Eckhart von Hochheim🔗 horoscope 🔗 autorités
Maître Eckhartⁱ
⟴Données générales
Période | Lieu | |
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Général | XIII – XIV | Allemagne |
Naissance | 1260 | Hochheim am Main, Allemagne |
Décès | ≈ 30 Avril 1328 (≈ 68 ans) | Avignon, France |
Cause | Inhumation | |
Domaine | Courant | Ordre |
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➧Théologie ➧Philosophie ➧Mysticisme | ➧Catholicisme ➧Scolastique ➧Mystique Rhénane | Ordre des Prêcheurs 🎓 |
Relations | Nom |
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Influence | |
Disciple | ➧Jean de Ruisbroek ➧Jean Tauler |
Maître | Albert le Grand |
Par | ➧Augustin d’Hippone ➧Averroès ➧Avicenne ➧Aristote ➧Bernard de Clairvaux ➧Boèce ➧Marguerite Porete ➧Martin Heidegger ➧Moïse Maïmonide ➧Plotin ➧Proclus ➧Pseudo-Denys l’Aréopagite ➧Sénèque (Le jeune) ➧Thierry de Freiberg ➧Thomas d’Aquin |
Sur | ➧Angelus Silesius ➧Daisetz Teitaro Suzuki ➧Henri Suso ➧Jakob Böhme ➧Nicolas de Cues ➧René Guénon |
Critiqué par | ➧Jean de Leeuwen ➧Jean de Ruisbroek |
⟴Repères biographiques
I. Histoire
► On ne possède que des données approximatives sur la vie d’Eckhart. Peut-être issu de la noblesse, il entre chez les dominicains vers ses quinze ans puis il poursuit des études de théologie à Paris puis à Cologne où il étudie la théologie sous Albert le Grand. Il entreprend une carrière dans l’Église : il atteint le grade de prieur d’Erfurt puis vicaire de Thuringe à 35 ans. Il deviendra par suite provincial pour la Saxe à 43 ans et cinq ans plus tard, vicaire général pour la Bohème. Enfin il devient le vicaire général de Teutonie à 54 ans. Il enseigna à Paris en 1302 et 1303 comme magister actu regens(1) en qualité de théologien, sa réputation était telle que le Pape Boniface VII l’invita à Rome en 1302 pour l’assister dans sa lute contre Philippe le Bel. En 1307 il est vicaire général de Bohême. Il se rend ensuite à Strasbourg où il assure la direction spirituelle des sœurs dans la vallée du Rhin puis, après 1323, il dirige le studiolum dominicain de Cologne et prêche en allemand.
► Les écrits de son œuvre mystique, incompatibles avec la scolastique de l’époque et vues comme panthéisantes, éveillèrent les soupçons de l’archevêque de Cologne qui en 1326 institue une commission sur sa foi. Ces soupçons ne tarirent pas malgré le soutien de son ordre et les arguments qu’il formula en personne pour sa défense auprès du Pape Jean XII. Eckhart meut en 1328 et le Pape condamna 28 de ses propositions un an après sa mort dans sa bulle In agro dominico.
■ Il existe PSI un portrait de source inconnue qu’on attribue (faussement ?) à Eckhart. On retrouve ce portrait dans un vitrail du Château-Gaillard à Amboise où il est associé au paysagiste Pacello da Mercogliano.
II. Pensée
◆ La mystique contemplative d’Eckhart, fort différente de ce qui était enseignée dans les universités, est une mystique de la pauvreté et du dépouillement de l’âme, proche du monachisme. Pour être précis, Eckhart n’est pas un praticien de la mystique ni un mystagogue, ni même un mysticologue : bien que sa construction psychique soit de nature mystique, il semble se contenter d’agréger un certain nombre d’expérience, sans pour autant tenter de les penser ou de les provoquer chez lui-même ou autrui, dans ses propos nul conseil pratique concret. Ses Sermons, théologiques et spéculatifs sont une collection de sentences, recopiées sur place par ses auditeurs. Destiné surtout au vulgaire, les images qu’il utilise sont simples et son langage clair. Il qualifiait ces sentences de locutio emphatica, et elles avaient pour but de provoquer un choc : elles étaient parfois paradoxales, laissaient un doute quant à leur interprétation et étaient toute pétries d’apophatisme ce qui ne manqua pas d’interpeller les commentateurs ayant un intérêt pour les philosophes antiques ou même le chan. Sa théologie quant à elle, à un cadre thomiste, élargie par une interprétation néoplatonicienne.
● Chez lui l’intelligence qui est assimilée au verbe, est supérieure à l’être et la connaissance vraie est gnostique, intérieure. Elle permet, après s’être détourné des illusions de la matière, de différencier dans l’intellect, les images archétypales porteuses de mystères vers lesquelles l’âme raisonnable et tendue vers Dieu doit s’identifier. D’abord défenseur du fait que la nature de Dieu est intellect, il prêcha ensuite l’unicité de Dieu au delà des oppositions. Sa nature est donc sans attributs, attributs qui le limiterait, il est par conséquent, au-delà de la compréhension Humaine. Il différencie ainsi Got {Dieu} de son essence qui est gotheit {déité} et qui précède ontologiquement la Trinité. Par l’apophatisme, l’Homme doit se réintégrer dans la déité qui inconnaissable et ungrund {sans fond}, Une et illimitée, sans nom et sans acte. Dieu, comme les transcendantaux platoniques est l’être absolu፧ ; la créature, totalement dépendante, simple reflet dans un miroir, doit soit se conformer à lui, soit être purum nihil. L’essence divine pourtant, est universelle et pénètre toutes les créatures qui sont issues de la division concomitante à la chute.
↳ L’union mystique avec Dieu par l’identification à cet absolu et le détachement, l’abandon de la matière — également néant — ainsi que de la personnalité humaine est le but final de sa théologie. Il conseillait même au pêcheur d’ignorer la culpabilité afin de ne pas entraver sa volonté, volonté qui était concomitante et proportionnel à l’amour, moteur de son retour en Dieu. C’est en effet dans le seelengrund {fond de l’âme}, espace, sans flux temporel ni coordonnées spatiales que peut naître la présence divine. Il avoue lui-même, être obnubilé par le concept d’incarnation de Dieu dans l’âme Humaine. Atteindre ce vide ne peut se faire que sans artifices, sans intermédiaire et sans étapes, car tout méthode, toute station est de l’ordre du créé et donc du néant. Dès lors, il ne s’agit pas tant de produire un effort pour rejoindre Dieu mais de se tenir ancré dans la présence divine. Eckhart insiste sur cette identification avec l’absolu qui doit être de façon radicale pour être vraie, en soulignant que même l’idée de Dieu pour Dieu doit être abandonné par le mystique, car elle est une vision dualisante qui instaure dès lors une hiérarchie dans la perception du créer et s’oppose donc à l’amour universel, qui considère tout également l’insecte et le saint.
⟴Œuvres choisies
- Les Entretiens spirituels, ≈ 1298.
- Le Livre de la consolation divine, ≈ 1314.
- Sermons (allemands), ≈ 1330.
⟴Citations
Il y a dans l’âme quelque chose qui est incrée et incréable ; si l’âme entière était telle, elle serait incréée et incréable ; et cela, c’est l’intelligence
1. Au début / Au delà de toute compréhension / Était le mot. / Précieux joyaux, / qui initie l’initial ! / Sein paternel, / d’où coule la joie / et le flot des verbes ! / Et bien que ce sein-là, / c’est vrai, garde en lui ses mots.
2. Des deux coule un flot, / de la braise et de l’amour, / liés tous deux, / et des deux reconnus, / coule le doux flux de l’esprit / sur le même plan, / inséparable. / Les trois sont Un. / Sais tu cela ? Non. / Lui seul sait ce qu’il est.
3. Ces trois liés ensemble / choquent profondément, / et cette stupeur / jamais tu ne la comprendras : / C’est une profondeur sans fond. / Échec et mat / au temps, aux formes et aux lieux ! / Le formidable cycle / est l’origine, / et son centre est immobile.
4. De ce centre la montagne / qu’il faut gravir sans agir, / avec lucidité ! / Le chemin mène / dans un désert merveilleux, / si large, si libre, / qui sans limite s’étend. / Ce désert n’a / ni époque ni endroit, / il est sa propre cause.
5. Le désert si bon, / que nul pied n’a foulé, / les idées que l’on se fait / jamais n’y sont allées : / cela est, et nul ne sait ce que cela est. / c’est ici et c’est là / c’est loin et c’est proche, / c’est en bas et en haut, / tant bien que / ce n’est ni ceci ni cela.
6. Il est la lumière, il est manifeste, / il est si obscur, / Il est sans nom, / Il est inconnaissable, / libre de fin comme de début, / Il reste serein, / nu, sans habits. / Qui connaît sa maison ? / Il vient là / nous dire quelle est sa forme.
7. Deviens tel un enfant / Deviens sourd, deviens aveugle ! / Ton ego / doit devenir mort, / Tous les quelque-chose et tous les riens doivent s’en aller ! / Quitte l’espace, quitte le temps, / Rejette même ton image ! / Va sans méthode / par l’étroit chemin, / et tu verras des traces de pas dans le désert.
8. Ô mon âme / sors et Dieu entre ! / Fait naufrage mon ego / Dans le divin néant, / sombre dans le fleuve sans fond ! / Que je fuis, / tu viens. / Que je me perde / je me trouve, / Ô félicité suprême!
Un esprit libre est celui qui n’est troublé par rien et n’est attaché à rien, qui n’a lié le meilleur de lui-même à aucun mode et ne songe en rien à ce qui est sien.
Quand l’Homme voit Dieu, il a conscience de cette vision et il se connaît également comme être qui connaît ; c’est-à-dire qu’il connaît sa propre contemplation et sa propre connaissance.
Car l’Homme doit être un en lui-même ; cette unité, il faut qu’il aille la chercher en lui-même et dans l’Unité ; il faut qu’il la reçoive dans l’Unité et par conséquent : il ne doit contempler que Dieu seul. Il doit ensuite revenir, c’est-à-dire savoir et connaître qu’il connaît Dieu, qu’il sait quelque chose de lui.
Ce ne sont pas nos actes qui nous sanctifient, c’est nous qui sanctifions nos actes.
Ceux dont l’être n’est pas grand n’aboutiront jamais à rien, quoi qu’ils fassent.
En toutes choses, l’homme doit saisir Dieu et habituer son esprit à toujours avoir Dieu présent en esprit, en intention et en amour. Observe bien la manière dont ton intention va vers Dieu.
En vérité, plus nous sommes nous, moins nous sommes nous.
Entre Dieu et la Déité, la différence est aussi grande qu ’entre le ciel et la terre. Je dirai même plus : entre l’homme intérieur et l’homme extérieur, la différence est aussi grande qu’entre le ciel et la terre
La prière la plus efficace, on pourrait dire la plus puissante, pour acquérir toutes choses, et qui est aussi la plus digne de toutes, est celle qui sort d’un esprit libre.
Là où finit la créature, là commence l’être de Dieu. Tout ce que Dieu te demande de la façon la plus pressante, c’est de sortir de toi-même dans la mesure où tu es créature, et de laisse Dieu être Dieu en toi. […] Sors en totalité de toi pour l’amour de Dieu, et Dieu sortira entièrement de Lui-même pour l’amour de toi… ce qui reste alors, c’est l’unité simple.
Le but de Dieu… est que nous soyons le Fils unique.
Le fond de Dieu est mon fond et mon fond est celui de Dieu. […] C’est à partir de ce fond intime que tu dois opérer toutes les œuvres sans demander aucun pourquoi.
Le siège de l’amour est exclusivement dans la volonté ; plus on a de volonté, plus on a d’amour.
Les gens ne devraient pas toujours tant réfléchir à ce qu’ils doivent faire, ils devraient plutôt penser à ce qu’ils doivent être.
Lorsque l’homme se détourne des choses temporelles et se tourne en lui-même, il perçoit une lumière céleste qui vient du ciel.
L’abandon le plus élevé et le plus total que l’homme puisse faire, l’abandon de Dieu pour Dieu.
L’erreur est affaire d’intelligence, l’hérésie dépend de la volonté.
L’œil de Dieu qui voit en moi est le même œil qui, en moi, voit Dieu.
N’attribue pas trop de valeur à ce que tu ressens, mais attache de l’importance à ce que tu aimes et à ce que tu cherches.
Observe-toi toi-même, et chaque fois que tu te trouves, laisse-toi ; il n’y a rien de mieux.
On peut trouver étrange l’affirmation que l’âme doit perdre jusqu’à Dieu. Pour que l’âme devienne parfaite, il lui est plus nécessaire de perdre Dieu que de perdre la créature. Il faut, il est vrai, que tout soit perdu, car la place de l’âme doit être dans un libre néant. Le dessin bien arrêté de Dieu, c’est que l’âme perde Dieu. En effet, tant que l’âme a encore Dieu, connaît un Dieu, a la moindre notion d’un Dieu, elle est encore éloignée de Dieu. C’est pourquoi, c’est le désir formel de Dieu de s’anéantir Lui-même dans l’âme afin que l’âme se perdre elle-même... le plus grand honneur que l’âme puisse faire à Dieu, c’est de l’abandonner à Lui-même et se s’affranchir de Lui. C’est dans ce sens qu’il faut entendre la mort la plus intime de l’âme, celle qui lui permet de devenir divine.
Puissions nous aimer la Justice pour elle-même et aimer Dieu sans pourquoi !
Quand je prêche, je m’applique à parler du détachement et de ce que l’Homme doit se vider de son moi et de toute chose. En second lieu, qu’on doit être reconstruit dans l’unique bien, qui est Dieu. En troisième lieu, qu’on doit songer à la grande noblesse que Dieu a déposé dans l’âme, à partir de laquelle l’Homme, alors, vient à Dieu d’une façon admirable. Et quatrièmement, de la carté de la nature divine, l’éclat qui se trouve en la nature divine est inexprimable. Dieu est une parole, une parole inexprimée et inexprimable.
Quiconque aime la justice est saisi par la justice et devient lui-même justice.
1.⟴ D’où il tiendra son épithète.
Version: 1.5
Maj : 20/12/2024