Les Astronomiques🔗 catalogues
Astronomicaⁱ
Auteurs | Dates | Type | Lieu | Thèmes | Statut |
---|---|---|---|---|---|
ecr. Marcus Manilius | ecr. ≈ -10 | Littérature | ecr. ? Afrique du nord | Astrologie፧ Hermétisme |
◆ Prendre garde à npc. avec le De Astronomia de Hygin (parfois édité en "Astronomiques").
🕮 Bosc, ref.1813.
🕮 Caillet, ref.7077 : […] Cet ouvrage est certainement le plus intéressant que nous possédions sur l’influence des astres. — Ces Astronomiques renferment en d’admirables pages dignes d’un poète du siècle d’Auguste, la partie la plus intéressante sur l’Astrologie : elles traitent des décrets des astres, c’est-à-dire de leur action et de leur influence sur les destinées de l’homme. Le travail de M. Pingré [Alexandre Guy Pingré], Bibliothécaire de Ste Geneviève, et Académicien, fait le sujet d’une note élogieuse de Delalande et Lemonnier, contresignée par Condorcet [soit de l’académie royale des sciences].
🕮 Dorbon-Aîné, ref.2876 : Ce poème du début de l’ère chrétienne est le plus important qu’on ait sur l’astrologie et les latinistes prétendent que certains passages peuvent se comparer aux meilleurs de Lucrèce. Il se divise en 5 livres : le premier traite de l’origine du monde, des figures et signes du Zodiaque, de la sphère, des comètes et météores et des désastres qu’ils annoncent ; le second, de la division du ciel en douze demeures et des signes masculins, féminins, diurnes, nocturnes, terrestres, aqueux, aphibies, etc. ; le troisième, des années, mois, jours et heures de notre vie dépendant de chaque signe ; les quatrième et cinquième, de l’influence des astres et sur les hommes et les inclinations qu’ils inspirent en ce qui concerne les caractères, les moeurs, arts, métiers, et professions.
[…]
🕮 Dujols, N°19 ref. : Le titre véritable de l’ouvrage de Manilins est De Astrologia. C’est, en effet, un traité complet d’astrologie, qui remonte au règne d’Auguste. Le Premier Livre traite de l’origine du monde, des noms et figures du Zodiaque, des comètes et météores, et des désastres, pestes, famines, guerres, que ces phénomènes annoncent. Le Second Livre, traite des signes masculins, féminins, diurnes, nocturnes, terrestres, aqueux, amphibies, féconds, stériles. de la division de chaque signe en douze dodécatéméries, etc. Ces détails techniques sont appuyés de considérations philosophiques très élevées qui prouvent l’influence du monde supérieur sur le monde inférieur. Le Troisième Livre est tout entier consacré à l’astrologie spéculative au moyen de la-quelle on peut mesurer le destin de chacun, de la naissance jusqu’à la mort fixée d’avance. Ce livre est terminé par une définition des signes tropiques, ou qui président aux saisons. Les Quatrième et Cinquième Livres sont apotelesmatiques, c’est-à-dire relatifs à l’influence des astres sur les hommes. Ils constituent la partie capitale de l’œuvre, car ils renferment toute la partie fatidique de l’horoscope, qui est toujours le point difficile d’un thème astrologique. Le traité de Manilius est un des plus anciens monuments de l’astrologie. L’auteur n’ignorait rien des connaissances modernes de l’astronomie, ce qui prouve que les astrologues de l’antiquité étaient déjà au courant de nos prétendues découvertes. D’autre part, les Œuvres de Stace contiennent des faits intéressants relatifs à la magie et les Épigrammes de Martial jouissent d’une renommée universelle pour leur extrême licence.
☩ Texte et traduction : du latin au français, in Stace, Martial, Manilius … Œuvres complètes (Collection des auteurs latins), 1865. | bs. Bibliothèque Nationale de France (Paris, France).
■ La collection nommée Classiques latins avec la traduction en français dans laquelle est parue l’ouvrage était dirigée par Désiré Nisard.
⟴LIVRE PREMIER.
J’entreprends, dans mes chants, de faire descendre du ciel des connaissances véritablement divines, et les astres mêmes, confidents du destin, et dont le pouvoir, dirigé par une sagesse suprême, produit tant de vicissitudes dans le cours de la vie humaine. Je serai le premier des Romains qui ferai entendre sur l’Hélicon ces nouveaux concerts, et qui déposerai au pied de ses arbres, dont la cime toujours verte est sans cesse agitée, des dons qu’on ne leur a pas encore offerts. C’est vous, César, vous prince et père de la patrie, vous qui, par des lois respectables, régissez l’univers soumis, vous vrai dieu, qui méritez une place dans le ciel où votre illustre père a été admis ; c’est vous qui m’inspirez, vous qui me donnez la force nécessaire pour chanter d’aussi sublimes objets. La nature, devenue plus favorable aux vœux de ceux qui cherchent à l’approfondir, semble désirer qu’on révèle, dans des chants mélodieux, les richesses qu’elle renferme. La paix seule peut donner ces loisirs. Il est doux de s’élever au plus haut de l’espace, de passer ses jours à en parcourir les routes immenses, de connaître les signes célestes et les mouvements des étoiles errantes, opposés à celui de l’univers. Mais c’est peu de s’en tenir à ces premières connaissances il faut s’efforcer de pénétrer ce que le ciel a de plus secret ; il faut montrer le pouvoir que ses signes exercent sur la production et la conservation de tout ce qui respire ; il faut décrire ces choses dans des vers dictés par Apollon. Le feu sacré s’allume pour moi sur deux autels je dois mon encens à deux temples différents, parce que deux difficultés m’effraient, celle du vers, et celle du sujet. Je m’astreins à une mesure soumise à des lois sévères ; et l’univers, faisant retentir autour de moi le bruit imposant des parties qui le composent, m’offre des objets qu’on pourrait à peine décrire dans un langage affranchi des entraves de la poésie.
Quel est l’homme qui pénétra le premier les mystères du ciel, par la faveur des dieux ? S’ils s’y fussent opposés, qui aurait osé dérober les secrets de cette puissance souveraine qui règle l’univers ? Par quels efforts un audacieux mortel serait-il parvenu à paraître égaler les dieux, malgré les dieux eux-mêmes ; à s’ouvrir les routes sublimes du ciel ; à suivre jusque sous l’horizon, et dans tous les retours de l’espace, les astres toujours fidèles à produire les effets qui leur sont commandés à connaître les noms, le cours, l’action des constellations célestes ?} C’est à vous, ô Mercure, que nous sommes redevables de cette science divine ; c’est vous qui avez découvert à l’homme les mystères du ciel et des astres, pour agrandir ses idées sur l’univers ; pour qu’il respectât non seulement les apparences extérieures du monde, mais surtout le pouvoir énergique des objets qu’il renferme ; pour qu’il pût enfin connaître Dieu dans toute l’étendue de son immensité.] Et la nature elle-même a encouragé les hommes à lever le voile qui la couvrait. Elle daigna d’abord se faire connaître aux rois, à ces âmes dont la puissance approche de la majesté divine ; qui, dans les contrées de l’orient, out policé les nations sauvages, dont les terres sont partagées par l’Euphrate, ou inondées par le Nil :] c’est là que le monde renaît, et voit la lumière s’élever au-dessus des villes enveloppées de ténèbres. Après les rois, les prêtres, choisis pour offrir en tout temps des sacrifices dans les temples et pour présenter aux dieux les hommages du peuple, se concilièrent leur faveur par ce saint office : la divinité, présente en eux, embrasa leur âme généreuse ; elle se communiqua à ses ministres et leur manifesta son essence. Ils furent les premiers qui pénétrèrent dans cet auguste sanctuaire ; qui, d’après des principes certains, reconnurent que les destinées des hommes dépendent du mouvement des astres. Renfermant dans leurs vastes combinaisons une longue suite de siècles, ils assignèrent à chaque instant l’événement qui s’y rapportait : ils remarquèrent le jour de la naissance de chaque homme, les vicissitudes de sa vie, le rapport de chaque circonstance avec l’heure à laquelle elle avait eu lieu, les différences surprenantes qu’un moment de plus ou de moins produisait dans les destinées humaines. Lorsque, après quelques révolutions célestes, ils eurent déterminé les parties du ciel où chaque astre doit être observé, et l’espèce de pouvoir que chacun d’eux exerçait sur le cours de notre vie, ils établirent des règles fondées sur une longue expérience : l’observation du passé traça la route pour l’avenir ; et, d’après des spéculations profondes, ils reconnurent que les astres ont sur l’homme un empire assujetti à des lois cachées ; que les mouvements de l’univers sont réglés par des causes périodiques ; que les vicissitudes de la vie dépendent des différentes configurations des corps célestes. En effet, avant ces sages observateurs, les hommes, sans principes, sans discernement, ne s’attachant qu’à ce qui tombait sous leurs sens, ignoraient les causes de tout ce qu’ils voyaient. Le lever du soleil leur paraissait un phénomène surprenant : la disparition des astres était pour eux une perte affligeante, leur réapparition un motif de joie : ils ne soupçonnaient point la cause de l’inégalité des jours et des nuits, ni même pourquoi la longueur des ombres varie selon le plus grand éloignement ou la plus grande proximité du soleil. La sagacité de l’esprit humain n’avait pas encore enfanté les arts ; la terre ne fournissait point aux besoins d’habitants qui ne la cultivaient pas ; l’or était enseveli dans le sein des montagnes désertes ; des mondes nouveaux étaient séparés de nous par un océan qu’on ne fréquentait point ; on n’osait confier sa vie à la mer, ni au vent ses espérances ; et chacun était content du peu de connaissances qu’il avait. Mais quand la succession des siècles eut exercé l’esprit des mortels, que la peine eut donné l’essor aux réflexions, que la Fortune, en contrariant les désirs de l’homme, l’eut convaincu de la nécessité de veiller à son bien-être ; les intelligences s’appliquèrent à l’envi à différents genres d’études, et tout ce qu’une expérience raisonnée fit découvrir devint une source d’utilité publique, par le plaisir que chacun se fit de communiquer le fruit de ses recherches. Alors le langage barbare se polit et s’assujettit à des lois ; la terre cultivée produisit toute espèce de fruits ; le navigateur inquiet affronta des flots inconnus, et facilita le commerce entre des nations qui ne se connaissaient pas. De là, bientôt, on vit naître l’art de la guerre et les occupations de la paix ; une connaissance acquise par l’expérience étant nécessairement le germe d’une découverte nouvelle. Et, pour ne point m’arrêter sur des objets généralement connus, on parvint à entendre le langage des oiseaux, à lire l’avenir dans les entrailles des victimes, à faire périr les serpents par des enchantements, à évoquer les ombres, à ébranler l’Achéron jusque dans ses plus profonds abîmes, à changer le jour en nuit et la nuit en jour : l’industrie de l’homme, toujours susceptible de nouveaux progrès, tenta tout, vint à bout de tout, et ne mit un terme à ses recherches qu’après avoir pénétré jusqu’au ciel, qu’après avoir surpris la nature dans ses plus profondes retraites, qu’après avoir compris tout ce qui est. On sut alors pourquoi les nuages, en se heurtant, produisent un si terrible bruit ; pourquoi la neige de l’hiver a moins de consistance que la grêle de l’été : on connut la cause des volcans, des tremblements de terre, de la formation de la pluie, de l’impétuosité des vents ; et l’esprit éclairé cessa d’admirer ces effets naturels comme des prodiges. Arrachant à Jupiter sa foudre et le droit de tonner, il attribua le bruit du tonnerre aux vents, et le feu de l’éclair aux nuages. Après avoir ainsi restitué les effets à leurs véritables causes, l’homme s’appliqua à étudier l’univers au centre duquel il est placé ; il voulut connaître tout ce que renferme l’étendue du ciel : il décrivit la forme des signes célestes ; il les désigna par des noms convenables ; il détermina les lois qui règlent leurs divers mouvements : il découvrit que tous les événements de la vie sont subordonnés u la puissance et à l’état actuel de l’univers ; que nos destinées sont sujettes à des variations qui dépendent des diverses dispositions des corps célestes. Tel est le sujet que je me propose de développer, et que personne avant moi n’a consacré par ses chants. Puisse la Fortune favoriser cette grande entreprise! puissent mes jours n’être terminés que par une longue et heureuse vieillesse, qui me laisse le temps de traiter à fond ce sujet immense, et d’entrer dans un détail également intéressant des parties grandes et petites qui en dépendent!
Puisque mes chants embrassent toute la profondeur du ciel, et que je me propose d’amener sur la terre la connaissance des secrets du destin, mon premier soin doit être de tracer le tableau de la nature, et de faire connaître la disposition générale de tout ce qui compose l’univers. Que le monde ne reconnaisse aucun principe de son existence, qu’il ne la doive qu’à soi-même ; qu’il ait toujours existé, qu’il doive exister toujours ; qu’il n’ait jamais eu de commencement, qu’il ne puisse jamais avoir de fin ; que le chaos l’ait engendré par la séparation des éléments primitivement entremêlés sans aucun ordre ; que les ténèbres, après avoir produit un monde éclatant de lumière, aient été contraintes de se retirer au plus profond de l’abîme ; que le monde ait été produit par le feu ; que les astres, ces yeux de la nature, doivent leur existence à une vive flamme répandue dans tous les corps, et formant dans le ciel le terrible tonnerre ; que l’eau soit le principe universel, sans lequel la matière, toujours engourdie, reste sans action ; et qu’elle ait engendré le feu, par lequel elle est elle-même anéantie ; ou qu’enfin la terre, le feu, l’air et l’eau existent par eux-mêmes ; que ces quatre éléments soient les membres de la divinité, qu’ils aient formé l’univers, et que, créateurs de tout ce qui est, ils ne permettent de reconnaître aucun être qui leur soit antérieur ; qu’ils aient tout disposé de manière que le froid se combine avec le chaud, le sec avec l’humide, les solides avec les fluides ; que, toujours en guerre et toujours agissant de concert, ils se soient trouvés par cela même intimement réunis, capables d’engendrer, assez puissants pour produire tout ce qui subsiste ; ces diverses opinions seront toujours débattues ; l’origine du monde sera toujours un secret au-dessus de l’intelligence des hommes et de celle des dieux. Mais, quelle que soit cette origine, on s’accorde au moins sur la disposition de ses parties, toutes placées dans un ordre invariable. Le feu, plus subtil, monta vers la région la plus élevée, et, se fixant dans le ciel étoilé, il y forma comme une barrière de flamme, qui sert de rempart à la nature. L’air léger occupa la région qui suivait immédiatement ; il s’étendit dans le vide de l’espace, et, placé au-dessous des astres, il fournit au feu l’aliment nécessaire. La troisième place fut occupée par l’eau, dont les flots, toujours agités, ont formé les immenses plaines des mers : ce fluide, en s’exhalant en vapeurs, devient le germe de l’air qu’elle alimente. La terre, par son poids, s’arrondit et se trouva fixée au-dessous des autres éléments : elle n’était d’abord qu’une masse de vase, mêlée de sable mouvant, que le fluide abandonnait pour se porter vers une région plus élevée. Plus ce fluide se raréfiait et se dissipait dans les airs, plus la terre desséchée resserrait les eaux et les forçait de couler dans des vallées. Les montagnes sortirent du fond de la mer, la terre naquit du sein des flots, environnée cependant de tous côtés par le vaste océan. Elle est immobile, parce que l’univers s’écarte d’elle en tout sens avec une égale force ; elle est tellement tombée de toutes parts, qu’elle ne peut plus tomber d’aucune : elle est le centre et en même temps le lieu le plus bas de tout l’univers, Les corps qui la composent, également pressés partout, se soutiennent réciproquement, et ne lui permettent pas de se déplacer.] Si un juste équilibre ne retenait pas la terre au centre du monde, le soleil, suivi de tous les astres du ciel, ne dirigerait plus sa course à l’occident, pour reparaître ensuite à l’orient ; la lune ne routerait pas son char dans l’espace qui est notre horizon ; l’étoile du jour ne brillerait pas le matin, après avoir répandu son éclat du côté de l’occident, sous le nom d’étoile de soir. Or, si la terre n’est pas reléguée au plus bas de l’espace, mais qu’elle en occupe exactement le milieu, tous les chemins sont libres autour d’elle ; toutes les parties du ciel peuvent descendre sous l’horizon à l’occident, et se relever à l’orient. Car enfin l’on ne me persuadera jamais ou que le lever des astres soit l’effet d’un pur hasard, ou que le ciel se reproduise si souvent de nouveau, et que le soleil périsse et renaisse tous les jours, surtout lorsque je considère que la disposition des signes célestes est la même depuis tant de siècles ; que le même soleil parcourt les mêmes parties du ciel ; que la lune varie ses phases et ses retours dans un ordre invariable ; que la nature ne s’en tient point à des essais incertains, mais qu’elle suit inviolablement les lois qu’elle s’est imposées elle-même ; que le jour, accompagné d’une clarté toujours constante, et parcourant la circonférence de la terre, fait compter successivement à toutes les nations les mêmes heures ; qu’un nouvel orient s’offrant sans cesse à la vue de ceux qui s’avancent vers l’orient, et un occident nouveau se présentant toujours à ceux qui voyagent vers l’occident, semblent embrasser, ainsi que le soleil, la circonférence entière du ciel.
Au reste, il ne faut pas s’étonner que la terre demeure ainsi suspendue : le ciel ne l’est-il pas aussi lui-même ? Il n’a autour de lui aucun appui, son mouvement et la rapidité de sa course en sont une preuve convaincante. Le soleil, suspendu pareillement, promène çà et là son char agile, en se tenant dans les bornes de la route qui lui est prescrite. La lune et les étoiles volent dans l’espace : la terre, se modelant sur les lois célestes, y reste également suspendue. La terre se trouve donc placée au centre de la région éthérée, à une distance égale des parties extrêmes qui la terminent. Sa surface ne s’étend point en une plaine immense ; elle est sphérique, elle s’élève et s’abaisse également de toutes parts. Telle est aussi la figure de l’univers. Le ciel, par son mouvement de rotation, imprime cette même forme à tous les astres. Nous voyons que le corps du soleil est rond : il en est de même de celui de la lune ; elle reçoit sur une surface convexe les rayons du soleil ; et ces rayons, devenant de plus en plus obliques, ne peuvent éclairer toute sa circonférence. Telle est donc la figure invariable des astres ; elle est une vive image de la divinité ; on ne peut y distinguer ni commencement ni fin ; elle se ressemble dans toute son étendue, clic est partout la même. C’est par une conséquence de la sphéricité de la terre, qu’on ne voit pas partout les mêmes constellations. Vous chercheriez en vain Canope dans le ciel, jusqu’à ce qu’après avoir traversé la mer, vous soyez parvenu sur les rives du Nil. Mais les peuples qui voient cette étoile au-dessus de leur tête ne peuvent découvrir la grande ourse ; la convexité de la terre y met obstacle, et leur dérobe la vue de cette partie du ciel. Je vous appelle vous-même à témoin, astre des nuits, de la sphéricité de notre globe. Lorsqu’au milieu de la nuit vous vous trouvez plongé dans d’épaisses ténèbres, l’ombre qui vous couvre n’épouvante pas toutes les nations à la même heure : les peuples orientaux sont les premiers à qui manque votre lumière ; cette perte devient ensuite sensible à ceux qui vous cherchent dans l’ombre ; l’obscurité de votre char s’étend enfin sur les nations qui peuplent l’occident ; ce sont les dernières qui croient vous rendre votre éclat par le son bruyant des instruments. Si la surface de la terre était plane, il suffirait que vous fussiez sur l’horizon, pour que votre éclipse inquiétât à la même heure toutes les nations. Mais la terre étant de figure sphérique, la déesse de Délos éclaire d’abord un peuple, et puis un autre ; elle se lève et se couche au même instant, en tournant autour de hi surface convexe de la terre : si elle monte relativement à un point de cette surface, elle descend relativement à un autre ; et quand elle commence dominer sur une partie, elle cesse de dominer sur la partie voisine. La surface de la terre est habitée par diverses nations, par différentes espèces d’animaux, par des oiseaux. Une partie s’élève vers les deux ourses ; une autre, également habitable, s’étend vers les climats méridionaux ; celle-ci est sous nos pieds, elle nous croit sous les siens : c’est un effet de la pente insensible du globe, dont chaque point est dans un sens plus élevé, dans un autre plus abaissé que celui qui le précède. Lorsque le soleil, parvenu à notre occident, commence à éclairer l’horizon de ces peuples, le jour, renaissant pour eux, les arrache au sommeil, et les rappelle à la nécessité du travail : la nuit commence pour nous, et nous invite aux douceurs du repos. Le vaste océan sépare ces deux parties de la terre, et leur sert de commune enceinte.
Ce bel ouvrage, embrassant le corps entier de l’univers et tous les membres de la nature, produits par les diverses combinaisons de l’air et du feu, de la terre et de l’eau, est dirigé par une céleste : la divinité l’entretient par une influence secrète, en gouverne les ressorts cachés, en réunit toutes les parties par plusieurs sortes de rapports, de manière qu’elles se soutiennent réciproquement, qu’elles se communiquent mutuellement leur énergie, et que le tout reste fermement uni, malgré la variété des parties qui le composent.
Je vais vous nommer maintenant, dans un ordre méthodique, les constellations qui dardent leurs feux étincelants de tous les points du ciel ; et je commencerai par celles qui, de leur cercle oblique, ceignent le milieu de l’univers ; elles jouissent tour a tour de la présence du soleil et de celle des autres étoiles errantes, qui, par leur mouvement propre, semblent lutter contre celui du monde entier. Par un ciel serein, il est facile de les distinguer ; c’est par elles qu’on peut pénétrer les décrets du destin : il est naturel de commencer par la partie de l’univers qui a sur nous le plus d’influence.
Le bélier, premier des signes célestes, remarquable par l’or de sa toison, regarde avec admiration le taureau qui vient d’un point opposé, et qui, le front baissé, semble appeler les gémeaux, que suit l’écrevisse, après laquelle se présentent le lion, puis la vierge. La balance, après avoir égalé la durée du jour et de la nuit, se fait suivre du scorpion, qu’on distingue à son feu étincelant ! Le sagittaire, composé d’homme et de cheval, tend son arc, et est prêt décocher sa flèche sur la queue du scorpion. On voit ensuite le capricorne, réduit à un assez petit espace. Après lui, le verseau vide son urne inclinée, et les poissons reçoivent avec avidité l’eau qui en tombe, et où ils vivent ; suivis eux-mêmes du bélier, ils sont les derniers des signes célestes. Tels sont les signes qui divisent le ciel en autant de parties égales ; autant de tableaux étincelants qui en forment comme la voûte. Rien n’est au-dessus d’eux ; ils occupent le faîte de l’univers, ils servent d’enceinte à ce palais commun de la nature, dont le centre contient la terre et l’océan. Tous éprouvent, avec le plus admirable concert, les vicissitudes constantes du lever et du coucher, passant successivement des lieux où le ciel se plonge sous l’horizon à ceux où il semble renaître.
Vers le lieu où le ciel s’élève jusqu’aux ourses, jusqu’à ces deux brillantes constellations qui, du sommet de l’univers, voient en bas tous les astres, qui ne se couchent jamais, qui, du plus haut du ciel ou elles sont différemment placées, font circuler autour d’elles le monde et ses constellations,] un axe sans épaisseur prend naissance au centre des frimas, et coupe également l’univers, dont il peut être regardé comme le pivot. Tout le globe céleste roule autour de lui, tout y est dans un mouvement perpétuel ; lui seul, immobile, traverse diamétralement l’espace et la terre même, et va se terminer près des ourses australes. Cet axe n’a aucune consistance ; ce n’est pas son poids qui lui permet de porter la charge de toute la machine céleste. Mais la substance éthérée étant toujours agitée d’un mouvement circulaire, et toutes ses parties conservant nécessairement ce mouvement primitif, la ligne qui est au centre de cette espèce de tourbillon, et autour de laquelle tout éprouve une rotation continuelle, cette ligne si dépourvue de toute épaisseur qu’on ne peut la regarder comme tournant autour d’elle-même, cette ligne incapable de s’incliner, d’éprouver aucun mouvement de rotation,] a été nommée axe, parce que, immobile elle-même, elle voit tout l’univers se mouvoir autour d’elle.
À l’une de ses extrémités sont deux constellations bien connues des infortunés navigateurs : elles sont leurs guides, lorsque l’appât du gain leur fait affronter les périls de la mer. Hélice est la plus grande, et décrit un plus grand cercle ; elle est remarquable par sept étoiles, qui disputent entre elles d’éclat et de beauté : c’est sur elle que les Grecs se règlent dans leurs navigations. Cynosure, plus petite, roule dans un espace plus resserré ; elle a moins d’étendue, moins d’éclat, mais plus d’utilité, au jugement des Tyriens les Carthaginois ne croient pouvoir choisir un meilleur guide, lorsque, sur mer, ils veulent aborder à une côte qui ne paraît pas encore. Ces deux ourses ne sont point placées de front ; chacune tourne sa queue vers le museau de l’autre, de sorte qu’elles paraissent réciproquement se suivre. Entre elles est un dragon qui les environne, les sépare l’une de l’autre, et les renferme dans l’enceinte de ses brillantes étoiles, de manière qu’elles ne peuvent se joindre, ni quitter la place qui leur est assignée. Entre le dragon et le milieu du ciel, où sept astres, précipitant leur course, parcourent les douze signes qui semblent s’opposer à leur marche, on remarque plusieurs constellations, dont les forces, dues à des causes opposées, sont nécessairement mélangées : voisines du pôle d’une part, de l’autre des feux du ciel, cites en reçoivent des influences qui, se combattant, modèrent réciproquement leur activité : il arrive de là que ces constellations rendent fertiles les terres au-dessus desquelles elles dominent. On voit d’abord, près des ourses brillantes et de l’aquilon glacé, la constellation toujours agenouillée ; elle sait sans doute pourquoi elle garde cette posture. Derrière elle est Arctophylax, nommé aussi le bouvier, parce qu’il est dans l’attitude d’un homme qui pique des bœufs attelés : il transporte avec lui l’étoile Arcturus, placée sur sa poitrine. D’un autre côté paraît le cercle lumineux formé par la couronne : l’éclat n’en est point partout le même ; l’étoile qu’on voit dans sa partie la plus élevée surpasse les autres en grandeur, et les feux dont elle brille éclipsent leur tendre blancheur c’est un monument consacré à Ariadne abandonnée. La lyre, les bras étendus, se distingue aussi parmi les constellations célestes : c’est l’instrument avec lequel Orphée charmait autrefois tout ce que ses chants allaient frapper ; Orphée, qui s’ouvrit une route jusqu’aux enfers mêmes, et dont la voix mélodieuse en fit révoquer les immuables décrets : de là les honneurs du ciel accordés à sa lyre, qui y exerce le même pouvoir ; elle attirait les forêts et les rochers ; elle entraîne maintenant les astres, et se fait suivre par le globe immense de l’univers. La constellation nommée par les Grecs Ophiuchos serre le serpent par le milieu, et semble s’appliquer à le retenir, à développer les nœuds de son vaste corps, à en étendre les replis : le serpent tourne cependant vers cet ennemi son cou flexible, se dérobe à cette étreinte, et rend ses efforts inutiles. Près de là est le cygne, que Jupiter même a placé au ciel pour prix de sa beauté, qui lui servit à séduire une amante : ce dieu, descendu du ciel, prit la forme d’un cygne plus blanc que la neige, et prêta son dos couvert de plumes à l’imprudente Léda. Le cygne étend encore, comme pour voler, ses ailes parsemées d’étoiles. On voit briller ensuite cette constellation qui a l’aspect et la rapidité de la flèche. Après elle l’oiseau du grand Jupiter cherche à s’élever au plus bout du ciel, et semble porter le foudre en des lieux où il fait son séjour : oiseau digne de Jupiter et des cieux, auxquels il fournit des armes redoutables. Il est suivi du dauphin, sorti du sein des mers pour prendre place entre les astres : ornement de l’océan et du ciel, ou il s’est également immortalisé. Le cheval, remarquable par la belle étoile de sa poitrine, précipite sa course pour atteindre le dauphin : son train de derrière se perd dans Andromède. Aune distance assez considérable de cette constellation, on en voit une que sa figure a fait nommer Deltoton : deux de ses côtés sont égaux, le troisième a moins d’étendue. Près de là sont Céphée, puis Cassiopée dans une attitude convenable à la punition qu’elle s’est attirée ; enfin Andromède abandonnée s’épouvante à l’aspect du l’effroyable gueule du monstre qui s’apprête à la dévorer. Cassiopée pleure sur la triste destinée de sa fille exposée et garrottée sur le rocher où elle devrait périr, si Persée, conservant dans le ciel son ancien amour, ne venait pas à son aide, armé de la tête formidable de la Gorgone, dépouille glorieuse pour lui, mortelle pour quiconque a le malheur de la voir. Non loin de là paraît le cocher, dont les pieds touchent presque le taureau : son art lui mérita le ciel, et le nom sous lequel il est connu. Jupiter l’ayant vu voler le premier sur un char à quatre chevaux, le transporta parmi les astres. Avec lui paraissent les chevreaux, dont les feux rendent la navigation dangereuse ; et la chèvre, dont les illustres mamelles ont nourri le roi du monde : c’est en les quittant que ce dieu devint maître de l’Olympe ; il dut à ce lait étranger la force de lancer la foudre et de faire gronder le tonnerre. Jupiter, reconnaissant, donna rang à la chèvre entre les astres éternels ; une place dans le ciel devint le juste prix de l’empire du ciel. Les pléiades et les hyades font partie du fier taureau ; elles déclinent vers le pôle boréal. Telles sont les constellations septentrionales.
Passons à celles que l’on observe au delà du cours du soleil, qui roulent au-dessus des parties de la terre brûlées par ses feux, ou qui sont comprises entre le signe glacé du capricorne et le pôle inférieur du monde. Sous ces constellations est une autre partie de la terre, où nous ne pouvons pénétrer : les peuples qui l’habitent nous sont inconnus, nous n’avons aucun commerce avec eux. Ils jouissent du même soleil qui nous éclaire, leurs ombres sont opposées aux nôtres, la disposition du ciel paraît renversée à leur égard ; les astres se couchent à leur gauche, se lèvent à leur droite. Ils voient un ciel aussi étendu et non moins éclairé que le nôtre ; il ne se lève pas pour eux moins d’étoiles que pour nous. Tout, en un mot, est égal de part et d’autre : nous ne l’emportons sur eux que par le bonheur de posséder un astre tel qu’Auguste ; César sur la terre, il sera un jour un des principaux dieux du ciel.
On voit dans le voisinage des gémeaux Orion, étendant ses bras dans une grande partie des cieux : sa marche hardie franchit pareillement un vaste espace. Ses brillantes épaules sont marquées de deux belles étoiles ; trois autres, obliquement rangées, soutiennent son épée. Sa tête se perd dans le plus haut du ciel : trois étoiles la caractérisent ; on les voit à peine, non qu’elles aient moins d’éclat que les autres, mais elles sont à une plus grande distance. Dans leur course rapide, les astres du ciel regardent Orion comme leur chef. La canicule le suit, fournissant sa carrière avec une promptitude extrême : il n’est point de constellation dont la terre doive plus redouter la première apparition. Ceux qui observent son lever de la cime élevée du mont Taurus, en augurent l’abondance ou la disette des fruits de la terre, la température des saisons, les maladies qui régneront, les alliances qui devront se conclure. Elle est l’arbitre de la guerre et de la paix : variant les circonstances de sa première apparition, elle produit des effets relatifs aux aspects qu’elle prend alors, et nous gouverne par son seul regard. Qu’elle ait ce pouvoir, nous en avons pour garant sa couleur, sa vivacité, l’éclat de ses feux : presque égale au soleil, elle n’en diffère qu’en ce qu’étant beaucoup plus éloignée, elle ne nous lance que des rayons azurés, dont la chaleur est fort affaiblie. Tous les autres astres pâlissent devant elle ; de tous ceux qui se plongent dans l’océan et qui en ressortent pour éclairer le monde, il n’en est aucun dont l’éclat soit comparable au sien. À la canicule succèdent Procyon, et le lièvre rapide, et le célèbre navire Argo, qui, des mers où il s’est hasardé le premier, a été transporté au ciel, dont il s’était rendu digne par l’audace de ses courses périlleuses : après avoir sauvé des dieux, il est devenu dieu lui-même. L’hydre est près de lui ; ses étoiles brillantes semblent autant d’écailles qui la couvrent. Là aussi on voit l’oiseau consacré à Phébus, la coupe chère à Bacchus, et ensuite le centaure à la double forme ; homme en partie, il a, depuis la poitrine jusqu’en bas, les membres d’un cheval. Après le centaure est le temple de monde : on y voit briller un autel consacré par les dieux, quand ils eurent à repousser ces énormes géants armés contre eux, engendrés des crevasses de leur mère, et aussi remarquables par la diversité des traits de leur visage que par l’immensité de leurs corps]. La terre en fureur les souleva contre le ciel ; les dieux alors se crurent abandonnés par les dieux supérieurs : Jupiter hésita lui-même, dans la crainte de ne pouvoir pas ce qu’il pouvait réellement. Il voyait la terre révoltée, la nature bouleversée de fond en comble, les montagnes entassées sur les montagnes, les astres reculant d’effroi à l’approche de ces masses énormes. Il n’avait point encore éprouvé de pareils assauts ; il ignorait qu’il pût y avoir des puissances capables de contrebalancer la sienne. Il éleva cet autel, et le décora des feux que nous y voyons briller encore aujourd’hui. Près de l’autel est la baleine, roulant son dos couvert d’écailles, se pliant et repliant sur elle-même, et fendant les eaux de sa vaste poitrine : avide de dévorer sa proie, elle semble prête à la saisir.] Telle autrefois, en s’approchant avec fureur de la fille de Céphée, exposée sur le rocher, elle fit jaillir l’eau de la mer fort au delà de ses limites. Elle est voisine du poisson austral, ainsi appelé du nom de la partie du ciel qu’il occupe. Vers cette même partie coulent, par mille sinuosités, les ondes étoilées que répand le verseau ; et ce fleuve, continuant de diriger son cours vers les régions australes, réunit ses eaux à la tête du poisson, et paraît ne faire avec lui qu’un même astérisme. Telles sont les constellations qui sous le nom d’australes, que leur ont donné les anciens astronomes, embellissent la partie du ciel la plus éloignée de nous ; elle est comprise entre la route du soleil et les ourses qui nous sont invisibles, et qui, vers l’autre pôle, font plier sous leur poids l’essieu de l’univers.
Les astres qui font leur révolution dans la partie la plus basse du ciel, qui servent comme de fondement au brillant palais de l’univers, qui ne se montrent jamais au-dessus de notre horizon, ressemblent sans doute à ceux qui décorent le faîte du monde : ce sont, de part et d’autre, les mêmes astérismes, et l’on voit près de chaque pôle deux ourses en des attitudes opposées.
Telles sont donc les constellations dispersées dans les différentes régions du ciel, et qui en occupent la vaste étendue. Mais ne vous figurez pas que vous reconnaîtrez dans le ciel des figures analogues à leurs noms, et qu’un éclat égal vous en fera distinguer tous les membres de manière qu’il ne vous reste rien à désirer, et que tous les linéaments soient marqués par des traits de lumière. Si des feux égaux embrasaient tous leurs membres, l’univers ne pourrait supporter un si grand incendie. En ménageant ces feux, la nature s’est ménagée elle-même ; elle a craint de succomber sous le poids : elle s’est donc contentée de distinguer les formes des constellations, et de nous les faire reconnaître à des signes certains. Les étoiles répondent tellement les unes aux autres, celles qui sont au milieu à celles qui occupent les extrémités, les plus basses aux plus hautes, qu’il ne faut qu’un simple trait pour les déterminer ; il doit nous suffire que toutes leurs pailles ne soient pas invisibles. Lorsque la lune surtout, au milieu de sa révolution, montre tout son disque éclairé, les plus belles étoiles brillent en même temps dans le ciel ; les plus petites, peuple vil et sans nom, paraissent fuir devant elle ; on peut alors découvrir et compter les astres les plus lumineux, ils ne sont plus confondus avec les plus petits. Voulez-vous reconnaître avec plus de facilité ces brillants astérismes ? Remarquez qu’ils ne varient jamais sur le lieu de leur lever et de leur coucher ; l’heure de leur lever est pareillement déterminée pour chaque jour de l’année ; le temps de leur apparition et de leur disparition est réglé sur des lois invariables. Dans ce vaste univers, rien n’est si étonnant que son uniformité, que l’ordre constant qui en règle tous les ressorts : le nombre des parties ne cause aucune confusion, rien ne se déplace ; les mouvements ne se précipitent jamais, jamais ils ne se ralentissent, ils ne changent jamais de direction. Peut-on concevoir une machine plus composée dans ses ressorts, plus uniforme dans ses effets ?
Quant à moi, je ne pense pas qu’il soit possible de démontrer avec plus d’évidence que le monde est gouverné par une puissance divine, qu’il est dieu lui-même ; que ce n’est point un hasard créateur qui l’a produit, comme a prétendu nous le persuader ce philosophe qui s’imagina le premier que ce bel univers n’était dû qu’au concours fortuit d’atomes imperceptibles, dans lesquels il devait un jour se résoudre ; qui enseigna que ces atomes étaient les vrais principes de la terre, de l’eau, des feux célestes, de l’air même, doué par cela seul de la puissance de former une mutité de mondes, et d’en détruire autant d’autres ; qui ajouta que tout retournait à ces premiers principes, et changeait sans cesse de forme. À qui persuadera-t-on que ces masses immenses sont l’ouvrage de légers corpuscules sans que la divinité s’en soit mêlée, et que le monde est l’ouvrage d’un aveugle hasard ?] Si c’est le hasard qui l’a formé, qu’on dise donc que c’est le hasard qui le gouverne. Mais pourquoi le lever successif des astres est-il si régulier ? comment leur marche est-elle assujettie à des lois si constantes ? pourquoi aucun d’eux ne hâte-t-il sa course, et ne laisse-t-il derrière lui l’astérisme dont il fait partie ? pourquoi les nuits d’été sont-elles constamment éclairées des mêmes étoiles ; et pourquoi en est-il de même des nuits d’hiver ? Pourquoi les mêmes jours de l’année nous ramènent-ils les mêmes figures célestes ? pourquoi en font-ils invariablement disparaître d’autres ? Dès le temps où les peuples de la Grèce détruisirent Ilion, l’ourse et Orion étaient déjà dans les attitudes opposées où on les voit aujourd’hui : l’ourse se bornait a une révolution circonscrite autour du rôle ; Orion semblait s’élever vers elle comme pour venir à sa rencontre, et ne quittait jamais le milieu du ciel. Dès lors on distinguait les temps de la nuit par la position des étoiles, et les heures en étaient gravées au firmament. Depuis la ruine de Troie, combien de trônes renversés! combien de peuples réduits en captivité! que de fois la fortune inconstante a fait succéder la puissance à l’esclavage, la servitude à l’autorité! quel vaste empire elle a fait naître des cendres oubliées de Troie! la Grèce, enfin, a été soumise au sort qu’elle avait fait subir à l’Asie. Je ne finirais pas, si je voulais compulser les fastes de tous les siècles, et compter les vicissitudes que les feux du soleil ont éclairées. Tout ce qui est créé pour finir est sujet au changement ; après quelques années, les nations ne se reconnaissent plus elles-mêmes ; chaque siècle en change l’état et les mœurs. Mais le ciel est exempt de ces révolutions ; ses parties n’éprouvent aucune altération, la succession des âges n’en augmente pas le nombre, et la vieillesse ne le diminue pas : il sera toujours le même, parce qu’il a toujours été le même. Tel que l’ont observé nos pères, tel le verront nos neveux : il est dieu, puisqu’il est immuable. Que le soleil ne s’égare jamais vers les ourses voisines du pôle, qu’il ne varie point dans sa marche, que sa route ne le porte jamais vers l’orient ; que l’aurore naisse constamment dans les mêmes parties de l’horizon ; que la lumière de la lune soit assujettie à des progrès certains et limités, qu’elle croisse et décroisse conformément à des lois invariables ; que les astres, suspendus dans l’espace, ne tombent pas sur la terre, mais qu’ils circulent dans des temps déterminés, conjointement avec les constellations dont ils font partie ; ce n’est point un effet du hasard, c’est un ordre établi par la sagesse divine.
Mais quelle est l’étendue de l’espace qu’occupe la voûte du monde ? quelle est celle des douze signes célestes ? La raison seule suffit pour nous en instruire. La raison ne connaît point d’obstacles ; l’immensité des objets, leur obscurité, rien ne l’arrête ; tout cède à sa force ; son activité s’étend jusqu’au ciel même. Elle enseigne que la distance des signes célestes à la terre et à la mer est égale à. l’étendue de deux de ces signes. Toute ligne qui traverse une sphère, en passant par son centre, a de longueur le tiers de la circonférence de la sphère ; c’est, à bien peu de chose près, sa juste mesure : donc, puisque quatre signes forment le tiers de l’étendue des douze signes célestes, il s’ensuit que la distance de la partie la plus haute à la partie la plus basse du ciel est de quatre signes, et que la terre, suspendue au milieu de cet espace, est distante de l’intervalle de deux signes de chacune de ces deux extrémités. Donc toute l’étendue que vous voyez au-dessus de vous, cet espace que votre vue embrasse et celui qu’elle ne peut plus atteindre, doit être égale à deux signes : prise six fois, elle vous donnera la circonférence de cette zone céleste, parcourue par les douze signes qui tapissent le ciel en compartiments égaux. Ne vous étonnez donc pas si, sous les mêmes signes, on voit naître des hommes d’un caractère différent, et dont les destinées sont entièrement opposées : considérez l’étendue de chaque signe, et le temps qu’il met à la parcourir ; un jour entier suffit à reine à leur lever successif.
Il me reste à vous exposer quels sont les limites célestes, les bornes établies au ciel dans un ordre régulier, les termes qui règlent la course des astres étincelants. Un cercle du côté de l’aquilon soutient l’ourse brillante ; six parties entières le séparent du sommet du ciel. Un second cercle passe par l’extrémité la plus boréale de l’écrevisse : c’est là que Phébus semble s’arrêter, lancer ses plus chauds rayons, et, dans des révolutions plus visibles, nous prodiguer le plus longtemps ses feux : ce cercle, déterminant la saison des plus grandes chaleurs, en a pris le nom de cercle d’été : il borne, dans cette partie, la course brûlante du soleil ; il est un des termes de sa carrière : sa distance au cercle boréal est de cinq parties. Le troisième cercle, placé précisément au milieu du monde, voit de part et d’autre les deux pôles à des distances égales : c’est là que Phébus, ouvrant, dans sa marche rapide, les saisons tempérées du printemps et de l’automne, règle sur des mesures égales la durée du jour et de la nuit. Ce cercle divise le ciel en deux hémisphères semblables : quatre parties séparent sa trace de celle du cercle d’été. Le cercle qui suit immédiatement porte le nom de cercle d’hiver ; il règle les derniers pas que fait le soleil pour s’éloigner de nous ; il ne laisse arriver à nous que par des rayons obliques les feux affaiblis de cet astre, qu’il retient le moins longtemps possible sur notre horizon. Mais les régions au-dessus desquelles il domine jouissent de leurs plus longs jours ; une chaleur brûlante en prolonge la durée : à peine ces jours font-ils place à de courtes nuits. Deux fois deux parties écartent ce cercle de celui du milieu du ciel. Il reste encore un cercle voisin de l’extrémité de l’axe, et qui, pressant les ourses australes, les entoure comme d’une ligne de circonvallation : sa distance au cercle d’hiver est de cinq parties ; et il est aussi éloigné du pôle dont il est voisin, que le cercle qui lui correspond de notre côté est distant de notre pôle. Ainsi l’espace compris entre les deux pôles, divisé par le cercle du milieu en deux parties égales, forme par la réunion de ces deux parties la circonférence de l’univers, et cinq cercles, divisant cette étendue, déterminent les limites des astres, et le temps de leur séjour au-dessus de l’horizon. La rotation de ces cercles est la même que celle du monde ; ils n’ont aucune inclinaison l’un vers l’autre ; le lever, le coucher de tous leurs points sont réglés sur des lois uniformes. En effet, la trace de ces cercles étant parallèle a la rotation universelle de la sphère céleste, ils suivent constamment la direction du mouvement du ciel, toujours à des distances égales les uns des autres, ne s’écartant jamais des bornes qui leur sont assignées, des termes qui leur sont prescrits.
Du sommet supérieur du ciel au sommet inférieur, s’étendent deux autres cercles opposé l’un à l’autre, et qui, coupant tous les cercles dont nous venons de parler, se coupent eux-mêmes en se rencontrant aux deux pôles du monde ; l’axe de la sphère est leur point de réunion à chacune de ses deux extrémités. Ils distinguent les saisons de l’année, et divisent le ciel et les signes célestes en quatre parties égales, dont chacune correspond à un nombre égal de mois. Le premier, descendant de la cime la plus élevée du ciel, traverse la queue du dragon, passe entre les deux ourses, qui ne se plongent jamais dans l’océan, et entre les bassins de la balance, qui s’agitent au milieu du ciel : passant ensuite, dans la partie méridionale, sur la queue de l’hydre et par le milieu du centaure, il gagne le pôle inférieur, d’ou il se relève pour venir à la baleine ; il traverse le dos écailleux de cette constellation, prolonge les premières étoiles du bélier et celles qui brillent dans le triangle, passe le long des plis de la robe d’Andromède, et près des pieds de sa mère, et se termine enfin au pôle d’où il est primitivement parti. L’autre cercle s’appuie sur ce premier, et sur l’extrémité supérieure de l’axe. De là il traverse les pattes antérieures et la tête de l’ourse, qui, grâce à l’éclat de ses sept belles étoiles, se montre la première de toutes les constellations, après la retraite du soleil, et éclaire les ténèbres de la nuit. Il sépare ensuite l’écrevisse des gémeaux, il côtoie le chien à la gueule étincelante, et le gouvernail du navire victorieux des ondes ; il court de là au pôle invisible, en passant par des astérismes placés en travers de ceux sur lesquels le premier cercle a passé, et, partant de cette limite, il se dirige vers vous, signe du capricorne, et, parvenu à vos étoiles, il fixe celles de l’aigle : traversant ensuite la lyre recourbée et les nœuds du dragon, il s’approche des pattes postérieures de la petite ourse, et traverse sa queue près du pôle, où il se rejoint à lui-même, ne pouvant oublier les lieux d’où il a pris son essor.
Les anciens astronomes ont assigné aux cercles précédents des places fixes, des positions invariables entre les constellations célestes ; ils en ont reconnu deux autres susceptibles de déplacement. L’un, prenant son origine à la grande ourse, coupe la route du soleil en deux parties égales ; il partage le jour et détermine la sixième heure. Il est à une distance égale du lever et du coucher de tous les astres. Sa trace dans le ciel n’est pas toujours la même : allez à l’orient, allez vers l’occident, vous déterminez au-dessus de vous un cercle, passant par le point qui répond directement à votre tête et par le pôle du monde, et partageant en deux la route visible de soleil : or, en changeant ainsi de lieu, vous changez d’heure ; le ciel que vous voyez n’est plus le même ; chaque point que vous parcourez a son méridien propre ; l’heure vole sur toute la surface de la terre. Lorsque nous voyons l’astre du jour sortir du sein des eaux, les peuples qu’il presse alors de son char étincelant comptent la sixième heure. Il est pareillement six heures pour les peuples occidentaux, lorsque lu jour pour nous fait place aux ombres de la nuit : ces deux sixièmes heures nous les comptons l’une pour la première, l’autre pour la dernière heure du jour, et les rayons extrêmes du soleil ne nous procurent qu’une lumière dépourvue de chaleur.
Désirez-vous connaître la trace du second cercle mobile ? Portez votre vue de toutes parts jusqu’où elle peut s’étendre : ce cercle, qui vous paraît être la partie la plus basse du ciel et la plus élevée de la terre, qui joint immédiatement la partie visible du ciel avec celle que nous ne voyons pas, qui reçoit comme au sein des flots et nous renvoie les astres étincelants ; ce cercle ou plutôt cette ligne indivisible environne tout le ciel qu’elle divise, et cette même ligne parcourt tous les points de l’univers. De quelque côté que vous portiez vos pas inconstants, soit que vous avanciez vers un point de la terre, soit que vous marchiez vers un autre, le cercle qui termine votre vue n’est plus le même, il change à chaque pas ; il vous découvre une nouvelle partie du ciel, il en dérobe une autre à votre vue ; toujours il vous cache et vous montre la moitié du ciel ; mais le terme qui sépare ces deux moitiés varie, et sa trace change toutes les fois que vous changez de place. Ce cercle est terrestre, parce qu’il embrasse la circonférence de la terre, et que son plan l’environne de toutes parts ; et comme il sert de borne et de limite, on lui a donné le nom d’horizon.
À ces cercles ajoutez deux cercles obliques, dont les directions sont très différentes. L’un porte ces signes éclatants, sur lesquels Phébus laisse flotter ses rênes : la déesse de Délos le suit, montée sur son char agile, et les cinq étoiles errantes, emportées dans une course opposée à celle de l’univers, semblent y former des pas variés que règlent les lois de la nature. L’écrevisse en occupe le point le plus élevé, et le capricorne le point le plus bas : rencontré deux fois par le cercle qui égale le jour à la nuit, il le coupe au signe du bélier et à celui de la balance. Ainsi ce cercle, s’appuyant sur trois autres, s’écarte, par une marche oblique, du mouvement direct commun à tous les astres. D’ailleurs on ne peut dire de ce cercle ce qu’on pourrait dire de tous les précédents, qu’il est imperceptible aux yeux, et que l’esprit seul peut se le figurer : il forme une ceinture qui resplendit de tout l’éclat des belles étoiles qui la décorent ; le ciel est comme ciselé par la brillante lumière qu’il y répand. Sa longueur est de trois cent soixante parties, il en a douze de large ; c’est dans cette zone que les étoiles errantes exécutent leurs divers mouvements.
L’autre cercle est placé en travers du précédent ; il naît dans le voisinage des ourses ; sa trace est voisine du cercle polaire boréal. Il passe dans les étoiles de Cassiopée, renversée sur sa chaise ; descendant obliquement, il touche le cygne, il coupe le cercle d’été, l’aigle renversée en arrière, le cercle qui égale le jour a la nuit, et celui que parcourent les coursiers du soleil ; et il laisse d’un côté la queue ardente du scorpion, de l’autre la main gauche et la flèche du sagittaire. Il dirige ensuite sa marche sinueuse à travers les cuisses et les pieds du centaure, et, commençant à remonter vers nous, il parvient au sommet des mâts du navire, traverse le cercle qui occupe le milieu du ciel, couvre les étoiles les plus basses des gémeaux, entre dans le cocher, et aspirant à vous rejoindre, vous qui l’aviez vu partir, Cassiopée, il passe au-dessus de Persée, et termine son circuit dans la constellation où il l’avait commencé. Ce cercle coupe donc en deux points les trois cercles du milieu de la sphère et celui qui porte les signes, et il en est réciproquement coupé en autant de parties. Il ne faut pas se donner beaucoup de peine pour le chercher ; il se présente de lui-même, on le voit sans aucun effort, il n’est pas possible de s’y tromper. Dans l’azur du ciel s’offre une bande remarquable par sa blancheur ; on la prendrait pour une aurore d’où va poindre le jour, et qui doit ouvrir les portes du ciel. Telle une route, battue par le passage assidu des voitures qui la parcourent, se distingue au milieu des vertes prairies qu’elle partage ; ou comme les flots de la mer blanchissent d’écume sous le sillage, et, sortis en bouillonnant du gouffre qui les vomit, déterminent le chemin que suit le navire : telle cette route céleste brille par sa blancheur au milieu des ténèbres qui couvrent l’Olympe, et projette sa vive lumière sur le fond azuré du ciel. Semblable à Iris qui tend son arc dans les nues, elle imprime au-dessus de nos têtes sa trace lumineuse, et force les mortels à la regarder avec étonnement : ils ne peuvent pas ne pas admirer cette lumière insolite qui perce les ombres de la nuit ; et ils cherchent, malgré les bornes de leur intelligence, à pénétrer la cause de ces divines merveilles. Est-ce que les deux parties du ciel tendent à se désunir ? leur liaison trop faible menace-t-elle de se dissoudre, et la voûte céleste, commençant à se séparer, ouvre-t-elle un passage à cette lumière nouvelle ? Comment ne pas frémir à l’aspect du ciel ainsi déchiré, lorsque ces plaies de la nature frappent nos yeux épouvantés! Penserons-nous plutôt qu’une double voûte, ayant formé le ciel, trouve ici sa ligne de réunion, que les deux moitiés y sont fortement cimentées, que c’est une cicatrice apparente qui réunit pour toujours ces deux parties ; que la matière céleste y étant amassée en plus grande quantité, s’y condense, forme un nuage aérien, et entasse une plus grande masse de la matière qui constitue le plus haut des cieux ? En croirons nous une vieille tradition, suivant laquelle, dans des siècles reculés, les coursiers du soleil, tenant une autre route que celle qu’ils suivent aujourd’hui, avaient longtemps parcouru ce cercle ? Il s’embrasa enfin, les astres qu’il portait furent la proie des flammes ; à leur azur succéda cette couleur blanchâtre, qui n’est que celle de leur cendre : on peut regarder ce lieu comme le tombeau du monde. L’antiquité nous a transmis un autre fait : Phaéton conduisit autrefois le char de son père le long des signes célestes. Mais tandis que ce jeune téméraire s’amuse à contempler de près les merveilles du ciel, qu’il sourit à ces nouveaux objets, qu’il se livre tout entier au plaisir d’être porté sur le char du soleil, qu’il pense même à oser plus que lui, il abandonne la route qui lui est prescrite, et s’en ouvre une toute nouvelle. Les astres qu’il traverse ne peuvent supporter la proximité de ces feux errants auxquels ils ne sont point accoutumés ; le char vole en éclats. Pourquoi nous plaindrions-nous des ravages causés par cet incendie dans toute l’étendue de la terre, devenue son propre bûcher, et qui vit toutes ses villes consumées par les flammes ? Les éclats dispersés du char du soleil portèrent le feu partout ; le ciel même fut embrasé ; le feu gagna le monde entier ; les astres voisins de la route de Phaéton en devinrent la proie, et portent encore l’empreinte de cette catastrophe. Les annales anciennes font mention d’un fait moins tragique, que je ne dois pas passer sous silence : quelques gouttes de lait, échappées de sein de la reine des dieux, donnèrent cette couleur à la partie du ciel qui les reçut ; et c’est de là que vient le nom de voie lactée, nom qui rappelle la cause de cette blancheur. Ne faudrait-il pas plutôt penser qu’une grande quantité d’étoiles sur ce même point y forme comme un tissu de flammes, nous renvoie une lumière plus dense, et rend cette partie du ciel plus brillante par la réunion d’un plus grand nombre d’objets lumineux ? Dira-t-on enfin que les âmes des héros qui ont mérité le ciel, dégagées des liens de leurs corps après leur séjour sur la terre, sont transportées dans cette demeure ; que ce ciel leur est approprié ; qu’elles y mènent une vie céleste, qu’elles y jouissent du monde entier ? Là sont honorés les Eacides, les Atrides, l’intrépide fils de Tydée, le souverain d’Ithaque, vainqueur de la nature et sur terre et sur mer, le roi de Pylos, célèbre par trois siècles de vie ; tous les autres chefs des Grecs qui combattirent sous les murs d’Ilion, Assaracus ; Ilius, tous les héros troyens qui suivaient les étendards d’Hector ; le noir fils de l’Aurore, et le roi de Lycie, digne sang de Jupiter. Je ne dois pas vous oublier, belliqueuse Amazone, non plus que la ville de Pella, que la naissance d’un grand conquérant a rendue si célèbre. On y voit aussi ces hommes qui se sont illustrés par l’étendue de leur génie et par l’autorité de leurs conseils, dont toutes les ressources étaient en eux-mêmes : le juste Solon, le sévère Lycurgue, le divin Platon, et celui qui avait été son maître, et dont l’injuste condamnation fit retomber sur Athènes, sa patrie, l’arrêt odieux prononcé contre lui ; celui qui vainquit la Perse, malgré les innombrables vaisseaux dont elle avait comme pavé la mer ; les héros romains, dont les rangs sont aujourd’hui si serrés ; les rois de Rome, excepté Tarquin ; les Horaces, illustres jumeaux, qui tinrent lieu à leur patrie d’une armée entière ; Scévola, que sa mutilation a comblé de gloire ; la jeune Clélie, supérieure aux hommes en courage ; Cœlès a ceint de la couronne murale pour avoir protégé Rome ; Corvinus, fier de ses riches dépouilles, et de ce nom glorieux conquis dans un combat où Apollon se fit son compagnon d’armes, sous l’extérieur d’un corbeau ; Camille, qui, en sauvant le Capitole, mérita d’être placé au ciel, et d’être regardé comme le second fondateur de Rome ; Brutus, qui fonda la république, après avoir expulsé Tarquin ; Papyrius, qui ne voulut se venger que par les armes des cruautés de Pyrrhus ; Fabricius, les deux Curius ; Marcellus, qui, le troisième des Romains, remporta des dépouilles opimes et tua un roi de sa main ; Cossus, qui eut le même honneur ; les Décius, égaux par leurs victoires et par leur dévouement à la patrie ; Fabius, qui devint invincible en temporisant ; Livius, qui, secondé de Néron, vainquit le perfide Asdrubal ; les deux Scipions, nés pour la ruine de Carthage ; Pompée, vainqueur de l’univers, et qui se vit décoré de trois triomphes et le chef de la république avant le temps prescrit par les lois ; Cicéron, que son éloquence seule éleva au consulat ; la race illustre des Claudes, les chefs de la famille Emilienne, les célèbres Métellus ; Caton, supérieur à la fortune ; Agrippa, qui passa du sein maternel aux fatigues de la guerre. La famille des Jules, dont l’origine remonte à Vénus, et qui était descendue du ciel, a peuplé le ciel, maintenant gouverné par Auguste, que Jupiter s’est associé dans cet empire. Elle voit au milieu d’elle le grand et divin Romulus, au-dessus de cette trace lumineuse qui tapisse la voûte éthérée. Ce ciel supérieur est réservé aux dieux ; la voie lactée est la demeure des héros qui, semblables aux dieux par la vertu, ont approché d’eux de plus près.
Il est d’autres astres dont la marche est contraire au mouvement de l’univers, et qui, dans leur vol rapide, sont suspendus entre le ciel et la terre ce sont Saturne, Jupiter, Mars et le Soleil. Sous eux, Mercure fait sa révolution entre Vénus et la lune.]
Maintenant, avant de faire connaître l’énergie des astres et le pouvoir que les signes exercent sur nos destinées, achevons de décrire ce qu’on observe dans le ciel, et ce qui fait sa richesse. Tout objet éclatant mérite notre attention, ainsi que le temps où il brille.]
Il est des feux répandus dans l’air, qui naissent d’une matière sans consistance. En effet, aux époques de grandes révolutions, on a vu quelquefois des comètes se dissiper en un instant, et d’autres s’enflammer subitement. La cause en est peut-être que la terre exhalant les vapeurs qu’elle renferme dans son sein, l’humidité de ces vapeurs est détruite par la sécheresse de l’air. Toute la matière des nuages s’étant dissipée dans un ciel longtemps serein, et les rayons du soleil ayant embrasé l’air, le feu, qui a franchi ses limites, s’empare de ces vapeurs comme d’en aliment qui lui est propre, et la flamme y trouve une matière prête à lu recevoir. Comme cette matière n’a aucune solidité, que ce n’est qu’une exhalaison extrêmement raréfiée et semblable à une fumée légère, l’embrasement dure peu, et cesse presque en même temps qu’il commence, on voit ainsi la comète briller d’un vif éclat, et s’éteindre presque au même instant. Si l’extinction de ces feux n’en suivait pas de près la formation, et que cet incendie se prolongeât, la nuit serait changée en jour, le jour à peine fini renaîtrait, et surprendrait la terre, ensevelie dans un profond sommeil. De plus, comme ces vapeurs sèches de la terre ne se répandent pas toujours uniformément dans l’air, et que le feu les trouve diversement ressemblées, il s’ensuit que ces flammes, que nous voyons subitement paraître dans l’obscurité de la nuit, doivent se montrer sous différentes formes. En effet, elles prennent quelquefois celle d’une chevelure éparse, et le feu lance en tous sens des rayons qui ressemblent à de longs cheveux flottants autour de la tête. Quelquefois ces mêmes rayons s’étendent d’un seul côté, sous la forme d’une barbe enflammée. On voit aussi ce feu, tantôt terminé partout également, représenter on une poutre carrée, ou une colonne cylindrique ; tantôt, enflé par le milieu, offrir l’image d’un tonneau embrasé ; ou se rassembler en petits pelotons, dont la flamme tremblante représente comme autant de mentons barbus, et a fait imaginer pour eux le nom de petites chèvres : d’autres fois, divisé en branches lumineuses, il ressemble à ces lampes d’où sortent plusieurs mèches. Par un ciel serein, quand les étoiles scintillent de toutes parts, on en voit qui semblent se précipiter sur la terre, ou errer çà et là dans l’espace, laissant après elles une longue trace de feu ; ou bien, se transportant à de grandes distances avec la rapidité de la flèche, elles marquent pareillement d’un trait de lumière l’intervalle que leur course a embrasé. Le feu pénètre toutes les parties de l’univers. Il est dans ces nuages épais où s’élabore la foudre ; il traverse les entrailles de la terre ; il menace d’incendier le ciel par les bouches de l’Etna ; il fait bouillonner les eaux jusque dans leurs sources ; le caillou le plus dur et la verte écorce des arbres le recèlent ; le bois, dans les forêts, s’embrase par le frottement : tant la nature est partout imprégnée de feu. Ne soyez donc pas étonnés de voir tant de flambeaux s’allumer subitement dans le ciel, et l’air enflammé reluire de leur éclat, quand il a reçu les exhalaisons desséchées qui s’échappent de la terre, exhalaisons dont le feu s’empare, et dont il suit et abandonne successivement la trace. Ne voyez-vous pas les feux du tonnerre s’élancer en serpentant du sein même de la pluie, et le ciel forcé de s’ouvrir devant lui ? Soit donc que la terre, fournissant quelquefois au feu aérien un aliment qui lui est propre, puisse par là contribuer à la génération des comètes ; soit que la nature, en créant les astres, ait en même temps produit ces feux dont la flamme est éternelle, mais que le soleil attire à lui par sa chaleur, et qu’il enveloppe dans la sphère de ses rayons, dont ensuite ils se dégagent ; (tel Mercure, telle Vénus, qui après avoir éclairé le commencement de la nuit, disparaissent souvent, que l’on cherche en vain dans le ciel, et qui bientôt redeviennent visibles :) soit enfin que Dieu, sensible à nos malheurs prochains, nous donne par ces révolutions, par ces incendies du ciel, des avertissements salutaires jamais les feux célestes ne furent des menaces frivoles. Les laboureurs, frustrés de leur espérance, pleurent la perte de leurs moissons ; accablés de fatigue au milieu de leurs sillons stériles, ils font plier sous un joug inutile des bœufs qui semblent partager leur tristesse. Ou bien une flamme mortelle s’empare des entrailles des hommes, et les consume par des maladies cruelles ou par une langueur contagieuse des peuples entiers périssent ; les villes deviennent le tombeau, le bûcher commun de tous leurs habitants. Telle fut cette peste affreuse qui, dépeuplant le royaume d’Erechthée, ne fit de l’ancienne Athènes qu’un monceau de cadavres ; ses malheureux habitants périssaient sur les corps mêmes de leurs concitoyens ; la science du médecin n’était d’aucun secours ; on offrait en vain des vœux à la divinité ; les malades étaient abandonnés, les funérailles négligées ; on ne versait point de larmes sur les tombeaux ; le feu, fatigué d’avoir allumé tant de bûchers, avait enfin manqué. On brûlait les corps entassés les uns sur les autres et ce peuple, autrefois si nombreux, eut à peine un héritier qui lui survécût. Tels sont les malheurs que les brillantes comètes nous annoncent souvent : des épidémies les accompagnent ; elles menacent de couvrir la terre de bûchers ; le monde et la nature entière languissent, et semblent avoir trouvé comme un tombeau dans ces feux. Ces phénomènes présagent aussi des révolutions subites, des invasions clandestines, appuyées sur la fraude, et apportées par des nations étrangères, comme lorsque le féroce Germain, violant la foi des traités, fit périr le général Varus, et teignit le champ de bataille du sang de trois légions romaines. On vit alors des flambeaux menaçants errer çà et là dans toute l’étendue du ciel : la nature même semblait par ces feux nous déclarer la guerre, rassembler ses forces contre nous, et nous menacer d’une destruction prochaine . Au reste, ne soyez pas surpris de ces révolutions et de ces désastres : la cause en est souvent en nous-mêmes : mais nous sommes sourds à la voix du ciel. Quelquefois aussi ces incendies célestes annoncent des divisions intestines, des guerres civiles. Jamais ils ne furent si multipliés que quand des armées, rangées sous les drapeaux de chefs redoutables, couvrirent de leurs bataillons les campagnes de Philippes. Ces plaines étaient encore imbibées de sang romain, et le soldat, pour marcher au combat, foulait aux pieds les membres mutilés de ses concitoyens, l’empire épuisait ses forces contre lui-même. Auguste, père de la patrie, fut vainqueur aux mêmes lieux que Jules son père. Mais nous n’étions pas à la fin de nos malheurs : il fallait combattre de nouveau près d’Actium ; et la mer fut le théâtre où les armes devaient décider si Rome serait la dot d’une reine, et à qui appartiendrait l’empire de l’univers. Rome incertaine craignait de tomber sous le joug d’une femme : c’était la foudre même avec laquelle les sistres d’Isis osaient se mesurer. On fut bientôt forcé de soutenir une autre guerre contre des esclaves, contre des bandits attroupés par le jeune Pompée, qui, à l’exemple des ennemis de son père, infestait les mers que le grand Pompée avait nettoyées de pirates. Mais que les destins ennemis soient enfin satisfaits! jouissons des douceurs de la paix ; que la discorde, chargée de chaîne s indestructibles, soit reléguée dans des cachots éternels. Que le père de la patrie soit invincible ; que Rome soit heureuse sous son gouvernement ; et que, lorsqu’elle aura fait présent au ciel de cette divinité bienfaitrice, elle ne s’aperçoive pas de son absence sur la terre.
⟴LIVRE II.
Les combats livrés sous les murs d’Ilion ; Priam, père et roi de cinquante souverains ; la flotte des Grecs incendiée par Hector ; Troie invincible sous ce héros ; les erreurs d’Ulysse, qui durèrent autant que ses exploits, et l’exposèrent sur mer à autant de périls que devant Troie ; les derniers combats qu’il eut à soutenir dans sa patrie pour recouvrer son royaume usurpé : tels sont les événements chantés par ce poète immortel dont la Grèce nous a laissé ignorer la vraie patrie, en lui en assignant sept différentes ; par cet homme divin, dont les écrits sont une source féconde où ont puisé tous les poètes, un fleuve que la postérité, enrichie des trésors d’un seul bomme, a partagé en une infinité de rameaux. Hésiode le suivit de près ; il a célébré les dieux et ceux dont ils tirent leur origine ; il a montré le chaos engendrant la terre, l’enfance du monde sous l’empire du chaos ; les astres, premières productions de la nature, et encore incertains dans leur marche ; les vieux Titans ; le berceau du grand Jupiter ; son titre d’époux joint à celui de frère ; le nom de mère acquis à Junon sans l’entremise de ce frère ; la seconde naissance de Bacchus sortant de la cuisse paternelle ; enfin toutes les divinités dispersées dans la vaste étendue de l’univers. Il a fait plus voulant nous faire profiter des dons de la nature, il a dicté les lois de la culture des terres ; il a enseigné l’art de les rendre fertiles il nous a appris que Bacchus se plaît sur les coteaux, Cérès dans les plaines, Pallas dans ce double séjour, et que par la greffe on peut faire produire aux arbres diverses espèces de fruits ; occupations dignes d’exercer l’homme pendant la paix. Quelques-uns ont décrit les figures des constellations, les signes que nous voyons répandus dans toute l’étendue des cieux ; il les ont rangés en différentes classes, et nous ont dit les causes qui leur ont mérité les honneurs célestes. L’appareil d’un supplice y a conduit Persée et Andromède, la plaintive Cassiopée, et Céphée qui s’efforce de la consoler. La fille de Lycaon y fut enlevée par Jupiter ; Cynosure y est parvenue, pour le soin qu’elle prit du maître des d :eux ; la chèvre, pour l’avoir nourri de son lait ; le cygne, pour lui avoir prêté son plumage ; Erigone, pour prix de sa piété ; le scorpion, pour avoir lancé son dard à propos ; le lion, pour sa dépouille enlevée par Hercule ; l’écrevisse, pour avoir mordu ce héros ; les poissons, pour avoir vu Vénus emprunter leur forme ; le bélier, chef des signes célestes, pour avoir triomphé des flots. Il en est de même des autres constellations que nous voyons rouler au haut de l’espace ; les poètes ont puisé dans l’histoire les causes qui les ont élevées au ciel, et le ciel, dans leurs vers, n’est qu’un tableau historique ; ils nous montrent la terre peuplant le ciel, au lieu de nous la représenter comme en étant dépendante. Le poète que la Sicile a vu naître a décrit les mœurs des bergers ; il a chanté Pan enflant ses chalumeaux : ses vers, consacrés aux forêts, n’ont rien d’agreste ; la douceur de ses modulations donne de l’agrément aux lieux les plus champêtres, et les autres, grâce à lui, deviennent le séjour des Muses. Celui-là chante le plumage varié des oiseaux, et les antipathies des animaux ; celui-ci traite des serpents venimeux ; cet autre, des herbes et des plantes dont l’usage peut nous donner la mort, ou rappeler à la vie. Il en est même qui évoquent le noir Tartare des ténèbres où il est plongé, le produisent à la lumière, et qui, rampant les lieus de l’univers, le déroulent en quelque sorte, pour en bouleverser l’intérieur. Rien n’est resté étranger aux doctes Sœurs ; il n’est point de chemin, conduisant à l’Hélicon, qui n’ait été frayé ; les sources qui en découlent ont donné naissance à des fleuves, dont les eaux réunies ne sont pas encore assez abondantes pour la foule qui s’y précipite. Cherchons quelque prairie dont l’herbe, humectée de rosée, n’ait pas encore été foulée ; une fontaine qui murmure paisiblement au fond de quelque autre solitaire, que le bec des oiseaux n’ait point effleurée, et ou le feu céleste de Phébus n’ait jamais pénétré. Tout ce que je dirai m’appartient ; je n’emprunterai rien d’aucun poète ; mes vers ne seront point un larcin, mais une œuvre ; le char qui m’élèvera au ciel est à moi ; c’est sur ma propre nacelle que je fendrai les flots. Je chanterai la nature douée d’une secrète intelligence, et la divinité, qui, vivifiant le ciel, la terre et les eaux, tient toutes les parties de cette immense machine unies par des liens communs. Je décrirai ce tout, qui subsiste par le concert mutuel de ses parties, et le mouvement qui lui est imprimé par la raison souveraine. C’est, en effet, le même esprit qui, franchissant les espaces, anime tout, pénètre toutes les parties du ciel, et donne aux corps des animaux la forme qui leur convient. Si cette vaste machine n’était pas un assemblage de parties convenablement assorties, si elle n’était pas soumise aux lois d’un maître, si une sagesse universelle n’en dirigeait pas tous les ressorts, la terre ne serait pas immobile, les astres ne circuleraient pas autour d’elle, le ciel s’arrêterait, et, en perdant son activité, s’endurcirait par le froid ; les signes célestes s’écarteraient de la route qui leur est prescrite ; la nuit ne fuirait pas à l’approche du jour, et ne le mettrait pas en fuite à son tour. Les pluies ne féconderaient pas la terre, les vents n’entretiendraient point l’air, la mer ne fournirait point d’aliment aux nuées, les fleuves n’en serviraient pas à la mer, celle-ci ne ferait pas refluer ses ondes aux sources des rivières ; l’univers, sans un sage moteur, n’aurait plus, dans ses parties, cette juste proportion qui empêche que les eaux ne tarissent ou qu’elles n’inondent la terre, et que les astres ne précipitent ou ne ralentissent leur course. Le mouvement entretient, mais ne change lias le monde. Tout est donc distribué dans l’univers par la volonté d’une sagesse souveraine. Or ce dieu, cette raison, qui gouverne tout, a voulu que les animaux de la terre dépendissent des signes du ciel. Il tient, il est vrai, ces signes à une distance extrême de nous ; mais il nous force de reconnaître par expérience qu’ils décident de la vie et des destinées des notions, des mœurs qui caractérisent tous les êtres. Cette vérité n’exige pas de longs raisonnements. Le ciel agit manifestement sur nos campagnes ; il fait la stérilité ou la fertilité de nos moissons ; il agite la mer, il la pousse sur nos côtes et l’en retire : ces deux mouvements opposés de l’océan sont dus à l’action de la lune, qui s’approche et s’éloigne, et à celle du soleil, qui, dans l’espace d’une année, fournit sa vaste carrière. Des animaux, plongés au fond de la mer, et comme emprisonnés dans leurs écailles, sont de même sensibles au mouvement de la lune : ils suivent, reine de Délos, les vicissitudes de votre force et de votre faiblesse. Et vous-même, déesse de la nuit, ne perdez-vous pas votre lumière, en vous plongeant dans les rayons de votre frère ? ne la recouvrez-vous pas, en vous éloignant de lui ? Autant il vous laisse ou vous communique d’éclat, autant vous en renvoyez à la terre, et votre astre est dépendant de sien. Les quadrupèdes même et les autres animaux terrestres, quoique vivant dans une profonde ignorance d’eux-mêmes et des lois de leur existence, rappelés toutefois par la nature au souverain auteur de tout ce qui est, semblent s’élever jusqu’à lui, et se régler sur le mouvement du ciel et des astres. Ceux-ci, par une sorte de lustration, se baignent dès que la lune montre son croissant ; ceux-là présagent les tempêtes et le retour de la sérénité. Après ces exemples, qui pourra douter qu’un rapport intime existe entre le ciel et l’homme, à qui la nature a accordé le don de la parole, un esprit étendu, un génie pénétrant, et en qui, par un unique privilège, la divinité descend, habite, et s’étudie elle-même ? Je passe sous silence d’autres arts proscrits par les lois, féconds en erreurs, et qui sont d’ailleurs étrangers à mon sujet. Je n’insiste pas sur l’inégalité des dons de la nature. Je n’observerai pas qu’il est impossible de résister au destin, que les ordres en sont irrévocables ; que le propre de la matière est d’obéir, celui du ciel de commander. Qui pourrait connaître le ciel, si cette science ne lui venait du ciel ? Qui se formerait une idée de la divinité, s’il n’était lui-même une partie de la divinité ? Qui pourrait juger de la grandeur de ce globe immense et sans bornes, discerner l’ordre des signes, la voûte de feu qui environne l’univers, la marche des étoiles errantes, éternellement opposée à celle des signes célestes, et renfermer ces connaissances dans les étroites limites de son intelligence, si la nature n’avait pas donné des yeux perçants à l’esprit de l’homme, si elle ne tournait pas vers elle-même l’attention de l’âme humaine, douée de la même origine qu’elle, si elle ne présidait pas elle-même à ces sublimes recherches, si ce qui nous appelle au ciel, pour y prendre communication des vérités éternelles, et des lois primordiales que les astres imposent à l’homme naissant,] pouvait venir d’autre part que du ciel ? Niera-t-on que ce ne soit un attentat de prétendre se mettre en possession de l’univers malgré l’univers même, et de le montrer aux habitants de la terre, après en avoir fait en quelque sorte notre captif ? Mais ne nous arrêtons point à prouver par de longs raisonnements une vérité manifeste : l’expérience seule suffit pour lui donner tout le poids, toute l’autorité qu’elle mérite. La raison ne peut être trompée, et elle ne trompe jamais. Suivons la route qui nous a été frayée d’après des principes certains, et l’événement justifiera toujours la prédiction. Or, qui osera taxer de fausseté ce qui reçoit la sanction du succès ? qui se refusera à une telle évidence ? Divinement inspiré pour montrer cette énergie des astres, je ne ramperai point sur terre, et n’écrirai pas pour la multitude. Porté seul sur mon char, je le ferai rouler librement dans l’étendue de l’Olympe, où je ne crains aucune rencontre, où aucune autre main ne m’aidera à le conduire. Mes chants seront écoutés au ciel, ils seront admirés des astres ; le monde se félicitera d’avoir trouvé un poète digne de lui. J’obtiendrai aussi les applaudissements de ce petit nombre de sages que le ciel n’a pas dédaigné d’admettre dans ce séjour sacré, pour qu’ils pussent y puiser la connaissance de ses merveilles. Quant à ceux qui n’ont d’autre passion que celle des richesses, de l’or, de l’autorité, des faisceaux, du luxe, de l’oisiveté, des concerts harmonieux, d’une musique mélodieuse (et le nombre en est grand), ils dédaigneraient d’employer quelques heures à étudier les décrets du destin ; et c’est encore une faveur du destin, qu’une application sérieuse à pénétrer ses lois.
Il faut d’abord observer la nature variée des signes, et les noms qu’ils portent et qui appartiennent aux deux sexes. Six sont masculins, les six autres sont féminins. Le premier de ceux-ci est le taureau : vous le voyez, quand il se lève, reculer, et présenter d’abord la partie postérieure. La différence de sexe est alternative dans toute la suite des signes.
Vous remarquerez aussi des signes à figure humaine ; ils inspireront des mœurs douces et honnêtes : d’autres, représentant des animaux brutes et féroces, imprimeront un caractère analogue. Il faut, en outre, observer qu’il y a des signes simples ; ils sont, dans toute leur étendue, d’une seule et même nature. D’autres sont doubles, et un second associé contribue puissamment à augmenter la force des influences ; la réunion altère en des sens opposés l’énergie réciproque ; l’activité de deux figures ainsi appariées peut n’être pas la même : l’une portera au bien, l’autre au mal. Parcourez les signes, vous y voyez deux poissons, vous y voyez deux gémeaux nus ; ceux-ci parcourent le ciel, en se tenant tendrement embrassés ; ceux-là, opposés l’un à l’autre, semblent tenir des routes différentes. C’est le même nombre de part et d’autre ; mais il faut faire attention aux positions contraires. Au reste, entre les signes doubles, les deux que nous avons nommés possèdent en entier tout ce qui convient à leur nature : ils ne sont point étonnés de se voir surchargés de membres étrangers ; ils ne regrettent la perte d’aucun de ceux qui leur sont propres. Il est d’autres signes auxquels il manque quelques membres : leur corps est composé de parties étrangères les unes aux autres. Tel est le capricorne, tel est aussi ce signe qui, empruntant les membres d’un cheval, tient son arc continuellement tendu : celui-ci a des membres humains, et il n’y en a point dans le capricorne. Il faut de plus observer, dans le grand art dont nous traitons, qu’un signe composé de deux figures entières diffère beaucoup de celui qui n’a qu’une figure composée de deux corps différents.] On met aussi Erigone au nombre des signes doubles : elle l’est, en effet, par sa forme, et par le rapport qu’elle a avec deux saisons : au milieu de la vierge l’été finit, et l’automne commence. Si les signes tropiques du bélier, de la balance, de l’écrevisse et du capricorne sont toujours précédés par des signes doubles, c’est que ces signes réunissent les forces combinées de deux saisons. Ainsi, des deux frères qui précèdent l’écrevisse, celui-ci nous fait jouir de la saison fleurie du printemps, celui-là nous fait éprouver déjà les ardeurs brûlantes de l’été. Ils sont cependant nus l’un et l’autre, parce qu’ils ressentent, l’un la chaleur du printemps qui finit, l’autre celle de l’été qui commence. Le sort du premier est donc le même que celui du second. Le sagittaire est pareillement représenté sous une figure double ; il annonce l’arrivée prochaine du capricorne qui le suit. La saison tempérée de l’automne s’approprie les parties les plus délicates de ce signe, ses membres humains, tandis que sa croupe, hérissée de poils, est l’apanage de l’hiver et en annonce le commencement. Les poissons, dont le bélier est précédé, sont au nombre de deux, et ont rapport à deux saisons : le premier termine l’hiver, le second commence le printemps. Alors le soleil, accourant vers nous, parcourt des signes humides : les pluies d’hiver se marient avec les rosées du printemps ; les unes elles autres revendiquent les poissons, comme leur appartenant.
De plus, trois signes consécutifs semblent s’opposer à la marche des neuf autres : on croirait qu’une guerre intestine va diviser le ciel. Observez qu’en se levant le taureau présente d’abord sa croupe, les gémeaux leurs pieds, l’écrevisse sa cuirasse écailleuse, tandis que les autres signes se lèvent dans une position droite et naturelle. Ne soyez donc pas surpris si le soleil, en parcourant ces signes qui lui font obstacle, retarde sa marche, et rend conséquemment les mois de l’été plus longs que les autres.
Remarquez encore qu’il y a des signes nocturnes et des signes diurnes, et appliquez-vous à les bien distinguer. Cette différence ne vient pas de ce que les uns roulent au-dessus de nous pendant le jour, et les autres durant la nuit : autrement il aurait fallu les désigner tous par le même nom, parce qu’il n’est point d’heure qui ne les voie briller successivement : ils sont sur l’horizon tantôt le jour et tantôt la nuit.] Mais la nature, créatrice de l’univers, a attribué pour toujours à chaque signe des parties du temps absolument invariables. Le titre de signes diurnes est échu en partage au sagittaire, au lion furieux, à celui qui détonne la tête pour contemples l’or de sa toison, aux poissons, à l’écrevisse, au dangereux scorpion : ces signes ou se suivent immédiatement, où sont séparés par des intervalles égaux. Les six autres ou contigus, ou, relativement au lieu qu’ils occupent,] espacés comme les premiers, sont appelés nocturnes. D’autres ont donné le nom de diurnes aux six signes consécutifs commençant par le bélier, chef de tous les signes ; et celui de nocturnes aux six autres qui se suivent, depuis la balance. Enfin il a plu à quelques-uns de regarder comme diurnes les signes masculins, et de reléguer les féminins dans la paix et les ténèbres de la nuit.
Il est des signes qui doivent évidemment leur origine à Neptune : telle est l’écrevisse, qui peuple nos rivières ; tels sont les poissons, qui habitent l’océan et les fleuves. D’autres sont censés avoir une nature terrestre, comme le taureau, chef du gros bétail ; le bélier, fier de son empire sur les bêtes à laine ; le lion, ennemi et destructeur de l’un et de l’autre ; et le scorpion, qui aime à fréquenter les buissons. D’autres signes enfin tiennent une sorte de milieu entre les précédents ; ils réunissent en eux les propriétés des deux éléments associés : ainsi le capricorne tient en partie à la terre, le verseau a un même rapport avec les ondes.
Nous ne devons pas négliger ici les plus petits détails ; tout a sa raison, rien n’a été créé inutilement. La fécondité est une propriété de l’écrevisse, du scorpion âpre à la piqûre, et des poissons, qui peuplent les mers. Mais la vierge est stérile, comme le lion, son voisin : le verseau ne conçoit, ou du moins n’engendre aucun fruit. Le capricorne, dont le corps est formé de membres disparates, tient le milieu entre ces deux extrêmes, ainsi que le sagittaire, qui fait briller l’arc dont il est armé. Le bélier est dans la même classe, et y retient avec lui la balance qui égale la nuit au jour, les gémeaux et le taureau.
N’allez pas croire que ce soit sans motifs que la nature a donné aux signes différentes attitudes. Les uns sont courants, comme le lion, le sagittaire, et le bélier aux cornes menaçantes. D’autres sont debout, entretenant tous leurs membres dans un juste équilibre, tels que la vierge, les gémeaux et le verseau, qui vide continuellement son urne. Quelques-uns, images naturelles des esprits indolents, sont osais, comme s’ils étaient accablés de lassitude tels sont le taureau, qui s’assoupit sur le joug dont il est affranchi ; la balance, qui se repose de la fatigue d’un long travail ; et vous, capricorne, dont un froid glacial contracte tous les membres. Les autres enfin sont couchés, comme l’écrevisse affaissée sur son large ventre, comme le scorpion allongé sur la terre, comme les poissons, qui restent toujours obliquement étendus sur le côté.
Si vous examinez le ciel avec attention, vous vous apercevrez qu’il y a des signes privés de leurs membres. Le scorpion n’a point de serres ; la balance les absorbe ; le taureau s’affaisse sur une jambe recourbée qui ne peut le soutenir : l’écrevisse est aveugle il reste un œil au sagittaire, qui a perdu l’autre. C’est ainsi que le ciel nous console de nos malheurs ; il nous apprend par ces exemples à les supporter patiemment, puisque nous voyons tous les événements dépendre de lui, et les signes célestes eux-mêmes n’être point exempts de ces disgrâces.
Les signes se distinguent encore par leurs rapports avec les saisons. Les gémeaux donnent naissance à l’été, la vierge à l’automne ; l’hiver commence au sagittaire, le printemps aux poissons : trois signes consécutifs sont attribués à chacune des quatre saisons ; les signes d’hiver sont opposés aux signes d’été, ceux du printemps à ceux de l’automne.
Il ne suffit pas de connaître les qualités propres à chacun des douze signes : ils s’allient ensemble, et nos destinées dépendent de leurs combinaisons ; ils se prêtent des forces relatives à leur énergie, et au lieu qu’ils occupent. Suivez la courbure du cercle entier des signes, et portez une même ligne trois fois sur sa circonférence, de manière que la division se termine au point précis où elle a commencé : les signes que déterminera l’extrémité de cette ligne sont nommés trigones, parce que les trois angles formés par l’inflexion de la ligne tombent sur trois signes séparés les uns des autres par trois signes intermédiaires. C’est ainsi que le bélier voit à des intervalles égaux, mais de deux côtés différents, les signes du lion et du sagittaire : le capricorne est dans la même position relativement à la vierge et au taureau : les autres signes trigones sont pareillement espacés à de semblables distances. Mais si la ligne, devenant dans son inflexion perpendiculaire à elle-même, divise le cercle en quatre parties égales, les signes où cette ligne rebrousse sont nommés tétragones. C’est ainsi que le capricorne regarde la balance, et est regardé par le bélier ; c’est ainsi qu’à des distances égales l’écrevisse voit le bélier, et est vue de la balance, qui la suit à sa gauche ; car tout signe qui précède un autre signe est censé être à sa droite. On peut, sur ce modèle, faire d’autres distributions pareilles, et trouver dans les douze signes trois suites de signes tétragones, qui suivent l’ordre que nous venons de proposer, et qui ont la même énergie.
Mais si quelqu’un se contentait de déterminer les tétragones en divisant le ciel de quatre en quatre signes, ou les trigones en étendant la division jusqu’au cinquième signe, il serait fort éloigné de découvrir par ce procédé les forces réunies, les positions heureuses, les aspects favorables, les relations réciproques des astres. En effet, quoiqu’on ait exactement compté cinq signes, celui qui serait né sous l’aspect de ces signes ainsi espacés n’éprouverait pas pour cela l’influence du trigone : ce serait un trine aspect, mais de nom seulement ; il n’en aurait ni le nombre, ni la vraie position, ni par conséquent les propriétés. Les degrés du cercle des signes parcouru par l’astre brûlant de Phébus sont au nombre de trois cent soixante ; le tiers de ce nombre doit former le côté du trigone, puisque le trigone divise le cercle en trois parties égales. Or vous ne trouverez pas cette somme, si vous vous contentez de compter depuis un signe jusqu’à l’autre, au lieu de compter depuis tel degré du premier signe jusqu’à pareil degré du second. La raison en est que, quoique vous ayez deux signes séparés l’un de l’autre par trois intermédiaires, si vous comptez depuis le commencement du premier signe jusqu’à la fin du cinquième, la somme s’étendra jusqu’à cent cinquante degrés ; elle sera trop forte, et empiétera sur le second côté du trigone. Donc, quoique les signes soient trigones entre eux, leurs degrés que l’on compare ne le sont pas. On se tromperait également en suivant le même procédé pour les signes tétragones. Trois fois trente degrés sont la quatrième partie de la circonférence du cercle des signes : or, si pour côté du tétragone vous tirez une ligne depuis le premier degré du premier signe jusqu’au dernier degré du quatrième, vous aurez un côté de deux fois soixante degrés. Si, au contraire, on ne compte que depuis le dernier degré du signe précédent jusqu’au premier du signe suivant, la ligne traversera les deux signes intermédiaires, et restera bornée à cette longueur ; elle ne sera que de deux fois trente degrés, trop courte d’un tiers : en vain l’on dira qu’on a compté depuis un signe jusqu’au quatrième signe suivant ; la valeur d’un signe s’évanouit dans la supputation des degrés. Il ne suffit donc pas de régler le trigone par le nombre de cinq signes, ni de donner quatre signes à chaque côté du tétragone. Si vous voulez obtenir un tétragone régulier, ou un trigone dont les trois côtés soient parfaitement égaux, prenez une étendue de cent degrés, augmentée d’une part de sa cinquième partie, diminuée de l’autre de sa dixième, et vous aurez les mesures précises qu’il faut employer. Alors tous les points du cercle des signes où le trait diviseur formera un angle du tétragone, et tous ceux où la ligne qui détermine les côtés du trigone rebroussera pour former un nouveau côté, ont reçu de la nature une liaison étroite, une association d’activité, un droit réciproque de se seconder. Il s’ensuit que toute activité ne ressent pas les influences des signes trigones de celui qui la domine ; et que deux signes peuvent être en quadrat aspect, sans avoir entre eux la correspondance qui conviendrait à des tétragones. En effet, un aspect qui mesure exactement la circonférence du cercle est fort différent de celui qui se refuse à cette mesure exacte, et qui, répété trois ou quatre fois, s’étend à plus de signes qu’il n’y en a dans toute la circonférence du cercle céleste. Au reste, l’énergie des signes trigones est fort supérieure à celle des tétragones. Le côté de ces derniers est plus élevé, plus voisin du ciel : la ligne, au contraire, qui forme le côté du trigone est plus voisine de nous, plus éloignée du ciel ; les signes trigones regardent la terre de plus près, ils nous font respirer un air plus imprégné de leurs influences.
On a aussi assigné des rapports, mais moins certains, aux signes qui se suivent alternativement. La liaison réciproque de ces signes est peu constante, parce que la ligne qui décrit l’hexagone se laisse courber comme malgré elle, après n’avoir sous-tendu qu’un petit arc. Cette trace est en effet formée en passant successivement un signe, et en se courbant en angle au signe suivant : elle éprouve en conséquence six rebroussements : du taureau elle passe à l’écrevisse ; de là, après avoir touché la vierge, elle entre dans le scorpion ; elle va vous joindre ensuite, capricorne glacé, et vous quitte pour aller aux poissons : elle termine enfin la division au signe du taureau, où elle l’avait commencée. Le trait du second hexagone doit passer par tous les signes que le premier hexagone n’a pas touchés, et exclure tous ceux qui viennent d’être nommés ; il est d’ailleurs, dans sa marche et pour le nombre de ses rebroussements, entièrement semblable au premier. Les signes de l’hexagone ne se voient donc qu’indirectement, ils sont obligés de détourner les yeux, et ne se regardent que de côté ; ils voient à peine leur voisin : un aspect direct est bien plus efficace. Un troisième signe est comme caché, l’enfoncement des angles étant presque insensible.] D’ailleurs, lorsque la ligne qui joint les signes est si voisine de la convexité du ciel, et qu’elle ne passe alternativement les signes que de deux en deux, elle erre en quelque sorte au plus haut du ciel ; son activité s’exerce fort loin de nous, et elle ne peut nous transmettre que de faibles influences. Toutefois ces signes sont amis à titre d’affinité, parce qu’en raison de leur position alternative ils sont tous d’un même sexe : les signes masculins correspondent aux signes masculins, et les féminins entretiennent entre eux un commerce réciproque. Ainsi, quoique ces signer ne soient qu’alternatifs, la nature cède à leur influence ; ils ont entre eux des affinités fondées sur la ressemblance du sexe.
Les signes qui se touchent ne peuvent former entre eux aucune liaison, l’amitié ne pouvant exister entre ceux qui ne se voient point. Une secrète inclination unit les astres avec les astres éloignés, parce que ceux-ci sont à la portée de leur vue. Les astres voisins sont d’ailleurs de sexe différent : un signe masculin est pressé de part et d’autre par deux féminins : la concorde est impossible entre des signes si disparates.
Les signes qui se suivent de six en six ne peuvent se communiquer aucune activité, en ce que la ligne qui les unit étant redoublée ne peut jamais terminer le cercle : elle formera un second côté, le long duquel deux signes extrêmes en renfermeront quatre intermédiaires : mais la circonférence sera complète avant que le troisième côté soit terminé.
Quant aux astres qui lancent leurs feux des parties les plus éloignées du monde, et qui, suspendus en des points de l’espace directement opposés, sont séparés les uns des autres de toute l’étendue du ciel ou d’un intervalle de sept signes, leur éloignement, quel qu’il soit, ne nuit pas à leur activité : ils réunissent leurs forces, ou pour allumer la guerre ou pour procurer la paix, suivant les circonstances qui les déterminent ; les étoiles errantes pouvant leur inspirer tantôt des pensées de concorde, et tantôt le désir de tout brouiller. Voulez-vous connaître les noms des signes qui sont en opposition, et les lieux qu’ils occupent dans le ciel ? Observez que le solstice d’été est opposé aux frimas, l’écrevisse au capricorne, le bélier à la balance ; le jour est égal à la nuit dans ces deux signes ; Erigone est opposée aux poissons, le lion au verseau et à son urne : quand le scorpion est au haut du ciel, le taureau en occupe le bas ; enfin le sagittaire disparaît, lorsque les gémeaux montent sur l’horizon. Les signes contraires observent réciproquement leurs cours.] Quoique les signes contraires soient diamétralement opposés, leur nature les rend souvent amis, et de la ressemblance de sexe naît une mutuelle bienveillance. C’est un signe masculin opposé à un masculin, ou bien les signes opposés sont tous les deux de l’autre sexe. Les poissons et la vierge s’avancent contrairement l’un à l’autre ; ils sont cependant disposés à s’entraider ; la nature agit plus fortement que l’opposition directe ; mais cette ressemblance de nature a moins d’énergie que l’opposition des saisons. L’écrevisse, signe féminin, vous est hostile, ô capricorne, quoique vous soyez du même sexe ; mais c’est que l’hiver et l’été diffèrent trop : d’un côté, les glaces, les frimas, les campagnes blanchies par la neige ; de l’autre, la soif ardente, les sueurs, les coteaux arides et desséchés ; ajoutez que les nuits froides de l’hiver égalent les jours de l’été. Ainsi la nature paraît se contrarier elle-même, et l’année ne ressemble point à l’année ; il n’est donc pas étonnant que de tels signes ne puissent s’accorder entre eux. Mais il n’y a pas une répugnance entière entre le bélier et la balance, quoique le printemps et l’automne soient deux saisons différentes, que l’une produise les fleurs, et que l’autre porte les fruits à parfaite maturité. Ces deux signes ont un rapport commun, l’égalité des jours et des nuits : ils nous procurent deux saisons dont la température est semblable ; douce température qu’ils entretiennent de concert, et qui est l’effet de la position de ces deux signes à une égale distance des deux solstices. De tels astres ne peuvent avoir l’un pour l’autre une antipathie déclarée. Tels sont les rapports d’aspect qu’on peut remarquer entre les signes.
Après ces observations, notre soin principal doit être de rechercher quels sont les dieux qui président à chaque signe, et quels sont les signes que la nature amis plus particulièrement sous la protection de chaque dieu, dès le temps où, donnant aux plus augustes vertus le caractère de la divinité, elle nous en a représenté l’énergie sous des noms sacrés, afin que la majesté de la personne nous rendit la chose plus respectable. Pallas protège le bélier, la déesse de Cythère le taureau, Apollon les aimables gémeaux. Vous présidez, Mercure, à l’écrevisse ; et vous, Jupiter, vous commandez au lion, avec la mère des dieux. La vierge, avec son épi, appartient de droit à Cérès, et la balance à Vulcain, qui l’a forgée. Le scorpion belliqueux s’attache à Mars ; Diane protège le chasseur, moitié homme et moitié cheval. Le capricorne rétréci est attribué à Vesta ; le verseau, astre de Junon, est opposé à celui de Jupiter : Neptune revendique au ciel les poissons, comme originaires de son empire. Ces principes peuvent vous être d’un grand secours pour pénétrer dans la science de l’avenir. Lorsque vous promettez votre pensée parmi les étoiles et les signes célestes, vous devez tirer des conséquences de tous leurs rapports, de tous leurs mouvements, afin que les règles de l’art vous fassent découvrir tous les ressorts de la puissance divine, et que votre certitude soit aussi inébranlable que les arrêts du ciel.
Remarquez la distribution des parties du corps humain entre les signes célestes, et la dépendance où est chaque membre de son propre signe, qui déploie principalement sur lui toute l’énergie de son pouvoir. Le bélier, chef de tous les signes, a reçu la tête en partage : le cou, embelli par les grâces, est celui du taureau les bras jusqu’aux épaules sont échus par le sort aux gémeaux : la poitrine est placée sous le pouvoir de l’écrevisse :les flancs et les épaules appartiennent au lion : les reins sont le propre apanage de la vierge : la balance préside aux parties charnues sur lesquelles on s’assied, le scorpion à celles de la génération : les cuisses sont du ressort du sagittaire : le capricorne commande aux deux genoux : les jambes forment l’empire de verseau ; et les poissons exercent leur empire sur les pieds.
Les astres ont de plus entre eux certains rapports particuliers, suivant lesquels ils se forment à eux-mêmes d’autres espèces de correspondance. Ils se regardent, ils s’écoutent les uns les autres ; ils s’aiment, ils se haïssent ; quelques-uns ne tournent que vers eux-mêmes des regards complaisants. Il arrive de là que des signes opposés se prêtent quelquefois des secours ; que d’autres, liés par des affinités, se font réciproquement la guerre ; que quelques-uns, quoique dans des aspects défavorables, versent sur les hommes, à leur naissance, le germe d’une amitié inaltérable ; que quelques autres enfin, résistant à l’impulsion et de leur nature et de leur position, s’évitent mutuellement. La cause en est que Dieu, en donnant des lois au monde, inspira diverses affections aux signes célestes ; il assortit entre eux les yeux de ceux-ci, les oreilles de ceux-là ; il en unit quelques-uns par les liens d’une étroite amitié de manière que ces signes pussent en voir, en écouter d’autres, aimer ceux-ci, faire à ceux-là une guerre éternelle ; que plusieurs même fussent tellement satisfaits de leur sort, qu’ils n’eussent d’inclination que pour eux seuls, qu’ils se portassent une affection exclusive. Nous voyons des hommes de ce caractère ; ils le tiennent des astres qui ont présidé à leur naissance. Le bélier est son propre conseil à lui-même, cela convient à un chef ; il s’écoute, regarde la balance, et s’abuse en aimant le taureau. Ce dernier lui tend des embûches, et voit plus loin les poissons étincelants, il les écoute : mais son âme est éprise de la vierge. Tel il avait autrefois porté sur son dos la belle Europe, qui de sa main gauche se retenait à ses cornes : il prêtait alors sa forme à Jupiter. L’oreille des gémeaux se porte vers le jeune homme qui fournit aux poissons des eaux intarissables ; les poissons sont l’objet de leur complaisance, le lion celui de leur attention. L’écrevisse et le capricorne, diamétralement opposés, se regardent eux-mêmes et se prêtent réciproquement l’oreille : l’écrevisse cherche à faire tomber le verseau dans ses pièges. Le lion dirige sa vue vers les gémeaux, son oreille vers le sagittaire ; il aime le capricorne. Erigone regarde le taureau, écoute le scorpion, et cherche à tromper le sagittaire. La balance se consulte elle-même : elle ne voit que le bélier, elle chérit tendrement le scorpion, qui est au-dessous d’elle. Celui-ci voit les poissons, et hait souverainement la balance. Le sagittaire prête habituellement une oreille attentive ou terrible lion ; il ne détourne pas les yeux de l’urne de verseau ; entre tous les signes, il n’affectionne que la vierge. Le capricorne au contraire se contemple lui-même : pourrait-il porter sa vue sur un signe plus noble ? Il a eu le bonheur d’éclairer la naissance d’Auguste : il écoute l’écrevisse, qui brille à la partie la plus élevée du ciel. Le verseau, toujours nu, écoute attentivement les gémeaux ; il cultive l’amitié de la brûlante écrevisse, et regarde les flèches acérées de sagittaire. Les poissons tournent la vue vers le bouillant scorpion, et désirent entendre le taureau. Telles sont les propriétés que la nature a données aux signes, lorsqu’elle les a placés au ciel : ceux qui naissent sous eux ont les mêmes inclinations ; ils écoutent volontiers ceux-ci, voient ceux-là avec plaisir ; ils baissent les uns, et ont la plus tendre amitié pour les autres ; ils tendent des pièges à celui-ci, et ils se laissent tromper par celui-là.
Il règne même des inimitiés entre les trigones : le trait de la ligne qui les forme, étant alternativement posé, occasionne des guerres entre eux. C’est ainsi que la nature est toujours uniforme dans ses opérations. Le bélier, le lien, le sagittaire, unis pour faire un seul trigone, ne veulent se prêter à aucune alliance avec le trigone formé par la balance, les gémeaux et le verseau. Deux causes nous forcent à reconnaître la réalité de cette inimitié : les trois premiers signes sont en opposition directe avec les trois autres, et de plus il existe une guerre éternelle entre l’homme et la bête. La balance a une figure humaine ; le lion en a une différente. Les animaux brutes plient sous l’homme, parce que la raison doit l’emporter sur les plus grandes forces. Le lion brille au ciel, mais après avoir été vaincu ; le bélier ne doit cet honneur qu’à sa riche toison, qui lui fut enlevée ; le sagittaire même, considéré dans les parties qu’il tient du cheval, est dompté par l’homme. La puissance de l’homme est telle, que je serais fort étonné si le trigone de l’éclatante balance pouvait être vaincu par ces trois animaux brutes. Il est une observation plus simple encore, que l’on peut faire sur les signes célestes. Tous les signes qui brillent sous une forme humaine sont ennemis, et restent vainqueurs de ceux qui n’ont que des figures d’animaux. Mais ils ont chacun des sentiments qui leur sont propres, et ils livrent des combats à leurs ennemis secrets. Ceux à la naissance desquels préside le bélier sont en lutte contre ceux qui naissent sous la vierge ou sous la balance, contre ceux enfin que l’eau des deux poissons a vus naître. Quiconque voit le jour sous le taureau se défendra contre ceux qui doivent leur existence à l’écrevisse, à la balance, au scorpion ardent, et aux poissons. Quant à ceux qu’engendrent les gémeaux, ils sont en guerre avec le bélier et tout son trigone. Ceux qui sont nés sous l’écrevisse sont continuellement harcelés par ceux qui ont vu le jour sous le capricorne, la balance, le signe da la vierge et celui du taureau, dont la marche est contraire à la leur. Le lion rugissant a les mêmes ennemis que le bélier, les mêmes signes à combattre. Erigone craint les assauts du taureau, du sagittaire armé de son arc, des poissons, et les vôtres aussi, capricorne glacé. La balance a une foule d’ennemis, le capricorne et l’écrevisse, directement opposés l’un à l’autre, et formant avec elle un tétragone ; et de plus tous les signes qui composent le trigone du bélier. Les ennemis du scorpion ne sont pas moins nombreux : ce sont le jeune homme épanchant son urne, les gémeaux, le taureau, le lion ; il évite aussi Erigone et la balance, de laquelle il est redouté lui-même. Ceux qui naissent sous les gémeaux, la balance, la vierge et le verseau, oppriment, autant qu’il est en eux, ceux que le sagittaire a vus naître ; et ces mêmes signes, par une suite nécessaire de leur nature, haïssent ceux que le capricorne a formés. Ceux qui sont, en naissant, arrosés des eaux que le verseau ne cesse de répandre, ont à repousser les attaques du lion de Némée et de tout son trigone, troupe d’animaux brutes, auxquels un jeune homme seul a le courage de résister : le verseau, voisin des poissons, attaque ceux qui leur doivent le jour : il est secondé dans cette guerre par les gémeaux, par ceux qui sont nés sous la vierge, par ceux enfin à la naissance desquels la sagittaire a présidé. Plusieurs causes concourent à inspirer aux hommes des inimitiés réciproques, à faire germer en eux des semences de haine ou d’affection mutuelle, dès l’instant de leur naissance. D’ordinaire les signes pris de trois en trois se haïssent ; ils ne se voient qu’obliquement, et cet aspect est mauvais. En quelque lieu du ciel que l’on considère deux signes opposés, placés à sept signes l’un de l’autre, et se jetant par conséquent des regards opposés, on remarquera toujours que les signes qui forment le trigone d’un de ces signes sont troisièmes l’un et l’autre à l’égard de l’autre signe. Or est-il étonnant que des signes ne puissent se concilier avec d’autres signes, qui regardent leur ennemi sous le plus favorable aspect ? tant sont nombreuses les combinaisons de signes qui inspirent aux hommes naissants des haines réciproques ; tant doivent être fréquents les effets de cette espèce d’influence! C’est pour cela qu’une tendre et sincère amitié est le plus précieux et le plus rare présent de la nature. On ne cite qu’un seul Pylade, on ne cite qu’un seul Oreste qui ait voulu mourir pour son ami c’est, dans le cours de plusieurs siècles, le seul exemple que nous ayons d’un semblable débat, l’un se dévouant de grand cœur à la mort, l’autre ne voulant pas le permettre. Ce bel exemple a eu depuis deux imitateurs : le répondant formait des vœux pour que son ami ne pût revenir celui-ci craignait que le premier ne fût victime de son amitié. Oui, qu’on remonte le cours des années, des âges, des générations ; qu’on jette un coup d’œil sur toutes ces guerres, sur les calamités qui nous affligent, même eu temps de paix ; on conviendra que, si la fortune cherche la probité, la bonne foi, il s’en trouve à peine quelque vestige. Au contraire, quelle énorme quantité de crimes dans tous les siècles! sous quel poids de dissensions et de haines la terre s’est vue accablée, sans qu’on pût alléguer aucune raison qui les justifiât! Les pères et les mères sont vendus et livrés à la mort par des fils ingrats ; le soleil recule à l’aspect des crimes, et refuse d’éclairer la terre]. Parlerai-je des villes renversées, des temples profanés, des forfaits commis au sein de la paix, des empoisonnements fréquents, des pièges tendus dans le forum, des assassinats dans les villes, des horreurs auxquelles une multitude effrénée se livre sous le voile de l’amitié ? Le crime est épidémique, tout regorge de fureurs. Justice, injustice, tout est confondu la scélératesse se couvre du manteau de la loi pour exercer sa barbarie ; les forfaits sont enfin devenus plus grands que les supplices. Si la paix a disparu de la terre, si la bonne foi est devenue si rare, si l’on en voit si peu d’exemples, c’est sans doute parce qu’un trop grand nombre de signes jette dans le cœur des hommes naissants des semences de discorde. Le ciel n’étant pas d’accord avec lui-même, il doit en être de même de la terre : une fatalité impérieuse entraîne les nations à des haines implacables.
Si vous désirez cependant connaître les signes amis, ceux qui réunissent les cœurs par de tendres liens et se secondent réciproquement, joignez le bélier aux autres signes de son trigone. Toutefois le bélier a plus de générosité : il favorise ceux qui sont nés sous le lion ou sous le sagittaire, avec plus de franchise qu’il n’est favorisé lui-même par ces deux signes. Il est d’un naturel plus traitable ; on peut lui nuire impunément, il n’use d’aucun artifice ; son caractère est aussi doux que sa toison. Les deux autres signes sont farouches et cupides ; leurs indications vénales les portent quelquefois à sacrifier la bonne foi à leurs intérêts, et à oublier les bienfaits qu’ils ont reçus. Il faut cependant remarquer que l’influence du sagittaire, signe composé, qui tient en partie de l’homme, est plus efficace que la vôtre, ô lion de Némée, qui n’avez qu’une forme simple! Pour toutes ces raisons, les trois signes vivent en paix, mais non sans quelque mélange de discorde. Le taureau est pareillement uni avec le capricorne, niais cette union n’est pas plus solide que celle des signes précédents. Ceux qui naissent sous le taureau ont une tendre amitié pour ceux que produit la vierge ; mais il s’y mêle de fréquents sujets de plainte. Ceux qui voient le jour sous la balance, le verseau et les gémeaux, n’ont qu’un cœur et qu’une âme ; leur union est indissoluble ; ils ont aussi l’heureux talent de se faire un grand nombre d’amis. Le scorpion et l’écrevisse réunissent par les liens d’une amitié fraternelle ceux à la naissance desquels ils président ; et cette union s’étend à ceux qui naissent sous les poissons. Mais la ruse vient souvent se mêler à ce commerce ; le scorpion, sous le voile de l’amitié, enfante des querelles. Pour ceux que les poissons éclairent au moment de leur naissance, ils ne sont jamais fermes dans un même sentiment ; ils en changent souvent ; ils rompent et renouent leurs liaisons : sous un extérieur serein, ils cachent des haines secrètes, mais peu constantes. Telles sont les inimitiés, telles sont les sympathies annoncées par les astres : telles sont les destinées des hommes, prononcées dès l’instant de leur naissance. Il ne faut pas considérer les signes célestes seuls, et comme isolés les uns des autres : leur position altère leurs propriétés ; leurs aspects changent leur influence : le tétragone a ses droits, le trigone a les siens ; il en faut dire autant de la ligne qui divise le cercle en six parties égales, et de celle qui traverse diamétralement le ciel. En conséquence, l’état actuel de ciel tantôt augmente et tantôt diminue l’énergie des signes ; ils concevront ici des inimitiés que, transportés ailleurs, ils déposeront : car leur activité n’est pas la même lorsqu’ils se lèvent, lorsqu’ils montent ou lorsqu’ils descendent sous l’horizon.] Les signes opposés se haïssent le plus souvent : il y a de l’affinité entre les signes d’un tétragone, de l’amitié entre ceux d’un trigone. La raison n’en est pas difficile à concevoir. Les signes que la nature a espacés de quatre en quatre ont entre eux des rapports évidents. Quatre de ces signes divisent le ciel en quatre parties, que Dieu même a établies pour déterminer les quatre saisons de l’année. Le bélier donne naissance au printemps, l’écrevisse aux dons de Cérès, la balance à ceux de Bacchus, le capricorne à l’hiver et aux mois glacés par la rigueur des frimas. Les signes doubles sont pareillement espacés de quatre en quatre : ce sont les deux poissons, les deux gémeaux, la vierge, qui est censée être un signe double, et le sagittaire, composé d’homme et de cheval, ne formant cependant qu’un seul corps. Les signes simples enfin sont pareillement disposés en tétragone : le taureau n’a point d’associé ; nul n’est le compagnon du terrible lion ; le scorpion, sans collègue, ne craint personne ; le verseau est au rang des signes simples. Ainsi tous les signes qui dans le ciel sont disposés en tétragone ont entre eux un rapport relatif ou à leur figure ou aux saisons qu’ils président. Ceux-ci sont unis entre eux par une affinité naturelle ; ils désignent en conséquence les parents, les alliés, ceux qui tirent leur origine d’une même source : les signes qui les suivent immédiatement exercent leur action sur les voisins, et les quatre autres sur les hôtes : tel est l’ordre de l’influence de ces huit derniers signes, relatifs à leur différente distance des quatre signes cardinaux des saisons. Mais quoique ces signes, divisant le ciel en quatre parties égales, forment de vrais tétragones, ils ne possèdent cependant pas toutes les propriétés de cet aspect : l’analogie de leurs figures a moins de force que leur place aux points cardinaux des saisons. Le côté du trigone, parcourant trois signes entiers intermédiaires, est plus long, occupe un plus grand espace que le côté du tétragone. Aussi les signes d’un trigone unissent nos cœurs par le charme d’une tendre amitié, dont la force égale celle du sang et de la nature. Se regardant à de plus grandes distances, ils n’en ont que plus d’activité pour nous faire franchir l’intervalle qui nous tenait séparés. Cette douce affection qui réunit les âmes est sans doute préférable aux liaisons, souvent trompeuses, que la parenté seule a formées. Combinez les signes avec leurs parties, et ces parties avec les signes car ici rien d’isolé ne peut avoir d’effet : toutes les parties du ciel sont dans une dépendance réciproque les unes des autres ; elles se communiquent mutuellement leur énergie ; c’est ce que j’expliquerai bientôt dans un ordre convenable. Dans l’art dont nous traitons, il ne faut négliger aucun de ces détails, si l’on veut distinguer les signes favorables de ceux qui sont pernicieux.
Considérez maintenant un objet, bien simple en apparence, mais en réalité très important. Je ne puis le désigner que par un terme, celui de dodécatémorie, qui exprime bien la nature de la chose. Chaque signe céleste a trente degrés : on divise cette étendue en douze parties égales ; et l’on conçoit facilement que chaque partie comprendra deux degrés et demi. Il est donc certain que telle est la mesure précise de la dodécatémorie, et que dans chaque signe il y a douze dodécatémories, que le créateur de l’univers a attribuées aux douze signes célestes, afin qu’ils se trouvassent tous réunis par des combinaisons alternatives ; que le ciel fût partout semblable à lui-même ; que tous les signes se renfermassent réciproquement les uns les autres ; que, par cette communication mutuelle, tout fût entretenu en paix, et que l’intérêt, devenu commun, contribuât à la conservation de la machine. Des enfants peuvent donc naître sous un même signe, et avoir des mœurs différentes, des inclinations opposées. Quelle variété ne voyons-nous pas dans la production des animaux ? Après un mâle naît une femelle, et c’est le même signe qui a éclairé les deux naissances. C’est que le signe varie lui- même par l’effet de sa division : sa dodécatémorie change l’influence qu’il devrait naturellement avoir. Mais quelles sont les dodécatémories du chaque signe ? à qui faut-il les attribuer ? dans quel ordre faut-il les compter ? C’est ce que je vais expliquer, pour que vous puissiez éviter toute incertitude, toute erreur dans la pratique de ces divisions. La première dodécatémorie d’un signe appartient à ce signe même, la seconde au signe qui suit immédiatement, les autres aux signes suivants, toujours dans le même ordre, jusqu’au dernier signe, auquel on attribuera la dernière dodécatémorie. Ainsi chaque signe s’attribue successivement deux degrés et demi, et la somme totale rend les trente degrés compris dans l’étendue de chaque signe.
Les dodécatémories ne se bornent pas à une seule espèce ; il est plus d’un moyen de les déterminer. La nature a lié la vérité à différentes combinaisons ; elle a croisé les routes qui conduisent jusqu’à elle, afin que nous la cherchassions partout. Voici donc, sous le même nom de dodécatémorie, une autre espèce de combinaison. Remarquez le degré où se trouve la lune au moment d’une naissance ; multipliez ce degré par douze, parce que c’est là le nombre des signes qui brillent au plus haut du ciel. Sur le produit, attribuez au signe où est la lune le nombre de degrés dont elle est avancée dans ce signe, sans oublier les degrés qui lui restent à parcourir dans le même signe, et donnez trente degrés par ordre aux signes suivants. Lorsqu’il vous restera moins de trente degrés, divisez ce reste en parties égales de deux degrés et demi chacune, et attribuez ces parties au signe sur lequel vous vous êtes arrêté, et à ceux qui le suivent.] Le signe où cette distribution sera épuisée sera celui de la dodécatémorie de la lune. Cet astre occupera ensuite les dodécatémories suivantes, conformément à l’ordre des signes célestes.
Pour ne pas vous tromper dans toute cette science, remarquez ce qui suit. La dodécatémorie la moins étendue est la plus efficace, parce que c’est dans les parties mêmes de la dodécatémorie qu’on trouve la base d’une nouvelle dodécatémorie. Pour cela divisez la première en cinq parties, parce qu’on voit briller au ciel cinq étoiles errantes : chacune de ces étoiles s’attribuera un demi degré, et dans ce partage elle acquerra de nouveaux droits, une pins grande activité. Il faut donc observer en quelle dodécatémorie sont les planètes, et le temps où elles s’y trouvent ; car la dodécatémorie à laquelle il faut rapporter une planète ne manquera pas de produire un effet proportionné à l’énergie de cette planète. Il ne faut négliger aucune de ces combinaisons, qui sont le fondement de tous les événements. Mais je reviendrai à cet objet, et je le traiterai dans l’ordre convenable. Il me suffit, pour le présent, d’avoir dévoilé plusieurs vérités, en démontrant l’usage qu’on en pouvait faire. Par là l’intelligence des parties séparées facilitera celle du tout ; et mes chants pourront plus facilement persuader les vérités générales, lorsque j’aurai fait concevoir les ventes particulières. On apprend d’abord aux enfants à connaître la forme et le nom des lettres ; on leur en montre l’usage, ou leur enseigne ensuite à les réunir pour en former des syllabes ; bientôt la lecture des mots les conduit à la connaissance de leur construction ; alors on leur fait concevoir la force des expressions et les règles de l’art ; ils parviennent successivement à arranger des pieds, à former des vers : il faut qu’ils aient passé par tous les préliminaires précédents ; si on ne les avait pas bien affermis dans ces premières connaissances, si les maîtres s’étaient trop pressés, les préceptes prématurés seraient devenus inutiles, parce qu’on n’aurait pas observé la marche convenable. Ainsi, m’étant proposé de parcourir dans mes chants l’univers entier, de dévoiler les secrets les plus impénétrables du destin, d’en assujettir même l’exposition au langage des Muses, de faire descendre la divinité du haut du ciel, où elle a son trône ; je dois avancer par degrés vers ce but, et expliquer chaque partie dans l’ordre convenable, afin qu’après les avoir toutes comprises, on puisse en tirer plus facilement la connaissance de leurs différents usages. Lorsque l’on veut construire une ville sur la cime inculte de quelque montagne, le fondateur, après avoir choisi l’éminence qu’il veut entourer de murs, ne commence pas d’abord l’ouverture du fossé : il commence par méditer sur l’ensemble de son projet. Aussitôt le chêne tombe sous des coups redoublés, la forêt abattue s’étonne de voir un nouveau soleil et des astres qui lui avaient été si longtemps inconnus ; les oiseaux, les bêtes sauvages, chassés de leurs anciennes retraites, sont obligés d’en chercher d’autres. Ici l’on tire de la carrière la pierre qui doit servir à la construction des murs, on arrache des entrailles de la terre le marbre qui décorera les temples ; là on donne au fer la trempe qui doit le durcir : tous les arts, tous les métiers concourent à ces préparatifs ce n’est qu’après tous ces préliminaires qu’on procède à l’exécution du plan projeté ; si l’on eût renversé cet ordre, mille obstacles auraient interrompu la construction. De même, avant d’exécuter la haute entreprise que j’ai formée, je dois rassembler d’abord les matériaux, sans entrer dans le détail de leurs usages grâce à cette marche, les raisons que j’en donnerai ensuite seront plus intelligibles, et le fil de mes raisonnements ne sera pas interrompu par de nouvelles choses qu’il faudrait expliquer.
Appliquez-vous donc à bien connaître les cercles cardinaux ils sont au nombre de quatre, leur position dans le ciel est toujours la même ; ils font varier les vertus des signes qui les traversent. Le premier, placé dans la partie où le ciel s’élève sur l’horizon, commence à voir la terre également divisée. Le second répond à la partie du ciel directement opposée ; là les astres nous abandonnent, et se précipitent dans le Tartare. Le troisième a sa place au plus haut du ciel, où Phébus fatigué arrête ses chevaux hors d’haleine, s’apprête à faire baisser le jour, et détermine la longueur des ombres méridiennes. Le quatrième occupe le plus bas du ciel, dont il peut s’enorgueillir d’être comme le fondement : c’est là que les astres cessent de descendre, et commencent à remonter vers nous ; ce cercle voit leur lever et leur coucher à des distances égales. Ces quatre parties du ciel ont la plus grande activité ; elles influent le plus puissamment sur les destinées des hommes, parce qu’elles sont comme les gonds célestes sur lesquels l’univers est inébranlablement appuyé. En effet, si le ciel, emporté par un mouvement circulaire et continuel, n’était retenu par ces cercles, s’il n’était pas fortement retenu tant sur les deux côtés qu’à son point le plus élevé et à sa partie la plus basse, toute la machine croulerait bientôt, et s’anéantirait.
Cependant chaque cercle cardinal a une énergie différente, et variée suivant la place et le rang qu’il occupe. Le premier est celui qui domine au plus haut du ciel, et qui, par un trait imperceptible, le divise en deux parties égales : il est le plus noble de tous, à raison de la place éminente où il est élevé. Ce poste sublime exige qu’il ait sous sa protection tout ce qui est grand et relevé, qu’il dispense en souverain les honneurs et les distinctions. Il est la source de la faveur et des dignités imposantes, il concilie l’affection du peuple : c’est par lui qu’on brille au forum, qu’on donne des lois à l’univers, qu’on contracte des alliances utiles avec les notions étrangères, et qu’on se fait un nom digne de son rang et de sa condition. Le second cercle occupe, il est vrai, le lieu le plus bas ; mais il soutient le ciel, appuyé sur lui comme sur une basse solide et éternelle. Les effets en sont moins brillants en apparence, mais en réalité ils sont plus utiles : il procure le fondement de toute félicité ; les richesses viennent de lui. Il comble les vœux des hommes, en arrachant du sein de la terre les métaux, et tout ce qu’elle nous cache de plus précieux]. Le troisième cercle est aussi un des fondements du monde il occupe le point brillant de l’orient, où les astres se lèvent, où renaît le jour, d’où l’on commence à compter les heures c’est pour cela que les Grecs l’ont appelé horoscope, nom qui exprime ce qu’il est ; les Latins ne lui en ont point donné d’autre. Ce cercle est l’arbitre de la vie ; il forme les mœurs, il favorise d’un succès heureux les projets, il donne de l’activité aux arts, il préside aux premières années qui suivent la naissance, et à l’éducation de l’enfant ; c’est de lui que ressortit la noblesse de l’extraction. Mais, sur tous ces objets, il faut que l’activité de l’horoscope soit secondée par celle des signes où il se trouve. Le dernier cercle est celui qui reçoit les astres, lorsqu’ils ont fourni leur carrière au-dessus de l’horizon placé à l’occident, il voit au-dessous de lui la partie de la terre plongée sous les ondes : il préside à la conclusion de toutes les affaires, au terme de nos travaux, au mariage, aux festins, aux derniers moments de la vie, en repos, à la société, au culte des dieux.
Il ne suffit pas d’observer les cercles cardinaux, il est essentiel de faire encore attention aux intervalles qui les séparent : ils forment quatre grands espaces, et chaque espace a son énergie particulière. Le premier, qui s’étend depuis le cercle de l’orient jusqu’au plus haut du ciel, préside aux premières années, à celles qui suivent immédiatement la naissance. Ce qui suit, en descendant du comble de la voûte céleste jusqu’au cercle de l’occident, succède aux années de l’enfance, et tient sous son pouvoir la tendre jeunesse. L’espace qui se trouve sous le cercle occidental, et qui descend jusqu’au bas du ciel, régi l’âge mûr, que fortifient le passé même et les leçons réitérées de l’expérience. Enfin, l’intervalle qui, pour compléter le ciel entier, commence à remonter, et gravit lentement, avec peine, ce qui reste d’espace jusqu’au cercle oriental, embrasse les dernières années de la vie, son déclin, la tremblante vieillesse.
Tout signe, quelle que soit sa figure, reçoit de nouvelles propriétés de la partie du ciel où il se trouve : le lieu domine les astres, et leur imprime des qualités bonnes ou mauvaises. Les signes, roulant successivement par tout le ciel, acquièrent ici une certaine activité ; ils la perdent ailleurs. La nature de la maison est plus forte que celle du signe ; elle veut que ses lois soient observées dans toute l’étendue de son domaine ; elle force ces signes passagers à se plier à son caractère telle maison dispense les honneurs et les dignités, telle autre est stérile ; les signes qui la traversent portent la peine de leur passage. La maison qui est au-dessus du cercle de l’orient, la troisième après le milieu du ciel, est une maison funeste qui prépare un fâcheux avenir, et n’annonce que des maux de toute sorte. Ce défaut ne lui est pas particulier ; la maison qui est directement opposée n’est pas plus favorable toutes deux sont abattues, et craignent la chute dont elles sont menacées : on les appelle portes du travail ; là il faut toujours monter, et ici tomber toujours. Le sort du monde n’est pas plus heureux dans les maisons qui sont immédiatement au-dessus de celle de l’occident ou au-dessous de celle de l’orient ; celle-ci est penchée sur le bord de précipice, celle-là est comme suspendue dans l’espace : l’une appréhende d’être écrasée par la maison orientale, l’autre craint de tomber, si le cercle de l’occident vient à manquer sous cite. C’est donc avec beaucoup de raison qu’on les a regardées l’une et l’autre comme les horribles maisons de Typhée. La terre courroucée produisit ce géant, lorsqu’elle s’arma contre le ciel. On vit naître des enfants monstrueux, dont la taille égalait presque celle de leur mère mais, frappés de la foudre, ils rentrèrent bientôt dans le sein qui les avait portés, et les montagnes qu’ils avaient entassées retombèrent sur eux. Le même tombeau mit fin à la guerre et à la vie de Typhée ; ce géant, devenu la proie des flammes au fond du mont Etna, fait encore trembler sa mère. La maison qui suit la cime éclatante du ciel le cède à peine à celle dont elle est voisine : mieux fondée dans ses espérances, prétendant à la palme, victorieuse des maisons qui l’ont précédée, elle les surpasse toutes en élévation, elle touche au sommet des cieux : mais ensuite elle ne pourra que déchoir, et ne formera plus que des vœux inutiles. Il ne faut donc pas s’étonner si, pour caractériser cette maison, attenante au faîte du ciel, et qui le suit immédiatement, ou. l’a consacrée à la bonne Fortune ; c’est ainsi que notre langue participe de l’énergie de la langue grecque, en traduisant par cette expression le nom que les Grecs ont donné à celte maison. Elle est la demeure de Jupiter ; fiez-vous à la fortune qui y préside. Sur un point directement opposé, et dans la partie inférieure du ciel, est une maison semblable, contiguë au cercle cardinal du bas du ciel. Elle est comme fatiguée de la carrière qu’elle a parcourue ; destinée à une course nouvelle, elle va succéder à la maison cardinale, et à son important office : elle ne porte pas encore le poids du ciel, mais elle espère avoir bientôt cet honneur. Les Grecs l’appellent Démonienne : nous ne pouvons l’exprimer en latin par aucun terme compatible avec la mesure de nos vers. Mais gravez profondément dans votre mémoire que ce lieu est habité par un dieu puissant, qui le tient sous sa protection : ce souvenir vous sera dans la suite de la plus grande utilité. Cette maison est le siége ordinaire de tout ce qui peut entretenir notre santé : elle recèle aussi les maladies qui nous font intérieurement une guerre cruelle. Elle produit ces deux effets opposés, en raison de la double influence des circonstances et du dieu qui y préside, et qui se plaît à varier alternativement son action sur la santé des hommes. Le soleil préfère à tous les lieux du ciel la maison où il entre après l’heure de midi, lorsque, descendant du haut de la voûte céleste, il commence à incliner vers le couchant. Nos corps, par l’action de cet astre, y contractent des qualités bonnes et mauvaises, et y participent aussi aux faveurs de la fortune. Les Grecs ont donné le nom de dieu à cette maison. Celte qui lui est diamétralement opposée, qui du plus bas du ciel s’élève la première, et commence à nous ramener les astres, est d’une couleur sombre, et préside à la mort : elle est sous la domination de la lune, qui de ce lieu contemple le brillant séjour de son frère, placé à l’opposite du sien ; et qui, perdant peu à peu sa lumière vers la fin de sa révolution, est une image des derniers instants de la vie. Cette maison est appelée déesse par les Romains ; les Grecs lui donnent un nom dont la signification est la même. Au plus haut du ciel, dans ce lieu où les astres, cessant de monter, commencent à descendre ; dans cette maison qui, à égale distance du lever et du coucher des astres semble tenir le monde dans un parfait équilibre, la déesse de Cythère a établi le trône de son empire : de là elle offre en quelque sorte à l’univers le spectacle de ses charmes ; c’est par eux qu’elle gouverne la terre. La fonction particulière de cette maison est de présider au mariage, au lit nuptial, à la cérémonie des noces : lancer des traits qui aillent jusqu’au cœur est un art digne de Vénus. Ce lieu du ciel s’appelle la Fortune ne l’oubliez pas, je vous prie, afin que, si mon poème est long, j’en puisse au moins abréger les détails. Dans la partie du ciel la plus basse, dans cette maison cardinale qui est le fondement de l’univers, et qui voit au-dessus de soi le monde entier ; dans ces lieux de ténèbres, Saturne, dépouillé de l’empire des dieux et renversé du trône de l’univers, exerce sa puissance : père, il répand ses influences sur les destinées des pères ; celles des vieillards dépendent aussi de lui. Ce dieu est le premier qui, de ce séjour, étende une double protection sur les pères, et sur les enfants nouveaux nés. Il est austère et attentif : les Grecs lui ont donné le nom de Démon, nom qui exprime bien le pouvoir qu’on lui attribue. Portez maintenant vos regards sur la partie du ciel qui s’élève vers le premier cercle cardinal, ou les astres renaissants recommencent à fournir leur carrière accoutumée, où le soleil, humide encore, sort du sein glacé de l’océan ; ses rayons affaiblis reprennent par degrés leur chaleur et leur lumière dorée : il est alors dans le temple qu’on dit vous être consacré, ô Mercure, fils de Maïa! C’est là que la nature a déposé les destinées des enfants, et suspendu l’espérance des pères. Il reste encore la maison de l’occident elle précipite le ciel sous la terre ; les astres sont plongés par elle dans l’obscurité des ténèbres : elle avait vu le soleil en face, elle ne le voit plus que par derrière. Il n’est pas étonnant qu’on l’ait appelée porte de Pluton, qu’elle préside à la vie, qu’elle soit consacrée à la mort : le jour même vient mourir en cette partie du ciel ; elle le dérobe successivement à la terre, elle enferme le ciel dans les prisons de la nuit. Elle préside d’ailleurs à la bonne foi et aux sages conseils. Telle est l’énergie de cette maison, qui rappelle à elle et nous cache le soleil, qui le reçoit de nous pour le rendre à d’autres peuples, et qui perpétue le jour autour de la terre. Telles sont les observations que vous devez faire sur les temples célestes et sur leurs propriétés. Tous les astres les traversent ; ils en reçoivent les influences, ils leur communiquent les leurs. Les planètes les parcourent pareillement, suivant l’ordre que la nature a déterminé ; elles en font varier l’énergie lorsqu’elles se trouvent dans un domaine qui n’est pas le leur, et que, comme étrangères, elles s’arrêtent dans un domicile qui ne leur appartient pas. Mais cette matière me fournira d’autres chants, lorsque je traiterai des étoiles errantes. il me suffit maintenant d’avoir expliqué les distinctions établies entre les diverses parties du ciel, les noms qu’on leur donne, les propriétés de chaque lieu, quels sont les dieux qui y président, et à quelle partie le premier auteur de cet art a donné le nom d’octo topos. L’ordre demande que j’expose maintenant les lois du mouvement des étoiles, lorsque, dans leur course errante, elles traversent ces maisons célestes.
⟴LIVRE III.
Je prends un nouvel essor ; j’ose au delà de mes forces ; je ne crains pas de m’engager en des chemins où personne n’a marché avant moi. Muses, soyez mes guides ; je travaille à reculer les bornes de votre empire ; je veux puiser d’autres chants dans vos fontaines intarissables. Je ne prends pas pour sujet la guerre entreprise contre le ciel, les Titans frappés de la fondre et ensevelis dans le sein de leur mère ; les rois conjurés contre Troie, la destruction de cette ville célèbre, Priam portant au bûcher son fils Hector, dont il a racheté les dépouilles sanglantes ; l’impudique Médée vendant le trône de son père, et déchirant son frère en morceaux ; une moisson de soldats engendrés de la terre, des taureaux vomissant des flammes, un dragon veillant sans cesse ; la jeunesse rendue à un vieillard ; un inconnue, fruit d’un présent perfide ; la naissance criminelle des enfants de Médée, et leur mort plus criminelle encore. Je ne peindrai point le long siège de la coupable Messène ; les sept chefs devant Thèbes, la foudre garantissant cette ville de l’incendie, et cette même ville vaincue et saccagée parce qu’elle avait été victorieuse. Je ne montrerai pas des enfants frères de leur père et petits-fils de leur mère ; les membres du fils servis sur la table du père ; les astres reculant d’horreur, le jour fuyant la terre ; un Perse déclarant la guerre aux ondes, et les ondes disparaissant sous la multitude de ses vaisseaux ; un nouveau bras de mer creusé entre les terres, une route solide établie sur.lcs flots. Je ne chanterai pas les conquêtes d’un grand roi, faites en moins de temps qu’il en faudrait pour les célébrer dignement L’origine du peuple romain, ses généraux, ses guerres, ses loisirs, ses succès étonnants, qui ont rangé toute la terre sous les lois d’une seule ville, ont exercé plusieurs poètes. Il est facile de naviguer, lorsque le vent est favorable un sol fertile se prête du lui-même à toute espèce de culture ; il est aisé d’ajouter un nouvel éclat à l’or et à l’ivoire, la matière brute en ayant déjà par elle-même : célébrer en vers des actions héroïques, rien de plus simple, et plusieurs l’ont tenté avec succès. Mais, dans le projet d’assujettir aux lois de la poésie des choses dont les noms mêmes ne sont pas déterminés, les temps, les différentes circonstances, les effets des mouvements de l’univers, les diverses fonctions des signes célestes, leurs divisions et celles de leurs parties ; que d’obstacles n’ai-je pas à craindre ? Concevoir tous ces objets, première difficulté ; les exprimer, difficulté plus grande encore ; le faire en des termes propres au sujet, et orner l’expression des grâces de la poésie, quel embarras extrême! O vous, qui que vous soyez, qui pouvez prêter à mon travail une attention suivie, écoutez-moi, c’est la vérité que je vous annoncerai ; appliquez-vous à la comprendre. Mais ne cherchez pas ici les charmes d’une douce poésie ; la matière que je traite n’est pas susceptible d’agréments, elle ne permet que l’instruction. Et si je suis quelquefois obligé d’emprunter les mots d’une langue étrangère, ce sera la faute du sujet, et non celle du poète : il est des choses qu’on ne peut mieux exprimer que par les termes qui leur ont été primitivement appliqués.
Commencez donc par vous bien pénétrer d’une doctrine de la plus grande importance : vous en retirerez les plus précieux avantages ; elle vous conduira, par une route sûre, à la connaissance des décrets du destin, si vous réussissez à la graver profondément dans votre esprit. Lorsque la nature, principe de tout, dépositaire de ce qu’il y a de plus caché, a formé des masses immenses qui servissent d’enceinte à l’univers ; qu’elle y a placé des astres innombrables qui environnent la terre, partout suspendue au milieu de ce vaste espace ; qu’elle a composé un seul corps de ces membres divers, et qu’elle les a unis par les liens d’un ordre constant et immuable ; qu’elle a ordonné à l’air, à la terre, au feu et à l’eau de se fournir des aliments réciproques, afin que la concorde régnât entre tant d’agents opposés, que le monde se maintint dans une parfaite harmonie, que tout sans exception fût soumis à l’empire de la raison souveraine, et que toutes les parties de l’univers fussent régies par l’univers même ; elle a réglé que la vie et les destinées des hommes dépendraient des signes célestes, qui seraient les arbitres du succès de nos entreprises, de notre vie, de notre réputation ; que, sans jamais se lasser, ils fourniraient une carrière éternelle ; que, placés au milieu et comme au cœur du ciel, ils auraient un pouvoir souvent supérieur à celui du soleil, de la lune et des planètes, à l’action desquels ils seraient cependant obligés de céder à leur tour. La nature leur a confié la direction des choses humaines, elles attribué à chacun d’eux un domaine particulier ; elle a voulu que la somme de nos destinées fût toujours dépendante d’un seul et même ordre de sorts. En effet, tout ce qu’on peut imaginer, tous les travaux, toutes les professions, tous les ails, tous les événements qui peuvent remplir la vie des hommes, la nature les a rassemblés et divisés en autant de classes qu’elle avait placé de signes au ciel : elle a attribué à chaque classe des propriétés et des fonctions particulières ; elle a ainsi distribué autour du ciel toutes les circonstances de la vie de chaque homme dans un ordre tellement réglé, que chaque classe, toujours limitrophe des mêmes classes, ne pût jamais changer de voisinage. Ces douze sorts répondent aux douze signes, non qu’ils soient éternellement assujettis à la même partie du ciel, et que, pour connaître leur action à la naissance de chaque homme, il faille les chercher aux mêmes degrés des mêmes signes : mais, à l’instant de chaque naissance, ils occupent un lieu déterminé, ils passent d’un signe dans un autre, et chacun d’eux les parcourt ainsi successivement tous, de manière qu’aux divers instants de plusieurs naissances successives la forme du ciel se trouve changée, sans qu’il en résulte aucune irrégularité dans les mouvements célestes. Mais dès que la classe des sorts, qui doit occuper le premier rang, a été placée au lieu qui lui convient à l’instant d’une naissance, les autres se succèdent sans interruption, et sont attribués par ordre aux signes suivants. L’ordre dépend de la place du premier sort, les autres suivent jusqu’à ce que le cercle soit complet. Or, suivant que les sept astres errants concourront d’une manière avantageuse ou défavorable avec ces sorts, distribués dans toute l’étendue des signes et arbitres de tous les événements de notre vie, ou selon que la puissance divine combinera leur position avec celle des cercles cardinaux, notre destinée sera douce ou malheureuse, nos entreprises couronnées d’ut, bon ou d’un mauvais succès. Il est nécessaire que j’entre dans un détail raisonné sur ces sorts, que j’en développe la nature et l’objet, afin qu’on puisse en connaitre la position dans le ciel, les noms et les propriétés.
Le premier sort a été attribué à la fortune ; les astronomes l’ont ainsi nommé, parce qu’il renferme tout ce qui peut contribuer à établir et a soutenir une maison, le nombre d’esclaves et les terres que l’on possédera à la campagne, les palais, les grands édifices que l’on fera construire, pourvu cependant que les étoiles errantes de la voûte céleste favorisent le pronostic. Le sort suivant est celui de la milice ; dans cette seule classe ou comprend tout ce qui concerne l’art militaire, et tout ce qui doit arriver à ceux qui séjournent dans des villes étrangères. La troisième classe roule sur les occupations civiles ; c’est une autre espèce de milice : tous les actes entre citoyens y ressortissent ; elle renferme les liens dépendant de la bonne foi, elle forme les amitiés, elle engage à rendre des services trop souvent méconnus, elle fait envisager les précieux avantages d’un caractère doux et complaisant ; mais il faut que le ciel en favorise l’activité par un concours heureux de planètes. La nature a placé au quatrième rang tout ce qui concerne les jugements et tout ce qui a rapport au barreau : l’avocat, qui fait valoir le talent de la parole ; le plaideur, qui fonde ses espérances sur l’éloquence de son défenseur ; le jurisconsulte, qui de la tribune développe au peuple les lois établies ; qui, après avoir examiné les pièces d’un procès, en annonce l’issue d’un seul de ses regards ; qui, dans ses décisions, ne se propose que le triomphe de la vérité. En un mot, tout don de la parole qui se rattache à l’exécution des lois doit être rapporté à cette seule classe, et en éprouvera les influences, mais suivant ce qu’en décideront les astres qui domineront alors. La cinquième classe, appropriée au mariage, comprend aussi ceux qui sont unis par les liens de la société et de l’hospitalité, ou par les nœuds d’une tendre amitié. De la sixième classe dépendent les richesses et leur conservation : nous y apprenons, d’un côté, quelle sera la quantité des biens dont nous jouirons ; de l’autre, combien de temps nous les posséderons ; tout cela étant toujours subordonné à l’action des astres et à leur position dans les temples célestes. Le septième sort est effrayant par les périls extrêmes dont il nous menace, si les positions défavorables des planètes concourent à nous les faire essuyer. La huitième classe, celle de la noblesse, nous donne les dignités, les honneurs, la réputation, une haute naissance, et le magnifique éclat de la faveur. La neuvième place est assignée au sort incertain des enfants, aux inquiétudes paternelles, et généralement à tous les soins qu’on se donne pour les élever. La classe suivante comprend la conduite de la vie ; nous y puisons nos mœurs, nous y apprenons quels exemples nous devons à notre famille, et dans quel ordre nos esclaves doivent s’acquitter auprès de nous des emplois qui leur sont confiés. Le onzième sort est le plus important de tous ; c’est par lui que nous conservons notre vie et nos forces : il préside à la santé ; les maladies nous épargnent et nous accablent, suivant l’impression que les astres communiquent au monde. C’est ce sort qu’il faut consulter sur le choix des remèdes et sur le temps d’en faire usage ; c’est quand il est favorable que les sucs salutaires des plantes doivent le plus sûrement nous rappeler à la vie. La succession des sorts se termine enfin par celui qui nous fait obtenir l’objet de nos vœux il renferme tout ce qui peut contribuer au succès de nos résolutions, et des démarches que l’on fait tant pour soi que pour les siens, soit que, pour réussir, il faille employer les assiduités, recourir même à toute sorte de flatteries ; soit qu’on doive tenter, devant les tribunaux, le hasard d’un procès épineux ; soit que, porté sur l’aile des vents, on poursuive sur les flots la fortune ; soit qu’on désire que la semence confiée à Cérès devienne une riche moisson, et que Bacchus fasse couler de nos cuves des ruisseaux abondants d’un vin délicieux : cette classe nous fera connaître les jours et les instants les plus favorables, à la condition, toujours nécessaire, d’une position heureuse des planètes dans les signes célestes. J’expliquerai plus tard, dans un ordre convenable, les influences bonnes et mauvaises de ces étoiles errantes, lorsque je traiterai de leur efficacité maintenant je considère les objets comme isolés : c’est, je pense, le seul moyen d’éviter la confusion
J’ai donc expliqué dans mes vers les noms et les vertus de tous ces sorts, rangés dans un ordre constant et immuable (les Grecs les nomment athla, parce qu’ils renferment tous les événements de la vie humaine, répartis en douze classes) : il me reste à déterminer comment et en quel temps ils se combinent avec les douze signes. En effet, ils n’ont point de place fixe dans le ciel ; ils n’occupent pas les mémos lieux à la naissance de chaque enfant : chacun d’eux, sujet à des déplacements continuels, répond tantôt à un signe, tantôt à un autre, de manière cependant que l’ordre originairement établi entre eux demeure invariable. Si donc vous voulez ne vous pas tromper dans la figure d’une nativité, sur laquelle vous avez à placer chaque sort au signe qui lui convient, cherchez d’abord le lieu que la fortune doit occuper dans le ciel. Dès que ce sort sera convenablement placé, vous attribuerez par ordre les autres sorts aux signes suivants, et tous occuperont alors les lieux qui leur appartiennent. Mais, pour ne pas errer comme à l’aventure dans la détermination du lieu de la fortune, voici deux moyens certains de la distinguer. Connaissez bien l’instant de la naissance de l’enfant, et l’état du ciel à cet instant, et placez les planètes aux degrés des signes qu’elles occupaient. Si le soleil est plus élevé que le cercle cardinal de l’orient et que celui qui plonge les astres sous les eaux, prononcez infailliblement que l’enfant est né pendant le jour. Mais si le soleil, plus bas que les deux cercles qui soutiennent le ciel à droite et à gauche, est dans un des six signes abaissés sous l’horizon, la naissance aura eu lieu durant la nuit. Cette distinction faite avec toute la précision possible, si c’est le jour qui a reçu l’enfant au sortir du sein maternel, comptez combien il se trouve de degrés depuis le soleil jusqu’à la lune, en suivant l’ordre des signes ; portez ces degrés dans le même ordre sur le cercle des signes, en partant du cercle de l’orient, que, dans l’exacte division du ciel, nous nommons horoscope : le point du cercle des signes où le nombre s’arrêtera sera le lieu de la fortune. Vous attribuerez consécutivement les autres sorts aux autres signes, en suivant toujours l’ordre de ceux-ci. Mais si la nuit couvrait la terre de ses sombres ailes au moment où l’enfant quitta le sein de sa mère, changez de marche, puisque la nature a changé de face. Consultez alors la lune ; elle imite l’éclat de son frère, et la nuit est spécialement soumise à son empire : autant il y a de signes et de degrés entre elle et le soleil, autant il en faut compter en deçà du brillant horoscope, jusqu’au lieu que doit occuper la fortune : les autres sorts seront successivement placés dans l’ordre établi par la nature pour la suite des signes célestes.
Vous me ferez peut-être une question qui mérite une attention sérieuse. Comment, à l’instant d’une naissance, déterminera-t-on le point qui, se levant alors, doit être reconnu pour horoscope ? Si ce point n’est pas donné avec la plus grande précision, les fondements de notre science s’écroulent, l’ordre établi dans le ciel devient inutile. Tout, en effet, dépend des cercles cardinaux : s’ils sont mal déterminés, vous donnez au ciel une disposition qu’il n’a pas ; le point d’où il faut tout compter devient incertain, et ce déplacement en occasionne un dans tous les signes célestes. Mais l’opération nécessaire pour éviter ’erreur est aussi difficile qu’elle est importante, puisqu’il s’agit de représenter le ciel sans cesse emporté par un mouvement circulaire, et parcourant sans interruption tous les signes ; de s’assurer qu’on en a saisi la disposition actuelle, de déterminer dans cette vaste étendue la position d’un point indivisible, de reconnaître avec certitude les parties qui sont à l’orient, au sommet de la voûte céleste, à l’occident ; celle enfin qui est descendue au plus bas du ciel.
La méthode ordinaire ne m’est point inconnue : on compte deux heures pour la durée du lever de chaque signe ; comme ils sont tous égaux, on suppose qu’ils emploient des temps égaux monter au-dessus de l’horizon. On compte donc les heures écoutées depuis le lever du soleil, et l’on distribue ces heures sur le cercle des sigues célestes, jusqu’ ce qu’on soit parvenu au moment de la naissance de l’enfant : le point où la somme sera épuisée sera celui qui se lève en ce même moment. Mais le cercle des signes est oblique relativement au mouvement du ciel ; d’où il arrive que quelques signes se lèvent très obliquement, tandis que l’ascension des autres est beaucoup plus droite : cette différence dépend de ce que les uns sont plus voisins, les autres plus éloignés de nous. À peine l’écrevisse permet-elle que le jour finisse, à peine l’hiver souffre-t-il qu’il commence : ici le cercle diurne du soleil est aussi court qu’il est long en été : la balance et le bélier nous donnent des jours égaux aux nuits. On voit donc une opposition entre les signes extrêmes et ceux du milieu, entre les plus élevés et ceux qui le sont moins ; et la durée de la nuit ne varie pas moins que celle du jour : on remarque seulement que la différence de l’un et de l’autre est la même dans les mois opposés. Pour peu qu’on réfléchisse sur ces variations, sur ces inégalités des jours et des nuits, est-il possible de se persuader que les signes célestes emploient tous le même temps à monter sur l’horizon ? Ajoutez à cela que la durée des heures n’est pas la même ; celle qui suit est plus ou moins longue que celle qui a précédé puisque les jours sont inégaux, leurs parties doivent être sujettes à la même inégalité, tantôt croître et tantôt décroître. Cependant, quelle que puisse être à chaque instant la disposition du ciel, six signes sont constamment au-dessus de l’horizon, six sont au-dessous. Cela ne peut se concilier avec l’attribution de deux heures au lever de chaque signe, ces heures étant dans leur durée si différentes les unes des autres, et douze d’entre elles formant constamment un jour. Cette correspondance des heures avec les signes parait d’abord raisonnable : veut-on en faire l’application, on en découvre l’insuffisance.
Vous ne parviendrez jamais à suivre les traces de la vérité, si, après avoir divisé le jour et le nuit en heures égales, vous ne déterminez la durée de ces heures dans les différentes saisons, et si, pour cet effet, vous ne choisissez des heures régulièrement égales, qui puissent servir comme de module pour mesurer et les plus longs jours et les plus courtes nuits. C’est ce qu’on trouve pour la balance, lorsque les nuits commencent à surpasser les jours, ou lorsqu’au cœur du printemps la durée du jour commence à dépasser celle de la nuit. C’est alors seulement que le jour et la nuit, égaux entre eux, contiennent chacun douze heures égales, le soleil parcourant le milieu du ciel. Lorsque cet astre, repoussé dans les signes méridionaux par les glaces de l’hiver, brille dans le huitième degré du capricorne à double forme, le jour, ayant alors la plus courte durée qu’il puisse avoir, ne contient que neuf heures équinoxiales et demie ; et la nuit, qui semble oublier qu’elle nous redoit le jour, outre quatorze heures pareilles, contient encore une demi-heure, pour compléter le nombre de vingt-quatre. Ainsi les douze heures qu’on a coutume de compter se trouvent compensées de part et d’autre, et l’on retrouve au total la somme que la nature a prescrite pour la durée d’un jour entier. Les nuits diminuent ensuite et les jours croissent, jusqu’à ce qu’ils subissent une inégalité semblable au signe de la brûlante écrevisse : alors les heures sont les mêmes qu’en hiver, mais en sens contraire ; celles du jour égalent en durée celles des nuits d’hiver, et les nuits ne sont pas plus longues que ne l’étaient alors les jours ; et cette supériorité alternative dépend des divers lieux que le soleil occupe dans le cercle des signes. La science des astres nous fournit des preuves démonstratives de cette doctrine ; je les exposerai dans la suite de cet ouvrage. Telle est donc la mesure des jours et des nuits dans les contrées que le Nil arrose, après avoir été grossi par les torrents dont il reçoit en été les eaux : ce fleuve imite les astres du ciel, en se dégorgeant par sept embouchures dans la mer, dont il fait refluer les flots.
Je vais maintenant expliquer combien chaque signe a de stades, et combien il emploie du temps à se lever ou à se coucher. Le sujet est intéressant, et je serai, concis ; prêtez-moi une sérieuse attention, si vous ne voulez pas que la vérité vous échappe. Le noble signe du bélier, qui précède tous les antres, s’approprie quarante stades à son lever, le double de ce nombre à son coucher son lever dure une heure et un tiers ; la durée de son coucher est une fois plus longue. Chacun des signes suivants a pour son lever huit stades de plus que celui qui le précède ; il en perd huit, lorsqu’il descend sous les ombres glacées de la nuit. Le temps du lever doit être, à chaque signe, augmenté d’un quart d’heure, et de la quinzième partie de ce quart d’heure. Tels sont les accroissements qui ont lieu pour le lever des signes jusqu’à celui de la balance les diminutions sur la durée des couchers suivent la même progression. Quant aux signes qui suivent la balance, il faut renverser l’ordre : les variations sont les mêmes, mais suivant une marche opposée. Autant nous avons compté d’heures et de stades pour que le bélier montât sur l’horizon, autant la balance en emploiera pour descendre au-dessous ; et l’espace ou le temps que le bélier met à se coucher est précisément celui qu’il faut attribuer au lever de la balance. Les cinq signes suivants se règlent sur la même marche. Lorsque vous vous serez bien pénétré de ces principes, il vous sera facile de déterminer à chaque instant le point de l’horoscope, puisqu’alors vous connaîtrez le temps qu’il faut attribuer à la durée du lever de chaque signe, et la quantité de signes et de parties de signes qui répond à l’heure proposée, en commençant à compter depuis le degré du signe où est alors le soleil, ainsi que je l’ai expliqué plus haut.
Mais de plus la longueur des jours et des nuits n’est point partout la même ; la variation des temps est sujette à différentes lois ; l’état du ciel est le même, et la durée des jours est fort inégale. Dans les contrées situées sous la toison du bélier de Phryxus, ou sous les serres du scorpion et les bassins uniformes de la balance, chaque signe emploie constamment deux heures à se lever, parce que toutes les parties du cercle des signes se meuvent dans une direction perpendiculaire à l’horizon, et qu’elles roulent uniformément sur l’axe du monde. Là les jours et les sombres nuits sont toujours dans un parfait accord ; l’égalité des temps n’est jamais troublée. Sous tous les signes on a l’automne, sous tous les signes on jouit du printemps, parce que Phébus y parcourt d’un pas égal une même carrière. Dans quelque signe qu’il se trouve, qu’il brûle l’écrevisse de ses feux, ou qu’il soit dans le signe opposé, il n’en résulte aucune variation. Le cercle des signes s’étend obliquement, si est vrai, sur les trois cercles du milieu du ciel, mais toutes ses parties s’élèvent dans des directions uniformes et parallèles, et conservent ces directions tant au-dessus qu’au-dessous de l’horizon ; les intervalles de temps entre leurs levers respectifs sont proportionnels à leurs distances réciproques ; et le ciel, exactement divisé, montre et cache uniformément toutes les parties qui le composent. Mais écartez-vous de cette partie de la terre, et, portant vos pas vers l’un des pôles, avancez sur la convexité de notre globe, auquel la nature a donné dans tous les sens une figure sphérique, et qu’elle a suspendu au centre du monde : à chaque pas que vous ferez en gravissant cette circonférence, montant toujours et descendant en même temps, une partie de la terre se dérobera, une autre s’offrira à votre vue : or cette inclinaison, cette pente de notre globe influera sur la position du ciel, qui s’inclinera pareillement ; les signes qui montaient directement sur l’horizon s’y élèveront obliquement : cc cercle qui les porte, et qui, semblable à un baudrier, entourait également le ciel des deux côtés, prendra une forme moins régulière en apparence. La position en est cependant toujours la même ; c’est nous qui avons changé de place. Il doit résulter de là une variation sensible dans les temps, et l’égalité des jours ne peut plus subsister, puisque les signes plus ou moins inclinés suivent maintenant des routes obliques à l’horizon, puisque ces routes sont les unes plus voisines, les autres plus éloignées de nous. La durée de la présence des signes sur l’horizon est proportionnée à leur distance : les plus voisins de nous décrivent de plus grands arcs visibles ; les plus éloignés sont plus tôt plongés dans les ombres de la nuit. Plus on approchera des ourses glacées, plus les signes d’hiver se déroberont à la vue, levés à peine, ils descendront déjà sous l’horizon. Si l’on avance plus loin, des signes entiers disparaîtront ; et chacun amènera trente nuits consécutives, qui ne seront interrompues par aucun jour. Ainsi la durée des jours décroit peu à peu ; ils sont enfin anéantis par la destruction des heures qui les composaient. Les signes lumineux disparaissent par degrés ; le temps pendant lequel ils étaient visibles se dérobant par parties, ils descendent successivement sous la convexité de la terre ; on les chercherait en vain sur l’horizon. Phébus disparait avec eux, les ténèbres prennent plus de consistance, jusqu’à ce moment où l’année devient défectueuse par la suppression de plusieurs mois. Si la nature permet à l’homme d’habiter sous le pôle, sous ce sommet du monde, que l’axe glacé soutient et unit par des liens inflexibles, au milieu de neiges éternelles, dans ce climat rigoureux, voisin de la fille de Lycaon, changée en ourse, le ciel lui paraîtra se tenir debout ; sa circonférence sera emportée, comme celle de la toupie, par un tournoiement continuel : six signes formant un demi-cercle obliquement placé seront perpétuellement sur l’horizon, sous pouvoir jamais cesser d’être visibles ; tous leurs points traceront dans le ciel des cercles parallèles à l’horizon. Un seul jour, égal en durée à six mois, répandra pendant la moitié de l’année une lumière non interrompue, parce que le soleil ne se couchera pas tant que son char parcourra les six signes élevés : il paraîtra comme voltiger sans cesse autour de l’axe du monde. Mais dès qu’il commencera à descendre de l’équateur vers les six signes abaissés sous l’horizon, et qu’il promènera ses coursiers dans la partie la moins élevée du cercle des signes, une seule nuit prolongera les ténèbres de ceux qui habitent sous le pôle durant un égal nombre de mois. Car quiconque est placé dans l’axe d’une sphère ne peut jamais voir que la moitié de cette sphère ; la partie inférieure lui est nécessairement cachée, parce que ses rayons visuels ne peuvent comprendre toute la sphère, divisée par son renflement même en deux hémisphères. De même, lorsque le soleil se promène dans les six signes inférieurs, il n’est pas possible de le voir si l’un est sous le pôle, jusqu’à ce qu’ayant parcouru ces six signes pendant autant de mois, il revienne au point d’où il était parti, remonte vers les ourses, ramène la lumière, et chasse devant lui les ténèbres. Un seul jour, une seule nuit, séparés par la distinction des deux hémisphères, forment en ce lieu la division de toute l’année.
Nous avons démontré que les jours et les nuits ne sont point égaux partout ; nous avons exposé les degrés et les causes de ces inégalités : il nous reste à exposer les moyens de déterminer, pour quelque contrée que ce soit, le nombre d’heures que chaque signe emploie à se lever ou à se coucher, afin qu’on connaisse l’heure précise à laquelle chaque degré de ces signes est au point de l’orient, et que le doute ne nous conduise point à déterminer faussement l’horoscope. Voici une loi générale à laquelle on peut s’arrêter : car d’assigner des nombres exacts, des temps précis pour chaque lieu, c’est ce que la trop grande différence d’obliquité des mouvements célestes ne peut permettre. Je propose la loi ; chacun suivra la route que je vais tracer, fera lui-même l’application, mais me sera redevable de la méthode. En quelque lieu de la terre qu’on se propose de résoudre ce problème, il faut d’abord déterminer le nombre d’heures égales comprises dans la durée du plus long jour et de la plus courte nuit de l’été. La sixième partie du nombre d’heures que contient le plus long jour doit être attribuée au lion, qui se présente au sortir du temple de l’écrevisse. Partagez de même en six la durée de la plus courte nuit, et assignez une de ces parties au temps que le taureau emploie à s’élever à reculons au-dessus de l’horizon. Prenez ensuite la différence entre la durée du lever du taureau, et celle qui aura été assignée au lever du lion de Némée, et partagez-la en trois. À la première de ces deux durées ajoutez successivement un tiers de la différence, et vous aurez d’abord la durée du lever des gémeaux, puis celle de l’écrevisse, enfin celle du lion, qui se trouvera la même que celle qu’on avait obtenue d’abord, en prenant la sixième partie du plus long jour. L’addition consécutive du même tiers donnera la durée du lever de la vierge : Mais il faut remarquer que cette addition doit toujours être faite à la durée entière du lever du signe qui précède immédiatement, de manière que les durées aillent toujours en croissant. Cet accroissement ayant eu lieu jusqu’à la balance, les durées décroîtront ensuite dans la même proportion. Or, autant chaque signe met de temps à monter au-dessus de l’horizon, autant le signe qui loi est diamétralement opposé en doit employer pour se plonger entièrement dans l’ombre. Cette méthode générale du calcul des heures doit aussi s’appliquer à celui des stades que chaque signe parcourt en se levant et en se couchant. Les stades sont au nombre de sept cent vingt. Otez de cette somme une partie proportionnelle à celle que le soleil a réservée sur vingt-quatre heures, pour en former la nuit d’été, lorsqu’an plus haut du ciel il détermine le solstice. Ce qui reste après la soustraction étant divisé en six parties égales, attribuez une de ces parties au signe brûlant du lion ; la sixième partie de ce qui a été retranché, comme répondant à la plus courte nuit, sera donnée au taureau. Le nombre de stades dont le lever du lion surpasse celui du taureau, ou la différence du nombre des stades attribués à ces deux signes, doit être partagée en trois tiers, dont un sers ajouté au nombre du taureau, pour avoir celui des gémeaux. Une pareille augmentation, toujours faite au nombre complet des stades d’un signe, donnera les stades des signes immédiatement suivants, jusqu’à ce qu’on soit parvenu au point équinoxial de la balance. Il faut alors diminuer dans la même proportion le nombre des stades, jusqu’à ce qu’on ait atteint le bélier. Les accroissements et les diminutions de la durée du coucher de tous les signes sont les mêmes, mais dans un ordre inverse du précédent. Par cette méthode on connaîtra le nombre des stades de chaque signe, et le temps que chacun emploie à se lever. Combinant tout cela avec l’heure courante, on n’aura aucune erreur à craindre dans la détermination du point de l’horoscope, puisqu’on pourra attribuer à chaque signe le temps qui lui convient, en commençant à compter du lieu que le soleil occupe.
Je vais maintenant expliquer d’une manière claire et concise un objet fort important, le progrès de l’accroissement des jours pendant les mois de l’hiver. Cet accroissement, en effet, n’est pas le même sous chacun des trois signes que le soleil parcourt, jusqu’à ce qu’ayant atteint la brillante toison du bélier, il réduise le jour et la nuit sous le joug de la plus parfaite égalité. Il faut d’abord déterminer la durée du jour le plus court et celle de la nuit la plus longue, telles qu’elles nous sont données par le signe du capricorne. La quantité dont la plus longue nuit excédera la nuit moyenne, ou celle dont le jour moyeu surpassera le plus court, doit être divisée en trois, et le tiers de l’excès sera attribué au second signe d’hiver, qui, s’étant approprié cet accroissement, doit excéder d’un demi-tiers le premier signe, et être surpassé lui-même d’une pareille quantité par le troisième. C’est ainsi qu’il faut distribuer l’accroissement des jours sur les trois signes d’hiver, de manière que l’application de chaque excès à un signe suivant soit toujours faite au nombre entier du signe précédent.] Par exemple, qu’au solstice d’hiver la nuit soit trop longue de trois heures, le capricorne diminuera cet excès d’une demi-heure ; le verseau, pour sa part, en retranchera une heure, outre la diminution déjà faite sous le signe précédent enfin les poissons opéreront une réduction nouvelle, égale à la somme des diminutions faites par les deux autres signes ; et après, avoir anéanti l’excès des trois heures, ils remettront au bélier le soin d’ouvrir le printemps par l’égalité du jour et de la nuit. La trop longue durée de la nuit diminue donc d’abord d’une sixième partie ; la diminution est double sous le second signe, triple sous le dernier. Ainsi les jours recouvrent ce qui leur manquait ; les nuits leur ont restitué les heures qu’elles avaient empiété sur eux. Après l’équinoxe, elles continuent de céder aux jours une partie de leur durée, mais en suivant une marche inverse. Le bélier diminue la durée de la nuit autant qu’elle avait été déjà diminuée par les poissons ; le taureau lui enlève encore une heure, et, pour mettre le comble à tous ces échecs, les gémeaux y ajoutent encore une demi-heure. Ainsi donc entre ces six signes l’action du premier est égale à celle du dernier : il faut en dire autant des deux signes qui les touchent immédiatement : enfin cette égalité d’action a pareillement lieu entre les signes du milieu, et ceux-ci contribuent plus que tous les autres à faire varier l’inégalité du jour et de la nuit. Tel est l’ordre suivant lequel les nuits décroissent et les jours augmentent après le solstice d’hiver. Mais quand le soleil atteint le signe de la lente écrevisse, tout change de face ; la nuit d’été n’est pas plus longue que le jour d’hiver, et la longue durée du jour égale celle de la nuit de l’autre saison : le jour diminue ensuite, par la même loi qu’il a suivie en augmentant.
Voici une autre méthode pour déterminer le point du cercle des signes qui, s’élevant du sein de l’Océan, commence à reparaître sur l’horizon. Il faut d’abord déterminer l’heure du jour, si la nativité est diurne, et multiplier cette heure par quinze, vu qu’à chaque heure il s’élève au-dessus de l’horizon quinze degrés du cercle des signes. Ajoutez au produit le nombre des degrés que le soleil a parcourus dans le signe où il se trouve. De la somme qui en résultera vous attribuerez trente degrés à chaque signe, en commençant par celui où est alors le soleil, et en suivant d’ailleurs l’ordre même des signes où la somme se trouvera épuisée ; le degré au delà duquel il ne restera rien à compter sera le signe et le degré qui se lève actuellement. Il faut suivre le même procédé ou travers des feux de la nuit. Lorsque vous aurez déterminé comme auparavant la somme convenable, vous en distribuerez les degrés, trente par trente, sur chaque signe, jusqu’à ce qu’elle soit épuisée : le degré où la distribution finira sera celui qui vient de naître sur l’horizon avec le corps de l’enfant : l’un et l’autre ont commencé à paraître au même instant de la nuit. C’est par ces méthodes que vous pouvez déterminer entre les signes célestes la partie qui naît à tout instant donné, ou le point ascendant de l’horoscope. Connaissant ainsi avec certitude ce premier point cardinal, vous ne pourrez vous tromper ni sur celui qui occupe le faîte de la voûte céleste, ni sur celui de l’occident ; et le bas du ciel, qui en est comme le fondement, sera pareillement déterminé. Vous assignerez à chaque partie les propriétés et la classe de sorts qui lui conviennent.
Je vais maintenant donner une idée générale du rapport qui existe entre le temps et les signes célestes. Chaque signe s’approprie des années, des mois, des jours, des heures ; et c’est sur ces parties du temps qu’il exerce principalement son énergie. Le soleil, parcourant le cercle des signes, détermine l’année ; donc la première année de la vie appartient au signe où est le soleil à l’instant de la naissance, la seconde année au signe suivant, et ainsi de suite, selon l’ordre naturel des signes. La lune, fournissant sa carrière en un mois, règle de même la présidence des mois. Le signe où est l’horoscope prend sous sa protection le premier jour et la première heure ; il abandonne les jours et les heures suivantes aux signes qui lui succèdent. C’est la nature qui a voulu que les années, les mois, les jours, les heures même fussent ainsi distribués entre les signes, afin que tous les instants de notre vie fessent dépendants des astres, que la succession des parties de ce temps fût relative à celle des étoiles, et que ces parties acquissent par cette combinaison l’énergie de tous les signes successifs. De cet ordre naît la vicissitude étonnante des choses de ce monde, cet enchaîne ment de biens et de maux, cette alternative de larmes et de plaisir, cette inconstance de la fortune, qui semble ne tenir à rien, tant elle est sujette à varier, qui enfin ne se fixe nulle part les révolutions continuelles : que ses caprices nous font essuyer lui ont fait, avec raison, perdre tout crédit. Une année ne ressemble point à une année, un mois diffère d’un autre mois, le jour succède au jour et n’est jamais le même, une heure enfin n’est pas semblable à l’heure qui l’a précédée. C’est que les parties du temps qui composent la durée de cette courte vie s’approprient différents signes, aux impulsions desquels elles sont obligées d’obéir en conséquence elles nous communiquent des forces, et nous menacent d’accidents analogues aux propriétés des astres qui nous dominent successivement.
Comme on commence à compter les heures du jour lorsque le soleil est au cercle de l’orient, quelques astronomes ont pensé que ces supputations de temps correspondants aux signes devaient pareillement commencer par ce même cercle ; que de ce seul et unique point devait partir la distribution des années, des mois, des jours et des heures, entre le signe ascendant et ceux qui le suivent. En effet, disent-ils, quoique toutes ces périodes aient une même origine, elles ne marcheront pas toujours de front ; les unes s’achèvent plus promptement, les autres ont une plus longue durée un signe est rencontré deux fois en un jour par la même heure, et une fois en un mois par le même jour ; un seul mois peut lui correspondre dans le cours d’une année ; enfin la période des années n’est complète qu’après douze révolutions du soleil. Il est difficile que tout cela se combine de manière que l’année et le mois appartiennent au même signe. Il arrivera de là que, l’année appartenant à un signe heureux,] le mois sera dominé par un signe fâcheux : si le mois est gouverné par un signe favorable, le jour sera présidé par un signe pernicieux ; le jour ne promet que du bonheur, mais il contiendra des heures funestes. C’est ainsi qu’on ne peut trouver un rapport constant entre les signes et les années, les années et les mois, les mois et les jours, les jours et toutes les heures qui les composent. De ces parties du temps, les unes s’écoulent plus vite, les autres plus lentement. Le temps que l’on désire manque à ceux-ci, se présente à ceux-là ; il arrive, il disparaît alternativement ; il fait place à un autre temps Il est soumis à des variations journalières et perpétuelles.
Nous avons traité des différents rapports qu’on pouvait observer entre les parties du temps et les divers événements de la vie ; j’ai montré à quel signe il fallait rapporter les années, les mois, les jours et les heures. L’objet qui doit maintenant nous occuper roulera sur la durée totale de la vie, et sur le nombre d’années que promet chaque signe. Faites attention à cette doctrine, et tenez un compte exact du nombre d’années attribué à chaque signe, si vous voulez déterminer par les astres quel sera le ternie de la vie. Le bélier donne dix ans, et une onzième année diminuée d’un tiers. À cette durée, taureau céleste, vous ajoutez deux ans : mais autant vous l’emportez sur le bélier, autant les gémeaux l’emportent sur vous. Quant à vous, écrevisse du ciel, vous prolongez la vie jusqu’à deux fois huit ans et deux tiers. Mais vous, lion de Némée, vous doublez le nombre neuf et vous lui ajoutez huit mois. Erigone à deux fois dix ans joint deux tiers d’année. La balance accorde à la durée de la vie autant d’années que la vierge. La libéralité du scorpion est la même que celle du lion. Le sagittaire règle la sienne sur celle de l’écrevisse. Pour vous, ô capricorne, vous donneriez trois fois cinq ans de vie, si l’on ajoutait quatre mois à ce que vous promettez. Le verseau, après avoir triplé quatre ans, ajoutera encore huit mois. Les poissons et le bélier sont voisins, leurs forces sont égales ; ils procureront deux lustres et huit mois entiers de vie.
Mais, pour connaître la durée de la vie des hommes, il ne suffit pas de savoir combien d’années sont promises par chaque signe céleste : les maisons, les parties du ciel ont aussi leurs fonctions dans ce pronostic ; elles ajoutent des années à la vie, avec des restrictions cependant, relatives aux lieux qu’occupent alors les étoiles errantes. Mais pour le moment je ne parlerai que de l’énergie des temples célestes ; je traiterai ailleurs en détail des autres circonstances, et des effets que leurs combinaisons produisent. Lorsque l’on aura commencé par bien établir les fondements de ces opérations, l’on n’aura plus à craindre le désordre que pourrait occasionner le mélange des différentes parties qui viendraient cc croiser. Si la lune est favorablement placée dans la première maison, dans cette maison cardinale qui rend le ciel à la terre, et qu’à l’heure de la naissance de l’enfant elle renaisse elle-même à l’orient, huit fois dix années, moins deux ans, constitueront la durée de la vie. Il faut retrancher trois ans de cette durée, si la lune est au haut du ciel. La seule maison occidentale donnerait libéralement à l’enfant nouveau-né quatre-vingts ans de vie, s’il ne manquait une olympiade à ce nombre. Le bas du ciel, maison fondamentale de l’univers, s’approprie deux fois trente ans, avec un surcroît de deux fois six mois. La maison qui forme l’angle le plus à droite du premier trigone accorde soixante ans, augmentés de deux fois quatre ; et celle qui occupe la gauche de ce même trigone, et qui suit les trois temples dont il se compose, ajoute trois ans au double de trente. La maison qui se trouve à la troisième place au-dessus du cercle de l’orient, et qui est contiguë au haut du ciel, retranche trois de trois fois vingt ans. Celle qui est abaissée d’autant au-dessous du même cercle borne sa bienfaisance à cinquante hivers. La maison immédiatement placée sous l’horoscope détermine pour la durée de la vie quatre fois dix révolutions du soleil, y ajoute deux autres révolutions, et ne permet pas d’aller au delà. Mais celle qui précède la maison cardinale de l’orient accordera seulement vingt-trois ans de vie à l’enfant ; il sera enlevé dans la fleur de la jeunesse, ayant à peine commencé à en goûter les douceurs. Le temple qui est au-dessus de l’occident bornera la vie à dix ans, augmentés de trois années ; celui qui est au dessous sera funeste à l’enfant ; une mort prématurée terminera ses jours après douze années de vie.
Il faut surtout graver profondément dans sa mémoire quelle est l’activité de ces signes qui, opposés les uns aux autres, divisent le ciel en quatre parties égales. On les appelle tropiques, parce que c’est sur eux que roulent les quatre saisons de l’année ; ils en désunissent les nœuds, ils font prendre au ciel une disposition nouvelle, en faisant varier les parties fondamentales qui le soutiennent ; ils amènent avec eux un nouvel ordre de travaux ; la nature change de face.
L’écrevisse lance ses feux du sommet de la zone brûlante de l’été ; elle nous procure les plus longs jours ; ils décroissent, mais très peu, et ce qui est retranché de la durée du jour est ajouté à celle de la nuit ; la somme de l’un et de l’autre reste constamment la même. Alors le moissonneur s’empresse de séparer le grain de la tige fragile qui le soutenait ; on se livre à différents exercices du corps, à toute espèce de jeux gymniques : la mer attiédie entretient ses eaux dans un calme favorable. D’un autre côté, Mars déploie l’étendard sanglant de la guerre ; les glaces ne servent plus de rempart à la Scythie ; la Germanie, n’étant plus défendue par ses marais desséchés, cherche des contrées où elle ne puisse être attaquée ; le Nil enflé inonde les plaines. Tel est l’état de la nature, lorsque Phébus ayant atteint l’écrevisse, y forme le solstice, et roule dans la partie la plus élevée de l’Olympe.
Le capricorne, dans la partie opposée, préside à l’hiver engourdi : sous lui, les jours sont les plus courts et les nuits les plus longues de l’année ; le jour croit cependant, et la longueur de la nuit diminue ; il compense sur la durée de l’an ce qu’il retranche sur la durée de l’autre. Dans cette saison, le froid durcit nos campagnes, la mer est interdite, les camps sont silencieux ; les rochers, couverts de frimas, ne peuvent supporter la rigueur de l’hiver ; et la nature, sans action, languit dans l’inertie.
Les deux signes qui égalent le jour à la nuit produisent des effets assez analogues entre eux, et se ressemblent par leur efficacité. Le bélier arrête le soleil au milieu de la carrière que cet astre parcourt pour regagner l’écrevisse : il divise le ciel de manière à ce qu’une parfaite harmonie règne entre le temps de la lumière et celui des ténèbres. Il change la face de la nature : comme, durant l’hiver, le jour a toujours été moindre que la nuit, il lui ordonne de prendre le dessus, et à la nuit de plier sous le jour, jusqu’à ce que l’un et l’autre aient atteint le signe de l’ardente écrevisse. Alors la mer commence à calmer ses flots soulevés ; la terre, ouvrant son sein, ose produire toutes sortes de fleurs ; les troupeaux, les oiseaux de toute espèce, épars dans les riches campagnes, y goûtent les plaisirs de l’amour, et se hâtent de se reproduire ; la forêt retentit d’harmonieux concerts, et les feuilles verdoyantes renaissent de toutes parts : tant la nature a retrouvé de forces, au sortir de sots engourdissement !
À l’opposite du bélier brille la balance, qui a des propriétés semblables, et réunit la nuit et le jour par les liens de l’égalité. Mais à ce changement de saison, c’est la nuit qui, précédemment plus courte que le jour, commence à prendre le dessus ; et elle le conserve jusqu’au commencement de l’hiver. Dans cette saison, Bacchus se détache de l’ormeau fatigué ; nos cuves voient écumer la liqueur précieuse exprimée du raisin ; on confie les dons de Cérès aux sillons ; le sein de la terre, ouvert par la douce température de l’automne, est disposé à les recevoir.
Ces quatre signes sont de la plus grande importance en astronomie ; comme ils changent les saisons, ils déterminent aussi des vicissitudes surprenantes dans le cours des choses humaines rien ne peut alors demeurer dans l’état antérieur. Mais ces révolutions et ces changements de saisons n’appartiennent pas à la totalité de ces signes, à toutes les parties qui les composent. Lorsque le bélier et la balance nous ramènent le printemps et l’automne, il n’y n, sous chacun de ces signes, qu’un seul jour égal à une seule nuit. De même il n’y a qu’un seul plus long jour sous le signe de l’écrevisse, et sous celui du capricorne une seule nuit égale à ce plus long jour. Les jours et les nuits qui suivent ont déjà reçu quelque accroissement ou subi quelque diminution. Il n’y a donc, dans les signes tropiques, qu’un seul degré à considérer, degré capable de changer la face de la nature, d’opérer la succession des saisons, de rendre nos démarches inutiles, de faire échouer nos projets, de faire attitre des circonstances tantôt contraires, tantôt favorables à nos desseins. Cette énergie est attribuée par quelques astronomes au huitième, par d’autres au dixième degré des signes. Il en est même qui pensent que le premier degré est le véritable siège du changement des saisons, et de toutes les vicissitudes qui en sont lu suite.
⟴LIVRE IV.
Pourquoi consumons-nous en tant de vains projets tous les moments de notre vie ? Tourmentés sans cesse par la crainte ou par d’aveugles désirs, en proie à des passions inquiètes qui hâtent notre vieillesse, nous cherchons le bonheur, et nous suivons une route qui nous en éloigne : nos vœux immodérés nous empêchent d’être heureux : nous nous proposons toujours de vivre, et nous ne vivons jamais. Plus on accumule de richesses, et plus on est réellement pauvre : ce que l’on a ne touche point ; on se porte tout entier vers ce que l’on n’a pas. La nature se contente de peu : pourquoi, par d’insatiables désirs, nous précipitons-nous vers notre ruine ? L’opulence nous inspire l’amour du luxe ; le luxe conduit à des moyens illégitimes de s’enrichir ; et l’unique fruit de nos richesses est de les prodiguer en de folles dépenses. O hommes, renoncez à ces soins inutiles, à ces inquiétudes superflues ; cessez de murmurer en vain contre les décrets du ciel. Le destin règle tout, tout est soumis à ses lois immuables ; tous les événements sont irrévocablement liés aux temps qui doivent les produire. L’instant qui nous voit naître a déterminé celui de notre mort ; notre fin dépend du premier moment de notre existence. De ce même principe découlent les richesses, les dignités, souvent même la pauvreté, les succès dans les arts, les mœurs, les défauts, les malheurs, la perte ou l’augmentation des biens. Ce que le destin nous prépare ne peut nous manquer ; nous n’acquerrons jamais ce qu’il nous refuse. En vain essaierions-nous de prévenir par nos désirs les faveurs ou les menaces de la fortune : il faut que chacun se soumette au sort qui lui est réservé. Et si le destin ne disposait pas souverainement de la vie et de la mort, Énée aurait-il survécu à l’embrasement de Troie ? Cette ville, ne subsistant plus que dans un seul homme, se se-rail-elle relevée de ses cendres, victorieuse et triomphante ? Une louve se serait-elle présentée pour allaiter deux enfants exposés ? Quelques pauvres cabanes auraient-elles été le berceau de Rome ? Des pâtres réunis auraient-ils converti leurs viles chaumières en ces forteresses qui défendent le mont Capitolin ; et Jupiter se serait-il restreint à habiter le Capitole, pour en faire la capitale de l’univers ? Une nation vaincue serait-elle devenue victorieuse du monde entier ? Mucius, après avoir éteint le feu sacré sous les flots de sang qui sortaient de sa plaie, serait-il rentré triomphant dans Rome ? Horace seul eût-il défendu le passage d’un pont et les approches de la ville contre une armée entière ? Une jeune Romaine eût-elle osé violer un traité ? Trois frères auraient-ils succombé sous le courage d’un seul ? Jamais armée ne remporta une victoire aussi importante ; le salut de Rome dépendait d’un homme ; sans lui cette ville, destinée à être reine de l’univers, passait sous le joug. Rappellerai-je ici la journée de Cannes ; l’ennemi sous nos murs ; Varron, grand dans sa fuite, parce qu’il croit qu’il est possible de vivre même après la déroute de Thrasimène ; Fabius, célèbre par sa sage lenteur ; la fière Carthage vaincue et soumise à nos lois ; Annibal, que nous espérions charger de chaîne s, ne s’y dérobant que par une mort volontaire ; juste punition de la fuite qui l’avait soustrait à notre joug ?] Joignez à cela les guerres soutenues contre l’Italie, Rome armée contre ses alliés : ajoutez-y les guerres civiles, Marius surpassant Cinna, César l’emportant sur Marius ; ce même Marius passant de six consulats à l’exil, et de l’exil à un septième consulat, réfugié sur les ruines de Carthage, qui lui offrent un tableau fidèle de son propre désastre, et ne sortant de ces décombres que pour recouvrer le pouvoir souverain. La fortune seule n’aurait pu frapper ces coups, si le destin ne l’avait décrété. Quelle apparence, ô grand Pompée, qu’après vos victoires sur Mithridate, après avoir rétabli la sûreté des mers, après trois triomphes mérités aux extrémités du monde, lorsque, pour être grand, il suffisait d’un de vos regards, on dût vous voir périr sur les bords du Nil, et que, pour votre bûcher funéraire, il fallût employer les misérables débris d’une barque échouée ? Quelle autre cause que l’ordre du destin eût pu produire cette étonnante révolution ? Ce héros même, descendu des cieux où il est remonté, ce héros, qui, après avoir par ses victoires terminé les guerres civiles, s’occupait du soin de protéger les droits du sénat, ne put éviter le triste sort qui lui avait été si souvent prédit. Le sénat entier était présent : César tenait à la main l’avis de la conspiration et la liste des conjurés ; il effaça leurs noms de son sang : il fallait que l’arrêt du destin eût son entier effet. Rappellerai-je tant de villes détruites et de rois renversés du trône ; Crésus mourant sur un bûcher ; le corps de Priam séparé de sa tête et abandonné sur le rivage, sans que Troie embrasée puisse lui tenir lieu du bûcher funéraire ; la puissance de Xerxès éprouvant un naufrage plus grand que l’immensité même de la mer ; le fils d’une esclave, devenu roi des Romains ; le feu sacré sauvé d’un incendie qui consume un temple, mais respecte la piété d’un seul homme ? Combien de personnes, jouissant d’une santé robuste, sont surprises par une mort imprévue ? Combien d’autres échappent à une mort prochaine, qui semble se fuir elle-même, et s’écarter du bûcher déjà prêt ? Quelques-uns même sont sortis vivants de la tombe où ils étaient ensevelis : ceux-ci ont eu en quelque sorte une double vie ; ceux-là peuvent dire à peine qu’ils aient joui d’une seule. Une infirmité légère conduit au tombeau ; on réchappe d’une maladie dangereuse : tout l’art du médecin échoue, le raisonnement devient inutile ; le soin qu’on prend du malade a de pernicieux effets, la négligence a d’heureuses suites ; souvent, au contraire, le délai entraîne de fâcheuses conséquences. La nourriture la plus saine devient nuisible, et les poisons rappellent à la vie. Les enfants dégénèrent de leurs ancêtres, ils les surpassent quelquefois ; d’autres fois ils les égalent. La fortune oublie celui-ci ; elle comble celui-là de ses faveurs. L’un, aveuglé par l’amour, brave la fureur des flots, il sera la cause du désastre de Troie ; l’autre sera destiné à dicter des lois. D’autre part je vois des fils assassiner leur père, des pères égorger leurs enfants, des frères armés contre leurs frères, et se baignant dans leur sang. Ces forfaits doivent-ils être attribués aux hommes ? Non, mais au destin qui les entraine, qui les force à se punir, à se déchirer eux-mêmes. Si tous les siècles ne produisent point des Décius, des Camille, un Caton qui, vaincu, garde un cœur invincible ; ce n’est pas que le germe de ces héros n’existe point dans la nature ; mais la loi du destin s’oppose à leur production. Ce n’est point la pauvreté qui décide de la brièveté de la vie ; de longs et heureux jours ne s’achètent pas avec des richesses immenses : la fortune se plaît à faire sortir la mort et le deuil du palais le plus somptueux, elle dresse le bûcher des souverains, elle leur ordonne de mourir. Quelle autorité que celle qui commande aux rois mêmes! Bien plus, la vertu est souvent malheureuse, tandis que le crime prospère ; des démarches inconsidérées réussissent où la prudence échoue : la fortune ne pèse rien, elle est sans égards pour le mérite : toujours inconstante, elle erre çà et là, et ne reconnaît d’autre règle que ses caprices. C’est qu’il est un autre pouvoir plus fort qui nous gouverne, qui nous subjugue, qui nous force d’obéir à ses lois, qui, donnant la naissance aux hommes, détermine en même temps la durée de leur vie et les vicissitudes de leur fortune. Il produit souvent un bizarre assemblage de membres humains et de membres d’animaux bruts : la cause de ce monstrueux mélange n’est pas dans les principes de la génération : qu’y a-t-il de commun entre nous et les bêtes ? et peut-on dire qu’une telle production soit la juste peine d’un coupable adultère ? C’est le ciel même qui produit ces formes étranges ; de telles difformités sont l’œuvre des astres. Enfin comment pourrait-on développer les lois du destin, si elles n’existaient pas ? comment prédirait-on avec certitude le temps et les circonstances des événements futurs ?]
Ne concluez cependant pas que nous ouvrons la porte au crime, ou que nous privons la vertu des récompenses qui lui sont dues. En effet, ferons-nous servir les plantes vénéneuses à notre nourriture, parce que leur production n’est pas un effet de notre libre volonté, mais une suite nécessaire de la qualité de leur semence ? Userons-nous moins volontiers des aliments sains et agréables, parce que c’est la nature, et non un libre choix, qui les a produits ? De même nous devons d’autant plus estimer la vertu, qu’elle est un don de la bonté du ciel ; et d’autant plus haïr les scélérats, qu’ils ne sont nés que pour commettre des crimes, et les expier par de justes supplices. Le crime est toujours crime, quelle que soit son origine : si le destin y pousse un malheureux, il a aussi déterminé qu’il en subirait le châtiment. Ceci bien établi, il me reste à exposer avec ordre par quels degrés celui qui veut prévoir les événements futurs peut s’élever à la connaissance de la vertu et des propriétés des astres.
Je vais d’abord parler des mœurs, des affections, des inclinations, des professions vers lesquelles nous entraînent les signes célestes. Le bélier, dont la riche toison produit une laine abondante, espère toujours en réparer la perte ; toujours placé entre une fortune brillante et une ruine instantanée, il ne s’enrichira que pour s’appauvrir, et son bonheur sera le signal de sa chute. D’un côté, ses tendres agneaux seront conduits à la boucherie ; de l’autre, ses toisons formeront le fonds de mille commerces lucratifs ; on rassemblera les laines en pelotons, le cardeur les épurera, le fuseau en formera des fils déliés, l’ouvrier en façonnera des étoffes, le négociant les achètera, et en fabriquera des habits, objet de première nécessité pour toutes les nations ; ces habits revendus produiront un nouveau profit ; et tous ces usages précieux sont indépendants du luxe. Pallas elle-même n’a pas dédaigné de travailler la laine, et regarda comme un triomphe glorieux et digne d’elle celui qu’elle remporta sur Arachné. Telles sont les occupations que le bélier destine à ceux qui naîtront sous lui. Mais il leur donnera aussi de la timidité, ils se détermineront difficilement ; ils seront toujours portés à se faire valoir, à se louer eux-mêmes.
Le taureau prescrira l’agriculture aux laborieux cultivateurs ; il les verra s’adonner aux travaux de la campagne ; les fruits de la terre, et non de fades éloges, seront la juste récompense de leurs peines. Le taureau céleste baisse la tête, et semble y appeler le joug. Lorsqu’il porte entre ses cornes le globe de Phébus, il ordonne de ne laisser aucun repos à la terre : modèle de travail, il veut qu’on reprenne la culture des terres laissées en repos : on ne le voit pas couché mollement dans les sillons ; il ne se roule pas sur la poussière. C’est lui qui forma les Serranus et les Curius ; lui qui fit offrir les faisceaux à des laboureurs, et enlever un dictateur à la charrue traînée par un taureau. Il donne à ceux qu’il voit naître l’amour de la gloire, un caractère taciturne, un corps pesant et robuste : le dieu de l’amour établit volontiers sur leur front le trône de son empire.
Les gémeaux président à des occupations plus douces, et font couler la vie plus agréablement : on la passe à chanter, à former des concerts ; on accompagne de la voix les tendres sons de la lyre ou du chalumeau ; les plaisirs même paraissent quelquefois un travail. Point de trompettes, point d’instruments de guerre ; on écarte toute idée d’une triste vieillesse : du repos et une jeunesse éternelle passée dans les bras de l’amour, tel est le vœu de ceux qui naissent sous les gémeaux. Ils se frayent aussi un chemin jusqu’à la connaissance des astres ; et, continuant à parcourir le cercle des sciences, ils étudient les nombres et les mesures, et laissent bien loin derrière eux l’étude du ciel. La nature, moins vaste que leur génie, se prête à toutes leurs recherches, tant sont variées les connaissances dont ce signe inspire le goût !
L’écrevisse, placée dans le cercle brûlant de l’été, et que le soleil, revenu à son point le plus élevé, inonde de ses feux, est comme à la cime du monde, et nous renvoie de là une éblouissante lumière. Ferme en ses desseins, et ne se laissant pas facilement pénétrer, elle est féconde en ressources, et elle ouvre différentes voies à la richesse, soit en liant avec l’étranger un commerce lucratif, soit en confiant sa fortune aux vents, si elle prévoit qu’une disette prochaine fera renchérir les denrées, et permettra de revendre au monde les biens du monde même ; soit en établissant divers genres de négoce entre des nations inconnues, en demandant de nouveaux tributs à un autre ciel, et en amassant une ample fortune par le prompt débit de ces marchandises. On parcourt les mers, et, aspirant à une prompte échéance, on vend le temps de manière à doubler bientôt le principal par des intérêts usuraires. On a, sous ce signe, l’esprit subtil et ardent pour ses intérêts.
Qui ne connaît la nature du terrible lion, et les occupations qu’il prescrit à ceux à la naissance desquels il préside ? Celui-là déclare une guerre sanglante aux bêtes fauves, les poursuit sans relâche, se charge de leurs dépouilles, vit de leur chair. Celui-ci se plaît à décorer les colonnes de son palais de la peau des animaux féroces : il suspend sa proie aux murs de ses habitations, il répand dans la forêt le silence et la terreur ; il vit aussi de sa chasse. Il en est d’autres dont les inclinations sont les mêmes ; l’enceinte des murailles ne leur est point un obstacle ; ils font la guerre aux bêtes dans les villes mêmes ; ils en exposent les membres sanglants au devant de leurs boutiques, offrant ainsi un aliment au luxe de leurs concitoyens, et se faisant un commerce lucratif de la dépravation des mœurs. Ils sont d’ailleurs aussi faciles à s’apaiser que prompts à s’emporter ; ils sont intègres, et incapables de déguisement.
Erigone, retenue par un des quatre nœuds du cercle des signes, préside à l’enseignement : elle formera par l’étude les mœurs de ceux dont elle a éclairé la naissance ; ils perfectionneront leur esprit par la pratique des beaux-arts ; ils seront moins curieux de multiplier leurs revenus, que de pénétrer les causes et les propriétés des choses naturelles. Ce signe donnera le talent de la parole et le sceptre de l’éloquence ; il ouvrira les yeux de l’esprit pour distinguer tous les effets, si épaisses que soient les ténèbres qui nous en voilent les causes. Il procurera aussi le talent d’écrire avec célérité ; une lettre tiendra lieu d’un mot ; la main sera plus prompte que la langue ; un petit nombre de notes représentera les longues phrases d’un orateur véhément. Celui qui naît sous ce signe sera ingénieux : mais, durant sa jeunesse, son extrême modestie nuira beaucoup au succès des grands talents qu’il aura reçus de la nature. Il n’aura pas la fécondité en partage : peut-on l’avoir sous l’empire d’une vierge ?
La balance, rétablissant le jour et la nuit dans un juste équilibre, lorsque nous jouissons des nouveaux dons de Bacchus parvenus à leur maturité, enseignera l’usage des poids et des mesures. Qui naîtra sous elle deviendra l’émule de ce Palamède qui le premier appliqua les nombres aux choses, distingua les sommes par des noms, et réduisit le tout à des mesures et à des ligures, déterminées. Ce signe donne aussi le talent d’interpréter le livre des lois, d’approfondir tout ce qui en traite, de déchiffrer les écrits qui s’y rapportent, si abrégés qu’en puissent être les caractères. C’est par lui qu’on connaît ce qui est licite, et les peines que la loi impose à ce qui ne l’est pas ; on devient, pour ainsi dire, un préteur perpétuel, toujours en état de juger dans son cabinet les causes des citoyens. Sous ce signe était sans doute né Servius Sulpitius, qui, expliquant les lois, paraissait moins un interprète qu’un législateur. Enfin tout ce qui est mis en litige, et ne peut être décidé sans quelque autorité, lésera par l’aiguille de la balance.
Le scorpion, terrible par le dangereux aiguillon de sa queue, avec laquelle, tout en conduisant dans le ciel le char de Phébus, il ouvre le sein de la terre et enrichit les sillons de nouvelles semences, rend l’homme ardent pour la guerre, et lui inspire un courage martial : mais ce même homme se plaît à répandre le sang ; il aime le carnage encore plus que le butin. Il ne dépose pas les armes, même pendant la paix : les bois sont alors son champ de bataille ; il parcourt les forêts, et fait une guerre continuelle tantôt contre les hommes, tantôt contre les bêtes féroces. D’autres se dévouent à la mort et aux périls de l’arène : ils cherchent encore des ennemis, quand la guerre terminée ne leur en offre plus. Il en est enfin qui se plaisent à des simulacres de batailles, à des jeux imitant les combats, tant est grande leur ardeur pour la guerre. Au sein de la paix, ils apprennent à manier les armes, et font leur étude, de tout ce qui touche à l’art militaire.
Quant à ceux auxquels il est donné de naître sous le sagittaire à double forme, ils se plaisent à faire voler un char, à dompter la fougue des chevaux, à suivre des troupeaux paissant dans de vastes prairies, à donner à toute espèce de quadrupèdes des maîtres qui les rendent traitables, à calmer la fureur du tigre, à apprivoiser le lion, à se faire entendre de l’éléphant, et à dresser habilement cette masse énorme à nous donner des spectacles variés. Ce signe, étant un buste humain placé au-dessus des membres d’un quadrupède, doit assurer à l’homme l’empire sur les brutes ; et comme il bande un arc armé d’une flèche prête à partir, il donne de la force aux muscles, de la vivacité au génie, de l’agilité aux membres, à tout l’homme une vigueur infatigable.
Quant à vous, ô capricorne, Vesta entretient vos feux dans son sanctuaire : de là les goûts et les inclinations que vous inspirez. Tous les arts où le feu entre comme agent nécessaire, tous les métiers qui exigent l’entretien d’un feu continuel, sont de votre ressort. Vous enseignez à fouiller les mines, à arracher les métaux des entrailles de la terre. L’art de mettre l’or et l’argent en œuvre, la fusion du fer et de l’airain dans des creusets ardents, le secret de donner, à l’aide du feu, une dernière préparation aux dons de Cérès, sont autant de présents que nous tenons de votre libéralité. Vous donnez aussi du goût pour les habits, et pour les marchandises dont le froid accélère le débit. C’est que vous présidez toujours aux frimas : trouvant les nuits parvenues à leur plus grande longueur, vous faites renaître l’année, en augmentant la durée des jours. De là viennent l’incertitude des choses humaines, l’inconstance des entreprises, l’irrésolution des esprits. La partie postérieure de ce signe, terminée en poisson, promet une vieillesse plus heureuse : la partie antérieure porte à la passion de l’amour ; on n’épargne pas même le crime pour la satisfaire.
Ce jeune homme qui, de son urne inclinée, fait couler une fontaine intarissable, le verseau donne des inclinations analogues à son occupation. On découvre alors des veines d’eau cachées sous terre, on les convertit en ruisseaux apparents, on les dénature en les faisant jaillir jusqu’aux astres ; le luxe affronte la mer, à laquelle il assigne de nouvelles limites ; il creuse des lacs et des fleuves factices ; il fait couler sur le toit des maisons des ruisseaux dont la source est lointaine. On doit à ce signe une infinité d’arts qui ont l’eau pour agent. Il produit aussi ces rares génies qui pénètrent la sphère céleste, en expliquent les mouvements, en annoncent les variations, et les réduisent à des périodes déterminées. Ceux qui naissent sous ce signe ont un caractère doux, des mœurs faciles, une âme noble ; ils dépensent volontiers ; ils ne connaissent jamais ni la disette, ni la trop grande abondance : telles sont aussi les propriétés de l’urne du verseau.
Ceux qui voient le jour sous les poissons, dernier signe céleste, aimeront les hasards de la mer ; ils confieront leur vie aux ondes ; ils construiront ou armeront des vaisseaux ; ils prépareront tout ce qui est nécessaire à la navigation. Ce penchant embrasse une infinité d’arts, et à peine trouverait-on assez de noms pour les faire connaître ; il y en a autant que de parties dans un navire. Ajoutez-y l’art de gouverner un vaisseau ; un bon pilote connaît nécessairement les astres ; le ciel est la règle de ses opérations maritimes : il ne doit pas ignorer la position des terres, des fleuves et des ports, non plus que la direction des vents. Ici il communique rapidement au gouvernail les mouvements nécessaires pour diriger la marche du navire et pour fendre directement les flots : là il manie l’aviron avec dextérité, et, à l’aide des rames, il accélère la navigation. D’autres, armés de filets, se plaisent à balayer le fond d’une mer tranquille ; ils exposent sur le rivage un peuple de poissons captifs, ou bien ils cachent sous l’appât des hameçons perfides, ou enfin ils déploient des rets dont le poisson ne peut se dégager. Ce même signe inspire aussi un goût vif pour les batailles navales, pour ces combats qu’on livre sur un théâtre mobile, et où les flots se rougissent de sang, la fécondité, l’amour de la volupté, la légèreté et l’inconstance sont le partage de ceux qui naissent sous les poissons.
Telles sont les mœurs, telles sont les occupations que les douze signes inspirent à l’homme naissant ; ils jouissent eux-mêmes d’attributs individuels analogues à ces inclinations. Mais aucun d’eux ne produit de soi-même son entier effet. Ils se divisent tous également, pour associer leurs forces avec d’autres signes auxquels ils accordent un droit d’hospitalité, liant avec eux un commerce, et leur cédant leurs propres droits sur une partie de leur domaine. On a donné à ces divisions le nom de décanies, nom analogue au nombre de leurs degrés. En effet, chaque signe contenant trente degrés est divisé en trois parties égales, et cède dix degrés à chacun des signes qu’il s’associe ; et tous deviennent successivement le domicile de trois signes. C’est ainsi que la nature s’enveloppe toujours de nuages presque impénétrables ; le siège de la vérité est au centre des ténèbres ; il faut, pour h trouver, percer de grandes obscurités ; le chemin qui y conduit est long et pénible : le ciel ne connaît pas de voie courte et abrégée. Un signe, opposé à un autre, peut jeter dans l’erreur ; il fait méconnaître sa force et son énergie : ce n’est pas avec les yeux du corps, mais par ceux de l’esprit, qu’il faut dissiper ces ténèbres ; c’est à fond, et non superficiellement, qu’on doit étudier la divinité.
Afin donc que vous connaissiez les forces que les signes acquièrent dans les lieux qui leur sont étrangers, je vais dire quelle est leur association, avec quels signes et dans quel ordre ils la contractent. Le bélier se réserve sa première partie ; il cède la seconde au taureau, la troisième aux gémeaux : il se trouve ainsi partagé entre trois signes, et répand autant d’influences qu’il a fait de parts de son autorité. Il n’en est pas de même du taureau, qui, ne se réservant aucune de ses décanies, donne la première à l’écrevisse, celle du milieu au lion, et la dernière à la vierge ; sa nature n’est cependant pas anéantie : il unit ses forces à celles des signes qu’il s’est associés. La balance s’approprie les dix premiers degrés des gémeaux ; le scorpion, les dix suivants ; les dix derniers sont au sagittaire. Le nombre de degrés attribué à chaque signe est toujours le même ; ils suivent d’ailleurs l’ordre qu’ils occupent dans le ciel. L’écrevisse, en opposition directe avec le capricorne, le gratifie de ses dix premiers degrés ; il existe entre ces c’eux signes une espèce d’affinité, relative aux saisons qu’ils gouvernent ; l’écrevisse nous donne des jours aussi longs que les nuits d’hiver : ainsi l’un et l’autre signe, quoique opposés, suivent des lois analogues. Les feux des dix degrés suivants sont arrosés par le verseau ; les poissons le suivent, et occupent les derniers degrés de l’écrevisse. Le lion n’oublie pas le signe qui lui est associé dans un même trigone ; il donne sa première décanie au bélier, la seconde au taureau, qui lui est pareillement uni dans un tétragone ; il réserve la troisième aux gémeaux, avec lesquels le côté d’un hexagone lui donne quelque rapport. La vierge donne chez elle la place d’honneur ou sa première décanie à l’écrevisse ; la décanie voisine vous est abandonnée, ô lion de Némée, par droit de voisinage ; trigone se réserve la dernière, contente d’occuper la place que les deux autres signes ont dédaignée. La balance se laisse entraîner par l’exemple ; son modèle est le bélier ; celui-ci, quoique dans une autre saison, s’accorde avec elle sur les limites du jour et de la nuit ; il maintient l’équilibre du printemps ; elle présidé à-l’égalité des heures de l’automne. En conséquence elle ne cède à aucun signe sa première décanie ; elle accorde la suivante au signe qui la suit, et la troisième appartient au sagittaire. Le scorpion a établi le capricorne dans sa première partie ; il a soumis la seconde à celui qui tire son nom de l’eau qu’il ne cesse de verser ; il a voulu que la dernière fût dominée par les poissons. Celui qui, l’arc tendu, menace toujours de décocher sa flèche, cède la première place au bélier par droit de communauté de trigone, la suivante au taureau, la dernière aux gémeaux. On ne reprochera point au capricorne le crime honteux de l’ingratitude : reconnaissant envers l’écrevisse, qui l’a admis dans son domaine, il l’admet dans le sien ; elle y occupe le premier rang, le lion règne ensuite, la vierge s’approprie les derniers degrés. Le jeune homme, qui se glorifie de faire sortir de son urne une source in tarissable, confie à la balance le gouvernement de sa première partie ; le scorpion s’attribue les dix degrés suivants ; les dix derniers sont occupés par le sagittaire. Il ne reste plus que les poissons, dernier des signes célestes : ils accordent au bélier le premier rang dans l’étendue de leur empire, et après vous avoir admis, ô taureau, à gouverner les dit degrés du milieu, ils se réservent ce qui reste ; et comme ils complètent la série des signes, ils n’exercent un pouvoir exclusif que sur les derniers degrés de leur domaine. Ce rapport réciproque sert à développer les forces secrètes du ciel ; il le divise de différentes manières, et assigne à ses parties différents principes d’activité : elles contractent ainsi des affinités d’autant plus grandes, qu’elles sont plus multipliées. Ne vous laissez pas séduire par des titres dont vous croyez connaître la signification : les astres se déguisent, et ne se montrent pas à découvert aux mortels. Il faut que la sagacité, de l’esprit humain s’élève plus haut : les signes doivent être cherchés dans d’autres signes ; il faut combiner les forces de ceux qui agissent ensemble. Chacun apporte en naissant les inclinations convenables au degré du signe sous lequel il voit le jour, et il est censé naître sous le signe qui y domine ; tel est le principe de l’énergie de toutes les décanies. J’en prends à témoin cette variété d’êtres qui naissent sous un même signe : dans ces milliers d’animaux à la naissance desquels un même astérisme a présidé, on remarque autant d’habitudes différentes que d’individus ; ce sont des caractères analogues à des signes différents de celui sous lequel on est né ; on n’aperçoit que confusion dans la naissance des hommes et des animaux. La cause en est que les signes se réunissent les uns aux autres dans plusieurs de leurs parties : ils conservent leurs noms, mais leurs différents degrés suivent des lois différentes. Le bélier ne se borne pas à fournir de la laine, le taureau à conduire la charrue, les gémeaux à protéger les Muses, l’écrevisse à négocier ; le lion n’est pas exclusivement occupé de la chasse, ni la vierge de l’instruction, ni la balance des poids et mesures, ni le scorpion des armes ; le sagittaire ne se contente pas d’inspirer de l’inclination pour les animaux, le capricorne pour le feu, le verseau pour l’eau qu’il répand, les poissons pour la mer : ces signés acquièrent d’autres propriétés par les diverses associations qu’ils forment entre eux.
C’est, me direz-vous, un travail immense et bien délicat, que celui que vous m’imposez ; vous replongez mon esprit dans les plus épaisses ténèbres, au moment même où je croyais mes yeux ouverts à la lumière. Mais quel est l’objet de vos recherches ? la divinité même. Vous voulez vous élever jusqu’au ciel ; pénétrer le destin, dont les décrets font que vous existez ; reculer les bornes de votre intelligence ; jouir de l’univers entier. Le travail doit être proportionné au bien que l’on espère ; de si hautes connaissances ne s’acquièrent pas sans peine. Ne soyez pas étonné des détours et des obstacles qui s’offrent sur la route : c’est beaucoup que d’y être une fois engagé ; le reste ne doit dépendre que de nous. Vous n’obtenez l’or qu’après avoir creusé les montagnes ; la terre ensevelit ses richesses, et s’oppose à votre désir de les posséder. On traverse l’univers entier pour acquérir des perles.] On affronte les mers pour obtenir des pierreries. Le laboureur inquiet s’épuise en vœux éternels ; mais quel prix peut-il espérer de ses récoltes souvent trompeuses ? Chercherons-nous à nous enrichir par un commerce maritime ? ou l’espérance du butin nous enrôlera-t-elle sous les drapeaux de Mars ? Rougissons de payer si cher des biens périssables. Le luxe même est une fatigue ; l’estomac veille pour se ruiner ; le débauché soupire souvent après des plaisirs qui le conduisent au tombeau. Que ferons-nous pour le ciel ? à quel prix achèterons-nous ce qui n’a pas de prix ? L’homme doit se donner tout entier lui-même, pour devenir le temple de la divinité.
Telles sont les lois qui décident des mœurs que l’enfant naissant doit avoir. Mais il ne suffit pas de savoir quels signes dominent dans les décanies des autres signes, et quelles sont leurs propriétés : il faut distinguer aussi entre leurs degrés ceux qui sont engourdis par le froid ou embrasés par une chaleur excessive, ou, qui péchant soit par l’excès soit par le manque d’humidité, sont également stériles. Toutes ces circonstances contribuent à mélanger les influences des signes, dont les degrés se suivent sans se ressembler. Rien n’est uniforme. Parcourez l’étendue de la terre, celle de l’Océan et des fleuves, dont l’onde fugitive court s’y réunir ; vous apercevez partout le désordre partout vous voyez le mal à côté du bien. Une année de stérilité frappe quelquefois les meilleures terres, et fait périr en un instant les fruits, avant qu’ils aient atteint leur maturité. Sur cette côte où vous avez reconnu un bon port, vous voyez maintenant un redoutable écueil : le calme de la mer vous plaisait, il est bientôt suivi de la bourrasque. Le même fleuve roule tantôt entre les rochers, et tantôt coule paisiblement dans la plaine ; il suit le lit qu’il trouve tracé, ou, formant mille détours, il semble chercher la route qu’il doit tenir. Les parties du ciel subissent de semblables variations : autant un signe diffère d’un autre signe, autant diffère-t-il de lui-même ; la plus légère circonstance le prive de son énergie naturelle, de ses salutaires influences. L’espérance que tel de ses degrés faisait concevoir est bientôt frustrée ; son effet est détruit, on mélangé d’accessoires pernicieux. Je dois donc maintenant exposer, dans des vers appropriés au sujet, les degrés défavorables des signes. Mais comment assujettir tant de nombres aux lois de la poésie ? comment revenir si souvent sur les mêmes degrés ? comment exprimer toutes ces sommes différentes ? comment représenter ces objets avec quelque variété de style ? Répéterai-je les mêmes termes ? J’ai de la peine à m’y résoudre ; mon ouvrage serait dépourvu d’agréments : or on méprise facilement des vers qui ne flattent pas l’oreille. Mais puisque je veux faire connaître les arrêts du destin et les mouvements sacrés du ciel, je ne puis avoir qu’un langage conforme aux lois que j’expose. Il ne m’est pas permis de feindre ce qui n’est pas ; je ne dois montrer que ce qui est. Ce sera beaucoup pour moi d’avoir dévoilé les secrets de la divinité ; elle saura se recommande elle-même : en vain prétendrions-nous la relever par nos expressions ; ce qu’elle est au-dessus de ce que nous pouvons en dire. Je croirai n’avoir pas peu réussi, si je puis seulement apprendre à distinguer les parties dangereuses des signes. Voyons donc quelles sont celles dont il faut se méfier.
Le quatrième degré du bélier est malfaisant ; le sixième, le septième, le dixième et le douzième ne sont pas favorables ; ceux qui sont doubles de sept et de neuf, et celui qui surpasse d’une unité le vingtième, sont pernicieux ; le cinquième et le septième, au-dessus de vingt, terminent les degrés défavorables de ce signe.
Le neuvième degré du taureau est mauvais, ainsi que le troisième et le septième de la seconde dizaine ; les degrés doubles du onzième, du douzième et du treizième sont dangereux, comme celui auquel il ne manque que deux pour arriver à trente ; enfin le trentième degré n’est pas moins à redouter.
Le premier et le troisième degré des gémeaux sont pernicieux ; le septième n’est pas meilleur ; le triple du cinquième est aussi dangereux, ainsi que celui qui précède et celui qui suit immédiatement le vingtième : le vingt-cinquième est d’un aussi mauvais présage, et l’on ne sera pas plus favorisé en ajoutant deux ou quatre à vingt-cinq.
Défiez-vous du premier, du troisième et du sixième degré de l’écrevisse ; le huitième leur ressemble ; le premier de la seconde dizaine est furieux ; le triple du cinquième n’a pas de plus douces influences ; le dix-septième et le vingtième ne promettent que le deuil, ainsi que le cinquième, le septième et le neuvième des degrés suivants.
Vous n’êtes pas moins redoutable, ô lion de Némée, dans votre premier degré ; vous nous terrassez sous votre quatrième ; ceux qui sont doubles ou triples du cinquième rendent l’air contagieux : le vingt-unième est nuisible ; qu’on ajoute trois ou six à ce nombre, le danger est encore le même : le dernier degré enfin n’est pas plus favorable que le premier.
Jamais ni le premier degré de la vierge, ni le sixième, ni ceux qui occupent le premier, le quatrième et le huitième rang après le dixième, n’ont procuré d’avantages ; le premier et le quatrième de la dernière dizaine sont à craindre : joignez-y le trentième et dernier degré.
Le cinquième et le septième degré de la balance nuisent par leur excessive chaleur ; ajoutez trois à onze, sept à dix, et quatre ou sept à vingt, vous aurez autant de degrés malfaisants : il en est de même du vingt-neuvième et du trentième degré, qui terminent le signe.
Le scorpion est funeste dans ses premier, troisième, sixième et quinzième degrés ; dans celui qui double onze ; dans le vingt-cinquième ; dans ceux enfin qui occupent la huitième et la neuvième place dans la troisième dizaine.
Si le destin vous laisse la liberté du choix, ne le faites pas tomber sur le quatrième degré du sagittaire ; évitez aussi le huitième ; ceux qui sont doubles du sixième, du huitième et du dixième infectent l’air que nous respirons ; portez le même jugement des degrés qui doublent douze ou treize, de celui qui est formé par quatre fois sept, enfin de celui que produit le triple de dix.
Les degrés du capricorne les moins favorables sont le septième et le neuvième, le troisième de la seconde dizaine, ceux auxquels il manque trois ou un pour atteindre le vingtième, enfin ceux qui excèdent ce vingtième de cinq ou six unités.
On n’éprouve que des malheurs sous le premier degré du jeune homme qui verse une eau intarissable ; on regarde comme funeste celui qui suit le dixième, ainsi que le troisième, le cinquième et le neuvième de cette même dizaine, celui qui suit le vingtième, le vingt-cinquième, et enfin le vingt-neuvième, qui surpasse le précédent de quatre degrés.
Dans les poissons, les degrés à craindre sont le troisième, le cinquième, le septième, le onzième, le dix-septième, le quintuple de cinq, et celui qui ajoute deux au degré précédent.
Tous ces degrés, péchant par le froid ou par le chaud, par la sécheresse ou par une humidité surabondante, rendent l’air stérile, soit parce que Mars le traverse alors de ses feux pénétrants soit parce que Saturne l’engourdit par ses glaces, ou que le soleil l’atténue par ses vapeurs.
Ne vous croyez pas affranchi de toute application, lorsque vous aurez su distinguer les degrés des signes : les circonstances peuvent en changer les qualités ; ils acquièrent à leur lever des propriétés qu’ils perdent ailleurs. Voyez, par exemple, le bélier, qui nous montre la courbure de son cou avant ses cornes, lorsqu’il s’élève au-dessus des eaux de l’Océan ; il produit des âmes avides, qui, n’étant jamais satisfaites de la fortune présente, se livrent au pillage, et déposent toute honte : une entreprise les flatte par cela même qu’elle est hardie. Tel le bélier présente la corne, comme résolu de vaincre ou de mourir. Une vie douce et tranquille au sein des mêmes pénates n’est point du goût des hommes ; ils aiment à visiter de nouvelles villes, à voguer sur des mers inconnues ; ils sont citoyens du monde entier. Ainsi le bélier lui-même teignit autrefois de l’or de sa toison les flots de l’Hellespont, et transporta dans la Colchide, sur les rives du Phase, Phrixus, affligé de la triste destinée de sa sœur.
Ceux dont la naissance concourt avec le lever des premières étoiles du taureau sont mous et efféminés. Il ne faut pas en chercher la cause bien loin, si du moins il est vrai qu’on puisse connaître la nature par ses causes : ce signe en se levant présente d’abord sa croupe ; il porte en outre un grand nombre d’étoiles du sexe féminin, le groupe des Pléiades, circonscrit dans un petit espace. Le taureau, conformément à sa nature, promet aussi d’abondantes moissons ; et, pour fendre les guérets, il fait plier sous le joug le cou du bœuf laborieux.
Lorsque l’horizon nous montre une moitié des gémeaux, et retient l’autre moitié cachée sous les eaux, l’enfant qui nait alors a du penchant pour l’étude, des dispositions pour les beaux-arts : ce signe n’inspire point un caractère sombre, mais gai et plein d’aménité ; la musique, ou vocale ou instrumentale, est un de ses présents ; il allie le charme de la voix à la mélodie des instruments.
Quand la noire écrevisse commence à s’élever avec ce nuage sombre, qui, tel qu’un feu dont l’éclat serait terni par celui du soleil, parait s’éteindre, et répand son obscurité sur le signe dont il fait partie, ceux qui naissent alors seront privés de la vue ; le destin semble les condamnera un double trépas, leur vie n’étant en quelque sorte qu’une mort continuelle.
Si, à la naissance d’un enfant, le lion avide montre sa gueule au-dessus des eaux, et que sa mâchoire vorace s’élève alors sur l’horizon, l’enfant, également criminel envers son père et ses descendants, ne leur fera point part des richesses qu’il aura acquises, et engloutira tout en lui-même : son appétit sera si irrésistible et sa faim si dévorante, qu’il mangera tout son bien sans que rien puisse le rassasier ; sa table absorbera jusqu’au prix de sa sépulture et de ses funérailles.
La vierge Erigone, qui fit régner la justice dans les premiers âges du monde, et qui abandonna la terre lorsque elle commença à se corrompre, donne à son lever la puissance et l’autorité suprême : elle crée des législateurs, des jurisconsultes, et de dignes ministres des saints autels.
Lorsque la balance, signe qui préside à l’automne, commence à s’élever sur l’horizon, heureux l’enfant qui naît sous le parfait équilibre de son fléau ! Il deviendra souverain arbitre de la vie et de la mort ; il assujettira les nations, il leur imposera des lois ; les villes, les royaumes trembleront devant lui ; tout se réglera par sa seule volonté ; et, après avoir fourni sa carrière sur la terre, il jouira de la puissance qui lui est réservée dans le ciel.
Quand le scorpion commence à montrer les étoiles qui décorent l’extrémité de sa queue, si quelqu’un nait alors, et que la position des étoiles errantes favorise le pronostic, il bâtira de nouvelles villes, il attellera des bœufs pour en tracer l’enceinte avec le soc de la charrue ; il rasera des villes anciennes, les convertira en terres labourables, et fera naître des moissons où s’élevaient des palais : tant seront grandes et sa valeur et sa puissance!
Lorsque le sagittaire fait briller à l’orient son écharpe, il crée des héros illustres dans la guerre, célèbres par leurs triomphes ; il les conduira victorieux dans leur patrie : tantôt ils construiront de nouvelles forteresses, tantôt ils en détruiront d’anciennes. Mais lorsque la fortune prodigue tant de faveurs, elle semble ne les accorder qu’à regret, et se montre souvent cruelle envers ceux qu’elle a le plus favorisés. Ce général redoutable, vainqueur à Trébie, à Cannes, au lac de Trasimène, paya cher ces triomphes, étant devenu, avant sa fuite, un exemple frappant de cette instabilité de la fortune.
La dernière étoile, à l’extrémité de la queue du capricorne, donne de l’inclination pour les exploits maritimes, pour l’art difficile de conduire un vaisseau, et pour une vie toujours active.
Cherchez-vous un homme intègre, irréprochable, d’une probité éprouvée ; c’est sous l’ascendant des premières étoiles du verseau que vous le verrez naître.
Mais donnez-vous bien de garde de désirer que ce soient les poissons qui commencent alors à se lever : ce signe ne donne du goût que pour un babil odieux ; il empoisonne la langue : on parle bas à toutes les oreilles, pour répandre le venin de la médisance ; on divulgue malignement partout les fautes les plus secrètes. Point de bonne foi dans les procédés, point de retenue dans les passions honteuses ; pour les assouvir, ou affronte le feu et la flamme. C’est que la déesse de Cythère se transforma en poisson, lorsque elle se précipita dans l’Euphrate pour se soustraire à la fureur de Typhon, ce monstre ailé dont les pieds imitaient les replis du serpent.] Vénus communiqua aux poissons l’ardeur de ses feux. Sous ce signe double, on ne naît pas seul ; un frère ou une tendre sœur vous accompagne ; ou si une fille naît seule, elle deviendra quelque jour mère de deux jumeaux.
Passons maintenant à la distinction des signes qui dominent sur les différentes régions de la terre : mais il faut d’abord donner une idée générale de la disposition de ces régions. Le globe céleste se divise en quatre parties : celle d’où naît le jour, celle où il disparaît, celle qui nous envoie les plus grandes chaleurs, celle qui est voisine de l’ourse. De ces quatre parties s’élancent autant de vents qui se font la guerre dans le vague de l’air : le fougueux Borée part du pôle, l’Eurus s’échappe de l’orient, l’Autan a son poste au midi, le Zéphyr vient de l’occident. Entre ces vents principaux, chaque partie exhale deux vents intermédiaires qui sont de même nature, et ne diffèrent que par le nom. La terre, flottante au centre du monde, est environnée de l’Océan qui lui sert de couronne, et la resserre en tous sens entre ses bras liquides. Elle admet encore dans son sein une autre mer. Celle-ci entre dans les terres du côté du sombre couchant, arrose à droite la Numidie, la brûlante Libye, et les ruines de la superbe Carthage. Quand elle a, dans ses sinuosités, enveloppé les deux Syrtes, golfes dangereux par leurs bancs de sable, elle reprend son cours direct jusqu’aux bouches du Nil. Ces mêmes flots, à gauche, battent d’abord les côtes de l’Espagne, et celles de la Gaule qui l’avoisinent : ils baignent ensuite l’Italie, qui, s’avançant vers la rive droite de cette mer, s’étend jusqu’aux chiens qui aboient autour de vous, ô Scylla, et jusqu’aux gouffres de Charybde. Lorsqu’elle a franchi ce détroit, elle devient mer Ionienne, et fait rouler librement ses eaux dans un plus vaste espace. Se repliant d’abord sur la gauche, elle achève, sous le nom de mer Adriatique, de faire le tour de l’Italie, et reçoit les eaux de l’Éridan. Elle arrose et laisse à gauche l’Illyrie ; elle baigne l’Épire et la célèbre Corinthe ; elle roule autour des amples rivages du Péloponnèse ; et, se détournant une seconde fois vers la gauche, elle embrasse dans son vaste contour les côtes de la Thessalie et les campagnes de l’Achaïe. De là, par ce détroit que traversa le jeune Phrixus, et dans lequel Hellé se perdit, elle s’ouvre avec violence un passage dans les terres, et joint l’entrée étroite de la Propontide au Pont-Euxin et au Palus-Méotide, qui, placé derrière toutes ces mers, semble la source de toute la Méditerranée. Lorsque le navigateur, ramené vers les détroits, a traversé de nouveau les flots de l’Hellespont, il fend la mer Icarienne et la mer Egée ; il admire à sa gauche les belles plaines de l’Asie ; il y voit autant de trophées que de pays, une contrée où les populations abondent, le mont Taurus menaçant les flots, les peuples de Cilicie, la Syrie brûlée par les ardeurs du soleil, des terres qui, formant un vaste golfe, paraissent vouloir éviter le voisinage de la mer ; jusqu’à ce que la côte, continuant de se courber, vienne se terminer une seconde fois et mourir en quelque sorte à la rencontre du Nil. Tel est le circuit de la mer Méditerranée, telles sont les limites qu’il n’est pas permis à ses eaux de franchir. Mille terres sont semées dans cette vaste étendue de mer. La Sardaigne, dans la mer de Libye, représente l’empreinte d’un pied humain : la Sicile n’est séparée de l’Italie que par un détroit : la Grèce voit avec étonnement vis-à-vis d’elle les montagnes de l’Eubée. La Crète est célèbre pour avoir été le berceau de Jupiter, et l’avoir compté au nombre de ses citoyens. L’île de Chypre est environnée de tous côtés par la mer d’Egypte. Je passe sous silence beaucoup d’îles moins apparentes, élevées cependant au-dessus de la mer, telles que les Cyclades, sur lesquelles semble avoir passé le niveau, Délos, Rhodes, l’Aulide, Ténédos, la Corse voisine de la triste Sardaigne, l’île d’Ivice, qui la première de toutes rompt les flots de l’Océan à son entrée dans l’intérieur des terres, et les autres îles Baléares. Les rochers, les montagnes qui s’élèvent au-dessus de cette mer, sont sans nombre. Et ce n’est pas d’un seul côté que l’Océan, forçant les rivages qui le retenaient, s’est ouvert de nouvelles issues dans les terres ; ses flots ont inondé plusieurs côtes ; mais de hautes montagnes les ont arrêtés, et ne leur ont pas permis de couvrir la terre entière. Entre le septentrion et l’orient d’été, un bras de mer long et très étroit, facile à traverser, s’échappe de l’Océan, s’élargit au milieu des terres, et forme, sous le nom de mer Caspienne, une mer égale au Pont-Euxin. Vers le midi, l’Océan a fait deux autres invasions sur le continent : ses flots se sont emparés d’une partie des plaines de la Perse, et cette nouvelle mer a usurpé le nom des côtes qu’elle baigne maintenant, et entre lesquelles elle pénètre par une assez large ouverture. Non loin de ce golfe, en Arabie, dans ce pays dont les habitants efféminés jouissent des délices particulières au climat, et respirent des odeurs dont une infinité de plantes parfument l’air, une autre mer mouille tranquillement les rivages où l’on recueille les perles ; elle porte le nom du pays qu’elle arrose. L’Arabie sépare ces deux mers.
(Lacune, vers la fin de laquelle l’Afrique était sans doute nommée.)
La belliqueuse Carthage y tenait autrefois le premier rang, lorsque Annibal réduisit en cendres les forteresses que nous avions construites sur les Alpes, immortalisa Trébie, couvrit Cannes de tombeaux, et transporta l’Afrique en Italie. La nature, ayant en horreur les guerres que Carthage devait soutenir contre Rome, en punit l’Afrique en la rendant le repaire de bêtes féroces et de monstres de toute espèce, d’horribles serpents, d’animaux infectés de venin, nourris de ce qui donne la mort, vrais forfaits de la terre qui les produit. Cette terre barbare, fertile en productions qui la dévastent, porte aussi d’énormes éléphants et des lions furieux : c’est un jeu pour elle de donner naissance à des singes de la difformité la plus hideuse. Plus tristement partagée que si elle était stérile, elle couvre de monstrueux produits ses sables arides, et elle est telle jusqu’aux frontières où commence l’Egypte.
De là on passe en Asie, terre fertile en productions de toute espèce : l’or roule dans les fleuves ; les mers brillent de l’éclat des perles ; les forêts sont parfumées par la suave odeur des plantes médicinales. L’Inde est fort au-dessus de ce que la renommée en publie ; la région des Parthes parait un monde entier ; le Taurus semble élever sa cime jusqu’au ciel ; il est environné d’une multitude de peuples connus sous différents noms ; ils s’étendent jusqu’au Tanaïs, qui, en arrosant les plaines de la Scythie, forme la séparation de deux parties du monde jusqu’au Palus-Méotide, aux eaux dangereuses du Pont-Euxin, et à l’Hellespont qui termine la Propontide :] c’est là que la nature a fixé les limites de la puissante Asie.
Le reste de la terre appartient à l’Europe : cette contrée fut la première qui reçut Jupiter au sortir des flots qu’il avait traversés à la nage ; ce dieu y quitta la forme d’un taureau dont il s’était revêtu : il donna à cette mer le nom de sa chère Europe, et consacra par un titre le monument de son amour.] Cette partie du monde est la plus noble et la plus féconde en héros et en villes savantes. Athènes a remporté la palme de l’éloquence ; Sparte est connue par la valeur de ses guerriers, Thèbes par les dieux qui y ont pris naissance : un seul roi a suffi pour immortaliser la Thessalie ainsi que l’Épire ; l’Illyrie, qui en est voisine, est renommée pour la beauté de ses côtes ; la Thrace a compté Mars au nombre de ses citoyens : la Germanie admire avec étonnement la taille de ses habitants ; la Gaule est riche, l’Espagne belliqueuse. L’Italie domine sur tous les peuples ; Rome, capitale du monde entier, lui a communiqué la souveraineté de l’univers, se réservant pour elle-même l’empire du ciel. Telle est la division de la terre et de la mer : la nature en a distribué le domaine entre les signes célestes ; chacun d’eux est chargé de la protection des royaumes, des nations, des villes puissantes qui lui sont attribués, et sur lesquels il doit exercer principalement son énergie. Tel le corps de l’homme est pareillement distribué entre les signes célestes, de manière que, quoique leur protection s’étende sur le corps entier, chaque membre cependant dépend plus particulièrement du signe auquel il est départi : (ainsi le bélier domine sur la tête, le taureau sur le cou ; les bras appartiennent aux gémeaux, la poitrine à l’écrevisse ; les épaules sont votre partage, ô lion de Némée ! et les flancs, celui de la vierge ; les parties inférieures du dos sont soumises à la balance, celles de la génération au scorpion ; les cuisses sont le domaine du sagittaire, et les genoux, celui du capricorne ; les jambes sont sous la protection du verseau, les pieds sous celle des poissons) : de même chaque région de la terre est attribuée à un signe qui la protège plus spécialement.
C’est à ce partage qu’il faut rapporter ces différences de mœurs et de figures que nous remarquons parmi les hommes ; chaque nation est distinguée par ses nuances ; et des traits de ressemblance, des traces de conformité caractérisent les naturels d’un même pays. Les Germains sont d’un blond ardent et d’une taille élevée. La couleur des Gaulois est à peu près la même, mais cependant moins vive. L’Espagne, plus austère, donne à ses habitants une constitution vigoureuse. Mars, père de la ville de Rome, donne aux Romains un maintien guerrier ; et Vénus, joignant son influence à celle de Mars, y ajoute la grâce. La Grèce, ingénieuse et basanée, montre assez par la couleur de ses habitants qu’ils excellent dans la gymnastique et dans l’exercice de la lutte. Une chevelure crépue est la marque distinctive du Syrien. Le teint noir des Éthiopiens forme dans l’uni vers une vraie bigarrure ; ils représentent assez bien des peuples qui seraient toujours enveloppés de ténèbres. Les Indiens sont moins brûlés ; un air moins chaud ne les colore qu’à moitié. L’Egypte, plus voisine de notre climat, et rafraîchie par les débordements du Nil, donne à ses habitants une couleur encore moins foncée. L’Africain est desséché par l’ardeur du soleil, au milieu de ses sables brûlants. La Mauritanie, ainsi appelée à cause de la couleur de ceux qui l’habitent, doit ce nom à la lividité de leur teint. À ces variétés joignez celle des inflexions de la voix ; autant de langues que de peuples ; des mœurs assorties à chaque nation, partout des coutumes différentes ; les fruits de la terre variés à l’infini, quoique provenant des mêmes semences ; les dons de Cérès communs à tous les pays ; une aussi grande variété dans la production des légumes ; Bacchus ne faisant point partout ses présents avec une égale libéralité, et diversifiant les vins dont il enrichit les divers coteaux ; les plantes aromatiques ne naissant point dans toutes les campagnes ; les différences entre les animaux domestiques et sauvages d’une même espèce ; les éléphants ne se reproduisant que dans deux parties de la terre. Il y a donc autant de mondes différents que de parties différentes dans le monde ; cela dépend des signes qui dominent chaque région, et qui versent sur elle leurs puissantes influences.
Le bélier, qui, placé au milieu de la route du soleil, à égale distance de l’écrevisse et du capricorne glacé, nous ramène le printemps, exerce son empire sur le bras de mer dont il avait bravé les flots, lorsque après la perte de la jeune Hellé il déposa son frère sur le rivage opposé, s’attristant de sentir son fardeau diminué, et son dos déchargé de la moitié du poids qu’il portait. Il est pareillement le signe dominant de la Propontide, voisine de ce détroit ; des peuples de la Syrie, des Perses aux manteaux flottants et aux vêtements étroits ; du Nil, que le signe de l’écrevisse fait déborder, et de l’Egypte, qui nage alors dans les eaux de son fleuve. Le taureau règne sur les montagnes de la Scythie, sur la puissante Asie, et sur les Arabes efféminés, dont les bois font la principale richesse. Le Pont-Euxin, qui, par la courbure de ses rivages, imite celle d’un arc de Scythie, vous fait partager, ô Apollon, sous le nom des gémeaux, le culte qu’il rend à votre frère. L’habitant des rives du Gange, situé à l’extrémité de la terre, el l’Indien, bruni par l’ardeur du soleil, obéissent au même signe. L’ardente écrevisse brûle les Éthiopiens ; leur couleur le prouve assez. Pour vous, lion de Némée, consacré à la mère des dieux, vous avez sous votre empire la Phrygie, les contrées sauvages de la Cappadoce, les montagnes de l’Arménie, la riche Bithynie, et la Macédoine, qui avait autrefois subjugué la terre. La vierge incorruptible domine sur Rhodes, île également heureuse et sur terre et sur mer ; elle a été le séjour du prince qui doit gouverner l’univers. Consacrée au soleil, elle devint véritablement la maison de cet astre, lorsque elle admit dans son enceinte celui qui, après César, est la vraie lumière du monde. Les villes de l’Ionie, les plaines de la Doride, le peuple ancien de l’Arcadie, et la célèbre Carie, sont aussi du ressort de la vierge. Si vous étiez maître du choix, à quel signe attribueriez-vous l’Italie, sinon à celui qui introduit partout la règle et l’ordre, qui pèse, qui mesure, qui calcule tout, qui distingue ce qui est juste de ce qui ne l’est pas, qui détermine les saisons, qui égale la nuit et le jour ? La balance est le signe propre de l’Italie ; c’est sous elle que Rome fut fondée : c’est par elle que, maîtresse du monde, elle dispose du sort des peuples ; que, les tenant comme dans sa balance, elle les élève ou les abaisse à son gré, et qu’elle régit l’univers, attentif à recevoir et à exécuter ses lois. Le signe suivant domine sur les murs démolis de Carthage, sur la Libye, sur les pays limitrophes de l’Egypte, cédés au peuple romain ; il étend son pouvoir jusque sur les eaux de l’Italie, sur la Sardaigne et sur les autres îles de la même mer. Il en faut cependant excepter la Sicile, heureuse de se voir associée à sa sœur souveraine de l’univers, et qui a été fondée sous le même signe : voisine de l’Italie, dont elle n’est séparée que par un détroit, elle est assujettie aux mêmes lois, et n’est pas dominée par un signe différent. La Crète, environnée par la mer, obéit au sagittaire : ainsi le fils de Minos, informe composé de deux corps différents, est sous la protection d’un signe composé. C’est pour cela que les Crétois sont sans cesse armés de flèches rapides, et ont toujours, comme le sagittaire, un retendu à la main. Le signe équivoque, en partie terrestre, aquatique en partie, s’approprie les peuples de l’Espagne, ceux de la Gaule opulente, et les vôtres aussi, ô Germanie, contrée digne de ne produire que des bêtes farouches, et sujette à des débordements perpétuels, qui font de vous tantôt une mer, tantôt un continent! Le verseau, jeune homme nu et d’une complexion délicate, exerce son empire sur le climat tempéré de l’Egypte, sur les murs de Tyr, sur les peuples de Cilicie, et sur les plaines de la Carie, qui en s’ont voisines. L’Euphrate est le partage des poissons : c’est dans les eaux de ce fleuve que Vénus, sous la forme d’un poisson, se plongea pour se dérobera la poursuite de Typhon. La Parthie, vaste contrée baignée par une grande étendue de mer, est aussi du ressort des poissons, ainsi que les peuples domptés en différents temps par les Parthes, la Bactriane, l’Ariane, Babylone, Suse, l’île de Panis, mille autres peuples qu’il serait trop long de nommer, le Tigre, et les agréables rivages du golfe Persique.
Telle est la division de la terre entre les signes célestes : il faut appliquer à chaque région les lois et les propriétés qui conviennent au signe dominant : les nations ont, en effet, entre elles les mêmes relations que les signes : comme on remarque entre ceux-ci des amitiés, des inimitiés, des oppositions, des aspects favorables, tels que celui du trigone, et d’autres rapports modifiés par différentes causes ; de même, sur terre, des contrées correspondent avec d’autres contrées, des villes avec d’autres villes, des rivages avec d’autres rivages ; des royaumes sont en guerre avec d’autres royaumes. Avec ces connaissances, chacun peut savoir où il lui sera le plus avantageux de s’établir, où il lui serait pernicieux de résider, où il peut espérer des secours, où il doit craindre des dangers : les astres, du haut du ciel, prononcent ces arrêts.
Apprenez maintenant quels sont les signes qu’on désigne sous le nom grec de signes écliptiques, parce que, fatigués d’une carrière qu’ils ont longtemps fournie, ils semblent quelquefois engourdis et privés de toute énergie. C’est que, dans l’immense durée des temps, rien ne reste dans le même état ; tout éclat est bientôt flétri ; une suite d’événements analogues ne peut se perpétuer. Tout varie chaque jour ; chaque année, tout change : ces campagnes fertiles cessent de nous prodiguer leurs fruits, que leur sein fatigué refuse enfin de produire. Ces plaines, au contraire, qui ne rendaient pas même les semences qu’on leur confiait, nous payent maintenant, presque sans culture, des tributs abondants. La terre, appuyée sur des fondements si solides, s’ébranle quelquefois ; elle se dérobe sous nos pas, elle nage en quelque sorte sur elle-même ; l’Océan vomit ses eaux sur elle, et les reprend avec avidité : il ne peut se contenir dans ses bornes. On l’a vu submerger la terre entière, lorsque Deucalion, unique héritier du genre humain, possédait, dans on seul rocher, toute la terre habitable. De même, lorsque Phaéton tenait en main les rênes des coursiers de son père, la terre fut en feu, le ciel craignit d’être consumé, lès signes embrasés redoutèrent la violence de ces flammes inaccoutumées, la nature appréhenda de se voir ensevelie dans un immense bûcher : tant sont grands les changements que tous les corps éprouvent avec le temps ; après quoi tout rentre dans l’ordre primitif. Tels les signes célestes perdent quelquefois et recouvrent ensuite leur activité. Il n’en faut pas chercher la cause ailleurs que dans les éclipses de lune : cet astre, privé de l’aspect de son frère, est plongé dans les ténèbres de la nuit. La terre intercepte les rayons du soleil ; leur lumière, source unique de celle de la déesse de Délos, ne peut plus pénétrer jusqu’à elle. Les signes où elle se trouve alors languissent avec elle ; ils n’ont plus la même vigueur : on dirait qu’ils ont perdu leur souveraine, et qu’ils en portent le deuil. Le nom de signes écliptiques, que les anciens leur ont donné, exprime bien ce qu’ils éprouvent alors. Ils s’affaiblissent toujours deux à deux : et les deux signes défaillants ne sont pas voisins, ils sont au contraire opposés, d’autant plus que la lune n’est éclipsée que quand elle cesse de voir Phébus, roulant dans un signe diamétralement opposé au sien. Le temps de cet affaiblissement n’est pas le même pour tous les signes : quelquefois tonte l’année s’en ressent ; le terme de la défaillance est tantôt accéléré, tantôt retardé ; il peut s’étendre au delà d’une révolution du soleil. Lorsque le temps prescrit à la durée du malaise de deux signes, directement opposés, est accompli, et qu’ils sont arrivés au terme de leur deuil, leur affaiblissement passe à deux autres signes voisins des deux premiers, et qui se lèvent et se couchent immédiatement avant eux. En tout ceci la terre ne contrarie jamais le ciel ; au contraire, elle en suit tous les mouvements, toutes les variations ; elle ne communique plus des forces qu’elle a perdues, elle ne répand plus la même mesure de biens et de maux : le différent état du ciel produit toutes ces altérations.
Mais pourquoi, direz-vous, étudier le ciel par des moyens si subtils, si notre esprit se refuse à cette étude, si la crainte d’échouer nous ôte l’espérance du succès, et met obstacle à nos recherches ? Tout ce que la nature recèle dans le vaste dépôt de ses mystères échappe à nos yeux, et passe les bornes de notre intelligence. En vain dirait-on, pour appuyer la nécessité de cette étude, que tout est réglé sur les décrets du destin, si le destin nous est lui-même absolument impénétrable. Mais pourquoi vous obstiner ainsi à vous dégrader vous-même, à repousser des biens dont Dieu consent que vous jouissiez, à fermer les yeux de votre esprit à la lumière que la nature vous présente ? Nous voyons le ciel : pourquoi, par la bienfaisance de ce ciel même, ne nous serait-il pas permis de chercher à pénétrer les propriétés du monde, d’examiner en détail les éléments qui composent cette masse immense, de promener notre esprit par toutes les avenues du ciel auquel il doit son origine, d’étudier ce qui se passe à notre horizon, de descendre au-dessous des parties les plus basses de la terre suspendue au milieu de l’espace, de devenir citoyens de l’univers entier ? La nature n’a déjà plus d’obscurité pour nous ; nous la connaissons tout entière. Le monde est devenu notre conquête ; nous en jouissons à ce titre. Partie nous-mêmes de celui qui nous a donné l’être, nous savons ce qu’il est ; enfants des astres, nous nous élevons jusqu’à eux. Peut-on douter que la divinité n’habite nos âmes, que ces âmes ne nous viennent du ciel, qu’elles ne doivent y retourner ? que, comme le monde est composé de tous les éléments, de l’air, du feu, de la terre et de l’eau, et qu’il y a de plus dans ce monde un esprit qui veille à l’exécution de ce qu’il a ordonné, de même il se trouve en nous un corps formé de terre, un principe de vie résidant dans le sang, et de plus un esprit qui gouverne et dirige l’homme entier ? Est-il étonnant que les hommes puissent connaître le monde, puisque le monde est en eux-mêmes, et que chaque homme est une image, une copie amoindrie delà divinité ? Est-il possible de se figurer que notre origine vient d’ailleurs que du ciel ? Tous les animaux sont courbés vers la terre, ou plongés dans les eaux, ou suspendus dans l’air ; privés de la raison et du don de la parole, ils se livrent au repos, satisfont aux besoins de l’estomac, jouissent des plaisirs des sens. L’homme seul est destiné à examiner tout ce qui est, à parler, à raisonner, à cultiver tous les arts. Produit par la nature pour tout gouverner, il a formé des sociétés dans les villes, il a obligé la terre à produire des fruits, il a forcé les animaux à le servir, il s’est ouvert un chemin sur les eaux ; seul il porte la tête droite et élevée ; supérieur à tout, il dirige vers les astres des regards triomphants ; il observe de plus près le ciel, il y interroge la divinité, et, non content de l’enveloppe extérieure, il veut connaître à fond l’univers : étudiant ainsi le ciel, avec lequel il a tant de rapports, il s’étudie lui-même dans les astres. D’après cela, ne sommes-nous pas en droit d’exiger ici autant de confiance que nous en accordons tous les jours au chant des oiseaux, aux entrailles palpitantes des victimes ? Y a-t-il moins de raison à consulter les sacrés pronostics des astres, qu’à ajouter foi aux présages tirés des bêtes mortes ou du cri des oiseaux ? Et en effet, pourquoi Dieu permet-il que, de la terre, on voie le ciel ; pourquoi se montre-t-il à nous sous cette forme, dans ce qu’il a de corporel, en le faisant rouler sans cesse autour de nous ? pourquoi s’offre-t-il, se jette-t-il en quelque sorte au-devant de nous, si ce n’est pour se faire bien connaître, pour nous apprendre quelle est sa marche, pour fixer notre attention sur ses lois ? Le ciel lui-même nous invite à contempler les astres : puisqu’il ne nous cache pas son pouvoir et ses droits, sa volonté est que nous nous appliquions à les étudier. Dira-t-on qu’il n’est pas permis de connaître ce qu’il est permis de voir ? Et ne méprisez pas vos forces, parce qu’elles sont circonscrites dans les bornes étroites de votre corps : ce qu’il y a de fort en vous est immense. Ainsi l’or, sous un petit volume, excède le prix d’une grande masse d’airain : ainsi le diamant, cette pierre si petite, est encore plus précieux que l’or : ainsi la prunelle de l’œil, principal organe de la vision, est un point, et elle comprend l’image du ciel entier ; elle embrasse les plus vastes objets. Telle l’âme de l’homme réside dans un cœur bien peu vaste ; mais, franchissant ces étroites limites, elle gouverne tout le corps. Ne mesurez donc pas le volume de la matière qui est en vous, mais pesez vos forces, les forces de votre raison, et non le poids de votre corps ; c’est la raison qui triomphe de tout. Ne balancez donc point à reconnaître dans l’homme une intelligence divine. Et ne voyez-vous pas que l’homme fait lui-même des dieux ; déjà nous avons enrichi les astres d’une divinité nouvelle : Auguste, gouvernant le ciel, en relève encore la puissance.
⟴LIVRE V.
Un autre eût ici terminé sa course céleste ; après avoir traité des signes dont le mouvement est contrarié par celui des cinq étoiles errantes, de Phébus porté sur un char à quatre chevaux, de Diane qui se promène sur le sien attelé de deux coursiers, il s’abstiendrait de toute autre recherche ; il descendrait du ciel, et, sur sa route, il visiterait les orbes inférieurs de Saturne, de Jupiter, de Mars et du Soleil, et, après avoir traversé ceux de Vénus et de Mercure, il étudierait les erreurs de la lune. Le ciel veut que je poursuive ma course : il m’a fait monter sur un char éthéré, qui doit me porter jusqu’à sa cime la plus élevée ; il me défend d’en descendre avant de l’avoir parcouru en entier, avant d’en avoir visité toutes les constellations.
D’un côté, je me sens appelé par Orion, partie considérable du vaste firmament ; par le navire qui a porté tant de héros, et qui vogue encore parmi les astres ; par le fleuve qui serpente au loin dans le ciel ; par le centaure, et par la baleine aux dures écailles et à la gueule menaçante ; par le gardien vigilant du jardin des Hespérides et de ses pommes d’or ; par le grand chien, dont l’uni vers entier ressent les feux ; par l’autel des dieux, auquel l’Olympe paye le tribut de son hommage. Je vois, de l’autre côté, le dragon qui se replie entre les deux ourses ; le cocher qui fait encore rouler son char, et le bouvier qui conduit sa charrue ; la couronne d’Ariadne, présent vraiment céleste ; Persée armé de son glaive, et vainqueur de l’horrible Méduse ; Céphée et son épouse, qui semblent méconnaître leur fille Andromède ; le cheval ailé, tout rayonnant d’étoiles ; le dauphin disputant de vitesse avec la flèche ; Jupiter sous l’enveloppe d’un oiseau, et plusieurs autres astérismes qui roulent dans l’étendue du ciel. Tels sont les objets que j’entreprends de chanter : je dirai leurs propriétés, leurs influences, soit à leur lever, soit lorsqu’ils se précipitent dans l’Océan ; je déterminerai quel degré des douze signes ramène chacune de ces constellations sur l’horizon. C’est le créateur de l’univers qui leur imprima dans l’origine leur énergie particulière, et qui détermina le temps où cette force devait être déployée.
Le chef du troupeau, vainqueur de l’Hellespont, auquel il valut ce nom, en s’y allégeant d’une partie de son fardeau, le bélier qui y perdit même sa précieuse toison, et qui donna occasion à la princesse de Colchos de porter à Iolcos l’art funeste des empoisonnements, et de le répandre de là sur toutes les parties de la terre ; le bélier, comme s’il fendait encore les flots, traîne à sa suite la poupe du navire Argo, voisine de lui, et à la droite de laquelle il est situé. Cette poupe commence à hisser ses premiers fanaux, lorsque le quatrième degré du bélier monte sur l’horizon. Quiconque naîtra sous un tel ascendant commandera un vaisseau ; attaché au timon, il préférera la mer à la terre ; les vents seront les dépositaires de sa fortune ; il voudra parcourir toute l’étendue de l’Océan, et rencontrer à l’embouchure de quelque nouveau fleuve une nouvelle armée d’Argonautes, pour intimider son pilote Typhis, et le forcer de chercher son salut au milieu des plus dangereux écueils. Que le navire ne produise point de tels navigateurs, il n’y aura plus de guerre de Troie ; l’effusion du sang ne sera plus le prix du départ d’une flotte, ou de son arrivée au lieu de sa destination ; Xerxès n’embarquera pas toute la Perse, ne creusera pas de nouvelles mers, ne construira pas de pont sur les anciennes ; le succès des Athéniens à Salamine n’amènera pas leur ruine entière à Syracuse ; les débris des flottes de Carthage n’encombreront plus les mers ; le monde ne paraîtra pas en suspens à la journée d’Actium, et le sort du ciel ne semblera pas dépendre de l’inconstance des flots. C’est sous la conduite de tels chefs qu’on voit des vaisseaux courir sur toutes les mers, rapprocher toutes les parties de la terre, et nous faire jouir, avec l’aide des vents, de toutes les commodités que ce globe peut fournir.
À la gauche du bélier, et avec son dixième degré, Orion se lève : c’est la plus belle des constellations ; elle parait embrasser toute l’étendue de l’Olympe : lorsque elle est sur l’horizon, entraînant le ciel entier, la nuit, émule du jour, semble ne pas vouloir déployer ses ailes ténébreuses. Orion procure un génie vif, un corps alerte, un caractère prompt à obliger, un courage infatigable dans les plus fâcheuses circonstances. Un seul homme de cette espèce vaut tout un peuple, il habite tous les quartiers d’une ville, il est à toutes les portes, c’est l’ami de tout le monde ; et, dès le matin, tout citoyen reçoit de lui le même salut.
Mais lorsque le quinzième degré du bélier se montre à l’orient, le cocher sort du sein des ondes ; son char gravit la partie inférieure du ciel, on le voit paraître vers la plage d’où le glacial Borée nous fait sentir le froid piquant de son haleine. Cet astérisme inspire ses propres inclinations, le goût qu’il avait sur terre pour la conduite d’un char, et qu’il conserve encore dans le ciel. On aimera cet exercice, on se plaira à voir écumer le frein dans la bouche de quatre coursiers, à modérer leur trop grande ardeur, à les faire caracoler à propos ; ou, dès que la barrière sera ouverte et que les chevaux l’auront franchie, on saura hâter leur vol, et, penché en avant, on semblera vouloir devancer les coursiers ; les roues toucheront à peine la superficie de l’arène, et l’on surpassera la vitesse du vent ; ou, parvenu à la tête de ceux qui disputent le prix de la course, on leur coupera le chemin, pour les empêcher de prendre l’avantage ; on emploiera mille ruses pour retarder leur marche et leur fermer en quelque sorte toute la largeur du cirque ; ou, si l’on se trouve au milieu des concurrents, assuré de la qualité du sol, on saura tourner à droite aussitôt qu’il en sera temps, s’approcher de la borne le plus près possible, et tenir jusqu’à la fin les esprits indécis sur l’issue de la lutte. On aura aussi le talent de conduire deux chevaux accouplés, de sauter de l’un sur l’autre, de se tenir alternativement debout sur chacun des deux, de voler de l’un à l’autre, et d’accompagner cet exercice de mille tours d’adresse. Ou bien plusieurs rivaux, montés chacun sur un cheval, tantôt s’exerceront armés, et tantôt entrecouperont leur course dans le cirque, en offrant l’image d’un combat simulé. En un mot, on aura tous les talents qui peuvent se rapporter au maniement des chevaux. C’était sous le cocher sans doute qu’était né Salmonée, qui, faisant rouler un quadrige sur un pont d’airain, croyait imiter le ciel, et s’imaginait qu’en contrefaisant la foudre il passerait pour Jupiter descendu sur ce globe. L’insensé s’aperçut bientôt qu’il n’était pas facile d’imiter le tonnerre, et, renversé par un foudre véritable, il éprouva combien son pouvoir était inférieur à celui de Jupiter. Ne doutez pas que cette même constellation n’ait présidé à la naissance de Bellérophon, qui, se frayant vers les cieux une route nouvelle, vola jusqu’aux étoiles. Le ciel était sa carrière ; il voyait la terre et l’Océan sous ses pieds : il ne laissa dans sa course aucun vestige de la route qu’il avait tenue. Telles sont les influences du cocher au moment de son lever.
Lorsque le degré ascendant du bélier doublera le nombre de dix, les chevreaux commenceront à nous montrer leurs ondoyants mentons, et leurs dos hérissés monteront bientôt après au-dessus de l’horizon, vers la partie boréale du ciel. N’attribuez pas à cette constellation la naissance de ces hommes graves et sévères, austères comme des Catons, qui punissent de mort leur propre fils, comme Manlius, et qui ont le courage d’un Horace : la charge serait trop pesante pour un tel astérisme ; les chevreaux pétulants ne sont pas capables d’inspirer des sentiments si nobles ; ils s’amusent de choses frivoles, ils sont l’image des cœurs lascifs ; ardents à toute sorte de jeux, ils aiment à faire parade de leur intrépide agilité. Ils engagent la jeunesse dans des amours illicites : guidé alors, non par la vertu, mais par la passion, l’on affronte mille dangers ; la mort même n’a rien de terrible, pourvu qu’on se satisfasse. Et cette mort, en effet, est le moindre des malheurs ; le plus grand est le crime qui y a conduit.] Les chevreaux donnent aussi de l’inclination pour la garde des troupeaux ; ils président à la naissance de ceux qui, chargés de les conduire aux pâturages, portent toujours au cou un tendre chalumeau, dont ils tirent des sons mélodieux.
Mais lorsque à deux fois dix degrés du bélier il en sera joint sept autres, les hyades se lèveront. Ceux qui naissent alors sont ennemis du repos ; l’inaction n’a pour eux aucun attrait ; ils sont partisans du peuple, ils cherchent le trouble : les tumultes séditieux, les discussions bruyantes sont de leur goût ; ils aiment à entendre les Gracques haranguer du haut de la tribune, à voir le peuple sur le mont Sacré, et Rome presque sans citoyens ; ces guerres intestines leur plaisent, et ils tiennent en haleine la vigilance des magistrats. D’autres gardent à la campagne des troupeaux d’animaux immono.es : c’est sous ces étoiles sans doute qu’était né le fidèle porcher du fils de Laërte. Tels sont les penchants que les hyades inspirent, lorsque elles se lèvent à l’instant de quelque naissance.
Lorsque le bélier, montrant son dernier degré à la terre, est entièrement levé, et sorti du sein des ondes, on commence à voir la chèvre ; elle veille à la garde de ses chevreaux, qu’elle a fait casser devant elle : elle se lève du côté du pôle glacé, à la partie droite du ciel.] Nourrice de Jupiter, elle lui tint lieu de mère ; et le lait dont elle abreuva ce dieu encore enfant lui donna la force de lancer la foudre. Ceux qui naissent sous elle, sont naturellement timides ; leur esprit craintif prend l’alarme au moindre bruit, et s’effraye des plus vains fantômes, ils sont d’ailleurs portés à visiter des terres inconnues : telle la chèvre gravit sur les rochers pour y chercher de nouveaux arbustes, et se plaît à avancer toujours, pour paître en des lieux où elle n’a pas encore brouté.
Lorsque le taureau, reculant d’un pas précipité, nous montre la sixième partie de l’espace qu’il occupe, il fait lever les pléiades, sœurs célestes, égales en éclat. Ceux dont elles éclairent alors la naissance sont amis de Bacchus et de Vénus. Dans la joie des festins, ils s’abandonnent à la pétulance de leur caractère, et égayent les convives par le sel mordant de la plaisanterie. Ils ont toujours le plus grand soin de leur parure : curieux d’une propreté recherchée, ils disposent leurs cheveux en boucles flottantes, ou les retiennent avec des bandelettes, pour en former une touffe épaisse et élevée ; ou enfin ils changent leur visage, en se couvrant d’une fausse chevelure. Ils ont recours à la pierre-ponce pour adoucir la peau de leurs membres hérissés ; ce qui tient en eux de l’homme leur est un objet d’horreur ; ils voudraient que leurs bras ne se chargeassent jamais d’aucun poil. Ils s’habillent en femme ; s’ils sont chaussés, ce n’est pas pour l’usage, mais pour la parure ; leur démarche est efféminée et sautillante. Ils rougissent d’être hommes, et leur aveuglement est tel, qu’avec ces défauts ils ambitionnent de passer pour honnêtes. C’est peu pour eux d’aimer, ils veulent qu’on les tienne pour véritablement amoureux.
Les gémeaux présentent ensuite au-dessus des eaux de l’Océan leurs étoiles, unies par les liens de la fraternité. Le septième degré de ce signe amène le lièvre : ceux qui naissent sous cette constellation ont comme reçu de la nature des ailes et le don de voler, tant est grande l’agilité de leurs membres, qui égale la rapidité des vents. Ils ne sont pas encore partis de la barrière, qu’ils ont déjà remporté le prix de la course ; par la souplesse de leurs mouvements, ils parent les rudes atteintes du ceste, aussi habiles à esquiver les coups de l’adversaire qu’à lui en porter d’assurés. Une balle qui va fuir, ils la reprennent d’un pied agile, qui fait alors l’office de main ; ils sautent après elle dans leurs jeux, et leurs bras, toujours en mouvement, multiplient les coups rapides. Un autre jette en l’air tant de balles, qu’en retombant elles le couvrent tout entier ; alors ses mains se portent à toutes les parties de son corps, prêtes à recevoir et à renvoyer ces balles, qui, pour ainsi dire, instruites de la route qu’elles doivent tenir, obéissent à son ordre, et retombent autour de lui. Ces mortels veillent en dormant ; ils sont ingénieux à écarter tout sujet d’inquiétude, et, dans un paisible loisir, ils ne s’occupent que de varier leurs amusements.
Passons aux astérismes voisins de l’écrevisse : à sa gauche se lèvent les étoiles du baudrier d’Orion. Ceux qui les ont pour ascendant vous affectionnent particulièrement, Méléagre, vous qui fûtes consumé par des flammes lointaines, vous dont la mort causa celle de votre mère, vous qui perdîtes lentement la vie, avant de rendre le dernier soupir. Ils ont une égale vénération pour celui qui soulagea Atlas du poids de son fardeau ; pour l’héroïne qui combattit sur les rochers de la Calédonie, qui surpassa les hommes en courage, qui porta le premier coup à un monstre qu’il semblait qu’une fille ne pouvait pas même regarder impunément ; pour Actéon enfin, ce modèle du chasseur, avant que le destin en ait fait la proie de ses chiens. Ils chassent aussi aux filets ; de vastes montagnes sont entourées d’épouvantails de plumes ; on prépare des fosses trompeuses, on dispose des pièges perfides ; les bêtes sauvages, au milieu de leur course, se trouvent arrêtées dans les lacs qui leur sont tendus ; le fer ou les chiens terminent la chasse, et l’on emporte la proie. D’autres se plaisent à poursuivre dans la mer toute espèce de poisson, et à étaler sur la grève les animaux monstrueux qu’ils ont tirés des gouffres de l’Océan : ils portent la guerre sur les ondes, et jusque dans les bras de mer les plus orageux ; ils coupent par des filets le courant des fleuves ; ils suivent leur proie avec ardeur, partout où ils la soupçonnent. La terre ne suffit plus au luxe de nos tables, nous sommes dégoûtés de ce qu’elle fournit ; il faut, pour satisfaire nos goûts, que Nérée nous procure des productions d’un autre élément.
Procyon paraît, lorsque le vingt-septième degré de l’écrevisse sort de l’onde. Il ne forme pas, à la vérité, des chasseurs, mais il fournit les instruments nécessaires à la vénerie : il enseigne à dresser les jeunes chiens pour la quête, à distinguer leur espèce par la race dont ils sortent, leurs qualités par le lieu de leur naissance ; à faire des filets, de forts épieux garnis de fer, des javelots souples et noueux ; à fabriquer, en un mot, toutes les armes, tout l’équipage convenable à un chasseur : on en fera commerce, et ce sera l’objet d’une profession lucrative.
Lorsque le lion commence à nous montrer sa terrible gueule, le chien se lève, la canicule vomit des flammes : l’ardeur de ses feux la rend furieuse, et double la chaleur du soleil. Quand elle secoue son flambeau sur le globe, et qu’elle nous darde ses rayons, la terre, presque réduite en cendre, semble être à son dernier moment ; Neptune languit au fond de ses eaux, les arbres des forêts sont sans sève, les herbes sans vigueur. Tous les animaux cherchent un asile sous un ciel lointain ; le monde aurait besoin d’un autre monde, où il pût se réfugier. La nature, au milieu de cet incendie, éprouve des maux dont elle-même est la cause, et elle vit en quelque sorte sur son bûcher ; tant est grande la chaleur répandue par tout le ciel ! Les feux de tous les astres semblent concentrés dans un seul. Lorsque cette constellation, sortant des eaux, commence à monter sur le penchant du globe, celui que l’eau de la mer effleure alors au moment de sa naissance sera d’un caractère violent et impétueux : livré à ses fureurs, il sera pour la foule un objet de terreur et de haine ; un tel homme précipite sans raison ses paroles ; il n’a pas encore ouvert la bouche, qu’il a déjà montré son emportement : le sujet le plus léger le met hors de lui-même ; il écume, il hurle au lieu de parler ; il se tord la langue, et ne peut achever son discours. Un autre défaut rend celui-ci plus redoutable encore : Bacchus augmente la fureur de cet insensé, dont l’indomptable rage se porte aux derniers excès. La nuit des forêts, la hauteur des montagnes, la vue d’un lion terrible, les défenses d’un sanglier écumant, les armes dont les bêtes sauvages sont pourvues, rien n’est capable de l’intimider ; il déploie sa fureur contre le premier ennemi qui se présente. Au reste, ne soyez pas surpris que cette constellation inspire de telles inclinations. Ne voyez-vous pas qu’elle chasse elle-même dans le ciel ? Elle cherche à atteindre dans sa course le lièvre qui fuit devant elle.
Lorsque le dernier degré du vaste signe du lion monte sur l’horizon, on voit paraître la coupe, qui semble comme ciselée par l’éclat des étoiles qui la décorent. Celui qui est redevable à cet astérisme de ses mœurs et de ses inclinations doit aimer les plaines arrosées de ruisseaux, les rivières et les lacs : il se plaira, ô Bacchus, à vous marier avec l’ormeau, à vous donner sur les coteaux des formes symétriques ; ou, se fiant à vos forces, il vous étendra en treilles, et vous abandonnera à vous-même ; ou bien du principal cep il retranchera des provins, qu’il soutiendra avec des échalas, et dans les intervalles des plants il sèmera des légumes. Et comme les méthodes de culture varient infiniment suivant les lieux, il étudiera et suivra les usages de chaque contrée. D’ailleurs il ne ménagera pas le vin qu’il aura recueilli ; il jouira des fruits que lui donnera la vigne ; il boira avec plaisir son vin sans mélange, il noiera volontiers sa raison dans son verre. Il ne se contentera pas des fruits que la terre lui fournira chaque année ; il prendra à ferme les impôts sur les denrées ; il fera commerce de marchandises, de celles surtout qui doivent à l’eau leur production et leur accroissement. Tel est le caractère de ceux qui naissent sous la coupe, constellation amie de toute chose liquide.
Erigone paraît ensuite lorsque ses cinq premiers degrés se seront soustraits à la mer, on verra au-dessus des eaux le monument éclatant de la couronne d’Ariadne. Elle inspirera du penchant pour des occupations douces et tranquilles : cela doit être ; on voit se lever d’un côté les dons de la vierge, de l’autre la vierge elle-même. On cultivera des parterres émaillés de fleurs, et où naîtront la pâle violette, la jacinthe pourprée, le lis, le pavot, émule des brillantes couleurs de Tyr, la rose, dont la tendre beauté est si agréablement relevée par un rouge incarnat : on ornera les coteaux de bosquets et de gazon toujours vert ; on embellira les prairies des couleurs les plus naturelles : ou bien, assemblant diverses fleurs, on en formera des guirlandes, image de la constellation dominante. De plus, on en distillera les sucs, on y mêlera des parfums extraits des bois odoriférants de l’Arabie ; on en composera des onguents dont la suave odeur ne le cédera point à celle du laurier de Médie, et que le mélange de tant de sues exquis rendra bien plus utiles. On recherchera la propreté, la bonne grâce, l’élégance de la parure, tout ce qui fait l’agrément, le plaisir de la vie : l’âge tendre encore de la vierge, les fleurs dont est formée la couronne, semblent commander ces inclinations.
Lorsque l’épi hérissé, se levant au dixième degré de la vierge, fera voir les barbes qui le défendent, il inspirera le goût de la campagne et de l’agriculture : on confiera son grain aux sillons, dans l’espérance de grosses usures ; on en obtiendra des intérêts, que l’abondance de la récolte rendra bien plus considérables que le principal ; on préparera des greniers pour recevoir la moisson. C’est en effet là le seul métal que l’homme eût dû chercher dans le sein de la terre ; il n’y eût eu alors ni famine ni indigence ; chacun ayant abondamment le nécessaire, tous eussent été également riches. Si l’on ne peut s’appliquer aux travaux de la campagne, on exercera des arts sans lesquels les faveurs de Cérès et le produit des moissons deviendraient inutiles : on mettra le blé sous le caillou qui doit le broyer ; on donnera le mouvement à la pierre circulaire sous laquelle il sera placé ; on détrempera la farine, on la fera cuire au feu ; on préparera la nourriture ordinaire de l’homme, et avec la même pâte on fera des mets variés à l’infini. De plus, comme l’épi renferme plusieurs grains, rangés dans on ordre symétrique, et assez semblable à celui que les hommes observent dans leurs constructions, chaque semence ayant sa cellule et son habitation particulière ; l’épi de la vierge donnera le talent d’orner de sculptures les lambris des temples, et de décorer de compartiments les lieux où le maître du tonnerre est honoré. De telles somptuosités étaient autrefois réservées pour les dieux ; elles font aujourd’hui partie de notre luxe : la pompe de nos buffets ne le cède en rien à celle des temples ; couverts d’or, nous voulons que nos tables en soient aussi couvertes.
Voyez maintenant la flèche se lever avec le huitième degré de la balance : c’est d’elle qu’on tiendra l’art de lancer le javelot avec la main, la flèche avec l’arc, le caillou avec la fronde ; d’atteindre un oiseau dans la plus haute élévation de son vol, de percer avec un triple harpon le poisson qui se croit en sûreté. Sous quelle autre constellation placerais-je la naissance de Teucer ? à quelle autre partie du ciel, ô Philoctète, serait-il possible d’attribuer la vôtre ? Teucer, avec son arc et ses flèches, détourne les feux qu’Hector lançait contre la nombreuse flotte des Grecs :] Philoctète portait dans son carquois le sort de la guerre et la destinée d’Ilion : réduit à l’inaction d’un triste exil, il était un ennemi plus redoutable que tous les Grecs armés contre Troie. Ce fut probablement sous la flèche que naquit ce père qui eut le courage de viser et l’adresse de tuer un serpent étendu sur le visage de son fils endormi, et qui lui suçait le sang et la vie. L’amour paternel est un grand maître ; la nature fut plus forte que le danger ; elle arracha en même temps au sommeil et à la mort cet enfant, qui, renaissant une seconde fois, fut soustrait en dormant aux ciseaux de la Parque.
Mais lorsque l’imprudent chevreau, errant dans dos plaines écartées, paraît chercher à rejoindre ses frères, et qu’ils se lèvent longtemps après le troupeau dont il a fait partie, il préside à la naissance de ceux qui ont l’esprit souple et inquiet : pleins de ressources, ils s’immiscent dans toutes les affaires ; les leurs ne leur suffisant pas, ils se chargent de celles du public ; ils sont perpétuellement chez les magistrats, ils fréquentent tous les tribunaux. Partout où ils se trouvent, il ne manque jamais d’enchérisseur aux ventes publiques, d’adjudicataire à la criée des biens confisqués, de délateur contre les coupables de péculat, ou contre les banqueroutiers frauduleux. Ils sont les agents de toute la ville. Ils sont d’ailleurs ardents pour le plaisir de l’amour, et Bacchus leur fait oublier les affaires contentieuses ; ils s’exercent à la danse, et s’amollissent sur le théâtre.
Lorsque la lyre se lève, on voit paraître au-dessus des ondes l’image de la tortue, qui, après l’accomplissement de son destin, rendit encore des sons sous les doigts du dieu qui en avait hérité. C’est par elle qu’Orphée, fils d’Œagre, sut donner de l’intelligence aux animaux, du sentiment aux rochers, des oreilles aux forêts ; il attendrit même Pluton, et mit un terme à la mort. De là naissent l’harmonie de la voix, celle des instruments, l’expressive mélodie de la flûte, qui, sous des formes différentes, produit de si douces modulations ; en un mot, tout ce qui parle sous les doigts, tout ce qui est mis en mouvement par le souffle. On chantera agréablement dans un repas ; on ajoutera par le charme de sa voix de nouvelles grâces à Bacchus ; on y emploiera des nuits entières. Quoiqu’occupé d’affaires sérieuses, on répétera quelque chanson, l’on murmurera des airs à voix basse ; seul, on chantera pour soi-même, sans être entendu d’antres oreilles que des siennes. C’est la lyre qui inspire ces inclinations ; elle commence à montrer ses bras au lever du vingt-sixième degré de la balance.
Mais avec le scorpion, montrant à peine son huitième degré, l’autel paraît ; le groupe de ses étoiles représente le feu qui doit consumer l’encens dont il est chargé. C’est au pied de cet autel que les géants furent autrefois terrassés : Jupiter ne s’arma de son foudre vengeur qu’après y avoir exercé les fonctions de prêtre des dieux. Quels hommes formera cette constellation, sinon ceux qui sont destinés au culte des autels, et qui, admis au troisième degré de ce saint ministère, presque dieux eux-mêmes, chantent d’une voix majestueuse les louanges de la divinité, et peuvent lire dans l’avenir !
Quatre degrés de plus montreront les étoiles du centaure, qui donne des inclinations analogues à sa nature. L’un conduira des mulets ou des chevaux de somme ; il mettra sous le joug des quadrupèdes de race mêlée ; il dirigera un char avec adresse ; il ornera son coursier de riches harnois, et le conduira au combat. Un autre possédera le secret de guérir les maladies des chevaux : c’est un grand art que de pouvoir se passer de la déclaration du malade, que d’appliquer des remèdes aux maladies de bêtes qui ne peuvent les indiquer, que de pressentir leurs souffrances longtemps avant qu’elles les ressentent elles mêmes.
Le sagittaire vient ensuite ; avec son cinquième degré, on voit lever la brillante étoile Arcturus. La fortune ne craint pas de confier ses trésors à ceux qui naissent sous cet astre ; ils sont destinés à être les dépositaires des finances des rois et du trésor public, à régner sous l’autorité de leurs princes, à devenir leurs principaux ministres, ou à se voir chargés des intérêts du peuple, ou à être intendants des grandes maisons, à borner leurs occupations aux soins qu’ils prendront des affaires d’autrui.
Lorsque le sagittaire sera entièrement sorti du sein des eaux, au lever du trentième degré de cet astérisme, le cygne, décoré de ses brillantes étoiles, déploiera ses ailes éclatantes et prendra son vol vers le ciel. L’homme qui, abandonnant le sein maternel, voit alors le jour, s’occupera des habitants de l’air, et de toutes les espèces d’oiseaux qui peuplent le ciel ; il en fera commerce. De là mille industries ; on fera la guerre dans les airs ; on arrêtera les oiseaux au milieu de leur vol, on les surprendra dans leurs nids, on les engagera dans des filets, soit lorsqu’ils sont perchés sur la branche, soit lorsqu’ils prennent à terre leur nourriture. Et tous ces soins n’ont que notre luxe pour objet ; celui de la table nous fait pénétrer jusqu’aux contrées que nos armes n’ont pu subjuguer ; nous mettons à contribution les extrémités de la Numidie, les bois qui bordent le Phase ; on expose, dans nos marchés, des denrées apportées du pays d’où de hardis navigateurs enlevèrent autrefois la toison d’or. On aura de plus le talent de former les oiseaux à notre langage, à nos expressions, de leur apprendre à s’entretenir avec nous, de leur enseigner à faire de leur langue un usage que la nature leur a interdit. Le cygne nous cache un dieu ; cette divinité lui prête une espèce de voix ; il est plus qu’oiseau, il murmure des paroles au-dedans de lui-même. N’oublions pas ceux qui aiment à élever l’oiseau de Vénus dans les parties les plus hautes de leur maison, et qui, après l’avoir mis en liberté, savent le rappeler au moyen de certains signaux, ou qui portent par toute la ville des cages renfermant des oiseaux dressés à obéir au commandement : souvent leurs richesses ne consistent qu’en quelques vils passereaux. Tels sont les arts auxquels on est porté par la brillante constellation du cygne.
Le serpentaire, enveloppé dans les replis de son serpent, paraît avec le signe du capricorne, et rend ceux qui naissent alors invulnérables aux traits de ces animaux ; ils les mettent dans leur sein, ils les cachent sous leurs robes traînantes, ils baisent impunément ces sales et venimeux reptiles.
Mais lorsque le poisson, sortant de l’océan, sa vraie patrie, se lève au-dessus de l’horizon, pour entrer dans un élément étranger, celui qui alors recevra la vie passera ses années sur le bord des fleuves, sur le rivage de la mer : il surprendra le poisson au fond de l’eau ; plongeant lui-même dans la mer, il en retirera les perles cachées sous la nacre, et ravira en même temps les maisons qui les recèlent. Il ne reste plus à l’homme de nouveaux périls à braver. On risque de se noyer, pourvu qu’on entrevoie quelque gain. Quelquefois, avec les perles, on retire le corps de celui qui a péri dans cette pêche. Mais c’est qu’ordinairement le profit qu’on en retire est très-considérable : les perles sont aussi estimées que les plus riches domaines. À peine peut-on passer pour riche, si on ne l’est en pierreries ; sur les richesses de la terre on accumule celles de l’Océan. Tel est donc le sort de celui qui nait sous le poisson : il exerce ses talents le long des rivages, ou il emploie à prix d’argent d’autres pêcheurs, profite de leur travail, et fait commerce de toute espèce de marchandise maritime.
Lorsque les étoiles de la lyre commencent à monter dans le ciel, elles président à la naissance de celui qui sera choisi pour informer des crimes, pour en ordonner la punition, pour rassembler les preuves de ceux qui ont été commis, pour faire paraître au grand jour ceux qu’on espérait tenir perpétuellement cachés. Il faut mettre aussi dans cette classe l’inexorable bourreau, les autres ministres de la justice, ceux qui aiment la vérité, qui haïssent le mal, qui apaisent les querelles, et déracinent du cœur les inimitiés.
Au moment où le dauphin azuré quitte l’Océan pour paraître au milieu des astres, et qu’il fait briller ses étoiles semblables à des écailles, on voit naître des hommes d’une nature amphibie ; la terre et l’eau sont à la fois leur élément. Le dauphin aux rapides nageoires fend les ondes, tantôt sillonnant leur surface, tantôt plongeant au fond des eaux : et il retrouve de nouvelles forces dans la sinuosité de ses mouvements, qui nous représente l’inégalité des flots. Ainsi celui qui lui doit la vie paraît voler dans l’eau. Agitant lentement ses bras l’un après l’autre, ou il en frappe l’onde avec bruit, ou il les écarte et les plonge sous l’eau, et s’en sert comme d’avirons cachés qui le dirigent : tantôt il se tient debout dans l’eau ; il nage et parait marcher ; on dirait qu’il est sur un gué, et que la mer est pour lui une plaine unie : tantôt, couché tranquillement sur le dos ou sur le côté, il ne pèse point sur les flots, il n’enfonce point, c’est sur un lit qu’il repose ; on le prendrait pour une nacelle qui n’a pas besoin de rameurs. Celui-là se plaît à chercher la mer dans la mer même, à plonger au fond de l’eau, à visiter Nérée et les nymphes dans leurs grottes profondes : il en rapporte les dépouilles de la mer, les richesses que les naufrages y ont déposées ; il fouille avec avidité jusqu’au fond de ses gouffres. C’est de part et d’autre la même inclination, mais appliquée différemment ; quoique ainsi partagée, elle n’a qu’une origine. À ces sortes d’industrie on en peut ajouter d’autres qui s’y rapportent : telle est celle de ces hommes qui, sur une balançoire, s’élèvent et retombent alternativement et font en retombant monter ceux qui sont placés de l’autre côté. Telle est aussi celle de ces gladiateurs qui traversent des flammes ou des cerceaux enflammés, retombent à terre aussi doucement qu’ils tomberaient dans l’eau, et qui, par la flexibilité de leurs mouvements, imitent l’agilité du dauphin, volent sans ailes et se jouent dans les airs. S’ils ne s’appliquent pas à ces exercices, ils y auront du moins la plus grande aptitude ; la nature leur aura donné toute la force nécessaire, une grande souplesse dans les membres, une extrême légèreté à la course.
Céphée sortant des eaux, en même temps que les étoiles de l’humide Verseau, n’inspirera point de goût pour les jeux ; il donnera un front grave, un visage où se peindra l’austérité du caractère. On se nourrira de soins et d’inquiétudes, on ne citera que les exemples du vieux temps, on fera sans cesse l’éloge des maximes de l’ancien Caton, on aura l’air sourcilleux d’un tuteur, ou la morgue d’un oncle sévère. Ce même astérisme forme aussi des gouverneurs pour la tendre jeunesse : donnés pour maîtres à des enfants qui sont véritablement les leurs, éblouis de cette autorité précaire, ils semblent se persuader qu’ils sont réellement ce qu’ils ne font que représenter. Il produit aussi ces écrivains éloquents, la gloire du cothurne tragique, et dont le style, quoique sur le papier, ne respire que le carnage. Ils se plairont au récit des forfaits et des révolutions sanglantes, ils aimeront à tracer les funèbres images d’un affreux tombeau, à représenter un père se rassasiant des membres de son fils, le soleil reculant d’effroi, le jour changé en nuit. Ils mettront volontiers sur la scène deux frères s’égorgeant sous les murs de Thèbes ; un père qui est en même temps le frère de ses deux fils ; les enfants, le frère et le père de Médée ; ici une robe empoisonnée, là des flammes qu’elle envoie pour présent nuptial, sa fuite à travers les airs, son char enlevé par des dragons ; et Céphée lui-même pourra figurer aussi dans leurs tragédies. Ils traceront enfin dans leurs vers mille autres images aussi terribles. Si des sujets moins tragiques sont du goût de quelqu’un de ces écrivains, il cherchera à plaire au spectateur par les grâces de la comédie : il introduira sur le théâtre des jeunes gens entraînés par la fougue de l’âge, des jeunes filles enlevées par leurs amants, des vieillards trompés, des valets hardis à tout entreprendre. C’est par là que Ménandre s’est fait une réputation immortelle : profitant de la beauté de la langue, il se fit le précepteur de ses concitoyens ; et, en traçant dans ses écrits la vie de l’homme telle qu’elle était, il montra ce qu’elle devait être. Mais si les forces des élèves de Céphée ne leur permettent pas d’exécuter de pareils ouvrages, ils auront au moins le talent de seconder les poètes dramatiques, soit par la voix, soit par des gestes muets ; leur visage représentera toutes les passions, ils se les approprieront par l’expression : un seul d’entre eux suffira pour rendre tous les rôles, et tiendra lieu d’une troupe de comédiens. Il jouera tantôt le rôle des plus célèbres héros, tantôt celui d’un simple particulier.] Il prendra l’air et le ton convenables à tous les états ; son geste rendra tout ce que dit le chœur ; il vous fera voir Troie en cendres, et Priam expirant à vos yeux.
Je passe à la constellation de l’aigle : elle vole à la gauche du jeune échanson qu’elle enleva elle-même à la terre ; elle couve sa proie sous ses ailes déployées. Cet oiseau rapporte les foudres lancées par Jupiter, et combat ainsi pour le ciel : son lever détermine celui du douzième degré du verseau. Celui qui naît au même instant que lui se livrera au vol, au brigandage, et n’épargnera pas même la vie de ceux qu’il voudra dépouiller. Après avoir exercé sa fureur contre les hommes, il retendra sur les bêtes sauvages.] Pour lui point de différence entre la guerre et la paix, entre l’ennemi et le citoyen ; il n’a d’autre loi que sa volonté ; il déploie son caractère violent partout où le porte son caprice ; il se fait un mérite de disputer toute possession. Mais son ardeur l’engage-t-elle pur hasard dans une juste cause, cet emportement deviendra courage ; il se distinguera dans l’art militaire, il sera capable d’acquérir à sa patrie l’honneur des plus éclatants triomphes. Et comme l’aigle ne combat pas lui-même, mais fournit des armes, en rapportant à Jupiter les foudres qu’il a lancés ; celui qui naît sous cette constellation sera le ministre d’un roi ou d’un général d’armée, et, par son mâle courage, il lui rendra les plus importants services.
Mais lorsque après le lever de deux fois dix degrés du verseau, Cassiopée se montrera à la droite de ce signe, elle fera naître des orfèvres, qui auront le talent de donner à l’or toutes les formes possibles, d’ajouter par leur travail un nouveau prix à ce précieux métal, et d’en relever l’éclat par les brillantes couleurs des pierreries. De là ces augustes présents qui décorent nos temples sacrés, ces lambris dont la splendeur égale celle de l’astre du jour, cet éclat des pierres précieuses, ce feu éblouissant des diamants ; de là ces monuments encore subsistants de l’ancien triomphe de Pompée, et ces trophées ornés du portrait de Mithridate. De laces parures qui rehaussent la beauté : on a eu recours à l’or pour s’embellir ; on a orné sa tête, son cou, ses mains, de pierreries ; des boucles d’or ont étincelé sur des pieds d’une blancheur éblouissante. À quel art une femme distinguée peut-elle appliquer ceux qui lui doivent l’être, si ce n’est à celui dont elle peut faire un aussi grand usage pour sa parure ? Mais, pour fournir la matière nécessaire à cette profession, Cassiopée excite encore à chercher l’or dans les entrailles de la terre, à arracher du sein de la nature les richesses qu’elle veut nous dérober, à bouleverser notre globe pour en ravir ces dépouilles, à tâcher de découvrir des trésors dans des monceaux de sable, et à les produire, comme malgré eux, au grand jour. On comptera avec avidité tous les grains du sable qui recèle l’or, on le lavera dans plusieurs eaux, et de la réunion de plusieurs de ces grains on formera des masses précieuses. On rassemblera même les richesses de la mer, dont l’écume peut contenir de l’or ; et, pour se procurer quelques parcelles de cet éclatant métal, ou portera ses regards avides jusque dans les gouffres les plus profonds. On mettra aussi l’argent au creuset, après l’avoir extrait de lamine, et l’avoir purifié dans quelque ruisseau d’eau saillante. Ou enfin l’on fera commerce de ces deux métaux préparés par ces deux sortes d’ouvriers, et on les échangera l’un contre l’autre pour un usage réciproque. Telles seront les inclinations de ceux à la naissance desquels préside Cassiopée.
Elle est suivie d’Andromède, qui, toute rayonnante d’or, paraît à la droite du ciel, lorsque douze degrés des poissons se sont élevés sur l’horizon. La faute des coupables auteurs de ses jours l’exposa autrefois à un cruel supplice, lorsque la mer débordée inondait tous les rivages, et que la terre craignit un naufrage universel. On proposa pour condition du salut public d’abandonner Andromède à la fureur des flots ; ses membres délicats devaient être la pâture d’un monstre hideux. Tel était l’hyménée auquel on la destinait. Victime désignée pour mettre fin, par sa seule mort, au malheur de tout un peuple, elle est parée pour ce sacrifice ; on la revêt d’habillements qui avaient eu une destination bien différente. Sans aucune pompe funèbre, on traîne cette jeune princesse, encore vivante, au lieu de sa sépulture. Dès qu’on est arrivé sur le rivage de cette mer terrible, on étend ses tendres bras sur un dur rocher ; ses pieds y sont liés ; on la charge de chaîne s ; elle est comme attachée à la croix sur laquelle elle doit expirer. Dans cet appareil de torture, on a soin cependant que rien ne puisse offenser la décence, ni alarmer la pudeur. Son infortune ajoute à sa beauté : sa tête est mollement penchée sur un sein d’une blancheur éblouissante ; abandonnée de tous, elle est seule gardienne d’elle-même. Ses habits ont glissé de dessus ses épaules ; ses bras sont nus, ses cheveux épars flottent autour de sa tête. Les alcyons volant autour de vous, infortunée princesse, témoignèrent leur douleur par leurs tristes concerts ; ils déplorèrent votre destinée, et, joignant leurs ailes, ils vous mirent à l’abri des ardeurs du soleil. La mer, à votre aspect, retint ses flots, et n’osa les porter jusqu’à leurs limites ordinaires. La Néréide éleva sa tête au-dessus des ondes, et, sensible à votre malheur, elle arrosa la mer de ses larmes. Le Zéphyr, rafraîchissant de sa douce haleine vos membres étendus, fit retentir d’un triste sifflement les rochers d’alentour. Mais enfin cet heureux jour ramène sur ce rivage Persée, vainqueur de l’horrible Méduse. Il voit la princesse enchaînée sur le rocher ; il est glacé d’horreur, lui que n’avait pas épouvanté le hideux aspect de la Gorgone : la dépouille qu’il en a remportée échappe presque de ses mains : vainqueur de Méduse, il est vaincu par la vue d’Andromède. Il est jaloux du roc où elle est attachée, il envie le bonheur des chaîne s qui la retiennent. Instruit par elle des causes de son malheur, il veut, pour acquérir le titre de son époux, combattre la mer même, prêt à tout entreprendre, dût-il avoir à lutter contre une seconde Gorgone. Il fend l’air avec rapidité, il rassure Céphée et Cassiopée, en s’engageant à sauver la princesse ; Andromède lui est promise, il retourne au rivage. Déjà la mer avait commencé à s’enfler ; les flots, cédant à l’impétuosité du monstre qui les pousse, fuient en mugissant devant lui : sa tête s’élève au-dessus d’eux ; il revomit l’onde amère, les flots battent avec bruit contre ses dents, une mer orageuse paraît rouler dans son énorme gueule ; sa croupe se recourbe en une infinité de replis immenses, et couvre presque toute la plaine liquide. Les Syrtes retentissent du bruit qu’il fait en s’avançant ; les rochers, les montagnes frémissent à son approche. Princesse infortunée, quel était alors votre destin, malgré le puissant défenseur armé pour vous secourir ? Quelle pâleur était la vôtre! quelle défaillance! quel froid pénétrait tous vos membres, lorsque, du rocher où vous étiez retenue, vous vîtes la mort s’avancer vers vous, et votre supplice apporté sur l’aile des flots ! faible proie, hélas, pour un si énorme monstre! Persée abaisse son vol ; planant dans l’air, il s’élance tout à coup contre le monstre, et plonge dans son sang cette épée terrible, teinte encore de celui de Méduse. Le monstre se défend contre le jeune héros, dresse sa tête au-dessus des flots, et, s’appuyant sur les replis immenses de sa queue, il bondit et s’élève de toute sa hauteur. Inutiles efforts! chaque fois qu’il s’élance, Persée prend son vol plus haut, et semble se jouer dans les airs. Le monstre ne cède cependant point, il déploie sa rage contre l’air ; ses dents craquent sans faire de blessures ; l’eau sort à gros bouillons de ses naseaux, il inonde Persée d’un fleuve de sang, et fait rejaillir la mer jusqu’au ciel. À la vue de ce combat dont elle est l’objet, Andromède oublie son propre péril, et n’envisage en soupirant que celui de son généreux défenseur ; son esprit agité est moins libre que son corps. Enfin percé de coups, le monstre se plonge dans les flots ; il ne peut plus rejeter l’eau qu’il respire, il revient à la surface, et couvre de son énorme cadavre une vaste étendue de mer, trop redoutable encore pour être vu sans effroi par une jeune princesse. Persée se lave dans le cristal liquide d’une eau pure, et, plus grand qu’avant le combat, il vole à la cime du rocher, et dégage la princesse de ses liens : il s’était assuré sa main par la défaite du monstre ; l’hyménée suivit ; le succès du combat tint lieu de dot. Persée obtint pour Andromède les honneurs du ciel, elle fut mise au nombre des constellations : digne issue d’un combat glorieux, où un monstre, non moins redoutable que Méduse, périt, et soulagea la mer de son poids odieux. Quiconque naît au moment où Andromède sort du sein des eaux sera sans pitié ; il fera servir la justice à la punition des criminels ; la garde de la prison publique lui sera confiée ; il verra avec dédain les mères des malheureux prisonniers prosternées contre terre à ses pieds, les pères passant les nuits entières à sa porte, demandant la grâce d’embrasser leurs enfants pour la dernière fois, et de recevoir leur dernier soupir en les tenant serrés entre leurs bras. On voit encore ici ce bourreau qui fait trafic de la mort qu’il donne, des bûchers qu’il allume, des haches qu’il teint de sang ; les supplices sont revenus : il serait capable d’envisager sans frémir la vertueuse Andromède garrottée sur la cime de son rocher. Quelquefois chargé de la garde des captifs, et partageant le poids de leurs chaîne s, il veille sur les innocentes victimes de l’iniquité, pour qu’elles ne puissent échapper au supplice.
Lorsque les poissons étant à l’orient, leur vingt-unième degré déterminera l’horizon, et se montrera à la terre, le cheval céleste se lèvera, et prendra son vol vers le ciel. Ceux qui naîtront alors seront d’une agilité extrême ; leurs membres alertes seront aptes à toute espèce d’exercice. Celui-ci fera tourner et caracoler un cheval en mille cercles ; fièrement monté sur son coursier, un jour de bataille, général et soldat tout ensemble, il se jettera dans la mêlée. Celui-là franchit la carrière avec une vitesse incroyable ; sa course impose au spectateur, l’espace semble disparaître sous ses pas. En un instant il vous rapporte des nouvelles de l’extrémité même de la terre ; il fait deux fois le voyage, s’il est nécessaire. Il aura aussi le talent de guérir les maladies des quadrupèdes, en employant le suc des herbes les plus communes : il connaîtra la vertu des plantes médicinales, soit de celles dont ou se sert dans les maladies des chevaux, soit même de celles qui sont réservées pour l’usage de l’homme.
À la droite du ciel, et conjointement avec le dernier degré des poissons, se lève l’astérisme agenouillé ; les Grecs le nomment Engonasi : son attitude, on la connaît ; quelle en est la cause, on l’ignore. Celui qui naît alors sera fugitif, fourbe, toujours au guet pour tendre des pièges, brigand redoutable dans l’intérieur des villes. Si sa volonté le porte vers quelque industrie, ce sera vers celles qu’on ne peut exercer sans danger ; les périls lui paraîtront un prix digne de ses talents. Hardi à poser ses pieds où rien ne semble pouvoir les soutenir, il marchera sur une corde horizontalement tendue : il paraîtra, au contraire, ne plus s’appuyer sur rien et monter inutilement vers le ciel, lorsque, suspendu à une corde verticale, il tiendra les yeux du spectateur arrêtés sur lui.
La baleine, se levant à gauche avec le dernier degré des poissons, suit Andromède dans le ciel, après l’avoir poursuivie sur le bord de la mer. Par elle, on fait une guerre sanglante aux poissons et à tout animal portant écailles ; on embarrasse le fond des eaux par des filets, on enchaîne en quelque sorte les flots furieux ; on arrête, on enferme dans des prisons maillées les veaux marins, qui s’y croient eu sûreté comme en pleine mer ; on surprend les thons, déçus par la largeur des mailles des filets. Ce n’est pas assez de les avoir pris ; on les laisse s’agiter en s’efforçant de rompre les nœuds qui les retiennent, on attend que la proie devienne plus abondante ; on les tue alors, et les eaux de la mer sont rougies de leur sang. Lorsque toute la grève est couverte du produit de la pêche, on procède à une nouvelle boucherie : on coupe le poisson en morceaux, et ces membres divisés sont réservés pour des usages différents. Telle partie est meilleure desséchée ; telle autre, conservée avec tous ses sucs. De celles-ci on extrait une saumure précieuse, c’est la partie la plus pure du sang ; relevée avec le sel, elle fournit un assaisonnement délicat. Celles-là paraissent trop faciles à se corrompre, ce sont les intestins ; on les rassemble, ils se communiquent par le mélange une fermentation réciproque, et forment un autre assaisonnement d’un usage plus général. Ou lorsqu’on voit sur l’eau une nuée de poissons dont la couleur azurée se distingue à peine de celle de la mer, et que leur multitude même rend immobiles, on les environne d’une vaste seine et l’on en remplit des caques et des tonneaux ; ces poissons ainsi renfermés mêlent tous leurs sucs, et de leur chair corrompue on obtient encore une nouvelle espèce de saumure. Une autre profession de ceux qui naissent sous la baleine, c’est de travailler aux grandes salines, de communiquer à l’eau de la mer une chaleur suffisante, et de la dépouiller de son venin. Dans ce but, ils préparent une aire assez vaste, et l’entourent d’un rebord élevé : ils y font entrer l’eau de la mer par une ouverture qu’ils referment, pour empêcher l’eau de s’échapper. L’aire reste exposée à la chaleur de l’été : l’humidité, dissipée par l’ardeur du soleil, dépose une matière brillante et desséchée que l’on recueille, une production blanche de la mer que l’on réserve pour le service de la table, une écume solide dont on remplit de vastes greniers. C’était un vrai poison, dont l’amertume ne permettait pas d’employer l’eau qu’il corrompait : on en a fait un sel vivifiant et salutaire
La grande ourse, la tête penchée vers la terre, termine sa révolution autour du pôle, et recommence à parcourir une carrière qu’elle ne cesse jamais de fournir, ne se couchant point, mais décrivant sans cesse le même chemin sur l’horizon ; les premiers feux de la petite ourse commencent aussi à se lever de nouveau ; le vaste lion et le violent scorpion, sortant à leur tour des ténèbres, reparaissent au-dessus de l’horizon. Celui qui naît alors sera respecté des bêtes féroces ; il empêchera qu’elles ne nuisent au commerce pacifique des nations. Il aura le talent d’apprivoiser les lions farouches, de caresser les loups, de prendre les panthères, et déjouer avec elles ; il n’évitera pas la rencontre des ourses, qui ont tant de rapport avec sa constellation. Il montera sur le dos de l’éléphant, le conduira à sa guise, lui fera faire des exercices qui lui sont étrangers, et ne parais sent convenir qu’à l’homme ; cette masse énorme obéira honteusement à un léger aiguillon. Il domptera la fureur du tigre, et le rendra doux et paisible : il se fera aimer de tous les autres animaux féroces qui dévastent les forêts. Les chiens, dont l’odorat est si subtil……………………
Le troisième ordre renferme les pléiades, unies entre elles par les liens d’une commune origine : leur éclat est tempéré par une tendre rougeur convenable à leur sexe. On remarque cette même couleur dans vos étoiles, ô Cynosure! dans les quatre qui étincellent sur le dauphin, dans les trois du triangle ; l’aigle et les dragons, dans leurs replis, offrent de pareilles étoiles. Celles du quatrième et du cinquième ordre se font reconnaître facilement par tout le ciel ; l’éclat seul distingue ces deux ordres. Enfin le plus grand nombre des étoiles forme la dernière classe : celles-ci, dispersées dans la plus haute région du ciel, ne brillent ni toutes les nuits, ni en tout temps. Mais lorsque la déesse de Délos a plongé son char au-dessous de notre hémisphère, que les étoiles errantes nous refusent leur lumière, que le brillant Orion ne nous montre plus ses étoiles éclatantes, et que le soleil, après avoir parcouru tous les signes, renouvelle l’année, ces étoiles percent les ténèbres, et leur feu devient visible dans l’obscurité de la nuit. Alors vous voyez la céleste voûte semée de flambeaux sans nombre ; le ciel renvoie de toutes parts l’éclat des étoiles ; elles ne sont pas moins nombreuses que les fleurs, que les grains de sable accumulés sur le rivage inégal de l’Océan : comptez, si vous le pouvez, les flots qui se succèdent sur la surface de la mer, les feuilles qui tombent par milliers dans les forêts ; vous n’approcherez pas du nombre des feux qui circulent dans le ciel. Comme, dans le dénombrement des habitants d’une grande ville, on met les sénateurs au premier rang, l’ordre équestre au second, le citoyen après le chevalier, enfin après le citoyen le vil peuple, la populace sans nom ; de même il existe dans le monde une espèce de république établie par la nature, qui du ciel a fait une grande ville. Là, des étoiles représentent les chefs ; d’autres approchent fort près de ces premières : tous les honneurs, tous les droits sont réservés pour ces astres principaux. Le peuple vient ensuite, il est innombrable, il roule au haut de la voûte céleste : si la nature eût accordé à ces petites étoiles des forces proportionnées à leur nombre la région éthérée ne pourrait supporter ses propres feux, et les flammes du ciel embrasé consumeraient l’univers.