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Le Miroir d’Alchimie
Speculum Alchemiae


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
𝔏 Roger Baconpubl. XIV (publ. 1541)Littératurepubl. Nuremberg (Allemagne)AlchimieNon applicable

► La première édition de ce texte est trouvable dans le De Alchimia de Johann Petreius. Il est par ailleurs en 1597, le second texte alchimique à être traduit et publié en Angleterre.

🕮 Bosc, ref.180,365:5 (recueil),368:5 (recueil),377:1 (recueil).

🕮 Guaita, ref.27 (il s’agit d’un recueil).

🕮 Lenglet Du Fresnoy, ref.117 : On convient que Roger Bacon, Cordelier anglois, avoit le secret des philosophes, outre les ouvrages dont nous parlons ici, il y en a encore plusieurs a très manuscrits, surtout dans les bibliothèques d’Angleterre ; mais on ne trouve dans le Manget, que ceux qui sont dans le Theatre Chimique. Nous avons parlé de cet habile artiste dans le premier volume.

🕮 Ouvaroff, ref.730-732 : Au verso se trouve l’indication d’une collection, celle indiquée d’une manière incomplète par Lenglet-Dufresnoy, III, 41, de son Histoire de la Ph. herm.; mais mieux indiquée par Brunet I, 602, qui se trompe en indiquant J. Giard de Tournus comme traducteur du Miroir ; il a seulement traduit de l’Admirable pouvoir…, et l’ouvrage de C. Celestin ; […]


Texte et traduction : du latin au français à partir du texte de Lazare Zetzner contenu dans le Théâtre Chimique in Cinq traités d’Alchimie des plus grands philosophes, Albert Poisson, 1899. | bs. Bibliothèque Nationale de France (Paris, France). Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

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PREFACE

Dans leurs écrits les Philosophes se sont exprimés de bien des manières différentes, mais toujours énigmatiques. Ils nous ont légué une science noble entre toutes, mais voilée complètement pour nous par leur parole nuageuse, entièrement cachée sous un voile impénétrable. Et pourtant ils ont eu raison d’agir ainsi. Aussi, je vous conjure d’exercer avec persévérance votre esprit sur ces sept Chapitres, qui renferment l’art de transmuer les métaux, sans avoir à vous inquiéter des écrits des autres philosophes. Repassez souvent dans votre esprit leur commencement, leur milieu, leur fin, et vous y trouverez des inventions si subtiles que votre âme en sera remplie de joie.

CHAPITRE I
DÉFINITIONS DE L’ALCHIMIE.

Dans quelques manuscrits anciens, on trouve de cet art plusieurs définitions desquelles il importe que nous parlions ici. Hermès dit : " L’Alchimie est la science immuable qui travaille sur les corps à l’aide de la théorie et de l’expérience, et qui, par une conjonction naturelle, les transforme en une espèce supérieure plus précieuse. Un autre philosophe a dit : " l’Alchimie enseigne à transmuer toute espèce de métal en une autre, cela à l’aide d’une Médecine particulière, ainsi qu’on peut le voir par les nombreux écrits des Philosophes. " C’est pourquoi je dis : " l’Alchimie est la science qui enseigne à préparer une certaine Médecine ou élixir, laquelle étant projetée sur les métaux imparfaits, leur donne la perfection dans le moment même de la projection.

CHAPITRE II
DES PRINCIPES NATURELS ET DE LA GÉNÉRATION DES MÉTAUX.

Je vais parler ici des principes naturels et de la génération des métaux. Notez d’abord que les principes des métaux sont le Mercure et le Soufre. Ces deux principes ont donné naissance à tous les métaux et à tous les minéraux, dont il existe pourtant un grand nombre d’espèces différentes. Je dis de plus que la nature a toujours eu pour but et s’efforce sans cesse d’arriver à la perfection, à l’or. Mais par suite de divers accidents qui entravent sa marche, naissent les variétés métalliques, ainsi qu’il est clairement exposé dans plusieurs philosophes.

Selon la pureté ou l’impureté des deux principes composants, c’est-à-dire du Soufre et du Mercure, il se produit des métaux parfaits ou imparfaits, l’or, l’argent, l’étain, le plomb, le cuivre, le fer. Maintenant recueille pieusement ces enseignements sur la nature des métaux, sur leur pureté ou leur impureté, leur pauvreté ou leur richesse en principes.

Nature de l’Or : l’Or est un corps parfait composé d’un Mercure pur, fixe, brillant, rouge et d’un Soufre pur, fixe, rouge, non combustible. L’Or est parfait.

Nature de l’Argent : c’est un corps pur, presque parfait, composé d’un Mercure pur, presque fixe, brillant, blanc. Son Soufre a les mêmes qualités. Il ne manque à l’Argent qu’un peu plus de fixité, de couleur et de poids.

Nature de l’étain : c’est un corps pur, imparfait, composé d’un Mercure pur, fixe et volatil, brillant, blanc à l’extérieur, rouge à l’intérieur. Son Soufre a les mêmes qualités. Il manque seulement à l’étain d’être un peu plus cuit et digéré.

Nature du plomb : c’est un corps impur et imparfait, composé d’un Mercure impur, instable, terrestre, pulvérulent, légèrement blanc à l’extérieur, rouge à l’intérieur. Son Soufre est semblable et de plus combustible. Il manque au plomb, la pureté, la fixité, la couleur ; il n’est pas assez cuit.

Nature du cuivre : le cuivre est un métal impur et imparfait, composé d’un Mercure impur, instable, terrestre, combustible, rouge, sans éclat. De même pour son Soufre. Il manque au cuivre, la fixité, la pureté, le poids. Il contient trop de couleur impure et de parties terreuses incombustibles.

Nature du fer : le fer est un corps impur, imparfait, composé d’un Mercure impur, trop fixe, contenant des parties terreuses combustibles, blanc et rouge, mais sans éclat. Il lui manque la fusibilité, la pureté, le poids ; il contient trop de Soufre fixe impur et de parties terreuses combustibles. Tout alchimiste doit tenir compte de ce qui précède.

CHAPITRE III
D’OU L’OR DOIT RETIRER LA MATIÈRE PROCHAINE DE L’ÉLIXIR.

Dans ce qui précède on a suffisamment déterminé la genèse des métaux parfaits et imparfaits.

Maintenant nous allons travailler à rendre pure et parfaite la matière imparfaite. Il ressort des chapitres précédents que tous les métaux sont composés de Mercure et de Soufre, que l’impureté et l’imperfection des composants se retrouve dans le composé ; comme on ne peut ajouter aux métaux que des substances tirées d’eux-mêmes, il s’ensuit qu’aucune matière étrangère ne peut nous servir, mais que tout ce qui est composé des deux principes, suffit pour perfectionner, et même transmuer les métaux.

Il est très surprenant de voir des personnes, pourtant habiles, travailler sur les animaux, lesquels constituent une matière très éloignée, alors qu’elles ont sous la main une matière suffisamment prochaine dans les minéraux. Il n’est pas impossible qu’un Philosophe ait placé l’Œuvre dans ces matières éloignées, mais c’est par allégorie qu’il l’aura fait.

Deux principes composent tous les métaux et rien ne peut s’attacher, s’unir aux métaux ou les transformer, s’il n’est lui-même composé des deux principes. C’est ainsi que le raisonnement nous force à prendre pour Matière de notre Pierre, le Mercure et le Soufre.

Le Mercure seul, le Soufre seul ne peuvent engendrer les métaux, mais par leur union, ils donnent naissance aux divers métaux et à de nombreux minéraux. Donc il est évident que notre Pierre doit naître de ces deux principes.

Notre dernier secret est très précieux et très caché : sur quelle matière minérale, prochaine entre toutes, doit-on directement opérer ? Nous sommes obligé de choisir avec soin. Supposons d’abord que nous tirions notre matière des végétaux : herbes, arbres et tout ce qui naît de la terre. Il faudra en extraire le Mercure et le Soufre par une longue cuisson, opérations que nous repoussons, puisque la nature nous offre du Mercure et du Soufre tout faits.

Si nous avions élu les animaux, il nous faudrait travailler sur le sang humain, cheveux, urine, excréments, œufs de poule, enfin tout ce que l’on peut tirer des animaux. Il nous faudrait, là encore, extraire par la cuisson, le Mercure et le Soufre. Nous récusons ces opérations pour notre première raison. Si nous avions choisi les minéraux mixtes, telles que sont les diverses espèces de magnésies, marcassites, tuties, couperoses ou vitriols, aluns, borax, sels, etc., il faudrait mêmement en extraire le Mercure et le Soufre par cuisson, ce que nous repoussons pour les mêmes raisons que ci-dessus. Si nous choisissions l’un des sept esprits comme le Mercure seul, ou le soufre seul, ou bien le Mercure et l’un des deux soufres, ou bien le soufre vif, ou l’orpiment ou l’arsenic jaune, ou l’arsenic rouge, nous ne pourrions les perfectionner ; parce que la nature ne perfectionne que le mélange déterminé des deux principes. Nous ne pouvons faire mieux que la nature, et il nous faudrait extraire de cas corps le Soufre et le Mercure, ce que nous repoussons comme ci-dessus.

Finalement, si nous prenions les deux principes eux-mêmes, il nous faudrait les mêler selon une certaine proportion immuable, inconnue à l’esprit humain, et ensuite les cuire jusqu’à ce qu’ils soient coagulés en une masse solide.

C’est pourquoi nous écartons l’idée de prendre les deux principes séparés, c’est-à-dire le Soufre et le Mercure, parce que nous ignorons leur proportion et que nous trouverons des corps dans lesquels les deux principes sont unis dans de justes proportions, coagulés et conjoints selon les règles.

Cache bien ce secret : L’Or est un corps parfait et mâle sans superfluité ni pauvreté. S’il perfectionnait les métaux imparfaits fondus avec lui, ce serait l’élixir rouge. L’argent aussi est un corps presque parfait et femelle, et si par simple fusion, il rendait presque parfaits les métaux imparfaits, ce serait l’élixir blanc. Ce qui n’est pas et ce qui ne peut pas être, parce que ces corps sont parfaits à un seul degré. Si leur perfection était communicable aux métaux imparfaits, ces derniers ne se perfectionneraient pas et ce seraient les métaux parfaits qui seraient souillés par le contact des imparfaits. Mais s’ils étaient plus que parfaits, au double, au quadruple, au centuple, etc., ils pourraient alors perfectionner les imparfaits.

La nature opère toujours simplement, c’est pour cela que la perfection est simple en eux, indivisible et non transmissible. Ils ne pourraient entrer dans la composition de la Pierre, comme ferments, pour abréger l’œuvre ; ils se réduiraient en effet en leurs éléments, la somme de volatil dépassant la somme de fixe.

Et parce que l’or est un corps parfait composé d’un Mercure rouge, brillant, et d’un Soufre semblable, nous ne le prendrons pas comme matière de la Pierre pour l’élixir rouge ; car il est trop simplement parfait, sans perfection subtile, il est trop bien cuit et digéré naturellement et c’est à peine si nous pouvons le travailler avec notre feu artificiel ; de même pour l’argent.

Quand la nature perfectionne quelque chose, elle ne sait cependant pas le purifier, le parfaire intimement, parce qu’elle opère avec simplicité. Si nous choisissions l’or et l’argent, nous pourrions à grand peine trouver un feu capable d’agir sur eux. Quoique nous connaissions ce feu, nous ne pouvons cependant arriver à la purification parfaite à cause de la puissance de leurs liens et de leur harmonie naturelle ; aussi repoussons l’or pour l’élixir rouge, l’argent pour l’élixir blanc. Nous trouverons un certain corps, composé de Mercure et de Soufre suffisamment purs, sur lesquels la nature aura peu travaillé.

Nous nous flattons de perfectionner un tel corps avec notre feu artificiel et la connaissance de l’art. Nous le soumettrons à une cuisson convenable, le purifiant, le colorant et le fixant selon les règles de l’art. Il faut donc choisir une matière qui contienne un Mercure pur, clair, blanc et rouge, pas complètement parfait, mélangé également, dans les proportions voulues et selon les règles, avec un Soufre semblable à lui. Cette matière doit être coagulée en une masse solide et telle qu’à l’aide de notre science et de notre prudence, nous puissions parvenir à la purifier intimement, à la perfectionner par notre feu, et à la rendre telle qu’à la fin de l’Œuvre, elle soit des milliers de mille fois plus pure et plus parfaite que les corps ordinaires cuits par la chaleur naturelle.

Sois donc prudent ; car si tu as exercé la subtilité et l’acuité de ton esprit sur ces chapitres où je t’ai manifestement révélé la connaissance de la Matière, tu possèdes maintenant cette chose, ineffable et délectable, objet de tous les désirs des Philosophes.

CHAPITRE IV
DE LA MANIÈRE DE REGLER LE FEU ET DE LE MAINTENIR.

Si tu n’as pas la tête trop dure, si ton esprit n’est pas enveloppé complètement du voile de l’ignorance et de l’inintelligence, je puis croire que dans les précédents chapitres tu as trouvé la vraie Matière des Philosophes, matière de la Pierre bénite des sages, sur laquelle l’Alchimie va opérer dans le but de perfectionner les corps imparfaits à l’aide de corps plus que parfaits. La nature ne nous offrant que des corps parfaits ou imparfaits, il nous faut rendre indéfiniment parfaite par notre travail la Matière nommée ci-dessus.

Si nous ignorons la manière d’opérer, quelle en est la cause, sinon que nous n’observons pas comment la nature perfectionne chaque jour les métaux ? Ne voyons-nous pas que dans les mines, les éléments grossiers se cuisent tellement et s’épaississent si bien par la chaleur constante existant dans les montagnes, qu’avec le temps elle se transforme en Mercure ? Que la même chaleur, la même cuisson transforme les parties grasses de la terre en Soufre ? Que cette chaleur appliquée longtemps à ces deux principes, engendre selon leur pureté ou leur impureté, tous les métaux ? Ne voyons-nous pas que la nature produit et perfectionne tous les métaux par la seule cuisson ? 0 folie infinie, qui donc, je vous le demande, qui donc vous oblige à vouloir faire la même chose à l’aide de régimes bizarres et fantastiques. C’est pourquoi un Philosophe a dit : " Malheur à vous qui voulez surpasser la nature et rendre les métaux plus que parfaits par un nouveau régime, fruit de votre entêtement insensé. Dieu a donné à la nature des lois immuables, c’est-à-dire, qu’elle doit agir par cuisson continue, et vous insensés, vous la méprisez ou vous ne savez pas l’imiter. " II dit de même : " Le feu et l’azoth doivent te suffire. " Et ailleurs : " La chaleur perfectionne tout. " Et ailleurs : " II faut cuire, cuire, recuire et ne pas s’en fatiguer. " Et en différents passages : " Que votre feu soit calme et doux ; qu’il se maintienne ainsi chaque jour, toujours uniforme, sans faiblir, sinon il s’ensuivra un grand dommage. — Sois patient et persévérant. — Broye sept fois. — Sache que tout notre magistère se fait d’une chose, la Pierre, d’une seule façon, en cuisant et dans un seul vase. — Le feu broyé — L’Œuvre est semblable à la création de l’homme. Dans l’enfance on le nourrit d’aliments légers, puis quand ses os se sont affermis, la nourriture devient plus fortifiante ; de même notre magistère est d’abord soumis à un feu léger avec lequel il faut toujours agir pendant la cuisson. Mais quoique nous parlions sans cesse de feu modéré, nous sous-entendons néanmoins que dans le régime de l’Œuvre il faut l’augmenter peu à peu et par degré jusqu’à la fin.

CHAPITRE V
DU VAISSEAU ET DU FOURNEAU.

Nous venons de déterminer la manière d’opérer, nous allons maintenant parler du vaisseau et du fourneau, dire comment et avec quoi ils doivent être faits. Lorsque la nature cuit les métaux dans les mines à l’aide du feu naturel, elle ne peut y parvenir qu’en employant un vaisseau propre à la cuisson. Nous nous proposons d’imiter la nature dans le régime du feu, imitons-la donc aussi pour le vaisseau. Examinons l’endroit où s’élaborent les métaux. Nous voyons d’abord manifestement dans une mine, que sous la montagne il y a du feu, produisant une chaleur égale, dont la nature est de monter sans cesse. En s’élevant elle dessèche et coagule l’eau épaisse et grossière, contenue dans les entrailles de la terre, et la transforme en Mercure. Les parties onctueuses minérales de la terre sont cuites, rassemblées dans les veines de la terre et coulant à travers la montagne, elles engendrent le Soufre. Comme on peut l’observer dans les filons des mines, le Soufre né des parties onctueuses de la terre rencontre le Mercure. Alors a lieu la coagulation de l’eau métallique. La chaleur continuant à agir dans la montagne, les différents métaux apparaissent après un temps très long. On observe dans les mines une température constante, nous pouvons en conclure que la montagne qui renferme des mines est parfaitement close de tous côtés par des rochers ; car, si la chaleur pouvait s’échapper, jamais les métaux ne naîtraient.

Si donc nous voulons imiter la nature, il faut absolument que nous ayons un fourneau semblable à une mine, non par sa grandeur, mais par une disposition particulière, telle que la feu placé dans le fond ne trouve par d’issue pour s’échapper quand il montera, en sorte que la chaleur soit réverbérée sur le vase, clos avec soin, qui renferme la matière de la Pierre. Le vaisseau doit être rond, avec un petit col. Il doit être en verre ou en une terre aussi résistante que le verre ; on enfermera hermétiquement l’orifice avec un couvercle et du bitume. Dans les mines, le feu n’est pas en contact immédiat avec la matière du Soufre et du Mercure ; celle-ci en est séparée par la terre de la montagne. De même le feu ne doit pas être appliqué à nu au vaisseau qui contient la Matière, mais il faut placer ce vaisseau dans un autre vase fermé avec autant de soin que lui, de telle sorte qu’une chaleur égale agisse sur la Matière, en haut, en bas, partout où il sera nécessaire. C’est pourquoi Aristote dit dans la Lumière des lumières, que le Mercure doit être cuit dans un triple vaisseau en verre très dur, ou, ce qui vaut mieux, en terre possédant la dureté du verre.

CHAPITRE VI
DES COULEURS ACCIDENTELLES ET ESSENTIELLES QUI APPARAISSENT PENDANT L’OEUVRE.

Ayant élu la Matière de la Pierre, tu connais de plus la manière certaine d’opérer, tu sais à l’aide de quel régime on fait apparaître les diverses couleurs en cuisant la Pierre. Un Philosophe a dit " Autant de couleurs, autant de noms. Pour chaque couleur nouvelle apparaissant dans l’Œuvre, les Alchimistes ont inventé un nom différent. Ainsi à la première opération de notre Pierre, on a donné le nom de putréfaction, car notre Pierre est alors noire. "Lorsque tu auras trouvé la noirceur, dit un autre Philosophe, sache que dans cette noirceur se cache la blancheur, et il faut l’en extraire."

Après la putréfaction, la pierre rougit et on a dit là-dessus : " Souvent la pierre rougit, jaunit et se liquéfie, puis se coagule avant la véritable blancheur. Elle se dissout, se putréfie, se coagule, se mortifie, se vivifie, se noircît, se blanchit, s’orne de rouge et de blanc, tout cela par elle-même. "

Elle peut aussi verdir, car un philosophe a dit : " Cuis jusqu’à ce qu’un enfant vert apparaisse, c’est l’âme de la pierre. " Un autre a dit : " Sachez que c’est l’âme qui domine pendant la verdeur. "

II apparaît aussi avant la blancheur les couleurs du paon, un philosophe en parle en ces termes : " Sachez que toutes les couleurs qui existent dans l’Univers ou que l’on peut imaginer, apparaissent avant la blancheur, ensuite seulement vient la vraie blancheur. Le corps sera cuit jusqu’à ce qu’il devienne brillant comme les yeux des poissons et alors la pierre se coagulera à la circonférence. "

"Lorsque tu verras la blancheur apparaître à la surface dans le vaisseau, dit un sage, sois certain que sous cette blancheur se cache le rouge ; il te faut l’en extraire, cuis donc jusqu’à ce que tout soit rouge". II y a enfin entre le rouge et le blanc une certaine couleur cendrée, de laquelle on a dit : " Après la blancheur, tu ne peux plus te tromper, car en augmentant le feu, tu arriveras à une couleur grisâtre". " Ne méprise pas la cendre, dit un Philosophe, car avec l’aide de Dieu, elle se liquéfiera". Enfin apparaît le Roi couronné du diadème rouge, si Dieu le permet.

CHAPITRE VII
DE LA MANIÈRE DE FAIRE LA PROJECTION SUR LES MÉTAUX IMPARFAITS.

Comme je l’avais promis, j’ai traité jusqu’à la fin de notre Grand Œuvre, Magistère béni, préparation des élixirs blanc et rouge. Maintenant nous allons parler de la manière de faire la projection, complément de l’Œuvre, attendu et désiré avec impatience. L’Elixir rouge, jaunit à l’infini et transforme en or pur tous les métaux. L’Elixir blanc blanchit à l’infini et donne aux métaux la blancheur parfaite. Mais il faut savoir qu’il y a des métaux plus éloignés que d’autres de la perfection et, inversement il y en a qui sont plus prochains. Quoique tous les métaux soient également amenés à la perfection par l’Elixir, ceux qui sont prochains, deviennent parfaits plus rapidement, plus complètement, plus intimement que les autres. Lorsque nous aurons trouvé le métal le plus prochain, nous écarterons tous les autres. J’ai déjà dit quels sont les métaux prochains et éloignés et lequel est le plus près de la perfection. Si tu es suffisamment sage et intelligent, tu le trouveras, dans un précédent chapitre, indiqué sans détour, déterminé avec certitude. Il est hors de doute que celui qui a exercé son esprit sur ce Miroir trouvera par son travail la vraie Matière, et saura sur quel corps il convient de faire la projection de l’Elixir pour arriver à la perfection.

Nos précurseurs qui ont tout trouvé dans cet art par leur seule philosophie, nous montrent suffisamment et sans allégorie, le droit chemin, quand ils disent : " Nature contient Nature, Nature se réjouit de Nature, Nature domine Nature et se transforme dans les autres Natures. " Le semblable se rapproche du semblable, car la similitude est une cause d’attraction ; il y a des philosophes qui nous ont transmis là-dessus un secret remarquable. Sache que la nature se répand rapidement dans son propre corps, alors qu’on ne peut l’unir à un corps étranger. Ainsi l’âme pénètre rapidement le corps qui lui appartient, mais c’est en vain que tu voudrais la faire entrer dans un autre corps.

La similitude est assez frappante ; les corps, dans l’Œuvre, deviennent spirituels et réciproquement les esprits deviennent corporels ; le corps fixe est donc devenu spirituel. Or, comme l’Elixir, rouge ou blanc, a été amené au-delà de ce que sa nature comportait, il n’est donc pas étonnant qu’il ne soit pas miscible aux métaux en fusion, quand on se contente de l’y projeter. Il serait impossible ainsi de transmuer mille parties pour une. Aussi je vais vous livrer un grand et rare secret : il faut mêler une partie d’Elixir avec mille du métal le plus prochain, enfermer le tout dans un vaisseau propre à l’opération, sceller hermétiquement et mettre au fourneau à fixer. Chauffez d’abord lentement, augmentez graduellement le feu pendant trois jours jusqu’à union parfaite. C’est l’ouvrage de trois jours.

Tu peux recommencer alors à projeter une partie de ce produit sur mille de métal prochain, et il y aura transmutation. Il te suffira pour cela d’un jour, d’une heure, d’un moment. Louons donc notre Dieu, toujours admirable, dans l’Eternité.

FIN