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Symbolique hermétique
Félix Cadet de Gassicourt

Symbolique hermétique

Il nous faut maintenant justifier, en quelque sorte, l’appel que nous allons faire aux sciences occultes pour l’explication des armoiries du Moyen Âge et même de beaucoup d’autres. Et, pour ce faire, nous ne saurions trouver mieux que les lignes suivantes extraites d’un ouvrage d’un savant helléniste qui s’est beaucoup occupé d’astrologie tout en en étant un des adversaires les plus résolus : A. Bouché-Leclerq, membre de l’Institut.

On a cru longtemps et on croit peut-être encore, dit-il, que la divination en génération et l’astrologie en particulier ont tenu peu de place dans l’histoire. Sans doute, on constate que les oracles et les pronostics des devins interviennent à tout moment… mais on suppose que c’était là, pour les chefs d’État ou les chefs d’armée, des prétextes plutôt que des raisons, des moyens commodes d’utiliser la crédulité populaire… C’est un point de vue qui a pu paraître rationnel aux philosophes du siècle dernier, mais qui devait être, comme on dit aujourd’hui, dépassé… L’astrologie a mis parfois la main sur ces grands leviers qui sont la volonté des rois. Qui sait combien de desseins intéressant des millions d’hommes elle a entravés ou favorisés, quand elle avait prise sur la pensée d’un Auguste, d’un Tibère, d’un Charles Quint, d’une Catherine de Médicis, d’un Wallenstein ou d’un Richelieu ? Les historiens devront, à mon sens, rechercher avec plus de soin qu’ils n’ont fait jusqu’ici les traces cette ingérence et ne pas se persuader aussi facilement qu’elle a été d’effet négligeable. Ils n’ont pas même besoin d’aller bien loin pour rencontrer, dans l’observance de la semaine incorporée aux religions issues du judaïsme, la trace désormais indélébile d’une idée astrologique (1).

Ce passage montre, d’une manière claire, l’importance que l’occultisme avait dans l’antiquité et dans des temps même assez rapprochés de nous : il n’en avait pas moins au Moyen Âge et les noms des Arabes Rhazés, Geber, Avicenne, Averroès, de l’Anglais Roger Bacon, du Souabe Albert le Grand, de l’Espagnol Raymond Lulle, des Français Arnaud de Villeneuve, Nicolas Flamel, de l’Allemand Basile Valentin pour l’alchimie, de l’Italien Thomas de Pisan et de l’Allemand Jean Muller, plus connu sous celui de Regiomontanus, pour l’astrologie, sont là pour le prouver. N’oublions pas qu’à cette époque les sciences étaient liées l’une à l’autre, que l’on ignorait les spécialisations si fort en honneur à l’heure actuelle, et que tel qui voulait étudier l’astrologie devait également apprendre l’alchimie ; la divination n’avait pas de secrets pour les alchimistes que nous venons de citer.

Mais les savants qui ont laissé la trace de leur passage par des œuvres ou des écrits sont-ils les seuls qui aient été instruits dans les sciences hermétiques et les pratiques magiques ? Non certes, et les affiliés aux sociétés secrètes de l’Antiquité et du Moyen Âge ont été également admis à ces réunions cachées où leur étaient dévoilées de mystérieuses pratiques. De ce qui se passait dans ces assemblées, nous n’avons rien à dire ici ; mais nous voulons et nous devons montrer un peu quelles furent les doctrines des initiés de tous les temps et de tous les pays, quels étaient leurs symboles, qu’on retrouve ceux-ci assez fréquemment dans les armoiries du Moyen Âge et même du XVIIIe siècle, surtout dans les pays du Nord de l’Europe, enfin comment ces symboles peuvent être compris et expliqués.

La base fondamentale des doctrines de tous les initiés, depuis les Chaldéens, les Égyptiens, les Hindous, jusqu’aux Templiers, aux Rose-Croix, aux francs-maçons anciens, est l’analogie. Par l’analogie, on détermine les rapports qui existent entre les phénomènes. Prenons, par exemple, l’étude de l’homme ; deux méthodes s’offrent à nous : d’abord, l’étude des organes, ou du visible ; ensuite, l’étude de la vie, ou de l’invisible. La première est l’étude par induction, la seconde est l’étude par déduction. Mais, en les combinant entre elles, on en obtient une troisième par laquelle on considère le rapport qui existe entre les organes et la fonction, ou entre deux fonctions, ou entre deux organes : c’est l’étude par analogie. Ainsi, le poumon, comme nous l’apprend l aphysiologie, transforme d’une certaine manière l’air extérieur ; l’estomac, d’après la même science, transforme les aliments qu’il reçoit du dehors. À ces données l’analogie ajoute celle-ci : le poumon et l’estomac, recevant du dehors quelque chose qu’ils transforment sonta analogues. Nous avons à dessein choisi cet exemple, pour montrer que deux choses analogues sont loin d’être semblables. Dans cet exemple, que nous apprend la physilogie ? deux faits : transformation de l’air par le poumon, transformation des aliments par l’estomac ; que nous pparend l’analogie ? une loi : la transformation d’une chose par un organe est nécessaire à la vie. Beaucoup de faits sont donc gouvernés par un petit nombre de lois, dites aussi causes secondes. Celles-ci sont gouvernées par un nombre plus restreint encore de principes, aussi appelés causes premières ou vérités intelligibles, par opposition au domaine des vérités sensibles, comprenant l’ensemble des faits et des lois. Alors que ces dernières sont l’apanage du savant, les principes sont exclusivement étudiés parle philosophe : dans l’antiquité et au Moyen Age les initiés, se basant sur l’analogie, faisaient découler les principes des lois, comme les lois des faits. Et ainsi ils arrivaient à une connaissance sûre et approfondie de toute chose. La figure suivante nous dispensera de plus amples explications.

Cette gradation : FAITS - LOIS - PRINCIPES, a son équivalent dans l’homme, où l’on trouve les trois termes : CORPS - VIE - VOLONTÉ, qui correspondent exactement aux premiers. L’Univers sera donc, par rapport à l’homme, un grand organisme, et l’homme, par rapport à l’Univers, sera un petit monde, d’où les noms de microcosme donné à l’homme et de macrocosme (2) donné à l’Univers par les anciens. Nous allons voir maintenant l’importance hermétique de cette hiérarchie à trois termes connue en sciences occultes sous le nom de Ternaire.

Le ternaire est essentiellement constitué par les trois termes :
1° Un terme actif,
2° Un terme passif,
3° Un terme neutre, résultant de l’action des deux premiers l’’un sur l’autre.

Un exemple fera peut-être comprendre plus clairement notre pensée.

Le PÈRE (Actif) et La MÈRE (Passif)
Donnent, par leur union,
L’ENFANT (Neutre)

Le ternaire se transforme en quaternaire par l’addition d’un nouveau terme ; nous avons alors :

Père . . {
             Mère . . { Famille.
Enfant . {

Par le moyen du ternaire et du quaternaire, nous possédons tous les nombres kabbalistiques obtenus avec le secours des quatre opérations :

4-3, 4+3, 4/3, 4X3 (3)

Si l’on considère que l’on peut expliquer toute la nature par trois, ou par quatre, ou par sept (addition), ou par douze (multiplication), on admettra facilement l’importance considérable du nombre 3 et du nombre 4. Les trois règnes de la nature, les quatre éléments (4), les sept jours de la semaine, les douze mois de l’année, comprenant quatre saisons de trois mois chacune, les douze signes Zodiaque, répartis en trois groupes de quatre signes (5), sont des exemples assez présents à la mémoire de tous pour nous dispenser d’entrer dans des détails inutiles.

Nous obtenons donc ainsi les douze premiers nombres, ceux qui servent à former tous les autres et qui sont, en quelque sorte, l’une des bases des sciences occultes. En voici la clé ternaire :

1 …… : l’unité . . . . . . L’ÊTRE
2 ou 1+1 : le binaire . . . . . L’UNION
3 ou 2+1 : le ternaire . . . . . La GÉNÉRATION
(Représentent le monde de l’action.)

4 ou 2+2 :le quaternaire . . . LA LOI
5 ou 2+3 : le quinquénaire. . . LA SCIENCE
6 ou 3+3 : le double ternaire . LE PROGRES
(Représentent le monde en formation.)

7 ou 4+3 : le septenaire . . . LA VERITE
8 ou 4+4 : le double quaternaire . . LA FATALITE
9 ou 3X3 : le triple ternaire . . LA CONNAISSANCE
(Représentent le monde de la création.)

10 ou 5+5 : le double quinquénaire. LA PUISSANCE
(Premier terme du monde de l’émanation, les deux autres faisant partie de l’inconnaissable (6).)

Le peu d’étendue des connaissances Humaines ne permet pas de comprendre les nombres 11 et 12 ; c’est à peine si certains, parmi les plus profonds initiés, ont pu les entrevoir. Il n’y a donc pas lieu de les mentionner.


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Notes de Félix Cadet de Gassicourt

1. L’Astrologie grecque. Paris, in-8. Préface, p.III.

2. Petit monde et grand monde.

3. Voir Papus, Traité élémentaire de science occulte, 5e éd. Paris, 1898. In-16, pp. 27-54. - Pierre Piobb, Formulaire de haute magie. Paris, 1907. In-16, p.69.

4. C’est le nom que les anciens donnaient aux autre états de la matière ; aussi doit-on comprendre les éléments de la manière suivante : Terre, solide ; eau, liquide ; air, gazeux ; feu, radiant. Ce dernier à été redécouvert à l’époque actuelle par Crookes et par Mme Curie.

5. Les quatre saisons correspondent aux quatre éléments rangés dans l’ordre ci-dessus (voir le tableau II) et les signes zodiacaux aux mêmes éléments autrement ordonnés ; Bélier, feu ; Taureau, terre ; Gémeaux, air ; Cancer, eau ; et ainsi de suite.

6. Voir Pierre Piobb, loc. cit., p.68.

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Notes

Félix Cadet de Gassicourt & Du Roure de Paulin, extrait : « Symbolique hermétique », in L’Hermétisme dans l’art héraldique (1907, réimp. en 1972 av. Les Origines symboliques du blason de Robert Viel).

■ Nous avons reproduit la mise en page avec quelques modifications améliorant la lisibilité. Nous avons numéroté les notes de telles façons à créer un ensemble.