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Le Symbole yeatsien dans la mouvance des symbolistes
Jacqueline Genet

« Symbole «, du grec « sumballein », signifie mettre ensemble, réunir. « To sumbolon » est un signe de reconnaissance qui primitivement désigne un objet coupé en deux, dont deux hôtes conservaient chacun une moitié qu’ils transmettaient à leurs enfants ; ces deux parties rapprochées (« sumballein ») servaient à faire reconnaître les porteurs et à prouver les relations d’hospitalité contractées antérieurement. De là « sumbolon » a désigné tout signe de reconnaissance ; puis un jeton, un insigne, un symbole. Un « sumbolon » a donc besoin d’une autre moitié pour être complet — on retrouvera cette idée dans la conception yeatsienne du masque. Le symbole jette un pont, établit une transition entre deux univers. Il existe aussi un substantif « sumbolos » qui signifie présage et nous oriente vers le côté mystérieux du symbole. À l’époque de Yeats, le symbolisme donne au symbole une nouvelle dimension. Pour Mallarmé, Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole (1). La suggestion est autre chose qu’un simple procédé littéraire. La logique mimétique de représentation le cède à une logique poétique. À l’époque où l’impressionnisme invente la peinture moderne en la détachant de la représentation, le symbolisme nous apprend à lire autrement, en privilégiant la fonction symbolique du langage. Le dessein de Yeats n’est pas non plus de décrire, mais d’atteindre la révélation par le symbole.

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Dans quel contexte littéraire Yeats élabore-t-il sa conception du symbole ?

Le 8 février 1885, paraît le premier numéro de La Revue wagnérienne, fondée par Edouard Dujardin et l’Anglais Houston Stewart Chamberlain. De Lohengrin à Parsifal, en passant par L’Anneau des Nibelungen ou Tristan et Yseult, cette revue popularise la mythologie wagnérienne qui nourrit l’imaginaire symboliste ; elle vulgarise les écrits théoriques du compositeur sur les rapports de la musique et de la poésie et propose un art total qui transcende la distinction des genres. En définissant la poésie comme un langage sensible dont les réminiscences musicales renvoient à ce qu’il y a de plus profond dans l’être et en l’opposant à l’abstraction du langage courant, Wagner renoue l’alliance originelle de la musique et de la poésie. C’est moins le musicien qu’on révère en lui que le champion d’un art spirituel et symboliste. La Revue wagnérienne est déjà un manifeste symboliste.

En 1885, Jean Moréas, répondant à un article du Temps qui s’en prenait aux décadents, suggère à la critique de remplacer l’étiquette de « décadents » par celle de « symbolistes » et le 18 septembre 1886, il publie dans Le Figaro ce qui restera comme le Manifeste du symbolisme. Pour lui, celui-ci est un refus du didactisme, du romantisme et du Parnasse au nom d’un idéalisme vaguement platonicien qui oppose les apparences sensibles aux Idées primordiales. En 1886 paraissent Les Illuminations de Rimbaud et Une Saison en enfer. On découvre dans cette prose une voix poétique, à travers laquelle l’alchimie du verbe et le dérèglement des sens donnent à voir ce « nouveau » qu’appelait, « au fond de l’inconnu », le dernier vers du « Voyage » baudelairien (2). Cette même année, René Ghil, jeune poète d’origine belge, fait paraître son Traité du Verbe et entend définir des correspondances objectives. Edouard Dujardin relance La Revue indépendante — l’asile le plus constant de Mallarmé — et parraine en 1887 la première édition de ses Poésies. La revue devient l’organe privilégié de la littérature nouvelle et Mallarmé le chef d’école. C’est à travers le modèle mallarméen que la plupart des jeunes poètes entrent en littérature comme on entre en religion.

Plus que la liberté prosodique, c’est l’idéalisme qui rassemble les poètes. Sans doute depuis le romantisme, on est « artiste » par opposition à l’utilitarisme bourgeois ; mais c’est dans la seconde moitié du siècle surtout que l’art devient métaphysique. Le dandysme des uns, la joyeuse bohème des autres, les exigences spirituelles les plus hautes relèvent des mêmes aspirations : refus du monde positiviste, des conventions de la vie policée. Seule vit notre âme, proclame Edouard Dujardin. Cet idéalisme justifie le penchant au rêve et au subjectivisme ainsi que les exigences métaphysiques de l’art : dans ce monde d’apparences fugaces, comment ne pas chercher à déceler l’absolu ? Et par quel moyen, sinon l’expérience intérieure ? La poésie de la sensation se développe en une poésie de l’intuition ; l’impressionnisme ouvre la voie au mysticisme. En même temps s’impose la dimension symbolique du langage et la poésie émerge comme le genre par excellence. Les mots deviennent le matériau de cet art de suggestion. L’adjectif refuse le pittoresque et sert moins à décrire une réalité qu’à en dégager la sensation.

Cette poésie déborde ses frontières traditionnelles. L’esthétique symboliste gagne le théâtre, avec une nouvelle génération de metteurs en scène, comme Paul Fort et Aurélien Lugné-Poe qui contribuent à transformer l’esthétique de la représentation. Paul Fort crée son Théâtre d’Art. C’est le 17 mai 1893, par les soins d’Aurélien Lugné-Poe — issu du Théâtre d’Art — et de Camille Mauclair, qu’a lieu la représentation unique et pour un public de souscripteurs, de Pelléas et Mélisande, pièce emblématique d’un théâtre poétique. Un an après, Axël de Villiers de l’Isle-Adam consacre la fortune du symbolisme au théâtre. Yeats assiste à Paris à la représentation ; il est enthousiasmé. Cette première, en 1894, marque, d’après Antoine, une date dans l’histoire du théâtre. Trente ans plus tard, Yeats écrit que ces symboles, devenus partie de lui-même, dominèrent son imagination pendant des années (3). On en trouve d’immanquables échos dans The Shadonry Waters. L’esthétique d’Axël est celle d’un drame romantique post-wagnérien qui emprunte aux symbolisme catholique, occulte, à la philosophie idéaliste et à l’opéra wagnérien. Par delà leurs différences — à côté d’Axël, Pelléas fait figure d’épure d’où tout pittoresque et éloquence sont bannis — les deux pièces donnent la primauté au texte sur la logique scénique, un texte qui porte à rêver.

Les rapprochements sont évidents avec l’esthétique dramatique yeatsienne. C’est aux environs de 1890 que Yeats commence à s’intéresser au théâtre. Son inspiration lui vient d’abord non d’Angleterre où le théâtre a dégénéré sous l’influence du puritanisme victorien et du commercialisme, mais du continent avec les innovations de Wagner. Il recherche une forme dramatique qui possède le lyrisme, la passion et l’unité théâtrale des drames musicaux. Le leitmotiv du musicien a pour équivalent les symboles poétiques récurrents. En mettant en musique les légendes sacrées allemandes, Wagner ouvrait aussi la voie à Yeats et à son exploitation des mythes celtiques

L’occultisme, l’art idéaliste et mystique de Péladan et l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix orthodoxe qui voit le jour en 1885 ainsi que la Golden Dawn, à laquelle Yeats participa activement, confirment l’intérêt pour le symbole. L’ordre utilisait comme symboles croix et roses. Les manifestes rosicruciens proposent une synthèse harmonieuse des croyances. Péladan pense qu’à travers l’art l’homme peut accéder au divin. Les tableaux devront représenter légendes, rêves, mythes et allégories. Ajoutons une préférence pour les peintures murales comme dans l’art préraphaélite.

Il est proche aussi des courants littéraires et artistiques de Grande-Bretagne. En Angleterre, la fin du XIXe siècle marque un moment décisif : l’édifice victorien, longtemps inébranlable, craque de toutes parts. Un âge finit et, dans l’agitation et le désordre, un autre commence. C’est à Keats, avec son culte de la beauté, qu’il faut remonter pour comprendre les écrivains des « Nineties » qui dressent contre le matérialisme victorien la jeunesse du siècle finissant. Cette réaction se résume dans l’œuvre et la personnalité de Ruskin qui estime que l’Angleterre de la civilisation industrielle a oblitéré la beauté. Il s’emploie à réveiller le goût du beau — ses sympathies vont aux artistes du moyen-âge, aux préraphaélites et à Turner — mais son but est surtout moral et confond esthétique et éthique. Peu enclins à le suivre sur le terrain moral, les jeunes n’ont retenu de son enseignement que la partie purement esthétique.

Le père de Yeats, ami des préraphaélites, entraîne son fils dans leur mouvance. Leur esthétique l’incite à donner la prééminence au symbole. Les préraphaélites ont fondé en 1848 un mouvement où ils expriment leur prédilection pour l’art des primitifs italiens du quattrocento. En remontant dans le temps, au-delà de Raphaël, ils pensent retrouver une pureté perdue et s’opposer au monde industriel. L’effort de Rossetti tend exclusivement vers une fin esthétique, sans jamais dévier vers l’éthique. Une sensualité alanguie flotte autour de ces compositions. La peinture n’est pas seule remise en question. Il crée en 1850 une revue The Germ pour orienter ses disciples vers la littérature. La réalité pour lui est beauté, à la fois charnelle et mystique. « The Blessed Damsel » (20) peut être tenue pour le poème-programme de l’école.

William Morris, autre représentant du préraphaélisme, se détournant de son pays et de son temps chante une contrée de beauté et de rêve. La Grèce, l’Italie, les pays du Nord sont vus à travers le voile diaphane de sa sensibilité qui en estompe les contours et les métamorphose en terres de mystère. Ailleurs il déroule une tapisserie éblouissante qui captive l’imagination et fortifie l’esthétisme diffus de ses contemporains. En Rossetti et en Morris, les hommes des « Nineties » reconnaîtront des maîtres. Yeats, ami de Morris, lui consacre son essai « The Happiest of the Poets » (4).

Dans la préparation du mouvement esthétique et décadent, l’œuvre de Swinburne consolide celle des préraphaélites. Dédaignant son siècle, il puise aux sources des époques disparues et s’insurge contre son temps. Il imite Baudelaire qu’il présente au public en un article retentissant (Spectator 6 septembre 1862). On retrouve chez l’un et chez l’autre le même détraquement des sens, le même plaisir sadique, la même insistance sur les côtés troubles de la sexualité. Il semble que l’exemple des Fleurs du Mal ait déterminé dans une large mesure la composition de Poems and Ballads. Des idées encore diffuses chez Keats, implicites chez Rossetti et Morris, se trouvent précisées grâce au contact avec l’étranger. Pour la première fois en Angleterre, un poète ose dresser en face de la tyrannique ‘respectabilité’ victorienne les droits imprescriptibles de la beauté (5).

Certains de ceux qui paraissent avoir donné au victorianisme leur adhésion cèdent parfois à une sorte de mélancolie qui trahit un désaccord intime. Arnold est de ceux-là. On perçoit aussi dans les dernières œuvres de Tennyson un accent de lassitude. James Thomson prépare The City of Dreadful Night, terrible réquisitoire contre l’univers impassible que la science rationnelle a dressé devant l’humanité. Meredith exprime ses critiques mordantes ; puis en 1872 c’est l’Erewhon de Butler, âpre satire des préjugés nationaux. Les forces subversives trouvent un allié dans l’affaiblissement de l’insularité qui ouvre le pays aux courants hostiles au victorianisme. Ibsen est traduit à partir de 1876. La doctrine de Schopenhauer pénètre en Angleterre. Vers 1875 avec les premiers symptômes de la crise économique, la conscience collective perd son assurance. Dans ce contexte se développe le mouvement esthétique et décadent. La religion du beau, le culte de l’art pour l’art fournissent à scs adeptes l’essentiel de leur credo. Toutes les audaces où se complaît une génération éprise de liberté morale renforcent la doctrine esthétique.

Dès 1873, paraît l’œuvre qui concentre en une doctrine cohérente les tendances dispersées : Studies in the Renaissance (1874) de Pater est le point de départ de la décadence en Angleterre. Il préconise le culte désintéressé de la beauté pure, de l’art pour l’art et propose un épicurisme supérieur. Le vague esthétisme né de l’influence préraphaélite est conforté. Marius the Epicurean (1885) s’efforce de poser la base philosophique de l’esthétisme : la vie comme une fin en elle-même. Il faut ne rien laisser échapper des beautés de l’heure, épuiser les brèves joies du jour. Mais la beauté ne le contente pas si elle n’est alliée à l’étrangeté. Le beau est toujours bizarre, disait Baudelaire (6). N’est-ce pas encore à Baudelaire que font songer tant de pages de la Renaissance où flottent des parfums trop capiteux, où s’étalent des couleurs trop riches et où passent des visages pleins de mystère ? Il convient aussi de signaler le retour de thèmes morbides qui évoquent le goût du macabre de la poésie baudelairienne. Mais la poursuite du plaisir vil est exclue de ce nouveau cyrénaïsme et la croyance chrétienne est le prolongement logique de ce culte de la perfection.

La brèche ouverte dans l’insularisme livre passage, vers 1885, à la littérature française, au naturalisme puis au symbolisme imprimant à l’esthétisme son orientation définitive. Rien ne souligne mieux le parallélisme de l’évolution littéraire en Angleterre et en France que l’exemple de George Moore qui s’efforce de réaliser l’idéal formulé par Pater et en trouve le moyen dans l’imitation des auteurs d’Outre-Manche. À Paris, il s’enthousiasme pour l’impressionnisme et pour les Fêtes Galantes de Verlaine ; la lecture des Fleurs du Mal achève de l’enflammer et il s’essaie à la poésie avant de se consacrer au roman et de se ranger au nombre des naturalistes. Il s’en détache assez vite pour s’intéresser au À Rebours (1884) de Huysmans et à l’école symboliste. Les mœurs excentriques de des Esseintes, ses expériences esthétiques combinées selon les meilleures recettes baudelairiennes, ses théories artistiques et littéraires, tout, jusqu’à ses chaussettes de soie feuille-morte le séduit (7). A Drama in Muslin imite Huysmans. Les images portent la marque de la technique symboliste et l’auteur utilise l’art des correspondances. Les Confessions of a Young Man (1888) révèlent l’inspiration qui vaudra à Moore son titre de précurseur de la « décadence ». Vingt-cinq ans après la révélation de Swinburne, il proclame le sortilège des Fleurs du Mal ; et cette fois c’est tout le symbolisme français qui surgit derrière Baudelaire. Dès 1890, Moore publie le recueil d’études critiques : Impressions and Opinions où il reprend et développe les pages les plus significatives de ses Confessions. On y trouve de longs articles consacrés à Verlaine, Rimbaud et Laforgue, une série d’études sur le Théâtre Libre et un article remarquable sur Degas.

Oscar Wilde, l’âme de la « décadence », incarne en Angleterre l’esprit « fin de siècle ». À son arrivée à Oxford en 1874, la vieille université subit le prestige de l’esthétisme. Ruskin enseigne la religion de la beauté. L’art et la poésie préraphaélites ont conquis tous les cœurs. La Renaissance vient de paraître. Wilde absorbe toutes ces influences et se pose en chef du mouvement. À Londres, il fréquente Whistler ; dans son atelier, il rencontre Rossetti, Burne-Jones, Swinburne. Il se pose en dandy désinvolte maniant le bel esprit, en grand prêtre de l’esthétisme, cherchant à donner aux théories de la Renaissance une application immédiate. À Paris, il se montre aux mardis de Mallarmé et, par l’intermédiaire de Stuart Merrill, entre en contact avec les jeunes symbolistes. The Portrait of Dorian Gray (1890) est la première manifestation de l’esprit « fin de siècle ». Toute réalité restant imparfaite et inférieure, l’art seul est capable d’offrir les émotions dont un vrai esthète doit remplir sa vie. L’artiste ne connaît d’autre loi que celle de la beauté. T1 ne veut rien ignorer des sens, il entend goûter à toutes les jouissances en utilisant l’intelligence pour accroître et aiguiser le plaisir de la sensation. Il étudie les parfums et établit de subtiles correspondances entre odeurs et états de conscience. Il importe de faire de sa vie un chef-d’œuvre. Wilde, influencé par À Rebours, accueille avec empressement le nom d’hédoniste que Pater repoussait avec indignation.

Autour de Wilde, dès le début des « Nineties », une effervescence insolite se manifeste en Angleterre. Parmi les membres du Rhymers’ Club (1891-1894) se trouvent les écrivains qui se réclament ouvertement de la « décadence ». L’idée de cette association revient, semble-t-il, à Yeats ; autour de lui se rassemblent Lionel Johnson, Ernest Rhys, John Davidson, Richard Le Gallienne et Arthur Symons. Verlaine leur fait une conférence le 20 novembre 1893. Le club s’adjoint des invités permanents susceptibles d’entretenir l’admiration pour tout ce qui vient de France, comme John Gray, futur traducteur des poètes symbolistes. À Symons revient le mérite d’avoir introduit en Angleterre l’esthétisme français. Reçu chez Mallarmé, comme avant lui Whistler, Moore et Wilde, il rencontre la plupart des poètes en vue. Ses articles témoignent de son enthousiasme pour Villiers de l’Isle-Adam, Verlaine, Huysmans. En 1892, il publie Silhouettes, ouvrage composé sous le signe des Fleurs du Mal. En Angleterre, le premier manifeste de l’école décadente est son article en 1893 dans le Harper’s Magazine : The Decadent Movement in literature. Ses affirmations sont l’écho des arguments utilisés par Gautier pour défendre Les Fleurs du Mal. Surtout il reproduit les idées de Huysmans qui exalte le style de la décadence.

Avec la parution dans les premiers mois de 1894 du Yellow Book, revue trimestrielle qui s’occupe d’art et de littérature, l’Angleterre prend conscience de la décadence ; par le jaune, couleur à la mode, elle proclame sa modernité intransigeante (8). La direction artistique du périodique est confiée à Aubrey Beardsley dont chacune des compositions semble un défi, l’expression la plus saisissante de l’esprit fin de siècle — on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’est proposé délibérément de heurter les principes de la moralité traditionnelle. Les membres de la revue, disciples de l’art pour l’art, se donnent pour fin la perfection de l’œuvre. Le culte esthétique et l’hédonisme de Wilde, les hardiesses d’une génération qui s’exalte dans sa liberté conquise convergent ici.

Début 1896, paraît une nouvelle revue, le Savoy qui semble reprendre le programme du Yellow Book. Le directeur littéraire en est Symons. Le Savoy compte parmi ses collaborateurs des écrivains tels que Conrad, Shaw, Yeats, Lionel Johnson, Fiona MacLeod, Havelock Ellis, Edmund Gosse, à côté de Symons, Dowson et d’artistes comme Beardsley et Conder. Huit numéros sont publiés. Le symbolisme français retient de plus en plus l’attention des jeunes comme en témoigne une série d’articles sur Verlaine, des traductions de Mallarmé, de Verhaeren, de Moréas.

Quand Symons publie Images of Good and Evil (1899), la décadence n’est plus qu’un souvenir — on peut dater son terme de la fin de l’année 1896. Mais elle a ouvert à ses fidèles l’horizon du symbolisme. En même temps l’action de la renaissance irlandaise se fait sentir et de ce double courant dérivent la plupart des poèmes de ce recueil. Le poète cherche derrière le voile des apparences une vérité mystique, spirituelle. En 1899, Symons publie aussi The Symbolist Movement in Literature. À travers l’œuvre de Gérard de Nerval, Villiers de l’Isle-Adam, Rimbaud, Verlaine, Laforgue, Mallarmé, Huysmans et Maeterlinck, il décrit l’aspiration qui soulève les âmes éprises de beauté spirituelle, les éloignant peu à peu de la réalité pour les amener à une vision mystique. Le symbolisme s’affirme bien comme le terme du mouvement décadent : The interlude, half a mock-interlude, of Decadence, diverted the attention of the critics while something more serious was in préparation. That something more serious has crystallised, for the time, under the form of Symbolism, in which art returned to the one pathway, leading through beautiful things to the eternal beauty (9), explique Symons dans son introduction.

Il existe un décalage entre l’apogée du mouvement symboliste en France et en Belgique et son rayonnement international. À la fin des années quatre-vingt dix, le symbolisme en France semble défunt — les deux initiateurs sont morts, Verlaine en 1896 et Mallarmé en 1898. En Angleterre et en Irlande, il devient le nom de la modernité poétique, de ceux qui ont prôné l’importance du symbole et fait connaître le mouvement symboliste français. Yeats se situe dans cette mouvance. Si sa connaissance du français est limitée, cependant à Paris, il rencontre Verlaine et le questionne sur sa poésie, un peu sur celle d’Hugo et beaucoup sur Villiers. À Mallarmé Symons présente Yeats en 1894 et ce dernier assiste aux mardis du poète. Edmund Wilson dans Axel’s Castle évoque ces rencontres. Mallarmé qui connaît fort bien la langue et la littérature anglaises a des contacts fréquents avec les écrivains d’Outre-Manche. La collaboration de Swinburne à la République des Lettres est, entre les deux poètes, l’occasion d’une correspondance où Mallarmé exprime son admiration. Il consacre aussi un essai à la pièce Erechtheus.

La connaissance que Yeats possède des symbolistes français doit beaucoup à Symons et à The Symbolist Movement in Literature qui lui est dédié : both as an expression of a deep personal friendship and because you, more than anyone else, will sympathise with what I say in it, being yourself the chief représentative of that movement in our country… Your own Irish literary movement is one of its expressions (10). C’est dans ce contexte que Yeats élabore sa conception du symbole et part à sa recherche en puisant dans le folklore, les anciennes sagas irlandaises, la poésie visionnaire de Blake ou de Shelley, l’alchimie, le spiritisme, la philosophie — de Platon à Berkeley et aux Upanisad.

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Conception du symbole

À l’origine, Yeats estime que le symbole est un simple véhicule servant à la transmission d’un esprit à l’autre. Il acquiert rapidement la conviction qu’il possède un pouvoir intrinsèque et propose une définition : A symbol is indeed the only possible expression of some invisible essence, a transparent lamp about a spiritual flame (11). Reprenant la distinction de Coleridge, il considère que le symbole relève de l’imagination, alors que l’allégorie est le produit de la fantaisie. Il est « révélation » ; elle est « amusement ». Though I love symbolism, which is often the only fitting speech for some mystery of disembodied life, I am for the most part bored by allegory (12). Il distingue aussi symboles « émotionnels », essentiellement personnels, et symboles « intellectuels » qui appartiennent à la tradition. Les premiers demeurent relativement creux. Par contre les symboles traditionnels font partie de l’imagination du monde. On évoque les symboles individuels et collectifs de Jung, ces derniers étant pour lui les plus importants (13) car, jaillis de la faculté symbolisatrice de toute âme particulière, ils reposent sur des formes archétypiques fondamentales, propres à l’homme universel.

« Image of desire » et « Images of… vision »

La crise du sujet est le corollaire de la crise des valeurs et des représentations que recouvre l’effervescence symboliste. Entre le romantisme qui exhibe, dans son lyrisme, l’image d’un moi unifié sous le signe de la sensibilité, et le surréalisme qui, héritier des découvertes freudiennes, prendra le parti de l’inconscient, la poésie symboliste exprime la crise de l’identité. Depuis Baudelaire, l’homme moderne, pour lequel l’unité est un paradis définitivement perdu, est un sujet marqué par une fêlure originelle : « cloche fêlée » ou « faux accord/ Dans la divine symphonie » (14). À cette altérité, Rimbaud donne, dans sa lettre du voyant, une formulation plus moderne, qui est aussi un contre-cogito : C’est faux de dire : Je pense : on devrait dire on me pense. — Pardon du jeu de mots. Je est un autre (15). Ce qui est remis en cause, c’est le cartésianisme classique, autant que l’illusion romantique du moi, tandis que surgit des profondeurs de l’être une chanson étrange. Cette crise du sujet est apparente dans la conception yeatsienne de l’imagination.

Il en distingue deux sortes, d’une part celle qui fait appel aux « images du désir », assimilées au masque ou à l’anti-moi, complément du moi naturel ; d’autre part l’imagination visionnaire. Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant, disait Rimbaud dans sa lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871 (16). Yeats appréhende les images de vision à travers les transes de sa femme et son écriture automatique, ou directement car il essaie de vider son esprit jusqu’à ce qu’il s’emplisse d’images d’un autre monde. Dans cette perspective, il reçoit des images plutôt qu’il ne les crée et semble être le réceptacle de visions transcendantes. Les deux imaginations apparaissent souvent comme des puissances complémentaires. La grande littérature naît d’un mélange dialectique de l’imagination antithétique du masque et de l’imagination visionnaire. Dans les deux cas, l’art est symbolique.

Doctrine métaphysique : l’invisible et le visible

Le symbole sert une quête désespérée de l’inconnu et du nouveau. Rimbaud qui a reconnu dans le poète des Fleurs du mal le premier voyant, révèle aux générations symbolistes fatiguées du réel le pouvoir des images, la magie violente d’un verbe capable de faire surgir un monde halluciné, en même temps qu’il fait prendre conscience, grâce à « Voyelles », d’un symbolisme total de la langue. Il renforce la conviction nouvelle d’un verbe poétique absolument distinct du langage courant.

Le discours symboliste de Yeats est non seulement théorie littéraire mais aussi doctrine métaphysique qui, en réaction contre le matérialisme et la science, implique la croyance en un monde suprasensoriel. Le réel est l’ennemi et tous les au-delà sont bons à prendre car ce sont des ailleurs. Les symboles, liens entre visible et invisible, suggèrent l’ineffable. Aussi sont-ils employés aussi bien par les maîtres de la magie que par les poètes qui assument le rôle de prêtres ou de prophètes (17).

Correspondances

Les correspondances soutiennent ces ponts symboliques. Déjà Verlaine établissait une correspondance entre la réalité extérieure et celle du cœur, entre la pluie et les larmes (« La Chanson grise »), réalisant ainsi une âme-univers. « Correspondances » de Baudelaire est le texte fondateur de cette nouvelle religion poétique :

La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers
(18).

Le monde sensible est, selon Baudelaire « un magasin d’images et de signes », un « dictionnaire hiéroglyphique », ou encore ces « forêts de symboles « : … tout, forme, mouvement, nombre, couleur, parfum, dans le spirituel comme dans le naturel, est significatif, réciproque, converse, correspondant (19).

Derrière cette philosophie se profile dans le poème « Correspondances », un art poétique : lorsque Baudelaire écrit qu’

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies
(20),

il illustre, certes, la loi d’analogie par des synesthésies, mais aussi il évoque ce qu’il nomme dans « Moesta et errabunta » (21) « le vert paradis des amours enfantines ». À travers la logique des correspondances, il pratique l’art de la suggestion. S’il est vrai qu’il existe une ‘ténébreuse et profonde unité’ où ‘Les parfums, les couleurs et les sons se répondent’, l’admirateur de Wagner et de Delacroix, le poète des ‘Phares’ ou de ‘La Musique’ fait de la poésie le lieu de cette unité, et par là même un art total (22). Mallarmé, quant à lui, considère les correspondances comme le principe même du langage poétique. Dans La Musique et les Lettres, il écrit : le tour de telle phrase ou le lac d’un distique […] aident l’éclosion, en nous, d’aperçus et de correspondances (23) ; ils réveillent ainsi ce qu’il appelle la divinité, cette puissance symbolique enfouie dans l’inconscient qui attend de la poésie sa réflexion.

La doctrine des correspondances encourage Yeats dans son processus d’associations symboliques. Avec Symons, il découvre que le symbolisme est l’établissement des liens qui unissent le monde, que les correspondances effacent la frontière entre monde extérieur et moi pour créer des paysages intérieurs, des paysages d’âme. Les théories occultes confirment cette croyance et il reprend la formule d’Hermès Trismégiste :

For things below are copies, the Great Smaragdine Tablet said (24).

En bon platonicien, il postule l’existence de deux mondes : ail our mental images no less than apparitions (and I see no reason to distinguish) are forms existing in the général vehicle of Anima Mundi, and mirrored in our particular vehicle (25). Un bon nombre de ses poèmes épouse le mouvement dialectique des plus grands dialogues de Platon qui, partant du monde corporel, celui du flux, de la multiplicité, accède jusqu’au monde de la forme idéale, de l’unité. Les poèmes qui s’ouvrent sur le mot « I » ou l’incluent au premier vers, transforment progressivement le personnel en impersonnel, l’ego en eidos. Le drame et la poésie de Yeats sont souvent des rituels de l’anamnesis. Chercher et apprendre n’est autre chose que se ressouvenir disait Platon (26). Or on lit dans Explorations : (I) value ail I have seen or heard… because of something they remind me of, that exists, as I believe, beyond the world (27).

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Choix des symboles

Le choix des symboles chez Yeats varie selon les époques. Si les premières œuvres sont dominées par des symboles d’évasion empruntés à la campagne irlandaise, une fois le poète descendu dans l’arène, des créatures réelles prennent une signification accrue, transcendant leurs limites pour se confondre aux archétypes de l’Anima Mundi. Maud Gonne est assimilée à une moderne Hélène de Troie ; O’Leary incarne l’Irlande romantique ; Parnell, tous ses espoirs ruinés ; Synge la vie simple de chaque jour ; Robert Gregory, un moderne Philip Sidney. À partir de The Tower, les symboles sont à la fois personnels — vieillesse du poète — historiques — cycles de civilisation — et philosophiques — conception de la personnalité, de la vie, de la mort, de l’éternité de l’art. Ils sont empruntés à de multiples domaines ; symboles traditionnels, mythologie irlandaise, événements du mouvement nationaliste, philosophie personnelle, etc. Certains sont concrets comme l’eau, l’arbre ou l’oiseau, d’autres abstraits comme les symboles géométriques — spirale, cercle, sphère.

Leur évolution

En règle générale, Yeats évolue vers la recherche de symboles immédiatement suggestifs. S’il lui arrive au début d’utiliser comme symbole du désir, la poursuite du daim sans corne par le lévrier à l’oreille rouge, empruntée à une légende celtique — et le lecteur pour saisir le symbole doit se reporter à la note que joint le poète —, peu à peu il devient directement compréhensible. Raftery et Mary Hynes sont assimilés à Homère et à Hélène qui éveillent un écho immédiat. Plutôt que des symboles privés, causes d’obscurité, il préfère alors ceux que sanctionne la tradition, déjà gros de significations multiples.

Enrichissement d’un même symbole

Si tels symboles sont plus spécifiquement utilisés à une période particulière, ils ne sont pas pour autant bannis des poèmes qui suivent et, au fil de la création, leur signification devient plus complexe. L’univers symbolique de Yeats se forme par associations successives, chaque symbole ouvrant de nouvelles possibilités, soit de glissement vers des symboles connexes, soit d’élargissement ou de focalisation de sa fonction symbolique initiale. L’élaboration d’un symbole s’opère selon une méthode de surimposition et de syncrétisme. La spirale en offre l’exemple. Yeats connaissait les spirales gravées sur les monuments celtiques de Newgrange représentant mort et renaissance. On retrouve les volutes celtiques — création et dissolution du monde — dans Le Livre de Durrow. Se tourne-t-on vers les temps modernes, on constate que Yeats était familier de l’œuvre de Wyndham Lewis, l’un des tenants du mouvement vorticiste. Il a amalgamé ces multiples sources à celles que lui offrait l’œuvre poétique et picturale de Blake ; en ajoutant références artistiques et littéraires, il a créé un symbole personnel central dans sa philosophie et sa poésie. Par la répétition, les symboles gagnent en intensité, s’enrichissent de par les multiples contextes où ils se situent, et éveillent chez le lecteur des associations plus nombreuses. Ils acquièrent des implications qui dépassent le cadre d’un poème particulier. À cette exploitation systématique d’un même symbole, Yeats doit sa grandeur, cette impression d’unité que laisse la lecture de son œuvre. Arrêtons-nous sur le réseau symbolique de l’eau, de l’arbre et de l’oiseau.

Le symbole de Peau,

Si en France la mythologie symboliste se tourne vers un imaginaire nordique qui fait de la brume le décor du rêve ou de l’idéal, l’Irlande yeatsienne est alors baignée par le Crépuscule Celtique. Dans ce contexte, l’eau apporte l’irréalité ; ses mirages arrachent au réel. « The wave of moonlight » de « The Stolen Child » confond ciel et mer. L’invitation au voyage hante le jeune poète ; l’eau est lieu de passage entre terre-réalité et île-féerie. Elle conduit au pays désiré où accostent l’Indien et sa bien-aimée (28), où les fées entraînent l’enfant. Que cette oasis se nomme Arcadie, Inde ou Irlande, elle se situe au-delà de l’eau, dans un paradis aquatique d’Amour, de Paix, d’Eternité, trois aspects de l’Absolu. L’eau permet d’accéder à ce paradis perdu des Celtes, Tirnanog, Elysée inventé pour échapper au désespoir de la mort, royaume des Immortels, dieux ou fées. Le caractère spécifiquement aquatique de ce paradis apparaît dans The Wanderings of Oisin, puisqu’au moment où le héros touche au sol, la terre reprenant ses droits, il devient un vieillard accablé d’ans.

Pourtant cette oasis tant convoitée est inquiétante car seule la mort semble en permettre l’accès. L’enfant de « The Stolen Child » répond à l’appel des fées mais son visage grave paraît regretter le monde familier et chaud des humains. L’eau peut devenir un lieu mortifère, comme le suggère le périple symbolique de Forgaël. Cette ambivalence de l’élément liquide — vie et mort — se retrouve partout chez Yeats. L’étude de la philosophie néoplatonicienne enrichit cette symbolique. Proclus, cité par Mme Blavatsky dans Isis Dévoilée, explique que l’âme, après la mort, doit se purifier de toutes ses passions. Or l’eau — associée traditionnellement à l’idée de purification — est le lieu par excellence de cette catharsis, dans la période qui sépare la mort de la re-naissance. Ces différents stades qui nous sont décrits au livre 3 d’Une Vision, s’ils acheminent l’âme vers le divin, la préparent également à la réincarnation. Dès lors, l’eau devient le lieu de deux démarches opposées : d’une part elle permet d’accéder à l’éternité ; de l’autre, elle permet à l’âme de redescendre dans la vie. Sans doute cette double signification du voyage en mer est-elle suggérée à Yeats par Porphyre qui, dans son essai « La caverne des nymphes » donne une interprétation du retour d’Ulysse à Ithaque et de son arrivée dans une grotte consacrée aux nymphes, laquelle, selon Homère, comporte deux entrées : celle des hommes, celle des dieux. Yeats donne l’interprétation suivante : the two gates of Homer’s cave are the gâte of génération and the gâte of ascent through death to the gods (29). Selon la symbolique néoplatonicienne, l’âme qui va s’incarner quitte les Iles des Bienheureux, pour retourner après la mort à son paradis insulaire d’origine. Lieu de passage entre la vie et l’éternité ou entre l’éternité et la vie, l’eau participe des deux et ce double caractère apparaît dans certains des plus grands poèmes. Ainsi il faut traverser la mer pour se rendre à la Cité Sainte de Byzance. « Sailing to Byzantium » (30) est le voyage du poète qui, échappant au monde fugitif des sens, vogue vers l’univers éternel de l’Art et de l’Esprit, représenté par l’oiseau d’or. Comme dans les poèmes insulaires, il faut traverser l’eau pour se purifier et atteindre un au-delà : Byzance succède à Tirnanog.

Que le voyage sur l’eau conduise à l’Eternité ou à la vie, il est l’odyssée de l’âme :

What’s water but the generated soul ? (31)

Dans ce poème « Coole Park and Ballylee 1931 », la rivière, souterraine en partie, qui relie Coole et Ballylee, peut représenter le voyage de l’âme passant de la lumière de la vie à l’obscurité de la mort, puis à la lumière retrouvée de la réincarnation, symbolisée par le lac de Coole. Cependant la suite du poème concerne essentiellement le déclin de la tradition aristocratique. Il est donc possible de voir aussi dans cette rivière, le cours inéluctable de l’histoire selon lequel l’idéal aristocratique de Yeats est voué alternativement à fleurir puis à sombrer dans l’obscurité. Plutôt que l’âme individuelle, l’eau serait alors cette âme universelle, l’Anima Mundi qui emmagasine toutes les expériences humaines. L’histoire, comme l’âme dans son voyage à travers les réincarnations successives, suit ces cycles répétés que représentent l’apparition et la disparition de la rivière.

Symbole de l’âme individuelle et de l’Anima Mundi, l’eau joue un rôle dans la création poétique. Elle exprime « l’esprit de la race » ainsi que « la portion obscure » de l’esprit. Elle relève du conscient et du subconscient ; si en surface, elle représente l’âme, les fonds sous-marins reflètent cette partie de nous-mêmes, cachée dans la nuit des profondeurs. Les monstres qui surgissent de la mer, sont ces motivations secrètes et inconnues contre lesquelles le héros doit se défendre. Le combat d’Oisin contre le démon, tué plusieurs fois et toujours vivant, ne représente-t-il pas ce mal que l’homme porte en lui et contre lequel il livre un combat intérieur, jamais achevé ? L’eau nous apparaît donc souriante et inquiétante, réelle et imaginaire, à la fois vie et mort, portant vers l’intemporel ou le temporel, symbole de l’âme individuelle et universelle, source d’images puisées dans le conscient et le subconscient. Yeats conclut après Porphyre — que ‘even the génération of images in the mind is from water’ (32).

Symbole de l’arbre

Le symbole de l’arbre est souvent associé à celui de l’eau. Aux îles d’Oisin et dans les paysages enchantés qui lui succèdent, l’arbre est le refuge qui permet d’échapper à maintes formes d’aliénation. Les paradis aquatiques lui sont un lieu de prédilection. L’arbre se confond à tous ces au-delà des eaux, au Tirnanog des Celtes et à l’Eden biblique où un fleuve coule près de l’Arbre de Vie. Il est alors invitation au refuge… demeure de qui veut se reposer loin du soi, c’est-à-dire hors du temps (33). Sans doute est-ce là une manière de régression qu’on pourrait interpréter comme un désir de retour à la mère protectrice. Parce qu’il est refuge, l’arbre est à Tirnanog symbole d’éternelle jeunesse. L’amour en est aussi l’apanage, et il y a chez Yeats une symbolique amoureuse de l’arbre qui se prolonge au-delà de la vie. La croissance conjuguée du pommier et de l’if représente l’union, dans la mort, d’amants séparés en ce monde. Leurs branches s’entremêlent sur la tombe de Baile et d’Aillinn (34). Sous leur ombrage, Ribh tourne les pages de son livre sacré (35). La quête de l’éternelle jeunesse et d’un amour impérissable répond à une soif d’éternité ; or l’arbre devient ce symbole d’immortalité, comme l’est l’Arbre de Vie de l’Eden. Le symbolisme de l’Arbre biblique est celui de « Parnell’s Funeral » (36), enrichi de multiples autres significations qui témoignent de la méthode syncrétique de Yeats.

Parce qu’il est enraciné, l’arbre représente aussi l’élément de stabilité dans le chaos du monde environnant. Contre le vent de la destruction, il est cette tradition que recherche l’auteur de « A Prayer for my Daughter » priant pour que sa fille ressemble à l’arbre en fleurs et vive

… like some green laurel
Rooted in one dear perpetual place
(37).

Ce laurier symbolise la tradition, cette manière de vivre qu’il apprécie à Coole. Outre l’enracinement dans le passé, il recherche le contact avec la terre :

John Synge, I and Augusta Gregory, thought
Ail that we did, ail that we said or sang
Must come from contact with the soil
(38).

L’arbre en vient à désigner les deux classes sociales chères au poète : l’aristocratie qui perpétue la tradition, et les paysans solidement attachés au sol. On constate que les significations symboliques de l’eau et de l’arbre se recoupent et s’enrichissent.

L’Oiseau

L’oiseau — probablement l’animal le plus fréquemment mentionné dans le bestiaire yeatsien de la maturité — s’insère dans ce réseau symbolique. Les symboles de l’âme subjective sont les oiseaux aquatiques, grue des marais, héron, courlis, poule d’eau, mouette et même le cygne. Tous participent à la fois de l’eau de l’incarnation et de l’air, lieu de l’aspiration spirituelle. Le chant de l’oiseau est annonciateur de la libération de l’âme ; libérée des contraintes du monde, celle-ci chante comme un oiseau, que ce soit celle du vieil hermite de « The Three Hermits » (39), ou celle du poète devenu oiseau d’or à Byzance.

Dans « Leda and the Swan » et « The Mother of God », la descente du divin dans le monde incarné se fait par l’intermédiaire d’un dieu-oiseau, Zeus métamorphosé en cygne, le Saint Esprit sous forme de colombe. De l’union métaphorique de Marie et de l’oiseau naît toute la tradition chrétienne ; du viol de Léda par le cygne, la tradition homérique. Ce symbole, comme les précédents, a une composante historique. Tous trois s’entrelacent au gré de la création poétique.

***

Quels sont les traits communs des symboles ?

Symboles antinomiques

Un symbole peut suggérer son contraire. Au temps s’oppose l’éternité, aux symboles typiquement mouvants succèdent ceux dont le caractère est immuable : pierre, tour, or, momie. Il est aussi des symboles qui réussissent à combiner en eux-mêmes des idées opposées, à représenter à la fois l’action et la contemplation, la vie et l’art.

L’eau est envisagée sur des plans rigoureusement opposés, une signification suggérant son contraire, son « masque ». Ce manichéisme d’un élément destructeur et préservateur permet de résoudre l’opposition du devenir et de la continuité de l’être, celle d’Héraclite et de Parménide. Cependant toutes ces implications de l’eau ne sont nullement irréductibles. Le symbole finalement transcende ces antinomies, comme l’Unité d’Etre qu’il reflète et avec lequel il se confond. Comme toute écriture poétique, l’eau démasque son auteur, sa recherche de l’Absolu, sa quête de l’Unité.

L’arbre lui aussi réconcilie les antinomies :

A tree there is that from its topmost bough
Is half ail glittering flame and half ail green
(40)

On pense à l’arbre mystique du Mabinogion, moitié flamme, moitié feuillage ; la couleur verte est celle de la vie, le rouge celle du feu. Ainsi l’arbre symbolise le mariage de l’âme et du corps, l’éternité d’une part, le temps et la mort de l’autre, ces antinomies créées par l’homme. L’arbre dont la géométrie allie droites et courbes se prête fort bien à une symbolique des contraires. Pareil schéma géométrique est créé par la conjonction de la rose et de la croix, autre figuration de l’arbre (41). Ces contraires se réconcilient dans le symbole de l’Arbre Séphirothique. L’arbre réduit la multiplicité à l’unité :

Though leaves are many, the root is one (42).

Le châtaignier de « Among School-Children », le « great-rooted blossomer », symbolise la totalité de la vie dont l’harmonie est semblable à la danse. Rien n’est plus frappant dans l’évolution de la poésie de Yeats que le remplacement d’une simple dialectique symbolique par une dialectique suivie d’une synthèse. Si des contrastes par paires fournissent la structure de base des premiers poèmes — l’humain et le féerique, le temporel et l’éternel — plus tard, ces « antinomies of day and night » sont résolues dans un troisième élément ou par l’interpénétration des contraires et le poème « There » nous plonge directement dans la Grande Mémoire (43). Ce n’est en effet que dans l’éternité que les spirales peuvent converger, car les contraires sont alors réconciliés. L’homme de son vivant n’échappe aux spirales qu’en de rares moments privilégiés.

Tout symbole s’enrichit aussi au contact des mythes

Par haine de la réalité contemporaine, l’idéalisme symboliste est naturellement porté vers tous les ailleurs que proposent les mythes. Le mythe n’est pas un récit écrit puisque le grec muthos signifie parole. Le muthos, c’est ce qu’on raconte ; il est parole des origines puisqu’il « se rapporte toujours à des événements passés », souligne Lévi-Strauss (44). Il est un moyen de communiquer non seulement avec le passé mais aussi avec l’au-delà. Pour Wagner, il est ce qui exprime de façon sensible la vérité profonde de l’homme et le support naturel d’un art du symbole. Ce symbolisme mythologique est présent chez Yeats.

Ainsi le mythe antique de Thétis et Pélée enrichit la symbolique de l’eau dans « News for the Delphic oracle » (45). Après avoir montré l’arrivée des âmes dans l’au-delà, le poète laisse entrevoir leur retour vers la vie. Thétis, la nymphe des eaux, sert de lien entre les deux univers. Elle est partagée entre le divin et l’humain. Immortelle, elle s’unit au mortel Pélée. Yeats mêle souvenirs classiques et légendes celtiques. Poséidon (46), nymphes et naïades côtoient Manannan Mac Lir, l’un des Tuatha De Danaan, dieu de la mer, dont Oisin aperçoit la sombre tour au milieu des flots ou encore ces divinités qui voyageant sur des barques magiques, viennent séduire les humains. L’eau yeatsienne est magique ; les vagues se changent en chevaux (« Cuchulain’s Fight with the Sea » (47) ; les poissons sont peut-être des humains : la truite attrapée par Aengus est en réalité une superbe jeune fille (48). Tout y est possible puisqu’elle appartient à la fois au naturel et au surnaturel. Rien d’étonnant à ce qu’elle soit le lieu de métamorphoses.

Au symbole de l’arbre dans « Vacillation », Yeats rattache le culte d’Attis, dieu de la végétation, amant d’Agdistis (Cybèle) qui, dans un accès de jalousie, le força à se mutiler et qui, rongée par le remords, le métamorphosa en pin. Par sa mort et sa résurrection, Atys représente les fruits de la terre, qui meurent pour renaître au printemps. Suspendre le portrait d’Atys entre les deux parties de l’arbre signifie le renoncement à toute expérience normale, pour s’identifier à la divinité et de la sorte réconcilier les antinomies.

La poétique symbolique ou la concrétisation des symboles

La symbolique de l’eau est aussi poétique. Il est chez le poète un vocabulaire aquatique, un bruit des eaux, du murmure suave au déchaîne ment des flots où Cuchulain entend des cris de bataille, parfois même, une véritable syntaxe de l’eau, un mouvement de la phrase pareil à celui des vagues, à cette eau qui renaît de soi et porte avec elle la rêverie du lecteur. L’eau communique son rythme au texte. Son langage continu, sans heurt, se retrouve dans la poésie fluide et euphorique du jeune poète encore romantique, dont les rythmes réguliers bercent le lecteur, créant chez lui une léthargie extatique :

I would that we were, my beloved, white birds on the foam of the sea (49).

Les pauses rythmiques contribuent à créer cet effet : très souvent la fin d’une phrase ou d’une proposition, coïncidant avec celle d’un vers, introduit dans le paysage du poème ces « lacs de chant » dont parle Claudel. La rime à laquelle Yeats reste fidèle joue dans cette musique un rôle essentiel.

Les symboles géométriques de sa maturité s’intégrent aussi dans sa poétique. Structurellement, son mythe est, comme il le dit lui-même « centric » (50), des cercles dans des cercles. La démarche de l’âme humaine et celle de l’histoire sont circulaires : Ail circles are but a single archetypal circle seen according to différent measures of time (51). Les squelettes géométriques de A Vision, images primordiales, se profilent dans ces poèmes qui structurellement décrivent des spirales, comme « A Dialogue of Self and Soul » (52) où l’élément antithétique gagne en force à mesure que le primaire s’affaiblit. La spirale permet à Yeats de nous présenter sa vision d’un univers dramatique où le conflit est condition de la vie. Mais il poétise, humanise l’abstraction. « A Dialogue of Self and Soul » en propose une transposition concrète : le fourreau de l’épée de Sato — amour et guerre — dont l’étoffe suit le trajet des spirales, et l’escalier que l’âme exhorte le poète à gravir et qui conduit à la nuit et à la mort. Cet escalier est l’un des avatars les plus fréquents de la spirale. Les antinomies, essentielles à sa pensée, sont contrastées et réunies à la fois dans cette conjonction de droites (épée, tour) et de spirales (fourreau, escalier). Bobine, fuseau, écheveau, labyrinthe sont autant de concrétisations du signe géométrique. L’image de la bobine (« spool, bobbin ») sur laquelle est enroulé le fil du temps qui dérive du mythe d’Er de Platon est associée au fuseau (« The Bargain »). On pense au « Hades’ bobbin » de « Byzantium » où le fuseau représente l’âme qui, après la mort, chez Hadès, se libère des « complexités » sensuelles de l’expérience quotidienne enroulée autour d’elle comme les bandelettes d’une momie. Dévider ces bandelettes, mouvement pareil à celui des spirales, équivaut à parcourir les étapes de l’expiation et de la purification. Ailleurs l’amour est un écheveau :

… a skein unwound
Between the dark and dawn
(53).

Les spirales créent parfois ce labyrinthe suggéré dans » Byzantium » ou dessiné par les oiseaux de « Blood and the Moon ». Si le faucon de « The Second Corning » décrit la spirale de notre fin de siècle, le poème intitulé « The Gyres » est la vision concrète et saisissante du cataclysme où s’engouffre la civilisation.

De même la sphère — l’Absolu — a ses transpositions concrètes : montagne ou dôme. Le sonnet « Meru » emprunte son titre au mont Mérou, montagne mystique de l’Inde ; l’Hindou qui dans sa caverne sur le Mont, accepte la vision cyclique de l’univers est seul capable d’appréhender la réalité. Le dôme de « Byzantium », de par sa forme, suggère la sphère ; on débouche sur cet au-delà où convergent les spirales. Le symbolisme sexuel de cette géométrie est explicité dans « The Gift of Harun Al Rashid » (54).

***

Source des symboles

L’Ame du Monde

Quel que soit le symbole utilisé, celui-ci nous conduit à l’Ame du Monde, cette « Grande Mémoire », sorte d’inconscient collectif, réservoir d’images où puise le poète. Ainsi Yeats situe sa poésie dans ce general pattem of myths and symbols où il s’efforce d’intégrer ses émotions personnelles (55), leur conférant une force universelle. Chaque âme humaine participe de l’âme générale : our little memories are but a part of some great Memory that renews the world and men’s thoughts age after age (56). Spiritus Mundi — terme employé dans « The Second Corning » — qu’il définit comme a general storehouse of images which have ceased to be a property of any personality or spirit (57) est l’autre nom de cette Anima Mundi qui can be evoked by symbols (58).

Si Yeats semble souscrire à la doctrine platonicienne de l’imagination comme véhicule d’une vérité transcendante, dans son essai « Magic », il se montre sceptique lorsqu’il s’agit de savoir si l’« Artiste surnaturel » qui accorde les visions est véritablement autre et transcendant. On a comparé l’anima hominis de Yeats à l’inconscient personnel et son Anima Mundi — parfois appelé « the mind of the race » (59) — à l’inconscient collectif de Jung, même si les deux hommes s’ignoraient totalement. Le symbolisme découvre l’espace du dedans, l’inconscient qui, faute de pouvoir se dire, ne peut se formuler que dans la poésie. De la mystérieuse forêt intérieure à l’homme vient la révélation (« Fragments » (60).

Dans ses Autobiographies, Yeats affirme que l’imagination relève de l’inconscient et dans A Vision, on assiste au paradoxe de l’inconscient devenant conscient (I) will watch with amusement the emergence of the philosophy of my own poetry, the unconscious becoming conscious. It seems to me to increase the force of my poetry (61). L’étude de symboles différents conduit à des conclusions identiques. Empruntés à la « Grande Mémoire », relevant à la fois du conscient et de l’inconscient, ils traduisent une même recherche de cette Unité qui réconcilie les antinomies.

Cette exploration de l’inconscient s’inscrit elle aussi dans la ligne des symbolistes étrangers.

Si l’évangile baudelairien des correspondances sert une religion de l’infini, cet infini a deux faces, Dieu et le diable, paradis et enfer. Il y a sans doute dans Les Fleurs du mal, une aspiration tout idéaliste à une réalité au-delà du réel, mais les correspondances renvoient moins souvent au ciel qu’aux profondeurs du moi, à un enfer intérieur où les démons s’appellent ennui, amour et haine, sadisme et masochisme, débauche et mort. L’exploration de cet enfer révèle un moi profond, mystérieux, auquel la poésie offre pour la première fois une voix. Pierre Jean Jouve, profondément marqué par la spiritualité baudelairienne, et par les découvertes freudiennes, quelques décennies plus tard, donne un nom à cet enfer nouveau : Le secret de Baudelaire est la recherche de l’inconscient comme moteur de la Poésie… Pour Baudelaire, spiritualité et inconscient se touchent (62). C’est ce Baudelaire-là que Huysmans, dès 1884, proposera comme modèle aux futurs symbolistes en faisant de lui, contre un naturalisme de surface, le naturaliste des profondeurs.

Cette terra incognita devient le lieu privilégié de la poésie post-baudelairienne qui, de la Saison rimbaldienne à La Jeune Parque de Valéry, fait l’épreuve du gouffre, et par là même, d’une division irrémédiable du moi. La poésie découvre l’inconscient à peu près en même temps que la philosophie commence à nommer le mot et à définir la notion. Car les premières théories de l’inconscient dérivent de la philosophie schopenhauerienne. En 1869, peu de temps avant que Nietzsche révèle dans l’art les gouffres dionysiaques sous la transparence apollinienne, le philosophe allemand Eduard von Hartmann publie une Philosophie de l’inconscient. Ce livre connaît un grand succès dans le monde littéraire, inspirant en particulier le Barrés du Jardin de Bérénice. L’inconscient de Hartmann n’est évidemment pas celui de Freud ; c’est une espèce d’énergie vitale, qui anime tout ce qui est, d’intelligence divine mais immanente qui gouverne l’évolution. L’essentiel est la révélation d’un univers nouveau et le mot révélation n’est pas trop fort pour un Jules Laforgue, témoin privilégié, à Berlin, de la vie intellectuelle allemande, et qui reconnaît en Hartmann le prophète d’une nouvelle Loi. L’inconscient prend la place de Dieu dans les liturgies poétiques de Laforgue.

Héritière de Baudelaire, la poésie symboliste qui ne cesse d’invoquer l’âme ne fait que baptiser ainsi ce qu’elle ne peut nommer autrement, les forces obscures, les désirs ou les angoisses, issus des profondeurs de l’être et auxquels seule peut donner forme l’image poétique. Les serres chaudes ou les cloches à plongeur des poèmes de Maeterlinck découvrent ainsi d’étranges végétations sub-lunaires ou sous-marines, ce que Huysmans appelle, à propos de Baudelaire, les « végétations monstrueuses de la pensée ».

***

La Beauté est, pour Yeats, comme pour les symbolistes, une valeur absolue. Mallarmé écrivait à son ami Henri Cazalis : Il n’y a que la Beauté ; — et elle n’a qu’une expression parfaite, la Poésie (63). La poésie et le théâtre deviennent le sanctuaire d’une religion ésotérique accessible aux seuls initiés. Littérature et magie se conjuguent volontiers. Idéalisme, esthétisme, ésotérisme, sens de la tradition et désir de synthèse, tels sont les lieux essentiels du discours philosophique du symbolisme dont la découverte poétique majeure est celle de l’inconscient et l’instrument, le symbole. Le lecteur d’aujourd’hui, héritier d’une modernité freudienne et à qui le surréalisme a ouvert d’autres horizons, peut trouver bien civilisés les gouffres de la poésie symboliste, et bien conventionnelle leur expression. Mais le symbolisme a été une crise décisive dont on n’a pas fini, aujourd’hui, d’épuiser les leçons. L’essentiel de la poésie moderne en procède ainsi qu’ une bonne part de la réflexion théorique sur le fait poétique.


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Notes de Jacqueline Genet

1. Mallarmé : Réponse à des Enquêtes, Sur l’évolution littéraire, Œuvres Complètes, Paris, Pléiade, 1956, p. 869.

2. Baudelaire : « Le Voyage », Œuvres Complètes, Paris, Pléiade, 1956, p. 198.

3. Villiers de l’Isle-Adam : Axël, traduit par Marilyn Gaddis Rose, The Dolmen Press 1968, p. XIII.

4. W.B. Yeats : Essays & Introductions, London, Macmillan, 1961, p. 53.

5. La victoire restera cependant aux défenseurs de la moralité officielle lorsque Swinburne se rangera à partir des Songs before Sunrise (1871) du côté de ceux qu’il a combattus et se fera un plaisir de l’art moral.

6. Baudelaire : Curiosités esthétiques, Exposition Universelle 1855, Beaux-Arts op. cit., p. 691.

7. Sous la mosaïque des plus bizarres motifs, ce que Huysmans a voulu décrire, ce sont les tourments d’un mystique que la réalité écœure et qui, détournant son regard des turpitudes humaines, s’attache à une vision intérieure, trouble encore, mais frémissante, ardente.

8. Whistler avait utilisé le jaune comme motif principal non seulement dans ses tableaux, mais aussi dans la décoration de grands espaces muraux.

9. Arthur Symons : The Symbolist Movement in Literature, E.P. Dutton & C° 1908, p. 7

10. Arthur Symons : op. cit., p. V.

11. W.B. Yeats : Essays & Introductions, op. cit., p. 116.

12. Ibid. p. 382.

13. Voir C.G. Jung : Dialectique du Moi et de l’Inconscient, Paris, Gallimard, NRF, Folio essais, 1933, pp. 23-46.

14. Baudelaire : « La Cloche félée », op. cit., p. 144 et « L’Héautontimorouménos », op. cit., p. 150.

15. « Lettre à Georges Izambard » 13 Mai 1871 : Rimbaud : Œuvres complètes, Paris, Pléiade, 1954, p. 268.

16. Rimbaud, op. cit. p. 270.

17. W.B. Yeats : Essays & Introductions, op. cit., p. 49.

18. Baudelaire, op. cit., p. 87.

19. Baudelaire : « Victor Hugo », op. cit., p. 1085.

20. Baudelaire : « Correspondances », op. cit., p. 87.

21. Ibid. p. 136.

22. B. Marchal : Lire le Symbolisme, Dunod, 1993, p. 71.

23. Mallarmé : op. cit., p. 646.

24. « The Supernatural Songs », The Variorum edition of the Poems of W.B. Yeats, ed. Peter Allt & Russell K. Alspach, New York, Macmillan, 1961, p. 556.

25. W.B. Yeats : Mythologies, London, Macmillan, 1959, p. 352.

26. Platon : Ménon 81.

27. W.B. Yeats : Explorations, London, Macmillan, 1962, p. 254.

28. « The Indian to his Love », The Variorum edition of the Poems, op. cit., p. 77.

29. W.B. Yeats : Essays & Introductions, op. cit., p. 83.

30. The Variorum edition of the Poems, op. cit., p. 407.

31. « Coole Park and Ballylee 1931 », ibid. p. 490

32. W.B. Yeats : Mythologies, op. cit., p. 80.

33. Jean Burgos : « L’Arbre ou les métamorphoses d’un refuge exemplaire » Le refuge (1). Cahiers du Centre de Recherche sur l’Imaginaire 2, Paris, éd. Lettres Modernes, 1970, p. 11.

34. « Baile and Aillinn », The Variorum edition of the Poems, op. cit., p. 197.

35. « The Supernatural Songs » ibid., p. 555.

36. « Parnell’s Funeral », ibid., p. 541.

37. « A Prayer for my Daughter » ibid., p. 403.

38. « The Municipal Gallery Revisited », ibid., p. 603.

39. « The Three Hermits », ibid., p. 298.

40. « Vacillation », ibid., p. 499.

41. « To the Rose upon the Rood of Time » ibid., p. 100.

42. « The Corning of Wisdom with Time » ibid., p. 261.

43. « There » ibid., p. 557.

44. Lévi-Strauss : Anthropologie structurale, Paris, Pion p. 231.

45. The Variorum edition of the Poems, op. cit., p. 611.

46. « Colonus’ Praise » ibid, p. 447.

47. « Cuchulain’s Fight with the Sea », ibid,, p. 105.

48. « The Song of Wandering Aengus » ibid., p. 149.

49. « The White Birds », ibid., p. 121.

50. Letters, ed. Wade, London, Rupert Hart-Davis, 1954, p. 100.

51. A Vision, London, T. Werner Laurie, 1925, p. 140.

52. The Variorum edition of the Poems, op. cit., p. 477.

53. « Crazy Jane and Jack the Journeyman » ibid., p. 511.

54. « The Gift of Harun Al Rashid » Ibid., p. 469.

55. Autobiographies, op. cit., p. 151.

56. Essays & Introductions, op. cit., p. 79.

57. The Variorum edition of the Poems, op. cit., p. 822.

58. Essays & Introductions, op. cit., p. 28.

59. Autobiographies, London, Macmillan, 1966, p. 372.

60. « Fragments », The Variorum edition of the poems, op. cit., p. 439.

61. Letters, Wade op. cit., p. 904.

62. Le Tombeau de Baudelaire, Paris, À la Baconnière, 1942, p. 22&26.

63. Cité par B. Marchal : op. cit., p. 113.

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Notes

Jacqueline Genet, article : « Le symbole yeatsien dans la mouvance des symbolistes », publ. in Études irlandaises, 24 1 (1999), pp. 39-62 .