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Éléments

Données générales

Date de stabilisationLieu de la stabilisationLieu d’utilisation principalÉquivalents approximatifsÉléments d’ensemble
-V (Racines d’Empédocle et Taittiriya Upanishad)EurasieUniversel Axiomes Archétypes
Cosmographie
Couleurs
Nombres

Descriptions

[…] Mais, laissons là ces questions et assignons chacune des figures dont nous venons d’étudier l’origine, au feu, à la terre, à l’eau ou à l’air.

Donnons à la terre le solide de forme cubique ; car des quatre genres la terre est le plus immobile ; elle est le corps le plus susceptible de recevoir une apparence fixe ; il est donc nécessaire qu’elle soit formée du solide qui a les bases les plus fermes. Or, parmi les triangles que nous avons choisis en commençant, la base la plus ferme possible est le triangle équilatéral et non celui dont les côtés sont inégaux, et des deux plans équilatéraux que nous avons formés au moyen du triangle équilatéral, le tétragone, dans ses parties et dans son ensemble, est nécessairement une base plus ferme que le triangle.

Ainsi, en attribuant cette forme à la terre, nous conservons la vraisemblance. Donnons à l’eau la moins mobile des formes qui nous restent ; au feu, la plus mobile ; à l’air, celle qui tient le milieu ; le corps le plus ténu au feu, le plus grand à l’eau, et celui qui tient le milieu, à l’air.

De ces quatre genres, celui qui a les bases les plus petites est nécessairement plus mobile et plus délié, parce qu’il est plus aigu dans tous les sens, et aussi plus léger que tous les autres, comme étant formé des mêmes éléments, mais plus petits. Viennent ensuite le second et le troisième genres avec le degré de mobilité qu’ils doivent à la seconde et à la troisième figures. Admettons donc, d’après la droite raison et la vraisemblance, que le solide qui a la forme d’une pyramide est l’élément et comme le germe du feu, que le second solide que nous avons décrit est celui de l’air, et le troisième, celui de l’eau. […] (Timée, 55d-56b)

Présentation

► Les quatre éléments, plus petites parties constitutives de l’univers(1), font parti des symboles fondamentaux de l’humanité et se trouvent employés dans tous les systèmes symboliques quel que soit l’époque et le lieu. Ils furent érigés en système par certaines écoles, de la philosophie grecque occidentale, au bön oriental, en passant par la théodicée bambara(2).

↳ En conséquence, il existe un nombre considérable d’exemples permettant de les illustrer puisqu’en premier chef, leur statut de principe leur offre l’opportunité d’être des agents constitutifs et opératifs de la création. Éléments centraux du maillage symbolique, ils sont la clef de voûte fondamentale du symbolisme, le carrefour de significations auquel on adjoint d’autres signes.

Universalité

↪ Si on a pu remarquer sans s’étonner que ce système entrait en analogie avec les quatre états de la matière ou bien les quatre interactions élémentaires classifiés aujourd’hui par la science moderne, les implications globalisantes du système élémentaire ne se situent pas uniquement sur le plan physique et incluent également un réseau d’analogie sur le plan émotionnel, intellectuel et métaphysique.

↪ Ce maillage peut s’appliquer sur n’importe quel ensemble tant qu’une cohérence verticale et/ou horizontale est sauvegardée et permet de très nombreuses interactions et classifications en fonction de la réalité conceptuelle que l’on veut décrire dans sa substance ou sa fonction.

↳ Du fait de l’universalité de ces analogies ainsi que par la flexibilité dont fait preuve cet outil, on trouve un grand nombre de traditions qui se servent du système élémental comme base analogique pour plusieurs tableaux de correspondances, les plus connus étant ceux du néo-occultisme et du wuxing.

↳ Aussi, il est essentiel de souligner qu’en fonction de l’objet que l’on se propose de catégoriser ainsi que de la manière que l’on veut le présenter, l’essence et les rapports entre ses parties constitutives se permutent, ce qui explique qu’il est proprement impossible de produire un tableau analogique qui soit universel si ce n’est éventuellement en prenant garde de synthétiser des données qui soient sur le même plan.

Histoire

↪ En Grèce comme en Chine, les théories élémentales ont probablement trouvées leur charpente d’un coté du taijitu et de l’autre des stoicheia, couple figurant l’antagonisme originel qui en croisant leurs qualités réciproques ont données la tétrasomie. Ces systèmes ont par suite été élaborés par divers penseurs avant de trouver leur stabilité.

↳ En occident, Empédocle représente le premier synthétiseur de la théorie qui nous soit parvenue, suivant Thalès qui aurait tiré ses connaissances de l’Égypte (ou de l’orphisme), Anaximandre, Anaximène et Héraclite qui tous s’étaient concentrés sur un élément comme source du cosmos, respectivement l’eau, la terre, l’air et le feu. Aristote in De la génération et de la corruption a différencié pour sa part l’air et le feu de l’aether, a classé les éléments selon leurs effets propres et réciproques.

↳ On pourrait néanmoins considérer la cosmogonie babylonienne de Lorsqu’en haut comme la première formulation des éléments avec la seconde génération de dieux représentés par quatre entités puisque le Hong fan et le Taittiriya Upanishad daterait du -VI.

↪ Quoi qu’il en soit, la fortune de cette théorie n’a pas décrue de l’antiquité jusqu’à la renaissancenombre d’écoles de pensée les ont combinés avec d’autres systèmes et domaines, notamment dans la médecine où les éléments ont grande importance. On retrouve les éléments, tant dans l’ayurveda et le siddha que dans le zhongyi et ils se sont formalisés en occident dans l’humorisme.

↳ L’alchimie enfin, chez qui la maîtrise des éléments est primordiale dans la conduite du grand œuvre, parachève le système en occident avec Geber et Paracelse qui ajoutent les trois principes métalliques.

Wuxing

Bois et métal sont les deux éléments supplémentaires que l’on trouve dans le wuxing {Cinq vertus} et qui sont caractéristiques de la pensée chinoise : […] Les propriétés de l’eau sont de mouiller et de descendre, celles du feu sont de brûler et de s’élever. Le bois se laisse courber et redresser. Le métal obéit à la main de l’ouvrier et prend différentes formes. La terre reçoit la semence et donne les récoltes. L’eau mouille, descend et devient salée. Le feu brûle, s’élève et prend une saveur amère. Le bois courbé et redressé prend une saveur acide. Le métal obéit, change de forme et prend une saveur âcre. La terre reçoit la semence, donne les récoltes et prend une saveur douce. (Hong fan, 5)).

↪ Cette théorie s’élabora au travers du fangshi {alchimiste} Zou Yan, qui insista sur l’aspect interactif et transformateur des éléments au travers d’une métaphore politique qui eu grand succès. En effet, dans sa conception, d’une part, le bois conditionne le feu, qui conditionne la terre, qui conditionne le métal, qui conditionne l’eau, qui conditionne le bois. Et d’autre part, l’eau triomphe du feu, qui triomphe du métal, qui triomphe du bois qui triomphe de la terre, qui triomphe de l’eau.

↪ Il y a plusieurs façons acceptables de faire correspondre les éléments du wuxing qui sont sur une base cinq et impairs, aux systèmes indo-européens qui sont sur une base quatre et paire. Aucune solution ne paraît entièrement satisfaisante, puisque cherchant plus de dynamisme que de catégorisation, le système asiatique est en constant déséquilibre créateur. En effet, comparé aux autres systèmes, les axes de dilatation et de matérialisation sortent de leur statut de principe et basculent dans une opérativité élémentaire, se répartissant dans les axes de distribution et de contraction.

↳ Nous vous proposons dans le tableau afférant, la solution qui nous a paru la plus répandue. Reste qu’il est notable que les correspondances planétaires sont traditionnellement les suivantes : Mercure (Eau), Vénus (Métal), Mars (Feu), Jupiter (Bois), Saturne (Terre).

Conclusion et récapitulation

↪ Finalement, le réseau relationnel interne des éléments qui permet de faire émerger leur cohérence et surtout leur signification est tout d’abord porteur de deux axes : essentiellement, l’eau s’oppose au feu et l’air à la terre, puis formellement, l’eau à l’air et la terre au feu bien qu’il y ai une porosité entre leur signification puisqu’ils visent des emplois semblables tout en changeant leurs outils. Les couples du feu et de l’air ainsi que celui de l’eau et de la terre sont en revanche complémentaires et se nourrissent l’un et l’autre.

↪ Puisque tout est en tout, chaque élément est convertible dans un autre élément, dans la mesure où ils disposent chacun de significations qui sont les graines des trois autres et pouvant faire un effet levier. Il néanmoins plus simple de transmuter un élément dans un autre qui lui serait le plus proche, selon ce qui est signalé juste avant. Encore de nos jours, la théorie élémentale est inspectée par les philosophes, en témoigne les célèbres développements poétiques et psychanalytiques qui furent entrepris par Bachelard dans sa série d’ouvrages sur les éléments.

Dhātu Godai Stoïkheïon Mahābhūta Wuxing
Expansion Tejo Ka Pur Tejas Huǒ
Distribution Vāyo Aer Vāyu Jīn
Contraction Āpo Sui Hudor Āp Shuǐ
Conservation Paṭhavī Chi Ge Pṛthivī
Dilatation Viññāṇa Shiki Philia Ākāśa
Matérialisation Ākāsa Neikos Ākāśa
Feu Air Eau Terre
Modalité Contractif externe Distributif externe Contractif interne Distributif interne
Fonction Transmutative Animative Créative Germinative
Action Dévoratrice Diplomatique Purificatrice Justicière
Manifeste les autres
éléments par
Essentialisation Universalisme Protéiformie Englobation
Se transmute vers un
autre élément par
Fusion Captation Conditionnement Spécialisation

Individuellement

■ Veuillez noter que dans la mesure où sa définition déborde largement du simple cadre des éléments, nous avons rangé la définition d’aether dans la partie dictionnaire.

Feu

I. Présentation

► Le feu, bilieux et chaud, sec et amère, base de l’univers pour Héraclite(3), est un symbole actif et ambivalent qui évoque à la fois le sacré et la destruction.

► D’abord, il est chaleur et lumière du foyer, il apporte l’inspiration par sa danse hypnotique, sécurité par la puissance qui s’en dégage. Témoin et levier des premiers pas de la civilisation, c’est une apparition magique issue du frottement et de l’activité terrestre et céleste : émanation autonome de la vie en mouvement, il était déjà sacralisé depuis le paléolithique inférieur et utilisé durant le bronze moyen comme instrument de crémation et de sacrifice. Purificateur, lié à la sexualité et à la fertilité, au cœur et au sang, au soleil et à l’illumination, il est destructeur du mal, baume transmutateur et fixeur, comme il le fut pour Démophon lorsque Déméter le cuit au four, enduit d’ambroisie.

II. Fonctions

↪ Car le feu par sa chaleur, sa passion et son amour, fixe et fait bouillir, il focalise et met en mouvement ; cuisine et forge, il exalte l’amoureux par le feu, le poète par la foudre, et le prêtre par la lumière : en tant que moteur de la sublimation, il fait voir et transfigure. Mais le feu est aussi ravage lorsqu’il est incontrôlé, il dévore dans son incendie, génère les souffrances de l’enfer qui coupent de toute régénération et finalement la mort par calcination et combustion. Nul différence n’est faite entre le pur et l’impur et il résout tout à son état final de poussière avec violence, quoique ce faisant il peut en augmenter la fertilité comme dans l’agriculture sur brûlis.

L’ambivalence est coexistante à la nature même du feu : qu’il brûle une matière organique, la transpiration des métaux ou l’aether, la flamme à besoin d’un combustible à détruire pour poursuivre son existence, parce que le feu est un mouvement rythmique qui soit revenir à sa source pour toujours s’élever. Ainsi que le dit le Philosophe inconnu : En effet, le nouvel homme est celui qui gardera soigneusement en lui la parole du Seigneur, de peur qu’il ne la transporte ailleurs. Il travaillera jour et nuit pour conserver dans son cœur la chaleur de l’esprit, et pour en conserver la lumière dans les trésors de son intelligence. Il regardera le corps de l’homme comme un vase d’un puissant métal, qui soutient l’action du feu sans se briser, et sans se fondre. (Le Nouvel Homme, 1792, Louis-Claude de Saint-Martin Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France)

III. Conclusion

Atar Zoroastrien vénéré dans les Dar-e mehr {Temples du feu}(4), Agni Védique qui exprime sa fonction d’intermédiaire dans le yajña(5), il est le représentant des forces vives et transcendantes, une image de l’âme en ascension et de la force divine descendant vers l’Homme.

↪ Spiritualité, conscience et intuition il était gardé par les vestales et dans les asrama d’Angkor comme présence divine. Considéré comme véhicule de l’inspiration des apôtres qui reçoivent les langues de feu du Saint-esprit, il est ritualisé lors de la Vigile pascale et dans la Fête de la Saint-Jean. Ritualisé encore, il l’est par les aztèques lors du Xiuhmolpilli {Ligature des années} comme agent du renouveau.

↳ Parmi ces quelques exemples, on voit que le feu est ainsi un symbole universel pour véhiculer l’idée de la divinité, car ainsi que le fait remarquer Denys l’Aréopagite dans sa Hiérarchie céleste lors du chapitre sur l’image du feu : Assurément les connaisseurs des choses divines le savent bien lorsqu’ils représentent les essences célestes à l’image du feu, montrant ainsi ce qui, en elles, est déiforme et, autant que possible, imite Dieu..

Air

I. Isolément

► L’air, sanguin et chaud, humide et doux, base de l’univers pour Phérécyde de Syros puis Anaximène et Diogène d’Apollonie est un symbole de spiritualisation et subtil, abstrait et vertical, du psychisme expansif et ascensionnel. Il représente l’agent de liaison entre les choses et l’intermédiaire permettant l’animation du cosmos. Associé à ce qui est mouvant et ainsi à la vie dans son aspect d’activité, il porte les différentes natures de forces vitales à ceux à qui elles reviennent.

► Clair, aérien et libre, il est le souffle universel qui apporte le renouveau, réactualise le principe par la respiration purificatoire des différents composants de l’être, il permet la séparation des composants de l’univers et ainsi leur organisation et leur communication par le biais de sa capacité à tempérer et à faire coexister les antagonismes. Représentant l’espace qui sépare la terre des cieux, plastique et ductile, subtil et léger, impalpable, invisible mais en mouvement, il est l’intelligence active et le verbe ou plutôt son véhicule, support du supra-terrestre. Il permet ainsi la manifestation de la lumière et du son, du parfum et des couleurs ainsi que leur fructification.

↳ Considéré comme l’élément le plus subtil en orient, il est dépassé par le feu en occident, il est néanmoins considéré comme proche de l’aether qui est un air purifié, stabilisé et dans un état extra-physique et lumineux puisqu’il dépasse le firmament.

II. Comparativement

↪ Si l’air est masculin et actif, l’eau est féminine est passive, leur symbolisme se rapproche à certains égards mais s’éloigne à d’autre, il est alors bon de prendre soin de les différencier sur certains aspects.

↳ En effet l’eau tient un rôle d’humidité fondamentale et latente en toute chose, dont une fonction secondaire est d’émaner des êtres de façon imitative, tenant ainsi une position intermédiaire en tant que liquide amniotique baignant la création.

↳ L’air quant à lui, est avant tout porteur de l’information qu’il communique extérieurement aux êtres sans pénétrer avec l’agressivité corrosive de l’eau.

↳ La position d’intermédiaire est essentielle dans l’air là où elle devient accidentelle pour l’eau : cette dernière se déplace dans l’espace qui est l’air lui-même, air qui est virtuellement en connexion perpétuelle avec toute chose, là où l’eau tirerait sa connexion universelle du substrat commun qu’elle fait porter à chaque être. Même si les deux éléments sont des messagers aux mains vides se teintant du contenu qu’ils communiquent, l’air porte un message alors que l’eau devient le message qu’elle porte, l’air repart une fois l’information communiquée là où l’eau fait corps avec le destinataire.

Eau

I. Présentation

► L’eau, flegmatique et insipide, froide et humide, base de l’univers pour Thalès, est d’une part Noun, indispensable source de vie et la sève de fertilité, d’autre part, materia prima, principe passif de régénération et de purification, tant sur le plan physique que symbolique. Manifestation de la mère universelle, du Saint-Esprit, elle est le plus fondamental de tous les éléments, dépourvu du couleur et de consistance, d’odeur et de goût.

► Lieu de vie des ondines, valkyries et apsaras, elle figure dans ses acceptations les plus nobles, pureté et vertu, charme et grâce, harmonisation et mesure, sagesse et sélection : l’eau seule, matière toujours parfaite, toujours riante, toujours simple, toujours pure par elle-même, servait de trône à l’Esprit de Dieu. (Du Baptême, 200-206, Tertullien) et L’homme d’une vertu supérieure est comme l’eau. L’eau excelle à faire du bien aux êtres et ne lutte point. (Le Livre de la voie et de la vertu, 8). On trouve en outre dans l’Ancien Testament : La pensée dans le cœur de l’homme est une eau profonde, mais l’homme intelligent y puisera. (Prov. XX, 5) et La science du sage abonde comme une eau qui déborde, et son conseil est une source de vie. (Eccl. XXI, 13).

► Aussi, adaptable et fluide, analogue aux émotions, l’eau s’étend autant que possible dans la forme qu’elle épouse, repoussant lentement ses limites. Origine de toute chose crée, elle pénètre ainsi invariablement les obstacles par la légère corrosion qui l’habite : obscure et abyssale, indifférenciée et informelle, l’eau figure la force de vie sous son aspect le plus brut et chaotique, engloutissant et protéiformique, d’où on extirpe la gnose par la divination.

► En somme l’eau est une nourriture d’immortalité, fondamentalement liée aux notions d’inconscient et d’au-delà. L’eau figure une fécondation et un mystère plus dangereux que ceux de la terre : elle démarque une limite. Et si être Moshé et la séparer est de bon augure, signe de puissance, en émerger par soi-même est signe de monstruosité. Pouvoir marcher dessus enfin est un signe de supériorité spirituelle de celui capable de dominer le chaos et de demeurer intouchable aux attaques démoniaques.

II. Fonctions

↪ Tout autant capable de dissoudre le superflu pour rectifier une forme à sa pureté originelle et embryonnaire que de la résorber entièrement dans un déluge la purifiant de toute spécificité pour fusionner avec elle, l’eau est l’origine et le mystère inerte qui déploie la volonté du Père transcendant qui lui imprima son premier mouvement : La terre était informe et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux (Gen. I.2). Ce Père, qui sépara en outre l’eau originelle en deux : Et Dieu fit le firmament, et il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament d’avec les eaux qui sont au-dessus du firmament. Et cela fut ainsi. (Gen. I.7), manifestant eaux supérieures et inférieures figurant ce qui est informel et caché et ce qui est formel et manifeste, Apsû et Tiamat.

↳ L’eau est ainsi paradoxalement toujours vierge mais en intense création, capable d’abriter et nourrir tous les êtres, tout en leur laissant l’autonomie : elle est en eux et en dehors d’eux, racine de toute chose comme fin dernière vers laquelle ils sont attirés. Elle accueille ceux qui sont conformes à elle et anéanti ceux qui ne le sont pas. Elle qui est tel le miroir dans lequel l’âme se contemple, justice instantanée et Styx vers le ciel, se fait illusions et monstruosités pour les méchants, vérité et délices pour les bons : Varuna empli du Ṛta.

III. Animisme

↪ Ces différentes caractéristiques font qu’il n’est guère étonnant que nombre de points ou de circulations d’eau furent vénérées au cours des siècles, voir personnifiées comme c’est le cas avec le thermalisme romain dédié aux nymphes et la divination des sources chez les celtes : Salut, fontaine dont on ignore la source, fontaine sainte, bienfaisante, intarissable, cristalline, azurée, profonde, murmurante, limpide, ombragée. Salut, génie de la ville, qui noue verses un breuvage salutaire, fontaine appelée Divona par les celtes, et consacrée comme une divinité. (Les villes célèbres (XIII, 14), IV, Ausone).

↳ Ces personnifications se poursuivent de nos jours avec la Grotte de Massabielle, 𝕍 à ce propos La Puissance des fontaines, in. Le Folklore de France (1904 1907, Paul Sébillot) et les Sources de la Seine. Il est aussi important de signaler les nommo dogons, simultanément génies des points d’eau et figures ancestrales, 𝕍 déjà Dieu d’eau Lien vers l’œuvre (1948, Marcel Griaule).

IV. Conclusion

↪ Malgré qu’elle s’étende ou qu’elle change d’état et d’apparence, modulant d’autant ses significations tel les Filles d’Ægir, elle ne perd jamais sa vertu propre, demeure simple et homogène. Chargée de forces germinatives qu’elle communique par débordement comme un fleuve en crue, l’eau est ainsi la source infinie et intarissable d’où émergent tous les possibles.

↪ Dotée de cette force de recomposition portée à détruire ce qui est superflu mais aussi de cette capacité à se soumettre à une volonté la transcendant, devenant ainsi eau ignée, elle est avec l’huile le véhicule primordial des purifications lustrales dans de nombreuses religion au travers de l’ablution? et l’aspersion comme l’eau bénite catholique et le Nậm Mòn du theravada.

↳ Mise ainsi à profit dans le baptême chrétien, les mystères d’Eleusis, le mikvé hébraïque, la kumbh mela hindoue ou le chōzuya shintô, elle est force de renaissance et de ressourcement : en s’y immergeant on acquière la régénérescence du corps et de l’âme.

↪ Lorsque elle tombe sous forme de pluie ou environne telle la rosée, elle évoque la sérénité et la bénédiction : Nous faisons descendre du ciel une eau de bénédiction. […] Ainsi la résurrection. (Coran, L :9). La présence de Dieu dans l’âme est ce qui l’humidifie et l’éveille, lui permet de multiplier les formes et de développer ses capacités, de lui offrir la créativité et la félicité, ainsi au célèbre épisode du puits de la samaritaine : Jésus lui répondit : "Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura plus jamais soif ; au contraire l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant jusqu’à la vie éternelle. (Jean, IV, 13-14).

Terre

I. Présentation

► La terre, mélancolique et froide, sèche et acide est la base de l’univers pour Xénophane de Colophon (qui l’associait à l’eau) ou Anaximandre si l’on entend son apeiron comme un lieu germinatif qui somme toute s’approche du symbolisme de la terre en tant qu’élément. Fondamentalement féminin et faisant couple avec le ciel, l’élément terre est lié aux origines et à la fécondité, au réceptacle épais et dense, fixe et solide. Elle contient tous les êtres, produit et reproduit, poursuit et développe, fait renaître germinativement les choses en les transformant d’un état latent à un état individué.

↳ Création formulée par Dieu, gardienne et exécutrice scrupuleuse de ses lois, tenue pour démiurgique par Hésiode dans sa Théogonie, elle est pleine d’abnégation et d’humilité, toujours compréhensive et prodigue pour tous ses enfants, sauvant l’essentiel et le faisant germer en le combinant à de nouveaux éléments.

II. Fonctions

↪ Elle symbolise ainsi la femme dans son aspect maternel et protecteur, celle qui émerge des eaux chaotiques, d’une féminité mystique, point de fixité ésotérique dans l’océan de fureur primordial. Et si elle est maternelle, elle est aussi utérine et dévoratrice, cyclique, elle avale ses créations.

↳ Ces considérations de passivité, de mandat divin et de cyclisme renaissant nous mènent enfin à la notion de justice : la terre est neutre, harmonieuse et juste. En conséquence, elle se prêtre volontiers aux régénérations et aux serments, à la prise à parti : elle est le témoin souriant des actions des Hommes, celle qui passive attend avec patience sa transfiguration et rapporte à l’invisible les actions des Hommes. Elle protège les vertueux, les fait émerger à la liberté, et engloutit les méchants, les avale dans des crevasses longues et étroites.

III. Conclusion

Déesse mère riche de pierres précieuses, de métaux, de courants aquatiques et magnétiques cachés, matrice et support de la création, la terre engendre Hommes et animaux, végétaux et moissons. Tous sont soit constitués à partir de la substance primordiale obtenue lorsqu’on mêle Tellus Mater à l’eau pour faire une glaise, soit émanent de son ventre abyssal et nourricier.

↪ Pôle central et distributif du cosmos, la terre est lieu de passages et de changement d’états, porteuse non d’opérations résolutives et dissolutives comme avec l’eau, mais de repos et d’engrangement, d’incubation qui fermente l’acquis pour le faire renaître régénéré, différent, meilleur. Comme la terre elle-même doit renaître transfigurée lorsque figurant le paradis, elle est Jérusalem céleste ou Terre pure.

separateur

Tattva

Présentation

► Système développé à partir des mahābhūta du tantrisme qui prend sans doute sa première source dans l’Aitareya Upanishad, les tattva {Principe fondamental}, éléments constitutifs de l’univers confondus avec des états de conscience, de perception et de réalité, sont issus dans leur développement du sāṃkhya aux IV in Samkhya Karika, qui les lie dans une logique émanationniste avec la remontée yogique jusqu’au principe premier.

► Ils sont présents dans tous les darshana : par exemple dans le védanta, tattva est vu comme une contraction de tat {cela} et tvam {tu}, i.e. la mahâvâkya Tu es cela. Les tattva ont été en outre repris par le jaïnisme puis le bouddhisme qui en combinant la distinction principielle entre nāma et rūpa, les skandha {agrégats}, ayatana {sens} et dhātus {éléments} aboutit au à son concept clef de dhamma {phénomène}. Quoi qu’il en soit, dans la mesure où il s’agit d’un système populaire et ancien on peut selon les textes et mouvements constater plusieurs variations dont voici les principales.

Systèmes

I. Sāṃkhya

◆ Dans le sāṃkhya on énumère 25 tattva :

Avyakta (non manifesté)

Purusha (conscience) et les antahkarana (organe interne) : ahamkâra (conscience du moi), buddhi (intelligence discriminante), Manas (capacité de réflexion) (chitta (Psychisme) est parfois différencié)

● Cinq tanmâtra (substance originelle) : Shabda (son), sparsha (contact), rûpa (vision), rasa (goût), gandha (odeur)

● Cinq mahabhuta (éléments grossiers) : Akasha (ether), vayu (air), tejas (Feu), apas (Eau), prithivî (terre)

● Cinq buddhîndriya (organes des sens) : Vue, ouïe, odorat, goût, toucher (la pensée est parfois ajoutée)

● Cinq karmendriya (organes de l’activité) : Langue, mains, pieds, anus et sexe

II. Shivaïsme

◆ Dans le shivaïsme, on développe le système et on divise les tattva en trois sections :

Shuddha {Purs} correspondant au plan spirituel :

↳ Shiva (conscience) et Shakti (activité)
↳ Sadakya (Soi), Ishvara (conscience de soi) et Sadvidya (équilibre)

Shuddhashuddha {purs-impurs}, correspondant au plan psychique :

Maya (illusion)
↳ Cinq kanchukas (voiles) : kalā (efficacité), vidyā (connaissance), rāga (désir), kāla (temps) et niyati (causalité)
Purusha (âme)

Ashuddha {impurs} correspondant au plan physique et reprenant les substances, éléments et organes du samkhya

III. Jaïnisme

◆ Dans le jaïnisme, on trouve les sept principes décrivant les processus karmiques et cités dans le Tattvartha Sutra :

jiva (les âmes et les substances animées) et ajiva (substances non animées)

asrava (influx karmique) et bandha (servitude karmique)

samvara (arrêt de l’influx karmique) et nirjana (élimination du karma)

● Enfin, moksha (libération de la servitude)



1. […] nous à partir de qui tous les êtres commencent de croître pour décroître ensuite, nous en qui aussi, de nouveau, ils retournent nécessairement quand ils atteignent le terme imprescriptible […] (La Vierge du Monde, 59).

2. 𝕍 Notes sur la théodicée bambara in Revue de l’histoire des religions (135-2, pp. 187-213), Solange de Ganay, 1949.

3. Toutes choses s’échangent pour du feu et le feu pour toutes choses, de même que les marchandises pour l’or et l’or pour les marchandises.

4. Nous honorons selon la loi de la sainteté, ô Mazda, ton feu, (élément) puissant, rapide et fort, qui réjouit le monde et secourt par sa brillante (lumière), mais châtie manifestement, par ses puissantes émissions, celui qui l’offense. (Gathas, XXXIV :4).

5. Indra était le feu intermédiaire : la foudre, Surya le feu céleste : le soleil.