de l’antique serpent : je ne sépare pas son esprit de son corps, avant qu’il ait pu mener à leur maturité ses fruits savoureux, qui sont d’une odeur suave. Mais celui que je considère comme si débile qu’il ne peut supporter mon joug, parmi les tentations du malin séducteur, et dans le pesant esclavage de son corps : je le retire de ce siècle, avant qu’il commence à se dessécher, dans, le temps de la flétrissure de son âme ; car je sais tout. Je veux donner au genre humain toute justice pour sa sauvegarde, de manière que nul ne puisse trouver une excuse, lorsque j’avertis et j’exhorte les hommes, à accomplir les œuvres de justice ; quand je leur inculque la peur du jugement de la mort, comme s’ils devaient bientôt mourir, bien qu’ils aient encore longtemps à vivre. Et je fais cela, parce que personne, si ce n’est selon le fruit que je vois dans l’homme, et selon la volonté par laquelle je lui concède de vivre, ne pourra jouir d’un autre temps, ou en disposer pour lui-même ; comme Job en rend témoignage par moi, lorsqu’il dit : Vous avez posé ses bornes, il ne les dépassera pas . Ce qui veut dire : Toi qui l’emportes sur tous, et qui prévois toutes choses, avant qu’elles ne se fassent : tu as aussi posé les bornes de la vie humaine, dans le secret de ta divine majesté ; de telle sorte que ni la science, ni la prudence, ni la ruse d’aucun être ne pourront passer outre dans l’âge de l’enfance, de la jeunesse et de la vieillesse des hommes ; et rien ne se fera, que selon la providence de tes secrets, à toi, qui as voulu que l’homme soit fait pour la gloire de ton nom. Car moi, o homme, je t’ai connu avant la constitution du monde, et cependant je veux considérer tes jours, et discerner leurs fruits dans tes œuvres ; en examinant chacune de tes actions diligemment et avec un soin jaloux. Mais celui que je ravis soudainement à la vie temporelle, c’est qu’il ne lui est plus utile de vivre ; à tel point, que s’il lui était donné de prolonger encore ses jours, il n’en récolterait aucun fruit profitable ; et avec la tiédeur d’une foi charnelle, il enverrait (vers moi) comme une vaine fumée de futiles paroles, et il ne me toucherait pas par un élan intime de son cœur

Aussi, je ne lui accorde pas de trêves pour cette vie ; mais, avant qu’il ne tombe dans la tiédeur de cette infertilité, je le retire de ce siècle. - Or, mon discours est pour toi, O homme ! Pourquoi me méprises-tu ? Ne t’ai-je pas envoyé mes Prophètes et donné mon Fils pour ton salut sur l’arbre de la croix ? et ne t’ai-je pas destiné mes apôtres, pour qu’ils te montrent la voie du salut par l’Evangile ?

Tu ne peux donc t’excuser de ne pas avoir reçu de moi tous les biens. Et pourquoi me laisses-tu de côté ? Mais tu recherches l’erreur perverse, qui consiste dans l’observation des étoiles, du feu, des oiseaux, ou des autres créatures de cette sorte ; pour y découvrir des signes de tes actions. Je ne puis le tolérer davantage ; parce que, tous ceux qui les premiers découvrirent cette erreur, au moyen de la vision diabolique, par le mépris de Dieu, abandonnèrent complètement ses préceptes ; et eux-mêmes furent méprisés. Mais moi je resplendis sur toute créature, dans l’éclat de ma divinité ; c’est pourquoi mes merveilles se sont manifestées dans mes saints : Aussi je ne veux plus que tu exerces cette erreur des divinations, mais je veux que tu regardes vers moi. O insensé, considère qui je suis ! considère que je suis le souverain bien. Aussi, je te donne tous les biens, lorsque tu me cherches diligemment. Et qui crois-tu que je sois ? Je suis Dieu, sur toutes choses, et, en toutes choses. Mais tu veux me faire passer pour un rustique, qui craint son maître. Comment ? Tu veux que je fasse ta volonté, lorsque tu méprises mes commandements ? Dieu n’est pas ainsi. Que signifie cela ? Lui, en effet, n’a pas le sentiment de ce qui commence, ni la crainte de ce qui finit. Les cieux retentissent de mes louanges en me contemplant ; et ils m’obéissent selon cette justice pour laquelle ils ont été créés par moi. Le soleil, la lune, les étoiles, apparaissent dans les nuées du ciel, selon la règle établie par moi. Les rafales des vents, les nuées pluvieuses courent dans les airs, comme il leur a été ordonné ; et toutes ces créatures obéissent à leur créateur, selon l’ordre qu’elles en ont reçu. Toi, au contraire, o homme, tu n’observes pas mes commandements ; mais tu suis ta volonté, comme si la justice de la loi ne t’était pas démontrée et établie. Tu es dans un tel endurcissement, bien que tu ne sois que poussière, que la justice de ma loi ne te suffit pas, quoiqu’elle soit labourée et cultivée dans le sang de mon Fils, et bien triturée (comme le froment) dans mes saints de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Mais dans ta grande folie, tu veux te rendre maître de moi, et tu m’insultes de cette manière, en disant : S’il plaît à Dieu, s’il veut que je sois juste et bon, pourquoi ne me rend-il pas tel ? car tu veux te saisir de moi ,comme le bouc lascif qui, voulant s’emparer d’un cerf, se voit repoussé et transpercé par ses puissantes cornes. Ainsi, lorsque tu veux insolemment te moquer de moi, par l’impudence de tes moeurs ; au moyen des préceptes de ma loi, comparables à des cornes, je te brise, selon la justice de mon jugement. Ce sont là les trompettes qui résonnent à tes oreilles ; mais tu ne les écoutes pas, et tu cours après le loup, que tu prétends dompter, de manière qu’il ne puisse te nuire. Mais le loup famélique te dévore, en disant : Cette brebis a erré sur mon chemin, et n’a pas voulu suivre son pasteur, mais elle a couru après moi ; c’est pourquoi je veux la dévorer ; parce qu’elle m’a choisi, en abandonnant son pasteur. O homme, Dieu est juste ; et c’est pourquoi, tout ce qu’il a fait dans le ciel et sur la terre, il l’a disposé dans un ordre parfait. Je suis, en effet, le grand médecin de toutes les langueurs ; et je fais comme le médecin lorsqu’il voit un malade qui désire ardemment un remède. Que fait-il ? Si la maladie est légère, il la guérit facilement ; mais si elle est grave, il dit au malade : J’exige de toi de l’or et de l’argent. Si tu me les donnes, je te guérirai. Ainsi je fais moi-même, o homme. J’efface les fautes légères dans les gémissements, les larmes et la bonne volonté des hommes mais pour les fautes graves je commande O homme, fais pénitence, corrige tes moeurs, et je te montrerai ma miséricorde, et je te donnerai la vie éternelle !

N’observe pas les étoiles et les autres créatures, sur les causes à venir ; n’adore pas le démon, ne l’invoque pas, ne lui demande rien ; parce que si tu veux connaître plus qu’il ne t’importe de savoir, tu seras trompé par l’antique séducteur ; car lorsque le premier homme voulut acquérir plus qu’il ne devait posséder, il fut trompé par Satan, et tomba dans la perdition. - Mais cependant le démon ne connut pas la rédemption de l’homme, où le Fils de Dieu mit à mort la mort même, et brisa les portes de l’enfer. Le démon, en effet, à l’origine, par la femme vainquit l’homme ; mais Dieu à la fin des temps (prédits par les prophètes), écrasa le démon par la femme qui engendra le Fils de Dieu ; et réduisit merveilleusement à néant l’œuvre diabolique ; comme mon bien aimé Jean en rend témoignage, en disant : Le Fils de Dieu est apparu pour ruiner les œuvres de Satan . Que signifient ces paroles ? La grande lumière est apparue, pour le salut et la rédemption des hommes. C’est le Fils de Dieu qui a revêtu la misère du corps humain ; mais comme une étoile brillante, qui resplendit dans les ombres nocturnes, il fut ainsi placé sur le pressoir, où le vin, sans aucun ferment, devait être exprimé ; parce que la pierre angulaire même tomba sur le pressoir ; et en exprima un vin si pur qu’il exhala un parfum suave. Car lui-même apparaissant, homme parfait, dans l’humanité, sans effusion de sang vicié (par le péché), écrasa sous le pied de sa milice, la tête de l’antique serpent ; et dissipant tous les traits empoisonnés de son iniquité, pleins de sa fureur et de sa convoitise, il le rendit tout à fait méprisable. C’est pourquoi, quiconque possède la science du St Esprit et les ailes de la foi, ne transgresse pas mon avis, mais il le reçoit pour en faire les délices de son âme.

VISION QUATRIEME
L’AFFLICTION DE L’INTERPRETE À VENIR

Et ensuite je vis une splendeur immense et sereine, rayonnant comme de plusieurs yeux, ayant ses quatre angles tournés vers les quatre parties du monde, qui désignant le secret du Créateur suprême, me fut manifestée dans un grand mystère ; et dans cette splendeur sereine, une autre splendeur, pareille à l’aurore, ayant en soi une clarté d’une lueur empourprée, apparut. Et voici que je vis sur la terre des hommes, qui portaient du lait dans des vases d’argile, et qui en faisaient des fromages ; une partie était épaisse, on en faisait des fromages plus forts ; une autre partie était légère, et les fromages tout petits ; et une troisième partie mêlée de pourriture, dont il résultait des fromages pleins d’amertume. Et je vis comme une forme de femme, ayant dans son sein comme une forme parfaite d’homme. Et voici que par une secrète disposition du Créateur suprême, la même forme manifesta le mouvement de vie ; et une sphère embrasée, n’ayant aucun trait du corps humain, posséda le cœur de cette forme, toucha son cerveau, et se transfusa dans tous les membres. Et ensuite cette forme d’homme, vivifiée de la sorte, sortant du sein de la femme, eut les mouvements conformes à ceux des hommes, sur cette sphère ; et changea sa couleur, suivant leur couleur.

Et je vis que beaucoup de troubles, envahissant une sphère de cette sorte, qui résidait dans le corps humain, la firent courber jusqu’à terre ; mais elle, reprenant ses vertus, se releva avec vigueur, résista virilement, et se plaignit ainsi avec des gémissements :

Moi étrangère, où suis-je ? dans l’ombre de la mort. Quel est le chemin que je suis ? La voie de l’erreur. Et quelle consolation puis-je goûter ? Celle des pèlerins. Moi en effet, je dus avoir un tabernacle de pierres plus resplendissantes que le soleil et les étoiles ; puisque le soleil couchant et les étoiles mourantes ne devaient pas luire en lui ; mais il devait être rempli de la gloire angélique ; parce que la topaze devait lui servir de fondement, et toutes les gemmes devaient former sa structure ; ses degrés devaient être de pur cristal, et ses parvis devaient être tendus d’or. Car moi, je devais être la compagne des anges, parce que je suis le souffle vivant que Dieu infusa dans la matière aride. C’est pourquoi je devais connaitre Dieu et l’aimer. Mais hélas, lorsque mon tabernacle comprit qu’il pouvait de ses yeux regarder en tous sens il se tourna vers l’aquilon. Ah ! Ah ! là, j’ai été prise et dépouillée de la contemplation et de la joie de la science, mon vêtement a été mis en lambeaux ; et ainsi, chassée de mon héritage, j’ai été conduite dans un lieu étranger, qui manque de toute beauté et de toute gloire, et où je suis soumise au plus vil esclavage.

Mais ceux qui entreprirent de me couvrir d’opprobres, me firent partager la pâture des pourceaux ; et m’envoyant ainsi dans un lieu désert, me donnèrent aussi à manger des herbes amères trempées de miel. Ensuite m’étendant sur un pressoir, ils m’affligèrent de nombreux tourments ; et me dépouillant de mes vêtements pour me faire de nombreuses blessures, ils me laissèrent en proie (aux bêtes) ; les serpents et les scorpions venimeux, les aspics et leurs semblables firent ma capture, et me criblèrent de leur venin ; de telle sorte que je devins toute débile et sans force. Alors, me tournant en ridicule, ils me dirent : Où donc est maintenant ton honneur ? Ah ! Alors je fus toute tremblante ; et dans les gémissements de ma douleur, je me dis secrètement en moi-même : Oh ! où suis-je ? Ah ! comment suis-je venue ici ? Et qui chercherai-je, comme consolateur, dans cet esclavage ? Comment rompre ces chaîne s ? Qui pourra, de ses yeux, contempler mes blessures ? Qui donc supportera leurs fétides odeurs ? Quelle main, sans frémir, y voudra verser l’huile ? Qui donc, pour mes douleurs, sera miséricordieux ? Que le ciel (plus clément) entende mes clameurs ! Que la terre s’émeuve en voyant ma détresse ! Que tout ce qui vit, s’incline avec pitié vers ma captivité, tant l’amertume de ma douleur m’oppresse ; car je suis étrangère, sans consolation et sans secours. Oh ! qui me consolera ? parce que ma mère elle-même m’a abandonnée ; car je me suis écartée de la voie du salut. Qui m’aidera, si ce n’est Dieu ? Quand je me souviens de toi, o Sion ! o ma mère ! toi que j’ai eue pour demeure, alors je vois l’amère servitude à laquelle je suis soumise. Quand je rappelle à ma mémoire le souvenir de tes multiples concerts, alors je considère mes blessures. Quand je me souviens de ton bonheur et ta gloire, alors je déteste le venin dont je suis infectée. Où me tourner ? Où fuir ? Ma douleur est insondable ! et si mes maux persévèrent, je serai la compagne de ceux que j’ai hantés honteusement, dans la terre de Babylone . Où es-tu, Sion, o ma mère ? Malheur à moi ! parce que j’ai fui, hélas ! loin de toi ! Si je pouvais t’oublier, ma douleur serait moins amère. Maintenant je fuirai mes horribles compagnons ; parce que l’infortunée Babylone m’a placée dans une balance de plomb, m’a écrasée sous d’énormes travées, de telle sorte que je respire à peine.

Mais quand je répands devant toi, o ma mère, mes larmes avec mes gémissements, l’infortunée Babylone fait retentir à tel point le mugissement de ses eaux, que tu ne peux être attentive à ma voix. C’est pourquoi, je chercherai avec beaucoup de sollicitude les voies étroites, dans lesquelles je pourrai fuir mes affreux compagnons et ma détestable captivité. - Et après avoir ainsi parlé, j’ai fui dans un étroit sentier, où, pleurant amèrement, je me suis cachée dans une petite caverne, du côté du septentrion : parce que j’avais perdu ma mère. Là, je considérai encore la profondeur de ma détresse, et toutes mes blessures ; et ne cessant de me lamenter je versai des larmes si abondantes, que toutes mes plaies béantes et saignantes en furent inondées. Et voici qu’une odeur suave, comme provenant de la douce haleine de ma mère, m’enivra de son parfum. Oh ! que de gémissements et de larmes je répandis, en éprouvant cette légère consolation. Et je fus si transportée de joie que l’antre de la montagne, où je m’étais réfugiée, retentit de mes cris d’allégresse. Et je dis : O patrie, o Sion, o ma mère, qu’aviendra-t-il maintenant de moi ? Où donc est ton illustre fille ? Oh ! depuis combien de temps suis-je privée de tes douceurs maternelles qui, si amoureusement, me remplissaient de délices ? Et la douceur de ces larmes était telle, que je m’imaginais voir ma mère. Mais, mes ennemis entendant mes clameurs, disaient : Où est celle que nous avons gardée jusqu’ici en notre compagnie, selon notre volonté, et qui jusqu’ici s’est conduite selon notre bon plaisir ? Voici qu’elle invoque les habitants du ciel ? Mettons en œuvre tous nos artifices, et gardons-la, avec tant de soin et de sollicitude, qu’elle ne puisse jamais s’éloigner de nous, parce que avons pu l’assujettir une première fois. Si nous agissons ainsi, elle nous suivra de nouveau. - Et moi, étant sortie secrètement de l’antre où je m’étais cachée, je désirais monter sur une hauteur où mes ennemis ne puissent me découvrir. Mais eux m’opposèrent une mer si agitée, qu’il m’était impossible de la traverser. Il y avait là un pont si petit et si étroit, que je ne pouvais non plus passer dessus. Et sur les confins de cette mer, se dressaient des montagnes, dont les sommets étaient si hauts, que je sentis l’impossibilité de les atteindre. Et je dis : Oh ! que ferai-je maintenant, moi misérable ? J’avais un peu goûté la bonté de ma mère, je pensais qu’elle me voulait ramener à elle : hélas ! m’abandonne-t-elle de nouveau ? ah ! où irai-je maintenant ?… Car si je retombe dans mon premier esclavage, je serai, plus qu’avant, le jouet de mes ennemis ; parce que j’ai jeté des cris de détresse vers ma mère, j’ai goûté un peu la suavité de sa miséricorde ; et me voici de nouveau délaissée par elle. Mais moi, par cette haleine suave que j’avais senti me venant de ma mère, j’éprouvais encore une telle force, que je me retournai vers l’orient, et que j’essayai de nouveau de suivre les voies très étroites. Et ces sentiers étaient tellement environnés de ronces, d’épines, et d’autres obstacles semblables, qu’à peine j’y voyais quelques vestiges (de pas). Mais cependant, avec beaucoup de peine et de sueur, étant parvenue enfin à les traverser, j’éprouvais de ce labeur une si grande lassitude que je pouvais à peine respirer.

Toutefois, m’étant évadée avec beaucoup de fatigue au sommet de la montagne dans le creux de laquelle je m’étais d’abord cachée, je me tournai vers sa vallée ; et comme je voulais y descendre, les aspics, les scorpions, les dragons et les autres serpents de cette sorte, venant au-devant de moi, me firent entendre leurs sifflements. Et moi, épouvantée, je jetai de grands cris, en disant : O mère, où es-tu ? Ma douleur serait moins vive si je n’avais pas ressenti déjà la douceur de ta visite ! Vais-je retomber de nouveau dans cette captivité où j’étais plongée auparavant ? Où donc est ton secours, maintenant ? Alors, j’entendis la voix de ma mère qui me disait : O fille, cours, car des ailes t’ont été données, afin que tu voles, par le puissant donateur auquel nul ne peut résister. Vole donc au-dessus de toutes ces contrariétés, avec la rapidité (de tes ailes). Et moi, réconfortée par beaucoup de consolations, je déployai ces ailes, et je traversai rapidement tous ces serpents venimeux et mortels.

Et j’arrivai devant un tabernacle bâti sur des bases indestructibles. Et y pénétrant, j’accomplis les œuvres de lumière, après avoir exercé les œuvres des ténèbres. Et dans ce tabernacle, au septentrion, je plaçai une colonne de fer non poli, sur laquelle je suspendis çà et là des ailes diverses,qui s’agitaient comme des éventails, et trouvant de la manne, je la mangeai. Mais à l’orient, je construisis un fort de pierres quarrées ; et y allumant du feu, je bus du vin doux mêlé avec la myrrhe. Au midi, je construisis de même une tour, dans laquelle je suspendis des boucliers de couleur rouge ; et aux fenêtres, je plaçai des trompettes d’ivoire. Au milieu de cette tour, je versai du miel duquel je fis un parfum précieux, avec d’autres aromates ; de telle sorte que, son odeur puissante se répandait dans toute l’enceinte du tabernacle. À l’occident je n’édifiai aucune œuvre, parce que cette partie était tournée vers le siècle. - Mais pendant que j’étais occupée, à ce labeur, mes, ennemis, saisissant leurs carquois, attaquèrent mon tabernacle avec leurs flèches ; et moi, à cause du soin que j’apportais à mon ouvrage, je ne fis aucune attention à leur perfidie ; jusqu’à ce qu’ils eurent criblé de flèches les portes du tabernacle : aucune flèche cependant ne put entamer la porte, ni pénétrer la pierre du tabernacle ; et moi-même, je ne fus nullement blessée. Ce que voyant, ils envoyèrent une grande inondation pour me détruire moi et mon tabernacle ; mais par leur malice, ils n’aboutirent à rien. C’est pourquoi, je me moquais d’eux audacieusement, en disant : L’architecte qui a édifié ce tabernacle est plus savant et plus fort que vous. Ramassez vos flèches et déposez-les, parce qu’elles ne pourront désormais remporter sur moi aucune victoire, selon votre volonté. Voyez quelles blessures elles ont faites ? Moi, avec beaucoup de peine et de labeur, je vous ai livré plusieurs combats, lorsque vous vouliez me mettre à mort. Ce que vous n’avez pu faire, parce que je suis munie d’armes très redoutables : J’ai dirigé vers vous des glaives tranchants, par lesquels je me suis vaillamment défendue contre vos attaques. Retirez-vous donc, retirez-vous, parce qu’à l’avenir, vous ne pourrez plus me posséder!

Mais moi, débile et ignorante, je vis aussi plusieurs tourbillons, qui se jetant sur une autre sphère, voulurent la détruire, et ne purent le faire, parce que celle-ci, résistant fortement, ne leur donna pas le temps d’appesantir leur fureur sur elle ; cependant elle se plaignit en ces termes : Bien que je sois très indigente, je dois remplir un grand office. Oh ! que suis-je ? Et quel est l’objet de ma plaintive clameur ? Je suis placée, comme souffle de vie, dans l’homme, dans le tabernacle des moelles, des veines, des os et de la chair ; de telle sorte que je donne la vie à ce tabernacle, et je le dirige en tous sens, dans ses mouvements. Mais hélas, sa sensibilité produit la corruption, l’impureté, la violence des moeurs, et tous les genres de vices. Ah ! avec quels gémissements je me plains !

Car lorsque je possède toutes les ressources de la vie dans les œuvres de mon tabernacle, la persuasion diabolique qui m’enveloppe en toutes choses dans ses filets, vient à mes devants ; et, dans un souffle d’orgueil, elle m’exalte à ce point, que je dis souvent : Je veux agir suivant la concupiscence des forces de ma terre (chair)! car, dans mon tabernacle, je comprends toutes les œuvres ; mais je suis tellement gênée par cette concupiscence (de ma chair), que je ne distingue pas mes œuvres, avant de ressentir en moi de cruelles blessures. Oh ! combien je gémis alors ! Et je dis : O Dieu, ne m’avez-vous pas créée ? Voici que la terre vile m’opprime.

Et ainsi vais-je me réfugier en elle ? Comment ? Lorsque mon tabernacle éprouve la concupiscence charnelle ; alors, comme je ressens de la volupté dans l’acte, j’accomplis cet acte avec elle (l’âme avec la chair), Mais la raison qui est en moi avec la science, me montre que j’ai été créée par Dieu ; et en vertu de cette raison, je comprends qu’Adam, ayant transgressé le précepte divin, se cacha. C’est ainsi que moi-même, pénétrée de crainte, j’évite la face de Dieu ; lorsque je sens que les œuvres que j’accomplis dans mon tabernacle sont contraires à Dieu. Mais lorsque je les pèse sur la balance de plomb du péché, je méprise toutes ces œuvres, qui s’accomplissent avec ardeur dans la concupiscence charnelle. Hélas, comme je suis sujette à l’erreur ! Comment pourrai-je vivre au milieu de ces périls ? Et lorsque la persuasion diabolique m’envahit par ces paroles : Est-ce donc un bien ce que tu ignores, ce que tu ne vois pas, et ce que tu ne peux faire : qu’en sera-til ? Et lorsque Satan dit de nouveau : Ce que tu connais, ce que tu comprends, ce que tu peux faire, pourquoi le délaisses-tu ? - Que ferai-je alors ? Mais je répondrai, pleine de douleur : Ah ! misérable que je suis ! Parce que, par Adam, des poisons impurs ont été infusés en moi, lorsque lui-même, ayant transgressé le précepte divin, et s’étant ravalé à terre, a édifié les tabernacles de chair. Car dans le goût qu’il (Adam) trouva dans la pomme, par sa désobéissance, se mêla la douceur nuisible de la chair et du sang, ce qui produisit la corruption des vices. C’est pourquoi je sens en moi le péché de la chair ; et je néglige le Dieu de pureté, parce que je suis enivrée par la faute. Mais ce qui a le goût de mon tabernacle (de ma chair), je ne dois pas le suivre. Car, de ce qu’Adam, dans sa première apparition, fut créé par Dieu, dans un état de simplicité et de pureté : Je crains Dieu, sachant que j’ai été créée par lui pure et simple. Mais cependant, par la mauvaise habitude du vice, je suis dans l’inquiétude. Oh ! dans toutes ces choses je suis étrangère et exposée à l’erreur ! Les tourbillons des voix diverses profèrent de nombreux mensonges, qui se font entendre en moi en ces termes : Qui es-tu ? Et que dis-tu ? Et quels sont les combats que tu livres ?

Car tu es malheureuse. Tu ignores, en effet, si ton œuvre est bonne ou mauvaise. Où aboutiras-tu enfin ? Et qui te conservera ? Et quelles sont ces erreurs qui te conduisent à la folie ? Accompliras-tu ce qui te donne du plaisir ; fuiras-tu ce qui nuit à ton essor ? Oh ! que feras-tu ? car tu le sais et tu l’ignores. Ce qui te délecte, en effet, ne t’est pas permis ; et ce qui te déplaît, tu dois l’accomplir, en vertu du précepte divin. Et comment sais-tu, qu’il en est ainsi ? Il vaudrait mieux pour toi, ne pas être ! - Et après que ces tourbillons (troubles) s’étaient élevés en moi, je commençais de suivre une autre voie qui est dure à ma chair, parce que c’est la voie, de la justice. Mais, de nouveau le doute s’élève en moi, et j’ignore si c’est par la grâce du St-Esprit, ou non ; et je dis : Cela est inutile! Et ensuite, je veux voler au dessus des nues. De quelle manière ? Je veux m’élever au dessus de mon intelligence, et entreprendre ce que je ne puis achever. Mais lorsque je tente de le faire, une grande tristesse s’empare de moi, de telle sorte que je n’accomplis aucune œuvre, ni dans les hauteurs de la sainteté, ni dans le terre-plein de la bonne volonté, mais j’éprouve en moi l’inquiétude du doute, du désespoir, de la tristesse, de l’oppression de toutes choses. Et lorsque la persuasion diabolique me trouble de la sorte. Oh ! quelle calamité m’écrase alors ! parce que tous les maux qui sont ou peuvent être, dans le blâme, dans la malédiction, dans la mortification du corps et de l’âme, dans les paroles impures contre la chasteté, le salut, et la grandeur de Dieu tout cela est la cause de mon infélicité.

D’où cette iniquité s’élève en moi, à savoir, que toute félicité et tout bien qui est, soit dans l’homme soit dans Dieu, me sera pénible et à charge, parce qu’il me propose plutôt la mort que la vie. Ah ! quel malheureux combat se livre en moi, qui me fait passer d’un labeur dans un autre, d’une douleur dans une autre, d’un schisme dans un autre schisme ; et m’enlève toute félicité !

Mais d’où vient le mal que causent ces erreurs ? De ceci, à savoir : L’antique serpent, en effet, possède en lui la ruse, la fourberie, et le venin mortel de l’iniquité. Dans son astuce, il me suggère l’obstination du péché, en détournant mon intelligence de la crainte du Seigneur ; de telle sorte que je ne crains pas de pécher, en me disant : Qui est Dieu ? Je ne sais qui est Dieu ! Et dans sa trompeuse fourberie, il me suggère l’entêtement ; de telle sorte que je m’obstine dans le péché. Mais par ce poison mortel de l’iniquité, il me prive de toute joie spirituelle, de telle sorte que je ne puis me réjouir en Dieu ; et j’éprouve l’étreinte du désespoir, car je doute si je puis être sauvée ou non. Oh! quels sont ces tabernacles (de chair) qui supportent tant de périls, par la fourberie de Satan ? Mais lorsque, par la grâce de Dieu, je me souviens de ce qu’il a fait ; alors, au milieu de ces oppressions, je réponds ainsi à ces persuasions diaboliques : Moi, je ne le céderai pas à la chair fragile ; mais je lui livrerai des guerres redoutables. Comment ? Puisque le tabernacle (de ma chair) veut accomplir des œuvres injustes, je me défendrai, en réprimant mes moelles, mon sang et ma chair dans la sagesse de la patience, comme se défend le lion redoutable, ou le serpent, qui pour éviter la mort se renferme dans son antre. Car je ne dois pas me laisser atteindre par les flèches de Satan, ni exercer la volonté de la chair. Comment ?

Lorsque la colère veut porter ses efforts vers mon tabernacle, je regarde vers la bonté de Dieu, que la colère n’émeut jamais ; et ainsi, par cet air qui fertilise de sa douce haleine l’aridité de la terre, je deviens plus douce, et je jouis d’une joie toute spirituelle ; lorsque les vertus commencent à montrer en moi leur vigueur. Et c’est ainsi que j’éprouve la bonté de Dieu. Mais lorsque la haine veut tenter de me dénigrer : Je considère la miséricorde et le martyre du Fils de Dieu et ainsi, je réprime ma chair, en respirant dans la fidélité du souvenir, le parfum suave des roses qui naissent du milieu des épines ; et de la sorte, je reconnais mon Rédempteur. Lorsque l’orgueil superbe s’efforce d’élever en moi, sans le fondement de la pierre (angulaire, le Christ), la tour de sa vanité, et d’ériger en moi ce sommet qui prétend que nul ne l’égale en hauteur, mais veut paraître plus élevé que les autres : Oh ! alors, qui voudra me secourir ? parce que l’antique serpent, qui voulant l’emporter sur tout, se précipita dans la mort, s’efforce de me renverser. Alors je dis, dans mon abattement : Où est mon roi et mon Dieu ? Que puis-je faire de bien sans Dieu ? Rien. Et ainsi, je regarde vers Dieu qui m’a donné la vie ; et je cours vers la bienheureuse vierge qui écrasa l’orgueil de l’antique serpent ; et de la sorte, devenue une pierre inébranlable de la maison de Dieu, le loup très rapace, qui a été pris au piège de la divinité, ne pourra plus désormais l’emporter sur moi. Et ainsi je connais le bien le plus doux, c’est-à-dire l’humilité, dans la contemplation de la grandeur de Dieu ; surtout, par le souvenir de l’humilité de la Vierge bienheureuse, toute embaumée de ses parfums suaves ; et, pénétrée de la douceur divine, jouissant de délices infinies, je repousse victorieusement les autres vices.

Ensuite, moi misérable, je vis qu’une autre sphère, brisant ses liens, se retira de sa forme avec des gémissements, et dans les douleurs brisa son siège. Et elle dit : Je sortirai de mon tabernacle ! Mais moi, misérable, pleine de tristesse, où irai-je ? - Par des sentiers terribles et redoutables, vers le tribunal, pour y être jugée. Là, je montrerai les œuvres que j’ai accomplies dans mon tabernacle ; et je recevrai là ma récompense selon mes mérites. Oh ! quelle crainte ! Oh ! quelle détresse sera la mienne ! Et comme la dissolution s’opérait ainsi : quelques esprits de la lumière et de l’ombre vinrent, qui avaient été ses compagnons et les instigateurs de sa conduite, pendant qu’elle était dans sa demeure (son corps), attendant sa désagrégation afin de l’emmener avec soi, lorsque (la mort) serait venue. Et j’entendis la voix de vie qui disait : qu’elle soit conduite selon ses œuvres, de tel lieu à tel lieu. Et j’entendis de nouveau une voix qui me disait : La Bienheureuse et ineffable Trinité s’est manifestée au monde, lorsque le Père a envoyé dans le monde son Fils unique, conçu du St-Esprit, et né de la Vierge, afin que les hommes, nés dans beaucoup de conditions différentes, et pris dans les liens du péché, soient conduits par lui (le Christ) dans la voie de la vérité ; de telle sorte que, après avoir brisé leurs fragiles entraves corporelles, apportant avec eux leurs bonnes et saintes œuvres, ils puissent recueillir les joies du suprême héritage.

Pour que, O homme, tu puisses mieux approfondir (ces choses) et en porter un jugement plus sûr : tu vois une splendeur plus imposante et plus sereine, qui rayonne comme de plusieurs yeux, et qui a quatre angles tournés vers les quatre parties du monde, ce qui signifie l’infinité et la pureté de la science de Dieu, dans ses mystères et dans ses manifestations, resplendissant d’une grande profondeur d’évidence, et étendant aux quatre parties du monde les flèches aigues de sa quadruple stabilité ; où elle-même prévoit d’une manière très claire, ceux qui doivent être rejetés, et ceux qui doivent être recueillis ; en montrant le mystère de la suprême majesté : ce qui est signifié, comme tu vois, par l’image de la hauteur et dé la profondeur infinies. Dans cette forme, une autre splendeur semblable à l’aurore, qui apparaît, avec une clarté empourprée, signifie que la science de Dieu montre aussi que le Fils unique du Père, prenant la chair de la Vierge, daigna verser son sang, dans la simplicité de la foi, pour le salut des hommes. En vertu de cette science de Dieu, les bons et les méchants sont connus ; parce que cette science ne petit être obscurcie par les ténèbres d’aucune sorte. Mais toi, o homme, tu dis : Que fait l’homme, puisque Dieu prévoit tout ce qu’il doit faire ? À quoi je réponds : Dans la méchanceté de ton cœur, tu imites celui qui le premier, refusant de suivre la voie de la vérité, opposa le mensonge à la vérité, lorsqu’il voulut se rendre : semblable à la souveraine bonté. Eh ! Qui peut savoir le commencement et la fin de tout ce qui est, fut et sera ? Mais toi qui es-tu ? Poudre de cendre ! Et que savais-tu ,quand tu n’étais pas ? Mais toi qui as un commencement lamentable et une fin misérable, tu contredis à ce que tu ignores, et ce que tu ne peux savoir ; c’est-à-dire l’incompréhensible beauté de la justice de Dieu, dans laquelle ne se trouve aucun soupçon d’injustice dans le passé, dans le présent et dans l’avenir. O insensé ! où penses-tu que se trouve le père de l’iniquité, que tu imites ? - Quand cela? - Lorsque l’orgueil t’élève au-dessus des astres, et sur les autres créatures ; et que tu veux monter audessus des anges qui accomplissent les préceptes divins, en toutes choses et par dessus tout. Mais toi aussi tu tomberas, comme est tombé celui qui opposa le mensonge à la vérité. Car il (Satan) aima le mensonge, et enveloppé dans la mort, il tomba dans l’abîme. C’est pourquoi, o homme, prends garde ! Lorsque tu ne considères, ni cette charité par laquelle Dieu t’a délivré, ni les bienfaits dont il t’a sans cesse comblé, ni la manière dont il veut te retirer de la mort : tu tombes fréquemment dans le péché, préférant la mort à la vie. Si enfin tu rappelles à ton esprit les écritures, et ces doctrines proposées par tes anciens pères dans la foi, à savoir que tu dois éviter le mal, et faire le bien si tu dis alors dans le fond du cœur : j’ai gravement péché ! c’est pourquoi il m’importe de revenir, par une digne pénitence, vers mon père qui m’a créé : alors, ton père te reçoit avec bonté ; et te reposant sur son sein, il te comble de ses douces caresses. Mais maintenant tu fais fi de cette béatitude qui t’est proposée, et tu refuses d’écouter et d’accomplir la justice de Dieu. Bien plus, s’il était possible, tu dirais du jugement de Dieu qu’il est plutôt injuste que juste. C’est pourquoi, si tu n’étais pas racheté par le sang du Fils de Dieu, tu serais gisant dans la perdition. Mais le jugement de Dieu est juste et véritable ! C’est pourquoi, o homme, quel sera l’avantage que tu recueilleras de mon jugement ? Dans le chœur des anges et dans ma vigne choisie, on entend la louange de ceux qui chantent et disent : Gloire à vous Seigneur qui êtes juste et véritable ! et ils ne contrediront pas à mon jugement ; parce qu’eux-mêmes sont justes. Mais quel profit aura Satan de sa révolte contre moi ? - Celui-ci, lorsqu’il vit sa grande beauté, voulut s’exalter au-dessus de tous ; de telle sorte, qu’une foule innombrable d’esprits superbes le suivirent dans sa révolte ; et la puissance divine, dans le zèle de sa justice, les bannit (du ciel) avec lui. Ainsi seront bannis ceux qui, persévérant dans le mal, méprisent la justice de Dieu, parce qu’ils s’efforcent de changer le souverain bien en malice. Dieu n’est donc nullement la cause de l’injustice ; car il a ordonné, dans l’équité de sa bonté, tout ce qui est droit.

Mais ces hommes, qui dans leur infidélité abandonnèrent Dieu, se faisant des idoles dans lesquelles le démon entra pour les tromper, se livrèrent à la folie de cette vanité, après cette génération d’hommes auxquels Adam et Eve avaient dit, comment ils avaient été créés par Dieu, et comment ils avaient été chassés du paradis. Les autres, les suivant dans cette même perversité, adorèrent la créature de Dieu, de préférence au créateur lui-même ; et ils pensèrent que les créatures sans vie, pouvaient disposer de leur vie. - Que ceux qui croupissent encore dans cette infidélité, se guérissent de leur folie, et reviennent fidèlement vers celui qui a brisé les chaîne s de Satan ; se délivrant de ces vieilles erreurs de l’ignorance et embrassant une vie nouvelle ; comme les y exhorte mon serviteur Ezéchiel, lorsqu’il dit : Rejetez loin de vous toutes les prévarications dans lesquelles vous vous êtes souillés, et faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau . Ce qui signifie : O vous qui voulez persévérer dans la voie droite, sous les rayons du soleil de justice dont les brebis bienheureuses suivent les chemins, éloignez de la conscience de votre cœur la recherche des choses occultes, qui vous sont inutiles au point de vue de la doctrine nécessaire et salutaire, et par lesquelles vous voulez voler à des hauteurs inaccessibles, tandis que vous êtes plongés dans ce gouffre affreux où, loin de l’ordre, n’habite que cette horrible confusion qui ignore Dieu. Et lorsque vous aurez fait cela, suivez toujours la voie de la vérité pour votre salut ; et vous découvrirez dans votre cœur, la nouveauté d’un ciel resplendissant ; et vous posséderez dans votre esprit, la nouveauté d’une inspiration vivifiante.

Tu vois aussi sur la terre des hommes qui portent du lait dans des vases d’argile, et qui en font des fromages : ce sont, dans le monde, les hommes et les femmes qui ont dans leur corps la semence humaine, de laquelle proviennent les diverses espèces de peuples : une part de ce lait est épaisse et donne des fromages bien formés ; parce que cette semence dans sa vertu, étant utilement mûrie et tempérée, produit des hommes vigoureux, auxquels est attribuée une grande illustration des dons de l’esprit et du corps, par la vertu des père et mère qui les possèdent ; de telle sorte que, pour l’acquisition de la prudence, de la distinction et de la conduite de la vie, ils sont florissants dans leurs œuvres, devant Dieu et devant les hommes ; parce que le démon ne trouve pas en eux de place. Une autre part du lait est plus faible ; et les fromages qu’on en fait, sont plus petits : parce que cette semence, dans sa légèreté, n’étant pas parfaitement mûrie et tempérée, produit des hommes débiles et souvent stupides, mous et inutiles, auprès de Dieu et dans le siècle, par l’accomplissement de leurs œuvres ; car ces hommes ne cherchent pas Dieu avec courage. Mais une troisième partie (du lait) est mêlée de corruption, et l’on en fait des fromages d’un goût amer : parce que la semence (humaine) à cause de la faiblesse du mélange, extraite à contre temps et inutilement mêlée, procrée des hommes qui éprouvent souvent des amertumes, des embarras, et des oppressions ; c’est pourquoi ils ne peuvent élever leur cœur vers les choses supérieures. Cependant, grand nombre de ceux-là deviennent utiles, bien qu’ils aient à souffrir beaucoup de tempêtes et de troubles, dans leur caractère et dans leurs moeurs ; mais ils en sont victorieux, car s’ils se laissaient aller à leur tristesse, ils se rendraient lâches et inutiles.

C’est pourquoi Dieu, pour les encourager, les aide et les conduit à la voie du salut, comme il est écrit : C’est moi qui ferai mourir, et c’est moi qui ferai vivre ; je blesserai et je guérirai, et nul ne peut éviter de tomber entre mes mains . Ce qui veut dire : Moi qui suis (Prêtre par excellence) n’ayant ni commencement ni fin, je frappe de mort les hommes corrompus dans leurs actes, ceux qui, par les souillures du démon, s’amollissent dans le vice ; et qui, dans les enfantements provenant d’une source impure, sont trompés par les artifices du démon. Oh ! qu’elle est aiguisée la dent de la vipère, qui les remplit de son venin, pour que la mort pénètre en eux! C’est pourquoi, je ruine leur prospérité dans ce siècle ; et par de nombreuses afflictions, qu’ils ne peuvent surmonter, ils disparaissent, sans qu’ils puissent se plaindre de la justice du jugement qui les accable. Mais moi, qui ne suis vaincu par aucune malice, je les fais vivre souvent misérablement dans d’autres conditions : quand je retire des choses terrestres, vers les régions célestes, le souffle de vie, de peur qu’il ne périsse Je terrasse aussi parfois par des afflictions, et par l’accablement du labeur de la vie, ceux qui, dans l’orgueil de leur esprit, désirent s’élever à des hauteurs dangereuses, dans la persuasion qu’ils ne peuvent être renversés par personne ; et je les élève parfois à la vraie santé (de l’âme), de peur qu’ils ne soient consumés par les fausses vanités, au milieu des périls qu’elles engendrent. Mais en toutes ces choses, ni l’homme ni les autres créatures, ne peuvent empêcher par leur ruse ou leur puissance, les effets de mon œuvre ; parce qu’il n’y a personne qui puisse résister à ma volonté et à ma justice.

Souvent aussi, comme tu le vois, dans l’aveuglement de mon oubli et de la malice de Satan, l’union de l’homme et de la femme s’accomplit, et donne lieu à la naissance d’enfants difformes ; afin que les parents qui ont transgressé mes préceptes, étant tourmentés dans leurs enfants, reviennent à moi, par la pénitence. Souvent aussi, je permets cette procréation (monstrueuse) parmi les hommes, pour ma gloire et celle de mes saints ; afin que, ceux qui sont ainsi, disgrâciés de la nature, étant ramenés à la santé par l’intervention de mes élus, mon nom soit glorifié par les hommes avec plus d’ardeur, à cause des miracles.

- Mais ceux qui s’astreignent à cette loi, dont l’accomplissement leur fait désirer l’honneur de la virginité, s’élèvent comme l’aurore vers les régions mystérieuses du ciel ; parce que, pour l’amour de mon Fils, ils retranchent de soi la délectation charnelle.

- Cette forme féminine que tu vois, portant dans son sein une forme humaine parfaite, signifie, qu’après que la femme a reçu la semence humaine, l’enfant se forme avec l’intégrité de ses membres, dans la cellule cachée du sein de sa mère. Et voici que, par une secrète disposition du divin Créateur, la même forme (embryonnaire) témoigne du mouvement de la vie : parce que, dès qu’en vertu d’un ordre et de la volonté mystérieuse de Dieu, l’enfant a reçu l’esprit (le souffle de vie) dans le sein maternel, au moment établi et voulu par Dieu, il montre par les mouvements de son, corps, qu’il vit ; comme la terre s’entr’ouvre et laisse épanouir les fleurs de son fruit, lorsque la rosée est descendue sur elle. De telle sorte que c’est comme une sphère de flammes, n’ayant aucun trait du corps humain, qui possède le cœur de cette forme, parce que l’âme, brûlant dans le foyer de la souveraine science, distingue diverses choses dans le cercle de sa compréhension. Et cette sphère n’a aucun trait du corps humain, parce qu’elle n’est ni corporelle, ni éphémère, comme l’est le corps de l’homme ; et qu’elle lui donne la force et la vie, en ce qu’étant comme le fondement du corps, elle le régit tout entier ; et de même que le firmament du ciel contient les régions inférieures et touche aux supérieures, de même le cerveau de l’homme, dans le rayonnement de ses vertus, embrasse et goûte les choses du ciel et de la terre ; puisque l’âme connaît sciemment Dieu, et pénètre dans tous les membres du corps, en donnant aux moelles, aux veines et à toutes les parties, la force et la vie ; comme l’arbre distribue à tous ses rameaux la sève et la vigueur qui lui viennent de ses racines. Mais ensuite cette forme humaine, ainsi vivifiée dans le sein de la mère, possède, lorsque elle en sort, les mouvements que lui imprime la sphère (de flammes) qui est en elle ; et suivant ces mouvements, elle change aussi sa couleur, parce que, après que l’homme a reçu dans le sein de la mère le souffle de vie, qu’il est né, et qu’il a manifesté les mouvements de ses actes, selon les œuvres que l’âme accomplit avec le corps, les mérites lui viennent de ces mêmes œuvres ; car il revêt la splendeur des bonnes (œuvres) et se couvre des ténèbres des mauvaises.

Cette même sphère (de flammes) montre sa vigueur, suivant les énergies corporelles ; de telle sorte que,dans l’enfance de l’homme, elle fait preuve de simplicité ; dans la jeunesse, de force ; et dans la plénitude de l’âge, comme toutes les veines de l’homme se dilatent dans leur parfait développement,… elle manifeste la puissance de ses vertus par sa sagesse ; comme l’arbre, délicat dans son premier germe, montre ensuite son fruit, et s’épanouit dans toute sa force. Mais dans la vieillesse de l’homme, lorsque ses moelles et ses veines commencent à ne plus soutenir le corps, qui se penche à cause de sa faiblesse : l’âme de l’homme, comme prise du dégoût de la science, montre moins de vigueur ; de même que la sève de l’arbre, quand vient le temps de l’hiver, se glace dans le tronc et dans les branches, et, lui aussi, se penche vers la terre.

Mais l’homme a en lui trois sentiers (manière d’être). Qu’est-ce cela ? L’âme, le corps et le sens ; et c’est par eux que la vie s’exerce. Comment ? L’Ame vivifie le corps et entretient la pensée, le corps attire l’âme et manifeste la pensée (ou le sentiment) ; mais les sens touchent l’âme et flattent le corps. Car l’âme donne la vie au corps, comme le feu fait pénétrer la lumière dans les ténèbres, au moyen de deux forces principales qu’elle possède, l’intelligence et la volonté, qui sont comme ses deux bras ; non que l’âme ait deux bras pour se mouvoir, mais parce qu’elle se manifeste par ces deux forces, comme le soleil par sa splendeur.

C’est pourquoi, ô homme, toi que n’alourdit pas le poids de la chair, apporte ton attention à la science des Ecritures. L’intelligence est fixée à l’âme comme le bras au corps. Car, de même que le bras auquel est unie la main avec les doigts, s’étend en avant du corps : ainsi l’intelligence avec la coopération des autres forces de l’esprit, par lesquels elle comprend tous les actes humains, procède de l’âme ; car plus que les autres facultés, elle comprend tout ce qui est dans les actes humains, soit en bien soit en mal ; de telle sorte que par cet (intellect) comme par un maître, l’homme saisit tout ce qu’il est (susceptible) de comprendre ; parce que, de cette manière l’âme discerne toutes choses, comme le froment est expurgé de tout mélange ; en recherchant ce qui est utile ou inutile, aimable ou détestable, ce qui est un principe de vie ou de mort.

De même que la nourriture sans le sel est fade, ainsi les autres facultés de l’âme sont insipides et sans clairvoyance, étant privées d’intelligence. Mais celle-ci, qui est dans l’âme comme l’épaule dans le corps et la moelle dans le cerveau, comprend en Dieu la divinité et l’humanité : elle est comme la jointure du bras ; et lorsque la foi guide ses actes, c’est l’inflexion de la main, qui dans son discernement, distingue comme par ses doigts, les diverses œuvres ; car l’intelligence n’agit pas comme les autres facultés de l’âme. Que signifie cela ?

La volonté en effet active l’œuvre, l’esprit la reçoit, et la raison la produit ; mais l’intelligence comprend l’œuvre et en montre le bien ou le mal ; comme les anges, qui aiment le bien et détestent le mal, ont l’intelligence.

Et de même que le corps renferme le cœur, ainsi l’âme possède l’intelligence, qui exerce sa vertu dans une partie de l’âme, comme la volonté dans une autre. Comment ? La volonté en effet est la grande force de l’âme. Comment ? L’âme réside dans un angle de la maison, c’est-à-dire dans le firmament du cœur, comme un homme qui, se trouvant dans un coin de sa maison, d’où il peut l’apercevoir toute, la dirige, levant son bras droit, pour signifier et montrer tout ce qui est utile à sa maison, en se tournant vers l’Orient.

Ainsi fait l’âme, pour toutes les parties du corps, en regardant vers l’Orient ; elle établit sa volonté qui est comme son bras droit, dans le firmament des veines et des moelles, pour diriger le mouvernent de tout le corps ; car c’est la volonté qui accomplit toutes choses, le bien et le mal.

La volonté est semblable au feu qui cuit chaque chose comme dans une fournaise. Le pain est cuit par lui, afin que les hommes soient réconfortés, en se nourrissant, et que, de la sorte, ils vivent. Ainsi la volonté est la force, le soutien de tout l’ouvrage ; parce que c’est elle qui faiblit dans la déception, et fermente dans la puissance, comme elle broie dans la rudesse ; et ainsi, préparant son œuvre, comme le pain, avec prudence : elle le cuit dans la plénitude de son ardeur, pour la perfection ; et de cette manière, elle donne aux hommes une nourriture plus substantielle, dans l’œuvre (qu’il accomplit), que dans le pain (qu’il mange) ; car l’homme s’arrête parfois de prendre la nourriture, mais l’œuvre de la volonté dure en lui, jusqu’à la séparation de l’âme d’avec le corps ; et malgré la diversité de son labeur, dans l’enfance, la jeunesse, l’âge mûr et la décrépitude : c’est toujours par la volonté qu’il agit et démontre sa perfection. Mais la volonté a, dans l’intime de l’homme, un tabernacle : c’est l’âme, que l’intelligence et la volonté elle-même, ainsi que chaque faculté de l’âme, alimentent de leur vertu ; toutes ces facultés entretiennent leur flamme dans le même tabernacle, et s’unissent l’une à l’autre. Comment ? Si la colère s’éveille, le fiel s’enfle ; et envoyant sa fumée dans le tabernacle, il irrite la colère. Si une honteuse délectation surgit, l’incendie de la volupté s’allume dans l’œuvre qui lui est propre, l’impétuosité, qui est la caractéristique du péché, se donne libre cours ; et se confond avec elle dans le même tabernacle. Mais il est une autre douce jouissance produite dans ce tabernacle, par le saint Esprit ; l’âme s’y complaisant, la reçoit avec fidélité ; et accomplit au moyen des célestes désirs, l’œuvre salutaire. Il y a aussi une certaine tristesse, de laquelle, dans le même tabernacle, provenant des humeurs qui environnent le fiel, naît la torpeur, l’indignation, l’endurcissement et l’opiniâtreté qui dépriment l’âme ; si elle n’est soustraite à ce mal, par le secours de la grâce de Dieu. Mais comme des éléments divers etcontraires se rencontrent dans ce tabernacle, fréquemment, il est agité par la haine et les autres passions mortelles, qui tuent l’âme, et préparent de grandes ruines pour sa perdition. Or, lorsque la volonté le veut, elle met en mouvement tous les moyens d’action de son tabernacle ; et dans son ardeur, les abandonne, soit pour le bien, soit pour le mal. Que si ces moyens plaisent à la volonté, c’est là qu’elle fait cuire sa nourriture, et qu’elle la propose à l’homme, pour qu’il la goûte. Et dans le même tabernacle une troupe nombreuse pour le bien et le mal se lève ; comme une armée rassemblée (pour le combat), en quelque lieu. Mais lorsque le général de cette armée survient, si les troupes lui plaisent, il les prend sous ses ordres ; si elles lui déplaisent, il les disperse : ainsi fait la volonté.

Comment ? Si le bien ou le mal surgissent dans son sein, la volonté l’accomplit ou le néglige. Mais, dans l’intelligence et la volonté, la raison se montre comme l’expression de l’âme, laquelle achève toute œuvre, soit de Dieu, soit de l’homme. Car le son porte haut la parole, comme le vent soulève l’aigle, pour qu’il puisse voler ; c’est ainsi que l’âme envoie le son, qui provient de la raison, pour qu’il soit entendu et compris des hommes ; afin qu’ils saisissent sa portée, et que chaque œuvre soit menée à sa perfection. Mais le corps est le tabernacle et le soutien de toutes les facultés de l’âme parce que l’âme habitant dans le corps, opère avec lui, et le corps avec elle, dans le bien comme dans le mal.

Or, le sens (le sentiment) est la faculté à laquelle l’œuvre des forces intérieures de l’âme adhère ; de telle sorte qu’elles sont connues par lui dans les fruits de chaque œuvre, et qu’il leur est assujetti, car elles le conduisent à l’œuvre, et ce n’est pas lui qui leur impose l’action ; parce qu’il est leur ombre, faisant suivant ce qui leur plaît. Mais l’homme extérieur s’éveille d’abord avec le sens, dès le ventre de la mère, avant sa naissance ; les autres facultés de l’âme restant encore cachées. Que signifie cela ? L’aurore annonce la lumière du jour ; ainsi le sens (la sensibilité) de l’homme indique toutes les facultés de l’âme, avec la raison. Et comme la loi et les prophètes sont renfermés dans deux préceptes du Seigneur, ainsi le sens (la sensibilité) de l’homme a son siège dans l’âme et dans ses facultés. Que signifie cela ? La loi est établie pour le salut de l’homme, et les prophètes manifestent les secrets divins ; ainsi, la sensibilité de l’homme détourne de lui tout ce qui est nuisible, et découvre l’intérieur de l’âme. Car l’âme vivifie le sens. Comment ? Elle anime la face de l’homme et le dote du regard, de l’ouïe, du goût, de l’odorat et du toucher, de telle sorte que l’homme ému dans sa sensibilité, est plus vigilant en toutes choses ; puisque le sens est le signe de toutes les facultés de l’âme, comme le corps est le vase de l’âme. Comment ? Le sens est l’aboutissant de toutes les forces de l’âme. Que signifie cela? On connait l’homme par sa face, il voit par ses yeux, il entend par ses oreilles, la bouche est l’organe de sa parole, les mains sont l’organe du toucher, et par les pieds il marche ; ainsi, les sens sont dans l’homme, comme des pierres précieuses et comme un riche trésor scellé dans un vase. Et de même que l’on voit le vase avant de connaître le trésor qu’il renferme, ainsi par le sens, on devine les autres facultés de l’âme. Mais l’âme est la maîtresse, la chair est la servante. Comment ? L’âme régit tout le corps en le vivifiant, et le corps reçoit le gouvernement de celle qui le vivifie ; parce que si l’âme ne vivifiait pas le corps, celui-ci tomberait en dissolution. Et, quand l’homme accomplit le mal, avec la connaissance de l’âme, celle-ci en éprouve la même amertume, que lorsque le corps reçoit sciemment le poison. L’âme se réjouit d’une bonne œuvre, comme le corps se délecte d’une nourriture délicate. Et l’âme pénètre dans le corps, comme la sève dans l’arbre. Que signifie cela ? Par la sève l’arbre est verdoyant, il produit des fleurs et des fruits, de même le corps par l’âme. De quelle manière le fruit de l’arbre parvient-il à sa maturité ? Par la température de l’air. Comment ? Le soleil le réchauffe, la pluie l’arrose, et ainsi il mûrit à la température de l’air. Que signifie cela ? La miséricorde de la grâce de Dieu illumine l’homme, comme le soleil ; l’inspiration du Saint Esprit l’arrose, comme une pluie bienfaisante ; et le discernement, comme une douce température, le conduit à la perfection des œuvres bonnes et fructueuses.

Mais l’âme dans le corps, est comme la sève dans l’arbre ; et ses facultés sont comme les rameaux de l’arbre. Comment ? L’intelligence est dans l’âme, comme la verdeur des rameaux et des feuilles ; la volonté, comme les fleurs ; l’esprit, comme le premier fruit qui sort de lui ; la raison, comme le fruit parfait qui vient à sa maturité ; les sens, comme l’extension de sa grandeur. Et c’est de cette manière, que le corps de l’homme est fortifié et soutenu par l’âme.

C’est pourquoi, ô homme, comprends ce que tu es par ton âme, toi qui renonces à ton intelligence et qui veux être comparé aux animaux.

En voyant ces choses, ô homme, considère aussi, que beaucoup de tourbillons envahissant une de ces sphères, qui résident dans le corps humain, la forcent de s’incliner vers la terre. Cela signifie, que tandis que l’homme vit dans son âme et dans son corps, beaucoup de tentations invisibles troublent son âme, et souvent l’inclinent, par la délectation charnelle, vers les péchés des concupiscences terrestres ; mais elle, ayant reconquis ses forces, se redresse virilement, leur résiste avec vigueur ; parce que l’homme fidèle et soucieux, lorsqu’il a péché, se repent par la grâce de Dieu, abandonne le péché ; et, mettant son espoir en Dieu, renonce aux feintes de satan, et cherche fidèlement son Créateur ; comme l’âme fidèle, qui, dans le regret qu’elle a de ses misères, s’efforce de s’élever plus haut.

Mais, tu vois dans une autre sphère que de nombreux tourbillons se précipitant, veulent la renverser, sans y parvenir : cela signifie que de multiples embûches diaboliques envahissent cette âme, pour s’efforcer de l’entraîner au crime ; mais cependant, elles ne peuvent prévaloir par leurs fausses illusions ; parce que, leur résistant vigoureusement, elle ne leur donne pas l’occasion d’accomplir leur folie ; et, se munissant de l’inspiration d’en-haut, elle éloigne d’elle les traits des fausses déceptions, avec le secours de son Sauveur, comme elle le déclare plus haut, dans les paroles de sa plainte, ainsi qu’il a été indiqué.

Mais cette autre sphère qui, comme tu vois, se débarrassant des entraves de sa forme, brise ses liens, signifie que cette, âme abandonnant sa demeure corporelle, rompt ses liens lorsque le temps de sa destruction est arrivé ; et s’en sépare avec des gémissements, brisant son siège dans la douleur ; parce qu’elle se retire de son corps difficilement ; et que, saisie d’effroi dans la perspective du jugement imminent du juge suprême, elle permet, avec terreur, que le lieu de son habitation s’écroule lamentablement.

Alors, elle connaît les mérites de ses œuvres, selon la justice de Dieu ; comme elle le montre plus haut dans sa plainte. C’est pourquoi lorsque la dissolution s’opère ainsi, surviennent certains esprits de lumière et de ténèbres, qui ont été ses compagnons de vie, suivant sa manière d’être ; parce que dans cette séparation, lorsque l’âme de l’homme abandonne sa demeure, les esprits angéliques bons et mauvais, selon l’ordre juste et véritable de Dieu, se trouvent présents après avoir été les spectateurs de ses œuvres et de la manière dont elle les accomplit avec le corps, et ils attendent sa séparation, afin de l’emmener avec eux, lorsque elle sera faite ; parce qu’eux aussi attendent la sentence du juste juge sur cette âme, au moment de sa séparation d’avec le corps ; afin que, délivrée du corps, ils la conduisent, où le juge suprême voudra, selon les mérites de ses œuvres, comme il a été indiqué fidèlement.

C’est pourquoi, ô mes très chers fils, ouvrez vos yeux et vos oreilles, et obéissez à mes préceptes. Et comment méprisez vous votre Père qui vous a délivrés de la mort ? Les chœurs des anges chantent : Tu es juste, ô Seigneur, parce que la justice de Dieu n’a aucune tache. Il n’a pas délivré l’homme en vertu de sa puissance, mais de sa compassion, lorsqu’il a envoyé dans le monde son Fils, pour la rédemption de l’homme. Aucune tache de boue ne peut souiller le soleil, aucune perversité, d’injustice ne peut atteindre Dieu. Mais toi, ô homme, dans la science contemplative, tu distingues le bien et le mal. Et qu’es-tu, toi dont l’âme est souillée d’une multitude de désirs charnels ? Et qu’es-tu lorsque les pierres précieuses des vertus resplendissent en toi ? Le premier ange méprisa le bien et désira le mal ; c’est pourquoi il reçut le mal,dans la mort de l’éternelle perdition ; et il fut enseveli dans la mort, parce qu’il répudia le bien. Mais les bons anges méprisèrent le mal et aimèrent le bien, en voyant la chute de Satan qui voulait opprimer la vérité et exalter le mensonge ; c’est pourquoi ils furent enflammés de l’amour divin, en possédant le fondement inébranlable de tout bien ; c’est pourquoi ils ne veulent que ce que Dieu veut, et ne cessent jamais de chanter ses louanges. Mais le premier homme aussi connut Dieu, et l’aima en toute simplicité ; et acceptant son précepte, il se soumit (d’abord) à l’obéissance ; après, il s’abaissa vers le mal et tomba dans la désobéissance. Car lorsque le démon lui eut suggéré le mal, il abandonna le bien pour accomplir le mal, et fut chassé du paradis. C’est pourquoi il faut renoncer au mal, par crainte de la mort ; et embrasser le bien, par amour de la vie. Mais toi, ô homme, ayant le souvenir du bien et du mal, tu es placé sur un double chemin ; parce que, si tu détestes les ténèbres du mal, et si tu veux regarder vers celui de qui tu es la créature, et que tu as confessé dans le saint baptême, où la faute antique d’Adam a été rejetée, si tu veux fuir le démon et sa malice, pour suivre le Dieu véritable et ses préceptes : considère, comment tu as appris à te détourner du mal et à faire le bien ; et parce que le Père céleste n’a pas épargné son Fils unique, et l’a envoyé pour ta délivrance, prie Dieu pour qu’il vienne à ton secours ; et il t’exaucera, en disant : Ces yeux me plaisent. Et si tu repousses la tiédeur, pour courir dans la voie des commandements, il exaucera toujours la clameur de tes prières. Car tu dois dompter ta chair, et la soumettre à l’empire de l’âme. Mais tu dis : j’éprouve un tel accablement dans ma chair, que je ne puis me soulever ! Et, puisque Dieu est bon, que lui-même me rende bon ! - Comment puis-je dompter ma chair puisque je suis homme ? - Dieu est bon, qu’il accomplisse tout bien en moi ! - Lorsqu’il lui plaira, il pourra me rendre bon. - Mais je te réponds : Puisque Dieu est bon, pourquoi méprises-tu de connaître sa bonté ; lorsque lui-même a livré pour toi son Fils unique, qui t’a délivré de la mort dans les tourments et les labeurs de toutes sortes ?

Lorsque tu dis que tu ne peux opérer les bonnes œuvres, tu le dis dans l’injustice de l’iniquité. Car tu as des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un cœur pour penser, des mains pour agir, des pieds pour marcher ; de telle sorte que tu peux te lever ou te baisser, dormir ou veiller, manger ou jeûner, c’est ainsi que Dieu t’a créé. Résiste donc à la concupiscence de la chair et Dieu t’aidera. Car, lorsque tu t’opposes à Satan, comme un valeureux guerrier à son ennemi, alors Dieu se complaît dans ta résistance, et veut que tu l’invoques constamment, à toute heure, et dans toutes les embûches. Mais lorsque tu ne veux pas dompter ta chair, alors tu l’engraisses de vices et de péchés, et tu lui retires le frein de la crainte de Dieu, avec lequel tu devrais la retenir, pour qu’elle ne tombât pas dans la perdition. C’est pourquoi tu te retournes vers le démon, comme lui-même s’est retourné vers l’iniquité, lorsqu’il est tombé dans la mort. Et lui-même, se réjouissant de ta perte, dit : Voilà l’homme qui est semblable à nous ! Et alors, il se précipite sur toi, pour te faire rentrer, selon ton désir, dans ses voies et dans l’ombre de la mort. Mais Dieu connaît ce que tu peux faire de bien ; c’est pourquoi il t’a donné une loi, selon laquelle tu peux travailler. Dieu, dès le commencement du siècle jusqu’à sa consommation, veut se complaire dans ses élus ; afin qu’étant ornés de la splendeur des vertus, ils soient fidèlement couronnés. Comment ? Que l’homme résiste à la volupté de la chair, de peur qu’il ne se laisse entraîner par les délices de ce monde ; et qu’il ne vive pas avec tant d’assurance, comme s’il habitait sa propre demeure ; car il est pèlerin et son père l’attend, s’il veut revenir vers lui au ciel, où il sait qu’il est. C’est pourquoi, ô homme, si tu tournes ton regard vers les deux voies, c’est-à-dire, vers le bien et le mal ; alors tu t’instruis et tu comprends les petites et les grandes choses. Comment ? Par la foi, tu comprends un seul Dieu dans la divinité et l’humanité ; et tu vois aussi les œuvres diaboliques dans le mal. Et, lorsque tu connais les voies de la justice et de l’iniquité ; alors je t’interroge : Quelle voie veux-tu suivre? Si tu veux entrer dans la bonne voie, et si tu écoutes fidèlement ma parole, prie Dieu en de sincères et constantes supplications, pour qu’il t’accorde son secours, et ne t’abandonne pas, parce que tu es débile dans ta chair ; incline ta tête en t’humiliant, ôte le mal de tes œuvres, et rejette-le loin de toi rapidement ; c’est ce que Dieu demande de toi.

Et, de même que, si quelqu’un te présentait de l’or et du plomb, en te disant : Mets la main sur ce que tu voudras… tu prendrais avidement l’or et tu laisserais le plomb ; parce que tu aimes davantage l’or que le plomb : Ainsi tu dois faire plus de cas de la céleste patrie, que de la bassesse du péché. Si tu es tombé dans le péché, relève-toi aussitôt, par la confession et la pénitence, avant que la mort surgisse devant toi. Ton père veut en effet que tu cries, que tu pleures, que tu demandes du secours ; pour que tu ne restes pas dans les souillures du péché. Mais, si tu as reçu une blessure, demande le médecin, de peur que tu ne meures. Est-ce que Dieu n’a pas envoyé souvent des calamités aux hommes, afin d’être invoqué plus attentivement par eux ? Mais toi, ô homme, tu dis Je ne puis accomplir les bonnes œuvres. - Et moi je dis : Tu le peux. Tu demandes : Comment ? - Je réponds : Par l’intelligence et la raison. Tu dis : Je n’en ai pas le désir en moi. - Je réponds : Apprends à combattre contre toi. - Et tu dis : Je ne puis combattre contre moi, si Dieu ne m’aide pas ! - Ecoute donc comment tu combattras contre toi : Quand le mal surgit en toi, sans que tu saches comment te défaire de lui : touché par ma grâce (car dans les voies de ton regard intérieur ma grâce te touche), crie, prie, avoue et pleure ; afin que Dieu vienne à ton secours, qu’il éloigne de toi le mal et te donne des forces pour le bien : Tu possèdes ce don, en vertu de la science qui te fait comprendre Dieu, par l’inspiration du Saint-Esprit. Si tu étais l’ouvrier de quelque homme, toutes les fois qu’il t’importerait de faire ce qui répugne à ton corps, est-ce que tu ne supporterais pas laborieusement bien des choses, pour une récompense terrestre ? Et pourquoi ne sers-tu pas Dieu, pour une récompense éternelle ? Dieu qui t’a donné le corps et l’âme !… Si tu voulais posséder un bien temporel, comme tu travaillerais pour l’avoir, au moins quelque temps ! Maintenant tu te dégoûtes de chercher celui qui n’a pas de fin. Comme le bœuf marche sous l’aiguillon, ainsi tu dois entraîner ton corps par la crainte du Seigneur, parce que si tu le fais, Dieu ne t’abandonnera pas. Si un tyran faisait peser sur toi son joug, tu te retournerais aussitôt vers celui qui pourrait te porter secours, tu le supplierais, tu l’invoquerais, et tu lui promettrais tes richesses, s’il voulait te secourir. Fais de même, ô homme, lorsque l’iniquité t’environne : te retournant vers Dieu, supplie-le, prie-le, et promets-lui ton amendement ; et Dieu t’aidera. Mais toi, ô homme, tu es aveugle pour voir, sourd pour entendre, insensé pour te défendre, puisque l’intelligence que Dieu t’a communiquée, et les cinq sens de ton corps qu’il t’a donnés, tu les considères comme vanité et néant. Est-ce que tu n’as ni intelligence, ni science? Le royaume de Dieu peut être acheté, non acquis en riant.

Ecoutez donc, ô hommes, et ne perdez pas de vue l’entrée de la céleste Jérusalem ; ne touchez pas la mort ; ne niez pas Dieu, en confessant le démon ; n’augmentez pas le nombre de vos péchés ; ne diminuez pas le mérite de vos vertus. C’est Dieu que vous ne voulez pas écouter, lorsque vous refusez de marcher dans la voie des préceptes ; et vous courez après le démon, lorsque vous vous efforcez de satisfaire vos désirs charnels. Revenez donc à vous, et prenez des forces, parce que cela vous est nécessaire. Que l’homme fidèle examine son mal, et recherche le médecin, avant de tomber dans la mort.

S’il examine son mal et va chercher un médecin, lorsqu’il l’a trouvé, il lui montre le suc amer du remède qui peut le guérir : ce sont les paroles sévères, pour éprouver si son repentir vient du fond de son cœur, ou procède de son instabilité. Lorsqu’il s’en est rendu compte, il lui verse le vin de la componction et de la pénitence, pour laver la sanie de ses blessures ; et lui offre l’huile de la miséricorde, pour oindre ses mêmes plaies, en vue de la guérison.

Alors aussi, il lui enjoint d’avoir égard à sa santé, en lui disant : Fais en sorte de continuer cette médecine avec soin et persévérance, sans te dégoûter, parce que tes blessures sont graves. - Il y en a beaucoup qui entreprennent, avec difficulté, la pénitence de leurs péchés ; et bien qu’à grand peine, ils l’accomplissent cependant par crainte de la mort. Mais je leur tends la main, et je convertis en douceur cette amertume, de telle sorte que, pour mon amour, ils accomplissent avec calme cette pénitence entreprise avec difficulté. Mais celui qui néglige de faire pénitence de ses péchés, parce qu’il lui est difficile de châtier son corps, est misérable ; car il ne veut pas regarder en soi-même, et chercher un médecin, ni guérir ses blessures ; mais il cache la pire sanie, et déguise, par de faux semblants, la mort, de peur d’être vu. C’est pourquoi il est lâche, pour expérimenter la pénitence, sans considérer l’huile de la miséricorde, ni rechercher les consolations qui découlent de la rédemption ; il s’avance à grands pas vers la mort, parce qu’il l’aime, et ne recherche pas le royaume de Dieu. Courez-donc, ô fidèles, dans la voie des préceptes de Dieu, de peur que la damnation de la mort ne vous saisisse. Imitez le nouvel Adam (le Christ) et renoncez au vieil homme. Car le royaume de Dieu est ouvert à celui qui court (10), mais il est fermé à celui qui gît sur la terre. Malheureux sont ceux qui ont le culte de Satan et ignorent Dieu! Quels sont-ils ? Ceux qui n’adorent pas Dieu, un dans la Trinité, ni la Trinité dans l’unité, qu’ils ne veulent pas reconnaître. Car, quiconque veut être sauvé ne doit pas douter de la foi catholique. Comment cela ? Celui qui renie le Fils n’adore pas le Père ; il n’aime pas le Fils celui qui ignore le Père ; il n’a pas de Fils celui qui rejette le St-Esprit ; il ne reçoit pas le St-Esprit celui qui ne vénère pas le Père et le Fils. Il faut donc comprendre l’unité dans la Trinité, et la Trinité dans l’unité. O homme, est-ce que tu peux vivre sans le cœur et le sang ? Ainsi, ni le Père sans le Fils et le St-Esprit, ni le Fils sans le Père et le Saint-Esprit, ni le Saint-Esprit sans les mêmes personnes. Mais le Père a envoyé dans le monde son Fils, pour la rédemption de l’homme ; et de nouveau, il l’a rappelé à lui ; comme l’homme manifeste les pensées de son cœur, et de nouveau les recueille en lui-même. C’est pourquoi, sur cette mission salutaire du Fils unique de Dieu, Isaïe en vertu de la volonté de la suprême majesté, parle ainsi : « Le Seigneur a envoyé le Verbe dans Jacob, et il est venu dans Israël » (11) Ce qui veut dire : Le Verbe par qui tout a été fait, à savoir le Fils de Dieu qui fut toujours dans le cœur du Père, selon la divinité, sans commencement de temps, le Seigneur l’a envoyé lui-même ; c’est-à-dire que le Père éternel, par la voix des prophètes dans Jacob, annonça fidèlement que ce même Fils de Dieu devait venir dans le monde, pour le salut des hommes ; afin que les hommes avertis et préparés par eux (les prophètes), suplantassent prudemment le démon, en déjouant avec sagesse les ruses de ses déceptions. Et ainsi le même Verbe parut dans Israël, lorsque le Fils unique de Dieu vint dans le sein virginal, où nul homme n’avait mis son empreinte, mais qui garda inviolable sa pureté ; afin que (le fils de Dieu) né d’une vierge, ramenât dans la voie véritable ceux qui ignoraient la lumière, à cause de leur fatal aveuglement, et qu’il leur donnât le salut éternel. C’est pourquoi, quiconque possède la science par le St-Esprit et les ailes de la foi, ne transgresse pas mon avis ; mais il le reçoit pour en faire les délices de son âme.

VISION CINQUIEME
LE RETOUR DES JUIFS

Après cela, je vis comme une image de femme (blanche) de la tête jusqu’à l’ombilic, noire de l’ombilic jusqu’aux pieds, et les pieds couleur de sang. Elle avait autour des pieds une nuée resplendissante et pure. Elle était privée d’yeux ; et, ayant ses mains sous les aisselles, se tenait près de l’autel qui est devant les yeux de Dieu ; mais elle ne le touchait pas. Et dans son cœur était Abraham ; et dans sa poitrine Moïse ; et dans son ventre les autres prophètes ; montrant chacun leur signe, et admirant la beauté de la nouvelle épouse. Elle apparut grande comme la tour immense de quelque cité, ayant sur sa tête comme une auréole semblable à l’aurore. Et j’entendis de nouveau une voix du ciel qui me disait : Dieu imposa à l’ancien peuple l’austérité de la loi, en ordonnant à Abraham la circoncision, qu’il changea ensuite en une grâce de suavité, en donnant son Fils à ceux qui croyaient à la vérité de l’Evangile ; et il adoucit par l’huile de la miséricorde, ceux qui étaient blessés par le joug de la loi. C’est pourquoi tu vois comme une image de femme, blanche de la tête à l’ombilic : c’est la Synagogue, mère, de l’incarnation du Fils de Dieu, et qui dès le commencement de la naissance de ses fils jusqu’à la plénitude de leurs forces, prévoit dans l’ombre les secrets de Dieu, mais ne les découvre pas pleinement. Car elle n’est pas la resplendissante aurore qui manifeste ouvertement, mais celle qui regarde de loin dans l’étonnement et l’admiration, comme il est dit d’elle dans les cantiques : Quelle est celle qui monte du désert pleine de délices ,et s’appuyant sur son bien aimé ? Ce qui veut dire : Quelle est cette nouvelle épousée, qui s’élève par la multitude de ses bonnes œuvres au milieu des déserts des nations, ,(qui abandonnent les préceptes légaux de la sagesse, pour adorer les idoles ;) celle qui monte vers les désirs d’en haut, pleine des délices des dons du St-Esprit ; en soupirant dans l’ardeur de son zèle, et s’appuyant surson époux, qui est le Fils de Dieu ? C’est celle qui, dotée par le Fils de Dieu, resplendit de l’éclat des vertus, et abonde des ressources fécondes des Ecritures. Mais la Synagogue, dans son admiration, interroge ainsi mon serviteur Isaïe, sur les fils de la nouvelle épouse : Quels sont ceux qui, volent comme des nuées, et qui sont comme des colombes à leurs fenêtres ? Ce qui veut dire : Quels sont ceux qui, dans leur esprit, se séparant des concupiscences terrestres et charnelles, volent, avec un parfait désir et une entière dévotion, vers les éternelles ; et, avec la simplicité de la colombe, sans aucune amertume du cœur, préservent les sens de leur corps ; et se munissent, par l’ardeur des bonnes œuvres, de la pierre inébranlable qui est le Fils unique de Dieu ? Ce sont ceux qui, pour l’amour des biens célestes, foulent aux pieds les royaumes terrestres. C’est pourquoi la Synagogue admire la nouvelle épouse, l’Eglise, qui ne se voit pas ornée des mêmes vertus qu’elle, mais environnée d’escortes angéliques, afin que le démon ne puisse ni la ruiner, ni la renverser ; tandis que la Synagogue, abandonnée par Dieu, gît dans le vice.

C’est pourquoi tu vois aussi cette (même) femme, noire de l’ombilic jusqu’aux pieds ; ce qui signifie, qu’elle fut souillée par la prévarication de la loi, et la transgression du testament de ses pères, à partir de sa pleine vigueur jusqu’à la consommation de sa durée ; parce qu’en bien des manières elle négligea les préceptes divins, et suivit la volupté de la chair.

Elle a les pieds tout sanglants, et autour, de ses pieds, brille une nuée resplendissante, parce que, à sa consommation, elle mit à mort le prophète des prophètes (le Christ) ; et elle-même déchue, s’écroula. Mais dans cette consommation, la lumière de la foi resplendissante et pure surgit dans l’esprit des croyants, parce qu’au moment de la chute de la Synagogue, l’Eglise se leva, lorsque la doctrine apostolique, après la mort du Fils de Dieu, se répandit par toute la terre. - Mais cette image est privée d’yeux, et tient ses mains sous ses aisselles ; parce que la Synagogue ne vit pas la vraie lumière, lorsque elle méprisa le Fils de Dieu.

Aussi, elle dissimula l’œuvre de justice, dans le dégoût et la torpeur de l’œuvre bonne, qui ne venait pas d’elle ; et elle les déguisa négligemment, comme sans valeur.

Elle se tient près de l’autel qui est devant le trône de Dieu, mais ne le touche pas, parce qu’en vérité, elle connut, dans son écorce, la loi de Dieu qu’elle reçut par le précepte divin et par la visite de Dieu ; mais elle ne la toucha pas intérieurement, parce qu’elle la détesta plus qu’elle ne l’aima, en négligeant d’offrir à Dieu les sacrifices et l’encens des divines oraisons.

Mais, dans le cœur de cette femme se trouve Abraham, parce qu’il fut, lui-même, dans la Synagogue, les prémices de la circoncision ; et dans sa poitrine Moïse, parce que celui-ci grava dans les entrailles des hommes la loi divine ; et dans son ventre les autres prophètes, c’est-à-dire, dans l’institution qui lui avait été donnée divinement, les inspecteurs des préceptes divins : chacun montrant ses signes, et admirant la beauté de la nouvelle épouse ; parce que ces prophètes manifestèrent par d’éclatantes merveilles la grandeur de leur prophétie, et contemplèrent avec admiration la splendeur de la noblesse de l’Eglise. Elle apparaît si majestueuse, qu’elle est comparable à la haute tour d’une cité ; parce que recevant la beauté des préceptes divins, elle munit et fortifia la noble cité des élus. Elle a sur sa tête comme une auréole semblable à l’aurore, parce que l’Eglise, dans sa naissance, manifesta le miracle de l’incarnation du Fils de Dieu, ainsi que les vertus éclatantes, et les mystères qui en découlent ; car elle fut couronnée comme d’une aurore matinale, lorsque elle reçut les préceptes divins ; pour signifier Adam, qui reçut d’abord le précepte de Dieu, mais dans la suite, par sa transgression, se précipita dans la mort. Les juifs agirent pareillement, en acceptant d’abord la loi divine ; mais ensuite, ils abandonnèrent le Fils de Dieu dans leur incrédulité. Or, de même que l’homme, par la mort du fils unique de Dieu, dans une ère nouvelle, fut arraché à la perdition de la mort ; ainsi la Synagogue, avant le dernier jour, attirée par la divine clémence, abandonnera l’incrédulité et parviendra véritablement à la connaissance de Dieu. Que signifie cela ?

L’aurore ne fait-elle pas son apparition avant le soleil ? Mais l’aurore s’évanouit, et la clarté du soleil demeure. Que veulent dire ces paroles ? - L’Ancien Testament n’est plus, et la vérité de l’Evangile demeure ; car ce que les anciens observaient charnellement dans les prescriptions légales, le peuple nouveau, dans le nouveau testament, l’accomplit spirituellement ; ce que ceux-là montrèrent dans la chair, ceux-ci l’accomplissent dans l’esprit. Car la circoncision n’a pas disparu, parce qu’elle est devenue le baptême : ceux-là étaient marqués dans un seul membre, ceux-ci dans tous leurs membres. Ce qui fait que les anciens préceptes n’ont pas péri, puisqu’ils ont été améliorés. Aussi, à la fin des temps, la Synagogue se convertira fidèlement à l’Eglise. Car, ô Synagogue, lorsquet u errais dans la multitude de tes iniquités, de telle sorte que tu te souillais avec Baal et les autres divinités semblables, délaissant les coutumes légales pour des moeurs honteuses, et gisant dénudée au milieu des péchés : j’ai fait ce que dit mon serviteur Ezéchiel : j’ai étendu mon voile sur toi, et j’ai couvert ton ignominie ; et je te l’ai juré, et j’ai signé un pacte avec toi. Ce qui veut dire : Moi, Fils du Très Haut, selon la volonté de mon Père, j’ai étendu sur toi, ô Synagogue, mon incarnation, pour ton salut, afin d’effacer les péchés que tu as commis dans la multitude de tes oublis, et je t’ai assuré le remède de la rédemption en manifestant, pour ton salut, les voies que j’ai suivies dans la conclusion de mon pacte ; lorsque je t’ai découvert la vraie foi, par la doctrine apostolique ; afin que tu observes mes préceptes, comme la femme se soumet à la puissance de son mari. Car j’ai écarté de toi les aspérités de la loi extérieure, et je t’ai donné la suavité de la doctrine spirituelle, et je t’ai expliqué, par moi-même, tous mes mystères, au moyen des doctrines spirituelles ; mais tu m’as abandonné, moi le juste, pour te donner à Satan. Mais toi, ô homme, comprends : De même que la femme de Samson, l’a abandonné, de telle sorte qu’il a été privé de sa lumière ; ainsi la Synagogue a abandonné le Fils de Dieu, lorsque dans son obstination elle l’a méprisé, et qu’elle a délaissé sa doctrine. Mais quand les cheveux (de Samson) eurent repoussé, c’est-à-dire lorsque l’Eglise de Dieu, se fut fortifiée, le Fils de Dieu, par sa vertu, renversa la Synagogue, et déshérita ses fils, quand ils furent écrasés sous la colère de Dieu, par les gentils eux-mêmes qui ignoraient Dieu ; car elle s’était soumise elle-même, à toutes les erreurs de la confusion et du schisme ; et elle s’était souillée dans les prévarications de toutes sortes d’iniquités. Mais de même que David répudia enfin la femme, qu’il avait épousée en premières noces, et qui avait péché avec un autre homme, de même le Fils de Dieu répudia la Synagogue qui lui fut d’abord unie dans son incarnation, mais qui, abandonnant la grâce du baptême, suivit le démon. Cependant vers la fin des temps il la recevra, dès qu’elle-même, répudiant les erreurs de son infidélité, reviendra à la lumière de la vérité. Car le démon a pris la Synagogue dans son aveuglement, et l’a livrée à toutes les erreurs de l’infidélité ; et il ne cessera de le faire, jusqu’à la venue du fils de perdition, qui tombera dans l’exaltation de son orgueil, comme Saül périt sur le mont Gelboe, après avoir chassé David de sa terre. - Ainsi le fils de l’iniquité s’efforcera de chasser mon Fils du milieu de ses élus ; et mon Fils ayant repoussé l’Antechrist, ramènera la Synagogue à la véritable foi ; comme David reprit sa première épouse après la mort de Saül

Car lorsque à la fin des temps les hommes verront vaincu celui qui les avait trompés, ils reviendront en grande diligence à la voie du salut. Il ne convenait pas, en effet, que la vérité de l’Evangile annonçât l’ombre de la loi, parce qu’il sied que les choses charnelles précèdent, et que les spirituelles suivent ; parce que le serviteur prédit la venue de son maître, et non le Seigneur celle de son serviteur. Ainsi la Synagogue précède dans l’ombre de la figure, et l’Eglise suit dans la lumière de la vérité. C’est pourquoi quiconque possède la science du St-Esprit et les ailes de la foi, ne transgresse pas mon avertissement, mais il le reçoit pour en faire les délices de son âme.

VISION SIXIEME
LE CIEL

Ensuite je vis dans les hauteurs des mystères célestes deux armées d’esprits d’en-haut, resplendissant d’une clarté admirable et qui dans la première légion avaient comme des ailes sur leurs poitrines ; leurs faces étaient semblables à celles des hommes, et leur visage humain apparaissait comme à travers une eau pure. Et ceux qui étaient dans l’autre légion, avaient aussi comme des ailes sur leurs poitrines ; et leurs faces étaient comme celles des hommes, et dans elles l’image du Fils de l’homme resplendissait comme dans un miroir. Mais dans les uns comme dans les autres, je ne pus discerner une autre forme. Ces légions environnaient cinq autres légions, et formaient autour d’elles comme une couronne. Et ceux qui étaient dans la première de ces cinq légions, avaient comme des apparences d’hommes, resplendissantes de clarté, des épaules jusqu’en bas. Ceux qui étaient dans la seconde (légion) étaient si éblouissantes de lumière, que je ne pouvais les regarder. Ceux qui étaient dans la troisième apparurent comme de marbre blanc, et leurs têtes étaient semblables à celles des hommes, desquelles émanaient des rayons ardents ; et, des épaules en bas, ils étaient environnés comme d’une épaisse nuée. Ceux qui étaient dans la quatrième légion, avaient la face humaine et des pieds d’hommes ; ils portaient sur leurs têtes des casques, et étaient revêtus de tuniques de marbre. Ceux enfin qui étaient dans la cinquième légion, ne montraient en soi aucune forme humaine ; mais étaient empourprés comme l’aurore. Et je ne voyais en eux aucune-autre forme. Et ces légions formaient comme une couronne, autour des deux autres légions. Ceux qui étaient dans la première de ces deux légions apparaissaient tout remplis d’yeux et d’ailes, et dans chaque œil était un miroir ; et dans chaque miroir une face d’homme ; et ils élevaient leurs ailes à une suprême hauteur. Et ceux qui étaient dans la seconde légion brùlaient comme le feu ; et ils avaient une multitude d’ailes, où, comme dans un miroir, on voyait tous les ordres illustres de l’institution ecclésiastique. Mais je ne vis, ni dans les uns, ni dans les autres, aucune autre forme. Et toutes ces légions faisaient retentir, de leurs voix merveilleuses en de multiples harmonies, les louanges de celui qui opère des merveilles dans les âmes bienheureuses ; et elles glorifiaient Dieu magnifiquement.

Et j’entendis une voix du ciel qui me disait : Le Dieu tout-puissant et ineffable, qui fut avant les siècles, qui n’eut pas de commencement et ne cesse d’exister après la fin des siècles, a établi et disposé par sa volonté toute créature, d’une manière admirable. Comment ? - Il a placé les unes sur la terre, les autres dans le ciel. Il a établi les bienheureux esprits pour le salut des hommes et l’honneur de son nom. Comment ? - En effet, il a placé les uns, pour subvenir aux nécessités des hommes ; les autres pour manifester, par eux, aux hommes, les jugements de ses décrets. C’est pourquoi, tu vois dans les hauteurs mystérieuses du ciel, deux légions d’esprits supérieurs resplendissant d’un merveilleux éclat ; parce que, comme il t’est montré, dans ces hauteurs mystérieuses que le regard charnel ne pénètre pas, mais que la vue de l’homme intérieur atteint, ces deux légions indiquent que le corps et l’âme de l’homme doivent se vouer au service de Dieu ; puisqu’eux-mêmes, avec les citoyens célestes, sont faits pour jouir de la vision béatifique.

Et ceux qui sont dans la première légion ont comme des ailes sur leurs poitrines ; et montrent des faces pareilles à celles des hommes, dans lesquelles les visages humains apparaissent comme à travers l’eau pure : ces anges sont les désirs qui proviennent de la profondeur de son intelligence. Ils étendent comme des ailes ; non qu’ils aient des ailes comme les oiseaux, mais parce qu’ils accomplissent rapidement, dans leurs désirs, la volonté de Dieu ; comme l’homme, dans ses pensées, vole rapidement. Ils manifestent en soi, et par leurs physionomies, la beauté de la raison, où Dieu scrute attentivement les œuvres des hommes ; parce que, comme le serviteur qui entend les paroles de son maître, les accomplit selon sa volonté ; ainsi ces anges, considèrent la volonté de Dieu dans les hommes ; et lui montrent en eux-mêmes leurs actes. Ceux qui sont dans l’autre légion, ont aussi comme des ailes sur leurs poitrines, et montrent des faces semblables à celles des hommes, dans lesquelles l’image du Fils de l’homme resplendit, comme dans un miroir : Ce sont les archanges qui contemplent la volonté de Dieu, dans les désirs de leur intelligence, et manifestent en eux la beauté de la raison : ils louent d’une manière très pure le Verbe incarné, parce que connaissant les secrets divins, ils ont annoncé fréquemment, par avance, les mystères de l’incarnation du Fils de Dieu. Mais dans les uns comme dans les autres, tu ne peux distinguer une autre forme, parce que dans les anges comme dans les archanges, il y a beaucoup de mystères cachés, que l’intelligence humaine embarrassée d’un corps mortel, ne peut saisir.

Mais que ces légions forment une couronne autour de cinq autres légions : cela signifie que le corps et l’âme de l’homme enserrent, dans le réseau de leurs facultés, les cinq sens de l’homme purifiés par les cinq blessures de mon Fils ; et qu’ils doivent concentrer tous leurs efforts, vers l’accomplissement des préceptes qui concernent la conduite intérieure. C’est pourquoi, ceux qui sont dans la première légion ont comme la face humaine ; et sont resplendissants d’une grande lumière, des épaules jusqu’en bas : ce sont les vertus qui s’élèvent dans les cœurs des croyants ; et, par leur ardente charité, construisent en eux une haute tour, au moyen des bonnes œuvres ; de telle sorte que, par leur raison, elles accomplissent les œuvres des élus ; et par leur force de (persuasion), elles les conduisent à une fin heureuse, en vertu de l’éclat de leur béatitude.

Comment ? Lorsque les élus, possédant la clarté du sens intérieur, renoncent à leur nature corrompue, à cause de cette illumination qui, par un effet de ma volonté, les éclaire sur la splendeur de ces Vertus ; et combattent vigoureusement contre les embûches diaboliques ; les combats qu’ils livrent ainsi contre l’armée diabolique, ces Vertus me les montrent sans cesse, à moi leur créateur.

Car les hommes livrent en eux les combats de la foi et de l’incrédulité. Comment ? Parce que l’un me confesse, et l’autre me renie. Mais dans ce combat une question se pose. Est-il un Dieu oui ou non ? Alors, à cette interrogation, la réponse du Saint-Esprit est dans l’homme : Il est un Dieu qui t’a créé et racheté. Et tant qu’à cette interrogation une telle réponse se trouve dans l’homme, la vertu de Dieu ne lui fait pas défaut ; parce qu’à cette question et à cette reponse se joint la pénitence. Mais quand cette question ne se pose pas à l’homme, la réponse du St-Esprit n’intervient pas ; parce que cet homme a repoussé le don de Dieu, et sans songer à la pénitence il se précipite lui-même dans la mort. Mais les Vertus offrent à Dieu les combats de ces guerres, parce qu’elles sont devant Dieu le signe qui montre avec quelle intention Dieu est adoré ou renié.

Mais ceux qui sont de la seconde légion resplendissent d’une telle clarté, que tu ne peux les regarder : Ce sont les Puissances : parce que nulle débilité mortelle ne peut comprendre la sérénité et la beauté de la puissance de Dieu, ni se faire semblable à elle ; parce que la puissance de Dieu est indéfinissable.

Mais ceux qui sont dans la troisième légion apparaissent comme de marbre blanc, et ont une tête humaine d’où partent des rayons ardents ; et, depuis les épaules jusqu’en bas, ils sont environnés comme d’une nuée de fer : Ce sont les Principautés : elles signifient que ceux qui, par la grâce de Dieu, sont les princes des hommes dans le siècle, doivent revêtir l’armure forte de la justice, pour ne pas tomber à cause de leur instabilité ; ils doivent regarder leur chef, qui est le Christ Fils de Dieu, et régler leur domination pour le bien des hommes, selon sa volonté ; attirant sur eux, dans leur amour de la vérité, la grâce du St-Esprit ; de telle sorte que, par la force de l’équité, ils persévèrent fermes et stables jusqu’à leur dernier jour.

Ceux qui dans la quatrième légion, avec la face humaine et les pieds semblables à ceux des hommes, portent des casques sur leurs têtes, et sont revêtus de tuniques de marbre s’appellent les Dominations : pour montrer que celui qui est le Seigneur de toutes choses, a relevé de la terre jusqu’au ciel la raison humaine, qui gisait souillée dans la poussière humaine, en donnant à la terre son Fils, qui écrasa par sa justice l’antique séducteur ; de telle sorte que les fidèles imitent scrupuleusement celui qui est leur chef, plaçant tout leur espoir dans les choses célestes, et se fortifiant dans le désir fécond des bonnes œuvres.

Mais ceux qui, dans la cinquième légion, empourprés comme l’aurore, n’ont aucune forme humaine, sont les Trônes signifient que la divinité s’abaissa jusqu’à l’humanité, lorsque le fils unique de Dieu revêtit la nature humaine pour le salut des hommes, lui qui n’eut en lui aucune contagion des péchés des hommes ; parce que, conçu du Saint-Esprit, il reçut dans une aurore, c’est-à-dire dans le sein de la bienheureuse Vierge, une chair exempte de toute souillure du péché. Mais tu ne vois en eux aucune autre forme, parce qu’ils contiennent plusieurs mystères des secrets d’en-haut, que la fragilité humaine ne peut concevoir. Que ces légions en entourent deux autres comme une couronne : cela signifie que les fidèles qui dirigent leurs cinq sens vers l’accomplissement des œuvres d’en-haut, sachant qu’ils ont été rachetés par les cinq blessures du Fils de Dieu, parviennent par tout l’effort et toute la recherche de leur esprit, à la dilection de Dieu et de leur prochain, lorsqu’ils dédaignent la volupté de leur cœur (charnel), et qu’ils placent tout leur espoir dans les choses éternelles.

C’est pourquoi ceux qui sont dans la première de ces deux légions, paraissent remplis d’yeux et d’ailes ; et dans chaque œil apparaît un miroir ; et dans chaque miroir, une face humaine ; et ils élèvent leurs ailes à une merveilleuse hauteur : Ce sont les chérubins qui signifient la science de Dieu, dans laquelle eux-mêmes, voyant les mystères des secrets d’en haut, satisfont leurs désirs selon la volonté de Dieu ; de telle sorte que doués d’une très claire pénétration de la profondeur de la science, ils prévoient merveilleusement dans elle, ceux qui, connaissant le vrai Dieu, dirigent l’intention des désirs de leurs cœurs vers celui qui est au-dessus de tous, soulevés qu’ils sont justement et heureusement comme avec des ailes, préférant les choses éternelles aux biens éphémères ; comme ils le montrent par l’élévation de leurs désirs.

Mais ceux qui sont dans la deuxième légion brûlent comme le feu ; et ayant de nombreuses ailes, montrent dans ces mêmes ailes, comme dans un miroir, tous les ordres insignes de l’institution ecclésiastique. Ce sont les séraphins qui montrent que, de même qu’ils sont embrasés de l’amour de Dieu, dans la pleine satisfaction du désir de sa vision, ainsi pareillement dans leurs désirs, les dignités tant séculières que spirituelles, dont l’éclatante pureté se manifeste dans les mystères ecclésiastiques, indiquent que, comme les secrets divins apparaissent merveilleusement en elles : tous ceux qui, aimant avec la sincérité d’un cœur pur, cherchent la vie d’en haut, doivent se passionner pour Dieu, et s’attacher à lui de tous leurs désirs ; afin de parvenir à la joie de ceux qu’ils imitent si fidèlement. Que tu ne voies pas une autre forme ni dans les uns ni dans les autres : cela signifie qu’il y a beaucoup de choses mystérieuses dans les esprits bienheureux, qui ne doivent pas être manifestées à l’homme ; parce que, pendant sa vie mortelle, il ne peut discerner parfaitement les choses célestes.

Mais toutes ces légions, comme tu l’entends, dans tous les genres de modulations et d’harmonies merveilleuses, chantent les miracles que Dieu opère dans les âmes bienheureuses, et pour lesquels elles glorifient Dieu magnifiquement ; parce que les bienheureux esprits, font retentir dans les sphères célestes, par la vertu de Dieu, en des sons inénarrables, de grandes louanges pour exalter les prodiges que Dieu accomplit dans ses saints, pour lesquels eux-mêmes magnifient Dieu glorieusement, dès qu’ils le recherchent, dans les profondeurs de la sainteté ; se réjouissant dans la Joie du salut, comme David mon serviteur, qui voyait les secrets d’en haut, en rend témoignage lorsqu’il dit : La voix de l’allégresse et du salut dans les tabernacles des justes. Ce qui veut dire : L’expression de la prospérité et de la joie de celui qui méprise la chair et exalte l’esprit, sera connue comme une marque assurée de salut, dans les habitations de ceux qui repoussent l’injustice et accomplissent le devoir, lorsque, par la suggestion du démon, pouvant faire le mal, ils font le bien, en suivant l’inspiration divine. Que signifie cela ? L’homme souvent montre une joie indécente, lorsqu’il a accompli le péché qu’il désirait indignement. Mais ce n’est pas là qu’il trouve son salut, puisqu’il a fait ce qui était contraire à la loi divine. Celui-là possédera l’allégresse véritable et le vrai bonheur du salut, qui accomplira courageusement le bien désiré avec ardeur ; aimant, pendant qu’il habite en son corps, la demeure de ceux qui, pour courir dans la voie du salut, se détournent de l’erreur et du mensonge. C’est pourquoi, que celui qui possède la science du St-Esprit et les ailes de la foi, ne méprise pas mon avis, mais le reçoive pour en faire les délices de son âme.

Ainsi soit-il.

LIVRE SECOND : L’IMMACULEE CONCEPTION

LE CACHET
LE PERE, LE SAINT-ESPRIT, JESUS-CHRIST
L’IMMACULEE CONCEPTION
LA TOUR DE DAVID, LA TOUR D’IVOIRE
LE DIVIN ENFANTEMENT
LA PRIERE SUSCIPE DU CANON DE LA MESSE
L’ANTECHRIST

LIVRE TROISIEME : LE TEMPLE DE JERUSALEM

L’ETOILE
LE TEMPLE DE JERUSALEM
L’EGLISE DU DERNIER AGE
LA COLONNE DU VERBE
LA COLERE DE L’AGNEAU
L’HISTOIRE
LA COLONNE DE L’ADORABLE TRINITE CONTRE LES HERERIES DES PREMIERS SIECLES
LA COLONNE DE JESUS-CHRIST
LE GRAND PONTIFE
10° LA PHILOSOPHIE, LE RETOUR DES JUIFS
11° LA COUPOLE PENCHEE
12° LA DERNIER CONSOMMATION
13° EPIPHONEME

Illustrations version Eibingen

Illustrations version Heidelberg




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Œuvre sur Arbre d’Or Œuvre sur Livres Mystiques

Version: 2.0
Maj : 07/10/2024