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Le Chant de la perle
Hymne de l’âme


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
? Bardesane d’ÉdesseIILittérature (poés.)TurquieMysticisme
Gnosticisme
Manichéisme
Non applicable

► Il s’agit du passage le plus connu de l’Acte de Thomas, apocryphe du Nouveau Testament. La version originale (add. ms. 14645 Lien vers le catalogue copié en 936) est en syriaque, il existe également des traductions grecques.

► Le poème, essentiellement issu d’un christianisme syriaque, est teinté d’influences gnostiques (manichéennes et mandéennes) et d’adamologie juive. Il est vraisemblablement plus ancien que le texte qui le contient.

■ Note de Jacques Ménard : Cette traduction du Chant de la Perle est ordinairement constituée à chaque verset de deux stiques. Nous gardons la numérotation de Preuschen, qui est celle de Bevan. Ce dernier ajoutait aux v. 25-26 deux stiques, de même que, après le v. 67 et le v. 71, il en supposait un à chaque fois. C’est ce qui explique qu’en ces trois endroits notre traduction ne comporte qu’un stique. Bornkamm suit de même Preuschen, contrairement à Adam. Les crochets obliques (< >) indiquent que la leçon suivie, très généralement celle de Preuschen, ne concorde pas tout à fait avec celle du ms. Seules les divergences majeures entre le texte de Preuschen et le ms. sont indiquées dans le commentaire. Les parenthèses ordinaires signifient l’addition d’un mot. La première traduction française du Chant de la Perle remonte à 1908, c’est celle de J. Halévy, Cantique syriaque sur Saint Thomas, dans Revue Sémitique, 16 (1908), p. 85-94 ; 168-175 ; elle se réfère constamment aux restitutions de Hoffmann. Nous passons respectueusement sous silence la traduction de F. Amiot, La Bible apocryphe. Évangiles apocryphes (Textes pour l’histoire sacrée choisis et présentés par Daniel-Rops), Paris, 1952, p. 269-274.


Le « Chant de la Perle » in Revue des Sciences Religieuses (42, 4 pp. 289-325), Jacques Ménard, 1968. Lien vers le document sur Persée

Outre l’article précédent qui contient la traduction, une présentation et un commentaire du texte, 𝕍 aussi La Fonction sotériologique de la mémoire chez les Gnostiques in Revue des Sciences Religieuses (54, 4 pp. 298-310), Jacques Ménard, 1980. Lien vers le document sur Persée

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Hymne de l’Apôtre Jude Thomas au pays des Indiens.

A - La mission

1 Lorsque, tout petit enfant,
dans mon royaume, la maison de mon Père

2 et que la richesse et le
de mes éducateurs me comblaient de joie,

3 c’est de l’Orient, notre région,
qu’après m’avoir équipé, mes parents m’envoyèrent

4 et qu’avec la richesse de notre trésor
ils (me firent) peut-être, en me l’attachant, un paquet.

5 II était gros et pourtant (si) léger
qu’à moi seul je pouvais le porter :

6 c’était de l’or de la maison des dieux,
de l’argent ,

7 des Inde,
des (pierres) chatoyantes Royaume de Kushân.

8 Ils me ceignirent du diamant
qui taille le fer.

9 Ils me retirèrent (le manteau) resplendissant
que, dans leur amour, ils m’avaient fait,

10 et ma toge de pourpre
qui était ajustée à ma mesure, tissée ;

11 ils conclurent avec moi une entente
et l’écrivirent dans mon cœur, pour que je n’oublie pas :

12 Si tu descends au fond de l’Égypte
et que tu rapportes la perle, l’unique,

13 celle qui est au fond de la mer,
(dans les) parages du serpent qui écume,

14 tu re-vêtiras ton (manteau) resplendissant
et ta toge qui repose sur lui,

15 et avec ton Frère, notre second,
tu dans notre Royaume.

B - La descente et l’oubli

16 Je quittai l’Orient, je descendis,
avec moi étaient deux compagnons,

17 car le chemin était périlleux et difficile
et j’étais trop petit pour le parcourir.

18 Je franchis les frontières de la Mésène,
le point de rencontre des commerçants de l’Orient,

19 et je parvins au pays de Babel
et je pénétrai dans les murs de Sarbüg.

20 Je descendis jusqu’au fond de l’Égypte
et mes compagnons se séparèrent de moi.

21 Je me dirigeai directement vers le serpent,
j’habitai les parages de sa demeure (me disant) :

22 pendant qu’il sommeillera et se reposera,
je lui ravirai ma perle.

23 Et, parce que j’étais seul, que j’étais isolé,
je fus un étranger pour les gens de ma demeure.

24 Mais je vis là un fils de ma race, un fils de nobles,
d’,

25 un beau jeune homme gracieux,

26 fils d’oints (ou : de l’onction) ;

27 et je fis de lui mon confident,
compagnon à qui je communiquai mon affaire.

28 Je le mis en garde contre
et contre le contact des êtres impurs.

29 Et je portai leur vêtement,
de peur qu’il ne me d’être venu de l’extérieur

30 pour m’emparer de la perle,
et qu’ (n’) le serpent contre moi.

31 Mais par suite de quelque chose
ils remarquèrent que je n’étais pas un fils de leur pays

32 et se lièrent à moi dans leurs perfidies,
même, ils me donnèrent à manger de leur repas ;

33 et j’oubliai que j’étais le fils des Rois
et je servis leur roi.

34 Et j’oubliai la perle
au sujet de qui mes parents m’avaient envoyé.

35 À cause de la lourdeur de leurs nourritures
je tombai dans un sommeil profond.

36 Tout ce qui m’arriva,
mes parents le remarquèrent et furent affligés pour moi.

37 II fut proclamé dans notre Royaume
que chacun devait venir à notre porte,

38 les Rois et les Chefs de Parthie
et tous les Grands de l’Orient.

39 Ils prirent à mon sujet la décision,
que je ne devais pas être abandonné en Égypte,

40 et ils m’écrivirent une lettre,
et chaque Grand y apposa son Nom :

41 « De ton Père, le Roi des Rois,
et de ta Mère, l’impératrice de l’Orient,

42 et de ton Frère, notre second,
à toi, notre fils en Égypte, salut.

43 et lève-toi de ton sommeil,
entends les paroles de notre lettre ;
à cause de leur fidélité, ils en avaient le soin.

44 souviens-toi que tu es fils de Rois,
vois l’esclavage, qui tu sers,

45 souviens-toi de la perle
au sujet de qui tu es parti en Égypte ;

46 rappelle-toi ton (vêtement) resplendissant,
pense à ta toge glorieuse,

47 pour que tu t’en revêtes et que ,
que dans le livre des héros ton Nom soit prononcé,

48 et qu’avec ton Frère, notre successeur,
tu dans notre Royaume. »

49 Ma lettre était une lettre
que le Roi de sa main droite avait scellée,

50 loin (des yeux) des méchants, des fils de Babel,
et des démons de Sarbüg.

C - L’appel et le retour

51 Elle s’envola sous la forme de l’aigle,
le roi les oiseaux,

52 elle vola et se posa près de moi
et elle devint toute parole.

53 À sa voix et à la voix de son cri
je me réveillai et je me levai de mon sommeil,

54 je la pris contre moi et l’embrassai,
je défis et lus.

55 Tout comme (c’)était gravé dans mon cœur,
(ainsi) étaient écrites les paroles de ma lettre.

56 Je me souvins que j’étais fils de Rois
et que mon élévation répondait à sa nature,

57 je me rappelai la perle
au sujet de qui j’avais été envoyé en Égypte.

58 Je commençai à pratiquer des rites magiques
autour du serpent terrifiant et écumant.

59 Je l’assoupis et l’endormis,
en prononçant sur lui le Nom de mon Père,

60 le Nom de notre second
et de ma Mère, la reine de l’Orient,

61 je m’emparai de la perle
et je me retournai pour me diriger vers la maison de mon Père.

62 Leur vêtement sale et impur,
je m’(en) dépouillai et l’abandonnai dans leur pays,

63 je pris le chemin
vers la lumière de notre région, l’Orient.

64 Et ma lettre, celle qui m’avait réveillé,
je la trouvai devant moi dans le chemin ;

65 de même que par sa voix elle avait éveillé,
ainsi par sa lumière elle me dirigeait.

66 Car la soie de Séleucie (?)
brillait devant moi de son éclat

67 et la direction de sa voix
ranimait aussi mon élan

68 et, dans son amour, m’.

69 Je sortis, passai à Sarbüg,
laissai Babel sur ma gauche

70 et arrivai dans la grande Mésène,
au port des commerçants,

71 situé sur le rivage de la mer.

D - Le vêtement royal

72 Mon (vêtement) resplendissant, que j’avais enlevé,
et ma toge, dont il était recouvert,

73 me furent portés là des hauteurs d’Hyrcanie
de la part de mes parents

74 par leurs trésoriers ;

75 Tout en ne me souvenant pas de sa dignité,
parce que c’est dans mon enfance que je l’avais quitté chez mon Père,

76 subitement, dès que je le rencontrai,
tel mon miroir, le (vêtement) resplendissant me ressembla :

77 tout entier, je le vis en moi-même
comme , je me retrouvai en lui,

78 car deux nous étions dans la division,
mais un à nouveau étions-nous dans une unique forme ;

79 de même, pour les trésoriers,
qui me l’avaient apporté, je vis aussi

80 qu’ils étaient deux (et) une seule forme,
car un unique sceau était gravé sur eux, (celui) du Roi

81 qui me retournait l’,
richesse par leurs mains,

82 mon (vêtement) resplendissant orné
de couleurs superbes (et) ,

83 d’or et de béryles,
de calcédoines et de (pierres) chatoyantes

84 et de de variées.
Il était aussi ouvragé selon sa grandeur,

85 avec des pierres de diamant,
toutes ses coutures bien cousues ;

86 et l’image du Roi des Rois
était peinte sur toute son étendue,

87 et les pierres de saphir,
ainsi était-il, dans sa hauteur, de couleurs variées.

E — La remontée

88 Et je vis en plus que tout en lui
était secoué par les mouvements de ,

89 et comme à parler,
je vis aussi qu’il s’apprêtait.

90 J’entendis le son de ses mélodies
que il murmurait :

91 « C’est moi le plus dévoué des serviteurs
que l’on a dressé au service de mon Père,

92 aussi en moi
que ma stature, comme ses œuvres, a grandi. »

93 Et dans ses élans royaux
il tend de tout son être vers moi

94 et dans la main de ses donateurs
se précipite pour que je le prenne ; il vint s’attacher à moi,

95 et mon amour me presse
de courir à sa rencontre et de le recevoir.

96 Je tendis (mon corps) et le reçus,
je me parai de la beauté de ses couleurs,

97 et ma toge miroitante de couleurs,
je vêtis d’elle tout entière.

98 Je l’endossai et je suis remonté
à la porte du salut et de l’adoration.

99 Je courbai la tête et j’adorai
la splendeur de mon Père l’avait envoyé vers moi,

100 dont j’avais suivi les ordres,
comme il avait accompli ce qu’il avait promis.

101 À la porte de ses satrapes
je me mêlai à ses Grands ;

102 car il se réjouit à mon sujet et me reçut
et j’étais avec lui dans son Royaume,

103 et dans l’invocation de son
tous ses serviteurs l’acclamaient,

104 il m’avait promis
de (re)venir avec lui à la porte du Roi des Rois,

105 et avec perle
de paraître avec lui devant notre Roi.

Colophon : Fin de l’Hymne de Jude Thomas l’Apôtre
qu’il chanta en prison.