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Astrologie, alchimie et structures ontologiques dans les Mystères de Mithra
Joël Thomas

Quand on lit les ouvrages critiques les plus récents traitant des Mystères de Mithra, on est Frappé par la remise en question, souvent très vive, des travaux de celui qui domina ces études pendant un demi-siècle : F. Cumont (1). Il y a d’ailleurs là une attitude très tonique, et scientifiquement souhaitable, à cause de la nécessité de tenir compte des récentes découvertes de l’archéologie et de l’épigraphie, mais aussi de reconsidérer certaines conclusions excessives ou aventureuses de F. Cumont (2) : nul «meurtre du Père», mais un souci d’objectivité. Toutefois, il est révélateur de trouver dans les Mithraic Studies (Manchester, 1975), ouvrage collectif qui fait un excellent bilan des orientations les plus récentes de la critique, deux attitudes bien particulières .

- La première est en quelque sorte un mal nécessaire lié à la spécialisation de plus en plus grande des recherches archéologiques, ethnologiques ou linguistiques : cela conduit à un certain émiettement, une parcellisation des études, qui sont en même temps de plus en plus approfondies et focalisées sur des points particuliers. Les congressistes des Mitraic Studies étaient d’ailleurs conscients de cette évolution, et l’assumaient volontiers (3). Peut-être pourrait-on deviner aussi, derrière cette attitude, la crainte latente de retomber dans l’accusation de subjectivisme reproché aux thèses de F. Cumont (4).

- La deuxième est plus sujette à caution, et elle a été à l’origine de notre réflexion. À plusieurs reprises apparaît une réticence à reconnaître l’élaboration du message spirituel du Mithraisme : il ne comporterait pas d’eschatologie cohérente (5), pas de théories astrologiques spécifiques, et se serait adressé à un public fruste, avec des objectifs tout à fait limités. Il y a là, croyons-nous, une forme de pétition de principe, et à la limite une erreur, qui s’accentue encore par rapport aux positions de F. Cumont, pourtant déjà souvent trop vagues sur ce point. C’est pourtant peut-être un peu oublier le «Zeitgeist» de l’époque hellénistique et romaine, et la notion, si importante pour l’homme de l’Antiquité, de niveaux d’initiation, permettant à différentes interprétations de coexister, et même de se compléter, sans être perçues comme contradictoires. Chercher à de tels contenus mythiques et religieux une seule explication, c’est commettre un anachronisme, et appliquer non pas une méthode objective, mais nos points de vue là où ceux de l’homme de l’Antiquité étaient tout autres (6).

Pourtant, les progrès réalisés par la symbolique générale, l’étude des mythes, dans leurs implications psychologiques et spirituelles, et, de façon générale, l’anthropologie nous montrent l’importance de ce que la psychanalyse appelle la surdétermination dans les projections e l’imaginaire collectif. Ces disciplines mettent en particulier en évidence, dans les grandes révélations spirituelles, ce que nous appellerons la dialectique de l’Etre et du Devenir ; toutes déterminent une dimension supra-individuelle de l’homme, tendant à expliquer sa place dans le cosmos, et à l’intégrer dans les grands rythmes fondamentaux. Mais elles définissent aussi une dynamique, liée au processus de la Création, de la Chute et de la Remontée, et situant l’être humain sur la trajectoire orientée de son évolution ontologique. Il y a donc complémentarité de cette structure de l’Etre et de ce qu’Y Dauge appelle très heureusement une «anthropologie de la métamorphose».

Or l’astrologie et l’alchimie jouent parfaitement entre elles ce rôle complémentaire :

- L’astrologie se définit comme une étude des relations entre l’homme et le cosmos, et donc, justement, des grands rythmes qui régissent l’univers. Substituant à la notion de hasard celle de cause et d’effet, elle met en évidence certaines lois immuables de l’Etre, et permet, mieux que toute autre approche, de comprendre que «ce qui est en haut est comme ce qui est en bas», et définit, pour reprendre un mot d’Éliade, «une totalité qui embrasse toutes les histoires sans pourtant les confondre».

- L’alchimie, quant à elle, est définie par M. Êliade comme la prise de conscience par l’homme qu’il existe une vie complexe et dramatique de la «matière» (7), qui permet, en faisant du «feu» son agent de transmutation, de projeter sur elle la fonction initiatrice de la souffrance : passage cathartique de la mort à la résurrection, en même temps que réflexion éclairante sur la notion de matière, devenue effectivement insuffisante, et sous-entendant, à travers les processus de la transmutation, la notion d’énergie (puisque la matière n’a plus une forme invariante, et que son «existence» elle-même est alors à reconsidérer). L’alchimie apparaît donc, par excellence, comme le domaine de l’évolutif, du devenir et de la métamorphose.

À ce stade de notre analyse, nous avons été frappé par la place importante que tenaient respectivement l’astrologie et l’alchimie dans le Mithraïsme. La participation sous une forme aussi nette et aussi élaborée de ces deux disciplines à un grand message spirituel n’a, à notre connaissance, pas encore été considérée à sa juste valeur, et le fait est en lui-même intéressant. Mais nous voudrions montrer maintenant qu’il y a là, sur le plan symbolique, une complémentarité structurelle qui confirme que le Mithraïsme a bien ses «lettres de noblesse» dans le domaine de la spiritualité ; si l’astrologie et l’alchimie jouent un rôle fondamental dans le culte de Mithra, ce n’est pas l’effet du hasard ; c’est parce que ces deux approches mettent en œuvre, à travers tout un symbolisme, deux aspects fondamentaux du Jeu divin ;

- la permanence de rythmes déterminés par l’existence même d’un Etre divin ;

- l’évolution ontologique, nécessaire à l’échelle humaine pour réintégrer un ordre et une harmonie perdus.

Astrologie et alchimie sont même, comme nous le verrons, souvent imbriquées à travers des séquences symboliques les associant étroitement (les éléments correspondant aux planètes, les différents grades de l’initiation, etc…). Nous nous proposons maintenant de les suivre, dans cette dialectique vivifiante, à travers les différents messages que le Mithraïsme nous délivre, et que nous regrouperons en : 1) une cosmogonie, organisée autour d’Aiôn/Kronos ; 2) une «geste» de Mithra, à valeur sotérique ; 3) une eschatologie, tous ces éléments étant repris dans l’ensemble de l’enseignement initiatique.

LA SYMBOLIQUE DE L’ETRE : AION ET LA COSMOGONIE :

On sait que le personnage d’Aiôn, qui joue un rôle important dans le culte et l’iconographie de Mithra, est assimilé au Kronos et au Saturne gréco-latins, et qu’il est étroitement apparenté au Zervan iranien. Or, dans les anciennes religions de l’Iran (Mèdes, puis Parthes), Zervan (dont l’apparition historique est pourtant bien postérieure à celle d’Ahura Mazda, la grande divinité prézoroastrienne, dieu suprême comprenant tous les éléments du monde) représente l’Unité et le principe du cosmos. Il est vrai que, dès les origines de la religion iranienne, il existe un dieu Vayu, considéré comme le commencement de toutes choses. Ce dieu ayant par la suite évolué vers la deuxième fonction, peut-être Zervan reprend-il certains de ses traits ? Toujours est-il que, comme lui, Zervan est par delà les catégories spatio-temporelles habituelles, dans un Temps et un Espace «absolus» (et d’ailleurs confondus). Un tel concept nous conduit à la belle méditation de Démocrite sur la relativité de notre vision du monde, liée à nos instruments de mesure, c’est-à-dire à nos sens. L’Aiôn mithriaque se situe dans la même tradition : dieu de l’Espace-Temps, confondus et illimités, il définit un état primordial de l’Etre, antérieur au processus de la Création et de la différenciation (de même que le Sphaïros d’Empédocle précède le clivage dû à l’antagonisme de l’Amour et de la Haine). La plupart des représentations de ce dieu le montrent sous une forme sexuellement indécise (8) qui, par l’androgynat qu’elle suggère, contribue à cette notion d’unité non encore différenciée.

C’est le bas-relief de Modène (9) qui nous en offre une des représentations iconographiques les plus intéressantes sur le plan symbolique. L’ellipse qui entoure Kronos définit une forme de rayonnement à partir de ce personnage, et donc l’idée d’une énergie se diffusant dans un univers en continuelle expansion. Les figures du Zodiaque se répartissent sur l’ellipse et s’organisent autour d’un axe vertical Bélier/Balance qui contribue à définir une structure orientée déterminant un temps «absolu» transcendant temps linéaire et espace géographique traditionnel De même, dans l’Enéide, les douze livres s’organisent autour d’un axe Livre VI/Livre XII qui, par rapport à un symbolisme zodiacal, correspond aussi à une polarisation autour de l’axe Bélier/Balance. On retrouve, sous une forme circulaire cette fois, le même symbole d’un temps «transcendant» à travers les cercles concentriques du bouclier d’Achille dans l’Iliade, ou du bouclier d’Énée au Ville Livre de l’Enéide (10) : le temps se fait espace, ou plus exactement c’est la forme circulaire qui suggère à la fois le temps et l’espace ; et, sur le bouclier d’Énée, la chronologie de l’Histoire de Rome s’efface ainsi devant une «métahistoire» plus essentielle : belle et poétique anticipation, à travers les symboles, des théories très scientifiques de P. Langevin sur l’espace-temps ! L’œuf cosmique, dont émerge Kronos, se retrouve lui aussi dans beaucoup de traditions pour marquer cet état prédifférencié, où tout est en germe, tout se prépare patiemment, de façon immanente et secrète (11). Les rythmes fondamentaux à partir desquels s’organise la création du cosmos sont exprimés à travers une symbolique des nombres : trois, le nombre du Dieu manifesté (les trois têtes animales sur la poitrine de Kronos) ; quatre, le nombre de l’homme (les quatre vents, aux quatre coins) ; douze (les signes du Zodiaque) ; sept, qui n’apparaît pas ici, est attesté dans beaucoup d’autres bas-reliefs, à travers les sept anneaux du serpent qui enlace Aiôn, et évoque les sept planètes. De même que Kronos-Aiôn contient en lui l’espace et le temps «virtuels», il est le vecteur de pulsions primordiales qui assureront la «marche» du monde, mais qui ne se situent pas encore dans un système de valeurs à l’échelle humaine : il produit et détruit toutes choses ; on pense à Kronos-Saturne dévorant ses enfants, et au fait que, dans l’Inde, chaque divinité majeure, par exemple Varuna, a à la fois un aspect aimable, gracieux, et une forme terrifiante.

À travers cette belle image d’une énergie irradiante, remarquablement transcrite par ces lignes de force symboliques, se dégage donc l’idée que le monde se crée à chaque instant, par delà les notions de temps et d’espace, qui ne sont que des catégories déterminées par notre perception. Mais nous ne pouvons accéder à ce jaillissement «brut» ; ce qui est vrai dans l’éternité n’est pas nécessairement vrai dans le temporel et, dans son existence historique, l’homme se devra de poursuivre le «bien» (une énergie correctement orientée) et de combattre le «mal» (une énergie pervertie), de les intégrer dans une tension, un choix, une dialectique. Ce sera le rôle de Mithra de l’aider à trouver ce chemin.

LA SYMBOLIQUE DU DEVENIR : MITHRA, LE MEDIATEUR ET LE SAUVEUR :

Dans les religions de l’Iran, Mithra apparaît déjà comme proche de l’humanité : il se rait l’intercesseur entre des principes divins inaccessibles et un monde souffrant ; ce n’est finalement qu’à travers lui que les hommes peuvent connaître l’essence de la divinité et, sur ce plan, il joue un rôle assez comparable à celui du Christ, et de tous les «fils de Dieu». C’est pourquoi Mithra apparaît toujours comme médiateur, μεσίτης, non pas seulement parce qu’il était situé, dans la cosmologie iranienne, à mi-chemin entre la Terre et le ciel des fixes, mais parce qu’il jouait véritablement, sur le plan ontologique, un rôle de guide, d’initiateur et de psychopompe, avec pour but de relier l’homme au circuit des énergies cosmiques, et d’orienter correctement sa trajectoire dans le sens de sa «remontée» ontologique. Cet attribut de protecteur apparaît très bien dans le fait qu’il est le garant des pactes, lois et traités, mais aussi sur un plan fonctionnel : alors qu’Ahura Mazda est assimilé exclusivement à la première fonction, Mithra est associé, lui, à la première, mais aussi aux deux autres (12). C’est dire très clairement que Mithra participe de la même essence que les forces immuables qui créent et régissent le monde, mais aussi qu’il doit jouer un rôle de médiateur et de combattant auprès de l’humanité : d’où sa «geste» et sa légende héroïque, polarisées autour d’une dynamique de l’évolution ontologique.

C’est alors que symbolique astrologique et symbolique alchimique vont remarquablement se compléter : la première, à travers l’enchaîne ment des causes et des effets, la définition des grands rythmes, rappelle les principes immuables de la Création. La seconde, avec ses «métamorphoses» alchimiques, souligne la nécessité pour l’homme d’une «alchimie spirituelle», passant par une mise en dialectique des éléments en apparence antagonistes qui l’entourent et qui sont en lui.

Les rappels des lignes de force de la Création à travers l’iconographie de Mithra :

Ce n’est pas l’effet du hasard si le Mithra représenté à Housesteads, en Angleterre (13), ressemble par bien des traits à l’Aiôn de Modène. Il est d’ailleurs dit saecularis, et l’économie générale des deux représentations est très comparable : même ellipse entourant le personnage, même symbolique de l’œuf cosmique d’où émerge le personnage (avec, sans doute, la même influence orphique), même symbolique des nombres. C’est le moment de rappeler que, dans pratiquement toute l’iconographie de Mithra, on retrouve ces nombres trois (la triade composée de Mithra, Cautès et Cautopatès ; les trois cyprès ; les trois personnages dans un arbre), quatre (les quatre vents ; les quatre éléments), sept (les sept planètes ; les sept divinités majeures ; les sept métaux de l’«échelle» alchimique ; les sept grades de l’initiation ; on sait que les enfants pouvaient participer au culte dès sept ans, ce qui laisse supposer que le Mithraïsme connaissait la théorie des cycles de sept ans, dont parle Platon) et douze (les signes du Zodiaque). Ces nombres, déterminant les grands rythmes cosmiques, ont le même rôle normatif que dans l’iconographie d’Aiôn. Ce peut être aussi la description des différentes constellations qui, ajoutée à celle des signes du Zodiaque, va symboliser la relation entre l’homme, la nature qui l’entoure, et le cosmos : sur le bas-relief de Heddemheim (14), nous trouvons un des ensembles astrologiques les plus complets qui nous aient été transmis : à travers les signes et les animaux symboliques (le Taureau, le Chien, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, le Serpent et le Scorpion) sont rassemblées les principales constellations qui vont du printemps à l’automne, et rythment, à l’échelle cosmique, les grandes pulsions de la Nature, de la renaissance à la mort. Les formes elles-mêmes peuvent nous rappeler cette immutabilité des principes fondamentaux : à Sainte-Prisque, le triangle en marbre dont le centre évidé contenait un globe était un beau symbole associant trois, le nombre du Dieu manifesté, et la sphère, l’Infini, le symbole de l’Un originel (15).

C’est donc par le biais de la symbolique astrologique que le lien s’établit le plus clairement entre Mithra et l’Un originel dont il procède. On comprend mieux alors la filiation de ce Mithra saecularis et de Saturne, souvent associés sur les bas-reliefs. Un enchaîne ment de dates soulignait le rapprochement : les fêtes dédiées à Saturne finissaient le 24 décembre (après avoir duré sept jours), et, le 25, naissait Mithra, à l’occasion de cette belle fête du Soleil en hiver, fête de nostalgie et d’espoir, au moment où le Soleil est le plus «malade». En fonction de tout ceci, il est logique que le Pater, initié du plus haut grade et représentant de Mithra sur terre, ait été sous la protection de Saturne.

L’astrologie souligne en Mithra un garant de l’ordre cosmique.

Il reste au dieu des Mystères, afin d’assumer complètement son rôle de médiateur, à servir de guide dans cette «anthropologie de la métamorphose» qui doit, en le transformant, donner à l’homme sa vraie place dans le cosmos : c’est là qu’interviennent les symboles alchimiques.

La mise en évidence d’un mouvement évolutif et d’une «anthropologie de la métamorphose» dont Mithra est à la fois le modèle et l’incitateur :

En effet, à travers une structure symbolique à la fois élémentaire et alchimique, Mithra s’affirme comme le dieu du dépassement de soi, de la transmutation ontologique, du passage des forces régressives aux forces progressives. C’étaient là les attributs habituels des «fils de Dieu», mais ce qui est tout à fait remarquable dans le cas de Mithra, c’est la force et la cohérence d’une structure symbolique orientée autour de processus alchimiques et particulièrement apte à transmettre un tel message.

Partons de la notion de complémentarité, à travers la polarisation de deux énergies «masculine» et «féminine», «positive» et «négative» : elle est à la base de toute dialectique, on connaît ses implications récentes, en particulier sur le plan psychologique, … et elle est attestée avec une rare permanence, dans l’iconographie de Mithra, à travers la présence stimulante du Soleil, associé à Mithra, et de la Lune.

Les scènes de la naissance et de la jeunesse de Mithra font déjà intervenir la complémentarité des quatre éléments : né d’une pierre (terre), près d’un fleuve (eau), il doit résister à un vent violent (air, mais aussi notion d’ascèse, de remontée à contre-courant, que l’on retrouve dans l’Enéide, à travers le beau symbole d’Énée remontant le Tibre jusqu’au site de Rome, au terme de son voyage initiatique d’Est en Ouest) ; puis il s’alliera au Soleil (forme sublimée du feu).

On le voit, en diachronie, les quatre éléments interviennent à travers les épisodes de la légende ; mais il existe un autre rappel, en synchronie, sur beaucoup de bas-reliefs représentant, aux quatre coins, les quatre vents (air), mais aussi, associés, aux épisodes centraux, un lion (feu), une cruche (eau) et un serpent (terre), symbolisant la lutte, ou plutôt la complémentarité des éléments dans le devenir incessant du monde.

On peut noter que, dans le Mithraisme, le feu et l’eau sont les deux éléments prédominants, à travers la légende comme à travers le rituel initiatique ; ils apparaissent comme les deux purificateurs, l’un participant d’un univers «masculin» et l’autre d’un univers «féminin». Mithra a une relation privilégiée avec eux : il est aidé par Hélios, le Soleil/Feu céleste, mais aussi il fait jaillir l’eau d’un rocher, comme Moïse frappant le rocher d’Horeb (Exode, 17). De même, à Rome, les Vestales étaient les gardiennes féminines du feu, et les Romains, lors de leur mariage, offraient à leurs épouses le feu et l’eau. Dans le Mithraisme, le feu l’emporte sur l’eau, il est associé à un degré plus élevé de décantation et d’initiation (deuxième degré, nymphus, pour l’eau, quatrième degré, leo, pour le feu) : c’est exactement ce que dit Saint Jean-Baptiste à ceux qu’il purifie par le Baptême, et auxquels il annonce la venue du Christ : «Moi je vous immerge dans l’eau pour la conversion ; celui qui viendra derrière moi est plus fort que moi, je ne suis pas digne de porter ses chaussures ; lui vous immergera dans l’Esprit-Saint et le feu» (Matth. III, 11)(16).

Les quatre éléments sont nettement associés à un rituel de passage, qui les intègre dans une dynamique. Ainsi, un élément était impliqué ans chacun des quatre premiers grades de l’initiation que les candidats franchissaient successivement ; mais la complémentarité avec l’astrologie était assurée par l’association d’une planète à chacun des grades, en fonction de sa valeur symbolique :
1 - corax - air - Mercure (messager, comme le corbeau dans la légende de Mithra)
2 - nymphus - eau - Vénus
3 - miles - terre - Mars
4 - leo - feu - Jupiter.
Les souffrances endurées lors des épreuves initiatiques contribuaient à faire percevoir ce passage à travers les quatre éléments comme une décantation.

Les trois grades les plus élevés établissent une correspondance avec les planètes seules, et non plus avec les éléments : à partir d’un certain degré d’élévation, l’initié quitte la gangue terrestre, et les univers symboliques de référence sont astraux :
5 - Perses - Lune
6 - heliodromos - Soleil
7 - Pater - Saturne/Aiôn, et tous les luminaires célestes.
Les degrés 5 et 6 rappellent la complémentarité fondamentale ; le septième rejoint l’Un retrouvé, à travers l’éternité du temps et de l’espace (17).

Le schéma eschatologique est très comparable au schéma initiatique ; en particulier, il fait apparaître la même complémentarité entre astrologie et alchimie. Il associe les différents niveaux de décantation du principe spirituel, après la mort, au passage dans les sept astres connus, et en même temps, Il leur fait correspondre sept métaux, suivant une symbolique nettement alchimique, tendant à une transmutation, depuis le plomb jusqu’à l’or ; le schéma est le suivant (on constatera que l’ordre des planètes n’est pas le même que dans le rituel initiatique) :
1 - Saturne - plomb
2 - Vénus - étain
3 - Jupiter - bronze
4 - Mercure - fer
5 - Mars - alliage monétaire
6 - Lune - argent
7 - Soleil - or.
On pense que la tradition mithriaque faisait aussi correspondre à ces sept degrés les sept couleurs du prisme (18).

À cette décantation à travers les planètes et les métaux venait s’en superposer une autre, faisant intervenir, cette fois, des «purifications» : l’âme abandonne à chaque sphère planétaire une de ses passions, pour atteindre le ciel des fixes, où séjournent les élus :
- Premier Ciel - Lune - abandon de l’énergie vitale
- Deuxième Ciel - Mercure - abandon des penchants cupides
- Troisième Ciel - Vénus - abandon des désirs érotiques
- Quatrième Ciel - Soleil - abandon des capacités intellectuelles
- Cinquième Ciel - Mars - abandon de l’ardeur guerrière
- Sixième Ciel - Jupiter - abandon des aspirations ambitieuses
- Septième Ciel - Saturne - abandon des inclinations paresseuses
- Huitième Ciel - Étoiles - Terre céleste, correspondant à une forme de corps de résurrection (19).

Il est intéressant de retrouver le même schéma dans l’eschatologie pythagoricienne telle que nous la décrit Plutarque, mais aussi dans les Mystères de Bacchus, où les néophytes étaient soumis à une κάθαρσις par fumigation, ablution et ventilation, et dans le célèbre passage de l’Enéide où Anchise explique à Énée que l’expiation et la décantation par l’intermédiaire d’états successifs sont la base même de la survie et de la réincarnation des âmes (Enéide VI, 735-742). La structure même des douze livres de VEnéide privilégie une symbolique à la fois zodiacale et alchimique, très comparable à celle qui nous préoccupe : au cours de son passage dans les douze livres, le héros traverse symboliquement les douze signes du Zodiaque, c’est-à-dire trois fois les quatre signes de feu, de terre, d’air et d’eau. Le nombre trois correspond alors aux trois degrés de toute initiation majeure : préparation, révélation et réalisation (20). Le système judéo-chrétien ne sera pas exempt de ces spéculations, puisqu’à travers tout le Moyen-Age on voit se perpétuer la foi en un purgatoire aérien, et l’on trouve même exprimée la conviction que les pécheurs y sont purifiés par les vents, les eaux et le feu.

On peut être déconcerté par l’apparente contradiction entre les différents systèmes proposés, faisant intervenir trois ordres différents des planètes ; mais n’oublions pas qu’ils concernent des niveaux et des réalités ontologiques différents ; le premier est appliqué à l’initiation ; le deuxième est proprement alchimique, le troisième est eschatologique. C’est celui-ci qui définit l’ordre des étapes du «voyage» de l’âme après la mort, et c’est d’après lui que nous déterminerons un schéma d’ensemble, … dont nous avons pu constater qu’il est exactement semblable aux transcriptions de visions de l’Au-delà données par la mystique chrétienne Hildegarde de Bingen (21) :

(22)

À travers cette dimension «opérative» que prend la légende de Mithra, on comprend la valeur dynamique de plusieurs symboles de sa «geste» : Mithra archer (comme Apollon), conducteur du char solaire, sacrificateur du taureau. De même, il est logique que les deux objets les plus fréquemment associés aux représentations de Mithra, le glaive et le flambeau, se substituent au sceptre et à la foudre de Kronos : alors que ces derniers sont (comme chez Jupiter] marques de la souveraineté et de l’éternité, glaive et flambeau sont symboles du combat, toujours à mener, de l’individu contre les forces régressives qui le menacent, et de ce que P. Diel appelle la «lutte pour la remontée» (23).

Le thème central de la légende, le sacrifice du taureau, reprend et résume à lui seul ces thèmes, puisqu’il définit le vrai sens de la vie selon le Mithraïsme, à travers une ascèse et une lutte (la poursuite, puis le combat que mène Mithra pour capturer le taureau, sur une route semée d’embûches, appelée éloquemment transitus, sa Traversée) (24) :

- Il résume une métaphysique. En effet, ce sacrifice est par delà les apparences, puisqu’il dépasse les notions «banales» de début et de fin, de vie et de mort : de la mort du taureau jaillit la vie (25). En même temps, il définit l’idée d’une lutte constante de principes antagonistes, créateurs et destructeurs (et qui ne sont pas sans rappeler la Trimurti hindoue désignant les trois formes revêtues par la divinité engagée dans le relatif : Brahma, le Créateur, Vishnou, le Stabilisateur, et Shiva, le Destructeur) : Mithra tue le taureau, et du sang de celui-ci naft toute vie ; et la lutte continue à une autre échelle : le chien (et peut-être le serpent) lèche ce sang pour en assimiler les vertus bénéfiques ; quant à la fourmi et au scorpion, êtres d’Ahriman, ils cherchent, en le piquant, à empoisonner en lui les sources de la vie. Mithra lui-même fait constamment l’expérience de cette lutte : épreuve physique, mais aussi combat intérieur, car Mithra doit se faire violence, et éprouve un réel chagrin à tuer le taureau. Pour bien marquer que nous sommes dans un mouvement dialectique, c’est-à-dire à trois éléments, susceptible de laisser circuler une énergie, l’épisode a une structure ternaire, les trois éléments étant le Sacrificateur, la Victime sacrifiée, et le Sacrifice ; on le retrouve, sous une autre forme, dans le Cantique des Cantiques, avec l’Amant, l’Aimé et l’Amour.

- Il a aussi une dimension plus psychologique et intériorisée, à travers la notion d’alchimie spirituelle : lutter contre le taureau, c’est lutter contre les forces régressives du Moi ; le tuer, c’est aussi «chevaucher le tigre», et intégrer dans une dialectique des forces pulsionnelles non encore dominées. Il y a dans beaucoup de pratiques du culte de Mithra un souci d’explorer, puis de canaliser les forces des profondeurs : c’est la fosse où descendait le futur initié pour subir son baptême du sang, lors du taurobole ; ce sont les boyaux de poulets enserrant ses poignets, et que l’on coupait (marquant la libération symbolique de l’emprise de la partie «viscérotonique» de son être, ou, si l’on préfère, de ses tendances «tamasiques», obscures et ténébreuses ; mais on sait que, dans l’inconscient collectif, l’intestin a toujours été lié à la digestion, c’est-à-dire à des spéculations sur la valeur mystique de la nourriture «alchimisée» par la digestion, et, partant, sur les forces divines endormies dans l’homme). La «geste» de Mithra, comme celle d’Énée, vise à un véritable cheminement à la découverte de son Moi véritable (26) ; Mithra médiateur, μεσίτης, c’est alors, bien sûr, celui qui, confondu avec le Soleil, occupe le quatrième «ciel», mais c’est aussi celui qui a su retrouver et faire retrouver le chemin d’une harmonie par la complémentarité, soit, au sens fort, le «juste milieu», ou, si l’on préfère, la «voie du milieu».

On comprend alors, à travers ces deux enseignements, de l’Enéide et des Mystères de Mithra, toute la profondeur des propos de C.G. Jung lorsqu’il écrit, dans la Psychologie du Transfert, que «la relation avec le soi est en même temps la relation avec les autres hommes», et lorsqu’il ajoute aussitôt que «nul ne peut avoir de lien avec les hommes s’il n’a pas d’abord de liens avec lui-même» : toute «socialisation» bien conduite passe d’abord par une connaissance de soi ; c’était un des sens, et non des moindres, de l’initiation au Mithraisme, dans un groupe (l’Armée) où la vie en communauté tenait une place considérable.

De même, les «anti-dieux» (ἀντίθεοι), luttant contre les esprits célestes, sous le commandement de la puissance des Ténèbres, jouent le même rôle que Junon dans YEnéide : ils sont avant tout des obstacles stimulants ; sur le plan ontologique, ils doivent être canalisés plutôt que détruits ; cela se traduit par le fait que, nous dit la tradition mithriaque, ils doivent être apaisés, ou asservis (27). Cette mise en dialectique des principes du bien et du mal pourrait bien être un des sens symboliques de la présence des deux petits parèdres de Mithra, Cautès et Cautopatès, avec leurs torches dirigées, pour le premier vers le haut, pour le second vers le bas. On voit généralement dans cette triade un symbole des trois âges de l’homme, ou des trois moments de la journée, mais l’interprétation de C.G. Jung (28), soulignant que les deux dadophores encadrant le sacrifice le situent verticalement, par rapport à une ontologie, est intéressante.

Ainsi, il y a bien plusieurs niveaux ontologiques d’analyse du personnage de Mithra, et nous espérons avoir suggéré qu’il ne peut être compris, dans toute sa richesse, que si l’on accepte le principe de cette sur détermination. Le refus de cette perspective «élargie» a sans doute limité les conclusions de toute une partie de la critique, Cumont en tête, dans son désir de vouloir tout ramener à un type unique d’explication ; c’était oublier que l’on appliquait des schèmes mentaux occidentaux et contemporains à une pensée orientale datant de deux mille ans. Cumont lui-même s’y est perdu, a été amené à se contredire, mais a eu l’honnêteté de le reconnaître : après avoir cru que l’astrologie constituait un enseignement exotérique, il tend à y voir le centre de l’ésotérisme mithriaque (29) : nous voudrions avoir montré que l’explication n’est ni dans la première ni dans la deuxième solution, et que le : ou bien… ou bien… ne saurait rendre compte d’une pensée fonctionnant sur des analogies (de même que… de même…). Nous avons vu qu’il y avait au moins trois profils de Mithra, tous aussi «vrais» et importants les uns que les autres, tous concomitants, tous complémentaires, et tous mis en valeur par les éclairages, simultanés ou alternés, que projettent symbolique astrologique et symbolique alchimique :

- le Mithra saecularis, participant de l’essence d’Aiôn.

- le Mithra médiateur et synthétisant, dont la «geste» montre aux hommes à la fois l’harmonie vers laquelle ils tendent, et la dialectique impliquée par ce passage. C’est celui-là qui nous aide à comprendre qu’il n’y ait pas de personnage féminin dans le culte de Mithra : non par misogynie, mais parce que tout un aspect de la symbolique attachée au dieu Mithra pourrait être résumé par les propos de cet ascète cité par J. Evola : «Qu’ai-je besoin, moi, d’une femme extérieure ? J’ai une femme en moi-même» (30) : il intègre toutes les polarités, dans un processus de complémentarité, et la symbolique alchimique souligne ce qu’il y a de dynamique dans ce dépassement. Mithra est donc bien celui par lequel sont abolies les apparentes oppositions entre masculin et féminin, mais aussi entre temps et espace, saisis dans leur relativité. Ses relations avec Satume/Aiôn, et certains de ses traits, nous renvoient à l’Un originel encore indifférencié, mais la dimension dynamique de son personnage»celle qui définit une «anthropologie de la métamorphosa, a pour but de montrer, par delà la multiplicité et la diversité de la Création, l’harmonie de l’unité ainsi redécouverte, reconstruite et retrouvée. On le voit, le symbole de l’androgynat s’accorde aux deux «visages» de Mithra, tout en recouvrant des états ontologiques différents : comment mieux exprimer que Mithra, lui aussi, est l’Alpha et l’Omega, celui qui procède de l’Un, et celui par lequel on peut retrouver l’Un ?

- le Mithra héroïque, insistant sur la nécessité, à chaque instant, de la lutte, et proposant un modèle destiné à encourager et à fortifier une humanité toujours prête à faillir. Celui-ci est masculin dans sa représentation (même si, sur un plan symbolique, nous avons vu qu’il intégrait «masculin» et «féminin» : c’est une preuve de plus de cette surdétermination des symboles que nous nous efforçons de mettre en évidence), et l’on sait que son culte, réservé aux hommes, était «complété», pour les femmes, par celui d’Isis (31).

Dans l’Enéide de Virgile, on retrouve exactement les mêmes profils appliqués au personnage d’Énée (32) : tant il est vrai que certains archétypes symboliques peuvent être appliqués avec profit à des genres apparemment éloignés, comme la poésie épique et l’histoire des religions.

En matière de conclusion, nous voudrions souligner ce que nous croyons être les deux points les plus importants de cette analyse :

- L’étude des structures symboliques, dans leurs interrelations, et dans leurs implications par rapport à des archétypes et à une symbolique générale, nous montre que le personnage de Mithra, lié à l’Un originel et éternel par l’astrologie, associé à une quête par les structures alchimiques, est bien un «sauveur» dont le message participe d’un univers de haute spiritualité. On l’a opposé, sur ce plan, au Christ, sauveur «passif» et crucifié, alors que Mithra est «actif», guerrier et invictus ; certains ont vu là sa force, d’autres sa condamnation (33). Il eût sans doute été plus opportun de souligner qu’à un certain degré d’élévation ontologique, «actif» et «passif» se rejoignent dans le même dépassement et la même réalisation spirituelle.

- Cette force vivace du Mithraisme provient en grande partie, pensons-nous, de l’admirable complémentarité entre une symbolique de la permanence, transcrite par l’astrologie, et une symbolique du devenir et de l’évolution ontologique, transcrite par l’alchimie. À la fois symbole transpersonnel de permanence et d’éternité, et lieu des métamorphoses, la Nature était alors perçue dans toute la force de ses visages complémentaires, et les hommes retrouvaient le don d’interférence que crée la relation authentique avec le cosmos. C’est F. Cumont (eh oui !) qui a le mieux parlé de cette relation privilégiée entre le Mithraisme et la Nature, et de cette belle religion, qui était bien autre chose qu’un vague panthéisme. Nous lui laissons la parole pour conclure : «Le feu qui cuisait les aliments des fidèles et les réchauffait, l’eau qui les désaltérait et les purifiait, l’air même qu’ils respiraient et le jour qui les éclairait, étaient l’objet de leurs, hommages. Peut-être aucune religion n’a-t-elle, autant que le mithriacisme, donné à ses sectateurs des occasions de prière et des motifs de vénération. Lorsque l’initié se rendait le soir à la grotte sacrée, cachée dans la solitude des forêts, à chaque pas des sensations nouvelles éveillaient dans son cœur une émotion mystique. Les étoiles qui brillaient au ciel, le vent qui agitait le feuillage, la source ou le torrent qui coulaient de la montagne, la terre même qu’il foulait aux pieds, tout était divin à ses yeux, et la nature entière qui l’entourait provoquait en lui la crainte respectueuse des forces infinies agissant dans l’univers» (34).

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Notes de Auteur

1. S. Wikander fut le premier à opposer aux conclusions de F. Cumont une théorie originale sur les origines du Mithraisme, théorie elle-même très critiquée aujourd’hui. Cf. G. Widengren, Les Religions de l’Iran, Paris, Payot, 1968, p. 252.

2. Pour un très bon exposé de la question, et des points contestés dans les approches de F. Cumont, cf. R. Gordon, «Franz Cumont and the doctrines of Mithraism», in Mithraic Studies, ed. by J.R. Hinnells, Manchester Univers. Press, 1975, vol. I, pp. 215 sqq.

3. Cf. Mithraic Studies, tome I, p. XI.

4. On trouvera une excellente réflexion sur les problèmes du chercheur qui se consacre à l’Histoire des religions, et «les inhibitions des spécialistes», dans M. Eliade, Méphistophélès et l’Androgyne, Paris, Gallimard «Idées», pp. 283 sqq.

5. Cf. Mithraic Studies, tome I, p. 240.

6. E. Vanderlinden a montré, à propos de l’Énéide, l’existence de la même superposition de différents niveaux de lecture ; cf. «La Foi de Virgile», Lettres d’Humanité XXIII, 1964, pp. 448-458.

7. Historiquement parlant, on sait que les premiers textes alchimiques de la période gréco-latine sont datés du Ile s. av. J.C., et que ceux de Zosime sont contemporains de la grande époque du Mithraïsme, le IIIe s. ap. J.C. (cf. Jung, Psychologie et Alchimie, Paris, Buchet-Chastel, 1970, pp. 459 sqq.). Mais il ne s’agit pas ici d’influence : les notions mises en œuvre, dont l’alchimie n’est qu’une des formes d’expression, existent dans toutes les grandes traditions, et elles font intervenir une symbolique élémentaire que l’on retrouve partout, dans le cadre de ce que nous appellerons une énergétique générale, et sous une forme beaucoup plus accessible que les savantes spéculations de l’«Art royal». Cf. déjà, dans la Bible, la statue du songe de Nabuchodonosor (Daniel II 32) et, pour la Chine et les civilisations de l’Antiquité en général, M. Eliade, Forgerons et Alchimistes, Paris, Flammarion, 1977 (éd. revue).

8. Cf. M. Vermaseren, Mithra, ce dieu mystérieux, Paris-Bruxelles, Séquoia, 1960, pp. 99-100.

9. Cf. Cumont, Les Mystères de Mithra, Bruxelles, Lamertin, 1913, p. 109.

10. Cf. J. Thomas, Structures de l’Imaginaire dans l’Énéide, Paris, Belles Lettres, 1981, pp. 332-348, et p. 283.

11. On y a vu, non sans raison, une influence de l’orphisme ; mais ce thème de l’œuf cosmique n’est pas une «spécialité» orphique, et apparaît aussi, entre autres, chez les Partnes ; cf. Widengren, op. cit., p. 247.

12. Cf. Widengren, op. cit. p. 143.

13. Cf. Vermaseren, op. cit. p. 104.

14. Cf. Cumont, op. cit. p. 52.

15. Cf. Vermaseren, op. cit. p. 62.

16. On songe aussi à l’attitude de Saint François d’Assise privilégiant «Frère le Feu».

17. Il subsiste des traces d’autres cérémonies purificatoires, intégrées dans le culte, et associant planètes et éléments ; cf. Vermaseren, op. cit. pp. 36-37.

18. Cf. Widengren, op. cit. p. 233.

19. F. Cumont (Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, Paris, Geuthner, 1942, chap. Il) propose d’associer une symbolique élémentaire à ces différentes décantations : 1 - Lune - terre éthérée ; 2 - Mercure - eau ; 3 - Vénus - air ; 4 - Soleil -feu ; 5 - Mars - feu ; 6 - Jupiter - air, 7 - Saturne - eau.

20. Nous renvoyons à nos Structures de l’Imaginaire dans l’Énéide, pp. 332 sqq.

21. Cf. M.M. Davy, Initiation à la symbolique romane, Flammarion, 1977, pp. 161 sqq

22. Nous ne sommes pas dupe de ce que peut avoir de grossier une telle représentation en «géométrie plane» de concepts qui transcendent la notion d’espace et de temps, … mais il nous est difficile d’utiliser un autre langage. On remarquera en particulier que l’Un peut apparaître aussi bien comme le centre d’où émane une irradiation (dans la perspective cosmologique du bas-relief de Modène) que comme une substance «périphérique» vers laquelle tend l’âme «libérée» : question de perspective ontologique.

23. De même, et après ce que nous avons dit sur l’importance de la notion d’énergie, il est, à notre avis, envisageable que les sept anneaux du serpent qui entoure Mithra dans certaines représentations iconographiques ne marquent pas seulement le rapprochement avec les sept planètes ; quand on connaît l’importance, dans les disciplines spirituelles de l’Inde, et en particulier dans les Yogas, des sept centres d’énergie répartis le long de la colonne vertébrale de l’homme, les sept chakra, on est tenté de faire le rapprochement, d’autant que le symbole traditionnel de cette énergie, dans les enseignements de l’Inde, est justement un serpent, la Kundalini ; cette hypothèse trouve une confirmation possible dans le savant usage qui semble être fait de ces énergies, en particulier à travers des techniques respiratoires, le rôle du silence, l’utilisation de certains mantra, etc... dans certains rituels initiatiques mithriaques, il faut le dire, fort mal connus, que nous révèle le «Grand papyrus magique de Paris» ; sur ses origines, cf. A. Dieterich, Eine Mithrasliturgie, Leipzig, 1903 ; pour une exégèse possible, cf. Cahiers de l’Herméneutique, 1973 no 3, pp. 13 sqq.

24. On a rapproché l’épisode de la bougonia des Georgiques (cf. R. Turcan, Mithras Platonicus. Recherches sur l’hellénisation philosophique de Mithra, Leiden, Brill, 1975, pp. 7-8j. Il est vrai que, dans le récit de Virgile, les abeilles (dont on connaît la signification symbolique liée à une eschatologie) naissent du cadavre putréfié du taureau.

25. Les textes qui ont été retrouvés sur les murs de Sainte-Prisque vont tout à fait dans ce sens : maximes prônant l’effort, et soulignant que la vie est un combat ; ainsi se définit une attitude proche sur beaucoup de points des notions stoïciennes de statio et de militia, à laquelle un public composé essentiellement de militaires devait être sensible.

26. Dans le cas de l’Énéide, c’est même un des éléments centraux de la structure symbolique. Cf. nos Structures de l’Imaginaire dans l’Énéide.

27. Cf. Cumont, op. cit. pp. 112-114.

28. C.G. Jung, Métamorphoses de l’Ame et ses symboles, Genève, Georg, 1953, p. 335.

29. Cumont, op. cit. p. XIV.

30. J. Evola, Métaphysique du sexe, Paris, Payot, 1959, p. 303.

31. Cf. Mithraic Studies, tome II, p. 493.

32. Cf. Structures de l’Imaginaire dans l’Énéide, pp. 198-203.

33. Pour les premiers, cf. J. Evola, «Notes sur les Mystères de Mithra», Cahiers de l’Herméneutique, 1973, no 3, pp. 3-9 ; pour les seconds, cf. bien sûr la tradition chrétienne, qui vit dans Mithra une sorte de «contrefaçon» démoniaque.

34. F. Cumont, op. cit. p. 151.

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Notes

Joël Thomas, article : « Astrologie, Alchimie et Structures Ontologiques dans les Mystères de Mithra », publ. in Pallas, 30 (1983), pp. 75-94.

► Revue fondée en 1952 et spécialisée dans les Sciences de l’Antiquité, Pallas propose plusieurs articles pointus sur les religions antiques.

► Outre ce remarquable article du spécialiste de Virgile qu’est Joël Thomas - alors Maître-Assistant à l’Université de Perpignan - nous vous conseillons très volontiers ses autres travaux, 𝕍 ntm. Les Passeurs dans L’Énéide.

■ Monsieur Thomas indiquait sur l’article d’origine qu’il avait tiré ses illustrations du Corpus Inscriptionum et Monumentorum Religionis Mithriacae de M.J. Vermaseren, comme nous avons remplacé ses photographies par de meilleures nous avons exclu cette note lors de la transcription.