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Dialogue entre Marie et Aros
Excerpta ex interlocutione Mariæ et Aaron


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
? Morien
attr. Marie la Juive
? VI VIILittérature (herm.)? SyrieAlchimieNon applicable

► Outre la Bibliothèque des Philosophes Chimiques Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France, on trouve le texte dans le Théâtre Chimique (6).

◆ "Marie" désigne de façon apocryphe Marie la Juive et "Aros" désigne vraisemblablement Horus.

🕮 Bosc, ref.444 : Réimprimé dans la Bibliothèque des philosophes chimiques.

🕮 Ouvaroff, ref.652 : Paru d’abord (Bibliothèque des philosophes chimiques) dans la I-re édit. (1672), et dans la II (1678), T-e III.


Texte et traduction : du latin au français classique, William Salmon & Jean Mangin de Richebourg in Bibliothèque des Philosophes Chimiques (1), 1741. Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

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Le philosophe Aros alla trouver Marie la Prophétesse, Sœur de Moise, & l’ayant saluée civilement, il lui dit : Madame, j’ai ouï dire fort souvent que vous blanchissez la Pierre en un jour.

Oui, répondit Marie, & même en moins d’un jour.

Je ne conçois pas, repartit Aros, comment ce que vous dites se peut faire, ni par quel moyen on puisse blanchir si promptement par le Magistère.

Marie répondit. Et ne savez vous pas qu’il se fait une eau ou une chose qui blanchit en un mois ?

Il est vrai, dit Aros, mais il faut longtemps pour faire la chose dont vous parlez.

Hermès, repris Marie, dit dans tous les Livres, que les Philosophes blanchissent la Pierre en une heure.

O Madame, dit Aros, que vous me dites-là une belle chose !

Très belle, répliqua Marie, pour celui qui ne le savait pas.

Mais, Madame, répondit Aros, s’il est vrai que tous les Corps des Métaux aussi bien que le Corps humain, sont composés des quatre Eléments, il faut avouer qu’ils peuvent être fixés & modérés, & leurs fumées coagulées & retenues en un jour, jusqu’à ce que ce qui en doit être fait, soit parachevé.

Je vous assure, Aros, dit Marie, & j’en prends Dieu à témoin, que si vous n’étiez tel que vous êtes, je ne vous déclarerais point ce que je vais vous dire, & que j’attendrais à vous le révéler jusqu’à ce que Dieu m’eut inspiré de la faire. Prenez donc de l’Alum, de la Gomme blanche & de la Gomme rouge, qui est le Kibrich des Philosophes, leur Or, & leur plus grande Teinture, & joignez par un véritable mariage la Gomme blanche avec la rouge. Je ne sais si vous m’entendez ?

Oui Madame, dit Aros, j’entends & je comprends ce que vous dites.

Réduisez tout cela en Eau coulante, poursuivit Marie, & purifiez sur le Corps fixe cette Eau véritablement divine, tirée des deux Soufres ; & faites que cette Composition devienne liquide, par le secret des Natures, dans le Vaisseau de Philosophie. M’entendez-vous, Aros ?

Oui, Madame, répondit Aros, je vous entends fort bien.

Conservez la fumée, reprit Marie, & n’en laissez rien échapper, & faites votre feu à proportion qu’est la chaleur du Soleil dans les mois de Juin & de Juillet ; tenez-vous auprès de votre Vaisseau, & vous y verrez des choses qui vous surprendront. Car en moins de trois heures votre Matière deviendra noire, blanche & orangée ; & la fumée pénétrera le Corps, & l’Esprit sera fixé. Le tout se fera ensuite comme du lait, qui se fera incérant, fondant, & pénétrant. Et c’est-là le Secret caché.

Aros prenant la parole, dit. Je ne saurais croire que cela se fasse toujours de la sorte.

Voici une chose bien plus admirable, dit Marie, qui n’a point été connue par les Anciens, & que ne leur a jamais entré dans l’esprit. Prenez de l’Herbe blanche, claire, honoré, qui croit sur les petites montagnes. Broyez-là toute fraîche, comme elle est à son heure déterminée. Car en elle est le véritable Corps, qui ne s’évapore ni ne s’enfuit point du feu.

N’est-ce pas là la Pierre de vérité, dont vous parlez ? dit Aros.

Oui, Aros, ce l’est, reprit Marie. Mais les Hommes n’en savent pas le régime, parce qu’ils ont trop de hâte, & ils veulent faire l’Œuvre trop tôt.

Qu’y a-t-il à faire après cela ? dit Aros.

Il faut, lui dit Marie, rectifier sur ce Corps Kibrich, & Subeth, c’est à dire les deux fumées, qui comprennent & qui embrassent les deux Luminaires, & mettre dessus ce qui les ramolli, & qui est l’accomplissement des Teintures & des Esprits, & les véritables poids de la Science. Puis ayant broyé le tout, il faut le mettre au feu, & l’on verra des choses admirables. Au reste tout le régime consiste à savoir faire le feu modéré. Après quoi ce sera une chose surprenante de voir comment en moins d’une heure, cette Composition passera d’une couleur à une autre, jusqu’à ce qu’elle vienne à la rougeur & à la blancheur parfaite. Il faut alors défaire le feu & ouvrir le vaisseau, quand il sera refroidi, & on trouvera le Corps clair & luisant, comme une perle, de couleur de Pavot des champs, entremêlé de blanc. Il est lors incérant, fondant & pénétrant, & un poids de ce Corps ira sur douze cents de Métal imparfait, les convertira en Or. Voilà le secret caché.

Ici Aros s’étant prosterné le visage contre terre, Marie lui dit. Levez-vous Aros. Je vais encore vous abréger l’Œuvre. Prenez le Corps clair, pris sur les petites Montagnes, qui ne se fait point par la putréfaction, mais par le seul mouvement. Broyez ce Corps avec la Gomme Elzaron, & les deux fumées. Car la Gomme Elzaron est le Corps qui saisi ; & qui prend l’Esprit. Broyez le tout, approchez-le du feu, tout se fondra, & si vous en faites projection sur la femme, le tout viendra comme de l’Eau que l’on distille, & il se congèlera à l’air, & ce ne sera plus qu’un Corps. Que si vous en faites projection sur les Corps imparfaits, vous verrez des merveilles. Car c’est là le Secret caché de la Science. Sachez que les deux fumées, dont je viens de parler, sont les racines de cet Art ; & ce sont le Kibric blanc, & la Chaux humide, à qui les Philosophes ont donné toutes sortes de noms. Mais le Corps fixe vient du cœur de Saturne, qui comprend la Teinture, & qui parfait l’Œuvre de la Sagesse. Le Corps que l’on prend sur les petites montagnes est clair & blanc, & ce sont là les médecines, ou les deux Matières de cet Art, dont l’une s’achète, & l’autre se prend sur les petites montagnes. Et je vous avertis, Aros, que les Sages ne les ont appelé l’Œuvre de la Philosophie, qu’à cause que la Science ne peut point être parfaite sans ces choses, & que c’est en elle que se font toutes ces merveilles de l’Art. Car il y entre quatre Pierre & son régime est véritable, comme je l’ai dit. Et Hermès a fait plusieurs allégories là-dessus en ses Livres. Et les Philosophes ont toujours prolongé leur régime, en disant qu’il faut bien lus de temps pour le faire, qu’il n’en faut effectivement. Et ils ont dit même qu’il fallait faire des Opérations, qui ne sont point nécessaires, & ils ont toujours dit qu’il fallait un an pour faire leur Magistère. Ce qu’ils n’ont fait, que pour le cacher au Peuple ignorant, en leur faisant croire que leur Œuvre, ne peut point être parfait qu’en un an. Aussi est-ce un grand Secret, &il n’y a que Dieu qui le puisse révéler. Ceux, qui en entendent parler, ne pouvant pas en faire l’expérience à cause qu’ils n’y savent rien. M’avez-vous entendu, Aros ?

Oui, Madame, lui dit-il. Mais je vous prie de me dire, ce que c’est que le Vaisseau, sans lequel l’Œuvre ne se peut faire.

Ce Vaisseau, dit Marie, est le Vaisseau d’Hermès, que les Philosophes ont caché, & que les Ignorants ne sauraient comprendre, car c’est la mesure du feu Philosophique.

Aros dit alors. O Prophétesses ! dites-moi, je vous prie, si vous avez trouvé dans les Livres des Philosophes, que l’on put faire l’Œuvre d’un seul Corps ?

Oui ; dit-elle, & cependant Hermès n’en a point parlé, parce que la racine de la Science est… & un Venin qui mortifie tous les Corps ; qui les réduit en poudre & qui coagule le Mercure par son odeur. Et je vous proteste, par le Dieu vivant, que lors que ce Venin se dissout en une Eau subtile, de quelque manière que cette dissolution se fasse, il coagule le Mercure en véritable Lune à toute épreuve. Et si l’on en fait projection sur Jupiter, il le change en Lune. Je vous dis de plus que la Science se trouve en tous les Corps. Mais les Philosophes n’en ont rien voulu dire, à cause de la brièveté de la vie, & de la longueur de l’Ouvrage. Et ils l’ont trouvé plus facilement dans la Matière, qui contient le plus évidemment les quatre Eléments, & ils ont multiplié & obscurci cette Matière, par les divers noms qu’ils lui ont donné. Ce n’est pas que tous les Philosophes ont assez parlé de tout ce qu’il faut faire pour l’Œuvre, hormis du Vaisseau d’Hermès ; parce que c’est une chose divine, & que Dieu veut qui soit inconnue aux Gentils & Idolâtres ; ce Vaisseau étant d’une si grande nécessité pour le Magistère, que ceux qui ne le connaissent pas, n’en sauront jamais le véritable régime.