Théories et symboles de la Philosophie Hermétique🔗 catalogues
Auteurs | Dates | Type | Lieu | Thèmes | Statut |
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Oswald Wirth | publ. ? 1910 | Littérature | publ. France | Hermétisme | ✠ |
► Cet ouvrage que l’on trouve PSI et dont nous n’avons aucune source certaine est peut-être une version primitive de plusieurs chapitres du Symbolisme Hermétique du même auteur. Il s’agit en tout cas du même texte avec divers variantes touchant plus au style qu’au fond. Il fait lui-même mention dans l’introduction de l’ouvrage en question de la première éd. de 1910 qu’il a remanié afin de produire la seconde en 1930 et qui serait peut-être le texte présenté ici. N’ayant pu consulter cette première édition, nous ne pouvons pas certifier qu’il s’agit bien de celle-ci, de versions antérieures sous forme d’articles ou encore de notes récapitulatives de la part d’un chercheur anonyme.
↳ S’il s’agit bien de la version 1910, le titre est dans ce cas faux, puisque d’après des catalogues comme celui de Caillet (Manuel bibliographique des sciences psychiques ou occultes T°3) l’ouvrage portait déjà le titre de Le Symbolisme hermétique dans ses rapports avec l’alchimie et la franc-maçonnerie en 1910.
■ Certaines figures ne sont pas placées de la même manière que dans l’édition de 1930 que nous avons pu consulter, mais nous les avons laissées telles quelles.
🕮 Caillet, ref.11456 (Le Symbolisme hermétique).
☩ Texte : én. de Théories et symboles de la Philosophie Hermétique, ℙ XIX.
☩ Illustrations : én. de Théories et symboles de la Philosophie Hermétique, PSI.
⟴CHAPITRE I
Faute de nous élever au-dessus du terrain de la constatation expérimentale, nous avons cessé de comprendre les anciens auteurs qui se basaient sur les lois rationnelles de toute existence. Leurs théories concernant la Nature et le secret de ses opérations nous apparaissent comme de vaines puérilités ; c’est ainsi que la Philosophie hermétique n’est à nos yeux qu’un tissu de rêveries, tout comme l’Alchimie semble définitivement reléguée dans la nécropole des sciences mortes.
Mais une cause particulière a surtout motivé le discrédit qui frappe les doctrines en vogue aux Moyen-Age et jusqu’au XVIII° siècle : nous avons perdu la clef du langage servant à les exprimer. Notre manière de parler est de nos jours toute différente. On ignorait jadis nos prétentions à nous servir de termes rigoureusement précis : des approximations devaient suffire, car la vérité pure est fatalement inexprimable. L’idéal du Vrai se laisse emprisonner dans aucune formule. Il en résulte que, dans une certaine nature, toute parole est mensonge, puisqu’elle n’exprime qu’imparfaitement l’idée qu’elle doit traduire. L’intimité de la pensée, son esprit fondamental, est insaisissable, c’est une divinité qui se dérobe sans cesse et ne consent tout au plus qu’à se refléter parfois dans des images. Tel Moyse, à qui Jahveh n’a pu se montrer que de dos.
Un langage figuré a donc dû être employé chaque fois qu’il s’est agi de faire prendre corps à des notions transcendantes. Moi-même, je ne puis me dispenser d’avoir recours aux allégories et aux symboles. Ce n’est pas de ma part un caprice, car je n’ai à ma disposition aucun autre mode de me faire comprendre. La pensée pure ne se présente à nous que voilée ; mais son voile est transparent pour qui sait discerner.
L’Hermétisme s’adresse aux penseurs qu’une vocation innée pousse à tout approfondir. Les lois universelles de la génération, de la conservation et de la transformation des êtres ne peuvent être représentées que par des schémas dont un esprit superficiel ne saurait saisir la portée. Aussi l’enseignement des sages reste inintelligible pour qui s’arrête au sens extérieur des mots ; mais il appartient à chacun de s’initier par lui-même, en s’inspirant des trois paroles de l’Evangile :
Demandez la Lumière et vous la recevrez ;
Cherchez la Vérité et vous la trouverez ;
Frappez à la Porte du Temple et l’on vous ouvrira.
⟴CHAPITRE II
LA TRADITION
La Foi et la Philosophie. - La Gnose. - L’Hermétisme. Les esclaves de la lettre. - L’Occultisme contemporain.
Alexandrie fut en son temps la capitale intellectuelle du monde antique. Des écoles célèbres y attiraient les sages de toutes les nations : l’Orient et l’Occident se rencontraient dans ce centre cosmopolite qui mettait en contact la Phénicie, la Chaldée, la Perse et l’Inde avec la Grèce classique, Rome et la Gaule. Toutes ces contrées apportèrent les traditions religieuses et scientifiques au pied du trône des Ptolémées. Des Juifs hellénisés traduisirent leur Bible, qui fut pour la première fois rendue accessible aux Gentils par la version dite des Septante. Le babylonien Bérose produisit une œuvre du même ordre en consignant tout ce qu’il savait concernant sa patrie. De précieux enseignements furent ainsi recueillis de toutes parts et comparés. On s’efforça de les coordonner en une synthèse philosophique qui, tout en ne restant malheureusement qu’à l’état d’ébauche n’en exerça pas moins une puissante influence sur le développement du christianisme.
Celui-ci s’est recruté tout d’abord parmi des gens sincères, mais peu éclairés. Les premiers chrétiens furent des esprits ardents, frappés des vices de leur époque qu’ils se proposaient de corriger. Dans leurs assemblées secrètes, ils paraissaient conspirer contre les institutions établies : on les redoutait comme des révolutionnaires farouches, ennemis de toute hiérarchie sociale. Ils proclamaient les hommes égaux devant un Dieu unique, et admettaient une révélation surnaturelle, rendue accessible à tous par la foi. Toute recherche indépendante de la Vérité devenait à leurs yeux condamnable, de même que les arts et les sciences des païens.
À ces hommes d’action étroitement disciplinés, à ces partisans d’une égalité démocratique poussée jusque dans le domaine de l’intelligence, s’opposaient des rêveurs beaucoup plus inoffensifs. Ils se disaient gnostiques et se prétendaient initiés aux mystères des anciens hiérophantes. Cultivant des connaissances accessibles aux seuls esprits d’élite ils se targuaient de posséder les secrets les plus cachés de la nature ; aussi, à l’occasion, se montraient-ils théurges et thérapeutes. Les Chrétiens n’étaient à leurs yeux que des ignorants dangereusement fanatisés dont ils méprisaient la grossièreté ; quant à eux, ils se complaisaient à de subtil spéculations sans parvenir à se mettre d’accord sur une doctrine uniforme. Tout disciple de la Gnose aspirait à devenir le confident direct de la divinité et, par suite, ne croyait guère qu’en lui-même. Le gnosticisme se partageait ainsi en une multitude de sectes offrant le spectacle d’une complète anarchie intellectuelle.
Chrétiens et gnostiques devaient nécessairement se combattre. La lutte se prolongea mais la victoire était acquise d’avance à la discipline et au grand nombre. Devenu formidable, le parti chrétien triompha définitivement lors de la conversion de Constantin. Implacable désormais à l’égard de ses adversaires, il proscrivit tout ce qui se rattachait aux anciens cultes et persécuta en particulier les partisans de la Gnose.
Traqués à titre d’hérétiques, ceux-ci durent dissimuler leurs doctrines sous le couvert des voiles plus épais.
Ainsi naquirent les sciences secrètes ou occultes, qu’un symbolisme ingénieux dérobe à la curiosité des indiscrets. Au premier rang figure l’Alchimie, l’art des transmutations métalliques, qui servit de trame à tout un vaste système d’allégories. On conçut la métallurgie mystique, aux opérations calquées sur celles que la nature accomplit dans les êtres vivants. Une profonde Science de la Vie se cacha sous des symboles spéciaux ; elle s’efforça de résoudre les plus troublantes énigmes et rechercha les bases de la Médecine universelle.
Celle-ci devait porter remède à tous les maux, tant à ceux de l’esprit et de l’âme qu’à ceux du corps, de plus, il lui appartenait de guérir les maladies sociales tout comme les infirmités des individus isolés.
Tous ces bienfaits étaient liés à la préparation de l’Élixir de Vie et de la fameuse Pierre philosophale. Les adeptes cherchaient le moyen d’assurer à tous les êtres une santé inaltérable et de mettre l’homme à l’abri de toutes les misères. Dans ce but, ils se proposaient de conduire toute chose au degré de perfection dont elle est susceptible : c’est ce qu’ils appelaient changer le plomb en or. Ils pratiquaient le Grand Art, l’Art par excellence, ou l’Art sacerdotal et royal des anciens Initiés ; en leur qualité de prêtres, ils interprétaient les lois de l’harmonie universelle, qu’ils appliquaient à titre de rois.
Des conceptions aussi grandioses font éclater les crânes trop étroits. Tous les alchimistes ne furent pas des hommes de génie : la cupidité suscita des chercheurs d’or fermés à tout ésotérisme ; ils prirent tout au pied de la lettre, si bien que leurs extravagances n’eurent bientôt plus de bornes.
Tandis que les souffleurs vulgaires se livraient à cette cuisine incohérente dont se dégagea plus tard la chimie moderne, les Philosophes dignes de ce nom, les amis de la sagesse intrinsèque, prenaient soin de « séparer le subtil de l’épais avec délicatesse et une rare prudence », comme le recommande la Table d’Émeraude d’Hermès Trismégiste : rejetant les scories de la lettre morte ils ne retenaient que l’esprit vivifiant de l’enseignement des maîtres.
Mais le public a confondu les sages avec les fous Il repousse en bloc tout ce qui n’est pas à sa portée la plus immédiate ou n’a pas reçu l’estampille des pontifes ayant su capter sa confiance.
Cependant, parmi nos contemporains, quelques esprits aventureux ont osé pénétrer dans les catacombes des traditions perdues. La voie fut ouverte par Éliphas Lévi (l’Abbé A.-L. Constant), dont M. Stanislas de Guaita, dans ses Essais de Sciences maudites et son Serpent de la Genèse se révèle le plus brillant disciple.
Ces recherches ont une extrême importance du point de vue de la thérapeutique occulte. Elles ont fait apprécier les traités d’Alchimie, qu’on déchiffre nouveau, en dépit de leur style figuré à l’excès.
⟴CHAPITRE III
LES TROIS PRINCIPES
La Lumière. - Soufre, Mercure et Sel. - L’Azoth des Sages. - Le Binaire et sa conciliation.
L’Hermétisme fait remonter l’origine première de toutes choses à une radiation qui part simultanément de partout : c’est la Lumière infinie, l’Aôr Ensoph des Kabbalistes ( Les théories alchimiques ont été résumées avec une clarté remarquable en 1864, par 1e Dr Ch. de Vauréal dans son Essai sur histoire des Ferments, thèse de doctorat qui fit alors sensation au sein de la Faculté de Médecine de Paris).
Cette Lumière créatrice émane d’un centre qui n’est localisé nulle part, mais que chaque être retrouve en lui-même.
Envisagé dans son unité omniprésente, ce Centre est la source de toute existence, de toute pensée et de toute vie.
Il se manifeste dans les êtres comme le foyer de leur énergie expansive, laquelle semble se rapporter à un feu interne, qui serait entretenu par ce que les alchimistes appellent leur SOUFRE.
Or, l’ardeur centrale résulte pour chaque être d’une réfraction en lui de la lumière ambiante, craquelle est avide de pénétrer les corps et représente les influences qui s’exercent sur eux de l’extérieur.
Ainsi la Lumière-Principe se manifeste par rapport aux êtres sous deux aspects opposés : elle converge vers leur centre sous le nom de MERCURE, puis elle rayonne de ce foyer radical à titre d’émanation sulfureuse.
Le Mercure fait donc allusion à ce qui entre et le Soufre à ce qui sort ; mais entrée et sortie supposent un contenant stable, lequel correspond ce qui reste, autrement dit au SEL.
Tout ce qui est relativement fixe résulte d’un équilibre réalisé entre l’expansion sulfureuse et la compression mercurielle. Le Sel est une condensation lumineuse produite par l’interférence de deux rayonnements contraires ; c’est le réceptacle en qui s’infiltre l’esprit mercuriel pour y exciter l’ardeur sulfureuse.
En tout ce qui peut se concevoir comme existant on distingue de toute nécessité Soufre, Mercure et Sel ; car on ne saurait rien imaginer qui n’eût sa substance propre (Sel ), soumise simultanément à des influences internes (Soufre) et externes (Mercure).
Considéré dans son universalité, comme l’éther partout répandu qui pénètre toutes choses, le Mercure prend le nom d’Azoth des Sages. C’est alors le souffle divin (Rouach Elohim) que la Genèse nous montre se mouvant sur le dessus des eaux, lesquelles sont représentées par le Sel .
Originairement tout réside dans l’Azoth ; mais par l’opération de l’Esprit divin le Verbe s’incarne au sein d’une Vierge immaculée, qui donne naissance au Rédempteur.
Celui-ci n’est autre que le Vouloir particulier harmonisé avec la Volonté générale ; c’est le Soufre allié au Mercure dans un Sel parfaitement purifié.
Cette alliance permet à l’individualité de conquérir la plénitude de l’être, de la vie et de la pensée ; car les individus n’existent, ne vivent et ne pensent que dans la mesure où ils parviennent à s’assimiler l’être la vie et la pensée de la collectivité dont ils font partie. Nous ne sommes rien par nous-même : tout provient du grand Tout. L’homme doit donc chercher à s’unir étroitement à la source permanente de toutes choses.
Mais l’intimité d’une semblable union dépend du degré de pureté auquel est porté le Sel. Cela explique l’importance attachée de tous temps aux purifications, qui tiennent encore de nos jours une place prépondérante dans le ritualisme de la Franc-Maçonnerie.
La prédominance du Soufre exalte l’initiative individuelle et se traduit par des qualités viriles énergie, ardeur, courage, audace, fierté, goût du commandement. Elle pousse à créer, à inventer ; elle incite au mouvement, à l’action, et porte à donner plutôt qu’à recevoir ; aussi l’homme se base-t-il moins que la femme sur la foi réceptive : il préfère élaborer ses propres idées plutôt que de s’assimiler celles d’autrui.
Le Mercure développe au contraire les vertus féminines : douceur, calme, timidité, prudence, modestie, résignation, obéissance. Il ne rend pas inventif, mais il donne la faculté de comprendre, de deviner et de sentir avec délicatesse ; de plus il fait aimer le repos, surtout celui de l’esprit ; absorbé dans la rêverie et le vagabondage de l’imagination.
Quant au Sel, il engendre l’équilibre, la pondération, la stabilité ; c’est le milieu conciliateur qu’on a pris à juste titre comme le symbole clé la sagesse.
⟴CHAPITRE IV
LES QUATRE ELEMENTS
Le dédoublement du Sel. - La théorie des Eléments. Leurs symboles. -Leur coordination. - La vie élémentaire. - Comment la prolonger ? - Le fluide des magnétiseurs.
Le Sel comprend l’ensemble de ce qui constitue la personnalité, donc tout à la fois l’âme et le corps, l’une étant ce qu’il y a en nous de céleste, et l’autre ce qui nous rattache à la terre. Cette division est figurée dans le signe alchimique du Sel par le diamètre horizontal qui partage le cercle.
Le segment supérieur représente ce qui est pur, inaltérable et imperceptible, tandis que sa contre-partie inférieure se rapporte à ce qui est hétérogène, accessible à nos sens et sujet à de perpétuels changements. Ce domaine moins éthéré est soumis à l’empire des Éléments.
Ceux-ci n’ont rien de commun avec ce que nous appelons « corps simples » . Ce sont des abstractions qui se distinguent des choses élémentées. Les quatre Éléments se trouvent nécessairement réunis en tout objet physique, car la matière élémentaire résulte de l’équilibre qui s’établit entre eux.
L’Elément appelé « TERRE » échappe à nos perceptions ; c’est la cause invisible et impalpable de la pesanteur et de la fixité. Tout aussi métaphysiques sont l’« AIR » qui produit la volatilité, l’« Eau » qui resserre les corps, et le FEU qui les dilate.
Aux Eléments se rattachent les qualités élémentaires, qui sont le sec, l’humide, le froid et le chaud.
La Terre, qui est froide et sèche, a pour symbole le Bœuf de saint Luc, le Taureau zodiacal du printemps.
L’Air, chaud et humide, est le domaine de l’Aigle de Saint Jean, qui brille au ciel parmi les constellations automnales.
L’Eau est froide et humide ; elle correspond à l’Ange de saint Matthieu, ou au Verseau, station du soleil en hiver.
Le Feu, chaud et sec, est enfin rappelé par le Lion de saint Marc, qui marque dans le zodiaque le milieu de l’été.
L’antagonisme conjugué des Eléments est figuré par un carré que remplit la substance élémentaire.
Les Eléments sont figurés dans l’homme par la matière corporelle passive (Terre), par l’esprit ou le souffle animateur (Air), par les fluides, véhicules de la vitalité (Eau), et par l’énergie vitale, source du mouvement (Feu).
La Terre est un récipient poreux, que traversent l’Eau et l’Air, pour aller alimenter le Feu, qui brûle au centre.
Excité par l’Air, celui-ci consume une partie de l’Eau et vaporise le reste. La vapeur se fraye passage à travers les pores de l’écorce terrestre et s’élève à l’extérieur ; mais le froid la condense en nuages qui se résolvent en pluie. L’Eau, tenant l’Air en dissolution, s’accumule ainsi à la surface du sol, qu’elle imbibe, pour retourner au foyer central.
Il s’établit de la sorte une circulation ininterrompue qui entretient la vie et dure tant que le Feu n’est pas éteint.
Lorsque l’Eau nourricière abonde, le Feu ne demande qu’à briller d’un vif éclat. C’est le cas de la jeunesse exubérante et impétueuse, qui aime à se dépenser jusqu’à l’épuisement de toute humidité centrale. Il survient alors un état de fatigue et d’accablement, dont le remède est le repos.
Or, l’activité se ralentit d’elle-même, dés que le Feu manque de combustible. L’abaissement de la température provoque la condensation de l’humidité extérieure : il pleut, et l’Eau résorbée vient réveiller l’ardeur centrale. Tel est le mécanisme de la réparation pendant le sommeil des forces consumées à l’état de veille.
Avec l’âge le liquide vital se fait d’autant plus rare qu’il a été moins économisé. Il faut donc apprendre à gouverner son Feu avec sagesse, si l’on ne veut pas vieillir prématurément.
Quant à l’art de prolonger de beaucoup la vie humaine, il est loin d’être une pure chimère. L’huile de la lampe de Vesta est susceptible de parer à l’usure des rouages physiologiques. Nos cellules ne se reproduisent pas indéfiniment après un certain nombre de générations leur race s’épuise, et c’est en cela que réside la cause fatale de notre mort corporelle. Ce qui dans notre personnalité est soumis aux Eléments se trouve ainsi voué à un déclin plus ou moins tardif, mais inévitable. Seule la partie sur-élémentaire de notre être peut aspirer à l’immortalité.
L’Elixir de longue vie ne s’en rapporte pas moins à une hygiène à la fois physique, morale et intellectuelle, que les sages ont préconisée de tous temps.
En magnétisme, le « fluide » n’est pas autre chose que l’eau vitale extériorisée sous forme de vapeur. Le thérapeute fait passer sa propre humidité dans l’atmosphère du malade, qui la résorbe et acquiert ainsi un surcroît de vitalité.
Mais il est des magnétiseurs que caractérise l’ardeur du Feu, plutôt que l’abondance de l’Eau. Ils seront de préférence expérimentateurs et agiront par la volonté. Leur intervention sera précieuse dans certains cas spéciaux où il importe de remédier à l’obstruction des pores de l’écorce terrestre en stimulant la circulation vitale. On ne peut alors avoir recours qu’au Feu qui, agissant de l’extérieur, vaporise l’humidité interne et l’oblige à se frayer un passage à travers la Terre insuffisamment perméable. Celle-ci est ainsi décrassée, et de ce fait le malade devient accessible à l’action magnétique ordinaire.
La perméabilité exagérée de l’écorce terrestre rend impressionnable au plus haut point. Les sujets se montrent alors d’une sensibilité exquise. Le magnétisme les transforme à vue d’œil ; mais ce qu’ils acquièrent trop vite risque de leur échapper avec une égale rapidité.
Le moyen de rendre sa propre Terre perméable intéresse au plus haut point le psychurge qui veut arriver à déployer la plénitude de sa puissance. Il en sera traité au chapitre suivant.
⟴CHAPITRE V
L’OEUVRE DES SAGES
Opérations. - Couleurs. - Oiseaux hermétiques. L’Union du Soufre et du Mercure. - L’Etoile des Mages.
La Rose-Croix.
La Pierre philosophale est un Sel purifié, qui coagule le Mercure, pour le fixer en un Soufre éminemment actif.
L’Oeuvre comprend donc trois phases :
La purification du Sel,
La coagulation du Mercure,
Et la fixation du Soufre.
Mais au préalable, il faut se procurer la Matière philosophique. Cela n’entraîne pas à de grandes dépenses, car elle est fort commune et se rencontre "partout".
Cependant, elle demande à être discernée. Tout bois n’est pas bon pour faire un Mercure. La nature nous offre des matériaux qu’on ne saurait faire entrer dans la construction du temple de la Sagesse. Il est des vices rédhibitoires qui font écarter le profane avant même qu’il soit soumis aux épreuves.
Supposons néanmoins l’artiste en possession d’une « matière » convenable à ses projets. Il s’empressera aussitôt de la nettoyer, afin de la débarrasser de tout corps étranger qui pourrait adhérer accidentellement à sa surface.
Cette précaution étant prise, le sujet est enfermé dans l’œuf philosophique hermétiquement luté.
Il est ainsi soustrait à toute influence venant de l’extérieur : la stimulation mercurielle lui fait défaut ; son feu vital dès lors baisse, languit et finit par s’éteindre.
Ce langage serait assez déconcertant si, pour le comprendre, on ne se reportait à la traduction que la Franc-Maçonnerie en offre dans ses usages. Le rituel prescrit de dépouiller le Récipiendaire des métaux qu’il porte sur lui, puis de l’emprisonner dans la Chambre des Réflexions, où il se trouve en présence d’emblèmes funèbres, qui l’invitent à se préparer à la mort.
Isolé, réduit à ses propres ressources, l’individu cesse de participer à la vie générale : il meurt et sa personnalité se dédouble. La partie éthérée se dégage et abandonne un résidu désormais « informe et vide » comme la terre antérieurement à son imprégnation par le souffle divin (Genèse I, 2).
Ainsi apparaît le chaos philosophique dont la couleur noir, est figurée par le Corbeau de Saturne. On peut voir dans cet oiseau l’image des ténèbres qui étaient sur la face de l’abîme ; on lui oppose la Colombe, le symbole de l’Esprit de Dieu se mouvant sur le dessus des eaux.
Privée de vie, la matière tombe en putréfaction. Toute forme organique est alors dissoute, et les Eléments se confondent dans un tohu-bohu désordonné.
Mais la masse putréfiée renferme un germe, dont la dissolution favorise le développement. Ce foyer d’une nouvelle coordination commence par s’échauffer, en raison des énergies qui s’y trouvent emmagasinées. La chaleur dégagée repousse l’humidité et s’enveloppe d’un manteau de sécheresse. Ainsi se reconstitue l’écorce terrestre qui sert de matrice au Feu, qu’elle sépare de l’Eau.
Cette séparation des Eléments rétablit la circulation vitale, qui a pour effet de soumettre la Terre impure à un lavage progressif. L’Eau alternativement extériorisée puis résorbée, fait passer le résidu chaotique du noir au gris, puis au blanc, en passant par les couleurs variées de l’arc-en-ciel, représentées par la queue de paon.
Or, la blancheur a pour symbole le Cygne dont Jupiter prit l’aspect pour s’unir à Léda. Le maître des dieux représente en cela l’Esprit qui féconde ; la Matière purifiée par des ablutions successives. C’est le souffle aérien qui pénètre la Terre, pour en faire surgir l’Enfant philosophique.
Tandis que l’embryon se développe dans le sein maternel, la Terre se recouvre d’une luxuriante végétation, grâce à l’humidité aérienne dont elle est imprégnée ; c’est l’apparition de la couleur verte, celle de Vénus, dont la Colombe est l’oiseau favori.
Désormais il n’y a plus à obtenir que la couleur rouge, celle qui marque l’achèvement de l’œuvre simple ou Médecine du premier Ordre. Elle annonce la parfaite purification du Sel, laquelle rend possible l’accord rigoureux entre l’agent interne et sa source extérieure d’action .
Le Feu individuel en vient alors à brûler d’une ardeur toute divine, et manifeste le pur Soufre philosophique, dont l’image est le Phénix.
Cet oiseau merveilleux était consacré au Soleil et on lui supposait un plumage écarlate. Il représente ce principe de fixité qui réside dans le foyer de notre Feu central, où il semble se consumer sans cesse, pour renaître continuellement de ses cendres.
Pour conquérir cette, immuabilité l’initiative particulière ne doit plus s’exercer que sous l’impulsion directe du Centre moteur universel ; c’est la communion de l’Homme avec Dieu, ou l’harmonie pleinement réalisée entre le Microcosme et le Macrocosme.
Parvenu à cet état, le Sujet prend le nom de Rebis, de res bina, la chose double. On le représente par un androgyne unissant l’énergie virile à la sensibilité féminine. Il est indispensable, en effet, de réunir les deux natures, si l’on veut réaliser la coagulation du Mercure, autrement dit attirer le Feu du Ciel et se l’assimiler.
L’adepte vainqueur des attractions élémentaires possède la vraie liberté, car l’esprit domine en lui sur la matière : il s’est rendu pleinement Homme en surmontant l’animalité. De même que la tête, commande aux quatre membres, un cinquième principe doit subjuguer les Eléments ; c’est la Quintessence, qui est l’essence même de la personnalité ou, si l’on préfère, l’entéléchie assurant 1a persistance de l’être.
Cette mystérieuse entité a pour symbole le Pentagramme, ou l’Etoile du Microscome qui, sous le nom d’Etoile Flamboyante, est bien connue des Francs-Maçons. Ils en ont fait l’emblème caractéristique de leur deuxième grade, auquel on ne peut prétendre qu’après avoir été successivement purifié par la Terre, l’Air, l’Eau et le Feu. Les épreuves initiatiques sont calquées en cela sur les opérations du Grand åuvre ; les quatre purifications se rapportent à la putréfaction (Terre), à la sublimation de la partie volatile du Sel (Air), à l’ablution de la Matière (Eau) et à la spiritualisation du Sujet (Feu). La dernière épreuve fait allusion à l’embrasement qui remplit l’être d’une ardeur toute divine, dès que son foyer d’initiative s’exalte à la chaleur du Feu-Principe animateur de toutes choses.
La Quintessence est parfois représentée par une rose à cinq pétales.
Dans l’une de ses figures, Nicolas Flamel nous montre ainsi la Rose hermétique sortant de la pierre mercurielle sous l’influence de l’Esprit universel. D’autre part, les mystiques rosicruciens combinaient la rose avec la croix et y voyaient l’image de l’Homme-Dieu que nous portons en nous. Le Sauveur était à leurs yeux la Lumière divine qui resplendit au sein de l’âme épurée. Ce n’est d’abord qu’une étincelle, un frêle enfant né de la Vierge céleste, autrement dit de cette essence psychique transcendante, immaculée, universelle, qui est destinée à nous envahir. Cet envahissement refoule ce qui est inférieur en nous : ainsi la Femme apocalyptique écrase la tête du Serpent, séducteur de notre vitalité terrestre, tandis que le Rédempteur grandit pour nous diviniser en nous illuminant.
⟴CHAPITRE VI
LE MAGISTERE DU SOLEIL
L’Illumination. - La Maîtrise. - La Réintégration dans l’Unité. - L’or philosophique. - La Sagesse. - Le Pélican. - L’Etoile de Salomon.
Selon les rites initiatiques, le bandeau de l’ignorance profane tombe des yeux du Récipiendaire dès que celui-ci a été purifié par les Eléments. Cette quadruple purification a pour effet de rendre l’écorce terrestre perméable et transparente ; aussi désormais la lumière extérieure peut être aperçue du dedans. Mais il ne suffit pas à l’Initié de voir la Lumière il lui incombe de l’attirer, pour la concentrer sur le foyer radical de sa personnalité. C’est ce qui s’appelle coaguler le Mercure.
En vue de cette opération le Feu intérieur doit tout d’abord être exalté. L’ardeur centrale extériorise ainsi l’humidité animique, qui transforme l’atmosphère individuelle en un milieu réfringent,
propre à recueillir et à condenser la clarté diffuse de l’Azoth. Grâce à cette réfraction, la personnalité finit par s’imprégner intégralement de Lumière coagulée.
Il importe alors de rendre permanent l’état qui a. su être atteint. On ne peut y parvenir qu’en induisant une circulation vitale nouvelle et plus transcendante que celle qui s’effectue dans le domaine ordinaire des Eléments.
Mais la conquête d’une vie plus élevée suppose toujours une mort préalable. Or, ce n’est plus cette fois le Profane qui périt au sein des ténèbres pour renaître à la Lumière, c’est l’Initié qui meurt élevé au-dessus de terre et cloué sur la croix, en vue d’accomplir le Grand Oeuvre.
Cette mort représente le sacrifice total de soi-même. Elle exige le renoncement à tout désir personnel. C’est l’extinction de l’égoïsme radical, et par suite l’effacement du péché originel. Le moi étroit disparaît, absorbé dans le soi de la Divinité.
Une semblable absorption investit l’Homme de la souveraine puissance. L’être qui n’est plus esclave de rien devient par ce seul fait maître de tout. Sa volonté ne formule que les intentions même de Dieu et à ce titre elle s’impose irrésistiblement.
Mais, en réalisant l’idéal chrétien le sage parfait ne saurait plus s’adonner à aucune entreprise arbitraire. Sa mission de rédempteur le détache de toute mesquinerie. Il ne peut être question pour lui de fabriquer de l’or vulgaire, susceptible de tenter les avares. Lorsque la pierre philosophale est projetée sur les métaux en fusion, c’est en or philosophique qu’elle les transmue, c’est-à-dire en un trésor inaliénable, dont la valeur est absolue et non de simple convention.
Cet or se rapporte à la plus haute somme de perfection dont un être soit susceptible du triple point de vue intellectuel, moral et physique. C’est ainsi que la pierre philosophale devient la suprême médecine à la fois de l’esprit, de l’âme et du corps. Elle procure la santé parfaite et rétablit la créature déchue dans les droits primitifs de sa création.
Mais, pour rendre autrui parfait il faudrait être parfait soi-même. Or, qui oserait prétendre à la perfection ? N’est-elle pas un modèle que l’on peut suivre, mais qu’on n’atteint jamais ? Il en est ainsi lorsque l’on parle de la perfection absolue. Mais ce n’est pas à elle que fait allusion l’or philosophique, qui ne représente que le degré de perfection compatible avec la nature de chaque être. Dès que l’on a soi-même atteint ce degré on peut efficacement remplir le rôle de sauveur. La plus modeste lumière contribue à dissiper les ténèbres, et pour guérir les autres il suffit d’être sain.
Une étincelle divine brille d’ailleurs en tout homme. Elle étouffe le plus souvent sous l’épaisseur de la matière. L’initiation allège celle-ci et avive la flamme sacrée. Dans l’être humain elle développe l’Homme-Principe en faisant éclore le germe des potentialités latentes que nous portons en nous. On ne saurait rien demander de plus ; car toute construction est parfaite dès qu’elle est conforme au plan conçu par l’architecte. Or, il ,s’agit ici de l’Architecte souverain ordonnateur de toutes choses.
D’un autre côté, l’homme n’est rien par lui-même : tout lui vient du dehors ; c’est ce qui lui permet de participer à la toute-puissance dans la mesure où il se rapproche de sa source. Or, pour se rapprocher de Dieu, il suffit de faire sa volonté et de l’aimer.
Faire la volonté de Dieu, c’est travailler à la réalisation du plan divin et, comme une tâche déterminée est assignée à chaque être, tout le devoir consiste à la remplir fidèlement. Le mérite ne réside pas dans les œuvres grandioses, mais dans celles qui répondent aux exigences de (harmonie générale. Dans le concert universel, les exécutants doivent s’appliquer non pas à faire beaucoup de bruit, mais à fournir strictement la note qui leur est demandée.
Remplir rigoureusement sa destinée, telle est donc toute l’ambition du sage. Gloire, honneurs, richesses, plaisir et satisfactions, rien à ses yeux ne peut avoir du ,y prix. Il ne voit dans le monde qu’un théâtre où les personnalités se donnent en spectacle. Les acteurs paraissent sur scène affublés d’accoutrements d’emprunt, et ils jouent leur rôle avec conviction, oubliant qu’à la chute du rideau, ils dépouilleront leurs y oripeaux pour redevenir eux-mêmes.
Dans ces conditions, le personnage que l’on incarne importe assez peu. Prince ou mendiant, héros ou traître, l’essentiel est de bien jouer, en répondant exactement aux intentions de l’auteur.
Cependant, si la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse, la simple docilité n’en est pas la fin. La soumission et l’obéissance sont indispensables, mais, à elles seules, elles ne suffisent pas pour élever vers Dieu : notre élévation se proportionne au degré d’Amour dont nous sommes capables.
Le Pélican est, de ce point de vue, l’emblème de cette charité sans laquelle on ne saurait être qu’un airain qui résonne ou une cymbale retentissante. Cet oiseau blanc alimente ses petits de son propre sang. Il est l’image de l’âme qui se dévoue sans réserve. C’est dans le sentiment qui unit l’individu à tous les êtres que réside la suprême vertu, la « force forte » de toute force.
L’adepte qui brûle de cet amour infini obtient le Sceau de Salomon. Ce signe de la puissance magique par excellence, se compose de deux triangles entrelacés, qui sont les symboles alchimiques du Feu et de l’Eau . Ils représentent plus particulièrement ici la nature humaine unie à la nature divine.
L’Hexagramme ou l’Etoile du Macrocosme est ainsi l’emblème de la théurgie, qui s’appuie sur l’alliance de la Volonté et du Sentiment, alors que la Magie simple se base sur la seule Volonté de l’adepte portée à sa plus haute puissance. Son pantacle est en cela le Pentagramme ou l’Etoile du Microcosme.
Le mage développe son individualité, il exalte son Soufre et devient un centre puissant d’initiative personnelle. Il se rattache à l’initiation masculine ou dorienne, à l’encontre du mystique, qui se conforme aux principes de l’initiation féminine ou ionienne lorsqu’il s’efface devant une puissance extérieure à lui-même (Mercure). Quant au théurge, sa supériorité consiste à concilier l’activité du mage et la passivité du mystique. C’est un chaînon de la suprême hiérarchie : il commande et il obéit, il transmet l’ordre reçu d’en haut à ce qui est placé sous lui, maître dirigeant le travail d’autrui il assure la réalisation du plan de l’éternel Architecte.
⟴CHAPITRE VII
LES SEPT MÉTAUX
La constitution ternaire et septénaire de l’homme. - Correspondance des Métaux et des Planètes. - Les sept principes du Bouddhisme ésotérique.
L’Esprit essentiellement actif ne peut agir sur la substance passive du Corps que par l’intermédiaire de l’Ame, qui se montre passive relativement à l’Esprit niais active par rapport au Corps.
Or, la santé exige que l’influence de l’Esprit puisse s’exercer pleinement sur le Corps. À cet effet, l’Ame doit être le moyen terme exact entre l’Esprit et le Corps. L’harmonie ne peut donc être réalisée que s’il y a équivalence entre les trois facteurs de la personnalité humaine.
Ceux-ci peuvent être représentés graphiquement ,par trois cercles qui se pénètrent partiellement. Il s’engendre alors un Septénaire qui permet d’envisager la constitution de l’homme sous un nouvel aspect.
L’Esprit, l’Ame et le Corps correspondent désormais à l’Or, à l’Argent et au Plomb. Leur synthèse est figurée par le Vif-argent, symbole de la Quintessence, ou du substratum invisible et permanent de la personnalité physique. L’Ame et l’Esprit s’unissent dans l’Ame spirituelle, à laquelle se rapporte l’Étain, tout comme le Fer et le Cuivre s’appliquent respectivement à l’Esprit corporel et à l’Ame corporelle.
À chaque métal se rattache en outre une planète ou une divinité olympienne.
Le Plomb, lourd et vil, appartient à Saturne le dieu détrôné par Jupiter qui se reflète lui-même dans l’Étain, le plus léger des métaux.
Ces deux métaux sont mous et s’opposent à deux autres qui sont durs. L’un le Cuivre, prend en s’oxydant la couleur verte de Vénus. L’autre est le Fer qui rougit au feu et fournit des armes à Mars.
La mobilité du Vif-argent est rappelée par les mouvements rapides de la planète Mercure et par l’égalité du messager des dieux.
La Lune semble trouver sa blancheur et son éclat tempéré dans l’Argent, alors que l’Or, brille comme le Soleil.
Les éléments correspondent au Plomb (Terre), à l’Etain (Air), au Cuivre (Eau) et au Fer (Feu).
L’Or incorruptible est représenté par Apollon, le dieu-lumière, source primordiale de toute vie et de toute activité. C’est l’Esprit pur qui anime la création, dont il est le commencement et la fin, A, et Z, Alpha et Oméga, Aleph et Thau, comme l’indique le mot (AZoth), composé kabbalistiquement de la lettre initiale de tous les alphabets (A), suivie du dernier caractère alphabétique des Latins, des Grecs et des Hébreux.
Ce principe se rapporte à l’Atma du bouddhisme ésotérique. Il se rattache directement au Buddhi, le principe pensant qui délibère et décide. C’est l’Esprit animique ou Jupiter, uni à Junon son épouse, qui personnifie l’Ame spirituelle. Le maître de l’Olympe tient conseil et lance la foudre de la volonté. De son cerveau surgit toute armée Minerve ou la Raison.
L’Ame, le domaine de la chaste Diane, correspond au Manas des Hindous. C’est la source du Sentiment, de l’Imagination et de la Mémoire.
L’Esprit corporel ou l’Instinct animal s’applique au Kama Rupa ou « corps de désir des Orientaux ». C’est l’énergie vitale que dépeint si bien la férocité de Mars et l’âpre dureté du Fer.
Le Corps astral assure la permanence du Corps physique, dont il est le double éthéré ou aromal. Tout retentit sur lui, car il est le nœud de la personnalité. Il transmet les ordres de Jupiter et remplit le rôle d’intermédiaire universel. Mercure le personnifie donc à juste titre. Les Bouddhistes le nomment Linga Sharira.
Ils appellent Prâna ou Jîva la Vitalité, qui a pour véhicule l’Eau fécondante dont l’écume donne naissance à Vénus, personnification de l’Ame Corporelle.
Reste Rûpa, le Corps matériel qui, livré à lui-même, se putréfie sous l’action dissolvante de Saturne.
Lorsque ces sept principes se contrebalancent harmoniquement il en résulte une santé parfaite. Mais la perfection n’est jamais atteinte. L’équilibre idéal est toujours plus ou moins rompu. C’est ce qui engendre la diversité des individus d’une même espèce ; car ils se confondraient dans l’unité de leur type commun, s’ils étaient tous strictement conformes à leur modèle abstrait.
Les déviations sont innombrables ; mais elles se ramènent à un petit nombre de types secondaires qui seront décrits au chapitre suivant.
⟴CHAPITRE VIII
LES MODIFICATIONS FONDAMENTALES DU TYPE HUMAIN
La lumière blanche et les couleurs du prisme. - Matérialité et Animalité. - Spiritualité. - Bonté et Altruisme absolu. -Férocité. - Activité et Intellectualité pure. Paresse.
L’Homme-Type ou Adam-Kadmon représente un idéal d’harmonie qu’aucun être concret ne parvient à réaliser. Il en résulte des idiosyncrasies variées à l’infini, que seul l’Hermétisme permet de classifier d’une manière strictement logique.
À cet effet, il importe de remonter jusqu’aux causes qui engendrent une rupture plus ou moins prononcée de l’équilibre parfait. Elles se ramènent à une seule : la disproportion des facteurs constituants du ternaire humain. Chacun d’eux peut se trouver en excès ou être, au contraire, insuffisamment représenté. On peut ainsi distinguer six variations fondamentales, caractérisées par la surabondance ou la pénurie du Corps, de l’Ame et de l’Esprit.
Pour se rendre compte de ces déviations, il faut se reporter au schéma du chapitre précédent.
Chacun de ces trois cercles étant tour à tour avancé, puis reculé, leurs interférences normales sont modifiées de façon à expliquer les tonalisations principales de l’harmonie humaine.
Celles-ci se groupent autour de l’équilibre parfait, auquel correspond la lumière blanche synthétique dans le symbolisme des couleurs, alors que les trois couleurs primitives, rouge, bleu et jaune, conviennent respectivement à l’Esprit, à l’Ame et au Corps. Quant aux nuances intermédiaires, violet, orange, vert, elles s’appliquent à l’Aine spirituelle, à l’Esprit corporel et à l’Ame corporelle. Les principales variations du type humain peuvent ainsi se rattacher à l’une des couleurs du prisme. C’est ce qu’indique le tableau ci-contre.
Mais il convient d’étudier séparément chacune des divergences ainsi représentées.
Lorsque l’on trace le cercle corporel de manière à le faire empiéter sur les deux autres, il y a extension de Mars, Vénus et Mercure aux dépens de Jupiter.
C’est le schéma de la prédominance matérielle. L’activité physique (Mars) la sève vitale (Vénus) et l’intelligence pratique qui pourvoit aux besoins du corps (Mercure) se réunissent pour étouffer l’idéalité (Jupiter). Il y a peu de place pour le rêve, les conceptions élevées et les sentiments nobles. En revanche, la vigueur musculaire ne laissera rien à désirer. De semblables natures sont faites pour travailler sous la direction d’autrui. Elles n’aspireront qu’à la satisfaction de leurs besoins corporels. Toute autre ambition leur paraîtra déraisonnable. Sancho Panza réalise pleinement ce type.
La pondération massive de ces êtres robustes les, fait jouir d’une santé excellente, si l’on s’en tient aux apparences ; car, en réalité, ils sont prédisposés à l’apoplexie et aux accidents du tempérament athlétique. L’obésité et la pléthore les menacent, s’ils ne dépensent pas leur force ; d’autre part, leurs organes risquent d’être prématurément usés par la fatigue excessive qui pourrait leur être imposée.
Ces personnalités épaisses ont besoins de réagir contre la pesanteur de la matière. L’imagination (Lune) chez elles, devra idéaliser la vitalité (Vénus), Diane (Lune) inspirant à Vénus des sentiments purs, donnera plus d’empire à Jupiter, surtout si’ Apollon (Soleil), de son côté, parvient à tourner la fougue de Mars vers l’ambition des grandes choses.
Cette intervention simultanée de l’Ame (Lune) et de l’Esprit (Soleil) renforce l’Ame spirituelle ou raisonnable (Jupiter) qui distingue l’homme de la bête.
Celle-ci s’abandonne passivement aux impulsions qui la gouvernent. Elle obéit avec une docilité absolue aux lois de son espèce, et ne délibère pas ses actes qui restent purement impulsifs. Les animaux sont comparables, sous ce rapport, à des sujets hypnotiques qui subiraient d’irrésistibles suggestions.
Chez eux il n’y a pas trace d’idéalité . L’Esprit (Soleil) se manifeste tout entier dans l’Instinct (Mars), et l’Ame (Lune) dans la Vitalité (Vénus). Quant au Corps Astral, il est plus puissant que chez l’homme.
L’inconscience qui caractérise l’animalité tient à l’absence d’Ame spirituelle (Jupiter). Celle-ci ne se développe qu’à la suite de la révolte initiale qui fait conquérir l’autonomie personnelle. L’homme a voulu être par lui-même et de ce fait il s’est placé en dehors du courant de la vie générale ou édénique, il a détruit l’intimité du rapport reliant l’individu à l’espèce. Ainsi s’est déchaînée une lutte entre la raison naissante et l’instinct d’, désormais privé de son infaillibilité. Les épreuves douloureuses de l’évolution individuelle dégagent par degrés de cet état de trouble. Les facultés psychiques se développent pour replacer l’homme dans le courant d’une vie supérieure.
La vertu se tient à égale distance des extrêmes. À tout vice s’oppose une défaillance en sens contraire. C’est ainsi que la matérialité exagérée a pour antagoniste une spiritualité excessive.
Ici le cercle du corps est repoussé au dehors. Il ne laisse plus qu’un domaine précaire à Mars, Vénus et Mercure ; en revanche, Jupiter absorbe tout. C’est la pensée qui s’exerce aux dépens de l’énergie réalisatrice (Mars), de la vitalité (Vénus) et de la trame invisible de la personnalité (Mercure). Les gens de cette catégorie sont des rêveurs débiles. Ils habitent les nuages et désertent leur corps qui s’étiole.
Volontiers ils tombent dans les excès de la mysticité. Or, qui veut faire l’ange fait la bête, car notre nature tend fatalement à l’équilibre : le Corps ressaisit par suite avec violence l’Esprit et l’Ame qui cherchent à lui échapper. La sagesse veut que nous subissions les lois de notre enveloppe terrestre. Elle enseigne à régner sur la matière et non à la fuir. Dans ce but, il importe de volatiser le fixe tout en fixant le volatil, ou de spiritualiser les corps en corporisant les esprits. Tout le secret du Grand Art est là.
Pour rattacher à la terre une personnalité par trop éthérée Vénus peut utilement intervenir, en inspirant une de ces passions qui attirèrent les Béné-Elohim vers les filles des hommes.
D’autre part, l’exercice musculaire et la gymnastique pourront permettre à Mars de conquérir sa vigueur normale.
Les personnes qui ont trop d’Ame (Lune) sont riches en Idéalité (Jupiter) et en Vitalité (Vénus). Le noyau de leur personnalité est puissant, mais elles manquent d’esprit d’initiative.
Généreuses et compatissantes elles s’oublient facilement elles-mêmes ; aussi risquent-elles de devenir la proie des avidités qui les guettent.
Or, le premier devoir de l’être vivant est de se conserver et de se constituer avec solidité. C’est en ce sens que charité bien ordonnée commence par soi. Un égoïsme raisonnable doit retenir les élans irréfléchis du cœur.
Les dispositions morales qui privent l’être de toute énergie de défense personnelle ont d’ailleurs leur répercussion sur l’organisme. L’ardeur vitale (Mars) a pour mission de repousser les ennemis envahissants dont nous sommes sans cesse menacés. Il faut se défendre si l’on ne veut pas être dévoré.
Un être qui ne serait qu’amour et dévouement ne saurait subsister au milieu d’une société basée sur la lutte pour la vie. Poussé à l’extrême l’altruisme supprime entièrement l’instinct (Mars). C’est alors le triomphe de l’Ame (Lune), mais en même temps la cessation de toute vie corporelle. La Vierge (Lune) ne peut écraser la tête du serpent d’ que dans le ravissement qui la transporte au ciel.
Lorsque l’Ame tient trop peu de place dans la personnalité, Mars prédomine au détriment
de Jupiter, de Mercure et de Vénus. Le feu corporel (Mars) se montre par suite agressif, brutal et violent. L’Idéalité (Jupiter) et la sensibilité (Vénus) ne parviennent pas à lui opposer un frein suffisant. Une énergie indomptable se joint chez de pareilles natures à un égoïsme cynique. Le crime en fait ses instruments les plus dangereux.
Les instincts méchants et destructeurs peuvent néanmoins tourner au bénéfice d’une société qui parvient à les discipliner car, si les hommes d’action et de mouvement se montrent peu sensibles, ils n’en subissent pas moins l’ascendant de toute supériorité morale et intellectuelle. Ils demandent à être domptés, comme des bêtes féroces qu’ils sont. Avec du tact et de l’assurance on réussira souvent à tirer parti d’eux, car il y a toujours de la ressource avec les forts, tandis que les lâches restent fermés à toute vertu.
À ceux qui manquent d’âme, il convient d’en donner, comme on le fit à l’époque de la chevalerie. Le culte du courage, de l’honneur viril, rapproche Mars de Jupiter. Le respect de la femme, cette charmeuse dont l’irrésistible ascendant s’impose, permet d’autre part à Vénus d’adoucir ce qu’il y a dans Mars de rude et de sauvage.
L’Esprit en excès porte préjudice à Vénus au bénéfice de Mars, Mercure et Jupiter.
Ce dernier entretient une ambition démesurée, que Mars est prêt à servir de toute sa dévorante activité. Mais il y a pénurie de liquide vital ;
le Feu manque de combustible. Il se consume plein de rage et déchaîne une fureur maladive, que l’influence d’une personne aimante et douce parviendra seule à calmer. De pareilles natures en rongent, elles voudraient tout entreprendre et souffrent de leur impuissance. La fièvre les secoue et leur brûle le sang. Parfois elles se renferment dans un désespoir farouche, pour éclater soudain en des crises de colère furieuse. La musique semble alors susceptible de ramener l’harmonie dans ces âmes troublées. C’est du moins ce que nous apprend l’histoire de David et de Saül.
On peut imaginer un être chez qui l’Esprit supplanterait entièrement la Vitalité. Ce sera le fantôme de l’intellectualité pure, une sorte de Lucifer, archange d’orgueil et d’indépendance absolue.
La pauvreté spirituelle sacrifie Jupiter, Mercure et Mars à la domination tyrannique de Vénus .
Celle-ci répugne à l’action et ne recherche que la volupté. C’est la paresse et la sensualité qui atrophient l’intelligence et engourdissent toutes les forces vives. La vitalité croupissante se corrompt, et engendre les vices les plus pernicieux. L’hystérie, avec ses perversions du sens moral et de l’instinct, se rattache à ce genre de déséquilibrement.
Le salut doit être cherché dans les distractions qui font travailler le corps en occupant l’esprit. La vitalité en excès demande, en outre, à être dépensée au bénéfice d’autrui. L’exercice du magnétisme peut offrir en cela une dérivation extrêmement salutaire.
Il appartient au lecteur de tirer par lui-même toutes les conséquences des prémisses qui viennent d’être posées. Ce qui précède n’est qu’une esquisse, rudimentaire mais suffisante pour compléter les notions qu’il importait de donner sur la Médecine philosophale. Cette thérapeutique vise à ramener l’homme à l’équilibre rigoureux de son type divin. C’est ce qu’on pourrait appeler la Médecine intégrale.
Puisse la Médecine ordinaire s’occuper moins exclusivement du corps. Espérons qu’une philosophie sagace viendra de plus en plus éclairer la science, et que justice sera rendue dans l’avenir au génie méconnu du passé !
⟴CHAPITRE IX
CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE
Enigme dans le goût des Alchimistes.
Il est un âge pénible où l’on cherche sa voie. Une imagination ardente fait concevoir alors les projets les plus ambitieux : on escalade le ciel à l’instar des Titans ; mais la raison intervient, et des hauteurs de l’enthousiasme on se voit précipité dans l’abîme d’un noir découragement.
Puis la folie reprend. Encore tout meurtri de sa chute l’esprit s’élève de nouveau sur les ailes du rêve, pour retomber plus douloureusement sur le sol de la réalité brutale.
Et ces alternances se poursuivent sans relâche. Le jugement en déroute ne trouve aucun point fixe où se rattacher : d’un extrême il passe à l’autre, sans arriver à la certitude, au repos.
Cependant, cette agitation doit prendre fin : il faut se décider et choisir son orientation. Plein d’angoisse, on implore donc une clarté directrice, on fait appel à la lumière qui guide les égarés…
C’est dans ces conditions que j’eus un songe étrange, une nuit où je m’étais endormi plus accablé que de coutume.
Un vaste tableau captive tout d’abord mon attention. Je le vois dans son cadre et je m’estime en présence d’une toile de maure. Mais à qui attribuer ce chef-d’œuvre inconnu ? J’examine le style du dessin, le coloris, la facture, et je ne reviens pas de ma surprise en constatant que cette composition c’est moi-même qui l’ai peinte !…
La lumière et l’ombre se combattent dans un ciel nuageux, envahi par les blancheurs de l’aube. Une légère vapeur s’élève de la terre labourée, qui s’étend au loin sans porter trace de végétation.
À gauche, la lisière d’une forêt de cèdres surmonte une croupe de terrain qui s’abaisse en pente douce jusqu’au premier plan. Le sol en cet endroit n’a pas été remué, mais il est nu et porte à peine quelques touffes d’une herbe jaunie par de récentes gelées.
Ce décor renferme des personnages qui, rangés en cercle, semblent dans l’attente d’un fait extraordinaire. Leurs vêtements sombres font ressortir l’écarlate de certains costumes et le jaune dont se drapent quelques rares privilégiés.
La foule est innombrable. Elle contemple d’un air hébété un sépulcre ouvert, dont l’immense pierre tombale se dresse en arrière comme un menhir druidique. La tombe est bordée d’une margelle, qui fait songer au puits où la Vérité se cache.
De ce tombeau sort une jeune fille qui semble morte. Elle se tient debout dans le vide. Un long voile blanc tombe de sa tête penchée : ses bras pendent sous les plis de son suaire de lin.
Et tous regardent pétrifiés…
Subitement ce morne tableau s’anime. De la foule rangée derrière le monument, un jeune homme se détache. Il a le type et le costume d’un écolier florentin. D’un pas décidé il avance et approche de l’apparition. Sans hésiter, il l’attire à lui, la prend dans ses bras et dépose sur son front le baiser de la vie.
À ce contact la vierge se réveille, elle respire. Son visage se colore et ses paupières s’ouvrent, lourdes encore du sommeil des siècles. Ses yeux ensuite s’arrêtent sur son sauveur avec une expression d’infinie tendresse. Un instant les deux êtres se regardent en confondant leurs âmes ; puis le jeune homme se retire brusquement et disparaît dans la foule d’où il est sorti.
La vestale ressuscitée quitte alors le tombeau. Calme, elle avance de trois pas puis, portant la vue au ciel, elle laisse tomber son voile.
À cet instant le soleil paraît, inondant tout l’espace de sa splendeur dorée.
La foule admire, joyeuse, car désormais elle comprend.