Caducée
Œuvre
Nom : Mercure inventant le caducée
Auteur : Jean Idrac
Date : 1878
Nature : Sculpture
Source : Musée d’Orsay
Œuvre
Trouvé sur le site des Tombes d’Astana, ce parchemin figure Fuxi et Nuwa enlacés en caducée et brandissant un compas et une équerre, ils sont entourés de divers constellations et des deux luminaires.
Auteur : Culture Chinoise
Date : III – VIII
Nature : Peinture sur parchemin
Source : Musée national de Corée
Œuvre
Nom : Gobelet à libation de Gudea dédié à Ningishzida figurant deux serpents enlacés.
Auteur : Culture Sumérienne
Date : -2120
Nature : Artisanat
Source : Musée du Louvre
Œuvre
Nagakal montrant deux cobras enroulés en spirale, aboutissant autour d’un lingam et surplombés par une tête de makara.
Auteur : Culture Hindoue
Date : XVII – XVIII
Nature : Sculpture
Source : Bonhams
Œuvre
Nom : Cupidon messager
Auteur : Culture française
Date : XVIII
Nature : Huile sur toile
Source : Musée d’Art Métropolitain
⟴Données générales
Date de stabilisation | Lieu de la stabilisation | Lieu d’utilisation principal | Équivalents approximatifs | Éléments d’ensemble |
---|---|---|---|---|
≈ -2120 (Gobelet à libation de Gudea) | Mésopotamie | Occident | ↪ Axe du monde = Brahmadanda | ↟ Arbre ↟ Bâton de commandement ↟ Miroir ↟ Ouroboros |
⟴Descriptions
⟴Sens général
► Baguette de laurier ou d’olivier autour de laquelle s’enroulent deux serpents en sens inverse, roue du destin enveloppée autour d’un axe et présidant aux changements d’état, le κηρύκειον (kêrukeion) {bâton du héraut} est l’emblème d’Hermès, dieu psychopompe guidant les pèlerins vers leur destination post-mortem.
↳ Le Rusé, d’après Hygin, sépara deux serpents en train de s’affronter, puis unit Rhéa et Zeus serpentins, à l’aide de cette baguette apollinienne, axe du monde qu’il obtint dit Homère, en échange de la lyre (archétype abouti du caducée) et de sa parole de ne plus tromper Phoibos : […] je te donnerai ce bâton magnifique, source de richesses et de bonheur, entouré de trois feuilles d’un or pur : il sera pour toi d’un secours tutélaire et te permettra de servir tous les dieux, mais si entre toutes les paroles et les choses privilégiées que j’ai apprises de Jupiter
[…].
↳ Ovide rapporte un mythe semblable concernant Tirésias qui change de sexe alors qu’il trouble avec un bâton deux serpents s’accouplant. Ces mythes laissent entendre que le symbole représente essentiellement la puissance polaire qui si elle est vectorisée, est capable de débrouiller le chaos des eaux primordiales en créant l’antagonisme des polarités, aboutissant ainsi à leur organisation dans l’union des opposés et l’équilibre des courants cosmiques.
I. Union des opposés
↪ Le symbole figure en somme l’union d’une part, entre l’unité transcendante non manifestée qui interpénètre tout et autour duquel d’autre part, gravite les deux éléments constitutifs de la création. On peut évidemment faire l’herméneutique de ces deux éléments à des niveaux infinis : chaud et froid, feu et eau, fixe et volatile, soufre et mercure et se servir de leur position antagoniste pour illustrer des contradictions tant idéales que pratiques, souligner que l’inharmonie d’un déséquilibre biologique, émotif ou volitif.
↳ Ce déséquilibre peut se résoudre si on parvient à distinguer et à harmoniser les contraires par l’exercice de la volonté droite alliée à la prudence du serpent et à une diligence empennée. Le symbole est effectivement dans sa version grecque, parfois accompagné d’une sphère solaire à son sommet, également assimilé au miroir de prudence, et de laquelle émerge (ou qui est précédé par) deux ailes qui sont peut-être la stylisation de feuilles. On peut en ce cas, différencier l’œuf incrée, pommeau symbole de l’air et le corps du bâton en lui-même : manifestation incorruptible des lois divines, solide comme l’est la terre sur laquelle tout repose, et autour duquel les serpents s’agglutinent et prospèrent dans un dynamisme multiplicateur qui toujours, est préservé dans sa direction et son équilibre.
↳ Si les serpents parvenus au sommet de la figure se défient au lieu de se mêler dans la sphère, c’est afin de signifier que la fusion unitaire et paradoxale entre soleil et lune est inaccessible en ce monde, composé d’un chemin infini pour lequel il faut préserver la dynamique ainsi définie par le symbole. À l’heure de la fin cyclique, l’objet sur lequel aura été appliqué cette dynamique trouvera sa réciprocité subtile dans cette fusion : opérant une transfiguration quetzalcoaltienne mêlant abnégation, sacrifice et maîtrise surhumaine de sa substance.
⟴Initiation
► Symbole à la fois chthonien et ouranien, figurant en même temps l’ondulation de l’eau et la danse des flammes, montrant une matière passive attirée par une subtilité active tel un Apollon sauroctone, il est en conséquence, symbole d’équilibre et d’harmonie, d’intégration, de concorde et de paix, de bonne morale et de guérison.
↳ Mais il fait aussi office de clef universelle, de sceptre initiatique, en permettant par une gnose réunissant la concentration et le mouvement, la linéarité et la circularité, de grignoter le voile des illusions et de faire circuler les forces de l’univers en ouvrant un passage : d’un sens il permet d’obtenir la spiritualisation de la vitalité et de l’autre, la matérialisation des forces invisibles, apportant messages de l’au-delà et concrétisations pratiques.
► Aussi, médiateur vital entre l’Homme et la nature, substrat commun permettant une communication circulatoire, le mouvement de va et vient qui anime ainsi le caducée est analogue à celui de la respiration et de la sève : il est à la fois funéraire et chthonien, résurrectionnel et lumineux, végétal dans sa mue régénérante, phallique par sa forme, symbole de fécondité montrant un accouplement sublimatoire autour d’une baguette magique, d’un thyrse turgescent faisant déborder la coupe d’Hygie.
↳ Le caducée est à la fois Adam et Eve mis en mouvement par le serpent afin que par le progrès ils puissent acquérir l’autonomie mais aussi l’ἑρμαῖ (hermai) à la végétation puissante qui limite l’énergie vitale en la propulsant vers les cieux. Les serpents, spiralés autour de l’arbre-monde qui se dresse en tuteur, ces jumeaux Ratatosk sont tel une parèdre, protégeant de son désir, gardienne du berger qui la guide par sa fixité, et qui est son éternelle demeure. Le symbole véhicule ainsi essentiellement - et mis en analogie avec la psychologie Humaine -, l’idée qu’une passion ordonnée, épurée et guidée par une volonté inflexible permet tous les miracles.
I. Analogies
↪ Signalons en outre les interprétations astronomiques qui voient le bâton comme l’équateur, les ailes comme le temps et les deux serpents comme les luminaires qui parfois se croisent sur l’écliptique. Les mouvements des serpents montrent autrement, l’alternance des cycles dans le temps linéaire, les équinoxes et solstices.
↪ En Orient, le bâton est brahmadanda et symbolise la colonne vertébrale ainsi que les nadis îda et pingala, lune et soleil s’enroulant autour du canal subtil central sushumna à la base duquel se trouve lovée et endormie la kundalini.
↳ Cette énergie pure au symbolisme serpentin, préside au développement de l’Homme et il convient de la mettre en mouvement par sa volonté, de l’apprivoiser en faisant triompher l’esprit sur le corps et ce afin d’enclencher l’accroissement spirituel, de la même manière que le corps s’est développé végétativement par le désir inhérent à la nature. L’eau de feu qui sort de la bouche de ce serpent est un poison pour les fous, une boisson d’immortalité pour les sages : elle, Virgile et Béatrice, fait voir les mondes infernaux ou Nehustan, apaise, hypnotise et guérit, transporte au paradis.
⟴Histoire
I. Universalité
► Le caducée est une figure fondamentale des indo-européens, la plus ancienne représentation connue date du -XXII, elle figure sur la célèbre coupe de libation du roi bâtisseur Gudea de la cité mésopotamienne de Lagash. On signalera encore à la même époque le bâton de Thot visible sur les fresques du Temple funéraire de Séthi Ier à Abydos. Comme prototype, certains citent la Palette de Narmer d’≈ -3100, mais on pourrait remonter au paléolithique magdalénien en évoquant le Bâton de Montgaudier qui montre deux anguilles se croisant voir à l’aurignacien avec la Spatule aux serpents de la grotte de Rideaux(1).
► Prenant probablement sa source au chamanisme harappéen et plus certainement dravidien, les nagakals {Stèle au serpent} du karnataka côtier que l’on disposait sous les pipal qui faisaient office de temple à ciel ouvert sont l’une des expressions les plus ancienne de la spiritualité hindoue(2). Le nagaradhane {adoration du serpent} est d’ailleurs encore vivace dans le district de Dakshina Kannada.
► On trouve en outre ce symbole en Amérique ou en Afrique : missionnaires et naturalistes signalent déjà au XVIII que chez les indiens des plaines, le symbolisme du calumet se rapproche de celui du caducée. Puisqu’en effet, tige autour de laquelle sont enroulés des cheveux de femmes, ils sont en outre accompagnés de plumes vers le foyer et représentent l’ambivalence entre la guerre et la paix.
► De même le Vévé de Damballah figure deux serpents en position de reptation hélicoïdale autour d’un axe.
► Signalons enfin, même si cela n’aura échappé à aucune personne vivant dans la modernité que la forme ainsi dessinée par les serpents ressemble à la double hélice de l’ADN…
☩ Pour une vision panoramique, on consultera le classique de Jean-Pierre Bayard : Le symbolisme du caducée.
II. En Grèce
↪ En Grèce le caducée est associé au scytale, premier dispositif de cryptographie institutionnalisé. Il s’agit d’un bâton auquel est combiné un ruban et que l’on utilise pour la confection et la lecture de cryptogrammes permutatoires faisant ainsi le lien avec la notion de révélation de ce qui est caché. Il est encore associé aux bâtons des hérauts sur lequel on attachait également un, deux ou trois rubans blancs et qui sont symboles de paix. Et autrement, les asklépicia étaient des cultes serpentins qui avaient court à Épidaure au -IX.
↪ Du reste, le caducée symbolise déjà dans l’antiquité le commerce et la communication, la médecine et la divination en général. Iris, la contrepartie féminine d’Hermès et messagère d’Héra en héritât également. Le folklore faisait par ailleurs dire au symbole, qu’un être touché par sa partie basse meurt sur le champ, alors qu’un mort touché par sa partie haute, revient à la vie et Ovide fait savoir qu’il provoque le sommeil, sommeil qui guérit comme dans l’incubation des temples d’Asclépios, particulièrement compétents dans les problèmes de stérilité.
⟴Déclinaisons
► Notons finalement qu’étant donné sa popularité, on trouve sans compter les différences stylistiques - tel Mélusine saisissant ses queues - un certain nombre de variantes de la figure :
● Au lieu du miroir le sommet peut être occupé par un oiseau voir un coq et le bâton peut aussi être accompagné de branches de chêne ou de laurier.
● Autrement, le nombre de boucles varie, ces dernières peuvent dépasser le corps du bâton comme dans celui porté par Rosmerta et sur la marque d’imprimeur de Johann Froben certainement connue de nos lecteurs. Auquel cas, elles surplombent aussi les ailes si elles sont présentes, insistant alors sur une transposition extraterrestre de l’énergie qui malgré l’absence de tuteur, continue sur un mouvement identique, poursuivant l’œuvre divine en prenant modèle sur la nature et renaissant, construisant un nouveau corps, marque de connaissance maîtrisée et de sagesse indubitable.
↳ Le nombre de maillons peut ainsi aller de un, alors parfois stylisé en ouroboros, deux, formant un ∞ évoquant l’infini si les boucles sont fermées(3), ainsi de suite jusqu’à - autant que nous ayons pu le constater - neuf maillons. Le caducée se révèle être ainsi un ouroboros en mouvement, qui libère sa force motrice dans une direction alors qu’on à brisé son mouvement cyclique, en bref, un chaos dominé par la volonté Humaine.
1.⟴ 𝕍 La Préhistoire du caducée, Marcel Baudouin, 1918.
2.⟴ 𝕍 Le caducée et la symbolique dravidienne indo-méditerranéenne 1939, Jean Boulnois.
3.⟴ Et figurant un ☿ lorsque elles ne le sont pas et souscrites par les ailes.
Version: 1.0
Maj : 07/10/2024