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Les Hiéroglyphes
Hieroglyphica


AuteursDatesTypeLieuThèmesStatut
Horapollon du Nil (ecr. ? Flavius Horapollon)
grav. Jean Cousin
ecr. V
publ. 1505
Gravuresecr. Egypte
publ. Venise (Italie)
Hermétisme

■ Ce sont les gravures dans l’édition de 1543 de la Bibliothèque Publique de Boston que nous avons reproduites, étant celles qui nous a semblé de meilleure qualité parmi la dizaine d’éditions que nous avons comparé ; ceci dit, l’édition de la Librairie de l’Université d’Illinois à Urbana-Champaign est aussi de bonne qualité et possède par ailleurs une gravure et un frontispice que la précédente n’a pas(1), nous les avons donc reproduit également. À noter que ces deux éditions sont en latin et en ancien français et que celle de 1543 en est sa première édition en plus d’être la première illustrée. Cette traduction a été faite par Jean Mercier et les illustrations sont de Jean Cousin. En outre, nous avons également reproduit celle de la Bibliothèque du Congrès dans la mesure où c’est une version différente. À noter enfin la version de l’Institut de Recherche Getty qui possède un symbolisme semblable aux deux premières versions citées mais les gravures sont de moins bonne qualité même si la numérisation est bonne, il n’était donc pas nécessaire de reproduire son contenu.

■ Concernant le texte dont la version originale est en copte, nous avons rapporté la traduction basée sur la version grecque de Francesco Sbordone. Datant de 1943 elle est de Baudouin van de Walle et Jozef Vergote. Celle de 1543 en ancien français est également reproduite. Afin de les différencier sans devoir rapporter les images deux fois nous avons changé la couleur du numéro du commentaire concerné pour chaque figure. Nous avons utilisé la traduction moderne comme référence afin d’organiser les gravures, il se trouve que selon les versions certaines n’ont pas la même place.

► L’ouvrage est inspiré de l’œuvre éponyme du prêtre égyptien stoïcien Chérémon d’Alexandrie. À peine quelques années après sa publication cet ouvrage aura une grande influence sur l’hermétisme durant plusieurs siècles en particulier sur la renaissance, Dürer 👁 s’en inspirera notamment pour son Ehrenpforte et l’édition latine de 1514 jamais publiée comportait des illustrations de l’artiste. Par ailleurs les livres d’emblèmes, qui eurent un grand succès dans l’Europe du XVI, le citeront souvent comme l’ouvrage de référence ayant inspiré cette mode. Enfin, il eut une influence sur l’égyptologie, passant par les études de Kircher, jusqu’à ce que les découvertes de Champollion vienne écarter l’orthodoxie que les linguistes accordaient à Horapollion.

Nostradamus en aura fait une traduction versifiée ainsi qu’une étude, il s’agit d’ailleurs du premier ouvrage que l’on connaisse du personnage.

Grillot de Givry in Anthologie de l’ésotérisme ajoute que : Le livre des Hieroglyphica, attribué à Horapollon, bien que de très basse époque, est essentiellement égyptien. Son auteur était de Nilopolis, ville voisine du nome Héracléotique, dans l’Egypte moyenne ; il a écrit son livre en égyptien (caractères démotiques), et la traduction grecque que nous en possédons est l’œuvre d’un nommé Philippes. Les Hieroglyphica, mal interprétés, furent en grande faveur au temps de Kircher. Plus tard, à la naissance de la science égyptologique, ils furent très injustement méprisés. Cependant, Champollion démontra que ce livre contenait l’interprétation exacte des hiéroglyphes ; et c’est à tort qu’on l’a considéré comme une œuvre gnostique ou alexandrine. Selon nous, le livre des Hieroglyphica, malgré les inexactitudes de son traducteur grec, est une œuvre de vulgarisation qui représente le questionnaire adressé aux postulants de l’initiation dans les temples d’Egypte sous l’époque grecque.

🕮 Caillet, ref.5250,8225 : Ces hiéroglyphes d’Horapolle ont fait le sujet de nombreuses éditions. Pendant longtemps ils ont été la limite des connaissances modernes sur la signification des hiéroglyphes égyptiens. / 8224 : Cette édition, la première en française […] à la fin, se trouvent dix hiéroglyphes ajoutés par le traducteur anonyme (Jean Martin, Parisien).

🕮 Dorbon-Aîné, ref.5989.



1. L’une d’elle est également manquante, la page étant arrachée à l’instar du frontispice qui l’est partiellement. On peut lire sa description : Comment ilz dénonçoient vn moys.


Illustrations : én. des Hiéroglyphes, 1543. | bs. Bibliothèque publique de Boston (Boston, États-Unis d’Amérique). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur Internet Archive

Illustrations : én. des Hiéroglyphes in De sacris Aegyptiorum notis, 1574. | bs. Université de l’Illinois à Urbana-Champaign (Urbana et Champaign, États-Unis). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur Internet Archive

Illustrations : én. des Hiéroglyphes in Les Hiéroglyphes d’Horapollo du Nil, 1840. | bs. Bibliothèque du Congrès (Washington, États-Unis). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur Internet Archive

Texte et traduction : du grec au français, Baudouin Van de Walle et Jozef Vergote, 1943.

Texte et traduction : du latin au français, , 1543.

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LIVRE PREMIER.

1. [Comment ils représentent l’éternité.]
a) Pour représenter l’éternité, ils écrivent le soleil et la lune, car ce sont là les principes éternels.
b) S’ils veulent figurer l’éternité d’une autre manière, ils dessinent un serpent, dont la queue est cachée par le reste du corps et que les Égyptiens appellent Uraeus, ce qui correspond au basilic grec. Ils le confectionnent en or et en ceignent (la tête des) dieux. Les Égyptiens disent qu’ils représentent l’éternité au moyen de cet animal parce que, des trois espèces de serpents qui existent, les (deux) autres sont mortelles, mais celle-ci seule est immortelle ; et aussi parce que, quand il lance son souffle contre n’importe quel animal, il tue sans même avoir mordu. Comme il paraît ainsi avoir puissance sur la vie et la mort, ils le placent sur la tête des dieux.

[1]. Comment & par quelles figures ilz signifioient l’aage & les ans du temps.
Pour denoter & signifier l’aage & le cours du temps ilz figuroient le soleil & la lune pource qu’ilz font la reigle de compter & discerner le temps. Autrement ilz paignoient ung serpent appellé Basilisque couvrant sa cueue du reste de son cors lesquelz ilz paignoient d’or & le mectoient a l’entour de leurs dieux, & la cause pour quoy il signifie le temps est pource que des troys especes de serpens cestuy est immortel & de son seul air & halaine estainct & fait mourir toutes aultres bestes. Et pour autant qu’il peut tuer les autres & non mourir, le mectent ilz sur la teste des dieux.

2. [Comment ils représentent l’univers.]
Lorsqu’ils veulent représenter l’univers ils peignent un serpent qui mange sa propre queue et dont le corps est marqué d’écailles variées : par les écailles ils font allusion aux astres qui existent dans l’univers. Cet animal est très lourd, comme la terre, mais aussi très glissant, comme l’eau. Chaque année, dépouillant sa vieillesse il se dévêt (de sa peau) ; de même dans l’univers le temps qui compose une année, ayant opéré une révolution, se renouvelle. Le fait qu’il se sert de son propre corps comme nourriture signifie que toutes les choses qui sont engendrées dans l’univers par la providence divine se dissolvent en elles-mêmes.

[2]. Comment ilz signifioient le monde.
Il paignoient ung serpent mengeant sa cueue diversifiée de plusieurs escailles qui représentent les estoilles ; c’est une beste pesante comme la terre, coulant comme l’eau & qui chacun an despoille sa vieilesse avec sa peau ainsi que le temps qui chascun an se renouvelle & semble rajeunir. Et pource que luy mesmes se devore veullent signifier que toutes choses produictes par le monde sont par luy consumées.

3. [Comment ils représentent l’année.]
a) Lorsqu’ils veulent représenter l’année, ils peignent Isis, c’est-à-dire une femme ; ils figurent la déesse au moyen de la même (image). Isis est chez eux une étoile, appelée en égyptien Sothis ; et en grec Astrocyon, qui semble régner sur les autres étoiles, apparaissant tantôt plus grande, tantôt plus petite, tantôt plus brillante, tantôt moins. Aussi, comme nous sommes renseignés suivant le lever de cette. étoile sur les événements qui doivent s’accomplir pendant l’année, ce n’est pas sans raison qu’ils appellent l’année Isis.
b) Ils écrivent encore l’année d’une autre manière en peignant un palmier, parce que cet arbre, seul parmi tous les autres, produit un rameau à (chaque) nouvelle lune, de sorte que l’année correspond à (la poussée de) douze rameaux.

[3]. Comment ilz signifioient l’an.
Ilz paignoient la desse Isis & y a une estoille que les Egyptiens appelloient Isis, Et en leur langue Sothis, en grec astromyon, laquelle semble dominer & avoir seigneurie sur les estoilles & appert aucunes foys peu luysant, aultres foys plus clere, au lever d’icelle on a coutume de prevoir & congnoistre les choses à venir de l’année ensuyvant. Parquoy non sans raison ilz nommèrent l’an Isis. Autrement voullans denoter l’an ilz paignoient ung arbre de palme pource que contre la nature des aultres arbres à chascune lune nouvelle il produict ung rameau tellement que en douze lunes qui font l’an il a produit douze rameaulx.

4. [Comment ils représentent le mois.]
Pour écrire le mois, ils peignent un rameau ou la lune dirigée vers le bas
a) Un rameau, pour la raison donnée plus haut à propos du palmier ;
b) La lune dirigée vers le bas, parce qu’ils disent que pendant l’ascension qui comporte 15 parties (= jours), elle présente les cornes dirigées vers le haut et que pendant la descente qui complète le nombre de 30 jours (du mois), elle a les cornes dirigées vers le bas.

[4]. Comment ilz signifioient les moys.
Pour denoter les moys ilz paignoient ung rameau pour la cause dessus dicte de la palme, ou la lune renversée pource qu’ilz dient que incontinent après le renouvellement de la lune il s’en faut quinze parties qu’elle ne nous appere formée ayant les cornes contremont. Quant elle est en conjonction, lors que nous disons qu’il n’est point de lune à son trentiesme jour, elle a les cornes tournées contre bas.

5. [Comment ils représentent l’année en cours.]
Quand ils veulent écrire l’année en cours, ils écrivent le quart d’une aroure. L’aroure est une mesure de superficie équivalant à cent coudées. Quand ils veulent dire « l’année », ils disent « le quart » ; car ils prétendent que depuis un lever de l’étoile Sothis jusqu’au lever suivant vient s’ajouter un quart de jour, de façon que l’année du dieu est de 365 jours |et un quart| ; c’est pourquoi les Égyptiens comptent un jour de plus tous les quatre ans, car ces quatre quarts forment un jour (entier).

[5]. Comment ilz signifioient l’an ensuyvant.
Ilz figuroient la quarte partie d’une espace de champ dict aruum qui contient cent coubdees car en leur langue ilz appellent l’an quart pource que ainsi qu’ilz dient d’un lever de l’estoille appellee par eulx Sothis à l’autre il y a distance de la quarte partie d’ung jour, & comme l’an du soleil soit de trois soixante cinq jours, & ung quart de jour : au bout de quatre ans se trouve ung jour superhabondant car quatre fois la quarte partie de jour faict ung jour entier.

6. [Ce qu’ils désignent en écrivant un faucon.]
Lorsqu’ils veulent figurer un dieu, la hauteur, l’abaissement, la supériorité, le sang, ou la victoire, [ou Arès ou Aphrodite], ils peignent un faucon :
a) Un dieu, parce que cet animal est prolifique et qu’il a la vie longue ; d’autre part, parce qu’il semble être le symbole du soleil et que mieux qu’aucun autre oiseau, il peut de ses yeux affronter les rayons solaires : aussi, les médecins emploient-ils « l’herbe du faucon » pour soigner les yeux et c’est encore pour ce motif qu’ils (les Égyptiens) représentent parfois le soleil sous la forme du faucon, comme étant le maître de la vue ;
b) La hauteur, parce que les autres animaux (oiseaux), lorsqu’ils veulent monter dans les hauteurs, volent obliquement, étant incapables de se diriger en ligne directe, tandis que le faucon seul vole vers les hauteurs en ligne directe ;
c) L’abaissement, parce que les autres animaux (oiseaux) ne se dirigent pas perpendiculairement vers le bas comme lui, mais se laissent planer obliquement, tandis que le faucon fonce en ligne directe vers le bas ;
d) La supériorité, parce qu’il semble exceller sur tous les oiseaux ;
e) Le sang, parce qu’on dit que cet animal ne boit pas de l’eau mais du sang ;
f) La victoire, parce que cet animal semble vaincre tout (autre) oiseau ; en effet, quand il est menacé par un animal plus fort, alors il s’élève dans les airs de telle manière que ses serres se trouvent au-dessus, tandis que ses ailes et la partie postérieure sont en dessous, et il engage le combat ; dans ces conditions l’animal qui lutte contre lui, ne parvenant pas à faire la même chose, va à la défaite.

[6]. Quelle chose ilz signifioient par l’aigle.
Quant ilz vouloient denoter dieu ou haulteur, ou depression & bassesse, ou excellence, ou sang, ou victoire, ou Mars & Venus. Ilz paignoient ung aigle signifiant Dieu pource que c’est ung oyseau qui fort multiplie & vit longuement ; aussi il semble y avoir quelque effigie & similitude du soleil pource que seul entre tous les autres oyseaulx l’aigle tient les yeulx fermes & ouvers contre les rais du soleil & a ceste cause les medecins aux remedes des yeulx usent de l’herbe de l’aigle qu’ilz appellent hieracea. Aucunes foys ilz paignoient le soleil en forme d’un aigle comme celuy par qui nous voyons elle denote haulteur pource que quant elle veult monter en haut elle ne prent point son chemin de coste & a travers comme les aultres mais volle droict & contremont. Bassesse pource qu’elle font & descend de mesmes tout droict sans tournoyer comme font tous aultres oyseaulx. Excellence pource que en beaulte & noblesse elle excede tous les aultres. Sang pource qu’elle ne boit jamais eau mais sang. Victoire pource que qu’elle vainct & surmonte tous oyseaulx & que se trouvant au combat si elle se sent & trouve foible elle se renverse & mect les piedz contremont & devers le ciel & se deffend de son ennemy lequel voyant qu’il ne peult faire le semblable se donne a fouyr.

7. [Comment ils signifient l’âme.]
On emploie encore le faucon pour (représenter) l’âme en vertu de l’interprétation de son nom. En effet, le faucon s’appelle baiêth chez les Égyptiens et ce nom, si on le dissocie (en ses éléments), désigne l’âme et le cœur : car le bai est l’âme et le (h) êth le cœur ; et le cœur est, suivant les Égyptiens, l’enveloppe de l’âme, de sorte que le nom composé signifie « l’âme dans le cœur ». D’où il se fait aussi que le faucon, ayant des affinités avec l’âme, ne boit absolument pas d’eau mais du sang, dont se nourrit également l’âme.

[7]. Comment ilz denotoient l’ame.
Ils mettoient une aigle pour l’interprétation de son nom car les Egyptiens appellent l’aigle Baieth lequel divisé en deux signifie l’ame & le cueur, Bai l’ame & eth le cueur, les Egyptiens dient que le cueur est ce qui envyronne etenue louppe l’ame, parquoy ce mot signifie ame cordiale ou courageuse, aussi que l’aigle en ce qu’elle ne boit que sang est de la nature de l’ame qui en est nourrye.

8. [Comment ils représentent Arès et Aphrodite.]
a) Quand ils veulent écrire Arès et Aphrodite, ils peignent deux faucons, assimilant le mâle à Arès et la femelle à Aphrodite. Car les autres animaux femelles n’obéissent pas au mâle pour chaque accouplement comme le fait le faucon : après qu’elle (la femelle), a été mise à l’épreuve 30 fois par jour et qu’elle s’est retirée, si elle est rappelée par le mâle, elle obéit à nouveau. C’est pourquoi les Égyptiens appellent « Aphrodite » toute femme soumise à son mari, mais ne désignent pas ainsi celle qui n’obéit pas. C’est aussi pour ce motif qu’ils ont consacré le faucon au soleil en effet, tout comme le soleil, il exprime le nombre 30 dans l’accouplement avec la femelle.
b) Ils peuvent encore écrire Arès et Aphrodite en peignant deux corneilles, le mâle et la femelle, parce que cet animal produit deux neufs dont il convient que naissent un mâle et une femelle. Mais quand deux mâles ou deux femelles ont été engendrés, ce qui arrive rarement, les mâles qui ont « épousé » les femelles, ne s’accouplent à aucune autre corneille, ni la femelle à aucune autre corneille (mâle) jusqu’à la mort ; mais ils vivent solitaires, séparés l’un de l’autre. C’est aussi pourquoi les hommes qui rencontrent une corneille isolée en augurent qu’ils ont rencontré un animal veuf ; et c’est en vertu de cette même concorde que les Grecs disent encore maintenant en leurs fêtes nuptiales : « Eccori, Cori, Corone (corneille) » sans comprendre (le sens de ces paroles).

[8]. Comment ilz signifioient Mars & Venus.
Ilz paignoient deux aigles, l’une masle comparée à Mars, l’aultre femelle comparée à Vénus, pource que les aultres bestes ne veullent obeir à toutes les voluntés du masle, mais l’aigle est au contraire car toutes les foys qu’elle oyt le masle elle vient à luy jusqu’à trente foys le jour & davantage, parquoy toute femme obeyssant à son mary estoit par les egyptiens appellée Venus & pour autant avoient-ilz dédié l’aigle au soleil, pource qu’elle se joinct trente foys le jour au masle.
Autrement ilz denotoient Mars & Venus par deux corneilles masle & femelle pource qu’elles ne pondent que deux œufs à la foys, adonc y a masle & femelle, & s’il advient qui est peu souvent que ce soient deux masles ou deux femelles, ne parient jamais entre les autres corneilles maiz vivent séparées jusqu’à la mort, & demeurent seulles, dont ceulx qui rencontroient une seule corneille le tenoit pour présage & signe de vesvaige, & encore jusques aujourd’huy les grecz, pour la merveilleuse concorde qui est entre les corneilles, en leurs festes nuptiales en font mention des corneilles.

9. [Comment ils représentent le mariage.]
Voulant signifier le mariage, ils peignent également deux corneilles pour la raison exposée (plus haut).

[9]. Comment il denotent les nopces.
Quant ilz voulloient signifier les nopces ilz paignoient deux corneilles pour la cause qui dessus est dict.

10. [Comment ils représentent ce qui naît seul.]
Voulant signifier ce qui naît seul, ou le devenir, ou le père, ou le monde, ou l’homme (le mâle), ils peignent un scarabée.
a) Ce qui naît seul, parce que cet animal s’engendre de soi-même sans être porté par une femelle. Car il est seul à être engendré de la façon suivante. Lorsque le mâle veut procréer des petits, il prend de la fiente de bœuf et (en) fabrique une boule ayant une forme semblable à celle du monde. Il roule celle-ci de ses parties postérieures du levant au couchant, regardant lui-même vers le levant, afin de reproduire la figure du monde : en effet, celui-ci est porté de l’est vers l’ouest, tandis que le cours des astres est dirigé de l’ouest vers l’est. Ayant donc creusé un trou, il y enterre la boule pour vingt-huit jours, c’est-à-dire le nombre de jours pendant lesquels la lune fait le tour des douze signes du zodiaque. Pendant qu’elle demeure sous terre, la descendance des scarabées prend une forme vivante. Le 29e jour, ayant découvert la boule, le scarabée la jette dans l’eau – car on pense que ce jour-là est celui de la conjonction de la lune et du soleil et aussi celui de la naissance du monde. Lorsque celle-ci (la boule) s’est ouverte dans l’eau, les animaux, c’est-à-dire les scarabées, en sortent.
b) Le devenir, pour la raison susdite.
c) Le père, parce que le scarabée tire son origine exclusivement de son père.
d) Le monde, parce que sa naissance est semblable à celle du monde.
e) L’homme (le mâle), parce qu’il n’a pas de descendance féminine. Il y a trois espèces de scarabées. La première ressemble au chat ; elle porte des raies et en raison de ce trait de ressemblance, ils l’ont consacrée au soleil. Car on prétend que le chat mâle modifie les prunelles de ses yeux suivant le cours du soleil : celles-ci s’écarquillent le matin au lever du dieu, elles deviennent rondes au milieu du jour et semblent réduites à l’heure où le soleil va se coucher ; c’est aussi pourquoi la statue du dieu qui se trouve à Héliopolis a la forme d’un chat. Tout scarabée a également 30 doigts à cause des 30 jours du mois pendant lesquels le soleil se lève et fait sa course. La deuxième espèce a deux cornes et ressemble au taureau ; elle est aussi consacrée à la lune ; c’est pourquoi les enfants des Égyptiens disent que le taureau céleste représente le sommet de la puissance de la déesse. La troisième espèce n’a qu’une corne et ressemble à un ibis ; ils croient qu’elle se rapporte à Hermès tout comme l’oiseau (appelé) ibis.

[10]. Comment ilz signifioient un enfant seul & unicque.
Voulans signifierl’enfant unicque ou generation ou le pere ou le monde ou l’homme ilz paignoient ung escarbot qui est une petite beste suyvant les fiens des chevaulx & le roullant par petites boules. Premierement il signifie le filz unicque pource que ceste beste est, engendre de soy mesmes sans femelle ainsi qu’il s’ensuyt. Quant le masle veult procreer ses petis il cherche la fiente d’ung beuf & en faict une petite pelote ronde laquelle il roule avec le dos d’orient en occident & a tousjours le devant tourné devers orient jusqu’à ce qu’elle soit ronde à la forme du ciel, car le soleil est porte d’orient en occident & retourne en orient, mais par son propre mouvement contrairement à l’autre, il est porté d’occident en orient. Après l’escarbot enterre ladicte pellote & la laisse vingt huict jours entiers pource que en autant d’espace la lune passe par tous les douze signes & donne perfection aux bestes, le vingtneufiesme jour il tire sa pellote & la jecte dedans l’eau, pour autant qu’il pense que ce jour se face la conjonction de la lune au soleil & la generation des choses du monde, après il l’ouvre dedans l’eau & d’icelle sortent les petits escarbotz. Il signifie generation pour la mesme raison. Et le pere pource qu’il est procree du seul pere sans mere. Le monde pource qu’il a conformite de procreation & generation avec le monde. L’homme pource qu’en ceste espece ne se trouve point de femelle. Et y a trois manieres ou especes de scarbotz, la premiere qu’ilz appellent feliforme ou forme de chat & luysant, laquelle pour la similitude ilz dedient au soleil, car on dict qu’ung chat masle diversifie les prunelles de ses yeulx selon les cours du soleil, le matin au lever du soleil elles sont longuettes, environ midy toutes rondes, vers le soir obscures. Et en la ville du soleil la figure d’icelluy soleil y est formee en figure d’un chat, le scarbot a trente doigt pour les trente jours du mois esquelz le soleil fait son cours, par un signe la seconde espece a deux cornes & forme de taureau & est dedie à la lune par quoy les Egyptiens estiment le Taureau celeste estre l’acendant de la lune, la troysiesme espece n’a que une seulle corne de sa propre & commune forme dedie à Mercure ainsi que la Cicogne.

11. [Ce qu’ils signifient en dessinant le vautour.]
Lorsqu’ils veulent écrire la mère, la vue, la limite, la prescience, l’année, la (voûte) céleste, le miséricordieux, Athéna, Héra, ou deux drachmes, ils peignent un vautour.
a) La mère, parce qu’il n’existe pas de mâle dans cette espèce d’oiseaux. Or voici comment ils sont engendrés. Lorsque le vautour (femelle) désire concevoir, il ouvre sa vulve dans la direction du vent du nord et se laisse féconder par celui-ci pendant cinq jours, durant lesquels il ne prend ni aliment ni nourriture, tant est ardent son désir de procréer. Il y a encore d’autres espèces d’oiseaux qui conçoivent du vent, mais dont les neufs ne sont bons qu’à être mangés et non à produire des êtres vivants ; mais lorsque les vautours sont fécondés par le vent, les neufs qui en proviennent produisent des êtres vivants.
b) La vue, parce que le vautour a la vue plus perçante qu’aucun autre animal ; il regarde vers le couchant quand le soleil se lève et vers le levant quand le soleil se couche, découvrant à une très grande distance ce dont il a besoin pour sa nourriture.
c) Le terme, parce que, lorsque une guerre va arriver à sa fin, il détermine l’endroit où le combat aura lieu et s’y trouve déjà sept jours auparavant.
d) La prescience, soit pour la raison susdite, soit parce que, assistant à une lutte ou à une partie de chasse, il dirige son regard vers l’endroit où il y a le plus de tués et de défaits, se réservant sa part de nourriture sur les cadavres. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les anciens rois envoyaient des observateurs qui devaient examiner de quel côté du champ de bataille les vautours dirigeaient le regard, indiquant ainsi ceux qui auraient le dessous.
e) L’année, parce que cet animal distribue son année en 365 jours qui font la durée de l’année (civile). Pendant 120 jours il fait sa gestation, pendant 120 autres jours il nourrit ses petits et pendant les 120 jours qui restent, il prend soin de lui-même sans être en gestation et sans nourrir (de petits) et il se prépare à une nouvelle conception ; quand aux 5 jours qui restent, il les consacre à se laisser féconder par le vent, comme je l’ai déjà dit plus haut.
f) Le miséricordieux, ce qui semblera paradoxal aux yeux de certains, puisque cet animal tue tout. Mais ils étaient obligés d’employer cette image parce que pendant les 120 jours, durant lesquels il nourrit ses petits, il ne vole plus mais demeure absorbé par ses petits et par les soins de leur alimentation. Lorsqu’il n’a pas de nourriture à offrir à ses petits, il coupe sa propre cuisse et procure ainsi à ses enfants du sang (à boire), pour qu’ils ne périssent pas faute de nourriture.
g) Athéna et Héra, parce que, suivant l’opinion des Égyptiens, Athéna a reçu (en partage) l’hémisphère supérieur du ciel, et Héra l’(hémisphère) inférieur. C’est pourquoi ils estiment qu’il est absurde de désigner le ciel comme étant masculin, mais (ils le désignent) comme un féminin : « la ciel », parce que la naissance du soleil, de la lune et des autres astres s’accomplit en lui et que c’est là une activité féminine. La race des vautours ne comporte, comme je l’ai dit plus haut, que des femelles ; c’est pour cette raison que les Égyptiens placent sur (la tête de) tout personnage féminin un vautour en guise d’attribut royal. Par conséquent [les Égyptiens] |s’en servent pour représenter| toute déesse, mais il ne faut pas que j’allonge mon exposé en traitant de chacune d’elles.
h) [Or, voulant signifier la mère, ils peignent un vautour, car il est la mère d’animaux femelles]. La (voûte) céleste, car comme je l’ai dit plus haut, il ne leur plaît pas de dire le ciel, parce que ces (éléments) tirent leur origine de là.
i) Deux drachmes, parce que chez les Égyptiens les deux drachmes constituent l’unité, celle-ci étant à l’origine de tout nombre. Ainsi donc ont-ils raison quand, voulant indiquer deux drachmes, ils écrivent le vautour, puisque celui-ci semble être la mère et l’origine, comme l’est aussi l’unité.

[11]. Quelle chose ilz signifient par le voultour.
Quant ilz vouloient denoter une mere ou la veue ou le bout ou la borne & limite ou la prescience ou l’an ou urania, c’est à dire la deesse celeste ou misericorde ou la desse Pallas ou la deesse Juno ou deux drachmes, ils paignoient ung voultour ; la mere pource que en ceste espece d’oyseaulx ne s’y trouve point de masle & sont engendres en ceste maniere. Quant le voultour veult concepvoir il tourne le derriere vers la bise & demoure ainsi par cinq jours durant lesquelz il ne boit ni ne menge, en telle forme s’emplit & concoipt ; il y a d’autres genres de voultours qui ne concoipvent point au vent, mais leurs œufz sont inutiles à geniture, seulement bon à menger. La veue pource qu’il a la veue plus aigue que nulz aultres oyseaulx, car au matin sur le soleil levant il regarde devers occident & sur le soleil couchant devers orient, par ainsi aperçoit il de tresloing sa proye. Le limite pource qu’il assigne & limite le lieu aux batailles & y appert & previent sept jours au paravant. Prescience pour la mesme raison. Et pource qu’il tourne sa veue devers l’endroit & la partie qui doibt avoir du pire & estre defaicte comme s’il faisoit provision & assignant pour le temps advenir son past & nourriture. Parquoy les anciens roys souloient envoyer gens expres pour veoir & considérer de quel coste les voutours avoient les testes tournees ; l’an pource que cest oyseau divise les troys cens soixante & cinq jours desquelz l’an est parfaict & acomply, ainsi qu’il s’ensuyt il demeure cent & vingt jours sur la terre sans s’eslever, gardant ses petitz & les nourrissant deux cens & cinquante jours, il entend a soy mesmes sans pondre ne nourrir seullement s’apprestant à concepvoir, les cinq autres jours qui restent il consume en concepvant ; misericorde par adventure par son contraire, pource que cest oyseau n’a partie de nulle autre beste ou pource que durant les cent & vingt jours qu’il nourrit ses petitz, il ne volle point & s’il advient que nourriture luy defaille pour leur donner, il se entame la cuisse & leur donne le sang. Pallas & Juno pource que les Egyptiens estiment la haulte partie du ciel esr attribuee à Pallas & le dessoubz à Junon, par quoy il treuvent chose mal propice & convenable d’appeler le ciel par ung nom masculin, entendu que la generation du soleil, de la lune & des aultres estoilles se parfaict par operation feminine. Et l’espece des Vaultours est seulement de femelles, pour laquelle cause il font ledict Voultour roy sur tous les autres oyseaulx de ce sexe. Par lequel ilz signifient pour le faire brief, toutes les aultres deesses. Par luy aussi ilz denotent la mere, cer estre mere appartient au feminin ; pareillement deux dragmes pource que les Egyptiens notent deux dragmes par unite & unite est le commencement de tout nombre, doncques non sans cause par le Voultours ilz signifioient deux dragmes, attendu que mere & commencement sont quasi comme une unite.

12. [Comment ils écrivent Héphaistos |et Athéna|.]
Quand ils veulent écrire Héphaistos, ils peignentt un scarabée et un vautour, mais quand ils veulent écrire Athéna, ils peignent un vautour et un scarabée : [car, suivant leurs conceptions, le monde se compose d’un élément mâle et d’un élément femelle ; |pour Héphaistos qui est un mâle| ils écrivent le scarabée, et pour Athéna ils écrivent le vautour] ; car suivant eux, seuls parmi les dieux ceux-ci sont mâle et femelle (à la fois).

[12]. Comment ilz paignoient Vulcanus.
Pour donner à entendre Vulcanus ilz paignoient ung escarbot. Et ung voultour pour Minerve par lesquelz seulz ils pensent le monde estre maintenu sans qu’il soit besoing y avoir des masles ; par le voultour signifians Mynerve à cause que ces deux dieux seulz entre tous les aultres sont chacun en son endroict masle & femelle.

13. [Ce qu’ils signifient en écrivant une étoile.]
Voulant désigner le dieu de l’univers, ou le destin, ou le nombre 5, ils peignent une étoile.
a) Dieu, parce que la providence divine décerne la victoire, par laquelle s’accomplit le mouvement des astres et du monde entier ; car il leur semble que rien ne peut avoir une existence séparément de Dieu.
b) Le destin, parce que celui-ci dépend aussi de la disposition des astres.
c) Le nombre 5, parce que, malgré qu’il y a foison (d’étoiles) dans le ciel, cinq d’entre elles seulement réalisent par leur mouvement l’ordonnance de l’univers.

[13]. Quelle chose ilz signifioient par l’estoille.
Par l’estoille ilz signifioient dieu ou la destinee ou le cinquieme nombre. Dieu pource que la divine providence donne & decerne la victoire par laquelle le mouvement des estoilles & de l’universel monde est parfaict, car sans dieu ny a chose qui puisse consister ny demourer en estre ; la destinee pource quelle est causee & depend du mouvement & dispensation des estoilles. Le nombre cinq pource que combien que au ciel soient plusieurs estoilles, en cinq tant seullement dicelles consiste les dispensations de tout le monde.

14. [Ce qu’ils signifient en écrivant un cynocéphale.]
Voulant écrire la lune, ou le (monde) habité, ou l’écriture, ou le prêtre, ou la colère, ou la nage, ils peignent un cynocéphale.
a) La lune, parce que cet animal entre dans un certain rapport avec la conjonction du dieu : en effet, lorsque la lune, étant entrée en conjonction avec le soleil, est dépourvue de lumière pendant la fraction d’une heure déterminée, alors le cynocéphale mâle ne voit ni ne mange plus, il est déprimé et s’incline vers le sol comme s’il déplorait l’enlèvement de la lune. Quant à la femelle, non seulement elle ne voit plus et éprouve la même chose que le mâle, mais de plus elle perd du sang par ses parties génitales. C’est pourquoi jusqu’à ce jour on élève des cynocéphales dans les temples afin de connaître par eux le moment de la conjonction du soleil et de la lune.
b) Le (monde) habité, parce que, à les en croire, le (monde) habité comprend 72 anciennes régions et que ces (cynocéphales) qui sont nourris dans les temples et y sont l’objet de soins, ne meurent pas en un jour, comme les autres animaux ; mais une partie de ceux-ci meurt chaque jour et est embaumée par les prêtres tandis que le reste du corps garde sa nature (normale). Et ce n’est que lorsque les 72 jours sont accomplis qu’il est entièrement mort.
c) L’écriture, parce qu’il existe une espèce de cynocéphales qui sait (écrire) les lettres égyptiennes. Aussi, lorsque un cynocéphale est conduit pour la première fois au temple, le prêtre lui présente une tablette, un jonc et de l’encre pour voir s’il appartient à l’espèce qui sait écrire et s’il écrit. Au reste cet animal est mis en relation avec Hermès qui s’occupe de tout ce qui a trait à l’écriture.
d) Le prêtre, parce que, de sa nature, le cynocéphale ne mange pas de poisson, ni même du pain fait avec du poisson, tout comme les prêtres. Il naît circoncis et les prêtres pratiquent également la circoncision.
e) La colère, parce que cet animal est plus irritable et plus colérique qu’aucun autre.
f) La nage, parce que, alors que les autres animaux qui pratiquent la natation ont l’air dégoûtant, lui seul arrive en nageant jusqu’à l’endroit qu’il désire atteindre sans être couvert de crasse.

[14]. Ce qu’ilz signifient par le Cinocephale ou teste de chien. Quant ilz veullent signifier la lune ou la rotundite & revolution de la terre, les lettres ou les prebstres, ou Ire ou le nager, ilz paignoient le Cinocephale. La lune pource souffre diverses affections selon le cours de la lune. Car quant elle est en conjunction avec le soleil ; le masle Cinocephale ne veoit ne mange, mais les yeulx tournez jectez en terre comme s’il lamentast le ravissement de la lune ; la fumelle oultre qu’elle ne veoit & souffre tout ainsi que le masle, elle rend le sang par la nature. Parquoy es lieux sainctz & on est l’administration des choses divines, on les nourrit à ce jourd’huy des cinocephales, à celle fin que par eulx soit entendue la conjonction de la lune & du soleil. La rotundite de la terre pource qu’ilz dient que au monde y a septante & deux climatz ou contrees & comme soient curiosement nourriz & traitez es temples ilz ne meurent point tout à un jour & a une foys comme les aultres animaulx mais chascun jour meurt une partie d’eulx & est ensepvelie par les prebstres le demourant du corps demourant en son entier estat & nature & ainsi ensuyvant continuent à mourir par parties jusques au septante deuxiesme jour quand tout est mort. Les lettres pource que les cinocephales naissent avec certaines figures parquoy quant premierement le cinocephale est amene dedens le temple le prebstre luy met au devant ung tableau ou papier une plume & l’encre pour experimenter s’il est de l’espece & race d’iceulx qui ayment les letres & s’il les sçait, car Mercure a aprins les letres à ceste maniere de bestes, il denote aussi le prebstre pource que de sa nature le cinocephale ne menge point de poysson, toutesfois n’est point inutile ne fetard comme sont les prebstres estrangiers, oultre il naift circunciz & les prebstres sont & prouvent la circoncision ; ire pource que ceste beste est ireuse & cholere plus que toutes les autres. Le nager pource que les aultres animaux hantent & frequentans souvent les eaulx accueillent de l’ordure, mais le cinocephale pour nager qu’il face n’en est jamais souille ny plus ort.

15. [Comment ils écrivent le lever de la lune.]
Voulant écrire le lever (mensuel) de la lune, ils peignent encore un cynocéphale dans l’attitude que voici : il est debout et lève les mains au ciel, et il porte sur la tête un insigne royal. Ils représentent (ainsi) l’attitude que prend le cynocéphale au lever (de la lune) alors qu’il rend en quelque sorte grâces à la déesse parce que tous les deux ont bénéficié de la lumière (solaire).

[15]. Comment ilz signifioient la nouvelle lune.
S’ilz vouloient signifier la lune nouvelle, ilz paignoient derechief le cinocephale estant en ceste maniere ayant les piedz de devant levez vers le ciel & en sa teste le signe royal, car ilz disoient que le cinocephale se mect en ceste sorte quant la nouvelle lune apparoist comme s’il rend graces à dieu de ce que la lune separee du soleil ait reprins sa clarte sans empescher celle du soleil.

16. [Comment ils écrivent les deux équinoxes.]
D’autre part, lorsqu’ils veulent signifier les deux équinoxes, ils peignent un cynocéphale assis : car aux deux équinoxes de l’année celui-ci urine douze fois par jour, (à savoir) à chaque heure, et il fait la même chose pendant ces deux nuits. Aussi n’est-ce pas sans raison que les Égyptiens sculptent sur leurs clepsydres un cynocéphale assis et font couler l’eau de son membre, car, comme je l’ai dit plus haut, il indique les douze heures de l’équinoxe. Mais afin que le (filet d’) eau ne soit ni trop large ni trop mince en sortant de cet appareil |automatique| grâce auquel l’eau donne la mesure du temps – car on a besoin des deux (filets différents) étant donné que, s’il est trop large, il évacue l’eau trop rapidement et ne donne pas exactement la mesure de l’heure, et s’il est trop mince, il épuise petit à petit et lentement le réservoir – ils font passer jusqu’à la queue un canal capillaire et ils adaptent à l’épaisseur de celui-ci, d’après la nécessité du moment, une (aiguille de) fer. Il leur plaît d’agir ainsi non sans avoir une raison pour cela, comme pour toutes les autres choses. C’est aussi parce qu’aux équinoxes, seul parmi les animaux, il pousse, un cri douze fois par jour, à raison d’une fois par heure.

[16]. Comment ilz signifioient les deux temps equinoctiaux c’est à dire quant les jours & les moys sont egaux.
Quant ilz voulloient denoter les temps equinoctiaux qui adviennent deux foys l’an ilz paignoient le Cinocephale assiz pource que celle beste esdictz temps equinoctiaux pisse douze foys le jour & autant la nuict à chascune heure. Parquoy non sans raison les Egyptiens formerent celle figure en leurs horloges d’eau & faisoient que l’eau tomboit par le membre d’icelle à cause que, comme dict est par son pisser douze foys le jour, il semble denoter & mesurer les heures & affin que l’eau n’en yssiist plus habondamment qu’il n’estoit besoing ou qu’elle ne feust retenue & ne peust couler, parquoy les heures n’eussent peu avoir leur espace necessaire, ilz prenoient le bout de sa queue & le peloient, puis faisoient ung tuyau de fer semblable grosseur & ont este meuz de ce faire par bonne raison, ainsi que les aultres choses & aussi pource que le cinocephale seul entre les aultres bestes es jours equinoctiaux abaye douze foys le jour.

17. [Comment ils représentent l’ardeur.]
Quand ils veulent représenter l’ardeur, ils peignent un lion. En effet, cet animal a une grande tête, des pupilles enflammées, la face arrondie et autour de celle-ci, des poils rayonnants, à la ressemblance du soleil. C’est pourquoi ils placent des lions sous le trône d’Horus, marquant (ainsi) le trait de ressemblance entre le dieu et l’animal. Le soleil est (appelé) Horus parce qu’il a puissance sur les heures (ωραι).

[17]. Comment ilz signifioient le courage.
Voullans signifier le courage paignent le lyon, ceste beste a la teste grande et les prunelles des yeulx ardans, le museau rond & les poilz en façon de raiz à la semblance du soleil, parquoy soubz le throsne dudict soleil ilz paignoient le lyon demonstrans par ce sa forme estre faicte en la figure de dieu, c’est à dire du soleil, lequel est appelle par les grecz oros, car il a domination sur les heures.

18. [Comment ils écrivent la vigueur.]
Voulant écrire la vigueur, ils peignent la partie antérieure du lion, parce que chez celui-ci cette partie du corps est la plus vigoureuse.

[18]. Comment ilz denotoient force.
Pour signifier force ilz paignoient le devant d’un lyon pource qu’il a les membres de devant plus fors que les autres.

19. [Comment ils écrivent celui qui veille.]
Voulant écrire celui qui veille, ou bien le gardien, ils dessinent une tête de lion, parce que le lion ferme les yeux quand il veille et les tient ouverts quand il dort, ce qui est le signe qu’il fait bonne garde. C’est pourquoi ils mettent des lions aux serrures des temples pour symboliser des gardiens.

[19]. Comment ilz signifioient l’homme veillant.
Quant ilz voulloient demonstrer ung homme veillant ou de bon guet ilz paignoient la teste du lyon pource que le lyon quant il veille a les yeulx cloz, quant ilz dort il les a ouvers, qui ezt signe de vigilance, parquoy non sans cause ilz mectoient les lyons comme gardes es temples & cloistres des dieux.

20. [Comment ils représentent ce qui est effrayant.]
Voulant représenter ce qui est effrayant, ils emploient le même signe, parce que cet animal, étant le plus vaillant, porte à la crainte tous ceux qui l’aperçoivent.

[20]. Comment ilz signifioient l’homme paoureux.
Signifians l’homme craintif paoureux ilz usoient de celle mesme figure pource que estant le lyon le plus fort de toutes les aultres bestes, ilz espovente toutes celles qui le rencontrent.

21. [Comment ils représentent la crue du Nil.]
Voulant représenter la crue du Nil, qu’ils appellent en égyptien Noun, ce qui signifie « nouveau » en traduction, ils dessinent tantôt un lion, tantôt trois grands vases à eau, tantôt le ciel et la terre qui font jaillir de l’eau.
a) Un lion, parce-que le soleil, lorsqu’il est en conjonction avec le Lion, rend plus abondante la crue du Nil, de sorte que, lorsqu’il demeure dans cette constellation (au-delà du temps normal), la nouvelle eau atteint souvent le double du débit ordinaire. C’est pourquoi les anciens préposés aux travaux des temples fabriquaient les caniveaux et les conduits des fontaines sacrées en forme de lion.
† C’est aussi la raison pour laquelle, jusqu’à ce jour, ils |font passer| le vin à travers les lions en accomplissement du voeu (qu’ils font) lorsqu’il y a surabondance de liquide et qu’elle reste stagnante dans |les canaux d’irrigation| des champs.
b) Trois vases à eau [ou bien le ciel et la terre qui fait jaillir de l’eau] – en comparant le |Noun| à un cœur muni d’une langue : à un cœur, parce que, suivant eux, il est la partie qui guide le corps, de même que c’est le Nil qui préside à l’Égypte ; à une langue, parce que, comme elle demeure toujours dans l’humidité, ils l’appellent la productrice de l’existence – trois vases, ni plus ni moins, parce que, suivant eux, la crue est produite par trois facteurs : ils voient l’un dans la terre d’Égypte qui est d’elle-même productrice d’eau ; le deuxième dans l’océan, car lui aussi amène de l’eau en Égypte au moment de la crue ; le troisième, dans les pluies qui tombent dans, les régions méridionales de l’Éthiopie vers l’époque de la crue du Nil. Voici comment on peut se rendre compte que l’Égypte produit de l’eau. Dans toutes les autres régions du monde, les inondations des fleuves, se produisant à cause des pluies continuelles, ont lieu pendant l’hiver ; mais seul le pays des Égyptiens, qui est au milieu de l’univers, comme ce qu’on appelle la pupille dans l’œil, provoque par lui-même l’inondation pendant l’été.

[21]. Comment ilz signifioient le Nil croissant & sortant de ses Rives.
Quant ilz vouloient signifie le Nil deborde, lequel est appelle par eulx Num & par les grecz Neon, qui signifie naguyere ou nouvellement ou neuf, aucunes foys ilz paignoient ung lyon, aucunes foys troys cruches, aucune foys le ciel & la terre produisant habondance d’eau. Le lyon pource que quant le soleil entre au signe de lyon & tant qu’il y demeure, il esment grandement inundations & bien souvent au double de ce qu’il souloit, parquoy es tuyaulx & conduictz des fontaines dedies pour les temples, on les veoit en forme de lyons & encores aujourd’huy ceulx qui ont charge de service divin font prieres pour la trop grande inundation & habondance des eaux. Les troys ydries ou cruches & le ciel & la terre aussi signifient sources d’eaux & comparent le Nil à ung cueur ayant langue, car les Egyptiens estimoient le cueur estre la premiere & principale partie, comme ilz tenoient ledicte Riviere de Nil est chef & le prince d’Egypte & le font semblable à la langue, pource que la langue est tousjours en lieu humide, oultre ilz l’appellent mere. Les troys cruches moins ne plus pource qu’ilz donnent & enseignent troys raisons du debordement & derivage du Nil, la premiere la terre de Egypte qui d’elle mesmes produict l’eau, l’atre la mer oceane qui reflote en Egypte, la tierce les pluyes lesquelles en celle saison sont grandes es parties du midy & devers le pays de Ethiopie. Que le pays de Egypte produise eau se peult comprendre par ce que es aultres climatz les inundations se font en hyver, pour les grandes & continuelles pluyes. Mais le pays de Egypte situe au milieu de la terre ainsi que la prunelle en l’œil en este est humide du Nil.

22. [Comment ils écrivent l’Égypte.]
Lorsqu’ils veulent écrire l’Égypte, ils peignent un encensoir ardent et, au-dessus (de celui-ci), un cœur, pour indiquer que, de même que le cœur du jaloux brûle toujours, de même l’Égypte, à cause de la chaleur (qui y règne), produit continuellement les êtres vivants qui existent en elle ou autour d’elle.

[22]. Comment ilz escripvoient Egypte.
Pour escripre Egypte ilz mectoient ung encencier ardant & pardessus ung cueur, voulans dire que comme le cueur d’un Jaloux est ars, ainsi Egypte pour la challeur qui y regne produict & engendre continuellement des bestes & animaulx.

23. [Comment ils signifient un homme qui n’a pas quitté son pays.]
Voulant signifier un homme qui n’a pas quitté son pays, ils peignent un (personnage) à tête d’âne, parce qu’il n’écoute aucun récit et n’a pas idée de ce qui se passe à l’étranger.

[23]. Comment ilz signifioient ung homme qui n’a gueres voyage.
Pour denoter ung homme qui ne va guyeres loing ilz paignoient la teste d’ung asne pource qu’il n’oit point les histoires & n’a cognoisssance de ceulx qui ont voyage.

24. [Comment ils écrivent une amulette.]
Voulant écrire une amulette, ils peignent deux têtes humaines, la tête d’homme regardant vers l’intérieur et la tête de femme vers l’extérieur ; car ainsi, disent-ils, aucun des (mauvais) génies ne les atteindra, parce que, même sans employer des lettres, ils se constituent une protection au moyen des deux têtes.

[24]. Comment ilz signifioient prtotection ou defense ou ung charme defensif & preservant.
Quant ilz vouloient signifier toute defense, seurete & preservation, ils paignoient deux testes, l’une d’homme regardant par dedans & l’autre de femme regardant par dehors, ilz dient que en ceste maniere le mauvais esperit n’a puissance d’assaillir aucun, pource que sans letres ilz se gardent par deux testes.

25. [Comment ils écrivent un homme non encore formé.]
Voulant écrire un homme qui n’est pas encore formé, ils peignent une grenouille, parce que celle-ci est engendrée par le limon du fleuve. Aussi arrive-t-il qu’elle apparaisse ayant (déjà) une partie (du corps) en forme de grenouille tandis que pour le reste elle ressemble encore à de la boue, de façon qu’elle disparaît aussitôt que le fleuve rentre dans son lit.

[25]. Comment ilz denotoient ung homme imparfaict ou embrion.
Voulans signifier ung homme imparfaict ilz paignoient une Grenoille, pource que la Grenoille est engendree & produicte en lymon de la riviere, & veoit on souvent des Grenoilles imparfaictes, l’une moictie formee & vive & l’autre moytie encore boue & limon, ainsi que l’eau luy a failly.

26. [Comment ils représentent l’(idée d’)ouvrir.]
Voulant représenter l’(idée d’)ouvrir, ils peignent un lièvre, parce que cet animal a toujours les yeux ouverts.

[26]. Comment ilz signifioient une chose ouverte & patente.
S’ilz voulloient escripre une chose manifeste ouverte & patente, ilz figuroient ung lievre, pource qu’il a tousjours les yeulx ouvers.

27. [Comment ils écrivent la parole.]
a) Voulant écrire la parole, ils peignent une langue et un œil injecté de sang, assignant dans le langage la prééminence à la langue et le rôle secondaire aux yeux. Car c’est ainsi que les mots sont en parfaite conformité avec l’âme, variant suivant les mouvements de celle-ci. b) [Comment le langage est exprimé d’une autre manière par les Égyptiens.] Voulant signifier la parole d’une autre manière, ils écrivent la langue avec une main en dessous, estimant que le rôle primordial dans le discours revient à la langue et l’activité complémentaire à la main, étant donné que celle-ci complète les intentions de la langue.

[27]. Comment ilz signifioient Oraison, ou harengue ou le parler.
Quant ilz vouloient denoter oraison ou harengue, ilz paignoient une langue & ung œil sanglant, assignans le premier office de parler à la langue & le second aux yeulx ainsi parfaictement consiste le parler de l’ame quant il est conforme & accomode aux mouvements d’icelle, ainsi est il appelle des Egyptiens l’autre parolle. Aultrement pour signifier oraison ilz mectoient une langue & dessoubz une main attribuans le premier office de parler à la langue & le second à la main, comme celle qui execute & donne perfection à ce que la langue veult dire.

28. [Comment ils écrivent l’aphonie.]
Voulant écrire l’aphonie, ils écrivent le nombre 1095 qui représente le nombre de jours renfermé dans trois années, l’année se composant de 365 jours. Si au bout de ce temps un enfant ne parle pas, on le considère comme ayant la langue entravée.

[28]. Comment ilz escripvoient le taire ou silence.
Pour la signification du taire & silence ilz escripvoient le nombre de M.LXXXXV. abrege qui est le nombre de troys ans, a compter troys cens soixante cinq jours pour chascun an, voulans entendre que de ce temps de troys ans l’enfant ne parle point & combien qu’il ait la langue, si n’en a il pas l’usaige.

29. [Comment ils représentent une voix lointaine.]
Voulant représenter une voix (qui se fait entendre) de loin, ce qui se dit en égyptien ouaie, ils écrivent la voix de l’air, c’est-à-dire le tonnerre, dont rien ne surpasse la force et l’intensité.

[29]. Comment ilz signifioient la voix loingtaine.
Voullans signifie voix eslongnee que les Egyptiens appellent ohe, ilz paignent la voix de l’air qui est le tonnerre, pource qu’il n’est chose qui si hault sonne ne qui tel bruit face.

30. [Comment ils écrivent l’antiquité d’origine.]
Voulant écrire l’antiquité d’origine, ils peignent une botte de papyrus, indiquant par là les premiers aliments. Car personne ne pourrait découvrir le début de l’alimentation ou de la génération.

[30]. Comment ilz signifioient l’ancien lignaige.
Pour signifier l’ancien lignage ilz paignoient une liasse de papiers signifians par ce la premiere nourriture, car on ne trouva oncques le commencement de menger ny de generation.

31. [Comment ils indiquent l’action de goûter.]
Voulant indiquer l’action de goûter, ils peignent la partie antérieure de la bouche, parce que toute (sensation de) goût est conservée jusque-là, je veux dire (une sensation) de goût parfaite. Mais voulant indiquer une (sensation de) goût imparfaite, ils peignent la langue sur les dents parce que toute (sensation de) goût s’accomplit par le moyen de celles-ci.

[31]. Comment ilz escripvoient le goust.
Pour signifier le goust ilz paignoient le commencement de la bouche, pource que le goust s’estend jusques là, j’entens le goust parfaict, car pour signifier le goust imparfaict ilz paignoient la langue entre les dens, pource que par eulx tout le goust est acomply.

32. [Comment ils représentent la volupté.]
Quand ils veulent représenter la volupté, ils écrivent le nombre 16, car c’est à partir de ce nombre d’années que les hommes commencent à avoir commerce avec les femmes et à engendrer des enfants.

[32]. Comment ilz signifioient Volupte.
Pour denoter volupte ou delectation, ilz escripvoient le nombre de xvj abrege pource que en l’aage de seize ans les hommes commencent à estre puissant & ydoines à generation.

33. [Comment ils représentent la copulation.]
Voulant représenter la copulation, ils écrivent deux fois le nombre 16. Comme nous avons dit que 16 signifiait la volupté et que, d’autre part, la copulation suppose deux voluptés, celle de l’homme et celle de la femme, ils écrivent un autre (nombre) 16 à côté du premier.

[33]. Comment ilz signifioient copulation charnelle.
Quant ilz voulloient escripre l’assemblee de l’homme & de la femme, ilz mectoient deux foys le nombre de seize abrege, pource que les enfans sont engendrez par delectation & en la copulation charnelle y a double delectation de l’homme & la femme, parquoy ilz doubloient ledict nombre de xvj.

34. [Comment ils écrivent une âme qui demeure longtemps (dans ce monde).]
Voulant écrire une âme qui demeure longtemps ici-bas, ou bien l’inondation, ils peignent l’oiseau (appelé) phénix.
a) L’âme, parce que cet animal atteint un âge plus avancé qu’aucun autre dans l’Univers.
b) L’inondation, parce que le phénix est le symbole du soleil que rien ne surpasse en grandeur dans (tout) l’Univers. Car le soleil monte plus haut que toute chose et scrute tout, et c’est pourquoi il est appelé « |celui qui a des yeux| multiple|s| ».

[34]. Comment ilz signifioient l’ame longuement demourant en vie.
Voulant signifier l’ame demourant longuement en estat ou inundation ilz paignoient un oyseau appelle phenix. L’ame, pource que le phenix est de treslongue vie & plus que toutes les aultres bestes qui sont au monde ; inundation pource que le phenix est le signe du soleil qui est la plus grant chose qui soit au monde, il monte devers tous & tout, cherche parquoy il a este appelle Polys, c’est à dire moult ou beaucoup.

35. [Comment ils représentent celui qui revient tardivement de l’étranger.]
De même, pour représenter celui qui revient tardivement de l’étranger, ils écrivent également l’oiseau (appelé) phénix. Car celui-ci se rend en Égypte quand vient le moment où le destin va l’atteindre, après chaque intervalle de cinq cents ans, et lorsque, dans le cas où il a devancé (le destin), il s’est acquitté (envers celui-ci) à l’intérieur de l’Égypte, on lui rend en secret les devoirs funèbres, et il faut qu’on rende au phénix tous (les honneurs) que les Égyptiens rendent aux autres animaux sacrés. Car on dit qu’il se réjouit plus du soleil parmi les Égyptiens que parmi les autres hommes. C’est aussi la raison pour laquelle le Nil déborde en leur faveur sous la chaleur de ce dieu, au sujet duquel tu trouveras notre exposé un peu plus haut.

[35]. Comment ilz signifioient celuy qui retourne tard de son voyage.
Quant ilz veullent escripre celluy qui retourne tard de son voiage, ilz paignent encore le phenix lequel revient en Egypte quant il a cinq cens ans d’aage, alors qu’il est prochain de sa fin. Et s’il advient que avant ledict temps ledict phenix soit trouve en Egypte, il est traicte avec grans mysteres. Tout ce que les Egyptiens ont accoustume de attribuer aux sainctz oyseaulx c’est à dire qui ont quelque conformite aux choses divines, ilz l’attribuent aussi au phenix, lequel sur tous aultres oyseaulx se resjoyt du soleil, mesmement en Egypte où la chaleur d’icelluy est grande, parlaquelle le Nil vient à croistre & deriver comme nous avons plus amplement cy dessus declaire.

36. [Comment ils écrivent le cœur.]
Quand ils veulent écrire le cœur, ils peignent un ibis. Car cet animal est mis en relation avec Hermès, le seigneur de tout cœur et de tout raisonnement ; et aussi parce que l’ibis a en lui-même une similitude avec le cœur, au sujet de laquelle les Égyptiens rapportent de nombreux récits.

[36]. Comment ilz escripvoient le cueur.
Quant ilz vouloient signifier le cueur ilz paignent la cicogne, pource que cest oyseau est dedie à Mercure seigneur du cueur & de la raison. Aussi que la cicogne a le cueur plus grand à sa proportion que le reste du corps & est ledict oyseau fort cogneu & mentione des Egyptiens.

37. [Comment ils écrivent l’éducation.]
Voulant écrire l’éducation, ils peignent la rosée tombant du ciel, indiquant que, de même que la rosée qui descend se répand sur toutes les plantes et amollit celles qui ont la faculté de s’amollir, mais est incapable d’obtenir le même résultat pour celles qui, de par leur nature, restent dures, ainsi aussi chez les hommes, l’éducation est un bien commun, mais celui qui a d’heureuses dispositions la recueille avidement, comme une rosée, tandis que celui qui n’est pas doué est incapable d’en faire autant.

[37]. Comment ilz signifioient science & doctrine.
Pour signifier science & doctrine ilz paignoient le ciel jectant la rosee, pource que la rosee tumbant sur toutes plantes amollit & attendrit celles qui de leur nature sont disposees à estre tendres & non point les autres qui par nature sont dures. Ainsi la science se présente à tous les hommes, les ingenieux & qui ont la nature bonne, la comprennent & retiennent ce que ne peuvent faire les gros entendemens & rudes esperitz.

38. [Comment ils désignent l’écriture égyptienne.]
Quand ils désignent les lettres égyptiennes, l’hiérogrammate, ou le terme, ils peignent l’encre, le crible et le jonc.
a) L’écriture égyptienne, parce que tout ce qui s’écrit chez les Égyptiens est tracé au moyen de ces instruments. En effet, ils écrivent - au moyen du jonc et avec rien d’autre. Le crible, parce que le crible, qui est le premier ustensile pour faire le pain, se fabrique au moyen du jonc ; ils signifient donc que celui qui a de quoi manger apprendra à écrire, mais que celui qui n’a pas de quoi (se nourrir) s’adonnera à un autre métier. C’est aussi pourquoi l’instruction s’appelle sbô chez eux, ce qui signifie en traduction « une nourriture suffisante ».
b) L’hiérogrammate, parce que celui-ci diagnostique la vie et la mort. Les hiérogrammates possèdent même un livre sacré, appelé Ambrês, d’après lequel ils diagnostiquent si le malade alité peut vivre ou non, et ils donnent cette indication suivant la façon dont le malade est couché.
c) Le terme, parce que celui qui sait écrire est arrivé au port paisible de la vie et qu’il ne doit plus errer çà et là à cause des revers (de l’existence).

[38]. Comment ilz signifioient les letres Egyptiaques.
Pour demonstrer les letres Egyptiaques ilz paignoient l’escripvain des sainctes letres ou un point & ligne ou note qu’ilz prennent pour la fin ou extremite, ou ung crible ou ung jonc, pource que toutes les escriptures des egyptiens sont parfaictes par ces choses, car ilz escripvent des Joncs & non d’autre chose ; ils paignoient le crible pource que c’est le premier instrument à faire le pain & est faict de jonc, voullans demonstrer par ce que celluy qui a de quoy vivre apprendra les letres, qui en a faute entend à aultre art & metier, parquoy ilz appellent la science Sbo qui se peut traduyre plain de viande ou nourriture ; ilz paignent le prebstre ou l’escripvain des choses sainctes pource qu’il donnoit jugement sur la mort & sur la vie les prebstres avoient ung livre qu’ilz appeloient la saincte Ambris, parlequel il jugeoient si le malade gueriroit ou non, ce qu’ilz designoient par la maniere du coucher de celuy qui estoit malade.
Quant ilz paignoient la fin ilz entendoient que celluy qui avoit aprins les letres estoit parvenu en repos & au paisible estat de sa vie, delivre de toutes les calamites & erreurs de la vie humaine.

39. [Comment ils écrivent l’hiérogrammate.]
Quand ils veulent écrire différemment l’hiérogrammate, ou le prophète, ou l’embaumeur, ou la rate, ou l’odorat, ou le rire, ou l’éternûment, [ou la magistrature, ou le juge], ils peignent un chien.
a) L’hiérogrammate, parce que celui qui veut devenir un parfait hiérogrammate doit s’exercer souvent à la récitation, crier continuellement et avoir un air sauvage, sans montrer de complaisance pour personne, comme les chiens.
b) Le prophète, parce que le chien regarde avec plus d’attention que les autres animaux les images des dieux, comme (le fait) le prophète.
c) L’embaumeur des animaux sacrés, parce que lui aussi regarde les animaux sacrés, dépouillés et découpés, auxquels il doit rendre les devoirs funèbres.
d) La rate, parce que, de tous les animaux, le chien a la rate la plus légère. S’il est touché par la mort ou atteint de la rage, c’est la rate qui en est la cause, et ceux qui s’occupent de cet animal lorsqu’on l’ensevelit deviennent pour la plupart hypocondriaques au moment de mourir ; car en aspirant les exhalaisons du chien ils en subissent l’infection.
e) L’odorat, le rire et l’éternûment, parce que ceux qui sont gravement atteints d’hypocondrie ne peuvent ni sentir, ni rire, ni éternuer.

[39]. Comment ilz signifioient le sainct escripvain ou celluy qui escripvoit les choses sainctes.
Quant ilz voulloient signifier le sainct escripvain ou ung prophete ou celluy qui enterre les trepassez ou la Rate ou le sentement ou le Ris ou l’esternuer ou le prince ou le Juge, ilz paignoient ung chien. Le sainct escripvain pource que celluy qui veult estre parfaict escripvain doibt penser continuellement à abayer à ung chascun estre estrange & Rustique & ne faire plaisir à personne, ainsi les chiens. Le prophete pource que le chien semble s’esmerveiller plus que toutes les aultres bestes & d’un regard ferme & droit regarde les statues & Images des dieux comme faict le prophete. Celluy qui ensepvelit pource qu’il veoit les statues des dieux nues comme elles sont faictes & taillees, lors quu’il les collocques en leurs respositoires. La Rate pource que le chien a la rate fort legiere, encores qu’il meure ou tumbe en rage parquoy ceulx qui pensent les chiens qui sont pres de mourir, le plus souvent viennent à estre malade de la rate, mesmement filz sentent la leine de la beste. Pareillement signifie le sentir, le rire & l’esternuer pource que ceulx qui sont travaillez du mal de la rate ne peuvent sentir ny rire ny esternuer.

40. [De quelle manière ils représentent la magistrature ou le juge.]
Lorsqu’ils veulent écrire la magistrature ou le juge, ils ajoutent encore au chien un vêtement royal qu’ils placent à côté de lui, [une figure nue] ; parce que, de même que le chien regarde fixement les images des dieux, comme nous l’avons dit plus haut, ainsi aussi le magistrat, qui était juge dans les temps plus anciens, voyait le roi nu. C’est pour cette raison qu’ils placent auprès de lui le vêtement royal.

[40]. Comment ilz signifioient l’homme constitue en estat de gouverneur ou de juge.
Les Egyptiens descripvans le gouverneur ou Juge paignoient derechef le chien & aupres de sa figure nue le manteau Royal. Car ainsi que le chien regarde ententivement les statues & images des dieux comme nous avons dict, ainsi les gouverneurs & Juges du temps jadis soloient veoir le Roy nud, parquoy ilz se attribuent le manteau Royal.

41. [Comment ils désignent le pastophore.]
Quand ils veulent désigner le pastophore, ils peignent le gardien de la maison, parce que c’est lui qui garde le temple.

[41]. Comment ilz voulloient signifier celluy qui porte le sainct Manteau ou la sacree chappe.
Quant ilz voulloient signifier celluy qui porte le sainct manteau ou la chappe, ilz paignoient ung gardien de maison pource que celluy qui porte ledict manteau est songneux de le garder, ainsi que le gardien la maison.

42. [Comment ils représentent l’horoscope.]
Quand ils veulent représenter l’horoscope, ils peignent un homme qui mange les heures, non point que l’homme mange les heures, ce qui est impossible, mais parce que les heures procurent les aliments aux hommes.

[42]. Comment ilz demonstroient celluy qui compte les heures & y prend garde, que les grecz appellent horoscope.
Pour signifier ung horoscope, c’est à dire qui note & prent garde aux heures pour entendre l’estat des choses, ilz paignoient ung homme mengeant les heures, non pas que ung homme les puisse menger, qui est impossible, mais pource que les hommes apprestent leurs viandes & ce qu’ilz doivent menger à certaines heures.

43. [Comment ils représentent la pureté.]
Quand ils veulent écrire la pureté ; ils peignent le feu et l’eau, parce que c’est au moyen de ces éléments que l’on accomplit toute purification.

[43]. Comment ils enseignoient ignorance.
Voullans escripre ignorance ilz paignoient l’eau & le feu pource que par ces deux elemens toutes choses sont purifiees.

44. [Comment ils figurent l’iniquité et la souillure.]
Quand ils veulent représenter l’iniquité ou la souillure, ils peignent un poisson, parce que le fait de manger du poisson leur est en horreur et les met dans un état de souillure pour les rites sacrés. Car tout poisson est ventrem solvens (?) et mange son semblable.

[44]. Comment ilz signifioient ung homme meschant ou hayne.
Quant ilz voulloient demonstrer & escripre ung homme mauvais & inique ou hayne & malveillance ilz paignoient ung poysson, pource que l’usaige & le menger du poysson est prohibe & interdict en choses divines & aussi que le poysson destruict tout ce qu’il rencontre & se menge l’un l’autre.

45. [Comment ils écrivent la bouche.]
Quand ils veulent écrire la bouche, ils peignent un serpent, parce que le serpent n’a aucun membre solide si ce n’est la bouche.

[45]. Comment ilz signifioient la bouche.
Pour signifier la bouche ilz paignoient ung serpent pource que le serpent n’a force que en la bouche.

46. [Comment ils désignent la virilité avec tempérance.]
Quand ils veulent désigner la virilité avec tempérance, ils peignent un taureau doué, d’une nature saine. Car cet animal a le membre très chaud, de sorte qu’ayant une fois engagé son membre dans la vulve de la femelle, il éjecte son sperme sans faire aucun mouvement ; mais si parfois il manque la vulve et s’il applique son membre à une autre partie du corps de la vache, alors il blesse la femelle par un effort trop violent. Mais d’autre part, il est tempérant en ce qu’il ne couvre jamais la femelle après qu’elle a conçu.

[46]. Comment ilz signifioient ung homme fort vaillant & tempere.
Pour denoter ung homme viril & atrempe ilz paignoient ung taureau de forte nature, pource que le toreau est de telle chaleur que sans se mouvoir il saillit la vache & engendre & s’il la saillit autrement que naturellement, il la blesse ; il est aussi atrempe, pource que quant la vache est preigne il ne faict compte de y retourner.

47. [Comment ils écrivent l’ouïe.]
Quand ils veulent écrire l’ouïe, ils peignent une oreille de taureau. Car lorsque la femelle désire concevoir - et son ardeur ne dure pas plus de trois heures - elle mugit très fort et, si au bout de ce temps le taureau n’est pas venu, elle referme la vulve jusqu’à l’union suivante. Mais ce cas ne se présente que rarement. En effet, le taureau entend à grande distance et, se rendant compte qu’elle est en chaleur, il arrive en courant en vue de la saillie, étant seul à faire cela contrairement aux autres animaux.

[47]. Comment ilz signifioient l’ouyr.
Quant ilz veuilloient denoter l’ouyr ilz paignoient l’oreille d’un Toreau, pource que quant la vache demande le toreau, qui ne luy dure que troys heures, elle brait & appelle le toreau & s’il ne vient promptement & sur l’heure sa chaleur passe jusques à ung aultre temps, mais cela n’advient point souvent à cause que le Toreau, combien qu’il soit loing, l’entend & accourt incontinent & est seul entre toutes les aultres bestes de ceste nature.

48. [Comment ils représentent le membre viril d’un homme prolifique.]
Quand ’ils veulent représenter le membre viril d’un homme prolifique, ils peignent un bouc et non pas un taureau. Car ce dernier ne saillit pas avant d’avoir un an, tandis que le bouc. s’accouple dès qu’il est âgé d’une semaine. Il n’émet, il est vrai, qu’un sperme stérile et dépourvu de germes fécondants, mais il saillit quand même plus tôt que tous les autres animaux.

[48]. Comment ilz signifioient le membre de l’homme qui engendre souvent.
Quant ilz voulloient escripre le membre de l’homme qui engendre souvent ilz paignent ung bouc & non un toreau, car le toreau n’est puissant d’engendrer jusqu’à ce qu’il ait ung an acomply. Mais le bouc le septieme jour apres qu’il est ne assault la chevre & a semence, ce que ne faict nulle aultre beste.

49. [Comment ils représentent l’impureté.]
Quand ils veulent écrire l’impureté, ils peignent un oryx, parce que, au moment où la lune commence à se lever, il regarde fixement la déesse et pousse un cri, mais sans l’intention de la célébrer ou de l’acclamer. En voici la preuve la plus manifeste : il creuse le sol de ses pattes de devant et roule ses yeux comme s’il était fâché et ne voulait pas voir le lever de la déesse. Il fait d’ailleurs la même chose au moment du lever de l’astre divin qu’est le soleil. C’est pourquoi les anciens rois, lorsque l’horoscope leur signalait le lever (de l’astre), se plaçaient auprès de l’animal, et tâchaient de connaître exactement le lever par le moyen de l’oryx, comme (on le fait) avec certains gnomons. C’est encore la raison pour laquelle les bêtes de cette espèce sont les seules que les prêtres mangent sans qu’elles ne soient marquées, parce qu’il semble y avoir un certain antagonisme entre elles et la déesse. En effet, si l’oryx atteint une source dans le désert, il la trouble de ses lèvres en y buvant, il mélange l’eau avec les matières (sédimentaires) et y envoie de la poussière au moyen de ses pattes afin qu’elle soit imbuvable pour tout autre animal. C’est donc à ce point que la nature de l’oryx est réputée perverse et nuisible, car il ne fait même pas cela (c’est-à-dire boire) d’une manière convenable, alors que la déesse elle-même crée et augmente tout ce qu’il y a d’utile dans le monde.

[49]. Comment ilz signifioient le peche ou impurite.
Pour signifier le peche ilz paignoient une beste nommee Orige pource que quant la lune appert si ceste beste la regarde, elle jecte ung hurlement sans la louer ny benistre & le signe de ce est que lors avec le pied de devant elle remue la terre & y cache ses yeulx, comme si elle avoit deplaisir de veoir la lune, ce mesmes elle fait au lever du soleil. Parquoy les anciens roys quant leurs horloges leur annonçoient le lever du soleil montoient sur ceste beste par le milieu d’icelle comme le long & d’une reigle congnoissoient le vray point de la lune & du soleil & les prebstres de toutes oyseaulx ne mengent que de cestuy, pource qu’il semble avoir quelque inimitie envers ladicte desse & s’il trouve en lieu solitaire quelque fontaine, après qu’il en aura beu, il la troublera avec ses levres ou mouvera le lymon, ou jectera de la terre dedens avec les piedz pour gaster l’eau & la rendre inutile à boire aux aultres bestes, de si mauvaise & maligne nature est l’orige, ainsi que l’on dit ces choses fait elle indeuement contre raison, veu que la lune engendre & augmente tout ce qui est utile en ce monde.

50. [Comment ils désignent la destruction.]
Quand ils veulent désigner la destruction, ils peignent une souris, parce que, en mangeant toute chose, elle souille et corrompt (tout). Ils emploient le même signe lorsqu’ils veulent écrire la sélection. Car lorsque la souris a devant elle beaucoup des pains différents, elle choisit comme nourriture le plus pur d’entre eux ; c’est pourquoi les boulangers font leur choix en s’inspirant (de la manière de faire) des souris.

[50]. Comment ilz signifioient la fin ou dissolution des choses.
Pour demonstrer la fin & consumption des choses ilz paignoient ung Rat ou une souriz, pource que ceste beste gaste & corromp tout ce que elle gouste & menge & le rend inutile, semblablement ils usent de ce signe pour signifier ung Jugement, pource que si la souriz se trouve entre plusieurs pains de diverses sortes, elle s’adresse au meilleur dont il semble que la soriz soit le Juge bolengiers, qui est le meilleur d’entre eulx.

51. [Comment ils représentent l’effronterie.]
Quand ils veulent représenter l’effronterie, ils peignent une mouche ; celle-ci, malgré qu’on la chasse continuellement, n’en revient pas moins.

[51]. Comment ilz denotoient un homme exhonte & sans vergogne.
Quant ilz voulloient signifier une chose sans honte ilz paignoient la mouche, pource que combien qu’elle soit souvent chassee d’un lieu neantmoins elle y retourne tousjours.

52. [Comment ils écrivent la sagacité.]
Quand ils veulent écrire la sagacité, ils peignent une fourmi. Car elle connaît même ce qu’un homme a mis en sûreté dans une cachette ; ce n’est pas seulement (pour cette raison) mais aussi parce que, contrairement aux autres animaux, quand elle prépare ses provisions pour l’hiver, elle ne se trompe pas d’endroit mais y arrive sans se fourvoyer.

[52]. Comment ilz escripvoient Notice ou cognoissance.
Voullans escripre notice ou cognoissance, ilz paignoient une formiz, pource qu’elle se sçait seurement cacher & oultre la coustume des aultres bestes faict provision de vivres pour l’huy & n’oublie point son domicille mais y retourne sans forvoyer.

53. [Comment ils écrivent le fils.]
Quand ils veulent écrire le fils, ils peignent une oie. Car cet animal montre le plus d’affection pour ses petits ; et si quelqu’un venait à en poursuivre une pour la prendre avec ses petits, le père et la mère s’offrent spontanément aux chasseurs pour que leurs petits soient sauvés. C’est pour cette raison que les Égyptiens ont jugé bon de vénérer cet animal.

[53]. Comment ilz signifioient le filz.
Voullans escripre le filz ou l’enfant paignoient une beste appellee chenalope, pource qu’elle ayme fort ses petitz, car s’il advient qu’elle soit chassee & suyvie avec ses petits, le pere ou la mere se laisse prendre ; par cela ses petits peuvent eschapper & estre sauvez. Pour ceste cause il a semble aux Egyptiens de prendre ceste beste pour celle signification.

54. [Comment ils signifient l’insensé.]
Lorsqu’ils écrivent le pélican, ils signifient l’insensé et l’imprudent. En effet, malgré qu’il puisse déposer ses neufs dans des endroits assez élevés, comme les autres oiseaux, il n’en fait rien ; mais il creuse la terre et y dépose ses petits. Les hommes, sachant cela, placent tout autour du fumier desséché de bœuf et y mettent le feu. Lorsque le pélican aperçoit la fumée, il veut éteindre le feu au moyen de ses ailes mais il arrive au contraire à l’animer par ce mouvement, de manière qu’il a les ailes brûlées par le feu et devient une proie facile pour les chasseurs. C’est pour cette raison que les prêtres n’ont pas l’habitude d’en manger parce que, en réalité, il entreprend cette lutte pour ses petits. Mais les autres Égyptiens en mangent, disant que le pélican n’entreprend pas le combat d’une manière sensée, comme l’oie, mais d’une manière irréfléchie.

[54]. Comment ilz signifioient ung homme imprudent & qui n’a le sens bon.
Pour designer ung homme peu saige & qui a faulte de sens, ilz paignent le pelican, pource que combien qu’il puisse faire ses œufz en lieu hault ainsi que les aultres oyseaulx, toutesfoys le faist au contraire, car il cave la terre & pond en une petite fosse, ce que cognoissans les oyselleurs assemblent autour de son nid de la fiente de beuf seiche puis y mettent & allument le feu, le pellican voyan la fumee descend & cuidant estaindre le feu avec ses elles, le alume du vent & brusle ses plumes, ainsi est il prins desdictz oyselleurs. À ceste cause, il n’est pas permis aux prestres menger de cest oyseau, pource que ainsi simplement il se mect en peril pour ses petitz. Toutesfoys plusieurs Egyptiens en mengent, disans qu’elle ne le faict point de ruse & de sens comme la chenalope, mais par amour & solicitude qu’elle a envers sesdictz petitz.

55. [Comment ils représentent la gratitude.]
Quand ils veulent écrire la gratitude, ils peignent une huppe. Car c’est le seul des êtres privés de parole qui, ayant été soigné par ses’ parents, leur rend le même service quand ils sont devenus vieux. Elle leur prépare un nid à l’endroit où elle-même a été nourrie, elle leur arrache les plumes et leur procure des aliments jusqu’à ce que les plumes des parents aient repoussé et qu’ils puissent subvenir euxmêmes à leurs besoins. C’est pourquoi on donne la préférence à la huppe pour (orner) les sceptres des dieux.

[55]. Comment ilz escripvoient recoignoissance & l’homme qui n’est point ingrat.
Pour signifier gratitude ou recoignoissance ilz paignoient l’oyseau appelle Cucuphe, pource que seul entre les bestes il rend les plaisir & le semblable de ce qu’il a receu à ses pere & mere, car quant il deviennent vieulx, il leur faict ung nid au mesme lieu où ilz l’ont nourry & leur arrache les plumes & les nourrit jusques à ce qu’elles leur soient revenues & qu’ilz puissent voller & chercher à menger, parquoy on a coustume de paindre ung Cucuphe sur les sceptres des roys.

56. [Comment ils représentent l’injuste et l’ingrat.]
(Voulant) au contraire (représenter) l’injuste et l’ingrat, ils écrivent deux ongles d’hippopotame dirigés vers le bas. Car celui-ci, devenu adulte, met son père à l’épreuve pour voir s’il est plus fort que lui au combat. Si son père doit abandonner la lutte et lui céder la place, il (le fils) s’approche de sa propre mère pour s’unir à elle et lui laisse la vie sauve (c’est-à-dire à son père). Mais si le père ne lui permet pas d’accomplir son union avec sa mère, alors il le tue, profitant de ce qu’il est le plus vaillant et le plus robuste. À la partie inférieure, il y a deux ongles – d’hippopotame, afin que les hommes qui voient cela et qui connaissent ce qu’on rapporte à ce sujet, soient davantage portés à bien faire.

[56]. Comment ilz signifioient ung homme injuste & ingrat.
Quant ilz veullent signifier ung homme injuste & ingrat ilz paignoient deux ungles d’un hippopotame, c’est à dire cheval de riviere telz qu’ilz sont au Nil, & sont lesdictz ungles tournees regardans contre bas, pource que quant l’hippopotame est creu il s’essaye avec son pere pour savoir lequel est le plus fort. Si son pere succumbe & soit foible, il luy donne lieu & le laisse puis va habiter avec sa mere. Mais si le pere resiste & le cuyde empescher, il le tue pource qu’il est devenu le plus fort, doncques les Egyptiens paignent deux ungles du cheval de riviere courbes & regardant en bas, à celle fin que quant les hommes voyent & congnoissent pour quelle raison ilz y sont mis ilz soient plus enclins de rendre & récompenser les biensfaictz qu’il ont receuz de leurs peres.

57. [Comment ils signifient celui qui est ingrat envers ses bienfaiteurs.]
Quand ils veulent signifier celui qui est ingrat et animé de sentiments hostiles envers ses bienfaiteurs, ils peignent un pigeon. Car le mâle, quand il est devenu fort, chasse son père d’auprès de sa mère et contracte ainsi une union avec celle-ci. Cet animal semble être pur ; car, lorsque la peste règne et que tout ce qui est animé ou inanimé est d’un effet contagieux |sur| ceux qui (en) mangent, lui seul n’est pas atteint du mal. C’est la raison pour laquelle on ne présente au roi, pendant (tout) ce temps, rien d’autre à manger que des pigeons. (L’on présente) aussi la même chose à ceux qui doivent être dans un état de pureté parce qu’ils sont au service des dieux. On rapporte que cet animal n’a pas de bile.

[57]. Comment ilz signifioient en autre maniere ung ingrat envers ceulx qui luy ont faict bien.
Quant ilz voulloient escripre ung ingrat & rebelle envers ceulx esquelz il est tenu & qui luy ont bienfaict ilz paignoient une columbe pource que le masle des columbes quant il se trouve fort chasse son pere, se couple & habite avec sa mere ; il semble aussi que cest oyseau soit pur & net pource que au temps de peste quand toute la region est infectee de cette contagion, tant ceulx qui ont vie que les lieux & choses insensibles, ceulx qui usent en leur menger des columbes sont exemptz de ce danger. À ceste cause en temps suspect & pestillencieux, on ne sert les Roys d’autre viande que des columbes & pareillement aux ministres des dieux qui leur servent en purite, aussi on dit que ceste beste n’a point de fiel.

58. [Comment ils désignent une chose impossible.]
Quand ils veulent désigner une chose impossible, ils peignent les pieds. d’un homme se promenant dans l’eau ; et lorsqu’ils désirent signifier la même chose d’une autre manière, ils peignent un homme qui se promène sans tête. Comme ces deux choses sont impossibles, c’est à bon droit qu’ils les ont choisies à cette fin.

[58]. Comment ilz signifient chose impossible à faire.
Pour escripre une chose impossible à faire ilz paignoient les piedz d’un homme cheminans sur l’eau & en aultre maniere le declairans ilz paignoient ung homme cheminant sans teste, qui sont deux choses impossibles, parquoy non sans cause elles sont applicquees pour la signification dessusdicte.

59. [Comment ils représentent un roi très puissant.]
Quand ils veulent représenter un roi très puissant, ils peignent un serpent disposé comme (pour figurer) l’univers et ils lui mettent la queue dans la bouche. Ils écrivent le nom du roi au milieu de l’enroulement, donnant à entendre par cette graphie que le roi régit l’univers. Le nom que les Égyptiens donnent au serpent est meisi.

[59]. Comment ilz signifioient ung mauvais Roy.
Pour demonstrer ung Roy tresmauvais ilz paignoient ung serpent en rond à la figure du monde, ayant sa cueue dedens sa gorge & escripvoient le nom du Roy au millieu de ses pliz & circumvolution, voullans parce entendre que le Roy est le recteur & gouverneur du monde ; le serpent est par les Egyptiens appelle Mesi.

60. [Comment ils représentent le roi gardien.]
Si d’autre part ils veulent désigner le roi (en tant que) gardien, ils peignent le serpent vigilant ; mais à la place du nom du roi ils dessinent un gardien. Car il est le gardien de l’univers entier et que le roi soit vigilant à toute occasion.

[60]. Comment ilz signifioient ung Roy faisant bonne garde.
Autrement pour signifier le Roy faisant bonne garde ilz paignoient ung serpent veillant & pour leur nom du Roy ils paignoient ung gardien, car il est gardien du monde, parquoy il est necessaire qu’il soit vigilant.

61. [Comment ils indiquent le maître du monde.]
Enfin quand ils conçoivent et désignent le roi (en tant que) souverain du monde, ils peignent encore le serpent ; mais ils notent à l’intérieur de celui-ci « grande maison » et (ceci) avec raison : car lui |seul| possède un palais dans le monde.

[61]. Comment ilz escripvoient le Roy recteur & gouverneur du monde.
Derechief pour declarer ung Roy recteur & gouverneur ou seigneur du monde, ilz paignoient le mesmes serpent & au milieu d’icelluy une grant maison & ce pour bonne cause, car la maison Royalle d’un Roy est le monde.

62. [Comment ils représentent le peuple qui obéit au roi.]
Quand ils veulent représenter le peuple qui obéit au roi, ils peignent une abeille. Car seule parmi les animaux, cette espèce a un roi que suit toute la multitude des abeilles, de même que les hommes obéissent au roi. Étant donnée |la bonté| du miel et la force du dard de cet animal, ils laissent (ainsi) sous-entendre que le roi est clément mais en même temps énergique quand il y va de la |justice| et de l’administration.

[62]. Comment ilz signifioient le peuple obesissant au Roy.
Pour demonstrer le peuple obeissant au Roy ilz paignoient une mouche à miel, pource que la mouche à miel entre toutes les aultres bestes à Roy, lequel est suivy & obey de toute la multitude des mouches ainsi que les hommes obeissent à leur Roy, signifians par le miel l’utilite qui vient du Roy & par l’eguillon la force d’icelluy, car le Roy doibt efte utile en pourvoiant à son peuple & le tenant en paix & fort pour le defendre de ses ennemys.

63. [Comment ils signifient un roi qui règne sur une partie du monde.]
Quand ils veulent signifier un roi qui ne règne pas sur le monde entier, mais (seulement) sur une partie, ils peignent une moitié de serpent, en représentant le roi au moyen de l’animal, mais coupé en deux parce qu’il (ne règne) pas sur le monde entier.

[63]. Comment ilz signifioient ung Roy dominant une partie du monde.
Voullans denoter le Roy qui ne domine point tout le monde maiz seullement une partie, ilz paignoient la moitie d’un serpent, demonstrans le Roy par ceste beste & pource qu’elle n’est que demye, entendent qu’il ne domine pas entierement.

64. [Comment ils signifient le tout-puissant.]
Ils signifient le tout-puissant en complétant l’animal et peignant alors un serpent en entier. C’est ainsi que, suivant eux, l’esprit pénètre le monde entier.

[64]. Comment ilz signifioient le Roy seigneur & victorieux de tous.
Quant ilz voullent signifier le Roy seigneur & victorieux de tous, ilz paignoient le serpent entier & parfaict, pareillement par cela ilz entendoient l’esperit qui se dilate par le monde.

65. [Comment ils représentent un foulon.]
Quand ils veulent représenter un foulon, ils peignent les deux pieds d’un homme dans l’eau. Ils le représentent ainsi, à cause de la similitude d’action.

[65]. Comment ilz signifioient ung foullon ou taincturier.
Pour signifier ung foullon ilz paignoient deux piedz d’un homme en l’eau, ce qu’ilz denotent à la similitude de Mercure.

66. [Comment ils écrivent le mois.]
Quand ils veulent écrire le mois, ils peignent l’image de la lune comme il a été montré plus haut, (la lunaison) comportant seulement vingt-huit jours équinoxiaux – le jour étant composé de vingt-quatre heures – pendant lesquels la lune se lève, tandis que pendant les deux jours qui restent, elle demeure couchée.

[66]. Comment ilz signifioient un homme ravisseur ou ydoine engendrant ou furieux.
S’il voulloient signifier ung homme ravissant ou fertile ou furieux, il paignoient le Crocodile pource que ceste beste multiplie grandement & est furieuse & si, en voullant ravir quelque chose, il en est empesche, il exerce son couroux & sa fureur contre luy mesmes.

67. [Comment ils signifient un (être) rapace, prolifique ou furieux.]
Quand ils veulent signifier un (être) rapace, prolifique ou furieux, ils peignent un crocodile, parce qu’il est meurtrier, prolifique et colérique. Car lorsqu’il ne réussit pas à ravir ce qu’il veut, irrité, il se déchaîne contre lui-même.

[67]. Comment ilz signifioient orient ou la naissance.
Pour signifier orient il paignoient les deulx yeulx du Crocodile pource qu’ilz sont fort luysans & semblent yssir du profond du corps.

68. [Comment ils indiquent l’orient.]
Quand ils veulent indiquer le levant, ils peignent deux yeux de crocodile, parce que, de tout le corps, les yeux apparaissent les premiers (quand il sort) du fond de l’eau.

[68]. Comment ilz signifioient Orient.
Quant ilz voulloient escripre occident ilz paignoient ung Crocodile qui se courbe ou encline pource qu’il faict ses petitz estant baisse.

69. [Comment ils indiquent l’occident.]
Pour indiquer le couchant, ils peignent le crocodile se baissant en avant. Car cet animal (a tendance) à baisser la tête et à la pencher (? κατωφερες)

[69]. Comment ilz declaroient les tenebres.
Pour escripre les tenebres ilz paignoient la cueue d’un Crocodile pource qu’il ne tue point la beste qu’il chasse jusques à ce qu’il l’a batu & lassee de sa cueue, en laquelle est toute sa force & puissance ; plusieurs aultres signes a le Crocodile, mais ceulx icy souffiront pour ce livre.

70. [Comment ils couvrent d’ombre l’obscurité.]
Quand ils veulent indiquer l’obscurité, ils peignent une queue de crocodile, parce que le crocodile, lorsqu’il s’empare d’un animal, ne fait rien pour l’abattre et le tuer avant de l’avoir rendu inoffensif en le frappant de sa queue. Car c’est dans cette partie du crocodile que réside sa force et sa vigueur. Bien qu’il existe encore d’autres symboles appropriés, empruntés à la nature des crocodiles, ceux qu’il nous a semblé bon de décrire dans ce premier traité peuvent déjà suffire.

[70]. Comment ilz signifient les moys.
S’ils veullent escripre le moys ilz paignoient la lune & dessoulz vingt & huit jours equinoctiaulx chascun jour de xxiiij heures & deux jours pour la conjonction quand la lune est aupres du soleil, qui sont le moys entier.

[Fin du premier livre de l’interprétation des signes hiéroglyphiques.]

Fin du premier volume.

DEUXIÈME LIVRE.

Dans ce deuxième traité je te donnerai une interprétation adéquate des autres (signes). J’ai jugé nécessaire d’y joindre ceux qui proviennent d’autres écrits et qui sont dépourvus d’explication.

En ce second livre je te donneray vraye raison du demourant & adjouxteray premierement ce qui n’a aucunement este explicque ny declare es autres livres.

1. [Ce qu’ils signifient quand ils dessinent un astre.]
Lorsque les Égyptiens dessinent un astre, ils signifient par là tantôt le dieu, tantôt le crépuscule, tantôt la nuit, tantôt le temps, tantôt l’âme d’un homme mâle.

[1]. Quelle chose ilz voulloient signifier quant ilz escripvoient une estoille.
Quant les Egyptiens mettoient une estoille ilz signifioient aucunesfoys dieu, autresfoys la nuict, autresfoys le temps ou l’ame d’un homme masle.

2. [Ce qu’ils signifient en dessinant le petit d’un aigle.]
Le petit d’un aigle signifie celui qui engendre des mâles et ce qui est rond, |de même aussi un phallus en érection| ou le sperme d’un homme.

[2.] Que signifie la petite aiglete ou le poulet de l’aigle.
Le poulet de l’aigle signifie celui qui engendre des masles, ou le cercle ou la semence de l’homme.

3. [Ce qu’ils signifient en traçant deux pieds réunis arrêtés en (pleine) marche.]
Deux pieds réunis arrêtés en (pleine) marche indiquent la course du soleil au solstice d’hiver.

[3]. Que signifioient les deux piedz de l’homme joinctz & fermes.
Les deux piedz pareilz & fermes signifioient le cours du soleil quant il commence à remonter en hyver.

4. [Ce qu’ils signifient en traçant le cœur humain suspendu à la trachée.]
Le cœur de l’homme suspendu à la trachée signifie la bouche d’un homme de bien.

[4]. Que signifie le cueur de l’homme pendu au gosier.
Le cueur de l’homme pendu au gosier signifie la bouche d’un homme de bien.

5. [Comment (ils représentent) le feu du combat.]
Pour représenter le feu du combat, ils peignent des mains d’homme, dont l’une tient le bouclier, l’autre la flèche.

[5.] Comment ilz signifioient la porte ou l’ouverture de la guerre.
Pour escripre la porte de la bouche de la guerre ilz paignoient les deulx mains de l’homme l’une tenant une armeure l’autre un arc.

6. [Ce qu’ils signifient en traçant un doigt.]
Le doigt représente l’estomac de l’homme.

[6]. Que c’est qu’ilz signifioient par le doigt.
Le doigt signifie l’estomac de l’homme.

7. [Ce qu’ils signifient en figurant les parties honteuses prises dans la main.]
Les parties honteuses prises dans la main représentent la tempérance de l’homme.

[7]. Que signifie le membre de l’homme couvert & serre de la main.
Le membre tenu & serre de la main signifie atrempance.

8. [Comment ils représentent la maladie.]
Les fleurs de l’anémone représentent la maladie de l’homme.

[8]. Comment ilz signifioient maladie.
La fleur appelle Anemone, c’est à dire pavot, signifie maladie.

9. [Comment ils représentent les lombes |ou la pause| chez l’homme.]
Voulant peindre les lombes ou la pause chez l’homme, nous dessinons l’épine dorsale ; car certains prétendent que la semence vient de là.

[9]. Comment ilz signifioient les entrailles de l’homme.
Pour signifier les entrailles ou l’estat & composition de l’homme ilz paignoient l’espine ou l’oz du doz pource qu’aucuns ont opinion que la semence de l’homme passe par icelluy.

10. [Comment ils représentent l’endurance et la sécurité.]
La représentation d’un os d’oryx signifie l’endurance et la sécurité, parce que l’os de cet animal résiste bien à la douleur.

[10]. Comment ilz denotoient seureté, fermeté ou perseverance.
Ilz paignoient ung os de la caille pource que l’oz de la caille n’est pas facilement altere & blesse.

11. [Comment ils représentent la concorde.]
Deux hommes se donnant la main droite représentent la concorde.

[11]. Comment ilz signifioient concorde.
Deux hommes en habit de dignite signifioient concorde.

12. [Comment ils représentent la foule.]
Un homme armé et tirant de l’arc représente la foule.

[12]. Comment ilz signifioient troubles.
L’homme arme tirant fleiches signifioit troubles.

13. [Comment ils représentent le mesurage.]
Le doigt de l’homme signifie le mesurage.

[13]. Comment ilz signifioient Mesure.
Le doigt de l’homme signifie mesure.

14. [Comment ils représentent une femme enceinte.]
Voulant représenter une femme enceinte, ils dessinent le disque du soleil, une étoile et un disque solaire coupé en deux.

[14]. Comment ilz escripvoient la femme fiancee, promise ou espousee.
Pour signifier la femme espousee ou fiancee ilz paignoient le cercle du soleil avec une estoille my partie avec le soleil.

15. [Comment ils représentent le vent.]
Un faucon volant dans les hauteurs |vers| le Levant signifie les vents ; d’une autre manière, un faucon étendant les ailes en l’air représente le vent, comme étant muni d’ailes.

[15]. Comment ilz signifioient le vent.
Ilz paignoient ung sacre ou faulcon montant & tirant vers le soleil levant, ce signifie vent. Autrement le faulcon estandant les aelles en l’air denote vent.

16. [Comment ils représentent le feu.]
La fumée montant vers le ciel représente le feu.

[16]. Comment ilz escripvoient le feu.
La fumee montant en l’air signifie le feu.

17. [Comment ils représentent l’œuvre.]
En traçant une corne de bœuf, on signifie l’œuvre.

[17]. La signification de l’œuvre.
Pour signifier l’œuvre ilz paignoient la corne d’une beste masle.

18. [Comment ils représentent l’expiation.]
En traçant une corne de vache, ils signifient l’expiation.

[18]. Comment ilz signifioient peine ou vengeance.
La corne d’une beste femelle signifie peine ou vengeance.

19. [Comment ils représentent l’impiété.]
Un protome avec un couteau représente l’impiété.

[19]. Comment ilz signifioient un homme mauvaiz, meschans & pervers.
Ung homme depuis le nombril figure avec une espee signifie mauvaitie.

20. [Comment ils représentent une (division de) temps.]
L’image d’un hippopotame représente une (division de) temps.

[20]. Comment ilz escripvoient l’heure.
Ilz paignoient ung hippopotame, c’est à dire cheval de fleuve ou riviere pour signifier l’heure.

21. [Comment ils représentent les choses qui durent longtemps.]
Le cerf renouvelle ses bois tous les ans ; aussi son image évoque-t-elle à l’esprit les choses qui durent longtemps.

[21]. Comment ilz signifioient long temps ou vivre longuement.
Ilz paignoient le cerf à qui tous les ans les cornes repullulent & renouvellent.

22. [Comment ils représentent l’aversion.]
Un loup ou un chien qui se détourne représente l’aversion.

[22]. Comment ilz signifioient destournement.
Un loup ou un chien destourne signifie destournement.

23. [Comment ils représentent un travail à venir.]
L’image d’une oreille signifie un travail à venir.

[23]. Comment ilz descripvoient l’euvre faicte ou future.
L’oreille paincte signifie l’ouvraige faict ou que l’on veult faire.

24. [Comment ils représentent un être nuisible ou un assassin.]
Une guêpe volant en l’air ou le sang du crocodile signifie un homme nuisible ou un assassin.

[24]. Comment ilz signifioient meurtre ou sang.
La mouche guespe du crocodile vollant signifie le sang nuysant d’icelluy ou occasion de meurtre.

25. [Comment ils représentent la mort subite.]
Le corbeau de nuit signifie la mort : car il assaille subitement les petits des corneilles pendant la nuit, de même que la mort survient subitement.

[25]. Comment ilz signifioient la mort.
La cheveche ou chahuant signifie la mort pource que de nuict elle assault les nidz & les petitz des autres oyseaulx soubdainement & au depourveu, ainsi faict la mort qui nous surprent alors que nous ne pensons point en elle.

26. [Comment ils représentent l’amour, |l’air, le fils.|]
Le filet figure l’amour, comme étant la chasse à la mort ; [l’aile] figure l’air, et [l’œuf] figure le fils.

[26]. Comment ilz signifioient amour.
Les lacz ou lacetz que les tend pour prendre les oyseaulx ou aultres bestes signifioient amour.

27. [Comment ils représentent l’ancienneté.]
Des paroles et des feuilles, ou bien un livre scellé représentent l’ancienneté.

[27]. Comment ilz signifioient une chose tresancienne.
Le contenu des livres & les fueillez ensemble iceulx livres cloz & scellez signifioient les choses tresanciennes.

28. [Comment ils représentent le siège d’une ville.]
L’échelle (représente) le siège d’une ville, à cause de l’irrégularité.

[28]. Comment ilz signifioient le siege ou l’oppugnation d’une ville.
Ilz paignoient une eschelle appuye & encline.

29. [Comment ils représentent la Muse, l’infini ou le destin.]
Sept lettres encadrées de deux doigts figurent la Muse, l’infini, ou le destin.

[29]. Comment ilz signifioient ung homme peu expert ou la nuict ou la deesse fatalle.
Sept elemens ou lettres contenues en deux doigtz signifioient l’homme sans experience ou la nuict ou la deesse fatalle.

30. [|Comment ils représentent onze| lignes égales.]
Une ligne droite accompagnée d’une ligne recourbée signifie lignes égales.

[30]. Que signifie une ligne mise & faicte sur une autre.
Une ligne droicte faicte sur une aultre en travers signifioit dix lignes plaines.

31. [Ce qu’ils représentent en dessinant l’hirondelle.]
Voulant signifier l’ensemble du patrimoine laissé aux fils, ils peignent une hirondelle : car, lorsque elle va mourir, celle-ci se roule dans la boue et construit un nid pour (ses) petits.

[31]. Quelle chose ilz signifioient quant ilz paignoient l’arondelle.
Quant ilz vouloient signifier ung grant patrimoine ou heritaige laisse par le pere à ses enfans, ilz paignoient l’arondelle pource que en faisant le nid de ses petitz elle se plonge en la fange où elle meurt.

32. [Ce qu’ils représentent en dessinant une colombe noire.]
Voulant signifier une femme qui reste veuve jusqu’à sa mort, ils peignent une colombe noire : car celle-ci ne s’unit à aucun autre mâle jusqu’à ce qu’elle soit devenue veuve.

[32]. Que signifie la columbe noire.
Voullans signifier une femme vesve ou son vesvage jusques à la mort ilz paignoient la columbe noire pource que apres la mort de son masle elle ne se mesle plus avec aultre.

33. [Ce qu’ils signifient en dessinant un ichneumon.]
Voulant représenter un homme faible et qui ne peut se tirer d’affaire par lui-même, mais (qui doit recourir) à l’aide des autres, ils peignent un ichneumon : car, lorsqu’il voit un serpent, l’ichneumon ne l’attaque pas immédiatement, mais il se porte seulement à la rencontre du serpent après avoir, par ses cris, appelé les autres au secours.

[33]. Ce qu’ilz signifioient par la beste appellee Ichneumon.
Voullans signifier ung homme foible, debile & impotent & qui ne peut de luy mesmes s’aider, mais a besoing de l’aide d’autruy, ilz paignoient Ichneumon pource que quant ceste beste veoit le serpent qui est son ennemy elle ne l’assault pas incontinent mais en appelle d’autres de son espece pour luy ayder.

34. [Ce qu’ils représentent en dessinant l’hiéroglyphe de l’origan.]
Voulant signifier l’absence de fourmis, ils tracent l’hiéroglyphe de l’origan ; car celui-ci, déposé à l’endroit d’où sortent les fourmis, fait qu’elles quittent (les lieux).

[34]. Quelle chose ilz signifioient par l’herbe dicte Origan.
Quant ilz vouloient signifier qu’il n’est point de formiz ilz paignoient l’origan pource que se partent du lieu où ceste herbe est semee.

35. [Ce qu’ils signifient en dessinant un scorpion ou un crocodile.]
Voulant signifier un ennemi aux prises avec un autre (homme) de même (force), ils peignent un scorpion et un crocodile : car chacun (de ces animaux) tue l’autre. S’ils (veulent) signifier l’adversaire et celui qui tue l’autre, ils peignent (seulement) un crocodile ou un scorpion. Mais s’ils (veulent désigner) celui qui tue rapidement, ils peignent un crocodile, tandis que (pour désigner) celui qui tue lentement, (ils peignent) un scorpion, parce que celui-ci se meurt lentement.

[35]. Ce qu’ilz signifioient par le crocodile & le scorpion.
Quant ilz voulloient signifier ung ennemy assailly par l’autre ilz paignoient le Crocodile & le Scorpion pource que l’un tue l’autre & quant ilz voulloient signifier lequel a vaincu ilz paignent le Crocodile ou le Scorpion, s’il a vaincu tost ilz metoient le Crocodile, s’il a vaincu tard il metoient le Scorpion pource qu’il se meult lentement.

36. [Ce qu’ils signifient en dessinant une belette.]
Voulant signifier une femme qui accomplit les travaux de l’homme, ils peignent une belette ; car celle-ci a les parties sexuelles du mâle, de la forme d’un petit os.

[36]. Quelle chose ilz signifioient par la Mustele.
Quant ilz voulloient signifier la femme faisant les œuvres d’homme ilz paignoient la mustelle pource que celle beste à la marque du masle en forme d’un petit os.

37. [Ce qu’ils signifient en dessinant un porc.]
Lorsqu’ils veulent signifier un homme corrompu, ils peignent un porc, parce que le porc a une nature de cette sorte.

[37]. Ce qu’ilz denotent par le porceau.
Pour signifier ung homme pernicieux ilz paignoient ung porceau car il est de pernicieuse nature.

38. [Comment ils représentent une colère outrée.]
S’ils (veulent représenter) une colère outrée, telle que celui qui s’est mis en rage en attrape la fièvre, ils dessinent un lion qui déchire ses propres lionceaux : (ils dessinent) un lion, parce qu’il s’agit de colère, et des lionceaux désossés, parce que les os des lionceaux, lorsqu’on les frappe (les uns contre les autres), font sortir du feu.

[38]. Comment ilz signifioient ire immoderee.
Quant ilz vouloient escripre Ire tant demesuree qu’elle donne & cause la fiebvre à celluy qui se courrouce, ilz paignoient ung lyon battant ses petitz lyonceaux de sa queue, le lyon paignoient ilz pour sa fureur & les petits lyonceaux pour ce que leurs oz hurtez l’un contre l’autre rendent feu.

39. [Comment ils représentent un vieillard qui s’adonne à la musique.]
Voulant signifier un vieillard qui s’adonne à la musique, ils peignent un cygne : car celui-ci chante ses plus douces mélodies quand il devient vieux.

[39]. Comment ilz signifioient ung viel musicien.
Quant ilz voulloient signifier ung viel musicien ilz paignoient ung cigne pource que c’est ung oyseau de telle nature que tant plus ilz vieillit tant mieulx il chante.

40. [Comment ils représentent un homme ayant commerce avec sa femme.]
Quand ils veulent signifier un homme s’unissant charnellement avec sa femme, ils dessinent deux corneilles : car celles-ci s’unissent comme le fait l’homme, suivant (l’ordre de) la nature.

[40]. Comment ilz signifioient ung homme assemble à sa femme.
Voullans signifier l’homme assemble à la femme ilz paignoient deux corneilles pource quelles parient & se couplent comme l’homme s’assemble à la femme.

41. [Ce qu’ils représentent en dessinant un scarabée aveugle.]
Voulant signifier un homme atteint de fièvre par l’action des rayons solaires et qui meurt de cela, ils dessinent un scarabée aveugle car celui-ci meurt lorsqu’il a été aveuglé parle soleil.

[41]. Ce qu’ilz signifioient par l’escarbot ou canthare aveugle.
Quant ilz voulloient escripre ung homme surprins des raiz ou challeur du soleil & sui en est mort, ilz paignoient le scarbot ou canthare aveugle, car ceste beste meurt aveuglee des raiz du soleil.

42. [Ce qu’ils représentent en dessinant une mule.]
Voulant signifier une femme stérile, ils dessinent une mule celle-ci est stérile pour ce motif que sa matrice n’est pas droite.

[42]. Que c’est qu’il signifioient quant ilz paignoient une mulle.
Pour signifier une femme seule ilz paignoient une mulle, est seule pource qu’elle a la matrice de travers.

43. [Comment ils représentent une femme qui a donné naissance à une descendance féminine.]
Voulant signifier une femme qui a d’abord donné naissance à une descendance féminine, ils peignent un taureau qui se tourne vers la gauche ; mais si c’est une descendance mâle, ils peignent un taureau se tournant vers la droite ; car si, en descendant de l’accouplement, le taureau marche vers la gauche, il indique que c’est une femelle qui a été engendrée ; mais s’il descend de l’accouplement (en se dirigeant) vers la droite, c’est un mâle qui a été produit.

[43]. Comment ilz signifioient la femme qui enfante une fille.
Pour signifier la femme qui ait enfante une fille ilz paignoient ung toreau regardant & tourne devers le couste gauche ou senestre. Mais s’ilz vouloient escripre que la femme est accouchee d’un enfant masle ilz paignoient le toreau regardant au coste droit, car si le toreau apres avoir sailly la vache se remect en terre du coste gauche cela est signe quel a engendre une femelle & au contraire s’il se remect du coste droict ce sera un masle.

44. [Comment ils représentent des guêpes.]
Voulant signifier les guêpes, ils peignent un cheval mort : car beaucoup de guêpes sont engendrées par le cadavre de celui-ci.

[44]. Quant ilz signifioient les guespes.
Pour signifier les guespes ou grosses mouches ilz paignoient un cheval mort pource que de la charogne d’un cheval mort les guespes s’engendrent.

45. [Comment ils représentent une femme qui avorte.]
Voulant signifier une femme qui avorte, ils peignent une jument qui foule un loup aux pieds : car la jument avorte non seulement en foulant le loup aux pieds, mais elle avorte aussi d’une manière instantanée rien qu’en marchant sur la trace du loup.

[45]. Comment ilz signifioient une femme qui a avorte ou enfante devant le temps.
Quant ilz voulloient signifier une femme accouchee devant son terme ilz paignoient une jument foullant au piedx le loup pource que si la Jument preigne frappe de son pied le loup elle avorte incontinent & pareillement si elle marche sur le pas du loup.

46. [Comment ils représentent un homme qui se soigne lui-même suivant (les indications d’)un oracle.]
Voulant signifier un homme qui se soigne lui-même suivant (les indications d’) un oracle, ils peignent une colombe tenant une feuille de laurier : car celle-ci, lorsque elle est souffrante, place dans son nid une feuille de laurier et guérit.

[46]. Comment ilz paignoient ung homme qui se guerit soy mesmes, enseigne par les dieux.
Voullans signifier l’homme qui par le conseil & enseignement des dieux se guerit luy mesmes ilz paignoient une pie tenant une fueillu de laurier en son bec, pource que la pie quant elle est malade elle apporte une fueille de laurier en son nid & guerit.

47. [Comment ils représentent une multitude de cousins.]
Voulant dépeindre une multitude de cousins qui se rassemblent, ils dessinent des vers : car c’est de ceux-ci que naissent les cousins.

[47]. Comment ilz signifioient plusieurs petites mouches bruyans que l’on appelle mouchailles ou cosins.
Pour signifier les mouchailles bruyans ilz paignoient des vers de terre pource que deulx s’engendrent les mouchailles.

48. [Comment ils représentent un homme qui n’a pas de bile, mais qui la reçoit de quelqu’un d’autre.]
Voulant dessiner un homme qui n’a pas de bile de par lui-même, mais qui la reçoit d’un autre, ils peignent une colombe ayant l’arrière-train relevé : car c’est dans cette (partie du corps) qu’elle a la bile.

[48]. Comment ilz signifioient l’homme qui de soy n’est colere mais est esmeu par autry.
Quant ilz voulloient signifier l’homme qui de soy mesmes n’est colere mais est esmeu & incite par autre ilz paignoient la columbe ayant le ventre leve en hault pource qu’elle a le fiel en ces parties.

49. [Comment ils représentent un homme habitant en sécurité dans une ville.]
Voulant signifier un homme qui habite en sécurité dans une ville, ils peignent un aigle qui porte une pierre : car celui-ci emporte une pierre de la mer ou de la terre (ferme), et la dépose dans son propre nid, pour demeurer en sûreté.

[49]. Comment ilz signifioient l’homme habitant & demourant seurement en la cite.
Pour signifier l’homme seurement demourant en la cite ilz paignoient une aigle portant une pierre pource que l’aigle va prendre une pierre en la mer ou en la terre & la porte en son nid pour l’asseurer & tenir ferme.

50. [Comment ils représentent un homme débile qui est poursuivi par un autre.]
Voulant signifier un homme débile et qui est poursuivi par quelqu’un de plus fort, ils peignent une outarde et un cheval : car cet (oiseau) s’envole quand il voit un cheval.

[50]. Comment ilz signifioient l’homme debile & foible poursuivy par aultre.
S’il veulent signifier l’homme foible & debile poursuivy par ung aultre plus puissant, ilz paignoient ung cheval & ung oyseau appelle Otide, pource que ledict oyseau s’envole incontinent qu’il veoit le cheval.

51. [Comment ils représentent un homme qui fuit auprès de son propre patron et qui n’est pas aidé.]
Voulant signifier un homme qui fuit auprès de son propre patron et qui n’est pas aidé, ils peignent un moineau et une chouette : car, lorsque le moineau est poursuivi par les oiseleurs, il se réfugie auprès de la chouette et, quand il est auprès d’elle, il est dans une situation désespérée.

[51]. Comment ilz signifioient l’homme recourant devers son propre protecteur & qui n’est point aide de luy.
Voullant signifier l’homme refuyant à son protecteur & qui n’est point aide par luy, ilz paignoient le passereau & la cheveche, pource que le passereau fuyant l’oyseleur & se retirant à la cheveche & est travaille par elle.

52. [Comment ils représentent un homme faible et agissant avec témérité.]
Voulant signifier un homme faible et agissant avec témérité, ils peignent une chauve-souris : car celle-ci vole, bien que n’ayant pas de plumes.

[52]. Comment ilz signifioient l’homme foible qui toutesfoys s’enfuict & eschappe, ou qui est foible & neantmoins est rebelle, temeraire & injurieux.
Quant ilz voulloient signifier l’homme foible & qui neantmoins s’enfuyt & tasche d’eschapper, ilz paignoient la chauvesoriz pource que combien qu’elle soit sans plume, toutesfoys elle volle.

53. [Comment ils représentent une femme qui allaite et élève bien.]
Voulant dépeindre une femme qui allaite et élève bien, ils peignent également une chauve-souris, (mais) pourvue de dents et de seins car, seule de tous les volatiles, elle est pourvue de dents et de seins.

[53]. Comment ilz signifioient une femme allaictant & bonne nourrice.
Pour signifier une femme allaictant & bien nourissant ilz paignoient une tourterelle car elle seulle entre les volatiles a dens & mamelles.

54. [Comment ils représentent un homme qui est séduit par la danse.]
Voulant signifier un homme qui est séduit par la danse et par le son de la flûte, ils peignent une tourterelle : car celle-ci se laisse prendre au (son de) la flûte et par la danse.

[54]. Comment ilz signifioient l’homme qui se delecte en dances & sons d’instrumens.
S’ilz voulloient signifier l’homme qui prent plaisir aux dances & à son d’instrumens, ilz paignoient une tourterelle pource que cest oyseau se laisse prendre au son des instrumens & en regardant ceulx qui saultent & dancent.

55. [Comment ils représentent un homme initié aux mystères.]
Voulant signifier un homme initié aux mystères et l’initiateur aux rites, ils peignent une cigale : car celle-ci n’émet aucun son par la bouche, mais, faisant passer la voix par l’échine, elle profère un beau chant.

[55]. Comment ilz signifioient l’homme mystique, c’est à dire traictant & sachant les secretz & ceremonies des choses sainctes.
Pour declarer & escripre l’homme mystique & ayant charge des ceremonies & choses sainctes ilz paignoient une Cigalle pource qu’elle ne rend pas le chant par la bouche, mais jectant ce son par ses espaulles rend une chanson.

56. [Comment ils représentent un roi qui vit solitaire et qui n’a pas de commisération en cas de malheur.]
Voulant signifier un roi qui vit solitaire et qui n’a pas de commisération en cas de malheur, ils peignent un aigle : car celui-ci fait son nid dans les lieux déserts et vole plus haut que tous les (autres) volatiles.

[56]. Comment ilz signifioient le Roy solitaire & qui ne pardonne point aux malfaicteurs.
Quant ilz voulloient escripre ung Roy solitaire & qui ne pardonne point les malfaictz ilz paignoient l’aigle pource qu’elle faict son nid es lieux solitaires & devers & volle plus hault que les aultres oyseaux.

57. [Comment ils représentent un renouvellement qui se produit après un long temps.]
Voulant signifier un renouvellement qui se produit après un long temps, ils peignent l’oiseau (appelé) phénix : car, lorsque celui-ci vient à naître, il se produit un rétablissement de toute chose. Voici de quelle manière il naît : lorsque le phénix va mourir, il se jette sur la terre, de façon que le choc ouvre une blessure ; du liquide qui coule de cette blessure naît un autre (phénix) qui, dès qu’il attrape des ailes, part avec son père pour Héliopolis d’Égypte ; arrivé là, (le vieux phénix) meurt au moment où le soleil se lève. Après que son père est mort, le jeune (phénix) retourne de nouveau dans sa propre patrie, tandis que les prêtres d’Égypte ensevelissent le phénix qui est mort.

[57]. Comment ilz signifioient la restauration annuelle & durable des choses.
Pour signifier la restauration annuelle des choses ilz paignoient le phenix pource que quant le phenix naift toutes choses se renouvellent & naist en ceste maniere. Quand le temps de mourir est venu au phenix il se jecte de hault contre la terre si impetueusement qui se faict une playe & du sang qui en sort s’engendre ung autre phenix, lequel quant les plumes luy sont venues va avec son pere en la ville de Egypte appelle Heliopolis, où son dit pere au lever du soleil meurt ; apres sa mort le nouveau phenix retourne en son pays, est enterre par les prebstres de Egypte.

58. [Comment ils représentent celui qui aime son père.]
Voulant signifier celui qui aime son père, ils peignent une cigogne : car quand les auteurs de ses jours ont fini de l’élever, il ne se sépare pas de ses parents, mais il demeure avec eux jusque dans l’extrême vieillesse et leur prodigue ses soins.

[58]. Comment ilz signifioient l’enffant aymant son pere.
Pour signifier l’enfant qui ayme son pere ilz mectoient la cigogne pource que apres qu’elle a este nourrie de ses pere & mere elle ne les habandonne point mais demeure avec eulx jusques à l’extreme viellesse & les sert & nourrit.

59. [Comment ils représentent une femme qui hait son mari.]
Voulant signifier une femme qui hait son mari et attente à sa vie, ne le flattant qu’en vue de l’union charnelle, ils peignent une vipère car lorsque celle-ci s’unit au mâle, elle enfonce sa bouche dans (la) bouche (du mâle) et, lorsqu’ils se séparent, elle mord la tête du mâle et le tue.

[59]. Comment ilz signifioient la femme hayssant son mary.
Voullans signifier la femme qui hayt son mary & cherche les moyens de le faire mourir en le flattant quand ilz sont en leur prive & secretz, ilz paignoient la coleuvre ou serpent appellee vipere pource que quant les viperes se meslent pour engendrer, le masle mect sa teste dedens la gorge de la femelle apres que ladicte femelle a conceu elle serre la teste du masle & le tue.

60. [Comment ils représentent des enfants qui attentent à (la vie de) leur mère.]
Voulant signifier des enfants qui attentent à (la vie de) leur mère, ils peignent une vipère ; car celle-ci n’est pas conçue |dans la terre,| mais elle sort du ventre de la mère après l’avoir dévoré.

[60]. Comment ilz signifioient les enfans espians leur mere pour luy nuyre.
Quant ilz voulloient signifier les enfans qui espient leur mere pour la faire mourir ilz paignoient une coleuvre appellee vipere pource que elle ne produict pas ses petitz par le lieu naturel comme les aultres bestes, mais quant leur temps de naistre est venu, ilz rompent le ventre de leur mere & sortent.

61. [Comment ils représentent un homme outragé par de fausses accusations et qui (en) est malade.]
Voulant signifier un homme outragé par de fausses accusations et qui en est devenu malade, ils peignent un basilic : car celui-ci tue ceux qui s’approchent de son souffle.

[61]. Comment ilz signifioient ung homme leudange d’accusations & opprime d’oultrages & pource languissant.
Voulans signifier l’homme moleste d’accusations & oultraiges & pource languissant ilz paignoient ung serpent appelle Basilisque pource que de son seul siffler il occit les autres bestes qui luy approchent.

62 a. [Comment ils représentent un homme qui |n’| est |pas| brûlé par le feu.]
Voulant signifier un homme qui |n’|est |pas| brûlé par le feu, ils peignent une salamandre ; car celle-ci |éteint toute flamme|.

[62]. Comment ilz signifioient ung homme brusle du feu.
Pour signifier ung homme brusle du feu ilz paignoient une salemandre pource que chascune teste elle occit.

62b. […………... ]
……………….... massacre avec (ses) deux têtes.

63. [Comment ils représentent un homme aveugle.]
Voulant signifier un homme aveugle, ils peignent une taupe : car celle-ci est dépourvue d’yeux et ne voit pas.

[63]. Comment ilz signifioient ung homme aveugle.
Quant ilz voulloient escripre ung homme aveugle ilz paignoient une taulpe pource que ceste beste n’a aucuns yeux & ne veoit goutte.

64. [Comment ils représentent un homme qui ne sort pas de chez lui.]
Voulant signifier un homme qui ne sort pas de chez lui, ils peignent une fourmi et les ailes (plumes ?) d’une chauve-souris ; car lorsque (la chauve-souris) a mis ses ailes (plumes ?) sur le nid des fourmis, aucune de celles-ci ne sort plus.

[64]. Comment ilz signifioient l’homme habitant hors de sa maison.
Pour signifier l’homme habitant hors de sa maison ilz paignoient une formy & l’aelle d’une chauvesoriz pource que la formy n’entre jamaiz en lieu où elle trouve l’aelle de chauvesoriz.

65. [Comment ils représentent un homme qui se fait du tort en se mutilant lui-même.]
Voulant signifier un homme qui se fait du tort en se mutilant lui-même, ils peignent un castor : car celui-ci, poursuivi (par les chasseurs), arrache ses propres testicules et les abandonne comme une proie.

[65]. Comment ilz signifioient l’homme qui a soy mesmes faict dommage.
Pour signifier l’homme qui a soymesmes faict dommage ilz paignoient une beste appellee castor pource que estant chasse il arrache ses genitoires & les laisse aux veneurs qui le suyvent.

66. [Comment ils représentent un homme qui lègue ses biens à un fils qu’il déteste.]
Voulant signifier un homme qui lègue ses biens à un fils qu’il déteste, ils peignent un singe ayant derrière lui un autre petit singe car (le singe) met au monde deux (petits) singes dont il aime tendrement l’un et déteste l’autre ; il porte devant lui celui qu’il aime et le tue, mais il porte sur le dos celui qu’il déteste et l’élève.

[66]. Comment ilz denotoient le pere lequel contre son gre & volunte laisse son heritage à ses enfans.
Pour signifier le pere qui laisse son heritage à celluy de ses enfans qu’il hait le plus ilz paignoient la Singesse avec un petit Singe apres elle, pource que à chascune foys que la singesse porte, elle faict deux petitz Singes desquelz elle ayme l’un & hait l’autre. Et porte tant celuy qu’elle ayme à sa gorge qu’elle le tue & l’autre luy demeure, dont elle est contraincte de le nourrir.

67. [Comment ils représentent un homme qui cache ses propres défauts.]
Voulant signifier un homme qui cache ses propres défauts, ils peignent un singe qui urine : car celui-ci, lorsqu’il a fait ses besoins, cache sa propre urine.

[67]. Comment ilz signifioient ung homme qui cele & cache ses faultes & deffaulx.
Quant ilz voulloient signifier l’homme celant ses faultes ou deffaulx il paignoient aussi la singesse pource que quant elle faict de l’urine elle la cache.

68. [Comment ils représentent quelqu’un qui a l’ouïe très fine.]
Voulant signifier quelqu’un qui a l’ouïe très fine, ils peignent une chèvre ; car celle-ci respire par les narines et par les oreilles.

[68]. Comment ilz signifioient ung homme qui a l’ouyr bon & agu.
Pour signifier ung homme clair ouyant […] pour ce que la chevre n’a seullement & respiration par la gorge & par les naseaulx, mais aussi par les oreilles.

69. [Comment ils représentent quelqu’un d’instable.]
Voulant signifier quelqu’un d’instable et qui ne peut demeurer dans le même (état d’esprit), mais qui est tantôt fort, tantôt faible, ils peignent une hyène : car celle-ci est tantôt mâle, tantôt femelle.

[69]. Comment ilz signifioient ung homme muable & qui ne persevere pas en une sorte & estat.
Pour signifier l’homme instable inconstant & qui ne persevere point en ung estat, mais est aucunesfoys fort & hardy, autresfoys foible & paoureux, ilz paignoient la beste appelle hyene pource qu’elle est une foys masle, l’autre femelle.

70. [Comment ils représentent un homme vaincu par ceux qui lui sont inférieurs.]
Voulant signifier un homme vaincu par ceux qui lui sont inférieurs, ils peignent deux peaux, l’une d’hyène, l’autre de léopard ; car si l’on met ces deux peaux ensemble, celle du léopard perd ses poils, mais l’autre pas.

[70]. Comment ilz signifioient le superieur vaincu par l’inferieur.
Pour signifier le superieur vaincu par le monde & inferieur, ilz paignoient deux peaulx, l’une de hyene & l’autre de pard, pource que si l’on met ces deux peaulx ensemble, celle du pard perd son poil l’autre non.

71. [Comment ils représentent un homme qui l’emporte sur son ennemi.]
Voulant représenter un homme qui l’emporte sur son ennemi, ils peignent une hyène qui se tourne vers la droite, mais s’il est vaincu, ils la dessinent au contraire tournée vers la gauche : car lorsque, étant poursuivie, l’hyène tourne vers la droite, elle provoque la mort de celui qui la pourchasse ; mais lorsque (elle prend) à gauche, elle est tuée par celui-ci.

[71]. Comment ilz signifioient l’homme vaincant & surmontant son ennemy.
Voullans signifier l’homme qui a vaincu son ennemy ilz paignoient la hyene tourne au couste dextre & s’ilz voulloient signifier qu’il a ete vaincu de son ennemy, ilz la paignoient tournee au couste gauche, pource que la hyene quand elle est chassee & poursuyvie, si elle retourne du couste droit elle tue celluy qui la chasse & poursuit, mais si elle se tourne devers le couste gauche elle est prise & tuee.

72. [Comment ils représentent l’homme qui surmonte sans crainte les malheurs qui l’accablent.]
Voulant représenter un homme qui surmonte sans crainte et jusqu’à la mort les malheurs qui l’accablent, ils peignent une peau d’hyène ; car si quelqu’un se couvre de cette peau et s’engage parmi un certain nombre d’ennemis, il ne sera molesté par personne, mais passera sans crainte.

[72]. Comment ilz signifioient ung homme lequel porte & soubstient les inconveniens & empeschemens qui luy surviennent sans s’estonner & avoir paour.
Ilz signifioient l’homme qui entre les grans difficultez, empeschemens & contraires, demeure sans paour jusques à la fin & à la mort par la peau de la hyene, pource que si aucun se ceint de la peau de la hyenne ou la mect autour de luy, puis aille entre ses ennemys, ilz ne luy pourront nuyre & passera entre eulx hardiment & sans crainte.

73. [Comment ils représentent un homme qui est contraint de composer avec ses ennemis.]
Voulant signifier un homme qui est contraint de composer avec ses ennemis et qui se délivre à peu de frais de leurs mains, ils peignent un loup qui a sacrifié l’extrémité de sa queue : car celui-ci, lorsqu’il va être capturé, abandonne les poils de l’extrémité de (sa) queue.

[73]. Comment ilz signifioient celluy qui previent & anticipe son ennemy.
Pour signifier l’homme qui previent ses ennemys & qui se delivre d’eulx à peu de dommage, ilz paignoient un loup ayant le bout de la cueue coupee, pource que quant le loup cognoit que l’on le veult chasser & poursuivre, il s’arrache le poil & le bout de la cueue.

74. [Comment ils représentent un homme qui craint les dangers qui peuvent lui venir de l’inconnu.]
Voulant signifier un homme qui craint les dangers qui peuvent lui venir de l’inconnu, ils peignent un loup et une pierre ; car (le loup) ne craint ni le fer ni le bâton, mais seulement la pierre. En effet, si quelqu’un lui lance une pierre, il le trouvera frappé de stupeur et, à l’endroit où le loup a été atteint par la pierre, il a des vers qui lui sortent de la plaie.

[74]. Comment ilz signifioient l’homme craignant les perilz qui luy sont incongeuz.
Voullans signifier ung homme craignant les perilz qui luy sont incongeuz & ne se peuvent preveoir, ilz paignoient ung loup & une pierre, pource que le loup ne craint ne baston mais seullement les pierres & si quelqu’un luy jecte une pierre, il le trouvera vray par experience, car si le loup est blesse d’une pierre les vers naissent & s’engendrent en la playe.

75. [Comment ils représentent un homme en colère ramené à la raison par le feu.]
Voulant représenter un homme en colère ramené à la raison par le feu, ils peignent des lions et des flambeaux ; car le lion ne craint rien tant que des flambeaux allumés et rien ne les vaut pour le dompter.

[75]. Comment ilz signifioient ung homme chastie par feu.
Pour signifier l’homme corrige par feu ilz paignoient ung lyon & des torches ou flambeaulx pource que le lyon ne craint riens tant que les torches & flambeaux allumez & n’y a riens qui mieulx le dompte.

76. [Comment ils représentent un homme pris de fièvre et se guérissant lui-même.]
Voulant représenter un homme pris de fièvre et se guérissant lui-même, ils peignent un lion qui mange un singe : car quand (le lion) a la fièvre, il se guérit en mangeant du singe.

[76]. Comment ilz signifioient ung homme ayant la fiebvre & luy mesmes se guerissant.
Quant ilz voulloient signifier ung homme malade de la fiebvre & luy mesmes se guerissant ilz paignoient le lyon mengeant ung singe, pource que quant le lyon à la fiebvre s’il trouve ung singe il le menge & guerit.

77. [Comment ils représentent un homme revenant enfin à la raison après avoir mené une vie dissolue.]
Voulant représenter un homme qui revient enfin à la raison après avoir mené auparavant une vie dissolue, ils peignent un taureau ceint de figuier sauvage : car, lorsqu’il est en chaleur, on le lie à un figuier sauvage et il se calme.

[77]. Comment ilz signifioient ung homme chastie par les calamitez & dommages à luy nagueres & dernierement survenuz.
Quant ilz voulloient escripre ung homme chastie par les adversitez qui luy sont dernierement survenues, ilz paignoient ung toreau lye à ung figuier sauvage, pource que le toreau quant il brait, s’il est lye d’une branche de figuier sauvage, il est rendu doulx & paisible.

78. [Comment ils représentent un homme qui se laisse facilement détourner de la tempérance.]
Voulant signifier un homme dont la tempérance est facilement sujette à revirements et peu constante, ils peignent un taureau lié par le genou droit : car, si on lui attache une entrave au genou droit, on le trouvera docile. On choisit toujours le taureau comme symbole de la. tempérance parce qu’il ne s’accouple jamais avec la femelle après que celle-ci a conçu.

[78]. Comment ilz signifioient l’homme de muable attrempance & incertaine.
Pour signifier l’homme qui a l’atrempance muable & non point ferme, paignoient ung toreau attache par le droict genoil, car si on lye le toreau par le genoil dextre ou la joincte du pied il sera obeissant. Aussi le toreau est tousjours prins pour attrempance pource qu’il ne se couple jamais à la vache après qu’elle a conceu.

79. [Comment ils représentent un homme qui fait périr les moutons et les chèvres.]
Voulant signifier un homme qui fait périr les moutons et les chèvres, ils peignent ces mêmes animaux occupés à manger de la conyse : car lorsque ceux-ci mangent de la conyse, ils meurent accablés de soif.

[79]. Comment ilz signifioient l’homme à qui les chevres & brebis sont peries.
Voulans signifier l’homme qui a perdu chevres & brebis, ilz paignoient ces bestes mengeans une herbe appellee Conize pource que quant les brebiz ou les chevres mengent de celle herbe elles meurent esprises de soif.

80. [Comment ils représentent un homme qui mange.]
Voulant signifier un homme qui mange, ils peignent un crocodile la gueule ouverte : car celui-ci, |gardant (la gueule) béante pendant le sommeil, a les dents chargées d’aliments|.

[80]. Comment ilz signifioient l’homme qui menge.
Pour signifier l’homme qui menge ilz paignoient le Crocodile ayant la guelle ouverte.

81. [Comment ils signifient un homme |rapace et| inerte.]
Voulant signifier un homme rapace |et| inerte, ils peignent un crocodile qui porte sur la tête une plume d’ibis : car si l’on touche (le crocodile) d’une plume d’ibis, on constate qu’il reste immobile.

[81]. Comment ilz signifioient ung homme ravissant pareisseux & inutile.
Quant ilz voulloient escripre ung homme ravissant & inutile ou parresseulx, ilz paignoient le Crocodile ayant sur la teste la plume d’une cigoigne, car si le Crocodile est touche de la plume de la cigoigne il ne se peult remuer.

82. [Comment ils signifient une femme qui (n’)a enfanté (qu’)une fois.]
Voulant signifier une femme qui (n’)a enfanté (qu’)une fois, ils peignent une lionne : car celle-ci n’est pas fécondée deux fois.

[82]. Comment ilz signifioient la femme qui n’est accouchee que une foys.
Quant ilz voulloient signifier une femme qui n’est acouchee que une foys ilz paignoient la lyonne pource qu’elle ne porte sinon que une seulle foys.

83. [Comment ils représentent un homme qui à sa naissance est d’abord difforme.]
Voulant signifier un homme qui au moment de sa naissance est d’abord difforme, mais qui dans la suite devient beau, ils peignent une ourse pleine : car celle-ci produit (d’abord) un sang épais et caillé ; mais par la suite, lorsque ce sang a été réchauffé dans ses cuisses, elle le façonne et l’amène à perfection en le léchant.

[83]. Comment ilz paignoient ung homme qui est ne laid & difforme.
Quand ilz voulloient signifier ung homme laid de nature & puis devenu beau, ilz paignoient une ourse preigne, pource que l’ourse faict premierement comme du sang caille & dur, puis elle le couve tant qu’il prend forme de membres, apres le leichant de la langue luy donne perfection.

84. [Comment ils représentent un homme fort et flairant ce qui (lui) est utile.]
Voulant signifier un homme fort et qui flairant ce qui (lui) est utile, ils peignent un éléphant muni de sa trompe : car l’éléphant flaire au moyen de sa trompe et s’empare de ce qui s’offre à lui.

[84]. Comment ilz paignoient ung homme fort & constant, prevoyant & cherchant ce qui luy est utile & proufitable.
Pour denoter ung homme fort & constant & qui preveoit & quiert les choses qui lui sont utiles & proufitables, ilz paignoient ung elephant avec son museau appelle proboscide pource que icellut il sent & en prent & garde ce qu’il peut avoir.

85. [Comment ils représentent un roi qui fuit la folie et l’imprudence.]
Voulant signifier un roi qui fuit la folie et l’imprudence, ils peignent un éléphant et un bélier : car l’éléphant fuit quand il aperçoit un bélier.

[85]. Comment ilz paignient ung Roy fuyant follie & imprudence.
Quant ilz voulloient escripre ung Roy fuyant la folie & imprudence ilz paignoient ung cerf & ung mouton, pource que le cerf fuict incontinent qu’il veoit le mouton.

86. [Comment ils représentent un roi qui fuit l’homme bavard.]
Voulant signifier un roi qui fuit l’homme bavard, il peignent un éléphant avec un porc : car l’éléphant fuit lorsqu’il entend le grognement du porc.

[86]. Comment ilz signifioient le Roy fuyant les menteurs & bailleurs de bourdes.
Pour signifier ung Roy fuyant les menteurs & donneurs de bourdes ilz paignoient l’elephant & le pourceau, pource que incontinent que l’elephant oyt la voix du pourceau il s’enfuyt.

87. [Comment ils représentent un homme dont les mouvements sont rapides, mais qui se meut d’une manière inconsidérée et irréfléchie.]
Voulant signifier un homme dont les mouvements sont rapides, mais qui se meut d’une manière inconsidérée et irréfléchie, ils peignent une biche et une vipère : car (la biche) fuit lorsque elle aperçoit la vipère.

[87]. Comment ilz signifioient l’homme legier & hastif à se mouvoir, mais se mouvant inconsiderement & sans raison.
Voullans signifier l’homme legier & hastif à se mouvoir, mais sans cause & inconsiderement, il paignoient ung cerf & ung serpent pource que le cerf s’enfuyt quand il veoit le serpent.

88. [Comment ils représentent un homme qui pourvoit à l’avance à sa sépulture.]
Voulant signifier un homme qui pourvoit à l’avance à sa sépulture, ils peignent un éléphant enfouissant ses défenses : car, lorsque l’éléphant voit que ses défenses tombent, il les prend et les enfouit.

[88]. Comment ilz signifioient l’homme soigneux de sa sepulture.
Pour signifier l’homme soigneux de sa sepulture ilz paignoient ung cerf enterrant ses dens pource que le cerf quant les dens luy tumbent ilz les enterre & ensepvelit.

89. [Comment ils représentent un homme qui a vécu une vie complète.]
Voulant représenter un homme qui a vécu une vie complète, ils peignent une corneille qui meurt : car, au dire des Égyptiens, la corneille vit cent ans et, suivant (le système des) Égyptiens, l’année (ετος) est de quatre ans (ενιαυτος).

[89]. Comment ilz paignoient l’homme vivant l’aage parfaict & acomply.
Voullans signifier l’homme qui a vescu l’aage parfaict & accomply, ilz paignoient une corneille mourant pource que la corneille vit cent ans selon les Egyptiens & l’an Egyptien contient quatre ans.

90. [Comment ils représentent un homme qui a (sa) méchanceté en lui-même.]
Voulant signifier un homme qui cache (sa) méchanceté en luimême et qui se dissimule afin de ne pas être reconnu par ses proches, ils peignent une panthère : car celle-ci chasse les animaux à la dérobée, sans permettre que son odeur se répande, celle-ci pouvant attirer les autres animaux.

[90]. Comment ilz signifioient l’homme qui cache sa malice & mauvaistie.
Pour signifier l’homme qui cele sa mauvaistie & se tient secret pour non estre congneu, ilz paignoient un pard pource que le pard en cachetes & d’aguet chasse aux aultres bestes & ne leur monstre pas sa legerete quand il les poursuit.

91. [Comment ils représentent un homme qui a été trompé par la flatterie.]
Voulant signifier un homme qui a été trompé par la flatterie, ils peignent une biche avec un homme qui joue de la flûte : car la biche se laisse prendre en écoutant les douces mélodies des joueurs de flûte, de sorte qu’elle se laisse séduire par le plaisir.

[91]. Comment ilz signifioient ung homme deceu par flaterie.
Quant ilz signifioient l’homme deceu par flaterie ilz paignoient ung cerf & ung menestrier ou joueur d’instrument de musicque, car le cerf prent plaisir à la douceur du chant, tellement qu’il s’oublie & se laisse prendre ravy de l’harmonie.

92. [Comment ils représentent la prévision d’une bonne vinée.]
Voulant signifier la prévision d’une bonne vinée, ils peignent une huppe : car si celle-ci chante beaucoup avant le temps où les vignes (bourgeonnent), c’est signe de bonne vinée.

[92]. Comment ilz signifioient la congnoissance de la bonne vinee future.
Pour signifier la congnoissance de la bonne annee de vin future ilz paignoient la huppe pource que si la huppe chante avant que les vignes bourjonnent, c’est signifiance de hanbondance de vin.

93. [Comment ils représentent un homme à qui le raisin a fait du mal.]
Voulant signifier un homme à qui le raisin a fait du mal et qui s’est guéri lui-même, ils peignent une huppe et la plante (appelée) adiante ; car, quand la huppe se trouve mal (d’avoir mangé) du raisin, elle se guérit en prenant de l’adiante dans le bec.

[93]. Comment ilz signifioient ung homme à qui les raisins ont faict nuysance.
Voullans signifier ung homme qui s’est trouve mal pour avoir menge du raisin & qui s’en guerit luy mesmes, ilz paignoient une huppe & une herbe appellee Adiantus ou capillus veneris, pource que la huppe, si elle a trop menge de raisins, tant qu’elle en soit grevee, elle prent en son bec de ladicte herbe, en est guerie.

94. [Comment ils représentent un homme qui se met en garde contre les embûches de (ses) ennemis.]
Voulant signifier un homme qui se met en garde contre les embûches de (ses) ennemis, ils peignent une grue qui veille ; car (les grues) assurent leur protection en veillant à tour de rôle durant toute la nuit.

[94]. Comment ilz signifioient celluy qui se garde des aguetz & trahisons de ses ennemys.
Pour signifier ung homme qui se garde des aguetz & surprise de ses ennemis, ilz paignoient une grue, pource que les grues se gardent en veillant la nuict par ordre chascune en son tour & par raenc.

95. [Comment ils représentent la pédérastie.]
Voulant signifier la pédérastie, ils peignent deux perdrix (mâles) ; car (les perdrix mâles), quand elles ont perdu leurs femelles, ont commerce entre elles.

[95]. Comment ilz signifioient Sodomie ou peche contre nature.
Voullans signifier Sodomie ilz paignoient deux perdriz masles pource que quant ilz ont perdu leurs femelles ilz se couplent ensemble.

96. [Comment ils représentent un vieillard mourant de faim.]
Voulant représenter un vieillard mourant de faim, ils peignent un aigle ayant le bec recourbé : car lorsque ( l’aigle) vieillit, son bec se recourbe et il meurt de faim.

[96]. Comment ilz signifioient un viel homme mourant de faim.
Pour escripre ung homme viel mourant de faim, ilz paignoient ung aigle ayant le bec courbe, pource que quant l’aigle viellit, le bec luy devient fort courbe & crochu, tellement qu’elle ne peult manger & meurt de fain.

97. [Comment ils représentent un homme toujours en mouvement et d’un tempérament actif.]
Voulant signifier un homme toujours en mouvement et d’un tempérament actif, et qui ne prend même pas de repos pour manger, ils peignent des petits de corneille : car celle-ci nourrit ses petits tout en volant.

[97]. Comment ilz signifioient l’homme sans repoz continuellement ireux & esmeu.
Voullans escripre l’homme estant en continuel ire & mouvement, tellement que mesmes durant son menger il n’a point de repoz, ilz paignoient la corneille avec ses petitz, pource que la corneille paist ses petitz en vollant.

98. [Comment ils représentent un homme qui connaît les choses célestes.]
Voulant signifier un homme qui connaît les choses célestes, ils peignent une grue en plein vol : car celle-ci vole très haut pour voir les nuages, de sorte qu’elle n’essuie pas de tempêtes et demeure en paix.

[98]. Comment ilz signifioient l’homme cognoissant les choses haultes & celestes.
Pour signifier l’homme congnoissant les choses celestes ilz paignoient une grue vollant pource que la grue volle fort hault à celle fin de veoir les nues pour non estre surprinse de vent & tempeste & qu’elle puisse voller seurement & en repos.

99. [Comment ils représentent un homme qui abandonne ses propres enfants par indigence.]
Voulant signifier un homme qui abandonne ses propres enfants par indigence, ils peignent un faucon qui va pondre : car (le faucon) pond trois neufs, mais il en choisit seulement un dont il prend soin, tandis qu’il brise les deux autres. Il agit ainsi parce qu’à ce moment il perd ses griffes et ne peut par conséquent nourrir ses trois petits.

[99]. Comment ilz signifioient l’homme qui, par pouvrete et faulte de bien separe de luy ses enfans et les delaisse.
Pour escripre ung homme qui par necessite & faulte de biens delaisse ses propres enfans ilz paignoient ung faulcon ayant les œufz, pource que le faulcon ou sacre pond troys œufz, desquelz il eslit ung & le garde & cove & nourrit, les aultres deux ilz rompt & casse & le faict pource que en ce temps il perd les ungles en les mue & change, par quoy il ne peult souffrire à nourrir troys petitz ensemble.

100. [Comment ils représentent un homme dont les pieds sont lents à se mouvoir.]
Voulant signifier un homme dont les pieds sont lents à se mouvoir, ils dessinent un chameau : car celui-ci, seul parmi les autres animaux, ploie la cuisse, et c’est pourquoi il est appelé καμηλος.

[100]. Comment ilz signifioient ung homme tardif à mouvoir les piedz.
Voullans signifier ung homme pesant & tardif à mouvoir les piedz paignoient ung chameau pource que le chameau, seul entre toutes les bestes, en allant ploye & courbe la cuysse, dont il est appelle Cammerus.

101. [Comment ils représentent un homme impudent et qui a la vue perçante.]
Voulant représenter un homme impudent et qui a la vue perçante, ils dessinent une grenouille : car celle-ci n’a pas de sang, si ce n’est dans les yeux, et l’on dit que ceux qui ont les yeux injectés de sang sont impudents. C’est pourquoi le Poète a dit : « Ivrogne, qui as des yeux de chien et un cœur de biche » (HOM., Il., I, 225).

[101]. Comment ilz signifioient l’homme sans honte & qui a la veue agüe.
Pour signifier homme exhonte & qui a la veue agüe ilz paignoient une grenoille pource que la grenoille n’a sang sinon aux yeulx & on dict que ceulx qui ont du sang aux yeulx sont exhontes & sans vergogne, par quoy dict le poete Homere, charge de vin yeulx de chien & cueur de cerf.

102. [Comment ils représentent un homme qui |pendant longtemps| ne peut se mouvoir.]
Voulant signifier un homme qui pendant longtemps ne peut bouger, mais qui finalement se meut au moyen de ses pieds, ils peignent une grenouille pourvue de ses deux pattes de derrière ; car (la grenouille) naît sans pattes, mais plus tard, quand elle a avancé en âge, elle acquiert en premier lieu ses pattes de derrière.

[102]. Comment ilz signifioient l’homme qui ne se peult mouvoir.
Quant ilz voulloient signifier ung homme qui est long temps sans se pouvoir bouger ny mouvoir & puis recouvrant le mouvement de ses piedz, ilz paignoient une grenoille ayant les piedz de derriere pource que la grenoille naift sans piedz puis ceulx de derriere luy viennent & croissent.

103. [Comment ils représentent un homme qui est l’ennemi de tous.]
Voulant représenter un homme qui est l’ennemi de tous et qui se tient à l’écart, ils peignent une anguille : car celle-ci ne se trouve en compagnie d’aucune (espèce) de poissons.

[103]. Comment ilz signifioient ung homme à tous ennemys.
Voullans signifier ung homme qui est ennemy & separe de tous ilz paignoient une anguille pource qu’elle ne hante & ne se trouve avec les autres poyssons.

104. [Comment ils représentent un homme qui en sauve beaucoup (d’autres) dans la mer.]
Voulant signifier un homme qui en sauve beaucoup (d’autres) dans la mer, ils peignent le poisson (appelé) torpille : car lorsque celle-ci aperçoit une multitude de poissons qui ne peuvent plus nager, elle les recueille chez elle et les sauve.

[104]. Comment ilz signifioient ung homme qui en sauve beaucoup d’autres en la mer.
Quant ilz voulloient signifier ung homme qui en sauve beaucoup d’autres en la mer ilz paignoient ung poisson appelle en latin torpedo, en grec & en françoys turpille, pource que quant il veoit les autres poissons las & qu’ilz ne peuvent plus nager il va à eulx & leur aide.

105. [Comment ils représentent un homme qui a misérablement consumé les choses utiles.]
Voulant signifier un homme qui a misérablement consumé les choses utiles et inutiles, ils peignent un polype : car celui-ci, qui mange beaucoup et d’une manière déréglée, met de la nourriture de côté dans les cavernes et, lorsqu’il a consommé ce qui est utile, il rejette ensuite ce qui est inutile.

[105]. Comment ilz signifioient l’homme qui a mauvaisement consume tout ce qu’il avoit utile & inutile.
Pour signifier l’homme qui a consume toutes ses choses utiles & inutiles follement & mauvaisement, ilz paignoient ung poisson appelle polypus des latins & des françoys poulpre, pource que apres qu’il a beaucoup & desordonnement menge il mect le reste de sa viande en troux & cavernes & puis qu’il a consume tout ce qui estoit de bon il jecte le demourant.

106. [Comment ils représentent un homme qui a pouvoir sur les gens de son espèce.]
Voulant signifier un homme qui a pouvoir sur les gens de son espèce, ils peignent une écrevisse et un polype : car (l’écrevisse) a pouvoir sur le polype et exerce la primauté.

[106]. Comment ilz signifioient l’homme ayant seigneurie sur ceux de sa nation.
Pour signifier l’homme seigneur sur sa nation ilz paignoient une langouste de mer & ung poulpre pource que les langoustes dominent & surmontent les poulpres & sont les plus fors.

107. [Comment ils représentent un homme uni à une femme.]
Voulant signifier un homme et une femme unis depuis (leur) prime jeunesse, lorsqu’ils furent nés, ils peignent des pinnes marines fécondées : car celles-ci, après être nées dans la coquille, s’unissent bientôt l’une à l’autre à l’intérieur de la coquille.

[107]. Comment ilz signifioient l’homme joinct à la femme.
Voullans l’homme joinct à la femme en la premiere jeunesse ilz paignoient des coquilles de mer ovees ou plaines de petites coquilles pource que bien peu de temps apres que les petites coquilles sont formees dedens les grandes elles parient ensemble & engendrent d’autres.

108. [Comment ils représentent un homme qui ne prend pas soin de lui-même.]
Voulant signifier un homme qui ne prend pas soin de lui-même, mais dont ses familiers se préoccupent, ils peignent une pinne marine et une petite écrevisse : car cette écrevisse reste attachée à la chair de la pinne marine et elle est appelée pinnophylax (« gardienne de la pinne »), en conformité avec le nom (de celle-ci). La pinne, lorsque elle a faim dans sa coquille, baye tant qu’elle peut ; si, pendant qu’elle baye, quelque petit poisson vient à passer, le pinnophylax enfonce sa pince dans la pinne marine ; celle-ci, ayant perçu cette sensation, referme sa conque et de cette manière le petit poisson est pris.

[108]. Comment ilz signifioient un homme qui ne pense point de soy mesmes.
Pour signifier le pere ou celluy qui n’a cure & ne pense de luy mesmes & pour lequel ses amys & prochains pensent & ont soucy ilz paignoient une huystre & ung escrevisse de mer pource que l’escrevisse marin s’attache à la chair de l’huystre, par quoy il est appelle pinophylax, c’est à dire garde de l’huystre, par consequence de son nom ou pour ce que l’huystre entrebaille & se ouvre quant elle a faim, si cependant quelque petit poisson y entre, l’escrevisse la mort de son pied forche, lors l’huystre admonestee de ce signe se clost & ferme, ainsi elle chasse aux petits poissons & se nourrit.

109. [Comment ils représentent un homme pris d’une faim vorace.]
Voulant signifier un homme pris d’une faim vorace, ils peignent un scare : car, seul parmi les poissons, (le scare) rumine et mange tous les petits poissons qu’il rencontre.

[109]. Comment ilz signifioient l’homme gourmand & goullu.
Quant ilz voulloient signifier ung homme gourmant ilz paignoient ung poisson appelle Scarus en latin, pource que ce poisson seul de tous les autres reune comme les beufz & moutons & devore tous les petits poissons qu’il peut prendre.

110. [Comment ils représentent un homme qui vomit sa nourriture.]
Voulant signifier un homme qui vomit sa nourriture et qui se remet à manger goulûment, ils peignent une belette de mer : car celle-ci enfante par la bouche et, tout en nageant, elle absorbe sa progéniture.

[110]. Comment ilz signifioient l’homme qui vomit la viande qu’il a menge.
Quant ilz voulloient signifier ung homme qui vomit ce qu’il mange puis retourne à demesurement menger, ilz paignoient un chat d’eau ou de riviere, pource que le chat de l’eau faict & rend ses petits chattons par la gorge, puis en nageant les engloustit & devore.

111. [Comment ils représentent un homme qui a commerce avec les (femmes) d’une autre race.]
Voulant signifier un homme qui a commerce avec les (femmes) d’une autre race, ils peignent une murène : car celle-ci, sortant de la mer, s’accouple avec les vipères et regagne aussitôt la mer.

[111]. Comment ilz signifioient l’homme qui a eu affaire avec estrangiers & autres que de sa nation.
Pour de noter l’homme qui se mesle & joinct à estrangiers ilz paignoient la lamproye pource que la lemproye sort de la mer & s’en va parier avec les couleuvres, puis s’en reva en la l’eau.

112. [Comment ils représentent un homme puni pour un meurtre.]
Voulant signifier un homme puni pour un meurtre et qui en éprouve du repentir, ils peignent une pastenague prise à l’hameçon car, quand elle a été capturée, elle lance le dard qu’elle a dans la queue.

[112]. Comment ilz signifioient ung homme puny pour meurtre par luy commis.
Pour signifier l’homme qui est puny pour le meurtre qu’il a commis & d’icelluy se repentant, ilz paignoient une tourtre prist au lacet, pource que quant elle se sent prise elle jecte & oste l’espine qu’elle a en la cueue.

113. [Comment ils représentent un homme qui mange sans ménagement les vivres d’autrui.]
Voulant signifier un homme qui mange sans ménagement les vivres d’autrui et qui consume ensuite les siens propres, ils peignent un poulpe : car celui-ci, quand il est privé de la nourriture qui lui vient d’autrui, mange ses propres tentacules.

[113]. Comment ilz signifioient celluy qui prodigallement & desordonnement despend le bien d’aultruy.
Voullans signifier celuy qui temerairement & sans propoz depend & degaste le bien d’autruy & apres consume le sien propre, ilz paignoient le poulpre pource que s’il a quelque foys faulte de viande il menge ses propres piedz, c’est à dire les longs filets qu’il a.

114. [Comment ils représentent un homme qui s’élance vers ce qui est beau.]
Voulant signifier un homme qui s’élance vers ce qui est beauté qui, tout au contraire, tombe sur ce qui est mal, ils peignent une seiche : car, lorsque celle-ci se rend compte que quelqu’un veut l’attraper, elle éjecte dans l’eau une matière noire qu’elle a dans le ventre, de façon à se rendre invisible, et elle parvient ainsi à s’échapper.

[114]. Comment ilz signifioient l’homme appetant & desirant les belles choses.
Quant ilz voulloient signifier ung homme qui appete choses belles & pour ceste cause choit en dommage ilz paignoient ung poisson appelle Seche pource que la Seche quant elle cognoit qu’elle est chassee & qu’on la veult prendre elle jecte hors celle humeur noyre qu’elle a dedans son ventre & trouble l’eau, tant que l’on ne la peut veoir & ainsi s’echappe.

115. [Comment ils représentent un homme prolifique.]
Voulant signifier un homme prolifique, ils peignent un moineau qui niche dans les tours ; car celui-ci, agité par une passion immodérée et par une surabondance de semence génitale, s’accouple sept fois en une heure avec la femelle en éjaculant de la semence en abondance.

[115]. Comment ilz signifioient l’homme luxurieux.
Pour signifier l’homme luxurieux ilz paignoient ung passereau pource que le passereau esmeu de cholere immoderee & de habundance de semence naturelle, il parie sept foys chascune heure.

116. [Comment ils représentent un homme qui se conforme toujours au même principe.]
Voulant signifier un homme qui se conforme toujours au même principe, ils peignent une lyre : car celle-ci reste toujours en accord avec ses propres sons.

[116]. Comment ilz signifioient celluy qui vit tousjours en ung mesme estat & en une mesme maniere.
Pour signifier l’homme qui garde tousjours ung mesme estat, forme & façon de vivre, ilz paignoient une harpe ou instrument de musicque faict de cordes pource qu’il retient tousjours le mesme son qu’il a prins du commencement.

117. [Comment ils représentent un homme qui, s’étant d’abord écarté de ses desseins, revient ensuite à son propre bon sens.]
Voulant signifier un homme qui, s’étant d’abord écarté de ses desseins, revient ensuite à son propre bon sens et qui met ordre à sa conduite, ils dessinent une flûte : car celle-ci a le pouvoir de convertir (l’homme) et de lui rappeler les choses qu’il a faites suivant son goût, et elle rend un son parfaitement harmonieux.

[117]. Comment ilz signifioient l’homme qui aura este trouble & aliene de son sens puis vient à le recouvrer.
Quant ilz voulloient signifier celluy qui a este trouble en son sens & entendement & apres l’aura recouvert & aura mis en ordre en sa maniere de vivre, ilz paignoient une fleuste pource que la fleuste convertit l’homme & luy reduict à memoire ce qu’il a faict inconsiderement & rend ung son fort bien compose & ordonne.

118. [Comment ils représentent un homme qui rend la justice d’une manière égale pour tous.]
Voulant signifier un homme qui rend la justice d’une manière égale pour tous, ils tracent une plume d’autruche : car (l’autruche), contrairement aux autres (oiseaux), a des plumes égales de toute part.

[118]. Comment ilz signifioient l’homme qui rend & distribue à chascun egallement ce qui luy appartient.
Voullans signifier l’homme qui egallement & justement distribue à chascun son droict & ce qui luy appartient ilz paignoient la plume d’une austruche pource que ceste beste a de tous coustez les plumes egalles & pareilles.

119. [Comment ils représentent un homme qui aime à bâtir.]
Voulant signifier un homme qui aime à bâtir, ils dessinent une main d’homme : car, celle-ci exécute toute construction.

[119]. Comment ilz signifioient l’homme qui voluntiers edifie & bastit.
Pour signifier l’homme qui voluntiers & liberallement bastit & edifie ilz paignoient la main pource que la main faict & acomplit tous bastimens & édifices.

[Fin des Hieroglyphica.]

Fin de Orus Apollo.

Autre adjouxtez par le traducteur.

Que signifie la petite aiglete ou le poulet de l’aigle.

Le poulet de l’aigle signifie celui qui engendre des mâles ou le cercle de la semence de l’homme.

Comment ils signifient la porte ou l’ouverture de la guerre.

Pour écrire la porte de la bouche de la guerre ils paignoient les deux mains de l’homme l’une tenant une armure et l’autre un arc.

Comment ilz signifioient la vie future ou le salut à venir.
Pour signifier la vie future ou le salut à venir ilz figuroient deux lignes une en travers sur une autre perpendiculaire en forme de croix & de cela ne donnoient autre raison, fors que c’estoit une signification de divin mystere.

Comment ilz signifioient les deux principales vertuz d’un Roy.
Pour signifier les deux principales vertuz d’un Roy ilz paignoient ung sceptre & un œil au-dessus signifians par le sceptre noble & humaine domination & par l’œil que le prince doibt estre regardant & pourvoiant à son peuple.

Nous n’avons pas trouvé de gravure correspondant à ce passage.

Comment ilz signifioient le Roy.
Pour signifier le Roy ilz paignoient une mouche à miel pource que l’abeille ou mouche à miel a le doulx & l’amer, c’est à dire le miel & l’esguillon, ainsi ung Roy doibt estre doulx & bening envers les bons, et user de l’esguillon, c’est à dire user de justice, envers les mauvais.

Comment ilz signifioient la mort ou la fin de l’homme.
Pour signifier la fin de l’homme ilz paignoient une fusee de fil et le bout du fillet rompu, comme s’il estoit separe de la quenoille, pource que les poetes faignent que les deesses fatales fillent la vie de l’homme, c’est assavoir Clotho tenant la quenoille, Lachesis qui signifie sort ou adventure, car notre vie est une aventure, laquelle fille, & Atropos interprete inconvertible ou qui ne se peult flechir, laquelle rompt le fillet.

Comment ilz signifioient la vie.
Pour signifier la vie ilz paignoient une lampe ardente pource que pendant que la lampe est allumee elle esclaire mais si elle est estaincte on est en tenebres, ainsi quant l’ame est partie de notre corps nous n’avons plus de veue ni de lumiere.

Comment ilz signifioient labeur.
Pour signifier labeur ilz paignoient une teste de beuf denue de chair, la teste de beuf pource que avec les beufz ont faict tout labourage, & denuee de chair pource que gens de labeur & qui souvent travaillent sont communement maigres.

Comment ilz signifioient Dieu.
Pour signifier dieu ilz paignoient ung œil pource que ainsi l’œil veoit & regarde ce qui est au devant de luy, dieu veoit, considere & congnoit toutes choses.

Comment ilz signifioient les dieulx infernaulx qu’ilz appellent manes.
Pour signifier les dieux infernaulx qu’ilz appelloient manes ilz paignoient ung visaige sans yeulx & au dessus deulx yeulx pource que par les yeulx ilz signifioient les dieux comme dict est & par le visaige sans yeulx ceulx qui sont en lieu bas & tenebreux.

Fin des hieroglyphes adjouxtez.