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La Fontaine des amoureux de science🔗 cataloguesEntrée Data.Bnf absente Rechercher sur Sudoc Rechercher sur Openlibrary Rechercher sur Worldcat


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
Fontaine (De la) Jehan1413Littéraure (poés.)FranceAlchimie

► Il s’agit d’un des plus fameux représentants de la petite famille des poèmes hermétiques.

■ Nous ne possédons aucune rétrospective philologique de ce texte. En conséquence, jusqu’à de plus amples informations : nous avons retranscrit la version de 1861 et avons intercalé les variantes indiquées par Achille Genty, notamment celles de l’édition de 1618. Attendu que les variations sont nombreuses nous n’avons pas retranscrit celles de 1547 (Pour les consulter 𝕍 cette édition, qui est par ailleurs la plus ancienne). Nous avons néanmoins reporté les illustrations qu’elle contenait ainsi que les quelques variantes et ajouts utiles à leur accompagnement. Notez en outre que cette édition contient dix rondeaux supplémentaires à la Ballade du secret des philosophes.

🕮 Bosc, ref.575,576 : Cette Fontaine des amoureux se trouve aussi dans le tome III du Roman de la Rose, éd. in-12, Paris, 1735. Il existe aussi une édition plus ancienne, format in-8, qui contient l’Amoureux transi et autres pièces en vers, de Narcissus et Echo. Enfin ce poème hermétique a été publié par Achille Genty. In-12, Paris, Poulet-Malassis, 1861.

🕮 Dujols, 17,21 ref.134,224 (Version Ach. Genty) : Ouvrage très précieux et très rare, avec une préface remplie d’intéressantes recherches sur l’Alchimie, et des notes d’érudition curieuses.

🕮 Guaita, ref.1024 (Recueil De la transformation métalliqve), 1842 : Curieux ouvrage sur l’alchimie au Moyen Age, chez tous les peuples.

🕮 Lenglet Du Fresnoy, ref.313:1,2,3.

🕮 Ouvaroff, ref.824,825.


Texte : én. des La Fontaine des amoureux de science, 1861. | bs. Bibliothèque Nationale de France (Paris, France). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

Texte et illustrations : én. des La Fontaine des amoureux de science, 1547. | bs. Bibliothèque Nationale de France (Paris, France). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

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Ce fut au temps du mois de May,
Qu’on doibt fouïr dueil et esmay,
Que i’entray dedans vng vergier
Dont Zephirus fut iardinier.
Quand deuant le iardin passoye,
Ie n’estois pas vestu de soye,
Mais de pauures draps maintenu,
[var : Et de draps bien mal pourueus.]
Pour n’apparoir en public nu.
[var : Ains estoye poure & nuds,] Et m’esbattant auec desir
De chasser loing mon desplaisir,
Ouy vng chant harmonieux
[Pour le chant d’vn oyselet]
De plusieurs oyseaux gratieux.
[var : Devant le ioly iadinet :]

Adonc ie regarday l’entrée
Du iardin, qui estoit fermée.
Mais comme ma veuë estima,
Zephirus tost la defferma ;
Puis se retira, par effect
Monstrant qu’il n’auoit cela faict.
Et quand ie vis celle maniere,
Ie me tiray vng peu arriere,
Et en apres entray dedans.
Du iour n’auois mangé des dents ;
I’auoye grand soif et grand faim,
Mais portois auecq moy du pain
Qu’auois gardé vne sepmaine.
Lors apperceu vne fontaine
D’eaue tres clere, pure et fine,
Qui estoit soubs vne aubespine.
Ioyeusement empres m’assis,
Et de mon pain soupes y fis ;
Puis m’endormis, apres mangier,
Dedans ce gratieux vergier ;
Et, selon mon entendement,
Ie dormy assez longuement,
Pour la plaisance que prenoys
Estant au songe que songeois.
Or pourrez scauoir de mon songe,
Et s’après le trouuay mensonge.

Il est vray qu’il me fut aduis
Que deux bell’s dames au cler vis,
Semblables à filles de roy
Au regard de leur noble arroy,
Vers moy s’en vindrent doulcement;
Et ie les saluë humblement,
En leur disant : « Illustres dames,
Dieu vous sauf et de corps et d’ame !
Plaise vous à moy vos noms dire;
Ce ne me vueillez esconduire. »

L’vne respond par grand plaisance :
« Amy, i’ay à nom Congnoissance ;
Voicy Raison que i’accompaigne,
Soit par monts, par vaux, par campaigne ;
Elle te peult faire moult saige. »

Alors entendant ce langaige,
Et cuidant estre resueillé,
D’vng cas fus fort esmerueillé :
Car issir veis de la fontaine,
Qui est tant aggréable et saine,
Sept ruisseaux que veu ie n’auoye,
M’estant couchié en celle voye,
Lesquelz m’auoyent si fort mouillé
Que i’en estoye tout souillé.
Là s’espandoit l’eaue à foison.

Adonc priay dame Raison,
Qui estoit auecq Congnoissance,
Me dire la signifiance
De la fontaine et des ruisseaux
Qui sont si plantureux et beaux,
Et à qui estoit le pourpris,
De tous costez bien entrepris,
D’arbres et de fleurs odorantes
Arrousez des eaues courantes,
En sorte que pareils iamais
Ne me sembloit auoir veu. - Mais
Elle me dict tresdoucement :
« Mon amy, tu scauras comment
Va de ce qu’as si grand desir :
Escoute moy tout à loisir.

En la Fontaine ha vne chose,
Qui est moult noblement enclose.
Celuy qui bien la congnoistroit,
Sur toutes aultres l’aymeroit.
Qui la vouldroit chercher et querre,
Et puis trouuée mettre en terre
Et seicher en menue pouldre
Puis arriere en son eau resouldre,
Mais que fussent auant parties,
Puis assemblées les parties,
Qui la terre mettroit pourrir

En l’eaue que la doibt nourrir,
Il en naistroit vne pucelle
Portant fruict à double mammelle,
Mais qu’on ostast la pourriture,
Dont elle ne son fruict n’ha cure.
La pucelle dont ie deuise
Si poingt et ard en mainte guise :
Car en l’air monte, en hault volant,
Puis descend bas, à val coulant ;
Et en s’en descendant, faonne
Faon que nature luy donne.

C’est vng Dragon qui ha trois goules
Famineuses et iamais saoules.
Tout entour de luy chascun rue,
L’enuironnant ainsi qu’en rue,
Et poursuiuant par forte chasse
[var : Mais avant par chaleur on chasse]
[var : Mais dessus luy faut que l’on chasse,]
Tant que gresse couure sa face,
[var : Gresse que luy couure sa face,]
Que le noircist et si l’englue.
Puis le compresse et le mengue.
Elle r’enfante mesmement
(Ce se fait amoureusement)

Plus puissant que deuant grand somme ;
Puis le boit comme ius de pomme.
Ainsi l’enfant à sa manière,
Souuent boit et r’enfante arrière,
Tant que plus cler est que christal.
Pour vray le fait en est ytal.
Et quand il est ainsi luisant,
En eaue moult fort et puissant,
Il pense deuorer sa mère,
Qui ha mangié son frère et père.
Ainsi comme l’alaitte et couue
Le Dragon, fière de sa couue.
Sa mère en deux parties part,
Que luy aide apres ce depart,
Et puis la deliure a trois goules
Qui l’ont plustost prins que gargoules.

Alors est le plus fort du monde ;
Iamais n’est rien qui le confonde ;
Merueilleux il est et puissant;
Une once en vault cent d’or pesant.
C’est vng feu de telle nature
Qu’il passe toute pourriture,
Et transmue en aultre substance,
Quand qu’il attaint à sa semblance ;
Et guerist maladie toute,
Apostume, lepre, et goutte ;
Et és vieulx corps donne ieunesse,
Et és ieunes, sens et liesse;
C’est ainsi que de Dieu miracle.
Ce ne peult faire le triacle,
Ne rien qui soit soubz ciel trouué,
Fors cecy, qui est esprouué
Par les Profètes anciens
Et par docteurs Phisiciens.

Mais on ne l’ose plus enquerre,
Pour peur des seigneurs de la terre;
Oncques mais n’aduint tel meschié,
Car ce faire on peult sans peschié.
Moult de Sages si l’ont aymé ;
Mauldit soit qui l’ha diffamé.
L’on ne le doibt onc reueler
Qu’à ceulx qui veulent Dieu aymer.
Et qui bien ayment, ont victoire
Pour seruir Dieu, aymer, ou croire :
Car cil à qui Dieu donne espace
De viure tant que en quelque place
Il ayt celle oeuure labourée,
Ha de Dieu la grace impetrée
En soy ; saches certainement :
Dont prier doibt deuotement
Pour les saincts hommes qui l’ont mise
En escript selon leur deuise ;

Philosophes et saincts preud’hommes,
Dont ie ne scay dire les sommes ;
Mais Dieu leur face à tous mercy,
Qui ont ouuré iusques icy ;
Et ceulx qui ayment la science
Dieu leur doint bien et patience.
Scauoir doibs que celuy Serpent
Que ie t’ay dit premièrement,
Est gouuerné de sept Ruisseaux,
Qui tant sont amoureux et beaux.
Ainsi l’ay voulu figurer ;
Mais aultrement le vueil nommer:
C’est vne pierre noble et digne,
Faicte par science diuine,
En laquelle vertu abonde
Plus qu’en nulle qui soit au monde ;
Trouuée est par Astronomie
Et par vraye Philosophie.
Elle prouient en la montaigne
Où ne croist nulle chose estraigne.
Scachez de verité prouuée,
Plusieurs sages l’y ont trouuée.
Encores la peult on trouuer
Par peine de bien labourer ;
Des Philosoph’s est la pierrière
Que tant est amoureuse et chière.
Aysement on la peult auoir,
Et si vault mieux que nul auoir.
Mais peine auras moult endurée
Deuant que tu l’ayes trouuée ;
L’ayant, n’auras faulte de rien
Qu’on trouue en ce monde terrien.
Or’ reuenons à la fontaine
Pour en scauoir chose certaine.

Celle fontaine de valeur
Est à vne dame d’honneur,
Laquelle est Nature appellée,
Qui doibt estre moult honorée :
Car par ell’ toute chose est faicte,
Et s’elle y fault, tost est deffaicte.
Long temps ha que fust establie
Celle Dame, ie vous affie :
Car aussi tost que Dieu eut faicts
Les Elemens qui sont parfaicts,
L’Eaue, l’Air, la Terre et le Feu,
Nature en tout parfaicte feu.
Sans Nature, ne peut plus croistre
Dedans la mer la petite oistre ;
Car Nature est mere à la ronde
De toutes les choses du monde.
Noble chose est que de Nature.
Moult y bien appert à figure
De l’homme, que Nature ha faicte ;

En quoy de rien ne s’est meffaicte.
Aussi fait-il en plusieurs choses
Qui par Nature sont descloses :
Oyseaux, arbres, bestes, fleurettes,
Du tout par Nature sont faictes;
Et ainsi est-il des metaulx,
Qui ne sont pareils ny esgaulx;
Car par elle mesme se font
Dedans la terre bien profond :
Desquelz plus à plein conteray
Quand Nature te monstreray,
Laquelle ie veulx que tu voye,
Affin que mieux suyue sa voye
Et son sentier en la tienne œuure :
Car il fault que la te descœuure. »

Ainsi que tels propos tenoit,
Ie veis Nature qui venoit.
Et alors, sans faire delay,
Droict encontre elle m’en allay
Pour la saluer humblement.
Mais certes tout premièrement
Vers moy feit inclination,
Me donnant salutation.
Lors Raison dict : « Voicy Nature ;
A l’aymer mets toute ta cure.
C’est elle que te fera estre
De son ouurage prudent maistre. »

Ie l’escoutay diligemment
Et elle se prit saigement
A me demander d’où i’estoye
Et qu’en ce liu là ie queroye,
Car il estoit beaucoup sauuaige,
Et pour les non clercs plein d’ombraige.
« Dame, di-ie, par Dieu de cieulx,
Ie suis venu ci, comme cieulx
Qui ne scait en quell’ part aller
Pour bonne aduenture trouuer.
Mais ie vous diray sans attente
Et en brief propos mon entente.
Vn moult grand Prelat vey iadis
Scauant, clerc, prudent et subtils,
Qui parloit en commun langaige,
Ainsi que faiet maint homme saige,
Du scauoir de la medicine
Qu’il faisoit tres-haulte et tres-digne,
En demonstrant ses excellences
Par moult grandes experiences;
De Philosophie et science
[var : De Philosophes et leur science]
Deuisoit en grand reuerence ;
Bien auoit esté à l’escolle.
Alors fus mis en vne colle
Ardente d’apprendre et scauoir
Chose meilleur’ que tout auoir,
Et de luy demander m’aduint
D’où premier la science vint ;
S’on escript où la rencontra,
Et qui fut cil qui la monstra.
Il me respondit sans delay
Par ces propos que vous diray.

Science si est de Dieu don,
Qui vient par inspiration.
Ainsi est science donnée
De Dieu, et en l’homme inspirée ;
Mais auecq ce apprend on bien
A l’escolle par son engien.
Mais auant qu’onc lettre fust veuë
Si estoit la science sçeuë
Par gens non clers, mais inspirez,
Qui doibuent bien estre honorez :
Car plusieurs ont trouué science
Par la diuine sapience.
Et encor est Dieu tout puissant
Pour donner à son vray seruant
Science telle qu’il luy plaist :
Dequoy à plusieurs clers desplaist,
Disans qu’aulcun n’est suffisant
S’il n’a esté estudiant ;
Qui n’est maistre és arts, ou docteur,
Entre clers reçoit peu d’honneur.
Et de ce les doibt on blasmer
Quand aultruy ne sçauent loüer.
Mais qui bien punir les vouldroit,
Les liures oster leur fauldroit.
Là seroit science faillie
En plusieurs clers, n’en doubtez mie ;
Et pas ne le seroit és laiz
Qui font rondeaulx et virelaiz,
Et qui sçauent metrifier,
Et plusieurs choses, que mestier
Font à maintes gens à deliure,
Qu’ils ne trouuent pas en leur liure.
Le charpentier, et le masson
N’estudient que bien peu, non ;
Et si font aussi belle vsine
Qu’estudians en Medicine,
En Loix, et en Theologie,
Pour auoir practiqué leur vie.

Dés lors fus grandement espris
D’emploïer du tout mes espris,
Tant que par vraye éxperience
Auoir peusses la congnoissance
De ce que maint homme desire
Par grace du souuerain sire. »
Mon conte, Raison et Nature
Bien escoutaient, ie vous asseure.
Puis à Nature di: « Madame,
Helas, tousiours de corps et d’ame
Suis en trauail, voulant apprendre
Science, où ne puisse mesprendre,
Pour auoir honneur en ma vie,
Sans ce que nul y ait enuie :
Car tout mon bien ie vueil acquerre,
Comme les laboureurs de terre;
La terre fouïr et houër,
Et puis la semence semer,
Comme font les vrays laboureurs,
Qui sont leurs biens et leurs honneurs.
Et pour cela prier vous vueil
Que vous me dictes de voz vueil,
Comme on nomme celle fontaine
Qui tant est amoureuse et saine. »

Elle respond : « Amy, de voir,
Puis que desirez le scauoir ;
Elle s’appelle, pour le mieux,
La fontaine des amoureux.
Or te doibt-il estre notoire
Que depuis Eue, nostre mere,
I’ay gouuerné tretout le monde,
Si grand comme il est à la ronde.
Sans moy ne peult chose regner,
Si Dieu ne la veult inspirer.
Moy, qui suis Nature appellée,
I’ay la terre enuironnée,
Dehors, dedans, et au milieu ;
En toute chose prins mon lieu,
Par mandement de Dieu le Père ;
De toutes choses ie suis mere ;
A toutes ie donne vertu ;
Sans moy n’est rien, ne oncques fu
Chose qui soit soubs ciel trouuée,
Qui par moy ne soit gouuernée.
Mais puis que tu entens raison,
Ie te vueil donner vng bel don,
Par lequel, si tu veux bien faire,
Tu pourras Paradis acquerre,
Et en ce monde grand’ richesse,
D’on te pourra venir noblesse,
Honneur et grande seigneurie,
Et toute puissance, en ta vie.
Car en ioye tu l’vseras,
Et moult de nobles faictz verras
Par celle fontaine et cauerne
Qui tous les sept metaulx gouuerne.
Ils en viennent, c’est chose claire.
Mais de la Fontaine suys mere,
Laquelle est doulce comme miel,
Et aux sept Planetes du ciel
Comparée est : scauoir, Saturne,
Iupiter, et Mars, et la Lune,
Le Soleil, Mercure et Venus :
Entends bien, tu y es tenus.
Les sept Planetes que i’ay dict,
Accomparons sans contredict
Aux sept metaulx venans de terre,
Qui tous sont faicts d’vne matiere.
L’or entendons par le Soleil,
Qui est vng metail sans pareil ;
Et puis entendons pour l’argent
Luna, le metail noble et gent.
Venus pour le cuiure entendons,
Et aussi c’est moult bien son nom.
Mars pour le fer, et pour l’estain
Entendons Iupiter le sain ;
Et le plomb pour Saturne en bel
Que nous appellons or mesel.
Mercurius est vif argent,
Qui a tout le gouuernement
Des sept metaulx : car c’est leur mere,
Tout ainsi que si les compere,
Qui les imparfaits peut parfaire.
Après le te veulx remetraire.

Or entends bien que ie diray,
Et comme ie declareray
La fontaine à dame Nature,
Que tu vois cy près en figure.
Si tu sçais bien Mercure mettre
En œuure, comme dit la lettre,
Medicine tu en feras,
Dont paradis puis acquerras,
Auecques l’honneur de ce monde,
Où grand planté de bien abonde.

Sçauoir doibs par Astronomie
Et par vraye Philosophie,
Que Mercure est des sept metaulx
La matiere, et le principaulx :
Car par sa pesanteur plombasse,
Se tient soubz terre en vne masse,
(Nonobstant qu’elle est volatiue
Et és aultres moult conuersiue)
Et est soubz la terre trouuée,
Tout ainsi comme est la rousée.
Et puis en l’air du Ciel s’en monte,
(Moy, Nature, le te raconte)
Et si après peulx concepuoir
Qui en veult medicine auoir
Mercuriale en son vessel,
Le mettra dedans le fournel
Pour faire sublimation,
Qui est de Dieu vng noble don,
Laquelle ie te veulx monstrer
A mon pouuoir, et figurer.
Car si ne fais purs corps et ame,
Ia ne feras bonne amalgame,
N’aussi bon paracheuement.
[var. Cy empres verras le Fourneau,]
Mets y donc ton entendement.
[var. Et tel qu’il y fault le vaisseau.]

Vecy la forme & la manière comment ie sublimay, & preparay mon Mercure, pour amalgramer auecques le corps du Roy, préparé par cement real, comme il appartient, sept foys.

Or entends si tu veulx sçauoir
(Mieux vault bon sens que nul auoir) :
Pren ton corps et en fais essay ;
Comme aultres ont faict, bien le scay.
Ton esprit te fault bien monder,
Ains que puisses incorporer.
Si faire veulx bonne bataille,
Vingt encontre conuient sans faille,
[var. : Vingt contre sept conuient sans faille]
Et si ton corps ne peult destruire
Vingt, à ce pas il faut qu’il meuire (meure).
Si est la bataille première
De Mercure très-forte et fiere ;
Après rendre luy conuient faire,
Ançois qu’on n’en puist rien attraire.
Quand à ton vouloir entrepris
Rendu sera, lors estant pris,
Si tu en veulx auoir raison,
L’enfermeras dans la prison
D’où il ne se puisse bougier.
Mais d’vng don le doibs soulagier,
Ou pour toy rien ne vouldra faire
Tant que luy feras le contraire ;
Et si faire luy veulx plaisir,
Il le te conuient eslargir,
Et remettre en son premier estre,
Et pour ce seras tu son maistre :
Aultrement sçauoir bien ne peulx
Ce que tu quiers et que tu veulx.
Mais par ce point tu le sçauras,
Et à tout ton plaisir viendras,
Mais que tu faces de ton corps
Ce dont te fais cy le recors.

Faire doibs doncq, sans contredict,
Premier de ton corps vng esprit,
Et l’esprit réincorporer
En son corps sans point séparer.
Et si tout ce tu ne sçais faire,
Si ne commence point l’affaire.

Après ceste coniunction,
Se commence operation,
De laquelle, si tu poursieux,
Tu auras la gloire des cieulx.
Mais tu doibs sçauoir, par ce liure,
Que moy Nature te deliure,
Que le Mercure du Soleil
N’est pas à la Lune pareil :
Car tousiours doibt demourer blanche
Pour faire chose à sa semblance;
Et celuy qui au Soleil sert
Le doibt ressembler en appert ;
Car on le doibt rubifier :
Et ce est le labeur premier.
Et puis assembler les peult on,
Comme i’ay dict, en la fasson
Cy-deuant que tu as ouye,
Qui te doibt trouuer en l’ouye.
Et si ce ne sçauois entendre,
En ton labeur pourrois mesprendre,
Et à l’aduenture perdrois
Long temps, et en vain l’vserois
Et s’à mon dict sçais labourer,
Seurement y peulx proceder.

Or as tu vng point de ceste oeuure
Que moy Nature te descoeuure.
Si te fault, par bonne raison,
Faire après congélation
Et de corps et d’esprit ensemble,
Tant que l’vng à l’autre ressemble;
Et puis te conuient, par bon sens,
Separer les quatre elemens,
Lesquelz tous nouueaulx tu feras,
Et puis en oeuure tu metras.
Premier tu doibs le feu extraire
Et l’air aussi pour cest affaire,
Et les composer en après :
Ce te dy cy par mots exprès
La terre et l’eaue, d’aultre part,
Seruent moult bien à celuy art,
Et ainsi fait la quinte essence ;
[var : Et aussi fait la quinte essence.]
[var : Et en faisant la quinte essence]
Car c’est de notre faict la cence.
[var : C’est de notre faict la science.]
[var : Le mettras au four ung petit.]
Quand tu as les quatre trouuez
Et I’vng de l’autre separez,
Ainsi comme ay dit par dessus,
Ton faict sera demy conclus.

Or peulx proceder ; moïennant
Que tu faces ce que deuant
Ie t’ay en ce chapitre dit.
Tu le mettras au four petit :
[var : Le mettras au four ung petit.]
Cela s’appelle mariage
Quand il est fait par homme sage ;
Et aussi c’est moult bien son nom.
Or entendez bien la raison :
Car masculin est fort liable
Auecq feminin amiable.
Et quand purs et netz sont trouuez,
Et l’vng auecq l’aultre assemblez,
Generation est certaine,
Si que c’est vne oeuure hautaine
Et qui est de grande substance.
Ainsi est-il, d’autre semblance,
De maint homme et de mainte femme
Qui ont bon loz et bonne fame,
Par leurs enfans qu’ils scauent faire,
Dont chaceun doibt priser l’affaire ;
D’oyseaulx, de bestes et de fruicts.
Aultrement prouuer ie le puis :
Mettez d’vng arbre la semence
En terre pour bonne science ;
Après la putréfaction,
En viendra generation.
Par le froment le peulx sçauoir,
(Qui vault mieux que nul aultre auoir) :
Semant vng grain, en auras mille.
Là ne fault estre moult habile.
Ne oncques ne fut creature
Qui dire peult à moy, Nature :
Naissance ay prins sans te cercher,
Et ne doibs rien me reprocher.
Et ainsi des metaulx est il,
Dont Mercure est le plus subtil.
Quand il est mis dedans son corps,
[var : Dans le four est mis, ou son corps,]
Que ie t’ay dit en mes records,
[var : Que ie t’ay dit en mes records,
Et de ce faire il est moult prest,
Ainsi que verras cy après.]
Il le conuient enamourer
[var : Là luy connuient enamourer]
De son pareil, puis labourer.
[var : Son pareil, et puis labourer]
Mais ains qu’à fin puisse venir,
D’ensemble les fault despartir.
Mais après celle despartie,
Se r’assemblent, ie vous affie.
La fois premier est fiansaille,
Et la seconde l’espousaille ;
A la tierce fois par droicture
Assemblés en vne nature,
C’est le mariage parfaict,
Auquel gist trestout nostre faict.
Or entens bien comme i’ay dit,
Car pour vray en rien n’ay mesdit :
Quand tu les auras separez,
Et peu à peu bien reparez,
En après les rassembleras,
Et I’vng auecq l’aultre mettras.
[Ajt : Mais ains feras la departie,
Ou four cy pres, n’en doute mie.]

Vecy la forme & la maniere comment ie separay par distillation mon eaue de Mercure de ma chaux de Soleil Philosophal.

[Ajt : Tu peux icy voir la maniere
de separation legere.] Mais te souuienne en ta leçon
Du proverbe que dit Caton :
L’homme qui list, et rien n’entend,
Semble au chasseur qui rien ne prend.
Si apprens donc à bien entendre,
Affin que ne puisses reprendre
Les liures, ne les bons facteurs,
Lesquelz sont parfaicts entendeurs :
Car tous ceulx qui nostre œuure blasment
Ne la congnoissent, mais diffament ;
Celuy qui bien nous entendroit
Moult tost à nostre œuure viendroit ;
Plusieurs fois a esté ouurée
Et par philosoph’s esprouuée.
Mais plusieurs gens tenuz pour sages
La blasment, (dont ils sont folages),
Et chascun les en doibt blasmer,
Qui a sens en soy sans amer.
Mais loüer doibt on bien et bel
Tous ceulx qui ayment tel ioïel,
Et qui le pensent à trouuer
Par peine de bien labourer,
Et doibt on dire : c’est bien faict ;
Los merite leur bel effect.
Or auons nous dict vne chose
Qu’il fault que briefuement desclose :
C’est que, si bien proceder veulx,
Tu faces l’vnion des deux,
Tant que fiancez puissent estre
Ou vaissel qui en sçait bien l’estre ;
Et puis pour ton faict separer
Le te conuient bien ordonner.
Et pour t’en dire la façon,
Ce n’est que résolution
Laquelle te faict grand mestier,
Se poursuiuir veulx le mestier ;
Elle doibt le compost deffaire,
Ainsi que tu en as affaire.
Quand tu verras la terre seiche,
[var : tant que chascun à part luy soit.]
Eaue du ciel fay qu’elle leiche,
[var : Et puis avant que terre soif]
Car ils sont de mesme nature.
[var : De l’eaue du ciel par droicture,]
Laboure doncques par droicture.
[var : (Car ils sont tout d’une nature)]
C’est raison qu’ell’ soit abreuuée;
[var : C’est raison qu’ell’ soit abreuuée.]
Et de moy sera gouuernée.

Or t’ai-ie dit, sans rien mesprendre,
Comme ton corps peult ame prendre,
Et comme les fault despartir,
Et l’vng d’auecq l’aultre partir.
Mais la despartie, sans doubte,
Est la clé de nostre oeuure toute.
Par le feu elle se parfaict ;
[var : Car le feu est cause du fait,]
Sans luy l’art seroit imparfaict.
[var : En ce Four t’en montre le fait.]

Vecy la forme & figure comme ie congelay ma premiere eaue de Mercure aucques ma chaux de Soleil, pour mieux calciner.

Aulcuns dient que feu n’engendre
De sa nature, fors que cendre ;
Mais, leur reuerence sauuée,
Nature est dans le feu entée :
Car si Nature n’y estoit,
Iamais le feu chaleur n’auroit ;
Et si prouuer ie le voulois
Le Sel en tesmoing ie prendrais.
Mais quoy !… Nous lairrons ce propos,
Et aultre dire voulons loz. »

Et quand ce parler entendis,
Le mot en mon cueur escripuis,
Et dis : « Noble Dame d’arroy,
Vueillez vng peu entendre à moy ;
Et reuenons à ces metaulx,
Dont Mercure est le principaulx,
Et me faictes, vous et Raison,
Aulcune declaration,
Ou de vostre faict suys abus
Pour ce que dict auez dessus :
Car vous voulez que ie defface
Ce que i’ay faict de prime face,
Et expressément vous le dites ;
Ie ne sçay si ce sont redites,
Ou si parlez par paraboles ;
Car ie n’entens point vos escholes. »
« Amy, ce respondit Nature,
Dy, comme entens tu le Mercure
Que ie t’ay cy deuant nommé ?
Ie t’ay dit qu’il est enfermé,
Encores que souuent aduient
Qu’en plusieurs mains il va et vient.
Le Mercure que ie te lo,
Surnommé de Mercurio,
C’est le Mercure des Mercures ;
Et maintes gens mettent leurs cures
De le trouuer pour leur affaire :
Car ce n’est Mercure vulgaire.
Sans moy tu ne le peux trouuer ;
Mais quand tu en vouldras ouuer,
Moult te fauldra estre autentique
Pour paruenir à la practique,
Par laquelle pourras auoir
De noz faictz vng tres grand sçauoir.
Les metaulx te fauldra congnoistre
Ou ton faict ne vauldra vne oistre.
Or, pour entendre mieulx la guise,
Ie te diray où l’oeuure est mise ;
Mesmement où elle commence,
Si tu es filz de la science.
Et cil qui y veult paruenir,
Fault qu’à ce point sache venir,
Ou riens ne vauldra son affaire,
Pour labeur qu’il y sçache faire.
Pour ce nommé-ie la fontaine,
Qui tant est amoureuse et saine,
Mercure, celuy vray surgeon,
Qui cause est de perfection.

Or entens bien que te diray.
Car pour vray riens ne mesdiray :
Celuy Mercure sans pareil
Peulx tu trouuer ou le Soleil,
Quand il est en sa grand’chaleur
Et qu’il fait venir mainte fleur :
Car après fleurs viennent les fruicts.
Par ce point prouuer ie le puis,
Et encore par cent manieres
Qui sont à ce fait moult legieres ;
Mais cestuy-cy est le principe
Et pour cela le te recite.
Certes ie ne t’ay abusé :
Car pour voir il y est trouué.
Et s’en Luna veulx labourer
Autant bien l’y pourras trouuer,
En Saturne, et en lupiter,
Et en Mars, que ie nomme Fer.
Dedans Venus et en Mercure
On peult bien trouuer la plus sure ;
Mais, quant à moy, ie l’ay trouvé
Au Soleil, et puis labouré ;
Et pour ce t’en ay faict ce liure
Que tu m’entendes à deliure.
Dedans Luna sçaches de voir,
Ay-ie prins mon premier auoir.
Encore dy ie aux entendeurs
Que c’est tout vng de deux labeurs,
Excepté rubifiement,
Qui sert au Soleil noblement.
Et plus dire ne t’en sçauroye,
Si la pratique ne monstroye.
Et celle ne te puis retraire
Sinon que tu le voyes faire.
Mais ayes bien en ta mémoire
Ce que ic t’ay dit, c’est notoire.
[var : Ce que ic t’ay dit iusqu’à ire]
Estant à résolution,
Faire doibs inhibition :
Mais ne commence point à faire
Ce que i’ay dit sur tel affaire
Si n’as probation du faict
D’auoir bien resouls l’imparfaict.
Et si tu peulx passer ce pas,
Recorpore-le par compas,
En reuenant au faict premier ;
L’aultre ne fut que messagier.
Véoir le peulx évidemment
Comme se faict legierement.
Par plus brief tu ne peulx venir
Au plus fort de ton aduenir ;
Et si tu l’entens, pour certain
Tu ne laboureras en vain.
Et après ce labeur cy faict,
Te fault reffaire le deffaict.
Putrefaction est, pour voir,
Dont il doibt naistre grand auoir :
En ce point cy gist la mestrise
Auquel tout nostre faict s’attise ;
Et quoy que t’aye dit deuant,
Icy gist tout le conuenant.
Dans le four est mis l’appareil ;
Tu en doibs auoir vng pareil,
Car germe fault premier pourrir,
Qu’il puisse dehors terre yssir.
Mesmes la semence de l’homme,
(Que pour probation te nomme),
Se pourrit au corps de la femme
Et deuient sang, et puis prent ame.
Mais en forme de creature,
Ce secret cy te dict Nature.

Vecy la forme & la maniere comment ie feis ma resolution de la matiere deuantdite, qui est nommee Sel commun, apres ce que ie leu laboré fus la table des Philosophes.

Car vne chose en debura naistre,
Que sçaura bien plus que son mestre,
[var : Que sçaura bien plus que son maistre]
Pour allaicter les quatre enfans
Qui sont desià venus tous grans,
Lesquelz Elemens sont nommez
Et I’vng de l’autre separez.

Or as-tu cinq choses ensemble
Et I’vne à l’autre bien ressemble ;
Aussi n’est-ce qu’une substance
Toute d’vne mesme semblance.
Là doibt l’enfant manger sa mere
Et après destruire son pere.
Fleur et laict et fruict auecq sang
Conuient trouuer en vng estang.

Or regarde dont le laict vient,
Et que là sang faire conuient.
Si ce ne sçay considerer
Tu pers ta peine à labourer ;
Et si tu me sçay bien entendre,
Si laboure sans plus attendre;
Car tu as passé le passage
Où demeure maint fol et sage ;
Là, te peulx vng peu reposer,
Après commence à labourer
Et poursui tant que face issier
Fruict parfaict, qu’on nomme Elixier ;
Car par oeuure sciencieuse
Se faict la pierre précieuse,
Des Philosophes le renon,
Qui en sçauent bien la raison ;
Et n’est ioyel, ne mal auoir,
Qui puisse cell’pierre valoir.
Si ses effects veulx que ie die,
Guarir peult toute maladie ;
Aussi par ses tres nobles faicts,
Parfaict les metaulx imparfaicts,
Et ne faict plus chose du monde
Fors ceste où grand vertu abonde.
A merueilleux faicts est encline ;
Pour tant la nommons medicine ;
Et de toutes les aultres pierres,
Que maints princes tiennent pour chieres,
Nulle peult tant resiouir l’homme,
Que ceste-cy que ie te nomme.
Et pour ce ie t’en fais memoire
Que tu le tiennes pour notoire :
Car sur toutes pierres du monde,
Vertu dedans la nostre abonde ;
Et pour ce doibt faire debuoir
De gagner vng si noble auoir.
Si tu me veulx bien ensuiuir
A ce poinct pourras aduenir.
[Ajt : Tu vois cy à certain attour
De puetrfaction le Four.

Vecy la forme & la maniere par figure commen ie putrefiay ma matiere dedens le baing marié pour estraire le germe, & c.

Apprens bien, si feras que sage.
Car ie t’ay dit jà tout l’vsage ;
Au four tu le pourras bien veoir
Auquel doibt estre ton auoir :
Faisant par ung certain atour,
De putrefaction le tour.
Plus t’ay appris que ces pars
Ton œuvre demeure en deux pars ;
De ce rien plus ne te diray
Iusques en toy veuë i’auray
Seruice pourquoy te die ;
Car autrement feroy folie.
Mais quand tu l’auras deseruy,
En briefs motz ie te l’auray dy ;
Pource ne m’en demande plus ;
Ie n’ay que trop dit de surplus. »

Et quand i’eus entendu Nature
Que de parler plus n’auoit cure
Pour ses ouurages declairer,
Moult tendrement prins à plourer,
Et dis : « Noble dame d’arroy,
Vueillez auoir pitié de moy
Ou iamais ne seray deliure
De ce qu’ay trouué en vng liure.
Dites moy, Dame noble et bonne,
L’aduance, si ferez aumosne. »

Lors respondit : « Plus n’en scauras,
Tant que desseruy tu l’auras. "
- « Hélas, dis-ie lors, Dame chière,
Veuillez moy dire la manière
Comment le pourroy desseruir ;
Car à tousiours vous veulx seruir
Loyaument, sans ailleurs penser.
Ie ne vous puis recompenser,
Ne augmenter vostre richesse.
Seruice vous feray sans cesse,
Si vous me donnez tant noble auoir
Que des vostres me recepuoir. »

Adonc Nature respondit :
« Fils, tu sçay ce que ie t’ay dit ;
Mais si me croy, d’ore en auant
Pourras bien estre plus sçauant. »

— « Dame, dis-ie par Dieu des Cieulx,
Ie voudrois bien estre cieulx
Qui doibt seruir pour tel affaire,
Tout son viuant, sans rien meffaire :
Veuillez moy donc vos plaisirs dire,
Car ie ne veulx rien contredire. »
Lors dit Nature: « Sans mesprendre,
Beau fils, il te conuient apprendre
A cognoistre les sept metaulx,
Dont le Mercure est principaulx ;
Leurs forces, leurs infirmitez
Et variables qualitez.
Après apprendre te conuient
Dont soulphre, sel, et huyle vient
De quoy nous te faisons memore,
Qui te fera mestier encore.
Moult est le soulphre necessaire,
Et si te donra prou à faire.
Sans sel ne peulx mettre en effect
Vtile chose pour ton faict.
D’huyle tu as mestier moult grant ;
Sans luy ne feras faict flangrant.
De ce te doy bien souuenir
S’à nostre œuure veulx paruenir.

Vng mot te diray, or l’entend,
De quoy tu seras bien content :
Vng metal en vng seul vaissel
Te conuient mettre en vng fournel.
C’est Mercure que ie t’expose,
Et si n’y fault nulle aultre chose.
Mais, pour l’abrégement de l’œuure,
De poinct en poinct te le descoeuure.

Or te vueil ie dire de l’or,
Qui des metaulx est le thresor,
Il est parfaict ; nul ne l’est plus
De ceulx que i’ay nommé dessus.
La Lune l’est, et ne l’est mie ;
De vray ie le te certifie.
Il n’y a qu’vng metal au monde,
En qui nostre Mercure abonde,
Et si est en tous sept trouué ;
Moult bien ay cecy esprouvé.

L’or est chaud et sec par droicture ;
La Lune est froide en sa nature ;
Saturnus est pesant et mol ;
En ce peult il ressembler Sol ;
Plusieurs clers de parler ignel,
Le veulent nommer or mesel.
Venus bien la Lune ressemble
En paix et en forger ensemble.
Mercure froid et humide est ;
Tesmoing est Iupin qui en naist.
Mars est dur, et pesant, et froid ;
Des aultres tous c’est le conroit.
Soit leur nature dure ou tendre,
Il les conuient tous sept comprendre,
Comme les ay nommez dessus,
Et congnoistre bien leurs vertus
Et par ce poinct après feras
De Mercure ce que vouldras. »
- « Las, dy-ie, Dame, il sera faict.
Dites moy l’aduance du faict,
Et comment pourray retraicter
Ce qu’ay veu en vostre vergier.
Car oncques mais puis que fus né,
Ie ne fus tant enamouré
De chose nulle de ce monde.
Ie croy que vertu y abonde :
Ie le tiens pour secret de Dieu,
Qui reuelé soit en ce lieu. »
Lors dit Nature : « Tu dis voir,
Et c’est du monde tout l’auoir ;
Car de ma fontaine prouient
Grand’richesse, d’où l’honneur vient
Au monde en diuerse maniere.
A plusieurs suis comme miniere.
Et pource que tu es venu
Icy sans aulcun reuenu,
Et que tu as volonté bonne
De labourer comme personne,
Desirant bon-heur rencontrer,
L’aduance ie te vueil monstrer.
Dit t’ay au chapitre notoire
(Ie ne sçay si en as memoire),
Qu’en deux parties gist ton œuure.
Moy Nature le te descœuure.
Fay ton soulphre penetratif
Par feu deuenir attractif ;
Et puis lui fay manger sa mere,
T’auras accomply nostre affaire.
Mets la mere au ventre à l’enfant,
Qu’elle ha enfanté par-deuant ;
Puis si sera et pere et fils,
Tout parfaict de deux esperits
Pour vray il n’en est aultre chose,
Fors ce que cy ie t’en expose ;
Et si tu y veulx adiouster
Chose estrange, ou administrer
Soulphre, sel, huyle, n’aultre riens,
Pour voir, ton faict ne vauldra riens.
Car terre si ne peult porter
Aultre fruict qu’on y veult semer.
Creature faict creature
Et beste, beste à sa nature ;
Ainsi est de toutes semences.
Tiens ce propos de mes sciences.
[Ajt : On Four cy pres dois regader,
Comment ce poinct fault labourer.]

Vecy le four & vaissel dont ie traysis ma quinte essence, qui est appellée soulphre rouge, apres la separation des elemens, à l’ayde de ce que i’en trouuvay fus la table, en broyant la dite matire trituration philosophale.

Beau fils, ne dy que ce soit gale ;
Il fault que tout monte et auale
Par vng chemin moult gratieux,
Moult plaisant et moult amoureux ;
La nostre eaue pure ordonnée,
[var : La voye i’ay preordonnée]
Tout ainsi va que la rosée.
[var : tout ensement que de rosée.]
En l’air du Ciel la fault monter,
Et puis doulcement aualer
Par vng tresamoureux sentier,
Lequel on doibt bien retraicter.
En la descente qu’elle faict,
Enfante le soulphre parfaict ;
Et si à ce poinct peulx venir,
Tu peulx bien dire sans mentir
Que d’or pourras avoir sur terre
Grande quantité sans meffaire.
Car si toute la mer estoit
De metal, tel qu’on le vouldroit,
Cuyure, Argent vif, Plomb ou Estain,
Et tu en misses vng seul grain
Dessus, quand seroit eschauffée,
Il en soudroit vne fumée
Qui mentoit merueilleux arroy ;
Et après se tiendroit tout coy ;
Et puis quand seroit appaisée
La fumée, et tout accoisée,
La Mer trouueroit plus fin or,
Que nul roy ayt en son thresor.

Or vueil au propos retourner
Que deuant, pour bien gouuerner :
Quand ton soulphre sera mangié,
Ton Mercure mortifié,
Tien le en prison quarante iours ;
Et puis tu verras tes amours ;
Et Dieu t’en laisse si bien faire,
Que Paradis puisses acquerre.
Tu vois icy bien ordonnée
La prison que ie t’ay nommée ;
Par foy la te baille en figure.
Or te souuienne de Nature,
Qui t’a voulu administrer
Si noble don, et reueler
La science tresadmirable
Et en ce monde venerable.
Aultrement ne peult estre faicte
La pierre que ie t’ay retraicte.

Vecy le Four secret des Philosophes, avec un oeuf, dens lequel i’ay fait boire au soulphre rouge, apres la calcination, le laict virginal petit à petit iusque tout fut fixé, en forme de poudre fort menue. De laquelle poudre i’ay ietté une partie sus mille, & une partie de ces mille sus autre mille. & ay fait ce iusques à trois fois, & tout ce ha esté conuerty en Medicine, pour multiplier & faire proiection d’une partie sus mill de Mercure crud.

Voy doncques bien les escriptures
De nos liures, où par figures
Demonstrée est ceste science,
Qui est la fleur de sapience :
Vraye chose sans nulle fable,
Trescertaine et tresveritable.
Le dessoubs si est tout semblable
A ce qui est dessus muable,
Pour perpetrer à la fin close
Miracle d’vne seule chose.
Comme de seule chose furent,
Et par la pensée d’vng creurent
Toutes les choses que sont nées,
Si nos œuures sont d’vng créées.
Le beau Soleil en est le pere,
Et la Lune la vraye mere ;
Le vent en son ventre le serre ;
Sa nourrice si est la terre ;
Le pere est du thresor du monde ;
Et grant secret icy se fonde :
Sa force si est toute entière.
Quand il retourne en terre arrière,
Separe la terre du feu
Par engin et en propre lieu ;
Et doulcement le gros despart
Du subtil, que tiendras à part.
Lors montera de terre és cieulx,
Et descendra deuant tes yeulx,
Receuant vertu souueraine
Auecq sa force terrienne.
Ainsi paruiendras à grand’ gloire,
Par tout le monde ayant victoire ;
C’est des forces toute la force.
Là où maint se peine et efforce,
Les subtiles choses vaincras
Et les dures transperceras.
Merueilles sont moult conuenables,
Dont auons les raisons notables. »

Mon nom est Iehan la Fontaine.
Trauaillant n’ay perdu ma peine ;
Car par le monde multiplie
L’œuure d’or que i’ay accomplie
En ma vie, par verité,
Graces à Saincte Trinité,
Qui de tous maux est medicine
Vraye, et par effect la plus fine
Qu’on peult en aulcune part querre,
Soit en mer, soit en toute terre,
Et du metal impur l’ordure
Chasse, tant qu’en matière pure
La rend : c’est en metal tresgent
De l’espece d’or ou d’argent.

L’oeuure se faict par ce moyen ;
Et si n’y fault nul autre engien ;
Selon mon petit sentiment
Le trouue véritablement.
Pource veuil-ie nommer mon liure,
Qui dit la matiere, et deliure
L’artifice tant pretieux :
La fontaine des amoureux
De la science tres-utile,
Descripte par mon petit stile.

Faict fut par amoureux seruage
Lorsque n’estoye ieune d’aage
En l’an mil quatre cent et treze,
Que i’auoye d’ans deux fois seize.
Comply fut au mois de lanuier,
En la ville de Montpelier.

séparateur

Dans l’édition de Lyon, Pierre Rigaud, 1618, on lit ce qui suit :

QUELQU’VN ADIOUSTE

Ci finit Iean de la Fontaine
Qui, tenant icelle oeuure hautaine,
Comme vn don de Dieu tres-secret,
Doit faire tout homme discret.
Tout l’art qui est de si grand prix
Peut estre en ces deux vers compris :

Si fixum soluas, faciasque volare solutum,
Et volucrem figas, faciet te viuere tutum.
[var. Et volucrem voluas, faciet te viuere tutum.

Ballade du secret des philosophes

Qui les deux corps veux animer,
Et leur Mercure hors extraire,
L’ardant d’iceux bien sublimer,
L’oysel volant après retraire :
L’eau te conuient par art detraire
Des deux vnis parfaictement,
Puis le mettre en vas circulaire,
Pour fruict auoir tres-excellent.

Le Pellican faut permuer :
De son vaissel ne me puis taire :
N’oublie pas le circulier
Par feu subtil de tres-bon aire :
Luy fuyan te faudra fixfaire,
Et le fix encore volant,
Dont viendra par temps luminaire,
Pour fruict avoir tres-excellent.

Pour ne pas fais ce sans alterer
Nature, par voye contraire :
Car autrement ne peux muer
La substance, et teincture faire.
Enfin luy faut electuaire
D’autre corps noble et transparent :
Nature est commun exemplaire
Pour fruict auoir tres-excelent.

Prince, cognois de quel agent
Et patient tu as affaire,
Pour fruict auoir tres-excellent.




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Version: 2.0
Maj : 20/12/2024