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Θεογονία (Theogonía)


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
Hésiode-VIIILittérature (poés.)GrèceReligion

► Ces poèmes hexamètres en 1022 vers présentent une cosmogonie, proche des cosmogonies moyen-orientales (on pense au Chant de Kumarbi hittite et à l'Enūma eliš babylonien), qui voit se dérouler différentes théomachies jusqu’à aboutir à une succincte héroogonie. L’œuvre, qui semble se terminer avant terme, s’inspire de plusieurs sources : des écrits homériques, des hymnes, des ἱεροὶ λόγοι (contes sacrés), et vraisemblablement de cosmogonies et théogonies plus anciennes qui existaient sans doute également sous forme généalogiques. Le texte, fort de ses trois cents dieux énumérés et mis en relation, est une source fondamentale du polythéisme grec et constitue une des sources principale de notre connaissance des mythes grecs archaïques.

◆ Six mythes interrompent l’énumération généalogique des dieux : la naissance d’Aphrodite (vers 188-206), l’épisode du Styx (383-403), l’hymne à Hécate (411-452), la naissance de Zeus (459-506), le mythe de Prométhée (521-616), et enfin la Titanomachie (617-885).

■ Plus fractionnée, nous avons utilisé la mise en forme, de De Lisle comme étalon.


Texte et traduction : du grec ancien au français moderne, Leconte de Lisle in Hésiode. Hymnes orphiques…, 1869. | bs. Bibliothèque Nationale de France (Paris, France). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

Texte et traduction : du grec ancien au français moderne, Henri Patin in Poètes moralistes de la Grèce, 1892. | bs. Bibliothèque Nationale de France (Paris, France). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

Texte et traduction : du grec ancien au français moderne, Anne Bignan in Les Petits poèmes grecs, 1838. | bs. Bibliothèque Nationale de France (Paris, France). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

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Traduction 1 : Leconte de Lisle

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Traduction 2 : Henri Patin

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Traduction 3 : Anne Bignan

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Avant tout chantons les Muses Hélikoniades qui du Hélikôn habitent la grande et sainte montagne, et, de leurs pieds légers, autour de la Fontaine violette et de l’autel du très-puissant Kroniôn, bondissent ; et qui, dans le Permessos ayant lavé leur corps délicat, ou dans la Hippoukrènè, ou dans l’Olmios sacré, au faîte du Hélikôn mènent les danses belles et désirables, et agitent les pieds avec force. Commençons notre chant par les Muses, habitantes du haut et divin Hélicon, qui, près d’une noire fontaine, devant l’autel du puissant fils de Cronos, mènent des danses légères ; qui, après avoir baigné leur beau corps dans les eaux du Permesse, de l’Hippocrène, du divin Olmeios, couronnent de chœurs gracieux, ravissants, les sommets de la montagne sacrée et les foulent sous leurs pieds agiles. Commençons par invoquer les Muses de l’Hélicon, les Muses qui, habitant cette grande et céleste montagne, dansent d’un pas léger autour de la noire fontaine et de l’autel du puissant fils de Saturne, et baignant leurs membres délicats dans les ondes du Permesse, de l’Hippocrène et du divin Olmius, forment sur la plus haute cime de l’Hélicon des chœurs admirables et gracieux. Lorsque le sol a frémi sous leurs pieds bondissans,

De là, se précipitant, enveloppées d’un air épais, elles vont dans la nuit, élevant leur belle voix et louent Zeus tempêtueux et la vénérable Hèrè, l’Argienne, qui marche avec des sandales dorées, et la fille de Zeus tempêtueux, Athènè aux yeux clairs, et Phoibos Apollôn, et Artémis joyeuse de ses flèches, et Poseidaôn qui contient la terre et qui la secoue, et Thémis la vénérable, et Aphroditè aux paupières arrondies, et Hèbè ornée d’une couronne d’or, et la belle Diônè, et Éôs, et le grand Hèlios, et la luisante Sélènè, et Lètô, et Iapétos, et le subtil Kronos, et Gaia, et le grand Okéanos, et la noire Nyx, et la race sacrée des autres Immortels qui vivent toujours. C’est de là qu’elles descendent, lorsque, la nuit, dans un nuage, elles s’en vont parcourir la terre, faisant retentir au loin leur voix harmonieuse. Elles chantent Zeus qui s’arme de l’égide, Héra qui règne dans Argos et marche sur une chaussure dorée, la fille du roi des dieux, Athéné aux yeux d’azur, Apollon et sa sœur la chasseresse Arthémis, Poséidon, ce dieu dont les eaux embrassent la terre, dont le sceptre l’ébranle, la vénérable Thémis, Aphrodite aux doux regards, Hébé à la couronne d’or, la belle Dioné, l’Aurore, le grand Hélios, la brillante Séléné, et Latone, et Japet, et Cronos aux rusés conseils, la Terre, le vaste Océan, la Nuit obscure, la race des autres dieux immortels. dans leur pieuse ardeur, enveloppées d’un épais nuage, elles se promènent durant la nuit et font entendre leur belle voix en célébrant Jupiter armé de l’égide, l’auguste Junon d’Argos, qui marche avec des brodequins d’or, la fille de Jupiter, Minerve aux yeux bleus, Phébus-Apollon, Diane chasseresse, Neptune, qui entoure et ébranle la terre, la vénérable Thémis, Vénus à la paupière noire, Hébé à la couronne d’or, la belle Dioné, l’Aurore, le grand Soleil, la Lune splendide, Latone, Japet, l’astucieux Saturne, la Terre, le vaste Océan et la Nuit ténébreuse, enfin la race sacrée de tous les autres dieux immortels.

Autrefois, à Hésiodos elles enseignèrent un beau chant, tandis que, sous le Hélikôn sacré, il paissait ses agneaux. Et d’abord, elles me parlèrent ainsi, ces Déesses, les Muses Olympiades, filles de Zeus tempêtueux : Elles-mêmes elles enseignèrent leurs beaux chants à Hésiode, tandis qu’il paissait son troupeau au pied du divin Hélicon ; et voici comme me parlèrent ces déesses de l’Olympe, ces filles de Jupiter : Jadis elles enseignèrent à Hésiode d’harmonieux accords, tandis qu’il faisait paître ses agneaux aux pieds du céleste Hélicon. Ces Muses de l’Olympe, ces filles de Jupiter, maître de l’égide, m’adressèrent ce langage pour la première fois :

— Pasteurs, qui dormez en plein air, race vile, qui n’êtes que des ventres, nous savons dire des mensonges nombreux semblables aux choses vraies, mais nous savons aussi, quand il nous plaît, dire la vérité. « Pasteurs qui dormez dans les champs, race grossière et brutale, nous savons ces histoires mensongères qui ressemblent à la vérité ; nous pouvons aussi quand il nous plaît, en raconter de véritables. » « Vils pasteurs, opprobre des campagnes, vous qui ne vivez que pour l’intempérance, nous savons inventer beaucoup de mensonges semblables à la vérité ; mais nous savons aussi dire ce qui est vrai, quand tel est notre désir. »

Ainsi parlèrent les Filles véridiques du grand Zeus, et elles me donnèrent un sceptre, un rameau de vert laurier admirable à cueillir ; et elles m’inspirèrent une voix divine, afin que je pusse dire les choses passées et futures ; et elles m’ordonnèrent de chanter la race des heureux Immortels, mais, elles-mêmes, de toujours les chanter au commencement et à la fin. Mais pourquoi rester autour du chêne et du rocher ? Ainsi dirent les filles éloquentes du grand Zeus, et elles placèrent dans mes mains un sceptre merveilleux, un verdoyant rameau d’olivier ; elles me soufflèrent une voix divine, pour annoncer ce qui doit être et ce qui fut ; elles m’ordonnèrent de célébrer la race des immortels, les bienheureux habitants du ciel, elles surtout, dont la louange devait toujours ouvrir et terminer mes chants. Mais c’est assez discourir, comme l’on dit, sur le chêne et sur la pierre. Ainsi parlèrent les éloquentes filles du grand Jupiter, et elles me remirent pour sceptre un rameau de vert laurier superbe à cueillir ; puis, m’inspirant un divin langage pour me faire chanter le passé et l’avenir, elles m’ordonnèrent de célébrer l’origine des bienheureux immortels et de les choisir toujours elles-mêmes pour objet de mes premiers et de mes derniers chants. Mais pourquoi m’arrêter ainsi autour du chêne ou du rocher ?

Commençons par les Muses qui, du Père Zeus, en chantant, réjouissent la grande âme dans l’Olympos, et rappellent les choses passées, présentes et futures. Commençons donc par les Muses, qui, dans l’Olympe, charment la sublime intelligence de leur père, lorsqu’unissant leurs voix, elles disent et le présent, et l’avenir, et le passé. Célébrons d’abord les Muses qui, dans l’Olympe, charment la grande âme de Jupiter et marient leurs accords en chantant les choses passées, présentes et futures.

Elles chantent ensemble, et leur voix infatigable coule, suave, de leur bouche. Et elles rient, les demeures du Père Zeus tonnant, à la voix de lys et sonore des Déesses. Et il résonne, le faîte du neigeux Olympos, demeure des Immortels. De leurs lèvres coulent avec une douceur infinie d’inépuisables chants : ils réjouissent le palais de Zeus, le maître de la foudre, où ils se répandent en accents harmonieux, et ils résonnent sur les sommets neigeux de l’Olympe, demeure des immortels. Leur voix infatigable coule de leur bouche en doux accens, et cette harmonie enchanteresse, au loin répandue, fait sourire le palais de leur père qui lance la foudre. On entend résonner la cime de l’Olympe neigeux, demeure des immortels.

Élevant leur voix sacrée, elles célèbrent d’abord la race des Dieux vénérables que, dès l’origine, Gaia et le large Ouranos engendrèrent ; car de ceux-ci sont nés les Dieux, source des biens. Cependant leur bouche céleste s’ouvre pour chanter et cette famille divine que Géa (la terre), et le vaste Ouranos (le ciel), engendrèrent, et les enfants qui en naquirent, les dieux auteurs de tous biens : D’abord, épanchant leur voix divine, elles rappellent l’auguste origine des dieux engendrés par la Terre et par le vaste Uranus, et chantent leurs célestes enfans, auteurs de tous les biens.

Puis, de nouveau, par Zeus, père des Dieux et des hommes, les Déesses commencent et finissent leur chant, disant qu’il est le plus fort des Dieux et le plus puissant. Enfin, la race des hommes et des Géants robustes, elles la chantent, et elles réjouissent l’âme de Zeus dans l’Olympos, les Muses Olympiades, filles de Zeus tempétueux. elles chantent Zeus, le père des dieux et des hommes, commençant, finissant par ses louanges, célébrant en lui le plus fort, le plus puissant des dieux ; elles chantent la race des humains et celle des redoutables géants. Ensuite, célébrant Jupiter, ce père des dieux et des hommes, elles commencent et finissent par lui tous leurs hymnes et redisent combien il l’emporte sur les autres divinités par sa force et par sa puissance. Enfin, quand elles louent la race des mortels et des géans vigoureux, elles réjouissent dans le ciel l’âme de Jupiter, ces Muses de l’Olympe, filles du dieu qui porte l’égide.

Elle les enfanta dans la Piériè, s’étant unie au Père Kronide, Mnèmosynè, qui commandait aux collines d’Eleuthèr, pour être l’oubli des maux et la fin des peines. Pendant neuf nuits, uni à Mnèmosynè, le sage Zeus, loin des Immortels, monta sur le lit sacré ; mais, après une année, et le déroulement du cours des mois, et le passage de jours nombreux, elle enfanta neuf filles unanimes à qui la musique plaisait, et qui, dans leur sein, avaient un cœur tranquille. Et ce fut près du faîte du neigeux Olympos où se forment leurs Chœurs splendides et où sont leurs belles demeures. Auprès d’elles, dans les festins, se tiennent les Kharites et Iméros. Exhalant de leur bouche une voix aimable, elles chantent. Et les lois universelles et les coutumes vénérables des Immortels, elles les célèbrent d’une voix aimable. Ainsi charment dans l’Olympe le cœur de Zeus ces divinités de l’Olympe que Zeus fit naître, que dans la Piérie lui donna Mnémosyne, souveraine des coteaux fertiles d’Eleuthère, ces filles de la déesse de mémoire, qui font oublier les maux et calment la douleur. Zeus, durant neuf nuits, avait visité leur mère, montant, loin du regard des immortels, dans sa couche sacrée ; et, quand l’année s’approcha de son terme, que les mois furent accomplis, que les jours marqués arrivèrent, elle mit au jour neuf vierges, qu’un même esprit anime, le cœur libre de soucis, sans autre soin que de chanter. Ce fut non loin de la dernière cime et des neiges de l’Olympe, où sont les brillants palais, théâtre de leurs jeux, où près d’elles ont leur demeure les Grâces et le Désir. Là, dans la joie des festins, leur "voix ravissante chante les lois de l’univers et la vie divine des immortels. Dans la Piérie, Mnémosyne, qui régnait sur les collines d’Éleuthère, unie au fils de Saturne, mit au jour ces vierges qui procurent l’oubli des maux et la fin des douleurs. Durant neuf nuits, le prudent Jupiter, montant sur son lit sacré, coucha près de Mnémosyne, loin de tous les immortels. Après une année, les saisons et les mois ayant accompli leur cours et des jours nombreux étant révolus, Mnémosyne enfanta neuf filles animées du même esprit, sensibles au charme de la musique et portant dans leur poitrine un cœur exempt d’inquiétude ; elle les enfanta près du sommet élevé de ce neigeux Olympe où elles forment des chœurs brillans et possèdent des demeures magnifiques ; à leurs côtés se tiennent les Grâces et le Désir dans les festins, où leur bouche, épanchant une aimable harmonie, chante les lois de l’univers et les fonctions respectables des dieux.

Et elles montèrent dans l’Olympos, fières de leur belle voix et de leur chant ambroisien. Et de toutes parts retentissait la terre noire aux sons de leurs hymnes. Et, sous leurs pieds, un bruit charmant s’élevait, tandis qu’elles allaient vers leur Père qui règne dans l’Ouranos et qui porte le tonnerre et la foudre ardente, et qui, ayant dompté son père Kronos, ordonne avec équité de tous les Immortels et leur dispense les honneurs. De ces lieux elles montent vers le sommet de l’Olympe avec leurs accents mélodieux, leurs célestes chansons. Tout à l’entour, les échos de la noire terre les répètent, et sous leurs pas cadencés naît une aimable harmonie, tandis qu’elles s’avancent vers leur père. Au haut du ciel règne ce dieu, qui, maître du tonnerre et de la foudre étincelante, vainqueur de son père Cronos, régla souverainement les rangs et les honneurs des immortels. Fières de leurs belles voix et de leurs divins concerts, elles montèrent dans l’Olympe : la terre noire retentissait de leurs accords, et sous leurs pieds s’élevait un bruit ravissant tandis qu’elles marchaient vers l’auteur de leurs jours, ce roi du ciel, ce maître du tonnerre et de la brûlante foudre, qui, puissant vainqueur de son père Saturne, distribua équitablement à tous les dieux les emplois et les honneurs.

Voilà ce que chantaient les Muses qui ont des demeures Olympiennes, les neuf filles engendrées par le grand Zeus : Kléiô, et Euterpè, et Thaléia, et Melpomènè, et Terpsikhorè, et Ératô, et Polymnia, et Ouraniè, et Kalliopè qui excelle entre toutes les autres, car elle accompagne les Rois vénérables. Voilà ce que chantent les Muses, habitantes des palais de l’Olympe, les neuf filles du grand Zeus, Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène, Terpsichore, Érato, Polymnie, Uranie, Calliope, la première entre ses sœurs, car elle habite avec les rois. Voilà ce que chantaient les Muses habitantes de l’Olympe, les neuf filles du grand Jupiter, Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène, Terpsichore, Érato, Polymnie, Uranie et Calliope, la plus puissante de toutes, car elle sert de compagne aux rois vénérables.

Quand les filles du grand Zeus veulent honorer un d’entre eux, dès qu’elles voient un de ces Rois nourris par Zeus venir au jour, elles mettent sur sa langue une douce harmonie, et les paroles coulent suaves de sa bouche, et les peuples le regardent tous, quand il dispense la justice par d’équitables jugements, et que, parlant avec adresse, il apaise tout à coup une grande dissension. Si, parmi ces nourrissons de Zeus, il en est un que les déesses ses filles protègent, et qu’elles aient regardé à sa naissance d’un œil favorable, elles répandent sur sa langue une douce rosée ; de sa bouche les paroles coulent comme le miel ; les peuples le contemplent, lorsqu’il juge les différents et prononce ses équitables arrêts ; il parle avec autorité, et devant ses discours tombent aussitôt les plus vives discordes. Lorsque les filles du grand Jupiter veulent honorer un de ces rois, nourrissons des cieux, dès qu’elles l’ont vu naître, elles versent sur sa langue une molle rosée, et les paroles découlent de sa bouche douces comme le miel. Tous les peuples le voient dispenser la justice avec droiture lorsqu’il apaise tout à coup un violent débat par la sagesse et l’habileté de son langage,

Et, en effet, les Rois prudents, à leurs peuples, dans l’Agora, font rendre tous les biens qu’on leur a enlevés ; et ils le font aisément, à l’aide de persuasives paroles. Et si l’un d’eux marche par la ville, comme un Dieu, il apaise par sa douce majesté, et il brille au milieu de la foule. Tel est le don sacré des Muses aux hommes. Car c’est en cela que se montre la sagesse d’un roi, qu’aux peuples opprimés ses jugements rendus sur la place publique assurent de justes réparations, et que l’on cède facilement à ses persuasives paroles. Marche-t-il par la ville, on l’adore comme un dieu, avec respect et amour ; il parait le premier au milieu de la foule qui l’entoure. Tels sont pour les humains les célestes présents des Muses. car les rois sont doués de prudence afin que, sur la place publique, en proférant de pacifiques discours, ils fassent aisément restituer à leurs peuples tous les biens dont ils ont été insolemment dépouillés. Tandis que ce prince marche dans la ville, les citoyens, remplis d’un tendre respect, l’invoquent comme un dieu et il brille au milieu de la foule assemblée. Tel est le divin privilège que les Muses accordent aux mortels.

C’est aux Muses, c’est à l’Archer Apollôn que sont dus, sur la terre, les Aoides et les Kitharistes ; mais les Rois viennent de Zeus. Et il est heureux celui que les Muses aiment ! Une douce voix coule de sa bouche. Si quelqu’un, l’âme blessée d’une récente douleur, s’attriste, gémissant dans son cœur ; qu’un Aoide, nourri par les Muses, célèbre la gloire des anciens hommes et loue les Dieux heureux qui habitent l’Olympos, aussitôt il oublie ses maux, et de ses douleurs il ne se souvient plus, car les dons des Déesses l’ont guéri. Des Muses et d’Apollon viennent les poètes, les maîtres de la lyre ; de Zeus viennent les rois. Heureux le mortel aimé des Muses ! Une douce voix coule de sa bouche. Quand vous êtes dans le malheur, dans l’affliction, que votre cœur se sèche de [100] douleur, si un serviteur des Muses vient à chanter l’histoire des premiers humains et des bienheureux habitants de l’Olympe, vous oubliez vos chagrins, vous n’avez plus souvenir de vos maux, et soudain vous êtes changé par le divin bienfait de ces déesses. Les Muses et Apollon, qui lance au loin ses traits, font naître sur la terre les chantres et les musiciens ; mais les rois viennent de Jupiter. Heureux celui que les Muses chérissent ! un doux langage découle de ses lèvres. Si un mortel, l’âme déchirée par un récent malheur, s’afflige et se lamente, qu’un chantre, disciple des Muses, célèbre la gloire des premiers hommes et des bienheureux immortels habitans de l’Olympe, aussitôt l’infortuné oublie ses chagrins ; il ne se souvient plus du sujet de ses maux et les présens des vierges divines l’ont bientôt distrait de sa douleur.

Salut, filles de Zeus ! Donnez-moi votre chant qui ravit ! Célébrez la race sacrée des Immortels qui vivent toujours, et qui sont nés de Gaïa et d’Ouranos étoilé, et de la ténébreuse Nyx et de l’amer Pontos. Filles de Zeus, je vous invoque. Donnez-moi des chants dignes de plaire. Dites cette race divine et immortelle, qui naquit de la terre, du Ciel étoilé, de la Nuit obscure, ou sortit du sein de l’onde amère ; Salut, filles de Jupiter, donnez-moi votre voix ravissante. Chantez la race sacrée des immortels nés de la Terre et d’Uranus couronné d’étoiles, conçus par la Nuit ténébreuse ou nourris par l’amer Pontus.

Dites comment sont nés les Dieux et Gaia, et les Fleuves, et l’immense Pontos qui bout furieux, et les Astres resplendissants, et, au-dessus, le large Ouranos, et les Dieux, source des biens qui naquirent d’eux ; et comment, s’étant partagé les honneurs et les richesses dès l’origine, ils s’emparèrent de l’Olympos aux nombreux sommets. dites comment furent avant le reste et la terre, et les fleuves, et l’immense mer, dont les flots se gonflent et s’agitent, et les astres rayonnants et au delà le vaste ciel, et les enfants de ces dieux, les dieux auteurs de tous biens ; dites quelles possessions, quels honneurs ils obtinrent en partage, comment pour la première fois ils occupèrent l’Olympe aux sinueux replis ; Dites comment naquirent les dieux, et la terre, et les fleuves, et l’immense Pontus aux flots bouillonnans, et les astres étincelans, et le vaste ciel qui les domine ; apprenez-moi quelles divinités, auteurs de tous les biens, leur durent l’existence ; comment cette céleste race, se partageant les richesses, se distribuant les honneurs, s’établit pour la première fois dans l’Olympe aux nombreux sommets.

Dites-moi ces choses, Muses aux demeures Olympiennes, et quelles furent, au commencement, les premières d’entre elles. dites-moi toutes choses, ô Muses, dont l’Olympe est le séjour, et, les reprenant dès l’origine, enseignez-moi d’abord par où tout a commencé. Muses habitantes de l’Olympe, révélez-moi l’origine du monde et remontez jusqu’au premier de tous les êtres.

Avant toutes choses fut Khaos, et puis Gaia au large sein, siège toujours solide de tous les Immortels qui habitent les sommets du neigeux Olympos et le Tartaros sombre dans les profondeurs de la terre spacieuse, et puis Érôs, le plus beau d’entre les Dieux Immortels, qui rompt les forces, et qui de tous les Dieux et de tous les hommes dompte l’intelligence et la sagesse dans leur poitrine. Au commencement donc fut le Chaos, puis Géa au vaste sein, éternel et inébranlable soutien de toutes choses, puis, dans le fond des abîmes de la terre spacieuse, le ténébreux Tartare, puis enfin l’Amour, le plus beau des immortels, qui pénètre de sa douce langueur et les dieux et les hommes, qui dompte tous les cœurs, et triomphe des plus sages conseils. u commencement exista le Chaos, puis la Terre à la large poitrine, demeure toujours sûre de tous les immortels qui habitent le faîte de l’Olympe neigeux ; ensuite le sombre Tartare, placé sous les abîmes de la terre immense ; enfin l’Amour, le plus beau des dieux, l’Amour, qui amollit les âmes, et, s’emparant du cœur de toutes les divinités et de tous les hommes, triomphe de leur sage volonté.

Et de Khaos naquirent Érébos et la noire Nyx. Et, de Nyx, Aithèr et Hèmérè naquirent, car elle les conçut, s’étant unie d’amour à Érébos. Du Chaos et de l’Érèbe naquit la noire Nuit ; de la Nuit, l’Éther et le Jour, fruits de son union avec l’Erèbe. Du Chaos sortirent l’Erèbe et la Nuit obscure. L’Ether et le Jour naquirent de la Nuit, qui les conçut en s’unissant d’amour avec l’Erèbe.

Et, d’abord, Gaia enfanta son égal en grandeur, l’Ouranos étoilé, afin qu’il la couvrit tout entière et qu’il fût une demeure sûre pour les Dieux heureux. À son tour, Géa engendra d’abord, égal à elle-même en grandeur, Ouranos, qui devait la couvrir de toutes parts de sa voûte étoilée, et servir éternellement de séjour aux bienheureux immortels. La Terre enfanta d’abord Uranus couronné d’étoiles et le rendit son égal en grandeur afin qu’il la couvrît tout entière et qu’elle offrît aux bienheureux immortels une demeure toujours tranquille ;

Et puis, elle enfante les hautes montagnes, fraîches retraites des divines Nymphes qui habitent les montagnes coupées de gorges, et puis la mer stérile qui bout furieuse, Pontos ; mais pour cela, ne s’étant point unie d’amour. Et puis, unie à Ouranos : elle enfante Okéanos aux tourbillons profonds, et Koios, et Kréios, et Hypériôn, et Iapétos, et Théia, et Rhéia, et Thémis, et Mnèmosynè, et Phoibè couronnée d’or, et l’aimable Téthys. Et le dernier qu’elle enfante fut le subtil Kronos, le plus terrible de ses enfants, qui prit en haine son père vigoureux. Elle engendra les hautes Montagnes, demeure des Nymphes qui habitent leurs riants vallons ; elle produisit, sans l’aide de l’amour, la Mer au sein stérile, aux flots qui se gonflent et s’agitent. D’elle et d’Ouranos naquirent le profond Océan, Cœus, Crios, Hypérion, Japet, Théa, Rhéa, Thémis, Mnémosyne, et Phébé à la couronne d’or, et l’aimable Thétis, Cronos enfin, après tous, le rusé Cronos, de leurs enfants le plus terrible, qui, dès le jour de sa naissance, haïssait déjà son père. elle créa les hautes montagnes, les gracieuses retraites des nymphes divines qui habitent les monts aux gorges profondes. Bientôt, sans goûter les charmes du plaisir, elle engendra Pontus, la stérile mer aux flots bouillonnans ; puis, s’unissant avec Uranus, elle fit naître l’Océan aux gouffres immenses, Céus, Créus, Hypérion, Japet, Théa, Thémis, Rhéa, Mnémosyne, Phébé à la couronne d’or et l’aimable Téthys. Le dernier et le plus terrible de ses enfans, l’astucieux Saturne, devint l’ennemi du florissant auteur de ses jours.

Et elle enfanta aussi les Kyklôpes au cœur violent, Brontès, Stéropès et le courageux Argès, qui remirent à Zeus le tonnerre et forgèrent la foudre. Et en tout ils étaient semblables aux autres Dieux, mais ils avaient un œil unique au milieu du font. Et ils étaient nommés Kyklôpes, parce que, sur leur front, s’ouvrait un œil unique et circulaire. Et la vigueur, la force et la puissance éclataient dans leurs travaux. Géa enfanta encore les durs Cyclopes, Brontès, Stéropès, Argès, qui ont donné à Zeus sa foudre, qui ont forgé son tonnerre. Semblables en tout le reste aux autres dieux, ils n’avaient qu’un œil au milieu du front : mortels nés d’immortels, ils reçurent le nom de Cyclopes, à cause de cet œil unique, qui, au milieu de leur front, formait un cercle immense. Ils eurent en partage la force et excellèrent dans les arts. La Terre enfanta aussi les Cyclopes au cœur superbe, Brontès, Stéropès et l’intrépide Argès, qui remirent son tonnerre à Jupiter et lui forgèrent sa foudre : tous les trois ressemblaient aux autres dieux, seulement ils n’avaient qu’un œil au milieu du front et reçurent le surnom de Cyclopes, parce que cet œil présentait une forme circulaire. Dans tous les travaux éclataient leur force et leur puissance.

Et puis, de Gaia et d’Ouranos naquirent trois autres fils, grands, très-forts, horribles à nommer, Kottos, Briaréôs et Gygès, race superbe. Et cent bras se roidissaient de leurs épaules, et chacun d’eux avait cinquante têtes qui s’élevaient du dos, au-dessus de leurs membres robustes. Et leur force était immense, invincible, dans leur grande taille. De tous les enfants nés de Gaia et d’Ouranos ils étaient les plus puissants. Et ils étaient odieux à leur père, dès l’origine. Et comme ils naissaient l’un après l’autre, il les ensevelissait, les privant de la lumière, dans les profondeurs de la terre. Et il se réjouissait de cette action mauvaise, et la grande Gaia gémissait en elle-même, pleine de douleur. Puis, elle conçut un dessein mauvais et artificieux. De Géa et d’Ouranos naquirent encore trois autres enfants, énormes, effroyables, qu’on n’ose nommer : c’étaient Cottos, Briarée, Gyas, race orgueilleuse ; de leurs épaules sortaient cent invincibles bras, et de là aussi, au-dessus de leurs robustes membres, s’élevaient cinquante têtes ; leur force était extrême, immense comme leur corps. Or de tous ces rejetons que produisirent Géa et Ouranos, ils furent les plus terribles, et dès l’origine, en horreur à leur père. À peine ils étaient nés, qu’il les cachait au jour dans les profondeurs de la terre, semblant se plaire à ces détestables œuvres. Cependant Géa, que remplissait leur masse, gémissait amèrement au-dedans d’elle-même. La Terre et Uranus eurent encore trois fils grands et vigoureux, funestes à nommer, Cottus, Briarée et Gygès, race orgueilleuse et terrible ! Cent bras invincibles s’élançaient de leurs épaules et cinquante têtes attachées à leurs dos s’allongeaient au-dessus de leurs membres robustes. Leur force était immense ; infatigable, proportionnée à leur haute stature. Ces enfans, les plus redoutables de tous ceux qu’engendrèrent la Terre et Uranus, devinrent dès le commencement odieux à leur père. À mesure qu’ils naissaient, loin de leur laisser la lumière du jour, Uranus les cachait dans les flancs de la terre et se réjouissait de cette action dénaturée. La Terre immense gémissait, profondément attristée, lorsque enfin elle médita une cruelle et perfide vengeance.

Dès qu’elle eut créé la race du blanc acier, elle en fit une grande faux, et, avertissant ses chers enfants, elle les excita et leur dit le cœur plein de tristesse : Elle médite une ruse cruelle, engendre le fer, en forge une immense faux et, le cœur plein de tendresse, tient à ses enfants ce langage audacieux : Dès qu’elle eut tiré de son sein l’acier éclatant de blancheur, elle fabriqua une grande faulx, révéla son projet à ses enfans et, pour les encourager, leur dit, consumée de douleur :

— Mes chers enfants, fils d’un père coupable, si vous voulez obéir, nous tirerons vengeance de l’action injurieuse de votre père, car, le premier, il a médité un dessin cruel. « O mes enfants, vous que fit naître un père dénaturé, si vous voulez m’en croire, nous nous vengerons de ses outrages, car, le premier, il vous a provoqués par ses forfaits. » « Mes fils ! si vous voulez m’obéir, nous vengerons l’outrage que vous fait subir votre coupable père : car il est le premier auteur d’une action indigne. »

Elle parla ainsi et la crainte les envahit tous, et aucun d’eux ne parla. Enfin, ayant repris courage, le grand et subtil Kronos répondit ainsi à sa mère vénérable : Elle dit, mais la crainte les saisit tous ; aucun n’élève la voix ; seul, prenant confiance, le grand, le prudent Cronos répond en ces mots à sa mère vénérable : Elle dit. La crainte s’empara de tous ses enfans ; aucun n’osa répliquer. Enfin le grand et astucieux Saturne, ayant pris confiance, répondit à sa vénérable mère :

— Mère, certes, je le promets, j’accomplirai cette vengeance. En effet, je n’ai plus de respect pour notre père, car, le premier, il a médité un dessein cruel. « Ma mère, j’accepte cette entreprise et je l’accomplirai. Je me soucie peu d’un odieux père, car, le premier, il a médité contre nous de détestables actes. » « O ma mère ! je promets d’accomplir notre vengeance, puisque je ne respecte plus un père trop fatal : car il est le premier auteur d’une action indigne. »

Il parla ainsi, et la grande Gaia se réjouit dans son cœur. Et elle le cacha dans une embuscade, et elle lui mit en main la faux aux dents tranchantes, et elle lui confia tout son dessein. Et le grand Ouranos vint, amenant la nuit, et, sur Gaia, plein d’un désir d’amour, il s’étendit tout entier et de toutes parts. Et, hors de l’embuscade, son fils le saisit de la main gauche, et, de la droite, il saisit la faux horrible, immense, aux dents tranchantes. Et les parties génitales de son père, il les coupa rapidement, et il les rejeta derrière lui. Et elles ne s’échappèrent point en vain de sa main. Il dit, et l’immense Géa se réjouit en son cœur. Elle le cache dans un lieu secret, arme sa main de la faux aux dents acérées, et le prépare à la ruse qu’elle a conçue. Bientôt Ouranos descend avec la Nuit ; il vient s’unit à Géa, et s’étend de toutes parts pour l’embrasser. Alors, s’élançant de sa retraite, Cronos le saisit de la main gauche, et, de la droite, agitant sa faux immense, longue, acérée, déchirante, il le mutile, et jette au loin derrière lui sa honteuse dépouille. Ce ne fut pas vainement qu’elle s’échappa des mains de Cronos. À ces mots, la Terre immense ressentit une grande joie au fond de son cœur. Après avoir caché Saturne dans une embuscade, elle remit en ses mains la faulx à la dent tranchante et lui expliqua sa ruse tout entière. Le grand Uranus arriva, amenant la Nuit, et animé du désir amoureux, il s’étendit sur la Terre de toute sa longueur. Alors son fils, sorti de l’embuscade, le saisit de la main gauche, et de la droite, agitant la faulx énorme, longue, acérée, il s’empressa de couper l’organe viril de son père et le rejeta derrière lui. Ce ne fut pas vainement que cet organe tomba de sa main :

Toutes les gouttes qui en coulèrent, sanglantes, Gaia les recueillit ; et, les années étant révolues, elle enfanta les robustes Érinnyes et les grands Géants aux armes éclatantes, tenant en main de longues lances, et les Nymphes que sur la terre immense on nomme Mélies. Et les parties qu’il avait coupées Kronos les mutila avec l’acier, et il les jeta, de la terre ferme, dans la mer aux flots agités. Elles flottèrent longtemps sur la mer, et une blanche écume jaillit du débris immortel, et une jeune fille en sortit. Et, d’abord, vers la divine Kythérè celle-ci fut portée ; et, de là, dans Kypros entourée des flots. Les gouttes de sang qui en coulaient furent toutes reçues par Géa, et, quand les temps furent arrivés, son sang fécond engendra les redoutables Erinnyes, les énormes Géants, couverts d’éclatantes armures, portant dans leurs mains de longues lances, les Nymphes habitantes de la terre immense, que l’on nomme Mélies. Cependant ces divins débris, que le tranchant du fer avait détachés, étaient tombés dans la vaste mer ; longtemps, ils flottèrent à sa surface, et, tout autour, une blanche écume s’éleva, d’où naquit une jeune déesse. Portée d’abord près de Cythère, puis vers les rivages de Chypre, toutes les gouttes de sang qui en découlèrent, la Terre les recueillit, et les années étant révolues, elle produisit les redoutables Furies, les Géans monstrueux, chargés d’armes étincelantes et portant dans leurs mains d’énormes lances, enfin ces nymphes qu’on appelle Mélies sur la terre immense. Saturne mutila de nouveau avec l’acier le membre qu’il avait coupé déjà et le lança du rivage dans les vagues agitées de Pontus : la mer le soutint longtemps, et de ce débris d’un corps immortel jaillit une blanche écume d’où naquit une jeune fille qui fut d’abord portée vers la divine Cythère et de là parvint jusqu’à Cypre entourée de flots.

Elle aborda, la belle et vénérable Déesse, et l’herbe croissait sous ses pieds charmants. Et elle fut nommée Aphroditè, la Déesse aux belles bandelettes, née de l’écume, et Kythéréia, par les Dieux et par les hommes. Aphroditè, parce que de l’écume elle avait été nourrie, et Kythéréia, parce qu’elle aborda Kythérè ; et Kyprigénéia, parce qu’elle arriva dans Kypros entourée des flots, et Philommèdéa, parce qu’elle était sortie des parties génitales. ce fut là qu’on vit sortir de l’onde cette déesse charmante ; sous ses pas croissait partout l’herbe fleurie. Les dieux et les hommes l’appellent Aphrodite, parce qu’elle naquit de la mer ; Cythérée à la belle couronne, parce qu’elle s’approcha de Cythère ; Cypris, parce qu’elle parut pour la première fois sur les rivages de Cypre ; amie de la volupté, en souvenir de son origine. Bientôt, déesse ravissante de beauté, elle s’élança sur la rive, et le gazon fleurit sous ses pieds délicats. Les dieux et les hommes appellent cette divinité à la belle couronne Aphrodite, parce qu’elle fut nourrie de l’écume des mers ; Cythérée, parce qu’elle aborda Cythère ; Cyprigénie, parce qu’elle naquit dans Cypre entourée de flots, et Philommédée, parce que c’est d’un organe générateur qu’elle reçut la vie.

Érôs l’accompagnait, et le bel Iméros la suivait, à peine née, tandis qu’elle se rendait à l’Assemblée des Dieux. Et, dès l’origine, elle eut cet honneur de présider, par le choix de la Moire, parmi les hommes et les Dieux immortels, aux entretiens des Vierges, aux sourires, aux séductions, au doux charme, à la tendresse et aux caresses. Dès sa naissance, lorsqu’elle allait prendre sa place dans l’assemblée des dieux, l’Amour et le bel Liméros (le Désir) marchèrent à sa suite. Elle eut dès l’abord en partage, entre tous les immortels, et tous les humains, les entretiens séducteurs, les ris gracieux, les doux mensonges, les charmes, les douceurs de l’amour. Accompagnée de l’Amour et du beau Désir, le même jour de sa naissance, elle se rendit à la céleste assemblée. Dès l’origine, jouissant des honneurs divins, elle obtint du sort l’emploi de présider, parmi les hommes et les dieux immortels, aux entretiens des jeunes vierges, aux tendres sourires, aux innocens artifices, aux doux plaisirs, aux caresses de l’amour et de la volupté.

Et il les surnomma les Titans, lui, le Père, le grand Ouranos, maudissant les fils qu’il avait engendrés, disant qu’ils avaient étendu la main pour commettre un grand crime dont il serait tiré vengeance dans l’avenir. Irrité contre ses enfants, contre ceux qu’il avait fait naître, Ouranos les appela Titans, exprimant par ce mot leur œuvre coupable, et les menaçant pour l’avenir d’un châtiment. Le grand Uranus, irrité contre les enfans qu’il avait engendrés lui-même, les surnomma les Titans, disant qu’ils avaient étendu la main pour commettre un énorme attentat dont un jour ils devaient recevoir le châtiment.

Et Nyx enfanta l’odieux Môros et la Kèr noire et Thanatos. Elle enfanta aussi Hypnos et la foule des Songes. Et la divine et sombre Nyx ne s’était unie pour cela à aucun Dieu. Et puis, elle enfanta Mômos et Oizys plein de douleurs, et les Hespérides, à qui, par delà l’illustre Okéanos, les Pommes d’or sont confiées, et les arbres qui les portent. Et elle enfanta les Moires et les Kères inhumaines, Klothô, Lakhésis et Atropos, qui aux hommes mortels naissants dispensent les biens et les maux, et des hommes et des Dieux poursuivent les crimes, et ne renoncent jamais à leur colère inexorable qu’après avoir tiré du coupable une vengeance terrible. Et la Nuit engendra le triste Sort, la sombre destinée, la Mort, le Sommeil, la troupe des Songes ; la Nuit les engendra seule, sans s’unir à aucune autre divinité. Ensuite elle fit naître Momus, et la cruelle Douleur, enfin les Hespérides, gardiennes de ces beaux fruits, de ces fruits d’or, qui croissent aux confins de l’Océan : elle enfanta les Parques, ces sévères ministres de la destinée, Clotho, Lachésis, Atropos, qui président à la naissance des mortels, et leur distribuent les biens et les maux, qui, chargés de poursuivre les attentats des hommes et des dieux, ne laissent point reposer leur courroux que le coupable, quel qu’il soit, n’ait reçu son châtiment. La Nuit enfanta l’odieux Destin, la noire Parque et la Mort ; elle fit naître le Sommeil avec la troupe des Songes, et cependant cette ténébreuse déesse ne s’était unie à aucun autre dieu. Ensuite elle engendra Momus, le Chagrin douloureux, les Hespérides, qui par delà l’illustre Océan, gardent les pommes d’or et les arbres chargés de ces beaux fruits, les Destinées, les Parques impitoyables, Clotho, Lachésis et Atropos qui dispensent le bien et le mal aux mortels naissans, poursuivent les crimes des hommes et des dieux et ne déposent leur terrible colère qu’après avoir exercé sur le coupable une cruelle vengeance.

Et puis elle enfanta Némésis, ce fléau des hommes mortels, la funeste Nyx ; puis Apatè et Philotès, et l’accablante Gèras et l’opiniâtre Éris. Et puis, l’odieuse Éris enfanta le dur Ponos, et Lèthè, et Loimos, et Algos par qui l’on pleure, et Ysminè, et Phonos, et les Batailles, et le Carnage des guerriers, et les Parjures, et les Paroles mensongères, et les Contestations, et le Mépris des Lois, et Atè, qui sont inséparables ; et Horkos, terrible aux hommes terrestres, et qui frappe si l’un d’eux tente de se parjurer. De la funeste Nuit sortit encore Némésis, le fléau des humains, puis la Fraude et la Débauche, l’affreuse Vieillesse, l’ardente Discorde. À son tour l’affreuse Discorde produisit le pénible Travail, l’Oubli, la Faim, les Douleurs, sources de larmes amères, les Combats, les Meurtres, les Massacres, les Disputes, le Mensonge, l’Équivoque, l’Anarchie et l’Injure, son habituelle compagne, le Serment enfin, si fatal à l’homme, quand il ne craint pas de se parjurer. La Nuit funeste conçut encore Némésis, ce fléau des mortels, puis la Fraude, l’Amour criminel, la triste Vieillesse, Éris au cœur opiniâtre. L’odieuse Éris fit naître à son tour le Travail importun, l’Oubli, la Faim, les Douleurs qui font pleurer, les Disputes, les Meurtres, les Guerres, le Carnage, les Querelles, les Discours mensongers, les Contestations, le Mépris des lois et Até, ce couple inséparable, enfin Horcus, si fatal aux habitans de la terre quand l’un d’eux se parjure volontairement.

Et Pontos engendra Néreus, véridique et ennemi du mensonge, le plus âgé de ses fils. On le nomme le Vieillard, parce qu’il est doux et véridique, et qu’il n’oublie point la justice, et que ses décisions sont équitables et sages. Et puis, Pontos engendra le grand Thaumas et le robuste Phorkys, et Kètô aux belles joues, après s’être uni à Gaia, et Eurybia, qui, dans sa poitrine, avait un cœur d’acier. La Mer donna le jour au véridique Nérée : c’est l’aîné de ses enfants ; on célèbre le vieillard parce qu’il est sincère et bon, que jamais il n’oublie les lois de l’équité, qu’il n’a que des pensées de justice et de douleur. La Mer eut encore de son union avec la Terre le grand Thaumas, le fier Phorcys, la belle Céto, Eurybie dont la poitrine enferme un cœur de fer. Pontus engendra Nérée qui fuit le mensonge et chérit la vérité, Nérée, le plus âgé de tous ses fils : on l’appelle le vieillard à cause de sa sincérité et de sa douceur, et parce que, loin d’oublier les lois de la justice, il porte des arrêts équitables et modérés. Ce même dieu, uni avec la Terre, eut pour enfans le grand Thaumas, l’intrépide Phorcys, Céto aux belles joues et Eurybie qui renferme un cœur d’acier dans sa forte poitrine.

Et de Néreus naquit la race charmante des Déesses, dans la mer stérile, et de Dôris à la belle chevelure, fille du fleuve sans fin Okéanos : Prôtô, et Eukratè, et Saô, et Amphitritè, et Eudorè, et Thétis, et Galènè, et Glaukè, et Kymothoè, et la rapide Spéô, et la riante Thaliè, et la gracieuse Mélitè, et Euliménè, et Agavè, et Pasithéè, et Ératô, et Euneikè aux bras roses, et Dôtô, et Prôtô, et Phérousa, et Dynaménè, et Nèsaiè, et Aktaiè, et Protomédéia, et Dôris, et Panopè, et la belle Galatéia, et la charmante Hippothoè, et Hipponoè aux bras roses, et Kymodokè qui apaise aisément les flots de la noire mer et le souffle des vents sacrés, avec Kymatolègè et avec Amphitritè ornée de beaux pieds ; et Kymô, et Eionè, et Halimèdè richement couronnée, et la joyeuse Glaukonomè, et Pontoporéia, et Leiagorè, et Evagorè, et Laomédéia, et Poulynomè, et Autonoè, et Lysianassa, et Evarnè douée d’un aimable naturel et d’une forme parfaite, et Psamathè au beau corps, et la divine Ménippè, et Nésô, et Eupompè, et Thémistô, et Pronoè, et Némertès qui avait l’âme de son père immortel. De Nérée et de la blonde Doris, fille de l’immense Océan, naquit dans la mer stérile une aimable postérité : Proto, Eucranté, Sao, Amphitrite, Eudore, Thétis, Galène, Glaucé, Cymothoé, Spéio, Thoé, la charmante Halie, la gracieuse Mélite, Eulimène, Agave, Pasithée, Érato, Eunice aux bras de rose, Doto, Proto, Phérusa, Dynamène, Nésée, Actée, Protomédie, Doris, Panopée, et la belle Galathée, et l’aimable Hippothoé, Hipponoé aux bras de rose, Cymodocé qui, avec Cymatolège et la légère Amphitrite, apaise d’un mot les vagues courroucées de la sombre mer et le souffle furieux des vents ; Cymo, Eioné, Halimède à la brillante couronne, Glauconôme au doux sourire, Pontoporie, Leiagore, Évagore, Laomédie, Polynôme, Autonoé, Lysianasse, Évarné, dont le port est aimable et la beauté parfaite, Psamathée si remplie de grâce, la divine Ménippe, Néso, Eupompe, Thémisto, Pronoé, Némertès enfin, qu’anime l’esprit véridique de son immortel père. Nérée et Doris aux beaux cheveux, cette fille du superbe fleuve Océan, engendrèrent dans la mer stérile les aimables nymphes Proto, Eucrate, Sao, Amphitrite, Eudore, Thétis, Galéné, Glaucé, Cymothoë, Spéio, Thoë, l’agréable Thalie, la gracieuse Mélite, Eulimène, Agavé, Pasythée, Erato, Eunice aux bras de rose, Doto, Ploto, Phéruse, Dynamène, Nésée, Actée, Protomédie, Doris, Panope, la belle Galatée, l’aimable Hippothoë, Hipponoë aux bras de rose, Cymodocé qui sur la sombre mer, avec Cymatolége et Amphitrite aux pieds charmans, calme sans efforts la fureur des vagues et le souffle des vents impétueux, Cyrno, Eïoné, Halimède à la belle couronne, Glauconome au doux sourire, Pontoporie, Liagore, Evagore, Laomédie, Polynome, Autonoë, Lysianasse, Evarné douée d’un aimable caractère et d’une beauté accomplie, Psamathe au corps gracieux, la divine Ménippe, Néso, Eupompe, Thémisto, Pronoë et Némertès en qui respire l’âme de son père immortel.

Ainsi, de l’irréprochable Néreus naquirent cinquante filles habiles aux irréprochables travaux. Telles furent les cinquante filles qui naquirent de l’irréprochable Nérée, déesses irréprochables comme le dieu qui les fit naître. Ainsi l’irréprochable Nérée eut cinquante filles savantes dans tous les travaux.

Et Thaumas épousa la fille du très-profond Okéanos, Eléktrè, qui enfanta la rapide Iris et les Harpyes aux beaux cheveux, Aellô et Okypétè, qui égalaient la rapidité des vents et des oiseaux à l’aide de leurs promptes ailes, volant au travers de l’air. Thaumas s’unit à Electre, fille du profond Océan, il en eut la rapide Iris, les Harpyes à la belle chevelure, et Aello, et Ocypète, qui d’une aile légère suivent dans leur vol les vents et les oiseaux, qui jamais ne quittent la région de l’air. Thaumas épousa Électre, née du profond Océan ; Électre enfanta la rapide Iris, les Harpies à la belle chevelure, Aéllo et Ocypétès qui de leurs ailes légères égalent la vitesse des vents et des oiseaux en volant sous la céleste voûte.

Et Kètô donna à Phorkys les Graies aux belles joues, blanches dès leur naissance. Et c’est pour cela qu’elles sont nommées Graies par les Dieux immortels et par les hommes qui marchent sur la terre : Péphrèdô au beau péplos et Enyô au péplos couleur de safran ; et les Gorgones qui habitent au delà de l’illustre Okéanos, aux dernières extrémités, vers la nuit, où sont les Hespérides aux voix sonores ; les Gorgones Sthéinô et Euryalè, et Médousa accablée de maux. Et celle-ci était mortelle, mais les autres étaient immortelles et exemptes de vieillesse toutes deux. Et Poseidaôn aux cheveux noirs s’unit à Médousa dans une molle prairie, sur des fleurs printanières. Et lorsque Perseus lui eut coupé la tête, le grand Khrysaôr naquit d’elle, et le cheval Pégasos aussi. Et celui-ci fut ainsi nommé parce que ce fut près des sources Okéaniennes qu’il naquit et celui-là parce qu’il tenait une épée d’or dans ses mains. Phorcys eut de Céto les belles Grées ; ainsi les nomment, à cause des cheveux blancs qui dès leur naissance ombragèrent leur front, et les dieux immortels et les hommes, habitants de la terre. C’est Péphrédo, au riche voile, Ényo, au voile doré. Après elles naquirent les Gorgones, qui habitent au delà de l’illustre Océan, aux extrémités de la terre, près de la Nuit, avec les Hespérides à la voix éclatante. C’est Sthéno, Euryale, Méduse, qui souffrit des maux si cruels. Méduse était mortelle, tandis que ses sœurs n’étaient sujettes ni à la vieillesse ni à la mort. Elle seule pourtant reçut, sur une molle prairie, parmi les fleurs du printemps, les embrassements du dieu à la chevelure azurée. Lorsque Persée eut coupé sa tête, de son sang s’élancèrent le grand Ohrysaor et le cheval Pégase ; celui-ci ainsi nommé des sources de l’Océan près desquelles il reçut la naissance, et l’autre, de l’épée d’or qu’il portait dans ses mains. Céto aux belles joues donna à Phorcys des filles blanches dès le berceau et appelées les Grées par les dieux immortels et par les hommes qui marchent sur la terre, Péphrédo au beau voile, Enyo au voile de pourpre, et les Gorgones qui habitent par delà l’illustre Océan, vers l’empire de la Nuit, dans ces lointaines contrées, où demeurent les Hespérides à la voix sonore, les Gorgones Sthéno, Euryale et Méduse éprouvée par de cruelles souffrances. Méduse était mortelle, tandis que ses autres sœurs vivaient exemptes de vieillesse et de mort ; Neptune aux noirs cheveux s’unit avec elle dans une molle prairie, sur une couche de fleurs printanières. Lorsque Persée lui eut tranché la tête, on vit naître d’elle le grand Chrysaor et le cheval Pégase. Pégase mérita son nom parce qu’il était né près des sources de l’Océan, Chrysaor parce qu’il tenait un glaive d’or dans ses mains.

Et Perseus, s’envolant loin de la terre féconde en troupeaux, parvint jusqu’aux Dieux. Et il habite dans les demeures de Zeus, et il porte le tonnerre et la foudre du sage Zeus. Prenant son vol loin de la terre féconde, Chrysaor s’alla joindre aux immortels : il habite le palais de Zeus et au prudent Zeus il apporte sa foudre. Persée, quittant une terre fertile en beaux fruits, s’envola vers le séjour des immortels, et il habite le palais de Jupiter, de ce dieu prudent dont il porte le tonnerre et la foudre.

Et Khrysaôr engendra Géryôn aux trois têtes, s’étant uni à Kallirhoè, fille de l’illustre Okéanos. Mais la Force Hèrakléenne dépouilla Géryôn de ses armes et lui enleva ses bœufs aux pieds flexibles, dans Erythéiè entourée des flots, le jour même où il conduisit ces bœufs aux larges fronts dans la divine Tirynthos, ayant traversé la mer et tué Orthos et le bouclier Eurytiôn dans le noir enclos, au delà de l’illustre Okéanos. De Callirhoé, fille de l’illustre Océan, Chrysaor eut Géryon, aux trois têtes. Hercule vainquit ce monstre dans l’île d’Érythie, près de ses bœufs au pied flexible, au large-frond, le jour où, les enlevant, après avoir tué, au fond de leur étable obscure, ceux qui les gardaient, le chien Orthros et le pasteur Eurityon, il les chassa devant lui, à travers les flots de l’Océan, et les conduisit dans la ville sacrée de Tirynthe. Chrysaor, uni à Callirhoë, fille de l’illustre Océan, engendra Géryon aux trois têtes ; le puissant Hercule, désarmant Géryon, lui enleva ses bœufs aux pieds flexibles dans Erythie entourée de flots, le jour où il conduisit ces animaux au large front jusque dans la divine Tirynthe, après avoir traversé la mer et immolé Orthros avec le pasteur Eurytion, dans une étable obscure, par delà l’illustre Océan.

Et Kallirhoè donna le jour à un enfant monstrueux, invincible, nullement semblable aux hommes mortels et aux Dieux immortels. Elle enfanta, dans un antre creux, la divine Ekhidna au cœur ferme, moitié nymphe aux yeux noirs, aux belles joues, moitié serpent monstrueux, horrible, immense, aux couleurs variées, nourri de chairs crues dans les antres de la terre divine. Et sa demeure est au fond d’une caverne, sous une roche creuse, loin des Dieux immortels et des hommes mortels ; car les Dieux lui ont donné ces demeures illustres. Et elle était enfermée dans Arimos, sous la terre, la morne Ekhidna, la Nymphe immortelle, préservée de la vieillesse et de toute atteinte. Et l’on dit que Typhaôn s’unit d’amour avec elle, ce Vent impétueux et violent, avec cette belle Nymphe aux yeux noirs. Callirhoé enfanta encore dans une caverne un être monstrueux, auquel rien ne ressemble chez les dieux et chez les hommes, la divine, la redoutable Échidna. C’est dans la partie supérieure de son corps une jeune nymphe au doux regard, au beau visage, et dans le reste un énorme et affreux serpent, tout couvert d’écaillés aux couleurs changeantes, qui se repaît d’une nourriture sauvage dans les entrailles de la terre. Là, dans un antre, sous des rochers, loin des immortels et des mortels, est l’illustre demeure que lui ont assignée les dieux. Ainsi, près des monts Arimes, sous la terre a été reléguée la triste Échidnas nymphe immortelle, à jamais exempte de la vieillesse. On dit que de Typhon, le plus impétueux, le plus terrible des vents, cette nymphe aux beaux yeux Callirhoë, au fond d’une caverne, produisit un autre enfant monstrueux, invincible et nullement semblable aux hommes ou aux dieux, la divine Echidna au cœur intrépide, moitié nymphe aux yeux noirs et aux belles joues, moitié serpent énorme et terrible, marqué de taches diverses et nourri de chairs sanglantes dans les entrailles de la terre sacrée. Ce monstre habite un antre profond dans le creux d’un rocher, loin des hommes et des immortels : c’est là que les dieux lui assignèrent une glorieuse demeure. Renfermée dans Arime, la fatale Echidna vivait sous la terre, toujours affranchie de la vieillesse et du trépas. Typhaon, ce vent fougueux et redoutable, s’unit, dit-on, avec cette nymphe aux yeux noirs,

Et elle devint enceinte, et elle enfanta le monstrueux et ineffable Kerbéros, chien d’Aidès, mangeur de chair crue, à la voix d’airain, aux cinquante têtes, impudent et vigoureux. Et puis elle enfanta l’odieuse Hydre de Lernaia, qui fut nourrie par la divine Hèrè aux bras blancs, pour servir sa haine insatiable contre la Force Hèrakléenne. Mais il la tua avec l’airain mortel, le fils de Zeus, l’Amphitryôniade, aidé du brave Iolaos, et d’après les conseils de la dévastatrice Athènaiè. conçut une formidable race : d’abord le chien Orthros, que posséda Geryon ; puis l’horrible, le dévorant Cerbère, le gardien des demeures d’Hadès, le monstre aux cinquante têtes, à la voix d’airain, au corps énorme, à la force indomptable ; enfin, la cruelle Hydre de Lerne, que nourrit Héra dans son implacable haine contre Héraclès, mais qu’immola de son épée d’airain l’héritier d’Amphitryon, le fils de Zeus, aidé du courage d’Iolas et des conseils de la guerrière Athéné. qui, devenue enceinte, enfanta une race courageuse, d’abord Orthros, ce chien de Géryon, ensuite l’indomptable Cerbère, qu’on ne nomme qu’avec effroi, ce gardien de Pluton, ce dévorant Cerbère à la voix d’airain, aux cinquante têtes, ce monstre impudent et terrible, enfin la fatale hydre de Lerne, que nourrit Junon aux bras d’albâtre, pour assouvir son implacable haine contre Hercule ; mais ce fils de Jupiter, armé du glaive destructeur et secondé du vaillant Iolaüs, immola cette hydre, d’après les conseils de la belliqueuse Minerve.

Et puis Ekhidna enfanta Khimaira au souffle terrible, affreuse, énorme, cruelle et robuste. Elle avait trois têtes : la première d’un lion farouche, l’autre d’une chèvre, et la troisième d’un dragon vigoureux. Lion par le front, dragon par derrière, chèvre par le milieu, elle soufflait horriblement l’impétuosité d’une flamme ardente. Pégasos et le brave Bellérophontès la tuèrent. Enfin c’est la Chimère, vomissant d’invincibles feux, la terrible, l’immense, la rapide et indomptable Chimère. Ce monstre avait trois têtes, une de lion, une de chèvre sauvage, une de serpent ; son encolure était d’un lion, sa croupe d’un serpent ; le reste d’une chèvre sauvage. Prodige affreux, de sa bouche s’échappaient des torrents de feu. Pégase et l’intrépide Bellérophonla firent périr. Echidna fit naître aussi la Chimère qui, exhalant des feux inextinguibles, monstre terrible, énorme, rapide, infatigable, portait trois têtes, la première d’un lion farouche, la seconde d’une chèvre, la troisième d’un dragon vigoureux ; lion par le haut de son corps, dragon par derrière, chèvre par le milieu, elle vomissait avec un bruit affreux les tourbillons d’une dévorante flamme. La Chimère succomba sous Pégase et sous le brave Bellérophon.

Et puis Ekhidna enfanta la Sphinx, ce fléau des fils de Kadmos, après s’être unie à Orthos ; et puis le Lion Néméen que nourrit Hèrè, l’épouse vénérable de Zeus, et qu’elle plaça dans la fertile Néméiè, pour la ruine des hommes. Et là il ravageait les tribus des hommes, régnant sur le Trètos, Néméiè et l’Apésas. Mais la puissance de la Force Hèrakléenne le dompta. Du commerce de ce monstre avec Orthros sortit le Sphinx, fléau des Thébains, et ce lion qu’éleva l’auguste épouse de Zeus, et qu’elle lança sur les fertiles plaines de Némée pour le malheur de leurs habitants. Cet hôte terrible les dévorait en foule ; il régnait sur le Trétos de Némée, sur Apésas : mais enfin il périt, dompté par les bras vigoureux d’Héraclès. Echidna, s’accouplant avec Orthros, engendra le Sphinx, si fatal aux enfans de Cadmus, et le lion de Némée, que Junon, auguste épouse de Jupiter, nourrit et plaça sur les hauteurs de Némée pour la perte des humains. Ce lion, qui régnait sur le Trétos, sur Némée et sur l’Apésas, ravageait les tribus des hommes ; mais il périt, dompté par le puissant Hercule.

Enfin, Kètô, unie d’amour à Phorkys, enfanta un serpent terrible qui dans les flancs de la terre noire, aux extrémités du monde, garde les Pommes d’or. Le dernier des enfants que Céto eut de Phorcys fut ce redoutable serpent, qui vit dans une caverne aux extrémités delà terre, et garde les fruits d’or du jardin des Hespérides. Céto, unie d’amour avec Phorcys, eut pour dernier enfant un serpent terrible qui, dans les flancs ténébreux de la terre, garde les pommes d’or aux extrémités du monde.

Telle est la race de Kètô et de Phorkys. Telle est la postérité de Phorcys et de Céto. Telle est la race de Céto et de Phorcys.

Et Téthys conçut d’Okéanos et enfanta les Fleuves tourbillonnants : Le Néilos, et l’Alphéios, et l’Eridanos aux tourbillons profonds, et le Strymôn, et le Méandros, et l’Istros au beau cours, et le Phasis, et le Rhèsos, et le Haliakmôn, et le Heptaporos, et le Grènikos, et l’Aisépos, et le divin Simoïs, et le Pènéios, et le Hermos, et le Kaikos au cours charmant, et le grand Saggarios, et le Ladôn, et le Parthénios, et l’Evénos, et l’Ardèskos et le divin Skamandros. De Téthys et de l’Océan sortirent les fleuves rapides, et le Nil, et l’Alphée, avec le profond Éridan, et le Strymon, et le Méandre, avec le limpide Ister, le Phase, le Rhésus, l’Achéloùs qui roule des flots d’argent, le Nessus et le Rhodius, l’Haliacmon et l’Heptapore, le Granique, l’iEsépos, le divin Simoïs, le Pénée, l’Hermos, le Caïcos au tranquille cours, le vaste Sangarios, et le Ladon, et le Parthénios, et l’Événos, et l’Adrescos, et le divin Scamandre. Téthys donna à l’Océan des Fleuves au cours sinueux, le Nil, l’Alphée, l’Éridan aux gouffres profonds, le Strymon, le Méandre, l’Ister aux belles eaux, le Phase, le Rhésus, l’Achéloüs aux flots argentés, le Nessus, le Rhodius, l’Haliacmon, l’Heptapore, le Granique, l’Ésépus, le divin Simoïs, le Pénée, l’Hermus, le Caïque aux ondes gracieuses, le large Sangarius, le Ladon, le Parthénius, l’Événus, l’Ardesque et le divin Scamandre.

Et Téthys enfanta aussi la race sacrée des Nymphes qui, sur la terre, élèvent les jeunes hommes à l’aide du Roi Apollôn et des Fleuves, car elles ont reçu cette tâche de Zeus : Peithô, et Admètè, et Ianthè, et Eléktrè, et Dôris, et Prymnô, et Ouraniè semblable aux Déesses, et Hippô, et Klyménè, et Rhodia, et Kallirhoè et Zeuxô, et Klytiè, et Idya, et Pasithoè, et Plexaurè, et Galaxaurè, et l’aimable Diônè, et Mélobosis, et Thoè, et la belle Polydorè, et Kerkéis d’un heureux naturel, et Ploutô aux yeux de bœuf, et Perséis, et Ianeira, et Akastè, et Xanthè, et gracieuse Pétraiè, et Ménesthô, et Europè, et Métis, et Eurynomè, et Télestô au péplos couleur de safran et Krisiè, et Asiè, et l’aimable Kalypsô, et Eudorè et Tykhè, et Amphirô et Styx qui l’emporte sur toutes les autres. Téthys donna encore le jour à ces filles divines, auxquelles en tous lieux, comme à Apollon, comme aux fleuves, les hommes sacrifient leur chevelure. C’est Pitho, Admète, Ianthe, Electre, Doris, Prymmo, et Uranie, belle comme les déesses ; c’est Hippo, Clymène, Rhodia, Callirhoé, Zeuxo, Clytie, Idya, Pasithoé, Plexaure, Galaxaure et l’aimable Dioné ; c’est Mélobosis, Thoé, la belle Polydore, la séduisante Cercéis, Plouto aux grands yeux, et Perséis, et Ianira, et Acaste, et Xanthé ; c’est Pétrée qui charme les cœurs, Ménestho, Europe, Métis, Eurynome, Télesto au voile couleur de safran, Chryséis, Asie, l’aimable Calypso ; c’est Eudore, c’est Tyché, c’est Amphirhoé, c’est Ocyrhoé, c’est la nymphe Styx, la première parmi toutes ses sœurs. Téthys enfanta aussi la troupe sacrée de ces nymphes qui, avec le roi Apollon et les Fleuves, élèvent sur la terre l’enfance des héros ; c’est Jupiter lui-même qui les chargea de cet emploi : Pitho, Admète, Ianthé, Électre, Doris, Prymno, Uranie semblable aux dieux, Hippo, Clymène, Rhodie, Callirhoë, Zeuxo, Clytie, Idye, Pasithoë, Plexaure, Galaxaure, l’aimable Dioné, Mélobosis, Thoë, la belle Polydore, Cercéis au doux caractère, Pluto aux grands yeux, Perséis, Ianire, Acaste, Zanthé, la gracieuse Pétréa, Ménestho, Europe, Métis, Eurynome, Télestho au voile de pourpre, Crisia, Asia, l’agréable Calypso, Eudore, Tyché, Amphiro, Ocyroë et Styx qui les surpasse toutes,

Et elles sont nées de Téthys et d’Okéanos, ces Nymphes, les aînées de toutes, car il en est une multitude d’autres. Et, en effet, il y a trois mille filles rapides d’Okéanos dispersées sur la terre et dans les lacs profonds, et qui habitent de toutes parts, illustre race de Déesses. Et il y a autant de fleuves au cours retentissant, fils d’Okéanos, enfantés par la vénérable Téthys. Et il serait difficile à un homme de dire tous leurs noms ; mais ceux qui habitent leurs bords les connaissent tous. De l’Océan et de Téthys naquirent d’abord ces filles et ensuite beaucoup d’autres : car il est trois mille Oceanides aux pieds gracieux, répandues sur la terre et présidant partout aux sources profondes, race brillante et divine. Autant de fleuves roulent à grands bruits leurs ondes, tous fils de l’Océan, tous issus de la vénérable Téthys ; une bouche mortelle ne saurait les nommer tous ; mais ceux-là connaissent leurs noms qui habitent près de leurs rives. telles sont les filles les plus antiques de l’Océan et de Téthys ; il en existe beaucoup d’autres encore, car trois mille Océanides aux pieds charmans, dispersées de toutes parts, habitent la terre et la profondeur des lacs, race illustre et divine ! Autant de Fleuves, nés de l’Océan et de la vénérable Téthys, roulent au loin leurs bruyantes ondes : il serait difficile à un mortel de rappeler tous leurs noms ; les peuples qui habitent leurs rivages peuvent seuls les connaître.

Et Théia enfante le grand Hèlios et la luisante Sélènè, et Éôs qui apporte la lumière à tous les hommes terrestres et aux Dieux immortels qui habitent le large Ouranos. Et elle les enfanta, s’étant unie d’amour à Hypériôn. Théia fut mère du Soleil immense, de la Lune brillante, de l’Aurore, qui luit aux yeux des habitants de la terre et des habitants du large ciel. Elle les eut de son commerce avec Hypérion. Thia, domptée par les caresses d’Hypérion, fit naître le grand Soleil, la Lune splendide et l’Aurore qui brille pour tous les hommes et pour tous les dieux habitans du vaste ciel.

Et Eurybiè, s’étant unie d’amour à Kréios, enfanta le grand Astraios et Pallas, car c’était une Déesse puissante, et Persès qui excellait dans tous les travaux. Éôs, unie à Astraios, enfanta les Vents impétueux : l’agile Zéphyros et le rapide Boréas, et Notos. Et elle les enfanta, s’étant unie à un Dieu. Puis, elle enfanta l’Étoile porte-lumière, née au matin, et les Astres resplendissants dont Ouranos est couronné. Unie à Crios, Eurybie, la première des nymphes, mit au jour le grand Astrasos, et le grand Pallante, et Perses, dont nul n’égalait la science. D’Astrœos l’Aurore eut la race impétueuse des vents, et le violent Zéphyre, et le rapide Borée, et le Notus, fruits des amours d’un dieu et d’une déesse. Ensuite la déesse matinale produisit le brillant Héosphore, et les astres étincelants dont le ciel se couronne. Eurybie, déité puissante, unie avec Créius, mit au jour le grand Astrée, Pallas et Persès qui l’emporta sur tous par son habileté. L’Aurore, déesse fécondée par un dieu, conçut Astrée, les Vents impétueux, l’agile Zéphyre, le rapide Borée et Notus. Après, cette divinité matinale enfanta Lucifer et les astres étincelans dont le ciel se couronne.

Et Styx, fille d’Okéanos, unie à Pallas, enfanta, dans ses demeures, Zèlos et Nikè aux beaux pieds, et Kratos et Biè, ces enfants très-illustres. Et leur demeure et leur séjour ne les éloignent point de Zeus, et ils n’ont point d’autre chemin que celui où le Dieu les précède ; mais ils restent toujours auprès de Zeus qui tonne puissamment. Ainsi l’obtint Styx, l’incorruptible Okéanide, le jour même où le foudroyant Olympien appela tous les Dieux immortels dans le large Ouranos, leur disant qu’aucun des Dieux qui combattrait avec lui contre les Titans ne serait privé de récompenses, mais qu’il garderait les honneurs qu’il possédait déjà parmi les Dieux immortels. Et il dit que ceux qui de Kronos n’avaient eu ni honneurs ni récompenses recevraient ces honneurs et ces récompenses selon la justice. La nymphe Styx, fille de l’Océan, eut de son union avec Pallante le Zèle et la Victoire, la Puissance et la Force, illustres enfants. Ce n’est pas loin de Zeus que sont leurs palais et leurs trônes ; toujours ils siègent aux côtés, partout ils marchent à la suite du dieu qui fait gronder la foudre. Ainsi s’accomplirent les prudents conseils de Styx, l’immortelle Océanide, le jour où, sur les sommets de l’Olympe, le maître de l’Olympe, dieu aux flamboyants éclairs, convoqua tous les immortels. « Celui-ci, dit-il, qui viendra combattre avec moi contre les Titans ne perdra rien de ses divins attributs ; tous conserveront les honneurs dont ils jouissaient auparavant parmi les dieux, et si quelqu’un, sous le règne de Cronos, n’avait obtenu ni honneur ni récompense, il recevra l’un et l’autre comme le veut la justice. Styx fille de l’Océan, unie à Pallas, fit naître dans ses palais l’Émulation, la Victoire aux pieds charmans, la Force et la Violence, ces glorieux enfans, qui n’ont pas établi loin de Jupiter leur demeure et leur séjour, qui ne marchent pas dans une seule route où ce dieu ne les conduise et qui restent incessamment auprès du terrible maître du tonnerre. Telle est la faveur que leur obtint cette incorruptible fille de l’Océan le jour où Jupiter Olympien, dieu de la foudre, appela tous les immortels dans le vaste Olympe ; il leur annonça que, reconnaissant envers tous ceux qui l’aideraient à combattre les Titans, loin de les dépouiller de leurs privilèges, il leur laisserait le rang que jusqu’alors ils avaient gardé parmi les dieux ; et même il ajouta que si l’un d’eux n’avait été ni honoré ni récompensé par Saturne, il obtiendrait les honneurs et les récompenses que son zèle lui mériterait.

Et, la première, Styx vint dans l’Olympos avec ses enfants, selon les conseils de son père bien-aimé ; et Zeus l’honora, et il lui fit des dons précieux, et il voulut qu’elle fût le grand Serment des Dieux et que ses enfants demeurassent toujours avec lui. Et de même, les promesses faites aux autres Dieux, il les tint, car il est très-puissant, et il règne. « Alors, vint la première sur l’Olympe, par le conseil de son père, l’immortelle nymphe Styx avec ses enfants. Zeus l’honora du prix le plus glorieux ; il voulut que jurer par ses eaux fût pour les dieux le plus redoutable des serments ; il ordonna que ses enfants habitassent éternellement avec lui. Il remplit également envers tous toutes ses promesses, possédant lui-même une puissance sans bornes et un empire souverain. L’irréprochable Styx, docile aux conseils de son père, arriva la première avec ses enfans. Jupiter l’honora et la combla de dons précieux ; il voulut qu’elle présidât au grand serment des dieux et que ses enfans vécussent toujours dans son palais. Quant aux promesses faites à toutes les autres divinités, il les remplit fidèlement ; car il est tout-puissant et règne sur l’univers.

Et Phoibè monta sur le lit désiré de Koios, et la Déesse fut enceinte par l’amour d’un Dieu, et elle enfanta Lètô au péplos bleu, toujours charmante, douce aux hommes et aux Dieux immortels, aimable dès sa naissance, et qui fit entrer la joie dans l’Olympos. Et Phoibè enfanta aussi l’illustre Astériè, que Persès autrefois, conduisit dans sa vaste demeure, afin qu’elle fût nommée son épouse. Et Astériè, devenue enceinte, enfante Hékatè, qu’entre toutes Zeus Kronide honora. Et il lui donna, pour sa part illustre, de commander sur la terre et sur la mer stérile. Déjà cette part lui avait été faite par Ouranos étoilé, et elle était très-honorée par les Dieux immortels. Phœbé entra dans la couche fortunée de Cœos, et des amours de ce dieu et de cette déesse naquit Latone au voile d’azur, à l’inaltérable douceur, qui jamais ne s’irrite contre les hommes ou contre les dieux, la plus gracieuse, la plus riante des habitantes de l’Olympe. Phœbé eut encore de Cœos l’illustre Astérie, que Perses conduisit dans son superbe palais et nomma son épouse. D’Astérie naquit Hécate, favorisée par Zeus entre toutes les divinités, comblée par lui de magnifiques dons, qui en reçut une part de la terre et de la mer, qui déjà, sous le règne d’Ouranos, jouissait d’un sort glorieux, que révèrent les immortels eux-mêmes. Phébé monta sur la couche désirée de Céus ; déesse fécondée par les embrassemens d’un dieu, elle enfanta la douce Latone au voile bleu, Latone qui, toujours agréable aux immortels et aux humains, apporta dès sa naissance l’allégresse dans l’Olympe. Elle engendra encore la célèbre Astérie que Persès autrefois amena dans son vaste palais pour la nommer son épouse. Devenue enceinte, Astérie donna l’existence à Hécate, que Jupiter, fils de Saturne, honora entre toutes les déesses : il lui accorda de glorieux privilèges et lui permit de commander sur la terre et sur la mer stérile. Déjà, sous Uranus couronné d’étoiles, elle avait obtenu cet emploi et jouissait des plus grands honneurs parmi les dieux immortels.

Et en effet, aujourd’hui quand un des hommes terrestres fait, selon la coutume, des sacrifices expiatoires, il invoque Hékatè, et une grande faveur lui est accordée promptement, et la Déesse bienveillante exauce sa prière et le comble de richesses, car cela lui est facile. Quelqu’un parmi les humains offre-t-il, selon les rites sacrés, un sacrifice expiatoire, c’est Hécate qu’il invoque ; à celui-là viennent aussitôt la grandeur et la fortune, dont la puissante Hécate reçoit favorablement les prières. Aujourd’hui, lorsqu’un des hommes, enfans de la terre, célèbre, selon l’usage, des sacrifices expiatoires, c’est Hécate qu’il invoque, et soudain la céleste faveur environne le suppliant dont la bienveillante déesse accueille les prières ; elle lui prodigue la richesse, car elle en a le pouvoir.

Tous les honneurs que les enfants de Gaia et d’Ouranos ont reçus de la Moire, Hékatè les possède, car le Kronide ne lui enlevé ni la puissance ni aucun des honneurs qu’elle possédait sous les anciens Dieux Titans ; mais elle possède tout ce qui lui avait été accordé au commencement. Et parce qu’elle est fille unique, la Déesse est non moins honorée sur la terre et dans l’Ouranos que sur la mer ; et elle est encore plus puissante, parce que Zeus l’honore. Celui qu’elle veut aider magnifiquement, elle l’aide, et il brille dans les assemblées des hommes, si elle le veut. Quand les guerriers s’arment pour le combat terrible, alors la Déesse favorise qui elle veut, et à ceux-ci elle accorde une prompte victoire et elle donne la gloire. Aux attributs répartis entre les enfants de la Terre et du Ciel Hécate avait participé. Zeus ne lui a rien ravi de ce qu’elle obtint autrefois parmi les premiers dieux, parmi les Titans ; elle possède encore tout ce que lui a donné cet antique partage. Pour être seule de sa race, ses honneurs n’en sont pas moindres sur la terre, sur la mer et dans le ciel ; au contraire, ils se sont accrus, parce que Zeus l’honore. Elle peut, comme elle le veut, prêter son aide puissante aux humains : à son gré, elle leur accorde l’empire dans les assemblées des peuples ; lorsqu’ils se précipitent au milieu de la mêlée meurtrière, elle est là, qui leur distribue à son gré la victoire et la renommée. Tous les privilèges partagés entre les nombreux enfans de la Terre et d’Uranus, elle seule les réunit. Le fils de Saturne ne lui a ni dérobé ni arraché aucune des prérogatives qui lui échurent sous les Titans, ces premiers dieux ; elle conserve tout entière la part d’autorité qu’elle obtint dans l’origine. Fille unique, elle n’est ni moins respectée ni moins puissante sur la terre, dans le ciel et sur la mer ; son pouvoir est encore plus vaste, parce que Jupiter l’honore. Quand elle veut favoriser un mortel, elle l’assiste avec empressement, et, selon sa volonté, elle le fait briller dans l’assemblée des peuples. Lorsque les hommes s’arment pour le combat meurtrier, c’est elle qui, à son gré, se hâte de lui accorder la victoire et de prodiguer la gloire au vainqueur.

Elle s’assied auprès des Rois vénérables, quand ils jugent. Quand les guerriers, réunis, se livrent aux luttes, la Déesse leur est propice et les aide. À celui qui l’emporte par son courage et sa force un beau prix est promptement accordé, et, joyeux, il donne la gloire à ses parents. Elle favorise les cavaliers, quand elle le veut ; et ceux qui fendent la glauque mer agitée, quand ils supplient Hékatè et le retentissant Poseidaôn, la Déesse illustre leur accorde aisément une proie abondante, ou, la leur montrant, elle la leur ravit aisément, si elle veut. Avec Hermès, elle multiplie, dans les étables, les troupeaux de bœufs, et les troupeaux de chèvres, et les troupeaux de brebis laineuses ; et, à son gré, elle en accroît le nombre ou le diminue. Enfin, comme elle est la fille unique de sa mère, elle est revêtue de tous les honneurs parmi les Dieux, et le Kronide en a fait la nourrice de tous les hommes qui, après elle, de leurs yeux verront la lumière de l’étincelante Éôs. Ainsi, dès le commencement, elle nourrit les jeunes hommes, et tels sont ses honneurs. Dans les jugements elle s’assied auprès des rois, sur leur auguste tribunal. C’est elle qui préside aux jeux de la lice, et le mortel qu’elle favorise, vainqueur de ses rivaux par la force et par le courage, emporte sans peine le prix du combat, et, le cœur plein de joie, couronne de sa gloire ceux qui l’ont fait naître. C’est elle qui préside aux courses de char, aux travaux de la mer orageuse. Les matelots l’invoquent ainsi que le dieu qui ébranle à grand bruit la terre. Elle peut, à sa volonté, envoyer au chasseur une riche proie, ou la lui ravir. C’est elle encore, qui, dans les étables, préside, avec Hermès, à la prospérité des troupeaux ; par elle par sa volonté, se multiplient ou dépérissent et les bœufs, et les chèvres, et les brebis à l’épaisse toison. Ainsi quoique seule de sa race, quoique l’unique fruit des amours de sa mère, elle a part à tous les honneurs des dieux. Le fils de Cronos confia en outre à ses soins les premières années de tous les hommes qui après elle ouvriraient les yeux à la lumière de l’éclatante Aurore ; elle dut être dès l’origine leur nourrice et leur mère. Voilà les glorieuses fonctions qui lui furent départies. Aux jours où l’on rend la justice, elle s’assied auprès des rois vénérables. Si elle voit des rivaux lutter dans l’arène, toujours propice, elle vient les encourager et les secourir ; l’athlète vainqueur par sa force et par sa constance mérite promptement un prix magnifique, et transporté d’allégresse, couvre de gloire sa famille. Quand elle le veut, elle protège les écuyers qui montent sur les chars ; également favorable aux navigateurs qui affrontent le trajet difficile de la mer azurée, elle exauce les vœux qu’ils adressent à Hécate et au bruyant Neptune : cette illustre déesse leur procure aisément une abondante proie ou ne la leur montre que pour les en dépouiller si tel est son désir. Occupée avec Mercure à multiplier dans les étables les bœufs, les agneaux, les nombreux essaims de chèvres et de brebis à la toison épaisse, elle peut, comme il lui plaît, accroître ou diminuer les troupeaux. Rejeton unique de sa mère, elle vit comblée d’honneurs parmi tous les immortels. Le fils de Saturne la chargea encore d’élever et de nourrir les humains qui, après elle, devaient voir la lumière de l’aurore au loin étincelante. Ainsi dès le principe, elle devint la nourrice des enfans : tels sont ses nobles emplois.

Et Rhéia, domptée par Kronos, enfanta une illustre race : Istiè, Dèmètèr, Hèrè aux sandales dorées, et le puissant Aidès qui habite sous terre et dont le cœur est inexorable, et le retentissant Poseidaôn, et le sage Zeus, père des Dieux et des hommes, dont le tonnerre ébranle la terre large. Cédant à l’amour de Cronos, Rhéa eut de lui d’illustres enfants, Hestia, Déméter, Héra à la chaussure d’or, le redoutable Hadès aux demeures souterraines, au cœur inflexible, l’impétueux et bruyant Poséidon, le sage Zeus, père des dieux et des hommes, qui de sa foudre ébranle la vaste terre. Rhéa, amoureusement domptée par Saturne, mit au jour d’illustres enfans, Vesta, Cérès, Junon aux brodequins d’or, le redoutable Pluton qui habite sous la terre et porte un cœur inflexible, le bruyant Neptune et le prudent Jupiter, ce père des dieux et des hommes, dont le tonnerre ébranle la terre immense.

Mais le grand Kronos les engloutirait, à mesure que du sein sacré de leur mère ils tombaient sur ses genoux. Et il faisait ainsi, afin que nul, parmi les illustres Ouranides, ne possédât jamais le pouvoir suprême entre les Immortels. Il avait appris, en effet, de Gaia et d’Ouranos étoilé qu’il était destiné à être dompté par son propre fils, par les desseins du grand Zeus, malgré sa force. Et c’est pourquoi, non sans habileté, il méditait ses ruses et dévorait ses enfants. Et Rhéia était accablée d’une grande douleur. À peine sortis des entrailles sacrées de leur mère et déposés sur ses genoux, le grand Cronos engloutissait dans son sein tous ses enfants : c’était pour qu’aucun des glorieux descendants du ciel ne pût un jour lui ravir le sceptre. Car il avait appris d’Ouranos et de Géa, que le sort le condamnait à passer, malgré sa puissance, sous le joug d’un de ses fils, à succomber sous les conseils de Zeus. Ne perdant pas de vue ce danger, attentif à le prévenir, Cronos dévorait ses propres enfants, et Rhéa était en proie à la douleur. Le grand Saturne dévorait ses enfans à mesure que des flancs sacrés de leur mère ils tombaient sur ses genoux ; il agissait ainsi dans la crainte qu’un autre des glorieux enfans du ciel ne possédât parmi les dieux l’autorité souveraine : car il avait appris de la Terre et d’Uranus couronné d’étoiles que, d’après l’ordre du Destin, un jour, malgré sa force, il serait vaincu par son propre fils et détrôné par les conseils du grand Jupiter. Loin de surveiller vainement son épouse, toujours habile à la tromper, il dévorait sa propre race, et Rhéa gémissait, accablée d’une douleur sans bornes.

Mais quand Zeus, père des Dieux et des hommes allait être enfanté par elle, elle supplia ses chers parents, Gaia et Ouranos étoilé, de lui enseigner par quels moyens elle cacherait l’enfantement de son cher fils, et elle pourrait punir les fureurs paternelles contre ses autres enfants que le grand et subtil Kronos avait dévorés. Et Gaia et Ouranos exaucèrent leur fille bien-aimée, et ils lui révélèrent quelles seraient les destinées et du Roi Kronos et de son fils magnanime. Le moment venu de donner le jour à Zeus, elle supplie ses antiques parents, Géa et Ouranos couronné d’astres, elle implore leurs conseils pour cacher la naissance de son fils, pour que ce fils puisse un jour punir les fureurs d’un père cruel de ce grand et rusé Cronos qui avait dévoré ses propres enfants. Ils l’entendent et l’exaucent ; ils lui révèlent ce que les destins ont décidé et de Cronos et de son fils au cœur indomptable ; Enfin, prête à enfanter Jupiter, ce père des dieux et des hommes, elle supplia les deux auteurs de ses jours, la Terre et Uranus couronné d’étoiles, de lui suggérer le moyen de cacher la naissance de son nouveau fils et de venger la mort de tous ses enfans dévorés par l’astucieux Saturne. Prompts à exaucer les désirs de leur fille, ils lui apprirent le destin réservé au roi Saturne et à son fils magnanime ;

Et ils l’envoyèrent à Lyktos, riche cité de la Krètè, au moment où elle allait enfanter le dernier de ses fils, le grand Zeus. Et la grande Gaia le reçut dans la vaste Krètè, pour le nourrir et l’élever. Et d’abord, elle le porta à travers la noire nuit à Lyktos ; puis, le saisissant de ses mains, elle le cacha sous un antre élevé, dans les flancs de la terre divine, sur le mont Aragaios couvert d’épaisses forêts. Puis, ayant enveloppé de lange une pierre énorme, Rhéia la donna au grand Prince Ouranide, à l’antique Roi des Dieux. Et celui-ci la saisit et l’engloutit dans son ventre. ils l’envoient à Lyctos, dans la riche terre de Crète, lorsqu’elle est près d’enfanter le dernier de sa race, le grand Zeus ; l’immense Géa le reçoit, se charge de l’élever et de le nourrir dans les vastes campagnes de la Crète. D’une course rapide, au milieu des ombres de la nuit, la déesse se rend à Lyctos ; elle y porte le fruit de ses entrailles, que recueille Géa, et qu’elle cache dans un antre profond, sous les épaisses forêts du mont Egée. Enveloppant de langes une énorme pierre, Rhéa la présente au puissant fils d’Ouranos, au précédent roi des dieux. Il la prend et l’engloutit aussitôt ; ils l’envoyèrent à Lyctos, ville opulente de la Crète, au moment où elle allait mettre au jour le plus jeune de ses enfans, le grand Jupiter. C’est dans la vaste Crète que la Terre immense le reçut et se chargea du soin de le nourrir et de l’élever. Marchant à travers les ombres de la nuit rapide, elle le porta d’abord à Lyctos, puis, le prenant dans ses mains, elle le cacha sous une haute caverne, dans les entrailles de la terre divine, sur le mont Égée, au fond d’une épaisse forêt. Après avoir enveloppé de langes une pierre énorme, Rhéa la donna au fils d’Uranus, au puissant Saturne, ce premier roi des dieux. Saturne la saisit et l’engloutit dans ses flancs.

Insensé ! Il ne prévoyait pas dans son esprit que, grâce à cette pierre, son fils, invincible et en sûreté, survivrait, et, le domptant bientôt par la force de ses mains, lui ravirait sa puissance et commanderait lui-même aux Immortels. Et la vigueur et les membres robustes du jeune Roi croissaient rapidement. Et, le temps étant révolu, circonvenu par le conseil rusé de Gaia, le subtil Kronos rendit toute sa race, vaincu par les artifices et par la force de son fils. insensé, qui ne sait pas qu’au lieu de cette pierre un fils lui est conservé, un fils qui ne connaîtra ni la défaite ni les soucis, qui bientôt doit le dompter par la force de son corps, le dépouiller de ses honneurs, et régner à sa place sur les immortels. Cependant le nouveau dieu s’élevait rapidement ; ses forces s’augmentaient avee son courage. Le temps venu, surpris par les ruses de Géa, vaincu par les bras et les conseils de son fils, le rusé Cronos rendit à la lumière ces dieux issus de son sang, qu’il avait engloutis. L’insensé ! il ne prévoyait pas qu’en dévorant cette pierre, il sauvait son invincible fils qui, désormais à l’abri du péril, devait bientôt le dompter par la force de ses mains, le dépouiller de sa puissance et commander aux immortels. Cependant la vigueur et les membres superbes du jeune roi croissaient avec promptitude ; les années étant révolues, trompé par les perfides conseils de la Terre, l’astucieux Saturne rendit au jour toute sa race et succomba vaincu par la force et par l’adresse de son fils.

Et, d’abord, il vomit la pierre qu’il avait avalée la dernière. Et Zeus attacha fortement celle-ci sur la terre spacieuse, sur la divine Pythô, au fond des gorges du Parnèsios, pour être un monument futur et une merveille pour les hommes mortels. Et d’abord il vomit la pierre engloutie après eux. Zeus la fixa sur la terre, dans la divine Pytbo, au pied du Parnasse, pour être un jour, aux yeux des mortels, le monument de ces merveilles. D’abord il vomit la pierre qu’il avait dévorée la dernière et que Jupiter attacha dans la terre spacieuse, sur la divine Pytho, au milieu des gorges profondes du Parnasse, afin qu’elle devînt dans l’avenir un monument et une merveille pour les hommes.

Et Zeus délivra de leurs chaînes accablantes ses oncles, les Ouranides, qu’avait enchaînés leur père en démence. Et ils lui rendirent grâce de ce bienfait, et ils lui donnèrent le tonnerre, et la blanche foudre, et l’éclair, que, jusque-là, la grande Gaia avait cachés dans son sein. Et, depuis, confiant dans ces armes, Zeus commande aux hommes et aux Dieux. Par lui furent ensuite délivrés les Ouranides, ses oncles, que, dans sa fureur insensée, son père avait chargés de chaînes. En reconnaissance de ce bienfait, ils lui donnèrent la foudre ardente, le tonnerre, les éclairs, jusqu’alors enfermés dans le vaste sein de la Terre. C’est par ces armes qu’il règne sur les hommes et sur les dieux. Jupiter affranchit de leurs liens douloureux tous ses oncles, enfans d’Uranus, que son père avait enchaînés dans sa démence. Ces dieux, reconnaissans d’un pareil bienfait, lui remirent ce tonnerre, ces éclairs, cette brûlante foudre que la Terre aux larges flancs avait jusqu’alors recélés. Fier de ces armes divines, Jupiter règne sur les hommes et sur les immortels.

Et Iapétos épousa l’Okéanide aux beaux pieds, Klyménè, et partagea le même lit qu’elle. Et elle enfanta le magnanime Atlas, et Ménoitios fier de sa gloire, et Promètheus subtil et rusé, et l’insensé Epimètheus qui fut, dès l’origine, funeste aux hommes industrieux ; car, le premier, il épousa une Vierge imaginée par Zeus. Pour l’injurieux Ménoitios, le prévoyant Zeus l’engloutit dans l’Érébos, le frappant de la blanche foudre, à cause de sa méchanceté et de son insolence orgueilleuse. Par une dure nécessité, Atlas soutient le large Ouranos, aux extrémités de la terre, en face des sonores Hespérides, se tenant debout. Et il le soutient de sa tête et de ses mains infatigables, car le prudent Zeus lui a fait cette destinée. Pour femme, Japet se donna la belle Clymène, fille de l’Océan. Avec elle il entra dans la même couche et elle lui donna pour fils l’indomptable Atlas, l’orgueilleux Ménétios, Prométhée au génie subtil et artificieux, l’imprudent Épiméthée, le premier auteur de nos maux, si funeste aux humains, car c’est lui qui reçut cette vierge que Zeus avait formée. Zeus au perçant regard frappa de sa foudre et précipita dans l’Érèbe Ménétios, indigné de son arrogance et de son audace. Par une dure loi relégué aux extrémités de la terre, non loin des harmonieuses Hespérides, Atlas soutient de sa tête et de ses infatigables mains la voûte immense du ciel. C’est le prudent Zeus qui lui assigna cette destinée. Japet épousa Clymène, cette jeune Océanide aux pieds charmans ; tous deux montèrent sur la même couche, et Clymène enfanta le magnanime Atlas, l’orgueilleux Ménétius, l’adroit et astucieux Prométhée et l’imprudent Epiméthée, qui dès le principe causa tant de mal aux industrieux habitans de la terre, car c’est lui qui le premier accepta pour épouse une vierge formée par l’ordre de Jupiter. Jupiter à la large vue, furieux contre l’insolent Ménétius, le plongea dans l’Erèbe, après l’avoir frappé de son brûlant tonnerre, pour châtier sa méchanceté et son audace sans mesure. Vaincu par la dure nécessité, Atlas, aux bornes de la terre, debout devant les Hespérides à la voix sonore, soutient le vaste ciel de sa tête et de ses mains infatigables. Tel est l’emploi que lui imposa le prudent Jupiter.

Et Zeus attacha par des chaînes solides le subtil Promètheus, et il l’attacha avec de durs liens autour d’une colonne. Et il lui envoya un aigle aux ailes déployées qui mangeait son foie immortel. Et il en renaissait autant, durant la nuit, qu’en avait mangé tout le jour l’oiseau aux ailes déployées. Mais le fils vigoureux d’Alkmènè aux beaux pieds, Hèraklès, tua l’aigle, et chassa ce mal horrible loin du Iapétionide, et le délivra de ce supplice. Et ce ne fut pas contre la volonté de Zeus Olympien qui règne dans les hauteurs, mais afin que la gloire de Hèraklès, né dans Thèbè, fût encore plus grande sur la terre nourricière. Ainsi, voulant honorer son très-illustre fils, il renonça à la colère qu’il avait conçue autrefois contre Promètheus qui avait lutté de ruses avec le puissant Kroniôn. Le même dieu chargea d’indissolubles liens et enchaîna fortement à une colonne le rusé Prométhée ; il lui envoya un aigle aux ailes étendues, qui se repaissait de son foie immortel. Autant le monstre ailé en avait dévoré pendant le jour, autant il en renaissait pendant la nuit. Mais le fils de la belle Alcmène, le courageux Héraclès, délivra Prométhée de son bourreau et termina ses souffrances. Ainsi le permit le dieu qui règne au sommet de l’Olympe, afin que la gloire du héros thébain s’accrût encore sur cette terre, féconde nourrice des êtres. Il voulut honorer par cette nouvelle victoire son illustre fils et calma en sa faveur le courroux qu’il avait autrefois conçu contre Prométhée, parce que celui-ci avait osé entrer en lutte avec les conseils du puissant fils de Cronos. Quant au rusé Prométhée, il l’attacha par des nœuds indissolubles autour d’une colonne ; puis il envoya contre lui un aigle aux ailes étendues qui rongeait son foie immortel ; il en renaissait autant durant la nuit que l’oiseau aux larges ailes en avait dévoré pendant le jour. Mais le courageux rejeton d’Alcmène aux pieds charmans, Hercule tua cet aigle, repoussa un si cruel fléau loin du fils de Japet et le délivra de ses tourmens : le puissant monarque du haut Olympe, Jupiter, y avait consenti, afin que la gloire de l’Hercule thébain se répandît plus que jamais sur la terre fertile. Dans cette idée, il honora son illustre enfant et abjura son ancienne colère contre Prométhée, qui avait lutté de ruse avec le puissant fils de Saturne.

Et, en effet, quand les Dieux et les hommes mortels se disputaient dans Mèkônè, Promètheus montra un grand bœuf qu’à dessein il avait partagé, voulant tromper l’esprit de Zeus. Dans le temps que se jugeait, à Mécone, la dispute des dieux et des hommes, Prométhée servit à Zeus, pour surprendre sa prudence, un bœuf immense dont il avait d’avance fait le partage : En effet, lorsque les dieux et les hommes se disputaient dans Mécone, Prométhée, pour tromper la sagesse de Jupiter,

D’une part, les chairs et les entrailles gosses, il les mit dans la peau, en les recouvrant du ventre de l’animal ; et, de l’autre côté, avec une ruse adroite, les os blancs du bœuf, il les disposa habilement et les recouvrit d’une belle graisse. Et alors, le Père des Dieux et des hommes lui dit : une part contenait, renfermées dans la peau de l’animal, la chair, les grasses entrailles : dans une autre les os artistement disposés étaient recouverts d’une graisse épaisse : exposa à tous les yeux un bœuf énorme qu’il avait divisé à dessein. D’un côté, il renferma dans la peau les chairs, les intestins et les morceaux les plus gras, en les enveloppant du ventre de la victime ; de l’autre, il disposa avec une perfide adresse les os blancs qu’il recouvrit de graisse luisante. Le père des dieux et des hommes lui dit alors :

— Iapétionide ! Le plus illustre des princes, ô cher, que tu as fait des parts inégales ! « Fils de Japet, le plus illustre des rois, s’écria le père des dieux et des hommes, cher Prométhée, tu as fait là un partage bien inégal. » « Fils de Japet, ô le plus illustre de tous les rois, ami ! avec quelle inégalité tu as divisé les parts ! »

Ainsi parla Zeus toujours plein de prudence. Et le subtil Promètheus lui répondit, souriant en lui-même, car il n’avait point oublié sa ruse : Ainsi parla, pour le railler, Zeus aux conseils éternels. Le rusé Prométhée lui répondit avec un léger sourire, l’esprit toujours occupé de son artifice : Quand Jupiter, doué d’une sagesse impérissable, lui eut adressé ce reproche, l’astucieux Prométhée répondit en souriant au fond de lui-même (car il n’avait pas oublié sa ruse ingénieuse) :

— Très-glorieux Zeus, le plus grand des Dieux éternels, choisis de ces parts, celle que ton cœur te persuadera de choisir. « Glorieux Zeus, le plus grand des immortels, choisis de ces deux portions celle qui t’agréera le plus. » « Glorieux Jupiter ! ô le plus grand des dieux immortels, choisis entre ces deux portions celle que ton cœur préfère. »

Il parla ainsi, plein de ruse ; mais Zeus, dans sa sagesse éternelle, ne se méprit point et reconnut cette fraude, et, dans son esprit, prépara des calamités aux hommes mortels ; et ces malheurs devaient s’accomplir. De l’une et l’autre main, il enleva la blanche graisse, et il s’irrita dans son esprit, et la colère envahit son cœur, dès qu’il eut vu les os blancs du bœuf et cette ruse adroite. Et c’est depuis ce temps que la race des hommes, pour les Dieux, brûle les os blancs sur les autels parfumés. Et alors, très-irrité, Zeus qui amasse les nuées lui dit : Il dit, pensant tromper Zeus ; mais le dieu aux conseils éternels n’était point abusé par sa ruse ; il la connaissait ; déjà, il méditait en lui-même contre les mortels une funeste vengeance, qui devait être accomplie. De ses mains il enleva l’enveloppe de graisse, et un violent courroux s’éleva dans son cœur à la vue des blancs ossements que sous une trompeuse apparence elle recelait. C’est depuis ce temps que sur la terre, chez toutes les races humaines, on brûle les os des victimes sur les autels fumants des dieux. Cependant Zeus irrité s’écrie : À ce discours trompeur, Jupiter, doué d’une sagesse impérissable, ne méconnut point l’artifice ; il le devina et dans son esprit forma contre les humains de sinistres projets qui devaient s’accomplir. Bientôt de ses deux mains il écarta la graisse éclatante de blancheur ; il devint furieux, et la colère s’empara de son âme tout entière quand, trompé par un art perfide, il aperçut les os blancs de l’animal. Depuis ce temps, la terre voit les tribus des hommes brûler en l’honneur des dieux les blancs ossemens des victimes sur les autels parfumés. Jupiter qui rassemble les nuages, s’écria enflammé d’une violente colère :

— Iapétionide ! Très-habile entre tous, ô cher, tu n’as point oublié tes ruses adroites. « Fils de Japet, dont nul n’égale l’adresse, cher Prométhée, tu n’as pas, on le voit, renoncé à la ruse ! » « Fils de Japet, ô toi que nul n’égale en adresse, ami ! tu n’as pas oublié tes habiles artifices. »

Et il parla ainsi, plein de colère, Zeus dont la sagesse est éternelle. Et depuis ce temps, se souvenant toujours de cette fraude, il refusa la force du feu inextinguible aux misérables hommes mortels qui habitent sur la terre. Ainsi parla, dans sa colère, Zeus aux conseils éternels. Depuis, gardant le souvenir de son injure, il refusa aux mortels, aux malheureux habitants de la terre, le feu, ce puissant et actif élément. Ainsi, dans son courroux, parla Jupiter, doué d’une sagesse impérissable. Dès ce moment, se rappelant sans cesse la ruse de Prométhée, il n’accorda plus le feu inextinguible aux hommes infortunés qui vivent sur la terre.

Mais le fils excellent d’Iapétos le trompa encore, lui ayant dérobé une portion splendide du feu inextinguible qu’il cacha dans une férule creuse. Et il fut mordu au fond de son cœur, Zeus qui tonne dans les hauteurs ; et la colère ébranla tout son cœur, dès qu’il eut vu, parmi les hommes, resplendir l’éclat du feu. Et, à cause de ce feu, il les frappa d’une prompte calamité. Mais il fut encore trompé par l’industrieux fils de Japet, qui sut le lui dérober, en refermant dans la tige d’une férule ses rayons éclatants. Cependant le cœur de Zeus est rongé par le dépit, la colère s’empare de son âme, lorsqu’il voit au loin, dans la demeure des humains, briller le feu qui lui est ravi. Pour se venger, il leur prépare aussitôt un fléau fatal. Mais le noble fils de Japet, habile à le tromper, déroba un étincelant rayon de ce feu et le cacha dans la tige d’une férule. Jupiter qui tonne dans les cieux, blessé jusqu’au fond de l’âme, conçut une nouvelle colère lorsqu’il vit parmi les hommes la lueur prolongée de la flamme, et voilà pourquoi il leur suscita soudain une grande infortune.

Et l’illustre Boiteux fit avec de la terre, par ordre du Kronide, une forme semblable à une chaste Vierge. Et Athènè aux yeux clairs l’orna et la recouvrit d’une blanche tunique ; et, sur sa tête, elle posa un voile ingénieusement fait et admirable à voir. Puis, une guirlande fleurie de fleurs nouvelles fut mise sur sa tête par Pallas Athènè. Et autour de son front une couronne d’or fut posée, qu’avait faite lui-même l’illustre Boiteux, qui l’avait travaillée de ses mains pour complaire au Père Zeus. Et, dans cette couronne, de nombreuses images étaient sculptées, admirables à voir, de tous les animaux que nourrissent la terre ferme et la mer. Et de ces images jaillissait une grâce resplendissante, admirable, et elles semblaient vivantes. Par ordre du fils de Cronos, l’illustre boiteux façonne avec de l’argile la pudique image d’une vierge. Athéné aux yeux d’azur la revêt elle-même d’une blanche tunique, et elle-même lui attache sa ceinture ; elle jette sur sa tête un voile d’un merveilleux travail ; elle orne ses cheveux de fleurs fraîchement écloses, de gracieuses guirlandes ; enfin, elle place sur son front une couronne d’or, chef-d’œuvre de l’illustre Boiteux. Ce dieu l’avait travaillée de ses mains, pour complaire aux désirs de Zeus, de son illustre père. On y voyait, en grand nombre, ciselés avec un art admirable, les monstres que nourrissent la terre et la mer ; une grâce divine brillait dans cet ouvrage ; ces figures semblaient vivre et respirer. D’après la volonté du fils de Saturne, le boiteux Vulcain, ce dieu illustre, forma avec de la terre une image semblable à une chaste vierge. Minerve aux yeux bleus s’empressa de la parer et de la vêtir d’une blanche tunique. Elle posa sur le sommet de sa tête un voile ingénieusement façonné et admirable à voir ; puis elle orna son front de gracieuses guirlandes tressées de fleurs nouvellement écloses et d’une couronne d’or que le boiteux Vulcain, ce dieu illustre, avait fabriquée de ses propres mains par complaisance pour le puissant Jupiter. Sur cette couronne, ô prodige ! Vulcain avait ciselé les nombreux animaux que le continent et la mer nourrissent dans leur sein ; partout brillait une grâce merveilleuse, et ces diverses figures paraissaient vivantes.

Et quand il eut formé cette belle calamité, en retour d’une bonne œuvre, il conduisit, là où étaient réunis les Dieux et les hommes, cette Vierge ornée par la Déesse aux yeux clairs, née d’un père puissant. Et l’admiration saisit les Dieux immortels et les hommes mortels, dès qu’ils eurent vu cette calamité fatale aux hommes. Car c’est d’elle que sort la race des femmes femelles, la plus pernicieuse race de femmes, le plus cruel fléau qui soit parmi les hommes mortels, car elles s’attachent, non à la pauvreté, mais à la richesse. Lorsque le dieu a ainsi préparé ce fléau décevant, ce présent fatal, il amène la jeune fille, parée des dons de la déesse aux yeux d’azur, au père tout-puissant, dans l’assemblée des dieux et des hommes. Les dieux et les hommes admirent ce piège cruel à l’attrait duquel la race mortelle n’échappera pas. C’est d’elle que vient la race des femmes ; c’est d’elle que viennent ces funestes compagnes de l’homme, qui s’associent à sa prospérité et non à sa misère. Quand il eut formé, au lieu d’un utile ouvrage, ce chef-d’œuvre funeste, il amena dans l’assemblée des dieux et des hommes cette vierge orgueilleuse des ornemens que lui avait donnés la déesse aux yeux bleus, fille d’un père puissant. Une égale admiration transporta les dieux et les hommes dès qu’ils aperçurent cette fatale merveille si terrible aux humains ; car de cette vierge est venue la race des femmes au sein fécond, de ces femmes dangereuses, fléau cruel vivant parmi les hommes et s’attachant non pas à la triste pauvreté, mais au luxe éblouissant.

Et de même que les abeilles, dans leurs ruches couvertes de toits, nourrissent les frelons qui ne font que le mal, et que, pendant le jour, jusqu’au déclin de Hèlios, matinales, elles travaillent et font leurs cellules blanches, tandis que les frelons, pénétrant dans les ruches couvertes de toits, s’emplissent le ventre du fruit d’un travail étranger ; ainsi il donna ces femmes funestes aux hommes mortels, Zeus qui tonne dans les hauteurs, ces femmes qui ne font que le mal. On voit les abeilles nourrir sous l’abri de leurs ruches de méchants et parasites frelons ; tandis qu’elles s’empressent tout le jour, jusqu’au coucher du soleil, pour composer leur miel, et remplir leurs blancs rayons, ceux-ci, à l’ombre des cellules, recueillent à loisir une moisson étrangère, et s’engraissent du labeur d’autrui. Telles sont les femmes que le dieu à la foudre retentissante a données aux hommes pour partager les fruits de leurs pénibles travaux. Lorsque, dans leurs ruches couronnées de toits, les abeilles nourrissent les frelons, qui ne participent qu’au mal, depuis le lever du jour jusqu’au soleil couchant, ces actives ouvrières composent leurs blanches cellules, tandis que renfermés au fond de leur demeure, les lâches frelons dévorent le fruit d’un travail étranger : ainsi Jupiter, ce maître de la foudre, accorda aux hommes un fatal présent en leur donnant ces femmes, complices de toutes les mauvaises actions.

Et il leur envoya aussi une autre calamité, en retour d’une bonne œuvre. Celui qui, fuyant le mariage et le souci pénible des femmes, ne prend point d’épouse, s’il atteint la vieillesse lourde, sera privé des soins donnés au vieillard ; et, s’il n’a point vécu pauvre, du moins, à sa mort ses biens seront partagés entre ses parents éloignés. Pour celui que la Moire a soumis au mariage, s’il a une femme chaste et ornée de sagesse, sa vie n’en sera pas moins mêlée de bien et de mal ; pour celui qui aura épousé une femme d’un mauvais naturel, il aura dans sa poitrine une douleur sans fin, et son âme et son cœur seront la proie d’un mal irrémédiable ; car il n’est point permis de tromper Zeus, et on ne lui échappe point. Bien des maux nous viennent de ce cruel présent que nous a fait Zeus au bruyant tonnerre. Si nous fuyons l’hymen et le commerce inquiet des femmes, nous n’avons, aux jours de la triste vieillesse, personne qui nous soutienne et nous console : en vain nous sommes dans l’abondance ; à notre mort, des parents éloignés se partagent entre eux notre héritage. Le sort nous a-t-il unis à une épouse vertueuse et chère, le mal se mêle encore au bien dans toute notre vie. Mais s’il nous fait rencontrer quelque femme d’une race perverse, alors nous vivons dans l’amertume, portant au fond de notre cœur un éternel ennui, un chagrin que rien ne peut guérir. Ainsi nul ne trompe l’esprit pénétrant de Zeus, nul ne lui échappe. Voici encore un autre mal qu’il leur envoya au lieu d’un bienfait. Celui qui, fuyant l’hymen et l’importune société des femmes, ne veut pas se marier et parvient jusqu’à la triste vieillesse, reste privé de soins ; et s’il ne vit pas dans l’indigence, à sa mort, des parens éloignés se divisent son héritage. Si un homme subit la destinée du mariage, quoiqu’il possède une femme pleine de chasteté et de sagesse, pour lui le mal lutte toujours avec le bien. Mais s’il a épousé une femme vicieuse, tant qu’il respire, il porte dans son cœur un chagrin sans bornes, une douleur incurable. On ne peut donc ni tromper la prudence de Jupiter ni échapper à ses arrêts.

Ainsi Promètheus Iapétionide, qui n’était digne d’aucun châtiment, excita la lourde colère de Zeus, et, sous le coup de la nécessité, malgré toute sa science, il subit une chaîne pesante. Lui-même, le bienfaisant Prométhée, le fils de Japet, n’évita point la terrible atteinte de son courroux ; tout habile qu’il était, une invincible nécessité le fit tomber et le retint dans les fers. Le fils de Japet lui-même, l’innocent Prométhée n’évita point sa terrible colère ; mais, vaincu par la nécessité, malgré sa vaste science, il languit enchaîné par un lien cruel.

Dès que le Père Ouranos se fut irrité dans son cœur contre Briaréôs, Kottos et Gygès, il les lia d’une forte chaîne, et, admirant leur courage formidable, et leur beauté, et leur haute taille, il les renferma sous la terre large. Et là, sous la terre, pénétrés de douleurs, ils demeuraient aux extrémités de la vaste terre, gémissants, et le cœur plein d’une grande tristesse. Mais le Kronide et les autres Dieux immortels que Rhéia aux beaux cheveux avait conçus de Kronos les rendirent à la lumière, d’après les conseils de Gaia. Gaia, en effet, leur fit entendre longuement qu’à l’aide des Géants ils remporteraient la victoire et une gloire éclatante. Lorsqu’autrefois Briarée, Cœos et Gyas excitèrent le courroux d’un père, jaloux de leur force prodigieuse, de leurs formes gigantesques, de leur immense stature, il les chargea de liens et les enferma dans le sein de la vaste terre. Longtemps ils habitèrent au fond de ses derniers abîmes, livrés à la douleur, au désespoir. Mais Zeus et les autres immortels, fils de Rhéa et de Cronos, les rendirent enfin au jour, par le conseil de Géa. Elle leur avait découvert l’ordre des destinées, leur avait promis qu’avec l’aide de ses enfants ils remporteraient sur leurs ennemis une victoire éclatante. Saturne, irrité dans son âme contre Briarée, Cottus et Gygès, s’empressa de les attacher par une forte chaîne, bien qu’il admirât leur audace extraordinaire, leur beauté et leur haute stature ; il les renferma dans la terre aux larges flancs. Là, en des lieux reculés, aux extrémités de cette terre immense, ils souffraient un sort rigoureux et gémissaient, le cœur en proie à une grande tristesse ; mais Jupiter et les autres dieux immortels que Rhéa aux beaux cheveux avait conçus de Saturne, les rendirent à la clarté du jour, d’après les conseils de la Terre. En effet, la Terre, par de longs discours, leur fit comprendre qu’avec ces guerriers ils obtiendraient la victoire et une gloire éclatante.

Et ils combattirent longtemps, accablés de rudes travaux, les Dieux Titans et tous les Dieux nés de Kronos. Et ils se livraient des batailles terribles. Et, du sommet de l’Othrys, les Titans glorieux, et, du faîte de l’Olympos, les Dieux, source des biens, que Rhéia aux beaux cheveux avait conçus de Kronos, luttant les uns contre les autres avec de cruelles fatigues, combattaient sans relâche depuis plus de dix ans. Depuis longtemps combattaient les uns contre les autres et se fatiguaient dans cette pénible lutte la race des Titans et les fils de Cronos. Au sommet du mont Othrys étaient postés les illustres Titans, et sur l’Olympe les dieux, auteurs de tous biens, nés de Cronos et de Rhéa à la belle chevelure. Depuis dix ans entiers, ils se faisaient avec succès égaux une guerre furieuse, acharnée, Longtemps éprouvés par de pénibles travaux les dieux Titans et les enfans de Saturne se livrèrent entre eux de terribles batailles. Du haut de l’Othrys les glorieux Titans, du faîte de l’Olympe, les dieux auteurs de tous les biens, les dieux que Rhéa aux beaux cheveux avait engendrés en s’unissant à Saturne, continuèrent leur sanglante lutte durant dix années entières.

Et cette guerre n’avait ni trêve, ni fin, et elle se perpétuait entre eux à chances égales. Mais, quand Zeus offrit aux Géants ces mets excellents, le Nektar et l’Ambroisie, dont les Dieux eux-mêmes se nourrissent, un plus grand courage s’enfla dans leurs poitrines ; et quand ils eurent goûté le Nektar et l’Ambroisie, alors le Père des Dieux et des hommes leur parla ainsi : sans repos et sans trêve, dont le terme s’éloignait sans cesse. Mais quand les nouveaux alliés des dieux se furent rassasiés de nectar et d’ambroisie, et qu’avec cette céleste nourriture, ils se furent remplis d’une nouvelle audace, le père des dieux et des hommes leur tint ce discours. Cette funeste guerre n’avait ni terme ni relâche, et l’avantage flottait égal entre les deux partis. Enfin, Jupiter, dans un riche festin, prodigua à ses défenseurs le nectar et l’ambroisie dont se nourrissent les dieux même ; leur généreux courage se réchauffa dans toutes leurs âmes ; quand le nectar et la douce ambroisie les eurent rassasiés, le père des dieux et des hommes leur adressa ces paroles :

— Écoutez-moi, illustre enfants de Gaia et d’Ouranos, afin que je vous dise ce que mon cœur m’inspire dans ma poitrine. Déjà, depuis trop longtemps, les uns contre les autres, pour la victoire et pour l’empire, nous combattons chaque jour, les Dieux Titans et nous qui sommes nés de Kronos. Mais vous, votre force immense et vos mains invincibles, employez-les contre les Titans dans la mêlée terrible. Souvenez-vous de notre douce amitié, et n’oubliez pas qu’après tant de maux, délivrés d’une lourde chaîne, vous avez été rendus à la lumière, par nos soins, du fond des ténèbres noires. « Écoutez, illustres enfants de la Géa d’Ouranos, ce que mon cœur me presse de vous dire. Voilà bien des années que combattent ensemble pour la victoire et l’empire, et les Titans et nous tous, qui sommes nés de Cronos. Venez dans la triste mêlée montrer aux Titans votre force terrible et vos redoutables bras. Souvenez-vous de l’amitié qui nous unit, des maux que vous avez soufferts, et qu’ont fait cesser mes conseils, de ces liens, de ces ténèbres, dont je vous ai retirés pour vous rendre à la lumière. » « Ecoutez-moi, nobles enfans de la Terre et d’Uranus, je vous dirai ce que mon cœur m’inspire. Déjà, depuis trop longtemps, animés les uns contre les autres, nous combattons chaque jour pour la victoire et pour l’empire, les dieux Titans et nous tous qui sommes nés de Saturne. Dans ces combats meurtriers, opposés aux Titans, montrez-leur votre force redoutable et vos mains invincibles. Fidèles au souvenir d’une douce amitié, songez qu’après de longues souffrances, affranchis par notre sagesse d’une chaîne cruelle, vous êtes remontés d’un abîme de ténèbres à la lumière du jour. »

Il parla ainsi, et l’irréprochable Kottos lui répondit : Ainsi parla Zeus ; le noble Cottos lui répond à son tour. Il dit. L’irréprochable Cottus répliqua en ces termes :

— Vénérable ! Nous n’ignorons point ce que tu dis, mais nous savons aussi combien tu excelles en sagesse et en intelligence. Loin des Immortels tu as repoussé un mal horrible, et, par ta prudence, du fond des ténèbres noires, nous sommes revenus sur nos pas, délivrés de nos rudes chaînes, ô Roi, fils de Kronos, après avoir souffert désespérément. Et c’est pourquoi, maintenant, d’un cœur ferme et dans une sage volonté, nous t’assurerons l’empire dans cette lutte cruelle, en combattant contre les Titans, au milieu des rudes combats. « Tu n’as rien dit, auguste Zeus, qui ne soit nouveau pour nous. Nous aussi, nous connaissons ton intelligence suprême, ta sagesse que rien n’égale, et nous avons éprouvé combien, dans d’affreuses calamités, les dieux te trouvent secourable. Par toi, par tes prudents conseils, sortant enfin de ses ténèbres épaisses, de ces liens douloureux où nous étions retenus, nous reparaissons contre toute espérance, puissant fils de Cronos. C’est donc avec un cœur résolu, un zèle opiniâtre, que nous soutiendrons ton empire dans ce terrible conflit, engageant le combat avec les formidables Titans. » « Dieu respectable ! tu ne nous apprends rien de nouveau. Nous aussi, nous savons combien tu l’emportes en sagesse et en intelligence. Tu as repoussé loin des immortels une horrible calamité. C’est grâce à ta prudence que nous avons été arrachés de notre obscure prison et délivrés de nos fers douloureux, ô roi, fils de Saturne ! après avoir enduré des tourmens inouïs. Maintenant donc, remplis d’une sage et ferme volonté, nous t’assurerons l’empire dans cette guerre terrible, en bravant les Titans au milieu des ardentes batailles. »

Il parla ainsi et les Dieux, source des biens, applaudirent à ses paroles. Et leur cœur désira la guerre plus que jamais. Et tous engagèrent la violente bataille, en ce jour, tous, tant qu’ils étaient, mâles et femelles, les Dieux Titans et les Dieux né de Kronos, et ceux que Zeus avait rendus à la lumière du fond de l’Érébos souterrain, violents, robustes, possédant des forces infinies ; car cent bras se roidissaient de leurs épaules, et chacun d’eux avait cinquante têtes qui s’élevaient du dos, au-dessus de leurs membres robustes. Et opposés aux Titans dans cette guerre désastreux, ils portaient dans leurs mains solides d’énormes rochers. Et les Titans, de l’autre côté, affermissaient leurs phalanges avec ardeur, et la vigueur des bras et le courage éclataient des deux parts. Il dit, et à ces paroles applaudissent les dieux auteurs des biens. Une ardeur impatiente s’empare des cœurs. Tous, en ce jour, appelaient la guerre, .et les dieux, et les déesses, et les Titans, et les fils de Cronos, et ces fiers et indomptables combattants à la force immense, ramenés par Zeus du fond de l’Érèbe et des abîmes de la Terre. Cent bras sortaient de leurs épaules, et de là aussi, au dessus de leurs robustes membres, s’élevaient cinquante tètes. Armés d’énormes rocs, ils se placent en face des Titans, dont les phalanges se rassemblent et se serrent ; des deux parts, ils ont une égale ardeur à montrer ce que peut la force de leurs bras Il dit. Les dieux, auteurs de tous les biens, approuvèrent ce discours, et leur cœur brûla pour la guerre d’un désir plus violent que jamais. Dans ce jour, un grand combat s’engagea entre tous les dieux et toutes les déesses, entre les Titans et les enfans de Saturne que Jupiter tira des abîmes souterrains de l’Erèbe, pour les rappeler à la lumière, armée formidable, puissante, douée d’une force prodigieuse. Ces guerriers avaient chacun cent bras qui s’élançaient de leurs épaules, et cinquante têtes, attachées à leur dos, planaient sur leurs membres robustes. Opposés aux Titans dans cette guerre désastreuse, tous portaient dans leurs fortes mains d’énormes rochers. De l’autre côté, les Titans, pleins d’ardeur, affermissaient leurs phalanges. Les deux partis déployaient leur audace et la vigueur de leurs bras.

Et la mer immense résonna horriblement, et la terre mugissait avec force, et le large Ouranos gémissait, tout ébranlé, et le grand Olympos tremblait sur sa base au choc des Dieux ; et un vaste retentissement pénétra dans le Tartaros noir, bruit sonore des pieds, tumulte de la mêlée, et violence des coups. Soudain retentissent d’un bruit affreux la mer immense, la vaste terre ; le ciel ébranlé gémit ; le haut Olympe tremble jusque dans ses fondements, quand se heurtent les immortels ; au sombre Tartare même parvient le bruit du choc terrible, des pas qui se précipitent, de l’indicible mêlée, des coups violemment portés ; Un horrible fracas retentit sur la mer immense. La terre poussa de longs mugissemens ; le vaste ciel gémit au loin ébranlé, et tout le grand Olympe trembla, secoué jusqu’en ses fondemens par le choc des célestes armées. Le ténébreux Tartare entendit parvenir dans ses abîmes l’épouvantable bruit de la marche des dieux, de leurs tumultueux efforts et de leurs coups violens.

Et, les uns contre les autres, ils lançaient les traits lamentables, et leur clameur confondue montait jusqu’à l’Ouranos étoilé, tandis qu’ils s’exhortaient et qu’ils se heurtaient avec de grands cris. de tous côtés volent les lamentables traits ; la voix des deux partis qui s’animent au combat frappent le ciel étoilé ; du champ de bataille s’élève une immense clameur. Ainsi les deux troupes ennemies lançaient l’une sur l’autre mille traits douloureux ; tandis que chacune s’encourageait à l’envi, leurs clameurs montaient jusqu’au ciel étoilé et de grands cris retentissaient dans cette mêlée terrible.

Et, alors, Zeus cessa de contenir ses forces, et son âme s’emplit aussitôt de colère, et il déploya toute sa vigueur, tandis que de l’Ouranos et de l’Olympos il se précipitait flamboyant. Et les foudres, avec le tonnerre et l’éclair, volaient rapidement de sa main robuste, roulant au loin la flamme sacrée. Et, de toutes parts, la terre féconde mugissait, flamboyante, et les grandes forêts crépitaient dans le feu, et toute la terre brûlait, et les flots d’Okéanos et l’immense Pontos s’embrasaient, et une chaude vapeur enveloppait les Titans terrestres. Et la flamme dans l’air divin montait largement, et les yeux des plus braves étaient éblouis par la splendeur irradiante de la foudre et de l’éclair. Zeus ne contint pas longtemps dans son âme le courroux belliqueux dont elle était remplie : bientôt il fit paraître toute sa puissance. Il allait, lançant le tonnerre du haut de l’Olympe, du haut du ciel. De sa main infatigable partaient sans cesse, avec leurs roulements et leurs éclairs, les carreaux enflammés. La terre féconde brûle en frémissant ; les vastes forêts éclatent ; tout bouillonne et la terre entière, et les courants de l’Océan, et la mer immense ; autour des Titans infernaux se répand une vapeur étouffante, un air embrasé ; leurs audacieux regards sont éblouis, aveuglés par les lueurs delà foudre. Alors Jupiter n’enchaîna plus son courage ; son âme se remplit soudain d’une bouillante ardeur, et il déploya sa force tout entière. S’élançant des hauteurs du ciel et de l’Olympe, il s’avançait armé de feux étincelans ; les foudres, rapidement jetées par sa main vigoureuse, volaient au milieu du tonnerre et des éclairs redoublés et roulaient au loin une divine flamme. La terre féconde mugissait partout consumée et les vastes forêts pétillaient dans ce grand incendie. Le monde s’embrasait ; on voyait bouillonner les flots de l’océan et la mer stérile. Une brûlante vapeur enveloppait les Titans terrestres ; la flamme immense s’élevait dans l’air céleste, et les yeux des plus braves guerriers étaient aveuglés par l’éblouissant éclat de la foudre et du tonnerre.

Et l’immense incendie envahit le Khaos, et il semblait qu’on vît de ses yeux et qu’on entendit de ses oreilles le bouleversement de ces temps où, jadis, la terre et le large Ouranos élevé se heurtaient, lorsque, dans un retentissement sans bornes, l’une allait être fracassée par l’autre qui se ruait d’en haut, tant était horrible le bruit du combat des Dieux ! L’incendie gagne jusqu’au Chaos ; et, à ce que voient les yeux, à ce qu’entendent les oreilles, on eût dit que la terre et le ciel se confondaient, l’une ébranlée sur sa base, l’autre tombant de sa hauteur. Tel était le fracas de ce combat que se livraient les dieux ! Le vaste incendie envahit le chaos. Les regards semblaient voir, les oreilles semblaient entendre encore ce désordre qui agita le monde dans ces temps où la terre et le ciel élevé s’entre-choquaient avec un épouvantable fracas, lorsque la terre allait périr et que le ciel cherchait à la détruire en l’écrasant, tant ces dieux rivaux faisaient partout retentir un belliqueux tumulte !

Et tous les Vents soulevaient avec rage des tourbillons de poussière, au bruit du tonnerre, des éclairs et de l’ardente foudre, ces traits du grand Zeus. Et ils jetaient leurs bruits et leurs clameurs à travers les deux partis. Et un immense fracas enveloppait l’effrayant combat, et la vigueur des bras se déployait des deux côtés. En même temps, les vents soulèvent d’épais tourbillons de poussière, et les transportent, avec les éclairs et les tonnerres, ces traits du grand Zeus, avec les clameurs et le tumulte de la bataille, au milieu des deux armées. Du sein de l’affreuse mêlée s’élève un bruit effroyable ; la force et le courage s’y déployant de part et d’autre, Tous les vents, déchaînant leur rage, soulevaient des tourbillons de poussière mêlés au tonnerre, aux éclairs et à l’ardente foudre, traits enflammés du grand Jupiter ; ils répandaient au milieu des deux armées le bruit et les clameurs. Cette effroyable lutte continuait avec un fracas immense. Partout se déployait une égale vigueur.

Mais la victoire pencha. Jusque-là, se ruant les uns sur les autres, tous avaient bravement combattu dans le terrible combat ; mais alors, au premier rang, engageant une lutte violente, Kottos, Briaréôs et Gygès insatiable de combats, lancèrent trois cents rochers, de leurs mains robustes, coup sur coup, et ils embrasèrent de leurs traits les Dieux Titans, et, dans la profondeur de la terre large, ils les précipitèrent chargés de durs liens, ayant dompté de leurs mains ces adversaires au grand cœur. Et ils les enfoncèrent sous la terre, aussi loin que la terre est loin de l’Ouranos ; car l’espace est le même de la terre au noir Tartaros. font pencher la balance. Longtemps on avait lutté avec une ardeur obstinée ; mais, au premier rang, avaient livré un combat terrible Cottos, Briarée, le belliqueux Gyas. Trois cents rochers, lancés à la fois par leurs robustes bras, tombaient sans cesse sur les Titans et les couvraient comme d’une nue obscure. Ils les vainquirent enfin, malgré leur orgueilleux courage, et, chargés de durs liens, les envoyèrent au fond des abîmes de la terre, aussi loin de sa surface que la terre l’est du ciel ; car le même espace qui sépare le ciel de la terre sépare aussi la terre du Tartare. La victoire se déclara enfin. Jusqu’alors l’un et l’autre partis, en s’attaquant, avaient montré le même courage dans cette violente bataille ; mais, habiles à soutenir aux premiers rangs un combat acharné, Cottus, Briarée et Gygès, insatiables de carnage, de leurs mains vigoureuses lancèrent coup sur coup trois cents rochers, ombragèrent les Titans d’une nuée de flèches, et, vainqueurs de ces superbes ennemis, les précipitèrent tout chargés de douloureuses chaînes sous les abîmes de la terre aux larges flancs, aussi loin que le ciel s’élève au-dessus de la terre : car un même espace s’étend depuis la terre jusqu’au sombre Tartare.

Roulant neuf nuits et neuf jours, une enclume d’airain, tombée de l’Ouranos, arriverait le dixième jour sur la terre ; et, roulant neuf nuits et neuf jours, une enclume d’airain, tombée de la terre, arriverait le dixième jour au Tartaros. Tombant du ciel, une enclume d’airain roulerait pendant neuf jours et pendant neuf nuits, et, seulement à la dixième aurore, toucherait la terre ; tombant de la terre, elle descendrait neuf autres jours, neuf autres nuits, et, à la dixième aurore seulement, entrerait dans le Tartare. Une enclume d’airain, en tombant du ciel, roulerait neuf jours et neuf nuits, et ne parviendrait que le dixième jour à la terre ; une enclume d’airain, en tombant de la terre, roulerait également neuf jours et neuf nuits et ne parviendrait au Tartare que le dixième jour.

Un enclos d’airain l’environne, et la nuit répand murs d’ombre autour de l’ouverture, et, au-dessus, sont les racines de la terre et de la mer stérile. Et là, les Dieux Titans, sous le noir brouillard, sont cachés, par l’ordre de Zeus qui amasse les nuées, dans ce lieu infect, aux extrémités de la terre immense. Autour du Tartare s’étend un mur d’airain, se répand, dans sa partie la plus élevée, une triple nuit ; au-dessus naissent les racines de la terre et de la mer ; c’est là, dans d’épaisses ténèbres, d’infectes vapeurs, aux dernières bornes du monde, que par la volonté du roi des deux, sont ensevelis les Titans. Cet affreux abîme est environné d’une barrière d’airain ; autour de l’ouverture la nuit répand trois fois ses ombres épaisses ; au-dessus reposent les racines de la terre et les fondemens de la mer stérile. Là, par l’ordre de Jupiter qui rassemble les nuages, les dieux Titans languissent cachés dans les ténèbres, au fond d’un gouffre impur, aux extrémités de la terre lointaine.

Et ce lieu n’a point d’issue. Poseidaôn en a fait les portes d’airain et un mur l’entoure de toutes parts ; et là, Gygès, Kottos et Briaréos au grand cœur habitent, sûrs gardiens de Zeus tempêtueux. Et là, de la terre sombre et du Tartaros noir, de la mer stérile et de l’Ouranos étoilé, sont rangées les sources et les limites, affreuses, infectes et détestées des Dieux eux-mêmes. Ils ne peuvent sortir de leur prison ; des portes de fer, qu’y plaça Poséidon, en ferment l’entrée ; d’impénétrables remparts l’investissent ; et là habitent Gyas, Cottos et Briarée, gardes fidèles du redoutable Zeus. Là commencent la terre obscure, le noir Tartare, la mer stérile, le ciel étincelant ; là se touchent les sources, les limites : région affreuse, désolée, que détestent les dieux, Cette prison n’offre point d’issue ; Neptune y posa des portes d’airain ; des deux côtés un mur l’environne. Là demeurent Gygès, Cottus et le magnanime Briarée, fidèles gardiens placés par Jupiter, ce maître de l’égide. Là sont tracées avec ordre les premières limites de la sombre terre, du ténébreux Tartare, de la stérile mer et du ciel étoilé, limites fatales, impures, abhorrées même par les dieux !

C’est un gouffre énorme, et, de toute une année, il n’en atteindrait pas le fond celui qui en passerait les portes ; mais il serait emporté çà et là par une impétueuse tempête, affreuse. Et il est horrible aux Dieux immortels eux-mêmes, ce gouffre monstrueux. Et là, de la nuit noire, la demeure horrible se dresse, toute couverte de sombres nuées. gouffre immense et profond. Entré dans son enceinte, on ne pourrait, dans le cours d’une année entière, en atteindre l’extrémité ; on irait, on irait sans cesse, emporté çà et là par d’impétueux tourbillons. Au sein de ces étranges lieux, redoutés même des immortels, s’élève le triste palais de la Nuit, toujours enveloppé de sombres nuages. gouffre immense ! Le mortel qui oserait en franchir les portes, ne pourrait au bout d’une année en toucher le fond ; il serait entraîné çà et là par une tempête que remplacerait une tempête plus affreuse encore. Ce prodigieux abîme fait horreur aux dieux immortels. C’est là que le terrible palais de la Nuit obscure s’élève couvert de noirs et épais nuages.

À l’entrée, le fils d’Iapétos soutient le large Ouranos, debout, de sa tête et de ses mains infatigables, et plein de vigueur. Et Nyx et Hèméra vont tout autour, s’appelant l’une l’autre et passant tour à tour le large seuil d’airain. Et, en effet, l’une entre et l’autre sort, et jamais ce lieu ne les renferme toutes deux ; mais toujours, l’une existant hors de ce lieu, se meut sur la terre, et l’autre rentre, en attendant que l’heure du départ arrive. Et Hèméra apporte la lumière perçante aux hommes terrestres ; et, portant dans ses mains Hypnos, frère de Thanatos, vient à son tour la dangereuse Nyx enveloppée d’une nuée noire. Car c’est là qu’habitent les enfants de l’obscure Nyx, Hypnos et Thanatos, Dieux terribles. Et jamais le brillant Hèlios ne les éclaire de ses rayons, soit qu’il gravisse l’Ouranos, soit qu’il en descende. L’un, sur la terre et sur le large dos de la mer, tranquille, se promène, doux aux hommes ; mais le cœur de l’autre est d’airain, et son âme est d’airain dans sa poitrine, et il ne lâche point le premier qu’il a saisi parmi les hommes ; et il est odieux aux Immortels eux-mêmes. Devant se tient debout le fils de Japet, soutenant de sa tête et de ses mains, sans jamais se lasser, la voûte immense du ciel. Sur le largo ciel d’airain se rencontrent et conversent ensemble le Jour et la Nuit. L’une sort lorsque entre l’autre, car jamais leur demeure ne les renferme ensemble. Tandis que l’une s’en élance pour commencer son cours autour de la terre, l’autre s’y retire pour y attendre le moment d’entrer ensemble dans la même carrière. C’est le Jour, portant la lumière aux mortels ; c’est la Nuit, la lugubre, la triste Nuit, menant avec elle le Sommeil, frère de la Mort. Là ont leurs demeures le Sommeil’ et la Mort, ces enfants de la sombre Nuit, dieux puissants que jamais le brillant Hélios n’éclaire de ses rayons, soit qu’il monte dans les cieux, soit qu’il en descende. L’un est favorable aux humains ; il parcourt d’un vol paisible la terre, la vaste mer, pour leur verser ses doux présents. L’autre enferme dans sa poitrine une âme de bronze, un cœur d’airain ; on ne peut lui ravir celui des mortels qu’il a choisi pour victime ; c’est l’ennemi même des immortels. Debout à l’entrée, le fils de Japet soutient vigoureusement le vaste ciel de sa tête et de ses mains infatigables. Le Jour et la Nuit, s’appelant mutuellement, franchissent tour à tour le large seuil d’airain ; l’un entre, l’autre sort, et jamais ce séjour ne les rassemble tous les deux. Sans cesse l’un plane au dehors sur l’immensité de la terre, et l’autre, dans l’intérieur du palais, attend que l’heure de son départ soit arrivée. Le Jour dispense aux mortels la lumière au loin étincelante, et la Nuit funeste, revêtue d’un sombre nuage, porte dans ses mains le Sommeil, frère de la Mort. Là demeurent les enfans de la Nuit obscure, le Sommeil et la Mort, divinités terribles que le soleil resplendissant n’éclaire jamais de ses rayons, soit qu’il monte vers le ciel, soit qu’il en redescende. Le Sommeil parcourt la terre et le vaste dos de la mer en se montrant toujours paisible et doux pour les humains. Mais la Mort a un cœur de fer ; une âme impitoyable respire dans sa poitrine d’airain ; le premier homme qu’elle a saisi, elle ne le lâche pas, et elle est odieuse même aux immortels.

Et, tout au fond, sont les demeures sonores du Dieu souterrain, du puissant Aidès et de la terrible Perséphonéiè. Là aussi est le palais retentissant du dieu des enfers ; le puissant Hadès y habite avec la dure Perséphone. Près de là se dressent les demeures retentissantes du puissant Pluton, dieu des enfers, et de la terrible Proserpine ;

Et un chien féroce, effroyable, en garde les portes, et, dans sa mauvaise ruse ceux qui entrent, il les flatte de la queue et des deux oreilles ; mais il ne les laisse plus sortir, et, plein de vigilance, il dévore tous ceux qui veulent repasser le seuil du puissant Aidès et de la terrible Perséphonéiè. Un chien redoutable veille à la porte ; ce monstre farouche, par un instinct perfide, flatte tous ceux qui s’en approchent, il les attire par le mouvement de sa queue et de ses oreilles. Mais, une fois entrés, il ne leur permet plus de sortir, et, attentif à leurs mouvements, il dévore aussitôt quiconque veut repasser le seuil du puissant Hadès et de la dure Perséphone. la porte en est confiée à la garde d’un chien hideux et cruel ; cet animal, par une méchante ruse, caresse tous ceux qui entrent en agitant sa queue et ses deux oreilles, mais il ne les laisse plus sortir, et les épiant avec soin, il dévore quiconque veut repasser le seuil du puissant Pluton et de la terrible Proserpine.

Et là habite aussi la Déesse effroyable aux Immortels, l’horrible Styx, fille aînée d’Okéanos au prompt reflux. Loin des Dieux, elle habite des demeures illustres, couvertes de rochers énormes, et dont l’enceinte est soutenue jusqu’à l’Ouranos par des colonnes d’argent. Là enfin fait son séjour une divinité odieuse aux immortels ; c’est la redoutable nymphe Styx, fille aînée de l’Océan, ce fleuve dont le courant revient sur lui-même. Elle s’y tient, loin des dieux, dans un palais superbe, dont de hauts rochers forment le faîte, et que, de tous côtés, élèvent vers le ciel des colonnes d’argent. Là demeure encore la fille aînée de l’Océan au rapide reflux, la formidable Styx, reine abhorrée des immortels ; le beau palais qu’elle habite loin des autres dieux, s’élève couronné de rocs énormes et soutenu par des colonnes d’argent qui montent vers le ciel.

Parfois, la fille de Thaumas, Iris aux pieds légers, vole en messagère sur le vaste dos de la mer, quand une querelle ou une dissension s’élève parmi Dieux. Si quelque habitant des demeures Olympiennes a menti, Zeus, alors, envoie Iris, pour le grand serment des Dieux, chercher au loin, dans une aiguière d’or, l’Eau fameuse, glacée, qui tombe d’une roche escarpée et haute. Parfois arrive en ces lieux, après avoir effleuré dans sa course le dos de la plaine liquide, la fille de Thaumas, la rapide Iris, chargée d’un message de Zeus. Elle vient par son ordre, lorsqu’une dispute s’est élevée parmi la troupe céleste, et qu’on y a trahi la vérité, chercher dans un vase d’or l’onde fameuse sur laquelle jurent les dieux. De la crête d’un rocher s’échappe goutte à goutte cette eau glacée. Quelquefois la fille de Thaumas, Iris aux pieds légers, vole, messagère docile, sur le vaste dos de la mer lorsqu’une rivalité ou une dispute règne parmi les dieux. Si l’un des habitans de l’Olympe s’est rendu coupable d’un mensonge, Iris, envoyée par Jupiter pour consacrer le grand serment des dieux, va chercher au loin dans une aiguière d’or cette onde fameuse qui descend, toujours froide, du sommet d’une roche élevée.

Dans le sein de la terre spacieuse, l’Eau du Fleuve sacré devient, en coulant dans la nuit noire, un bras de l’Okéanos, et la dixième partie en est réservée. Les neuf autres, autour de la terre et du large dos de la mer, en tourbillons d’argent retombent dans la mer ; mais ce qui flue du rocher est le grand châtiment des Dieux. Sous la vaste terre dans l’antre de la nuit noire, coule en flots abondants, détaché du fleuve sacré, un bras de l’Océan. Une dixième partie en a été réservée, tandis que les neuf autres, roulant en bouillons argentés tout autour, de la terre, de la mer au vaste dos, s’en vont tomber dans celle-ci. Elle seule coule du rocher, objet d’effroi pour les dieux. La plupart des flots du Styx, jaillissant de leur source sacrée, coulent sous les profondeurs de la terre immense, dans l’ombre de la nuit et deviennent un bras de l’Océan. La dixième partie en est réservée au serment : les neuf autres, serpentant autour de la terre et du vaste dos de la plaine liquide, vont se jeter dans la mer en formant mille tourbillons argentés, tandis que l’eau qui tombe du rocher sert au châtiment des dieux.

Si, en faisant des libations, un Dieu s’est parjuré parmi les Immortels qui habitent le faîte du neigeux Olympos, il gît sans haleine toute une année, et il ne goûte plus ni l’Ambroisie, ni le Nektar ; mais, il gît sans haleine, et muet, sur son lit, et un affreux engourdissement l’enveloppe. Et quand son mal a cessé après une longue année, un autre tourment très-cruel le saisit. Celui des immortels, habitant la cime neigeuse de l’Olympe, qui a profané par un parjure la libation sacrée, perd pendant une année entière l’usage de ses sens ; il n’approche plus de ses lèvres ni le nectar ni l’ambroisie ; sans haleine et sans voix, il reste étendu sur sa couche et plongé dans un mortel accablement. Puis, quand ce mal a fini, après une longue année, il passe, d’épreuves en épreuves toujours plus rudes. Si l’un des immortels qui habitent le faîte du neigeux Olympe se parjure en répandant les libations, il languit pendant toute une année, privé du souffle de la vie ; ne savoure plus ni l’ambroisie ni le nectar, et reste étendu sur sa couche sans respiration, sans parole, plongé dans un fatal engourdissement. Lorsque, après une grande année, sa maladie a terminé son cours, il est condamné à des tourmens nouveaux :

Pendant neuf ans, il est relégué loin des Dieux éternels et jamais il ne se mêle ni à leurs conseils, ni à leurs repas. Et, la dixième année seulement, il prend part à l’assemblée des Dieux qui habitent les demeures Olympiennes. Il est neuf ans séparé des dieux, exclu neuf ans de leurs assemblées et de leurs festins, et ne rentre qu’au dixième dans la compagnie des immortels, des habitants de l’Olympe. durant neuf années entières, il vit séparé des dieux immortels, sans jamais se mêler à leurs conseils ou à leurs banquets ; à la dixième année seulement il rentre dans l’assemblée de ces dieux habitans de l’Olympe.

Et ainsi les Dieux consacrèrent au Serment l’Eau incorruptible de Styx, cette Eau antique qui traverse ce lieu aride où, de la terre sombre et du Tartaros noir, et de la mer stérile, et de l’Ouranos étoilé, sont rangées les sources et les limites, affreuses, infectes, et détestées des Dieux eux-mêmes. Tel est le pouvoir attaché par les dieux à ce gage de leurs serments, à ces antiques et inépuisables eaux du Styx, qui roule à travers une âpre contrée. Là commencent la terre obscure, le noir Tartare, la mer stérile, le ciel étincelant ; là se touchent les sources, les limites : région affreuse, désolée que détestent les dieux. Ainsi les dieux consacrèrent au serment l’onde incorruptible du Styx, cette onde antique qui traverse des lieux hérissés de rochers. Là sont tracées avec ordre les premières limites de la sombre terre, du ténébreux Tartare, de la stérile mer et du ciel étoilé, limites fatales, impures, abhorrées même par les dieux !

Et là sont les splendides portes et le seuil d’airain, immuable, construit sur de profondes bases et surgi de lui-même. Et devant ce seuil, loin de tous les Dieux, les Titans habitent, par delà le Khaos couvert de brouillards ; mais les illustres alliés de Zeus qui tonne fortement ont leurs demeures aux de l’Okéanos, — Gygès et Kottos. Pour le vigoureux Briaréôs, Poseidaôn qui frémit profondément en a fait son gendre, et il lui a donné Kymopoléia, sa fille, afin qu’il l’épousât. Et dès que Zeus eut chassé les Titans de l’Ouranos, la grande Gaia enfanta son dernier-né Typhôeus, ayant été unie d’amour au Tartaros par Aphroditè d’or. On y voit des portes brillantes, un seuil d’airain, solide, inébranlable, attaché par de profondes racines, qui de lui-même a pris naissance. Devant, loin de tous les dieux, au delà du noir Chaos, habitent les Titans. Aux fondements même de l’Océan ont leurs demeures les illustres alliés de Zeus à la foudre retentissante, Cottos et Gyas. Pour Briarée, le dieu qui ébranle la terre, le bruyant Poséidon en a fait son gendre, à cause de son courage ; il lui a donné pour femme sa fille Cymopolée. Lorsque Zeus eut chassé du ciel la race des Titans, un dernier enfant naquit de la vaste Terre, unie aux Tartares par la belle Vénus. Là, on voit des portes de marbre et un seuil d’airain, inébranlable, appuyé sur des bases profondes et construit de lui-même. À l’entrée, loin de tous les dieux, demeurent les Titans, par delà le sombre chaos ; mais les illustres défenseurs de Jupiter, maître de la foudre, Cottus et Gygès habitent un palais aux sources de l’Océan. Quand au valeureux Briarée, le bruyant Neptune en a fait son gendre ; il lui a donné pour épouse sa fille Cymopolie. Lorsque Jupiter eut chassé du ciel les Titans, la vaste Terre, s’unissant au Tartare, grâce à Vénus à la parure d’or,

Et elles étaient actives au travail les mains, et ils étaient infatigables les pieds du Dieu robuste. Et de ses épaules sortaient cinquante têtes d’un horrible Dragon, dardant des langues noires. Et des yeux de ces têtes monstrueuses, à travers les sourcils, flambait du feu, et de toutes ces têtes qui regardaient, jaillissait ce feu. Et des voix sortaient de toutes ces têtes affreuses, rendant des sons de toutes sortes, ineffables, semblables aux voix mêmes des Dieux, ou à la voix énorme d’un taureau mugissant et féroce, ou à celle d’un lion à l’âme farouche, ou, chose prodigieuse, à l’aboiement des petits chiens, ou au bruit strident des hautes montagnes. C’était Typhée, dieu terrible, aux bras indomptables, aux infatigables pieds. Sur ses épaules se dressaient cent têtes de serpents, d’affreux dragons, dont les gueules effroyables dardaient toutes de noires langues. Le feu brillait dans ses yeux, au-dessous de ses sourcils. De chacune de ses tê tes partaient des regards enflammés ; de chacune sortaient des voix confuses, un incroyable mélange des sons les plus divers. C’était tantôt le langage que comprennent les dieux, tantôt les rugissements d’un taureau indompté, les rugissements d’un lion farouche, les cris plaintifs de jeunes chiens. Quelquefois il poussait des sifflements dont retentissaient les hautes montagnes. engendra Typhoë, le dernier de ses enfans : les vigoureuses mains de ce dieu puissant travaillaient sans relâche et ses pieds étaient infatigables ; sur ses épaules se dressaient les cent têtes d’un horrible dragon, et chacune dardait une langue noire ; des yeux qui armaient ces monstrueuses têtes, jaillissait une flamme étincelante à travers leurs sourcils ; toutes, hideuses à voir, proféraient mille sons inexplicables et quelquefois si aigus que les dieux même pouvaient les entendre, tantôt la mugissante voix d’un taureau sauvage et indompté, tantôt le rugissement d’un lion au cœur farouche, souvent, ô prodige! les aboiemens d’un chien ou des clameurs perçantes dont retentissaient les hautes montagnes.

Et peut-être qu’en ce jour une œuvre fatale eût été accomplie, et que Typhôeus eût commandé aux mortels et aux Immortels, si le Père des hommes et des Dieux ne l’eût compris aussitôt. Et il tonna avec puissance et avec force, et, de toutes parts, la terre reçut un ébranlement horrible, et, au-dessus d’elle, le large Ouranos, et Pontos, et Okéanos, et la profondeur de la terre. Sans doute qu’en ce jour une inévitable révolution se fût accomplie, et que ce monstre eût régné sur les mortels et sur les immortels, sans l’active prévoyance du père des hommes et des dieux. Il fait gronder son tonnerre, et à ce bruit formidable répondent aussitôt la terre, le ciel, la mer, les flots de l’Océan, les profondeurs du Tartare. Sans doute le jour de la naissance de Typhoë aurait été témoin d’un malheur inévitable ; il aurait usurpé l’empire sur les hommes et sur les dieux si leur père souverain n’eût tout à coup deviné ses projets. Jupiter lança avec force son rapide tonnerre qui fit retentir horriblement toute la terre, le ciel élevé, la mer, les flots de l’océan et les abîmes les plus profonds.

Et sous les pieds immortels le grand Olympos chancela, quand le Roi se leva, et la terre gémit. Et, de tous côtés, se répandirent sur la noire mer, et la flamme, et le tonnerre, et l’éclair, et les tourbillons de feu du Monstre, des vents et de la foudre ardente. Sous les pieds immortels de Zeus tressaille le grand Olympe, tandis que se lève son roi ; la terre gémit ; la mer azurée s’échauffe tout entière aux feux dont s’arment les deux combattants, ceux de la foudre et des éclairs, ceux que vomit le monstre ; Quand le roi des dieux se leva, le grand Olympe chancela sous ses pieds immortels ; et la terre gémit. La sombre mer fut envahie à la fois par le tonnerre et par la foudre, par le feu que vomissait le monstre, par les tourbillons des vents enflammés et par les éclairs au loin resplendissans.

Et toute la terre, et tout l’Ouranos, et toute la mer brûlaient, et les flots bouillonnaient au loin et le long des rivages, sous le choc des Dieux, et l’ébranlement était irrésistible. tout bouillonne, et la terre, et le ciel, et la mer ; sur ses rivages bondissent avec furie les flots soulevés par l’approche des deux divinités ; un long ébranlement agite la nature. Partout bouillonnaient la terre, le ciel et la mer ; sous le choc des célestes rivaux, les vastes flots se brisaient contre leurs rivages ; un irrésistible ébranlement secouait l’univers.

Et il s’épouvanta, Aidès qui commande aux Morts ; et les Titans frémirent, enfermés dans le Tartaros, autour de Kronos, en entendant cette clameur inextinguible et ce terrible combat. Hadès lui-même frémit d’effroi au sein de l’empire des ombres ; les Titans tremblent au fond du Tartare, autour de Cronos, lorsqu’ils entendent l’horrible tumulte du combat. Le dieu qui règne sur les morts des enfers, Pluton s’épouvanta, et les Titans, renfermés dans le Tartare autour de Saturne, frissonnèrent en écoutant ce bruit interminable et ce terrible combat.

Et Zeus, ayant réuni toutes ses forces, saisit ses armes, le tonnerre, l’éclair et la foudre brûlante, et, sautant de l’Olympos, frappa Typhôeus. Et il incendia toutes les énormes têtes du Monstre farouche, et il le dompta lui-même sous les coups. Et Typhôeus tomba mutilé et la grande Gaia en gémit. Zeus a rassemblé ses forces ; il a saisi ses armes, son tonnerre, ses éclairs, ses brillants carreaux ; il s’élance et frappe du haut de l’Olympe. Toutes les têtes du monstre s’embrasent ; lui-même il tombe sous les coups pressés du dieu, tout mutilé, et la Terre immense en gémit. Enfin Jupiter, rassemblant toutes ses forces, s’arma de sa foudre, de ses éclairs et de son tonnerre étincelant, s’élança du haut de l’Olympe sur Typhoë, le frappa et réduisit en poudre les énormes têtes de ce monstre effrayant qui, vaincu par ses coups redoublés, tomba mutilé, et dans sa chute fit retentir la terre immense.

Et la flamme de la foudre jaillissait et du corps de ce Roi tombé dans les gorges boisées d’une âpre montagne. Et toute la terre immense brûlait dans une vapeur ardente, et coulait comme l’étain chauffé par les forgerons dans une fournaise à large gueule, ou comme le fer, le plus solide des métaux, dans les gorges d’une montagne, dompté par l’ardeur du feu, coule sur la terre divine, entre les mains de Hèphaistos. Ainsi, la terre coulait sous l’éclair du feu ardent, et Zeus, irrité, plongea Typhôeus dans le large Tartaros. Des torrents de flamme s’échappaient de ce corps consumé par la foudre et précipité par elle au fond d’une obscure et sauvage vallée ; tout autour, à la vapeur de l’incendie, s’échauffait et fondait la terre immense, comme coule l’étain dans le creuset du fondeur, comme s’amollit le fer, le plus dur des métaux, dompté par la main d’Héphaestos, sur ses fourneaux brûlants, au sein des montagnes d’une contrée divine. Ainsi fondait la Terre à l’ardeur de l’incendie. Pour Typhée, Zeus indigné le jeta dans le vaste Tartare.. La flamme s’échappait du corps de ce géant foudroyé dans les gorges d’un mont escarpé et couvert d’épaisses forêts. La vaste terre brûlait partout enveloppée d’une immense vapeur ; elle se consumait, comme l’étain échauffé par les soins des jeunes forgerons dans une fournaise à la large ouverture, ou comme le fer, le plus solide des métaux, dompté par le feu dévorant dans les profondeurs d’une montagne, lorsque Vulcain, sur la terre sacrée, le travaille de ses habiles mains : ainsi la terre fondait, embrasée par la flamme étincelante. Jupiter plongea avec douleur Typhoë dans le vaste Tartare.

Et de Typhôeus sort la force des vents au souffle humide, excepté Notos, Boréas et le rapide Zéphyros, qui sont issus des Dieux, et toujours très-utiles aux hommes. Mais les autres vents, sans utilité, soulèvent la mer, et, se précipitant sur le noir Pontos, terrible fléau des hommes, ils forment des tourbillons violents. Et ils soufflent çà et là, et dispersent les nefs et perdent les matelots ; car il n’y a point de remède et la ruine de ceux qui les rencontrent sur la mer. Et sur la face de la terre immense et fleurie, les beaux travaux des hommes nés d’elle, ils les détruisent, les remplissant de poussière et d’un bruit odieux. C’est de Typhon que viennent les vents aux humides haleines, moins Notos, Borée, Argestès et Zéphyre. Ceux-ci sont de race divine ; ils servent aux mortels ; les autres soufflent au hasard sur la vaste mer. faisant sur les flots assombris, pour la perte des mortels, de furieuses tempêtes ; leurs souffles, qui se précipitent de tous les points de l’horizon, dispersent les vaisseaux, abîment les nautoniers ; malheur à quiconque se rencontre sur leur passage ! Ils parcourent aussi la terre immense et fleurie, détruisant les doux fruits du travail des humains, les enveloppant à grand bruit d’épais tourbillons dépoussière. De Typhoë naquirent les humides Vents, excepté Notus, Borée et l’agile Zéphyre : Ces trois vents issus d’une divine race, prêtent un grand secours aux humains ; les autres, entièrement inutiles, agitent la mer, se précipitent sur ses sombres vagues et causent des maux nombreux aux mortels en excitant de violens orages. Tantôt, soufflant de tous les côtés, ils dispersent les navires et font périr les matelots : alors il ne reste plus d’espoir de salut aux infortunés qui les rencontrent sur la mer ; tantôt, déchaînés sur l’immensité de la terre fleurie, ils détruisent les brillans travaux des hommes nés de son sein en les couvrant d’une poussière épaisse et d’une paille aride.

Cependant, après que les Dieux heureux eurent accompli leur œuvre, en luttant contre les Titans pour les honneurs et la puissance, ils engagèrent, par le conseil de Gaia, le prévoyant Zeus à régner et à commander aux Immortels. Et le Kronide leur partagea les honneurs avec équité. Quand les dieux eurent accompli leur œuvre et conquis sur les Titans les honneurs du ciel, ils portèrent, par le conseil de Géa, au commandement, à l’empire des immortels, le maître de l’Olympe, Zeus, dont les regards embrassent tout ce qui existe. C’est lui qui fit entre eux le partage des divins honneurs. (50) Quand les bienheureux immortels, après avoir courageusement combattu pour l’empire contre les Titans, eurent terminé cette guerre pénible, ils engagèrent, d’après les conseils de la Terre, Jupiter Olympien à la large vue, à saisir le pouvoir et à commander aux dieux. Jupiter leur distribua les honneurs avec équité.

Et, d’abord, le Roi des Dieux, Zeus, prit pour femme Mètis, la plus sage d’entre les Immortels et les hommes mortels. Mais, comme elle allait enfanter la déesse Athènè aux yeux clairs, alors, abusant son esprit par la ruse et par de flatteuses paroles, Zeus la renferma dans son ventre, par les conseils de Gaia et d’Ouranos étoilé. Zeus, roi des dieux, prit d’abord pour épouse Métis (la Sagesse), qui savait plus de choses que tous les dieux et tous les humains. Mais comme elle allait mettre au jour la déesse aux yeux d’azur, Athéné, Zeus, trompant son cœur avec de douces paroles, l’enferma dans ses propres entrailles. C’était par le conseil de Géa et d’Ouranos ; Ce roi des immortels choisit pour première épouse Métis, la plus sage de toutes les filles des dieux et des hommes. Mais lorsque Métis fut sur le point d’accoucher de Minerve, déesse aux yeux bleus, Jupiter, l’abusant par de flatteuses paroles, la renferma dans ses propres flancs, selon les conseils de la Terre et d’Uranus couronné d’étoiles,

Et ils le lui avaient conseillé, pour que la puissance royale ne fût possédée par aucun des autres Dieux éternels que Zeus ; car il était dans la destinée que, de Mètis, naîtraient de sages enfants, et, d’abord, la Vierge Tritogénéia aux yeux clairs, aussi puissante que son père et aussi sage. Puis, un fils, roi des Dieux et des hommes, devait être enfanté par Métis et posséder un grand courage. Mais, auparavant, Zeus la renferma dans son ventre afin que la Déesse lui donnât la science du bien et du mal. ils le lui avaient conseillé, dans la crainte qu’à sa place quelque autre d’entre les dieux immortels ne s’emparât de l’empire ; car de Métis, ainsi l’avaient annoncé les destins, devaient sortir des enfants d’une intelligence profonde : d’abord cette fille aux yeux d’azur, cette Tritogénie, qui égala son père en force et en sagesse ; puis un fils au cœur magnanime qui régnerait sur les dieux et sur les hommes. Prévenant ce danger, Zeus enferma dans ses entrailles sa jeune épouse, pour que, cachée en lui-même, elle lui révélât la connaissance du bien et du mal. qui voulaient empêcher qu’au lieu de Jupiter, un autre des dieux immortels s’emparât de l’autorité souveraine ; car, suivant l’arrêt du destin, Métis devait lui donner des enfans fameux par leur sagesse : d’abord la vierge aux yeux bleus, Minerve Tritogénie, égale à son père en force et en prudence, puis un fils qui, rempli d’un superbe courage, deviendrait le roi des dieux et des mortels. Jupiter prévint un tel malheur en cachant Métis dans ses flancs, afin que cette déesse lui procurât la connaissance du bien et du mal.

Et puis, il épousa la splendide Thémis, qui enfanta les Heures, Eunomiè, Dikè et la florissante Eirènè, qui mûrissent les travaux des hommes mortels ; et les Moires, à qui Zeus, très-sage, accorda les plus grands honneurs, Klôthô, Lakhésis et Atropos, qui donnent aux hommes mortels de posséder les biens ou de subir les maux. Sa seconde épouse fut la brillante Thémis ; il en eut les Heures, et ces déesses qui président aux bonnes lois, à la justice, à la paix, Eunomie, Dicé, Irène, et par qui s’embellissent les œuvres des mortels ; il en eut encore les Parques, honorées par le dieu très sage des plus glorieux attributs, Clotho, Lachésis, Atropos, chargées par lui de distribuer aux hommes les biens et les maux. Ensuite il épousa la brillante Thémis ; Thémis enfanta les Heures, Eunomie, Dicé, la florissante Irène, qui veillent sur les ouvrages des humains, et les Parques, comblées par Jupiter des plus rares honneurs, Clotho, Lachésis et Atropos, qui dispensent aux hommes et les biens et les maux.

Et Eurynomè enfanta les trois Kharites aux belles joues, elle, l’Okéanide, qui avait une beauté parfaite : Aglaiè, Euphrosynè et l’aimable Thaliè. Et le désir, émanant de leurs paupières, énerve les forces ; et leurs regards sont doux sous leurs sourcils. La fille de l’Océan, la ravissante Eurynome, lui donna ensuite les trois Grâces, charmantes divinités : c’est Aglaé, Euphrosyne ; c’est l’aimable Thalie ; de leurs paupières coulent avec leurs regards les douces langueurs de l’amour ; sous leurs sourcils s’échappent de leurs yeux de doux regards. La fille de l’Océan, Eurynome, douée d’une beauté ravissante, conçut de Jupiter trois Grâces aux belles joues, Aglaia, Euphrosyne et l’aimable Thalie. L’amour, qui amollit les âmes, semble émaner de leurs paupières, et leurs yeux ont des regards pleins de charmes.

Puis, Zeus entra dans la couche de Dèmètèr qui nourrit toutes choses, et celle-ci enfanta Perséphonéiè aux beaux bras, que Aidôneus enleva à sa mère et que lui accorda le sage Zeus. Puis, Zeus aima Mnèmosynè aux beaux cheveux, de qui sont nées les Muses ceintes de mitres d’or, les neuf Muses à qui plaisaient les festins et la douceur du chant. Reçu dans le lit de la nourricière Déméther, Zeus fit naître la belle Proserpine, ravie bientôt à sa mère par Aïdoneus, auquel l’accorda plus tard le sage Zeus. Ensuite il aima Mnémosyne à la belle chevelure ; d’elle naquirent les neuf Muses, que couronne une bandelette dorée, et dont le cœur se plaît aux destins et aux chansons. Cérès, cette nourrice du monde, laissa Jupiter entrer dans sa couche et engendra Proserpine aux bras d’albâtre, Proserpine que Pluton ravit à sa mère et que le prudent Jupiter lui permit de posséder. Jupiter aima encore Mnémosyne à la belle chevelure, qui enfanta les neuf Muses aux bandelettes d’or, les Muses sensibles aux plaisirs des festins et aux douceurs du chant.

Et Lètô enfanta Apollôn et Artémis joyeuse de ses flèches, les plus beaux parmi les Ouraniens, et elle les enfanta s’étant unie à Zeus tempêtueux. De son union avec le dieu qui tient en main la tempête, Latone eut Apollon et la chasseresse Artémis, couple charmant parmi tous les habitants du ciel. Latone, unie d’amour avec le maître de l’égide, fit naître Apollon et Diane chasseresse, ces deux enfans les plus aimables de tous les habitans du ciel.

Enfin, Zeus épousa la dernière, la splendide Hèrè qui enfant Hèbè, Arès et Eieithyia, après s’être unie au Roi des Dieux et des hommes. Et lui-même fit sortir de sa tête Tritogénéia aux yeux clairs, ardente, excitant le tumulte, conduisant les armées, indomptée, vénérable, à qui plaisent les clameurs, les guerres et les mêlées. Mais Hèrè, sans s’unir à Zeus, enfanta l’illustre Hèphaistos. Elle enfanta usant de ses propres forces et luttant contre son époux, Hèphaistos, habile dans les arts entre tous les Ouraniens. Héra, la dernière, devint la brillante épouse de Zeus ; Ilébé, Ares, Ilithye, durent le jour à l’union de cette déesse avec le roi des dieux et des hommes. Seul il fit sortir de sa tête la vierge aux yeux d’azur, Tritogénie, divinité auguste, terrible, indomptable, qui anime la guerre, qui guide les armées, que charment les cris et le tumulte du combat. À son tour, entrant en lutte, dans sa colère, avec son époux, Héra, sans s’unir à lui, engendra l’illustre Héphaestos. le plus industrieux des habitants du ciel. Enfin Jupiter eut pour dernière épouse l’éclatante Junon, qui mit au jour Hébé, Mars et Ilithye après avoir partagé la couche du roi des dieux et des hommes. Mais il fit sortir de sa propre tête Tritogénie aux yeux bleus, cette terrible Pallas, ardente à exciter le tumulte, habile à guider les armées, toujours infatigable, toujours digne de respect, toujours avide de clameurs, de guerres et de combats. Junon, sans s’unir à son époux, mais luttant de pouvoir avec lui, après de laborieux efforts, enfanta l’illustre Vulcain, le plus industrieux de tous les habitans de l’Olympe.

Et d’Amphitritè et du retentissant Poseidâon naquit le grand et puissant Tritôn qui, de la mer, habite la profondeur, auprès de sa mère bien-aimée et de son père royal, dans les demeures d’or du grand Dieu. D’Amphitrite et de Poséidon, qui ébranle à grand bruit la terre, naquit le grand, le puissant Tiphon. Au fond des eaux, près de sa mère, près de son glorieux père, habite dans un palais d’or ce redoutable dieu. D’Amphitrite et du bruyant Neptune naquit le grand et vigoureux Triton, dieu redoutable qui, dans les profondeurs de la mer, habite un palais d’or auprès de sa mère chérie et du roi son père.

Et d’Arès, briseur de boucliers, Kythéréia conçut Phobos et Deimos, Dieux violents, qui dispersent les phalanges des guerriers, dans la guerre horrible, et accompagnent Arès destructeur des cités. Et elle enfanta aussi Harmoniè, que le magnanime Kadmos épousa. Arès, dont le glaive perce les boucliers, eut de la déesse de Cythère l’Épouvante et l’Effroi, divinités horribles, qui, dans l’affreuse mêlée, marchant aux côtés de leur père, le destructeur des villes, dissipent les épais bataillons ; il eut encore d’elle Harmonie, que le magnanime Cadmus choisit pour épouse. Épouse du dieu Mars qui brise les boucliers, Cythérée engendra la Fuite et la Terreur, divinités funestes qui dispersent les épaisses phalanges des héros et parmi les horreurs de la guerre secondent la fureur de Mars, ce destructeur des Villes ; elle enfanta aussi Harmonie, que le magnanime Cadmus choisit pour épouse.

Et, de Zeus, la fille d’Atlas, Maiè, conçut le glorieux Hermès, héraut des Dieux, après être montée sur le lit sacré. Reçue dans la couche sacrée de Zeus, la fille d’Atlas, Maïa, mit au jour l’illustre Hermès, le messager céleste. La fille d’Atlas, Maïa, montant sur la couche sacrée de Jupiter, lui donna le glorieux Mercure, héraut des immortels.

Et la fille de Kadmos, Sémélè, enfanta un fils illustre, s’étant unie à Zeus, le joyeux Dionysos. Mortelles, elle enfanta un Immortel, et, maintenant, tous deux sont Dieux. La fille de Cadmus, Sémélé, conçut de ses embrassements un illustre fils, Dionysos, qui produit la joie. Mère mortelle d’un immortel enfant, elle est maintenant comme lui parmi les dieux. Sémélé, fille de Cadmus, fécondée par les embrassemens de Jupiter, quoique mortelle, engendra un dieu, le célèbre Bacchus qui répand au loin l’allégresse ; tous les deux maintenant jouissent des célestes honneurs.

Et Alkmènè enfanta la Force Hèrakléenne, s’étant unie à Zeus qui amasse les nuées. Alcmene enfin, unie au souverain des nuages, enfanta le puissant Héraclès. Alcmène, unie d’amour avec Jupiter qui rassemble les nuages, donna l’existence au puissant Hercule.

Et l’illustre Hèphaistos, qui boite des deux pieds, épousa l’éclatante Aglaiè, la plus jeune des Kharites. L’illustre boiteux, Héphaestos, prit pour sa brillante épouse Aglaé, la plus jeune des Grâces. Le boiteux Vulcain, ce dieu illustre, eut pour brillante épouse Aglaia, la plus jeune des Grâces.

Et Dionysos aux cheveux d’or épousa la blonde Ariadnè, fille de Minôs, et il l’épousa dans la fleur de la jeunesse, et le Kroniôn la mit à l’abri de la vieillesse et la fit Immortelle. Dionysos à la chevelure dorée épousa la blonde, la florissante Ariadne, la fille de Minos, que Zeus, en sa faveur, exempta de la vieillesse et de la mort. Bacchus aux cheveux d’or épousa la fille de Minos, la blonde Ariane, que le fils de Saturne affranchit de la vieillesse et de la mort.

Et le robuste fils d’Alkmènè aux beaux pieds, lui, la Force Hèrakléenne, épousa Hèbè, après ses terribles travaux. Il épousa cette fille du grand Zeus et de Hèrè aux sandales dorées, Hèbè, la chaste Déesse, dans le neigeux Olympos. Heureux, après avoir accompli d’illustres actions, parmi les Dieux il habite, immortel, et à l’abri de la vieillesse. Le généreux fils de la belle Alcmène, Héraclès, quitte enfin de ses douloureuses épreuves, s’unit sur la cime neigeuse de l’Olympe à une pudique épouse, Hébé, fille du grand Zeus et d’Héra à la chaussure d’or ; fortuné mortel qui, après avoir accompli sur la terre de grands travaux, habite éternellement parmi les dieux, sans connaître jamais ni la douleur ni la vieillesse. L’intrépide enfant d’Alcmène aux pieds charmans, le puissant Hercule, délivré de ses pénibles travaux, choisit pour chaste épouse dans l’Olympe neigeux Hébé, cette fille du grand Jupiter et de Junon aux brodequins d’or. Heureux enfin, après avoir accompli d’éclatans exploits, il est admis au rang des dieux, et tous ses jours s’écoulent exempts de malheurs et de vieillesse.

Et, de l’infatigable Hèlios, l’illustre Okéanide Perséis, conçut Kirkè et le prince Aiètès. Et Aiètès, fils de Hèlios qui donne la lumière aux hommes, épousa la fille du fleuve sans fin Okéanos, d’après le conseil des Dieux, l’illustre Idyia aux belles joues, qui enfanta Mèdéia aux beaux pieds, s’étant unie à Aiètès, et domptée par Aphroditè d’or. L’infatigable dieu du jour, Hélios, eut d’une illustre Océanide, de Perséis, et Circé et le roi Æétès. Cet Æétès, ce fils du Soleil qui éclaire les humains, s’unit par la volonté des dieux à une autre fille de l’Océan, le fleuve sans fin, à la fraîche Idye. Vaincue par l’amour, subissant le joug doré de Vénus, la nymphe devint mère de Médée aux pieds charmants. La glorieuse fille de l’Océan, Perseïs donna au Soleil infatigable Circé et le monarque Éétès. Éétès, fils du Soleil qui éclaire les mortels, épousa, d’après le conseil des dieux, Idye aux belles joues, cette fille du superbe fleuve Océan, Idye, qui, domptée par ses amoureuses caresses, grâce à Vénus à la parure d’or, enfanta Médée aux pieds charmans.

Et, maintenant, salut, vous qui avez des demeures Olympiennes, et vous, Iles, Continents, gouffres salés de Pontos ! Adieu maintenant, ô vous qui occupez les célestes palais, qui régnez sur les îles, sur les continents, sur cette onde amère qu’ils enferment ! Recevez maintenant mes adieux, habitans des demeures de l’Olympe, dieux des îles, de la terre et de la mer aux flots salés.

Et, maintenant, chantez harmonieusement, Muses Olympiades, filles de Zeus tempêtueux, la foule de ces Déesses qui, ayant partagé le lit d’hommes mortels, bien qu’immortelles, enfantèrent une race semblable aux Dieux. C’est la race des déesses que vous devez chanter désormais, Muses au doux langage, habitantes de l’Olympe, filles du maître des tempêtes. Dites quelles furent, parmi les immortelles, celles qui, s’alliant à des mortels, en eurent des fils semblables aux dieux. Et vous, Muses harmonieuses, vierges de l’Olympe, filles de Jupiter maître de l’égide, chantez ces déesses qui, reposant dans les bras des mortels, donnèrent le jour à des enfans semblables aux dieux.

Dèmètèr, la plus illustre des Déesses, enfanta Ploutos, s’étant unie d’amour au héros Iasios, en un champ trois fois labouré, dans la fertile Krètè, le bon Ploutos qui va par toute la terre et sur le large dos de la mer. Et tout homme qu’il rencontre ou qui vient à lui, il le fait riche et il lui donne une grande félicité. Déméter, cette déesse auguste, donna le jour à Plutus. Il naquit d’un héros, d’Iasios, dont elle reçut les embrassements dans un sillon fraîchement creusé, au sein de la fertile Crète ; Plutus, dieu bienfaisant, qui parcourut la terre et la vaste mer, distribuant à ceux qu’il rencontre et qui peuvent s’arrêter, les richesses et le bonheur. Cérès, divinité puissante, goûta les charmes de l’amour avec le héros Iasius au sein d’un champ labouré trois fois, dans la fertile Crète ; là elle engendra le bienfaisant Plutus qui, parcourant l’immensité de la terre et le vaste dos de la mer, prodigue au mortel que le hasard amène sous sa main, l’abondance, la richesse et la prospérité.

Et, de Kadmos, Harmoniè, fille d’Aphroditè d’or, conçut Inô, Sémélè, Agavè aux belles joues, et Autonoè, qu’Aristaios aux cheveux épais épousa. Et elle enfanta aussi Polydôros, dans Thèbè ceinte de belles murailles. Harmonie, fille d’Aphrodite, donna à Cadmus Ino et Sémélé, puis Agave, puis Autonoé, qu’Aristée à l’épaisse chevelure eut pour épouse, puis enfin Polydore ; ils naquirent dans les remparts dont Thèbes se couronne. Harmonie, la fille de Vénus à la parure d’or, conçut de Cadmus Ino, Sémélé, Agavé aux belles joues, Autonoë qu’épousa Aristée à l’épaisse chevelure ; elle enfanta aussi Polydore dans Thèbes couronnée de beaux remparts.

Et la fille d’Okéanos, au magnanime Khrysaôr unie d’amour par Aphroditè d’or, Kallirhoè, enfanta le plus illustre des mortel Gèryôn, que tua la Force Hèrakléenne, à cause des bœufs aux pieds flexibles, dans Erythéia entourée des flots. Unie par l’amour au magnanime Chrysaor, Callirhoé, fille de l’Océan, enfanta le plus robuste des mortels, ce Géryon que tua Héraclès dans l’île d’Érythie, pour lui ravir ses bœufs au pied flexible. Callirhoë, fille de l’Océan, goûtant avec le magnanime Chrysaor les plaisirs de Vénus à la parure d’or, engendra le plus robuste de tous les mortels, Géryon qu’immola le puissant Hercule pour ravir ses bœufs aux pieds flexibles dans Erythie entourée de flots.

Et Éôs donna à Tithôn Memnôn au casque d’airain, prince des Aithiopiens, et le roi Hèmathiôn. Et, de Képhalos, elle conçut un fils illustre, le brave Phaéthôn, homme semblable aux Dieux, qui, orné de la fleur de sa brillante jeunesse, ne songeait qu’aux jeux enfantins. Mais Aphroditè, qui aime les sourires, en fit, l’ayant enlevé, le gardien nocturne de ses temples, tel qu’un génie divin. L’Aurore eut de Tithon Memmon au casque d’or, roi des Éthiopiens, et un autre roi, Hémation. Céphale la rendit mère d’un illustre fils, du vaillant Phaéton, mortel semblable aux dieux. Dans ses jeunes années, lorsque la fleur délicate de l’adolescence brillait sur son visage, que les douces pensées de cet âge occupaient son cœur, la riante Aphrodite le ravit, l’attacha à son culte, et le chargea, génie divin, du service nocturne de ses temples. L’Aurore donna à Tithon Memnon au casque d’airain, roi de l’Éthiopie et le monarque Hémathion. Elle conçut de Céphale un illustre enfant, l’intrépide Phaéton, homme semblable aux dieux. Phaéton, encore paré des tendres fleurs de la brillante jeunesse, ne pensait qu’aux jeux de son âge, lorsque Vénus, amante des plaisirs, l’enleva, l’établit nocturne gardien de ses temples sacrés et lui accorda les honneurs divins.

Et par la volonté des Dieux éternels, l’Aisonide enleva la fille du prince Aiètès nourri par Zeus, après avoir subi de pénibles et nombreux travaux que lui avait imposés le grand prince orgueilleux Péliès, injurieux, impie et coupable de grands crimes. Et l’Aisonide revint dans Iolkos, après avoir beaucoup souffert, emportant dans sa nef rapide la belle jeune fille aux yeux noirs qu’il épousa dans sa florissante beauté, et qui, domptée par Iasôn, pasteur des peuples, enfanta Mèdéios que le Phillyride Kheirôn éleva sur les montagnes. Et ainsi s’accomplissait la volonté du grand Zeus. Le fils d’Éson, par la volonté des dieux, enleva du palais de son père la fille du roi Æétès, nourrisson de Zeus. Ce fut après avoir accompli les pénibles et si nombreux travaux que lui avaient imposés un roi orgueilleux, l’injuste, le violent Pélias, cet artisan de crimes. Sorti de ces épreuves, après mille dangers et mille maux, il revint à Iolcos, emmenant sur sa nef rapide la jeune fille aux doux regards, dont il fit son épouse. Cédant à l’amour de Jason, pasteur des peuples, Médée le rendit père de Médéos, que nourrit dans les montagnes Chiron, fils de Philyre. Ainsi l’avaient voulu les conseils du grand Zeus. Docile aux conseils des dieux immortels, le fils d’Éson enleva la fille d’Éétès, de ce monarque nourrisson de Jupiter, lorsqu’il eut accompli les nombreux et pénibles travaux que lui avait imposés le grand roi Pélias, ce roi orgueilleux, insolent, impie et criminel. Vainqueur enfin, après de longues souffrances, il revint dans Iolchos, amenant sur son léger navire cette vierge aux yeux noirs, dont il fit sa charmante épouse. Bientôt, amoureusement domptée par Jason, ce pasteur des peuples, elle mit au jour Médus que Chiron, ce rejeton de Phillyre, éleva sur les montagnes. Ainsi s’accomplissait la volonté du grand Jupiter.

Et la fille de Nèreus, le Vieillard de la mer, Psamathè, la plus illustre des Déesses, enfanta Phôkos, unie à Aiakos par Aphroditè d’or. Parmi les nymphes de la mer, filles du vieux Nérée, Psamathée, l’une des plus illustres, obtint de l’amour d’Éaque, grâce aux bienfaits d’Aphrodite, un fils nommé Phocos. La fille de Nérée, ce vieillard marin, Psamathe, déesse puissante, enfanta Phocus après s’être unie d’amour avec Éacus, grâce à Vénus à la parure d’or.

Et la Déesse Thétis aux pieds d’argent, domptée par Pèleus, enfanta Akhilleus au cœur de lion, le plus indomptable des hommes. Unie à Pelée, Thétis aux pieds d’argent fut mère d’Achille, au bras meurtrier, au cœur de lion. Fécondée par Pélée, la divine Thétis aux pieds d’argent fit naître un guerrier formidable, Achille au cœur de lion.

Et Kythéréia à la belle couronne enfanta Ainéias, après s’être unie d’amour au héros Ankhisès, sur le faîte de l’Ida aux nombreuses gorges et couvert de forêts. Énée naquit de Cythérée à la brillante couronne, que mit l’Amour entre les bras d’Anchise, sur la cime de l’Ida, dans ses forêts profondes. Cythérée à la belle couronne donna l’existence à Énée lorsqu’elle eût goûté les plaisirs de l’amour avec le héros Anchise sur le faîte ombragé de l’Ida aux nombreux sommets.

Et Kirkè, fille de Hèlios Hypérionide, conçut du patient Odysseus Agrios et l’irréprochable et robuste Latinos, qui, tous deux, dans la retraite des îles sacrées, commandent à tous les illustres Tyrrhéniens. Circé, fille d’Hélios, petite-fille d’Hypérion, eut du patient Ulysse Agrios et le vertueux, le vaillant Latinus ; enfin, grâce aux bienfaits d’Aphrodite, Télégonos, qui tous bien loin, dans les îles sacrées, régnèrent sur l’illustre nation des Tyrrhéniens. Circé, fille du Soleil, né d’Hypérion, unie au patient Ulysse, engendra Agrius et l’irréprochable, le vigoureux Latinus ; elle enfanta encore Télégonus, grâce à Vénus à la parure d’or ; et ces héros, dans la retraite lointaine des îles sacrées, régnèrent sur tous les illustres Tyrréniens.

Et Kalypsô, la plus illustre des Déesses, conçut d’Odysseus Nausithoos et Nausinoos, après s’être unie d’amour. La divine Calypso eut du même Ulysse deux fils, Nausithoos et Nausinoos. Calypso, déité puissante, unie d’amour avec Ulysse, eut pour fils Nausithoüs et Nausinoüs.

Et, ainsi, ayant partagé le lit d’hommes mortels, ces Immortelles conçurent des enfants semblables aux Dieux. Telles furent, parmi les immortelles, celles qui, s’alliant aux mortels, en eurent des fils semblables aux dieux. Telles sont les déesses qui, dormant dans les bras des mortels, donnèrent le jour à des enfans semblables aux dieux.

Et, maintenant, chantez harmonieusement la foule des autres femmes, ô Muses Olympiades, filles de Zeus tempêtueux ! Chantez maintenant la race des femmes de la terre, Muses au doux langage, habitantes de l’Olympe, filles du maître des tempêtes. Maintenant chantez la race des femmes illustres, ô Muses harmonieuses, vierges de l’Olympe, filles de Jupiter maître de l’égide !




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Maj : 20/12/2024