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Abu Musa Jâbir ibn Hayyân
Geber, Al sofi, Le Maître des maîtres

Données générales

PériodeLieu
GénéralVIII IXIrak
Naissance721Tus, Iran
Décès815 ( 94 ans)
833 ( 112 ans)
Koufa, Irak
Tus, Iran
Cause
Inhumation

DomaineCourantOrdre
Alchimie
Astrologie
Médecine
Islam (Chiisme)
Islam (Soufisme)
Falsafa

RelationsNom
Influence
MaîtreJafar al-Sadiq
ParApollonius de Tyane
Aristote
Platon
Pythagore
Shimon bar Yohai
Zosime de Panopolis
SurAlchimie occidentale

Repères biographiques

I. Histoire

■ On dispose d’informations si lacunaires sur le Geber historique, que son existence même est douteuse. Déjà à la première mention du corpus par Abû Sulaymân al-Sijistânî, la paternité de Geber est remise en doute. On suppose que l’auteur d’une bonne partie du corpus jabirien est probablement pluriel, en la personne des alchimistes iraniens et irakiens, notamment ismaéliens ; du reste, les traités considérés comme tardifs viennent probablement de disciples gnosticisants de son école que certains chercheurs ont rapproché des Frères de la Pureté. Comme le style est clair et vraisemblablement conçu pour une large diffusion, on estime qu’il est probablement plus l’œuvre d’artisans et d’autodidactes que de médecins ou de notables.

↳ Les sources synthétisées de ce corpus sont vastes(1) et viennent vraisemblablement Démocrite et Platon, le pseudo-Apollonius, Hermès et Zosime, ainsi que les ouvrages sabéens. Il se divise en deux catégories : certains textes poussent à l’expérimentation en expliquant des opérations matérielles de l’alchimie, d’autres ont pour but d’inviter à la réflexion et exposent des considérations théoriques sur l’hermétisme. Quoi qu’il en soit son apport est essentiel pour l’alchimie car il instaure l’idée de combiner science naturelle et foi mystique. Son œuvre engendrera après son introduction en occident, le corpus pseudo-Lullien, arnoldien et La Nouvelle perle précieuse de Petrus Bonus qui ouvre la voie à l’alchimie symbolique.

► On apprend, toujours par le Fihrist que le père de Geber, vraisemblablement membre de la tribu des Azd et droguiste, fut assassiné. Il fut donc recueilli en Arabie où il suivit des études complètes tant dans le domaine de la théologie et de la littérature que des mathématiques et de la chimie. Son intégration aux soufis lui permet d’avoir accès à plusieurs textes hermétiques syriens et il reçut l’instruction alchimique de son ami Jafar al-Sadiq. Il bénéficia en outre de la protection du calife abbasside de Bagdad Hâroun ar-Rachîd(2) et des vizirs barmécides qu’il aurait initié lui-même à l’alchimie. Il écrit pour le vizir des ouvrages sur l’astronomie et l’optique, la logique et la médecine ainsi que la talismanie et l’alchimie. Son premier ouvrage ouvrage produit pour son maître est Le Livre de Vénus, il se révèle en outre l’introducteur et le traducteur des textes alchimiques grecs venus de Byzance qu’il introduit à la cour puis dans le monde arabe. Après sa disgrâce, il rejoint Koufa.

II. Pensée

◆ Il est considéré comme le père de la chimie en ce sens que c’est le premier auteur connu à avoir appliqué la méthode expérimentale. Outre qu’on lui attribue la rédaction d’un vaste corpus alchimique, on lui octroie aussi la fabrication d’instruments chimiques (L’alambic), la découverte de substances(3) et celles des principaux sels de soufre, de mercure et d’arsenic, ainsi que de méthodes propres à l’alchimie(4). Il instaure, la dualité soufre/mercure présents en différentes proportions dans tous les métaux, la notion de panacée et de pierre transmutatrice. On lui doit enfin l’ajout de substances animales(5) et végétales dans les procédés ce qui conduira au développement de la sorcellerie aussi bien que de la pharmacie.

Postulant l’unité de la matière dont le mercure est le principe, Geber se donne en effet pour objectif de transmuter les métaux par l’obtention d’un al-iksīr {elixir} ou ḥajar {pierre} qui parfaitement composé est chaud et humide comme le corps humain et chargé de rūḥ {souffle}. Cette matière, qui l’on obtient par l’entremise de distillations fractionnées et de chauffages est capable de transmuter les métaux par contact. On raconte que des ouvriers mirent à jour son laboratoire et l’on y trouva un mortier fait d’un or très pur.

◆ Il est aussi le socle mystique de l’alchimie, puisqu’il en défini les bases conceptuelles, édifiant les fondations du pont analogique avec la chimie. Sa cosmologie d’abord, subit l’influence de l’émanationisme néoplatonicien. Il a d’autre part, ajouté des propriétés intermédiaires aux éléments vis à vis de la physique d’Aristote : chaleur, frigidité, sécheresse et humidité qui sont des substrats préexistant aux éléments eux-mêmes. Lorsque ces propriétés s’amalgament à des substances, elles engendrent des composés au premier degré : chaud, froid, sec et humide. Combinés entre eux, ces composés engendrent les éléments. Les métaux se forment dans la terre, par la conjonction de soufre et du mercure et sous l’influence des planètes. Ils sont composés de deux natures intérieures et deux extérieures. Ainsi, il indique dans ses Soixante-Dix que le plomb est froid et sec à l’extérieur, tandis qu’il est chaud et humide à l’intérieur, l’or est tout l’inverse. Les jabiriens classent les minéraux en sept catégories de métaux qui sont fusibles et malléables : or, argent, étain, cuivre, fer, plomb et khārṣīnī, un alliage non formellement identifié. Ils possèdent chacun 17 pouvoirs, puisque l’univers est gouverné par ce chiffre, cette gouvernance est manifestée par le carré magique de 45 dont la somme du carré inférieur est 17 et dont le gnomon est de 28 (verticalement : 4,3,8;9,5,1;2,7,6).

↪ Les traités dits Livres de l’Équilibre de Geber disposent d’un grand nombre de tableaux répertoriant les proportions (موازين (Mawâzîn) {balances i.e. équilibres}) élémentaires de nombreux éléments et en manipulant ces proportions, on peut modifier l’état de la matière et transmuter une substance en une autre. Les quatre qualités élémentaires se subdivisent en sept catégories ce qui donne 28 entités correspondant aux 28 lettres de l’alphabet arabe. Un point important de cette arithmosophie est l’interchangeabilité et l’analogie liant les mots et la structure élémentale des concepts ainsi désignés et donc, l’analyse du signifiant permet d’accéder au signifié et d’en analyser la constitution ce qui ouvre la voie à une alchimie du verbe dont l’effet serait de pouvoir modifier la matière. Pour Geber, le but en amont des opérations alchimiques est d’obtenir une gnose, de retrouver l’harmonie de la sagesse divine dans le miroir de la nature : l’opération alchimique devient donc un initiateur, conforme à l’imām parfait pour l’opérant. Grâce à ce procédé, Geber évalue ainsi pouvoir investiguer sur les rapports qu’entretient ẓāhir {exotérique} et bāṭin (ésotérique)(6).

III. Influence

■ Les ouvrages de Geber sont traduits d’abord par Robert de Chester en 1144 avec le Kitab al-Kimya (Livre de la composition de l’alchimie) dont la notoriété en occident demeurera prestigieuse puis par Gérard de Crémone 1187 avec le Kitab al-Sab’een {Les 70 livres}, enfin au XIII, suivent la Tourbe, le Composé et le Livre de la miséricorde dont la légende rapporte qu’il fut trouvé à la mort de Geber sous son oreiller.

Conséquence de cette notoriété, certains apocryphes existent, en particulier Paul de Tarente, franciscain du XIII qui a ntm. écrit La Somme de la perfection et Le Livre des fours. Par la suite, le Liber Geber, publié à Rome en 1486 est abondamment diffusé et le fameux commentaire de Bracesco, La Espositione di Geber philosopho popularise la théorie du mercure seul et ouvre la voie à l’interprétation personnelle des textes alchimiques. Berthelot traduira certains traités dans sa Chimie arabe au Moyen-âge comme Les 70 Livres Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France(7).

En outre, son œuvre contient des textes traitant de matières diverses : médecine et astronomie, philosophie et occultisme mais qui toutes sont au service d’une alchimie qui fait office de colonne vertébrale. Certains manuscrits d’astrologie, de divination (ntm. de géomancie) ou de magie lui sont ainsi, également attribués. On retrouvera d’ailleurs l’influence de Geber dans la cosmologie du Picatrix (attr. ? Maslama al-Mayriti), permettant d’extraire l’ouvrage de la goétie et de lui donner un cadre théorique via les théories néoplatoniciennes.

IV. Documents pertinents

Grillot de Givry in Anthologie de l’occultisme dit que Djâber ben Hayyân Eç-Çaufy, nommé par les Européens, Geber, est né à Tousa ou à Horrâm au VIII° ou au IX° siècle de notre ère. C’est le plus grand chimiste et mathématicien arabe. Son nom a été donné à l’algèbre (al-geber) dont on le considère à tort comme l’inventeur. Il a été tenu en très grand honneur parmi les alchimistes d’Europe, à partir du XVI° siècle, à cause d’un traité célèbre, intitulé : Somme de Perfection, et qui figure dans le Theatrum Chemicum et dans toutes les autres collections de ce genre. […]

🕮 Caillet, ref.4418 (Geberi Philosophiæ alchimistæ maximi) : Geber ou Yeber. Alchimiste illustre, de son vrai nom Abou-Moussa Diafar al Sophi. Il vivait sur la fin du VIIIe siècle mais on ne sait rien de sa biographie.

🕮 Jouin, ref.155 (De l’Alchimie et du Magistère), 950 (Ecrits chimiques, curieux et complets de Geber):

1. Geber, l’un des plus célèbres alchimistes vivait vers la fin du huitième siècle, et écrivit probablement ses œuvres en arabe, bien qu’il fut peut-être espagnol, grec ou persan. Lenglet du Fresnoy (I, 72-80) analyse trois de ses œuvres : 1° Summa perfectionis Magisterri in sua nature ; 2° De Investigatione perfectionis Metallorum ; 3° Testamentum Gebri. […] toutes les éditions de Geber furent imparfaites jusqu’à celle de Dantzick, parue en 1682, qui fut copiée sur un manuscrit latin fort exact de la bibliothèque vaticane. […] Geber, (dit Lenglet du Fesnoy) "est le Chef et le Maître de tous ceux qui ont travaillé et qui travaillent à la Philosophie hermétique".

2. Geber est assez célèbre pour que nous ne donnions pas ici sa biographie. On trouvera d’ailleurs d’amples détails à son sujet dans les dictionnaires généraux de biographie : Michaud, t. XVI, p. 160 ; Hoefer, t. XIX, col. 789 ; Goicoux, t. XII, p. 16 ; Feller, t. V, p. 377. De plus, le docteur Hoeffer, dans son excellente Histoire de la Chimie, t. I, p. 326-340., donne un exposé fort clair des doctrines de Geber.

Brunet,(t. II. col:-1516) : « Geber ou Yber, chimiste arabe qui a vécu à la fin du VIIIe et au Commencement du IXe siècle, a été le plus célèbre alchimiste du moyen âge, et ses ouvrages, qui presque tous ne nous Sont parvenus qu’en latin, tiennent encore une place honorable dans l’histoire de la science […]

Arthur Waite, dans son History of the Alchemistical Philosophers, p. 444 consacre à Geber un chapitre de deux pages, d’où nous tirerons la partie bibliographique : « Le nom de Geber a été pris par plusieurs auteurs qui ont écrit plus ou moins longtemps après lui ; il en est résulté que les faits de sa vie ont été dénaturés de différentes manières et que des livres de date plus récente et de moindre valeur lui ont été attribués. On doit mettre au nombre de ses apocryphes un commentaire astronomique sur la Syntaxis Magna, de Ptolémée, en 9 livres, œuvre du XIIe siècle, ainsi qu’il résulte d’évidences intérieures. Les œuvres de Geber qui existent encore sont en latin, pour la plupart, et presque toutes d’une authenticité contestable. On dit qu’il existe à la Bibliothèque de Leyde plusieurs manuscrits arabes qui n’ont jamais été traduits, qu’il s’en trouvé, un autre à la Bibliothèque nationale de Paris, avec un traité De Triangulis Sphæricis. L’édition la plus complète de Geber est celle de Dantzig, parue en 1682, et reproduite dans la Collection de Manget (Bibliotheca Chemica Curiosa, 2 vol. in-f°, 1702). Au premier rang, il faut mettre La Somme de Perfection (Summæ Perfectionis magisterii in sua natura Libri IV). Ensuite citons le traité intitulé De Investigatione Perfectionis Metallorum, puis son Testamentum, enfin un traité sur la construction des fourneaux. » Dans sa liste des auteurs et ouvrages alchimiques (même ouvrage, p. 287), M. Waite indique en outre L’invention (ou la découverte) de la vérité.

Œuvres choisies

► La bibliographie exacte est encore disputée mais on la regroupe usuellement sous quatre collections, environ 3000 traités sont identifiés mais seulement 250 ont été conservés, de taille variable mais tous représentatif des sciences traditionnelles de l’islam médiéval. 𝕍 tout de même plus particulièrement le fameux Kitāb al-raḥma {Livre de la miséricorde} (Liber Misericordiae) et pour les arabisants, son commentaire par Tughrā’ī (Le Secret de la philosophie). Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre sur la Bibliothèque Nationale de France

  • Les 112 Livres, incluant une version arabe de la Table d’Émeraude sur laquelle se basent ces ouvrages.
  • Les 70 Livres, dont la plupart furent également traduits en latin au cours du moyen-âge, en grande partie par Gérard de Crémone. Ils contiennent des livres comme le Livre de Vénus ou le Livre des pierres.
  • Les 10 Livres de Rectification, contenant des biographies d’auteurs perçus comme alchimistes par la postérité comme Pythagore, Socrate, Platon et Aristote.
  • Les Livres de l’Équilibre, qui contiennent des considérations sur les balances dans la nature. Ils ne sont vraisemblablement pas tous de Geber mais doivent être le fruit de ses disciples.

Citations

Le philosophe Platon a dit que l’œuvre était un troisième monde, parce qu’il est pareil aux deux autres mondes et qu’il réunit les forces du macrocosme et du microcosme. On a décidé que c’était un petit monde à la suite de théories, de faits et d’expériences ; car on a remarqué que toutes les choses du macrocosme ont leurs similaires dans le petit monde, en fait de force interne et externe.
Le Livre de la miséricorde
Celui à qui il manque une disposition naturelle et un esprit vif capable de pénétrer la nature et ses lois ne pourra pas saisir les racines de notre auguste art. […] Notre art reste fermé aux personnes poussées par l’avarice et la cupidité.
attr. passim
La première chose essentielle en alchimie, c’est que vous devez effectuer des travaux appliqués et des expériences, car celui qui n’effectue pas de travail appliqué et d’expérience n’atteindra jamais les plus hauts degrés de la connaissance.
attr. passim


1. Une bibliographie est donnée au IX par Ibn al-Nadim dans son Kitab-al-Fihrist.

2. Qu’on retrouve dans les Mille et Une Nuits.

3. Acides chlorhydrique, nitrique, citrique, acétique, tartrique et l’eau régale.

4. Calcination, évaporation, sublimation, distillation…

5. Sang et urine, moelle et os.

6. 𝕍 Aspects de l’ésotérisme chiite dans le Corpus Ǧābirien in Al-Qantara (XXXVII 2), Pierre Lory, 2016.

7. Ici in Mémoires de l’Académie des sciences de l’Institut de France.