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Abiose
[abioz], subst. fém.

Définition

[Occultisme]

► Utilisé en biologie pour exprimer la cessation apparente des manifestations de la vie chez un organisme extrait de son milieu ou étant privé des fonctions nerveuses présidant à leur manifestation. Le terme est employé de manière analogue en occultisme pour signifier les états de mort apparente de certains saints ou yogis.

Étymologie

Grc. : pfx.prv - + βίος (Bios) {vie}.

Commentaires

I. Occurrences

► Rare, trouvé ex. chez l’orientaliste Julien Tondriau (L’Occultisme).

Renvois

↪ Connexe : Stase
↪ Amont : Mort

Abîme
[abim], subst. masc.

Définition

[Cosmographie]

Point idéal d’existence primordiale, indifférenciée et informe, préexistant à la première manifestation. Il sera d’abord chaotique avant de devenir cosmos. Ce cosmos dispose d’attributs qui sont à l’opposé, soit la différenciation et l’organisation.


[Religion]

► L’abîme peut d’abord se référer au sens ci-avant et désigner dans le contexte chrétien (chez Eckhart ou Hadewijch), le lieu abstrait et insondable où réside, au-delà de son déploiement trinitaire, l’un.

↳ Tauler précise que ce lieu n’étant pas soumis à l’objectivation il abolit toute différenciation et en conséquence, toute créature plongeant dans l’abîme ne fait qu’un avec Dieu.

► Par extension de son sens abyssal, désigne l’enfer dans son état de profondeur infinie et impénétrable, sans fondement, sans repères trigonométriques ou temporels. Ce lieu abstrait rappelle symboliquement la gueule du Léviathan, la fin des temps ou l’utérus avaleur de la Tiamat Akkadienne, figure de destruction mais aussi de régénération comme un bain de matière primordiale.


[Héraldique]

► Point central de l’écu.

Étymologie

Grc. : pfx.prv - +‎ βυθός (Bythos) {profondeurs insondables de l’océan}.

Lat. : abismus {fosse sans fond}

Commentaires

I. Occurrences

a. On trouve au Psaume 104.5-6 (Vulgate) : Qui fundasti terram super stabilitatem suam non inclinabitur in saeculum saeculi / Abyssus sicut vestimentum amictus eius super montes stabunt aquae {Il a affermi la terre sur ses bases : elle est à jamais inébranlable. / Tu l’avais enveloppée de l’abîme comme d’un vêtement ; les eaux recouvraient les montagnes.} (Crampon) où l’abîme est désignée comme vêtissant la terre (entendu ici dans son sens le plus métaphysique).

b. L’Ungrund {Non-fond} ou Urgrund {Fond originaire} est une notion fondamentale de Jakob Böhme(1). Tous les contraires s’y annulent dans l’ineffable origine de la divinité alors conçue comme absolu sans détermination. Cet état préexiste à la volonté de cette même divinité de se connaître elle-même.

↳ On peut aussi rapprocher la notion du grundlos rhénan, même si la dialectique y présidant est différente.

c. Hormis l’ichtyocentaure du même nom dans la mythologie, on trouve un Βυθός (Bythos) dans le gnosticisme. Il désigne la première émanation du Plérôme, parfois contrepartie d’un Éon parèdre comme dans le système valentinien.

d. Dans le polythéisme nordique, le Gylfaginning {La Tromperie de Gylfi}, partie cosmogonique de l’Edda de Snorri, mentionne le Ginnungapap, espace de potentialité magique et abîme insondable séparant, avant la création du cosmos, au sud, Muspellheim (monde de glace) et au nord, Niflheim (monde de feu).

↳ Également mentionné dans la Völuspá {Prophétie de la sybille}, cet espace vide générera Ymir et Audhumla, enclenchant la Création mais sera aussi l’état dans lequel reviendra le cosmos après le Ragnarǫk.

e. Dans les religions dharmiques, le पाताल (Patala) contient sept लोक {mondes inférieurs} et le नरक (Naraka), le plus bas de tous, contient sept enfers qualifiés comme "abîmes".

Notes

1. 𝕍 Le Fini et l’infini chez Böhme (2006) de David König.

Renvois

↪ Connexe : Ain, Ginnungapap, Plérôme
↪ Amont : Absolu

Abjuration
[adʒyʁasjɔ̃], subst. fém.

Définition

[Droit]

► Dénégation d’une obligation, d’un privilège ou d’une dette précédemment contractée. En droit romain, le mot est uniquement négatif puisque cette dénégation s’accompagne d’un parjure (l’inverse est "éjuration"). En droit gaulois, on pouvait abjurer ses parents afin de se soustraire aux droits et aux devoirs qui découlent de ce lien de parenté. En droit anglais, on peut de même abjurer une personne, son autorité et par conséquence, son domaine de juridiction. Ainsi un criminel pouvait, sous la condition de s’être réfugié dans un lieu sacré, abjurer le roi et sa loi et ainsi choisir le bannissement à perpétuité de l’île plutôt que l’exécution de la peine.


[Théologie]

► Renonciation à des idées ou croyances effectuée de façon formelle et solennelle. Se différencie ainsi de l’apostasie qu’elle supplante en dignité. Concerne d’abord le domaine religieux puis par extension, tout engagement moral et/ou philosophique.


[Catholicisme]

► Le rituel d’abjuration est mis en vigueur suite à l’avènement du nestorianisme et du monophysisme. Durant l’âge de l’inquisition, il existait jusque quatre formes d’abjurations canoniques qui intervenaient selon la gravité de l’acte d’apostasie ou d’hérésie : de levi, de vehementi, de violento et de formali(1).

Étymologie

Lat. : abjuratio, de ab {hors/loin de} + iūrō {prêter serment} i.e. renier par serment.

Commentaires

I. Désenvoûtement et exorcisme

► L’abjuration un acte de déliement particulièrement recherché dans le désenvoûtement et l’exorcisme et qui intervient communément avant un acte de purification. L’abjuration du lien existant entre la victime et la cause de sa souffrance(2), a pour effet la restitution des moyens psychiques de la victime, ce qui est une condition sine qua non à son rétablissement complet et durable dans les plus brefs délais.

Notes

1. Galilée par exemple, était concerné par un de vehementi quoique avec circonstances aggravantes.

2. Un sorcier, une entité ou la victime elle-même.

Renvois

↪ Connexe : Exorcisme, conjuration, invocation, évocation
↪ Amont : Formules magiques
Npc. : Adjuration


Ablution
[ablysjɔ̃], subst. fém.

Définition

[Religion (général)]

Action de se laver une partie, tout le corps ou des vêtements à l’aide d’eau et ce à des fins purificatoires (le terme "lustration" est plus propre lorsqu’il s’agit de l’ablution d’un lieu ou d’un objet). Par analogie rituel de purification de l’âme, très répandu dans les diverses religions et condition indispensable à toute action rituelle.


[Religion (catholique) 1]

► Action du prêtre se lavant l’index et le pouce et purifiant le calice avec l’eau et le vin ou bien buvant le vin après sa communion après avoir pris l’hostie. L’on accompagne ces rituels avec l’oraison Quod ore sumpsimus.


[Religion (catholique) 2]

Utilisation de l’eau bénite au baptême et au lavement des pieds du jeudi saint.


[Alchimie]

Enlever des sels surabondants d’un corps par l’action d’un liquide, en particulier de l’alcool afin d’imprimer à ce corps des vertus particulières.

Étymologie

Lat. : abluo {Lavement, purification}

Depuis Tertullien (Du Baptême) abluo prend le sens religieux : "absolution" ; i.e. selon Saint Ambroise (De la Pénitence) : purification par l’eau du baptême.

Commentaires

I. Nature

► L’ablution, fortement liée au symbolisme de l’eau et à son caractère mystérieux, matriciel, nourricier et initiatique peut avoir pour objet aussi bien de purifier que de bénir en s’appropriant soit les forces naturelles de la source concernée ou bien celles de Dieu où l’eau sert alors de matrice intermédiaire aux forces divines. Sa purification est de nature différente de celle apportée par les trois autres éléments.


II. Exemples

► Pour d’excellents exemples, 𝕍 l’achama et le célèbre Pèlerinage de Kumbh Mela de l’hindouisme ainsi les harae du shintoïsme en particulier le misogi. Un autre exemple célèbre est celui des candidats à l’initiation des mystères d’Eleusis à qui l’ont faisait observer entre autres rituels purificatoires complexes, l’ablution rituelle.

Renvois

↪ Connexe : Fumigation
↪ Amont : Eau, Purification

Abracadabra
[abʁakadabʁa], subst. masc.

Définition

[Magie]

Très fameux mot de pouvoir dont l’emploi historique est de prémunir et de guérir les maladies. En particulier efficace sur les douleurs intestinales et la fièvre en général.

Étymologie

► Comme bien des termes cabalistiques qui passèrent de main en main, ses significations et prononciations varient selon le contexte dans lequel on le situe et la manière que l’on a de l’appréhender ce qui explique ses diverses étymologies desquelles on peut difficilement tirer une généalogie.

Ara. : adhadda kedhabhra {que la chose soit détruite}.

Ara. : Evra ke debra {je crée d’après mes paroles}, {que les choses dites prennent vie}.

Clt.Irl. : Abra ou Abar {épithète du Dieu suprême} + Cad {sacré} i.e. : "Abra le saint". (Godfrey Higgins in The Celtic Druids (1827))

Chl. : abbada ke dabra {Péris tel ce mot}.

Egy. : Abaka (Akh, Ba + Ka) + Tep {Mot} + Ra. i.e. : "Verbe dans les trois corps (supérieurs)"

Grc. : Ablanathanabla {Lat. : Pater ad nos veni {Tu es un père pour nous tous}}. On trouve aussi "Ablanathanalba" sur certaines amulettes figurant le célèbre palindrome. Le sens est peu clair, certains préfèrent y voir des racines heb. ou ara..

Grc. : Αβραξας ("Abraxas") ? du cpt., pers. ou egy.. Symboliquement : {ne me blesse pas} ou {protège moi} i.e. : totalité cosmique (365).

Heb. : ברק (Baraq) {foudre} + דבר (Davar) {parole}, i.e. : {parole foudroyante}.

Heb. : הברכה דברה (Habrakha dabra), signification : {la bénédiction a parlé}.

Heb. : Arba {quatre} + Dâk {casser}, i.e. : "Le tétragramme anéantit (domine) les (quatre) éléments".

Heb. : Ab {Abba : Père} + Ruah Ha Kadosh {Esprit Saint} + Dabar {Parole ou verbe} i.e. : la trinité.

Heb. & Ois. & Lat. : Abreq ad Hâbra {envoie ta foudre jusqu’à la mort}.

Lat. : ABC (b.a-b.a)

Ois. : Ab {Lat. : "depuis"} + Red {Ang. "Rouge" : limon, monde matériel} + Ad {Lat. : "Jusqu’à"} + Ab {Lat. : "depuis"} + . i.e. : Du feu au soleil, du relatif à l’absolu, du microcosme au macrocosme, ce qui du reste synthétise les trois idées directrices soulevées par la compilation des différentes significations (Destruction, protection, invocation à l’absolu).

Commentaires

I. Utilisation

► Se portait sous sa forme graphique en tant que préservatif ou porte bonheur, d’abord en Perse, puis est passé en Syrie, en Égypte et enfin en Grèce. Son pouvoir est multiplié s’il est porté autour du cou en philactère. Il faut écrire ce mot sur du parchemin ou mieux, le graver sur une médaille plusieurs fois l’un au dessus de l’autre, tout en le diminuant une lettre après l’autre et de manière rétrograde jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une.

↪ Les chrétiens l’ont d’abord employé contre le mauvais œil, puis on l’a tenu pour favoriser les rencontres avec le Diable. Continuant sa dérive sémantique, il est par suite devenu l’archétype de la formule magique, utilisée dans la prestidigitation pour signifier : "L’illusion est opérée".

II. Formes

► En hébreu comme on n’écrit pas les voyelles, on obtient en neuf lettres : הברהקדברה (HBR HCD BRH) ou אברקאדברא (ABR KAD BRA). On trouve plusieurs versions du talisman. Soit on écrit les lettres sur neuf couches en écrivant ces trois mots de gauche à droite et en ôtant une lettre à partir de la droite, soit on écrit sur cinq couches, de droite à gauche, en ôtant une lettre au début et à la fin des mots "foudre" et "parole". Dans les deux cas, א donne le ton de la formule.

► En grec on le trouve écrit "aβρασαδαβρα" certains auteurs anciens l’ont donc transcrit "abrasadabra".

► Forme réduite : "Abrac" (𝕍 juste après la croix en argent gravée du VII VIII trouvée dans une tombe de la Cathédrale de Lausanne bs. Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne).

► Ses formes graphiques peuvent être comprises comme un entonnoir en trois dimensions attirant les forces célestes vers la terre ou bien repoussant le mal comme une épée de feu. Sonoriquement et gestuellement, la parole peut-être comprise comme un cercle, la foudre telle un marteau et א comme focalisateur phonosémantique.

III. Références

► Pour une première mention écrite, 𝕍 Préceptes médicaux, Serenus Sammonicus, chapitre 52 : Contre la fièvre demi-tierce.

Crowley a utilisé sa propre forme dans une invocation à Horus contenue dans son Livre de la Loi : "Abrahadabra", qu’il décrit dans le Liber Samekh comme Le Grand Œuvre accompli c’est à dire l’union du microcosme et du macrocosme.

    

Renvois

↪ Connexe : Abraxas
↪ Amont : Formule magique

Abréaction
[abʁeaksjɔ̃], subst. fém.

Définition

[Psychologie]

Libération d’une émotion refoulée et véhiculée par un acte physique ou verbal. Elle a lieu lorsque la conscientisation de l’évènement ayant induit cette émotion est correctement interprétée par l’appareil psychique.

Étymologie

Lat. : ab {hors de} + re {retour} + actio {agir} i.e. : "nouvelle réponse".

All. : (d’origine) Abreagieren (Néologisme de Breuer et Freud)

Commentaires

I. Mécanisme

Lorsque le choc émotionnel d’une expérience est trop intense, incongru ou discret pour être vécu correctement par le sujet, la catharsis est ralentie pour diverses raisons mais peut toujours s’opérer spontanément notamment par l’entremise du sommeil. Lorsqu’elle est considérablement ralentie, des pathologies finissent par apparaître et un transfert doit s’opérer pour faire levier sur l’opération naturelle.

► Dans la mesure où une conscientisation froide ne suffit pas la plupart du temps - même si elle peut ralentir la progression de la pathologie potentielle ou effective -, une actualisation de la situation émotionnelle dans une intensité ou une situation psychique (ou situationnelle) différente (comme la subnarcose) demeure bénéfique pour déclencher l’abréaction.

Cette dernière peut se faire pas étapes mais il y a alors un risque que le trouble se déplace dans le psychisme par des associations symboliques fallacieuses. Cela est particulièrement vrai s’il s’agit d’agieren compensatoires mineurs qui, présents depuis trop longtemps, sont entremêlés dans la personnalité.

Renvois

↪ Connexe : Purification
↪ Amont : Exorcisme

Abréviations maçonniques

Définition

[Franc-Maçonnerie]

Abréviations couramment utilisées en franc-maçonnerie latine pour les correspondances internes. Aucune règle n’est définitivement fixée mais usuellement, si cela suffit à la compréhension, on utilise la première lettre d’un mot. Ou bien, pour éviter d’éventuelles ambiguïtés ou des confusions avec des mots moins courants, sa première syllabe suivi de la première consonne. On exprime le pluriel en doublant l’initiale. Dans tous les cas on fait suivre cette abréviation de trois points disposés en triangle ou d’un simple point.

Commentaires

I. Exemples

● Frère : F.˙.
● Frères : FF.˙.
● Apprenti : App.˙.
● Compagnon : Comp.˙.
● Vénérable maitre : V.˙.M.˙.
● Loge : L.˙.
● Fraternel : Frat.˙.
● À La Gloire Du Grand Architecte de L’Univers : A.˙.L.˙.G.˙.D.˙.G.˙.A.˙.D.˙.L.˙.U.
● Très Chers Frères : TT.˙. CC.˙. FF.˙.

↪ On peut aisément trouver plus de trois cent abréviations pour la langue française.

↪ Ce ternaire n’apparut qu’au XVIII et eut plusieurs formes qui sont :. | . : | et qui s’est imposé.

II. Frères trois points

► Le terme bien connu de Frères trois points a pour origine ces abréviations : leur première mention, vient de l’ouvrage de Léo Taxil : Les Frères trois points : révélations complètes sur la Franc Maçonnerie, un emploi ironique donc.

Renvois

↪ Connexe : Langues hermétiques
↪ Amont : Franc-maçonnerie

Abred
[abʁed], subst. masc.

Définition

[Religion]

Roue symbolique représentant une réalité métaphysique liée à la fatalité des cycles de transmigration. Ces cycles impliquent l’évolution mais l’Homme doit s’en extraire en s’élevant moralement afin de sortir de son oscillation entre instinct et idéalité. Cela afin d’atteindre la plénitude et la félicité dans le cercle supérieur de Gwynfyd.

Étymologie

Cel. : {Liberté, libération}.

Commentaires

I. Description

► Ce terme est tiré des apocryphes Triades galloises de l’érudit et néo-druide Iolo Morganwg. Il s’agit manifestement d’une innovation idéologique adaptée à l’air de son temps dans la mesure où aucune source manuscrite antérieure n’atteste de ces notions. On trouvera quelques similitudes conscientes ou non avec le védisme, similitudes qui en tout état de cause, ne sont pas dissonantes avec le contexte dans lequel il a écrit. 𝕍 par exemple Hindouisme et religion Celtique de Thierry Luginbühl.

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↪ Connexe : Gwynfyd, Ceugant
↪ Amont : Druidisme

Abside
[absid], subst. fém.

Définition

[Architecture]

Extrémité orientale et hémicirculaire du chœur, parfois de forme polygonale, plus rarement plate.

Commentaires

I. Description

Stricto sensu, le terme qui vient d’ἁψίς, désigne le cul-de-four, niche voûtée terminant les basiliques antiques, mais le sens s’est étendu pour désigner la zone entière.

► Elles sont d’une manière générale dépourvues de bas-côtés et d’absidioles jusqu’au m.II où cette disposition devient alors plus commune.

II. Situation

► Un exemple d’édifice à l’abside carrée est la Cathédrale de Laon. Économique, ce mode de construction est plus répandu dans les églises du nord de la France.

► Il s’agit la plupart du temps de la pièce la plus ancienne de l’édifice pour des raisons tant religieuses qu’architecturales.

Absidiole
[absidjɔl], subst. fém.

Définition

[Architecture]

Chapelle disposée autour de l’abside, du déambulatoire ou du transept.

Commentaires

I. Désignation

► Disposée autour de l’abside ou du déambulatoire, on la désigne par le terme de chapelle rayonnante et lorsque elle est située sur les bras du transept, on la nomme chapelle orientée.

■ Désignée autrement sous le nom de "chapelle absidiale".

II. Situation

► L’absidiole s’ouvrant directement sur le transept est plus commune dans les églises romanes, là où une ouverture sur l’abside est bien plus répandue dans gothiques.

► Au XIII, les absidioles dans l’axe de l’édifice, désignées simplement par le terme de chapelles axiales, et dédiées à la Vierge sont monnaie courante.

Absolu
[absɔly], adj. et subst.

Définition

[Religion]

Qui existe indépendamment de toutes conditions : sans cause, sans conditions et contenant sa propre fin.

Étymologie

Lat. : Absolvere {Dégager quelque chose d’attributs, s’acquitter d’un devoir, absoudre, éclaircir par la prise de hauteur}.

Commentaires

I. Caractéristiques

► L’absolu est donc unique, simple et pur, omniprésent et nécessaire. Indifférencié, il est sans attributs, sans variations, sans limites et est ainsi informe et "incomposé". Il s’oppose donc à l’imparfait qui lui est contingent. Ce dernier est en effet délimité, partiel et donc en relation de dépendance vis à vis de l’absolu. 𝕍Nicolas de Cues, De la Docte ignorance (I).

Synonyme de principe universel, l’absolu est donc la fusion de tous les opposés : l’être et le non être, le zéro et l’infini, le mouvement et l’immobilité, l’immanent et le transcendant. Ses caractéristiques nous échappent car il contient tout ce qui est, de manière complémentaire et supplémentaire. Le concept ne peut dès lors porter de nom ou de symbole puisqu’il est inenvisageable pour l’Humain qui est lui, par définition, limité : il ne peut donc l’appréhender que par au moins une paire de concepts opposés.

On dit de principes comme le Bien, le Beau et le Vrai qu’ils sont des absolus relatifs, en ce sens que leur proportion d’indépendance est moins importante que dans le concept pur : ils sont vrais en eux-mêmes car elles tiennent leur cause de l’absolu absolu.

Son antonyme est "dépendant" et non "relatif" car l’absolu est tout à fait dépourvu de dépendance. En revanche, il contient en lui-même le relatif puisque la notion d’absolu n’implique pas qu’une chose ne puisse dépendre d’elle. Les idéalistes allemands (Kant, Hegel, Schelling et Fichte) ont fait de ce concept un des axes majeurs de leurs réflexions (et de leur désaccord !).

II. Occurrences

► Le concept est abordé et décrit de façon différente, plus ou moins extrême selon les philosophies et les religions et l’idée est finalement consubstantielle de celle de Dieu i.e. de l’Être, bien que cette identification ne soit, en pratique, pas sans poser des problèmes d’ordre philosophique et mystique. Ainsi, l’absolu est par exemple l’"Un" chez Platon et Plotin, "Acte pur" pour Aristote, il est ब्रह्मन् (brahman) dans les उपनिषद्, (Upaniṣad) et le वेदान्त (vedānta), शून्यता (śūnyatā) {vacuité} chez les bouddhistes ou encore le (dào) {voie} dans le taoïsme.

Les religions, dont l’objet est d’établir un lien émotionnel entre les adeptes et l’absolu, abolissent le caractère impersonnel de ce dernier, en lui attachant des noms et des titres en rapport avec ses caractéristiques logiques ou ressenties. Puis ce faisant, certaines formalisent par glissement un ou des intermédiaires : ntm. Christ pour Dieu le Père, Ishvara pour brahman, तथागत (Tathāgata) {ainsi-venu} pour śūnyatā qui incarnent cet absolu. Leur fonction fondamentale est alors de relier ledit absolu aux adeptes.

Renvois

↪ Connexe : Aïn Soph, Bythos, Un le tout, Taijitu, Pierre philosophale, Parabrahman.
↪ Amont : Dieu.

Abstraction
[abstʁaksjɔ̃], subst. fém.

Définition

[Philosophie]

Idée de caractère universel qu’on ne peut saisir par une objectivation spatio-temporelle.

Étymologie

Grc. : (d’origine) ἀφαίρεσις (aphrairesis) {retrancher de}

Lat. : abstraho {Tirer hors de}

Commentaires

I. Mécanismes

► On abstrait métaphysiquement une idée ou une partie celle-ci afin de l’essentialiser et d’en faire un concept. Cela fait, elle échappe aux réalités apparentes du sensible qui sont par nature transitoires et accidentelles.

► Abstraire, c’est s’éloigner par la hauteur, considérer isolément et synthétiquement l’objet de son attention, l’élever au niveau de l’intelligence par le biais de l’imagination. Selon le mot alchimique, abstraire la quintessence d’une chose, c’est se mettre en relation avec son essence.

► L’éloignement est vertical et non pas horizontal, sinon il s’agit d’une dissociation. L’adjectif "abstrait" s’oppose à la réalité sensuelle du "concret".

II. Évolution du concept

► Les positions opposées de Platon (Timée, le réalisme) et Aristote (Catégories, le nominalisme) sur les propriétés de ces abstractions, passant par Porphyre, Boèce puis Érigène, déboucheront dans la scolastique du moyen-âge à la célèbre Querelle des universaux qui verra apparaître une position intermédiaire : le conceptualisme d’Abélard.

Renvois

↪ Connexe : Quintessence, Métaphysique
↪ Amont : Absolu

Accident
[aksidɛnt], subst. masc.

Définition

[Philosophie (aristotélicienne)]

► L’accident, au sens ontologique, est inhérent à une substance qui en constitue le support. Cependant l’accident, simple possible d’être, n’est pas en retour nécessaire à la substance ni n’en constitue une de ses caractéristiques générales. En conséquence, les accidents d’une substance, propriétés occasionnelles qui ne font pas parti de son essence, peuvent être modifiés ou supprimés sans que la substance, subsistant par elle-même et dans le temps, ne change d’espèce ou ne disparaisse. La couleur et la forme sont par exemple des accidents d’une substance. Les propriétés de l’accident s’opposent ainsi à celles de la substance.


[Théologie (christianisme)]

Accidents, espèces, apparences dits "eucharistique". Propriétés sensibles qui subsistent vis à vis de l’hostie et du vin après la consécration du saint sacrement : volume et texture, couleur et saveur(1).

Étymologie

Grc. : συμβεβηκός (symbebekos) {propriété accidentelle}.

Lat. : accidens {Tomber sur, survenir}.

Commentaires

I. Description

► La notion d’abord définie par la métaphysique d’Aristote et constitue l’un des quatre universaux qu’il indique dans ses Topiques (I,4) : De nos considérations s’ensuit donc avec évidence, selon la présente division, la production de quatre [éléments] en tout : la définition (espèce), le propre, le genre, l’accident. Porphyre (Isagoge) ajoutera un cinquième universel : diaphora {différence}.

► Aristote distingue dans ses Catégories (IV), neuf espèces d’accidents : qualité, quantité, relation, action, passion, lieu (localisation), temps (durée), situation spatiale, manière d’être.

Documentation pertinente

𝕍 Accident, catégories et prédicables dans l’œuvre d’Aristote in Revue Philosophique de Louvain (3, 61, 71 pp. 361-401), Madeleine van Aubel, 1963. Lien vers le document sur Persée

Notes

1. Sur cette question, 𝕍 Somme Théologique (IIIa,Q.75). Pour une rétrospective de la façon de percevoir et d’aborder le problème : Eucharistiques (accidents) in Dictionnaire de théologie catholique (éd. Letouzey et Ané), 5, 2 pp.1368-1452).

Renvois

↪ Aval : Actio immanens / transiens

Acédie
[asedi], subst. fém.

Définition

[Théologie]

► Vice, puis péché de torpeur spirituelle et de paresse morale, empathie désorganisée générant une atonie et une nervosité accablante et provoquée entre autre par un relâchement de l’ascèse.


[Psychologie]

► Mélancolie prenant forme dans un dégoût pour la vie et une indifférence affective menant à l’inhibition de l’action.

Étymologie

Grc. : ἀκηδία (akêdia) {Anxiété, négligence de soins (ntm. des morts)}

Lat. : acedia {Indifférence, dépression}

Commentaires

I. Histoire

Origène puis Évagre (Traité Pratique) formalisent les premières listes de λογισμοί (logismoi) {Mauvaises pensées} et évoquent l’acédie, démon de midi (Psaumes, 90), maladie psychique dangereuse pour toute démarche érémitique telle que la connurent les Pères du désert. Jean Cassien la transposant dans un contexte plus monacal, y consacrera un chapitre de ses Institutions cénobitiques.

Thomas d’Aquin dans la Somme Théologique énumère la liste des péchés capitaux de Grégoire Ier, se référant à Jean Damascène. Il définit l’acédie comme froide et inerte telle l’acide et provoquant un dégoût de Dieu poussant à l’inaction. À partir de la réforme, l’acédie dont le sens s’est passablement dégradé a régressé dans le concept de paresse.

II. Occurrences littéraires

Dante à placé les acidiosi à coté des violents et des colériques : ils sont enfoncés dans la vase d’un marécage, pouvant à peine parler. Le concept est proche du Spleen Baudelairien à ceci près que ce dernier mène à l’idéal par le biais des correspondances.

Renvois

↪ Connexe : Spleen.
↪ Amont : Péché capital.

Achéropite (acheiropoïète, achiropoëte)
[akɛʁopit], adj.

Définition

[Théologie]

Objets produits de façon miraculeuse (comme par un dieu ou un esprit) ou surnaturelle (comme par la foudre ou l’eau). Par extension, le terme s’applique également aux copies humaines des objets en question.

Étymologie

Grc. (orig) : pfx.prv - + χείρo (chéiro) {Main} + ποιέω (poiéô) {faire} i.e. : Non faite par la main (de l’Homme).

Commentaires

I. Histoire

► Le Suaire de Turin est l’exemple le plus connu d’objet achéropite, mais l’Église reconnaît aussi d’autres reliques comme le Mandylion, l’Odigitria et l’Uronica pour les plus importantes mais aussi le Voile de Manoppello, le Seigneur des miracles ou l’icône de la Vierge de Guadalupe.

Le phénomène démarre à Byzance vers le m.VI où l’on commence à évoquer des icônes de la Vierge qui dotées de pouvoirs surnaturels auraient été peintes par la main de saint Luc. Ces œuvres achéropites sont le point de départ de l’origine du culte des icônes si cher au christianisme orthodoxe.

II. Autres objets achéropites

► Les fulgurites ou les manifestations de bijoux par l’ectoplasme spiritique sont également des objets achéropites.

Renvois

↪ Connexe : Fulgurite
↪ Amont : Matérialisation, Miracle

Acide
[asid], adj. et subst. masc.

Définition

[Alchimie]

► Liqueur ou esprit ayant une action corrosive et acide, opposée à celle de l’alcali. Désigne l’or philosophique, le soufre des sages, le magistère au rouge ou l’acier princeps.

Étymologie

Ind.Eur. : ac- {être pointu, piquant}

Lat. : aceo {aigrir}
Lat. : Acetum. {Vinaigre}

► Par extension, acetum désigne une solution d’acide acétique, liquide corrosif et dissolvant capable d’attaquer (brûler) les métaux, mais aussi un esprit caustique et/ou sagace.

Commentaires

I. Situation

► L’alcool à l’air libre produit le vinaigre par fermentation, raison pour laquelle sa découverte fut rapide dans la mesure où le brassage de la bière et la vinification du moût de raisin était déjà pratiquée dès le néolithique. C’est Geber qui en distillant le célèbre antiseptique parvient à isoler l’acide acétique.

Les acides sont nombreux en alchimie et particulièrement utiles lors de l’œuvre au noir. L’acide sulfurique (vitriol), l’acide tartrique puis l’acide nitrique(1) et enfin l’acide muriatique(2) sont les principaux acides alchimiques et furent tous découverts par Geber. L’alkahest paracelcien quant à lui est un acide universel.

II. Symbole

► Son symbole alchimique est une croix, croix que l’on retrouve fréquemment dans divers symboles alchimiques, magiques et astrologiques.

Notes

1. Azoth, eau-forte, esprit universel.

2. Ces deux dernières ensemble forment l’eau régale, seule à même de dissoudre l’or.

Renvois

↪ Connexe : Azoth, Alkahest
↪ Amont : Dissolution

Acroamatique
[akʁoamatik], adj.

Définition

[Philosophie]

Enseignement oral, partie la plus élevée d’un enseignement, de nature ésotérique et initiatique c’est à dire proprement théologique. On le juge inaccessible au plus grand nombre et en conséquence, inapproprié ou dangereux d’être discuté en public.

Étymologie

Grc. : ἀκρόασις (acroasis) {Entendre, écouter (un cours) et donc être disciple}.

Commentaires

I. Un concept d’abord aristotélicien

► Se dit de l’enseignement secret qu’Aristote transmettait oralement à ses disciples initiés du Lycée, usant de l’apodictique au profit de la dialectique.

Plutarque (Vie d’Alexandre) rapporte qu’Alexandre aurait été initié à la partie acroamatique (c’est à dire métaphysique) ainsi qu’a celle époptique (relative aux Mystères d’Éleusis c’est à dire à la mystique) de l’enseignement de son maître.

↳ Dans une lettre Le Grand reproche à Aristote de les avoir publiés ce à quoi il rétorque qu’ils sont publiés sans l’être, lui rappelant probablement que sans l’enseignement oral de maître à disciple, la substance de son texte qui n’est plus que notes, échappe au lecteur.

➧ Notons au passage que cet échange épistolaire est inconnu du public avant sa publication par Andronicus de Rhodes et qu’étant donné son rôle dans l’aristotélisme et le style des lettres, il est vraisemblable que ce soit une forgerie.

II. Sens étendu

► Si le terme se dit d’abord des disciples avancés d’Aristote, il désigne ensuite ntm. les disciples de Pythagore (via le Philosophumena d’Hippolyte de Rome) ou certaines doctrines du stoïcisme.

On dit donc de la langue des oiseaux qu’elle est acroamatique à double titre : parce qu’elle ne se déploie que dans dans le cadre oral par l’entremise de la caballe phonétique et parce qu’elle est essentiellement porteuse d’un sens ésotérique.

Renvois

↪ Connexe : Symbolisme
↪ Amont : Hermétisme
Syn. : Ésotérisme

Actio immanens / transiens
[aksjo imanɑ̃s] / [tʁaziɑ̃s], subst. fém. + adj.

Définition

[Philosophie]

a. Actio immanens ou ad intra, désigne les opérations dont le terme (ou ses conséquences) se limitent au sujet lui-même, par exemple la pensée ou le sentiment.

b. À l’opposé, action transiens ou ad extra, indique que le terme de l’action se propage à l’extérieur de son point d’origine, vers un sujet distinct qui en réceptionnera les effets, par exemple la chaleur d’un feu.


[Théologie]

Toutes les opérations de Dieu sont son être et sont donc ad intra. Néanmoins dans leurs résultats, certaines opérations deviennent des actes, car leurs accidents sont distincts de son être sans pour autant être hors de son infinité auto-causale : en Dieu, seulement des opérations, les actes demeurent virtuels.

↳ C’est au travers des actes virtuels, analogiquement liés aux opérations qu’il nous est connu, ntm. la Trinité.

Étymologie

Lat. : {Action restant à l’intérieur} et {Action outrepassante}.

Commentaires

I. Des termes vieillis

► Les termes ad intra et ad extra sont préférés de nos jours, non seulement dans les domaines qui nous occupent plus spécifiquement mais aussi notamment en sociologie.

Renvois

↪ Connexe : Magie
↪ Amont : Métaphysique, accident

Adamisme
[adamism], subst. masc.

Définition

[Histoire]

Secte gnostique du ? f.XIII. Elle est inspirée par le nicolaïsme et la métaphysique basilidienne et est issue du mouvement initié par Carpocrate au II. Prodicus, son disciple, l’a entretenu et exagéré par l’entremise de ses théories érotiques.

Commentaires

I. Histoire

► L’adamisme tenait Adam pour le premier de tous les prophètes et ses adeptes se dévêtaient entièrement lors des réunions, la nudité étant alors considérée comme l’expression de l’innocence originelle. Ils professaient en outre la promiscuité entre sexes opposés et bannissaient le mariage. Clément d’Alexandrie ajoute qu’ils se vantaient d’avoir des livres secrets de Zoroastre, i.e. des ouvrages de magie.

► Malgré des résurgences aux philosophies libre-esprit, nudistes voir libertines plus ou moins semblables au XI, XIV et XV dans la Savoie, les Flandres et la République Tchèque (où ils allaient nus dans les rues) et qui furent combattues par l’Église et les gouvernements(1), aucun mouvement religieux d’ampleur ne reprit depuis.

II. Note

► Un adamisme antique chaste, sans rapport avec Carpocrate est parfois mentionné mais nous n’avons trouvé guère d’informations pertinentes à ce sujet.

Notes

1. Certains troublaient l’ordre publique en s’adonnant au pillage.

Renvois

↪ Connexe : Naturisme, Magie
↪ Amont : Gnosticisme

Addition/Réduction théosophique
[adisjɔ̃]/[ʁedyksjɔ̃ teɔzɔfik], subst. fém. + adj.

Définition

[Divination]

Opérations arithmétiques couramment utilisées en arithmomancie et en numérologie consistant à trouver la valeur dite "théosophique" ou "secrète" d’un chiffre.

■ L’addition théosophique d’un chiffre consiste à additionner tous les chiffres et nombres le précédant ainsi que lui-même. Plus simplement, la formule est : n = n (n+1)2
■ La réduction théosophique ou racine numérique est quant à elle est l’addition répétée des nombres d’un chiffre jusqu’à ne former plus qu’un seul nombre.

Commentaires

I. Exemple

■ Par exemple, pour 50 : 1+2+3+4+5+6+7+8+9+10+11+…+50=1275. Ainsi, la valeur de l’addition théosophique de 50 = 1275. Puis, si on applique une réduction à ce résultat : 1+2+7+5=15 puis 1+5=6. Ainsi, la valeur de la réduction théosophique de 1275 est de 5.

↳ Évidemment, en utilisant l’isopséphie on peut transposer ces calculs sur les lettres : la lettre J aura une valeur de 55 en addition car elle est la dixième lettre de l’alphabet, sa valeur sera de 1 en réduction. En qabale ce procédé fait partie d’une technique d’herméneutique plus large : la guématrie.

↳ En arithmétique la preuve par neuf est une opération proche, à ceci près que la valeur du neuf dans l’opération est égale à zéro.

II. Une origine pythagoricienne ?

► Il est plausible et séduisant de penser que ces deux processus furent probablement découvert par les pythagoriciens. Le terme addition théosophique est synonyme de "trigon" ou "trigonomisation" car le résultat d’une addition théosophique est toujours un nombre triangulaire, i.e. un nombre polygonal qui se manifeste visuellement par un triangle et qu’on représentait dans l’antiquité à l’aide de l’algèbre géométrique.

III. Arithmologie

Papus estime dans son Tarot des bohémiens 🕮 ORAEDES 🗎⮵ que ces opérations sont une des bases de l’ésotérisme. Elles sont dites "théosophiques" ajoute-il, car elles font pénétrer dans le monde des lois essentielles de la nature et permettent de mettre en lumière la loi interne de n’importe quel nombre. Il fait encore remarquer par exemple que par la réduction on voit que tous les nombres se réduisent aux chiffres et que par l’addition, on voit que 1, 4, 7 et 10 égalent 1.

Renvois

↪ Connexe : Tetractys
↪ Amont : Arithmomancie, Guématrie, Nombre, Numérologie, Science des nombres

Adepte
[adεpt], subst. masc. & adj.

Définition

[Général]

► Dans le sens le plus ouvert et commun, il désigne tout chercheur possédant des données de la science occulte et plus spécifiquement tout initié aux doctrines ésotériques d’une société secrète.


[Ésotérisme]

Celui qui est parvenu à la parfaite connaissance des sciences secrètes (l’ésotérisme), possédant des facultés et des attributs paraissant surnaturels au non initié comme commander aux éléments, prophétiser ou guérir les maladies.

↳ Ces particularités sont obtenues par un entraînement spécifique et/ou par un mode de vie dont les caractéristiques sont variables, tant dans leur contenus que dans leurs modalités d’exécution. On distingue alors l’initié qui est sur la voie et l’adepte qui est parvenu au but.

↳ On rencontre aussi une acceptation contraire : l’adepte est celui qui poursuit une voie particulière, ayant fréquemment trait à l’occultisme, tandis que les initiés aux Grands mystères se rejoignent dans les principes qu’ils ont extrait de leurs pratiques.


[Alchimie]

Nom que prennent les alchimistes ayant découvert la pierre philosophale et menant donc à bien le Grand œuvre.

Plancy signale une légende qui veut qu’il n’y ait que onze adeptes au monde : étant immortels, l’un des onze doit laisser sa place lorsque un Homme découvre à son tour l’élixir de longue vie.

↳ On peut en outre noter que dans les textes usant de cette subtilité typographique, écrire le mot avec un "a" minuscule plutôt que majuscule désigne un alchimiste qui n’est pas parvenu à la destination de l’art mais se distinguant néanmoins du souffleur ou du profane.

Étymologie

Ind.Eur. : ap {unir, lier}

Lat. : adipisci {poursuivre, atteindre, saisir}

Commentaires

I. Confusion avec "initié"

► Une certaine confusion règne sur la signification de ce terme ainsi que sa différence avec initiatus {Initié, consacré}. On trouve ses premières occurrences chez Paracelse (Astronomia Magna) et des spéculations et évocations directes chez Helmont (Lettre au père Mersenne et stt. Ortus medicinae) où l’adeptum Naturae, est un état adamique idéal où l’on ne fait qu’un avec la nature. Ainsi, il est étymologiquement faux de considérer l’initié comme supérieur à l’adepte, sauf à considérer que la fin d’une discipline signe le début d’une autre.

► Il peut être éclairant de comparer ces deux termes et la hiérarchie initiatique du rite éleusiaque : μύστης (mústês) {myste = initié}, ἐπόπτης (epóptês) {épopte = surveillant}, μυσταγωγός (mystagogos) {mystagogue = conducteur des initiations} et ἱεροφάντης (hierophantês) {hiérophante = qui explique les mystères}. L’initié serait alors le μύστης (myste) {initié} et l’adepte le ἱεροφάντης (hiérophante) {qui explique les mystères} puisque possédant la totalité du savoir ésotérique, il est apte à le transmettre.

II. L’adepte en religions

► Signalons que dans le christianisme, le sacrement du baptême est une seconde naissance ou mieux une résurrection. Faisons également remarquer qu’en Inde, le द्विज (Dvija) {Deux fois né} est le nom donné à celui qui a subit son premier rite de passage, l’उपनयन (Upanayana) {acte d’introduire} au sortir de l’enfance.

Renvois

↪ Connexe : Initié, Maître
↪ Amont : Qualifications initiatiques

Adjuration
[adʒyʁasjɔ̃], subst. fém.

Définition

[Théologie] [Magie]

► Formulation instante, déprécative ou imprécative, privée ou solennelle (publique) par laquelle on requière au nom d’un contrat lié avec une autorité supérieure (Dieu ou sa hiérarchie) que l’interlocuteur agisse ainsi qu’il sied au locuteur.

Étymologie

Lat. : adjuratio {Faire serment}.

Commentaires

I. Utilisation

► On use d’un vocabulaire et d’un ton imprécatif (injonction impérieuse) quant il s’agit de s’adresser à des être inférieurs comme des démons. On use du déprécatif (supplication déférente) lorsqu’il s’agit de communiquer avec des êtres supérieurs : Dieu ou sa hiérarchie notamment angélique.

➧ Puisque aucune autorité morale ne le supplante, on ne peut évidemment pas adjurer Dieu sinon par lui-même, c’est à-dire par ses attributs.

► Tout comme le jurement, l’utilisation de l’adjuration étant moralement délicate, elle doit remplir certaines conditions pour être efficiente. Elle doit respecter :

● La vérité : on ne peut adjurer au nom d’un principe erroné ou à l’aide d’un mensonge,
● La justice : on n’adjure pas au nom d’une cause injuste ou pour mener son interlocuteur à pêcher,
● Et la discrétion : on ne l’emploie pas pour des vétilles et en étant sur de son jugement.

II. Sens étendu

► Dans le sens commun, le mot a dérivé dans une acceptation uniquement imprécative et est donc resté cantonné à l’exercice de l’exorcisme. Le terme "conjuration" a quant à lui pris la place de l’adjuration déprécative (et in extenso l’idée d’écarter des menaces par des prières) alors que son sens premier est l’évocation par jurement (𝕍 ces mots).

↳ Pour plus de détails sur ces différentes méthodes, 𝕍 aussi De Radiis stellarum {Des rayons stellaires} d’Al-Kindi.

Renvois

↪ Connexe : Exorcisme, conjuration, invocation, évocation
↪ Amont : Formules magiques
Npc. : Abjuration

Adyton (Adytum, Abaton)
[aditɔ̃], subst. masc.

Définition

[Architecture]

Lieu consacré des temples de l’antiquité grecque et romaine, parfois secret, contenant l’idole du dieu tutélaire et où les prêtres seuls entraient.

↳ Par nature, les adytons sont liés aux cultes chthoniens ou oraculaires, ces derniers étant fréquemment situés sous le niveau du sol.

Étymologie

Grc. : - {pfx.prv} +‎ δυτον {pénétrer} i.e. : Inaccessible.

Commentaires

I. Situation

► Les temples grecs classiques possédaient trois pièces : πρόναος (pronaos) {vestibule}, ναός (naos) {sanctuaire intérieur} et ὀπισθόδομος (opisthodome) {vestibulaire arrière}, non communiquant avec le naos.

Postérieurement dans le temple primitif semblable au μέγαρον (mégaron), on remplaçait l’opisthodome par l’ἀδυτον (adyton) {inaccessible} qui lui, s’ouvre sur le naos.

↪ On trouve aussi des temples avec quatre pièces, l’adyton s’intercalant entre le naos et l’opisthodome, comme c’est le cas dans le temple d’Apollon à Delphes.

► Dans les temples à culte oraculaire il faisait aussi office de mantéion : l’adyton de Delphes n’admettait par exemple que la pythie qui était séparée des assistants par un rideau ou une porte d’où l’on pouvait entendre sortir les oracles.

Renvois

Syn. : Saint des saints
↪ Amont : Temple

Affinité / Antipathie/Affliction
[afinite], subst. fém.

Définition

[Magie] [Alchimie]

► Affinité : Ce mot d’Albert le Grand désigne une relation occulte d’attraction entre deux corps liés par le biais d’une analogie ou d’une correspondance ce qui les rend ésotériquement semblables. Le terme "antipathie" désigne le phénomène inverse : les corps se repoussent en vertu d’un fond ou d’une forme dissemblable.


[Astrologie]

► Affinité : Qualifie un rapport harmonique entre les différentes parties d’un même thème(1) ou entre deux thèmes. L’affliction est la situation inverse, où les effets attendus sont la diminution, la neutralisation voir l’inversion des parties concernées.


[Théologie]

Affinité spirituelle : lors du baptême, lien contracté entre parrains et/ou marraines avec un enfant lorsque les premiers tiennent le second.

Étymologie

Lat. : Ad {Jusqu’à} + finis {finir, fixer}.

Lat. : affinitas {région avoisinante, parenté par alliance}.

Commentaires

I. Confusion des termes

► Les concepts plus larges d’analogie et de correspondance étant centraux dans l’ésotérisme, un grand nombre d’intervenants se sont penchés sur leur élaboration. Cela a eu pour effet d’embrouiller les sens respectifs des termes d’affinité, d’analogie, de sympathie et de correspondance. Ils ont fini par se confondre entre eux tant dans le langage commun que parmi les amateurs d’ésotérisme. Référez vous aux définitions correspondantes.

II. Exemples

► Concernant les affinités et les afflictions astrologiques, voici plusieurs exemples concernant Vénus : elle a une affinité au niveau physique avec Mars (magnétisme sexuel), sur le plan sentimental avec Mercure (sens artistique) et sur le plan intellectuel avec Jupiter (philanthropie). En revanche et autrement, cette même planète est dite en exil si elle est dans le signe du Scorpion et en chute dans la Vierge. Consultez d’autres entrées du dictionnaire ou la partie Astral pour plus de détails.

Notes

1. Ex. : aspects ou position d’une planète dans un signe.

Renvois

↪ Connexe : Sympathie, domicile, chute, exaltation, triplicité, terme, chute, exil, pérégrinité, dignité, débilité
↪ Aval : Analogie, correspondance, aspects
↪ Opposé : Affliction

Agapé
[ɒɡɒpe], subst. fém.

Définition

[Christianisme]

Repas de charité ouvert pris en commun avec célébration de l’eucharistie, baiser de la paix et prières. Ébauche de la messe qui se pratiquaient jusqu’au III dans les églises et qui unissait les premiers chrétiens dans un même amour fraternel afin de cimenter la concorde au delà des différences sociales. Avant son abolition au IV pour cause de débordements, il s’agissait également d’un repas que les parents d’un défunt offraient aux pauvres en son honneur.


[Franc-maçonnerie]

Cérémonies complémentaires des tenues maçonniques se manifestant sous forme de banquets fraternels. Dans la majorité d’entre elles, on obéit à une rituélie stricte. C’est une des plus anciennes traditions maçonniques, déjà mentionnée chez Anderson. Durant ce banquet, on emploie aussi un vocabulaire spécial pour les éléments de la table et la nourriture. L’usage s’est également répandu chez les Rose-croix où ils célèbrent le jeudi saint en consommant l’agneau.

Étymologie

■ Grec. ἀγάπη (Agapé) {Amour désintéressé}.

Renvois

Agartha
[agaʁta], nom propre

Définition

[Occultisme]

Royaume souterrain fabuleux situé sous la Mongolie ou le Tibet et dont les ramifications s’étendent au monde entier via de vastes galeries. Il est habité par une humanité supérieure et dont le dirigeant, le འཁོར་ལོས་སྒྱུར་བའི་རྒྱལ་པོ་ (Chakravartin) {roi du monde}, à la fois dirigeant temporel et spirituel est le représentant de Dieu sur Terre. Il gouvernerait occultement le monde.

➧ On trouve aussi une définition plus minoritaire qui veut que tout inversement, ce soit un lieu de perdition, habité par des êtres vampiriques aux pouvoirs nécromantiques et dont le but est d’asservir l’humanité.

Étymologie

Skr. : आग? (Agarttha) {Insaisissable à la violence, inaccessible à l’anarchie}.

➧ Nous avons reproduit les informations apportées par Saint-Yves d’Alveydre (Mission de l’Inde en Europe). Mais l’impression est de mauvaise qualité et en plus de la difficulté à identifier chaque partie du mot, nous n’avons pu déterminer le troisième caractère censé représenter le phonème ʁ (Il s’écrit comme dans ṛta mais la graphie ne correspond guère et se rapproche plus d’un …). Il demeure possible qu’il ait fait une erreur : aurait-il voulu écrire अग्रता (agrata) {violence, passion} en doublant le "a" pour faire office de privatif ou bien aurait-il mal orthographié अगर्हित (agarhita) {immaculé} ?

Commentaires

I. Histoire

► Bien que la mention (ainsi que celle du Vril) fut faite par la première fois par Louis Jacolliot (Les Fils de Dieu), occultiste et consul Français à Calcutta qui par ses fréquentations avec hindous et jaïns fut mis en contact avec les légendes védiques, c’est depuis Saint-Yves d’Alveydre (Mission de l’Inde en Europe) que le concept gagne en célébrité. Dès lors plusieurs personnes comme Mathers ou Heindel prétendront avoir eu contact avec des dignitaires de ce royaume voir être liés télépathiquement à eux. Ossendowski dans Bêtes, Hommes et Dieux (1922) décrira également l’Agarttha ce qui poussera Guénon à écrire son étude Le Roi du monde (1927).

II. Description de Saint-Yves d’Alveydre

Saint-Yves d’Alveydre décrit (nous n’avons pas repris son sanskrit qui nous laisse perplexe) l’organisation hiérarchique de l’Agartha :

Voici maintenant l’organisation centrale de l’Agarttha, en procédant de bas en haut ou de la circonférence au centre. Des millions de Dwijas, deux fois nés, de Yoghis, unis en Dieu, forment le grand cercle ou plutôt l’hémicycle dans lequel nous allons pénétrer. Ils habitent des villes entières ce sont les faubourgs intérieurs de l’Agarttha, symétriquement divisés et répartis dans des constructions le plus souvent souterraines. Au-dessus d’eux et en marchant vers le centre, nous trouvons cinq mille pundits, pandavan, savants, parmi lesquels les uns font le service de l’enseignement proprement dit, les autres celui de la place comme soldats de la police intérieure ou de celle des cent portes. Leur nombre de cinq mille correspond à celui des racines hermétiques de la langue védique. Chaque racine elle-même est un hiérogramme magique, lié à une Puissance céleste, avec la sanction d’une Puissance infernale. L’Agarttha tout entière est une image fidèle du Verbe éternel à travers toute la Création. Après les pundits viennent, réparties en hémicycles de moins en moins nombreux, les circonscriptions solaires des trois cent soixante-cinq Bagwandas, cardinaux. Le cercle le plus élevé et le plus rapproché du centre mystérieux se compose de douze membres. Ces derniers représentent l’Initiation suprême, et correspondent, entre autres choses, à la Zone zodiacale. […]

Après les cercles alternativement ouverts ou fermés des trois cent soixante-cinq Bagwandas, viennent ceux des vingt-deux ou plutôt des vingt et un Archis noirs et blancs. Leur différence avec les plus hauts initiés des cercles précédents est purement officielle et cérémonielle. Les Bagwandas peuvent à leur gré résider ou non à l’Agarttha; les Archis y demeurent à jamais, comme partie intégrante de ses sommets hiérarchiques. […] En ce qui regarde les sciences et les arts, ils forment avec les douze Bagwandas zodiacaux le point culminant de la Maîtrise universitaire et de la Grande Alliance en Dieu avec toutes les Puissances cosmiques. […] Il n’y a au-dessus d’eux que le triangle formé par le Souverain Pontife, le Brâhatmah, support des âmes dans l’Esprit de Dieu, et par ses deux assesseurs le Mahatma, représentant l’Ame universelle, et le Mâhànga, symbole de toute l’organisation matérielle du Cosmos. […] Tous ces différents cercles de grades correspondent à autant de parties circonférencielles ou centrales de la Cité sainte, invisibles à ceux qui marchent sur la terre.

III. Rapprochements avec d’autres lieux fabuleux

► On a rapproché voir assimilé ce royaume fabuleux d’orient à divers autres localité s’en approchant comme la Shambala du དུས་ཀྱི་འཁོར་ལོ། {Tantra de kalachakra}, le Royaume du prêtre Jean ou plus tardivement, les terres des Vril-ya d’Edward Bulwer-Lytton. On la compare aussi volontiers à des continents engloutis comme l’Atlantide et la Lémurie ou des royaumes perdus tels la Thulé Hyperboréenne, la Luz Hébraïque, ou l’Avalon Celtique, le fait est que ce symbolisme est commun à toute l’humanité.

IV. Symbolisme

► Ce royaume est lié au symbolisme de la caverne, du monde caché, du centre, de la terre sainte où résident les justes. Elle est la cité inaccessible où le pacte avec les dieux a encore cours.

Renvois

↪ Connexe : Terre promise, Shambala
↪ Amont : Terre sainte

Âges
[ɑʒ], subst. masc.

Définition

[Ésotérisme]

Loi de transformation temporelle, cyclique et universelle probablement d’origine indo-européenne et faisant passer les êtres de l’enfance, à la jeunesse, puis à l’âge mur et enfin à la vieillesse.

↪ Cette loi s’applique à tout être au sens large et quel que soit son plan d’existence, c’est à dire dans toute l’horizontalité et la verticalité de la création. Ainsi dans la nature, Humain, animal, végétal et minéral y sont soumis, aussi bien qu’un atome et un univers. Puis de même, les esprits, les dieux ou les idées sont également sous son joug. Néanmoins plus un ensemble est grand et/ou subtil et plus son rythme révolutif est lent. On tire de ce constat, une vision fractale du cosmos, où des cycles de plus en plus courts sont imbriqués dans des cycles de plus en plus long.


[Franc-maçonnerie]

► Dans la plupart des sociétés initiatiques traditionnelles, de la même manière qu’il hérite d’un hiéronyme, l’initié se voit attribué un âge symbolique en rapport avec son grade. Par exemple en maçonnerie, l’apprenti à trois ans, le compagnon cinq, le maître sept. Ainsi demander son âge à un maçon correspond à lui demander son grade. Dans la maçonnerie écossaise, le Rose-Croix (18°) a trente-trois ans, l’âge du Christ. Dans d’autres grades, on parle de "cent ans et plus", c’est à dire qu’on cesse de compter.

Commentaires

I. Âges humains

► Concernant les périodes à l’échelle Humaine dont s’occupent l’astrologie et la psychologie, on distingue quatre périodes : l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte et la vieillesse. Dans ses Vies, doctrines et sentences, Laërce nous indique que Pythagore partageait ainsi la vie de l’homme : vingt ans pour l’enfance, vingt pour l’adolescence, vingt pour la jeunesse, autant pour la vieillesse ; ces différents âges correspondant aux saisons : l’enfance au printemps, l’adolescence à l’été, la jeunesse à l’automne et la vieillesse à l’hiver. Par adolescence il entend la puberté, et par jeunesse l’âge viril. On décline également ces périodes en sept afin de les faire correspondre aux planètes :

Lune : 0 à 4 ans ou 0 à 7 ans = 4 ou 7 ans. R : 27,3 jours.
Mercure : 5 à 14 ans ou 7 à 15 ans ou 8 à 15 ans = 7, 8 ou 9 ans. R : 2,9 mois.
Vénus : 15 à 22 ans ou 15 à 24 ou 16 à 23-24 ans = 7, 7-8 ou 9 ans. R : 7,5 mois.
Soleil : 23-24 à 34 ou 24 à 37 ans ou 22-23 à 41 ans = 10-11, 13 ou 18-19 ans. R🌌 : 220 millions d’années.
Mars : 35 à 45 ou 38 à 52 ou 42 à 56 ans = 10 ou 14 ans. R : 22,8 mois.
Jupiter : 45 à 57 ou 46 à 56 ans ou 53 à 68 ans ou 57 à 68 ans = 10, 11, 12 ou 15 ans. R : 12 ans.
Saturne : 57 à 70 ans ou 69 à 99 ans = 13 ou 30 ans. R : 30 ans.

► Chez Saturne et Jupiter, ces durées correspondent environ à celles dont elles ont besoin pour faire le tour du zodiaque. Vénus fait quant à elle sa révolution en 7,5 mois, ce qui s’approche de la période vénusienne de 8 ans. En revanche rien de semblable chez les autres planètes (que les chiffres soient en mois ou en années).

Les spéculations astrologiques sur les chronocrates sont certainement à l’origine de cette déclinaison généraliste. Ils sont entrepris dès l’antiquité par Vettius (Anthologies L.IV) et Maternus (Mathèse), puis repris avec les fridaires d’Albumasar (Des Révolutions solaires) et enfin les travaux de Junctin de Florence (Traité des révolutions solaires). Ces spéculations avaient pour fonction - dans le cadre qui nous occupe - d’indiquer chez le natif où les chronocrates étaient actifs, durant des périodes plus ou moins longues et dans un ordre donné. Reste qu’il demeure en effet remarquable que ces différents âges s’accompagnent d’une perception du monde extérieur fort différente et qui correspond aux symbolismes planétaires.

II. Âges anthropogoniques dans les religions

► Concernant les périodes à l’échelle anthropogonique, on trouve un nombre varié d’occurrences :

Hésiode (Ἔργα καὶ Ἡμέραι {Les Travaux et les jours}) leur donne un symbolisme principalement métallique (Or, argent, bronze (ou Airain), l’âge des héros et celui du fer), Ovide (Métamorphoses) à sa suite réduira leur nombre à quatre, Platon et Pythagore se réapproprieront également le mythe.

Chaque âge correspond à un état du rapport entre l’Homme, lui-même et la nature : le premier est un âge de communion, tant avec la vie qu’avec le savoir(1), le second correspond à l’apparition de l’agriculture et de l’orgueil, le troisième à la dissolution morale et le dernier à la domination du mal.

Le dernier âge aboutit à une catastrophe mais l’eschatologie promet à l’instar de Virgile et son paradis arcadien (Bucoliques) ou Joachim de Flore et son ère du Saint-Esprit (Expositio in Apocalypsim {Exposition de l’Apocalypse}), un retour à l’âge d’or dans le cadre ou non d’une cosmologie de l’éternel retour, selon le point de vue envisagé. Olivet (Histoire philosophique) convient que […] les quatre âges devaient se succéder incessamment sur la terre, comme les quatre saisons, jusqu’à la fin des temps […] mais il estime, dans le cadre d’une interprétation évhémériste, qu’il y a une confusion dans l’ordre des âges et que ces derniers doivent aller du pire au meilleur et culminer au troisième.

● Dans l’Avesta, il est question de quatre périodes de 3000 ans où progresse peu à peu la puissance d’Ahriman avant la victoire définitive d’Ahura-Mazda.

● Les religions dharmiques parlent des quatre yugas. L’hindouisme donne par exemple : satya, treta, dvapara et kali.

● Les sioux parlent d’âges de pierre, de l’arc, du feu et de la pipe.

● Et enfin le forgeron chinois Fong-Hou Tseu nous donne : l’âge de la pierre, du jade, du bronze et du fer.

● La légende mésoaméricaine des soleils, mentionne quatre ou cinq périodes qui se terminent par des cataclysmes variés.

● Pernety associe enfin ces âges aux phases de l’œuvre alchimique. Le premier à Saturne et au noir, puis Jupiter et au blanc, puis Vénus et au citrin et enfin Mars et au rouge ou au pourpre.

► Ces âges possèdent des analogies entre eux, tant en termes mathématiques (durées proportionnelles) que métaphysiques (Les noms des âges sont symboliques). On remarque enfin qu’elles sont toutes données dans un ordre involutif et que si on en croit les divers auteurs, nous sommes actuellement à l’âge le plus involué.

Notes

1. Ces habitants, maintenant dans une terre promise, sont devenus les δαίμων (daimon {génie}).

Renvois

↪ Aval : Age d’or, age noir
↪ Amont : Cycles

Agla
[agla], nom

Définition

[Ésotérisme]

Mot cabalistique acronymique (אגלא) auquel les rabbins attribuent le pouvoir de chasser l’esprit malin et la peur. Fébrifuge, il permet en outre d’aider les femmes en couches mais aussi de retrouver les objets perdus si on la prononce trois fois de suite rapidement vers l’orient.

↳ Le cordelier cabbalisant Pierre Galatin fera d’Agla l’un des noms de Dieu lui-même dans son Opus de arcanis Catholicae veritatis {Traité de la vérité de la religion Chrétienne}.


[Société initiatique]

Société de pensée française de la renaissance née au XIII et groupant des apprentis et des maîtres de la corporation des travailleurs du livre (libraires, imprimeurs, cartiers…), ainsi que des écrivains et des dirigeants. Surtout active à Paris, Lyon, Montpellier et Florence.

Agrippa, Rabelais et François Ier auraient pu en faire parti, ainsi que Martinez de Pasqually.

↳ Sa doctrine continuait celle des cathares et préfigurait celle des Rose-croix. Inspiré par le Zohar, l’Agla vénérait le chiffre 4.

Commentaires

I. Signification

Agla est l’acronyme de אדני לעולם גבור אתה (Atha Guibor Léolam Adonai)(1) {Tu es puissant dans l’éternité seigneur} qui est extrait du premier verset de la seconde prière de l’amida : Gevurot {puissance} qui parle de la puissance de Dieu en tant que guérisseur des maux et ressuscitant les morts.

↳ Comme beaucoup de noms de pouvoirs, on l’écrivait sur des phylactères qu’on portait sur soi.

II. Histoire

► On en trouve de premières traces dans certains manuscrits où on le figure près du Christ en croix ou encore en graffiti dans la Grotte de Lombrives, au milieu de chrismes, roses et svastikas.

► Son usage était devenu fréquent au XVI où on le retrouve autant dans les grimoires comme dans l’Enchiridion du pseudo Pape Léon III où il est maintes fois utilisé, que dans certains ouvrages de magie comme la Magie sainte révélée à Moïse attribué au Comte de Saint Germain où il est mentionné 🗎⮵ ou bien encore dans des ouvrages alchimiques comme la Cabala {Cabale} de Michelspacher où on le voit sous sa forme monogrammatique 🗎⮵.

III. Interprétations ésotériques

► Sa valeur est de 35, la même que les principes de rigueur et de miséricorde qui se tiennent des deux cotés de l’arbre séphirotique. Si les chrétiens y ont vu l’affirmation de la royauté du Christ, les qabalistes y voient plutôt la royauté du messie selon la tradition hébraïque.

Considéré comme un second tétragramme(2), il eut une utilisation prolongée au XIX et XX par le biais de la Golden Dawn et de certaines loges maçonniques.

Notes

1. On relève aussi : Aieth Gadol Leolam Adonai au sens quasiment identique.

2. Westcott rapporte que pour Mathers le terme signifiait respectivement pour chaque lettre : le premier, la trinité dans l’unité, l’achèvement du grand œuvre et le dernier.

Renvois

Amont : Formule magique

Agnosticisme
[Aagnɔstisism], subst. masc.

Définition

[Théologie]

► Position postulant l’inaccessibilité de l’absolu à l’être Humain.


[Philosophie]

► Doctrine prétendant inaccessible toute réalité dépassant les apparences sensibles et donc l’inanité de tout système métaphysique.

Étymologie

Grc. : pfx.prv - + γιγνώσκω (ginosko) {Je sais, je détermine, j’apprends}

Commentaires

I. Histoire

► À l’époque moderne et dans le sens commun, le terme(1) s’est éloigné de son aspect doctrinal pour ne signifier qu’une posture hésitante qui se refuse à prendre parti vis à vis de l’existence de Dieu. La popularisation de cette posture prend son origine dans la Critique de la raison pure où Kant affirme que la raison n’est pas plus en position de nier que de confirmer Dieu. En ce sens, l’agnosticisme n’est pas incompatible avec le théisme, l’athéisme ou des formes intermédiaires plus élaborées puisque en effet, "l’inconnaissable" ne saurait être confondu avec "l’impossible" ou bien "l’inconcevable", confusion qui entraînerait évidemment des conclusions hâtives. Cette position vis à vis du rapport entre la raison et Dieu, s’oppose à celle de la théologie chrétienne qui, sans affirmer que l’essence de Dieu puisse être connue, affirme cependant la possibilité de prendre connaissance de son existence par le biais de la raison.

➧ En religion, le fidéisme postule l’inaccessibilité de l’absolu à la raison Humaine seulement.

II. Critique

◆ Une argumentation critique envers la position agnostique pourrait amorcer l’axe suivant : dérivé du panthéisme, l’agnosticisme, par trop positiviste dans l’esprit et sensualiste dans l’émotion affirme(2) que dans la substance toute détermination est une négation car Dieu échappe au genre et la différence puisqu’il transcende les catégories. Hors, cette partialité écartant l’outil analogique mène à confondre les notions d’absolu et d’indéterminé et donc, à l’instar du stoïcisme, ce qui est divin et ce qui est universel. Elle offre par là même soit une vision sophistique d’une supériorité spirituelle soit un relativisme acédique. 𝕍 De Coelesti Hierarchia {De la Hiérarchie céleste} du Pseudo-Denys.

Notes

1. Forgé par Thomas Huxley en 1869.

2. Logiquement selon son point de vu, par ailleurs valable dans un cadre scientiste.

Renvois

↪ Connexe : Fidéisme, Apathéisme
↪ Amont : Panthéisme

Aiguillette (Nouement des)
[eɡɥijɛt], subst. fém.

Définition

[Occultisme]

Ligature frappant si durement l’imagination de deux personnes, qu’il élève entre eux une antipathie d’une telle sévérité qu’elle provoque des accidents divers, en particulier le fait qu’ils ne puissent avoir de rapports intimes.

Commentaires

I. Description

► Loin de la suspension des puissances de Bossuet, la résultante de ce maléfice ligaturant consiste en ce que la relation entre les concernés, leur sexualité même - surtout celle de l’homme qui est le plus souvent visée -, est comme nouée. On neutraliserait ainsi la force vitale l’envoûté tant qu’il ignorerait le canal d’expression dudit envoûtement.

Outre l’emploi d’aiguilles dans le charme ou encore celui d’un lacet avec lequel on faisait des nœuds à des moments clefs, le mot aiguillette est un symbole pour la virilité puisqu’il désigne le lacet dont on se servait comme braguette(1). La nouer c’est donc rendre impuissant ou infertile(2).

► Du reste, l’envoûtement en lui-même passe globalement par des nœuds et entortillements du corps ou d’objets, des inscriptions à apposer sur des bandelettes que l’on attache. Pour des raisons analogiques évidentes, le loup ou plutôt sa queue est un ingrédient qui revient souvent.

II. Histoire

► Cette malédiction fut très employée au moyen-âge et plus tard au XVI pour semer la discorde dans un couple nouvellement marié(3). Il existe de nombreux moyens de nouer le charme et de le dénouer. Il peut tant concerner le couple que la virilité même de l’homme ou rendre frigide la femme, durer transitoirement ou définitivement.

► Le démonographe Pierre de Lancre (Incrédulité et mescréance du sortilège plainement convaincu) faisait remarquer que l’envoûtement était si commun à son époque qu’il inspirait la peur à ses contemporains qui se résolvaient à se marier en secret pour plus de sûreté. Le cardinal d’Évreux, Jacques Davy du Perron, allât même jusqu’à insérer des prières dans le rituel de son diocèse pour lutter contre ce charme qui était d’ailleurs puni sévèrement.

III. Contres-envoûtements

► Jean Bodin dans sa De la Démonomanie des sorciers évoque quant à lui plus de cinquante moyens pour ensorceler par ce levier et autant pour s’en protéger et le Petit Albert reprenant le De Animalibus d’Albert le Grand, n’est pas non plus avare de recettes. Pour s’en préserver, on conseillait par exemple :

● De porter des dents de morts,

● D’uriner dans la serrure de la porte de l’église où l’on s’est marié (ou dans l’alliance avant le mariage),

● Selon Pline, enduire les poignées de la chambre nuptiale de graisse de loup préserve à coup sur,

● L’on pouvait également manger du pivert rôti avec du sel béni afin sans doute d’accentuer les effets de Mars,

● Avoir une bague que l’on aura enchâssé de l’œil droit d’une belette,

● Prononcer Ribal, Nobal, Zanarbi tout en faisant trois nœuds à une corde, lorsque le prêtre donne la bénédiction nuptiale,

● Si on suit Paracelse (De Coelesti medicina) écrire "Avigazirtor" (on trouve aussi "Aigazirtvor") sur du parchemin vierge avant le lever du soleil,

● Si on en était atteint, utiliser l’alchémille commune comme onguent restait une option raisonnable selon Apulée.

IV. Mécanismes

► L’opération originelle qui est connue depuis l’antiquité(4), déjà mentionnée par Platon (Lois), Apulée (Métamorphoses), Ovide (Fastes et Amours) et Virgile (Bucoliques) et par ailleurs également pratiquée dans différentes ères culturelles comme en scandinavie où le Seiðr est associé aux Nornes. Du fait de leur fort impact sur l’imagination populaire, le lecteur pensera immanquablement, à la lecture des descriptions qui suivent, aux ouangas du vaudou haïtien et louisianais.

Sa bonne marche consiste en des incantations et en l’utilisation d’un témoin en bois, en chiffon ou en cire symbolisant le sexe de la victime ou la victime elle-même. Cette poupée (dagyde) symbolique est meilleure s’il elle mêlée ou accompagné de témoins physiologiques de la victime comme le sang, les cheveux ou les ongles et de témoins identificatoires comme le nom écrit sur un papier ou un dessin de la personne (remplacé par une photographie dans les temps modernes).

On fait subir à ce même témoin divers sévices : des brûlures peuvent la marquer, des cordages que l’on consacre à Vénus l’enserrer en même temps qu’on récite les formules. Un clou de cercueil peut y être planté ou une aiguille le transpercer, aiguille qui est considérée comme meilleure si elle est aimantée ou ayant servi à coudre un linceul. Le fait est que tout objet pointu et au mieux en fer est le plus efficace.

► Les magnétiseurs affirment que le charme ligature un processus de l’élémental physique par l’intermédiaire du corps astral comme le montrent les transferts de sensibilité mis en valeur dans les phénomènes d’extériorisation.

Notes

1. Des nœuds pouvaient aussi être appliqués au cordon reliant le haut-de-chausses au pourpoint et qui porte le même nom. Par la suite, on a pu utiliser n’importe quelle corde, ficelle ou ruban.

2. Dans sa forme la moins élaborée, si le nœud était défait, la malédiction était levée.

3. On préconise de faire le nœud quand le couple passe l’entrée de l’église pour aller vers l’autel.

4. Mozzani indique même que Ahmôsis II en aurait été victime ; nous ne connaissons pas sa source.

Renvois

↪ Connexe :
↪ Amont : Envoûtement, Ligature

Aiôn (Aïon, Éon)
[aiɔ̃], subst. masc.

Définition

[Ontologie]

► Nom commun. Force vitale d’un être ou d’un objet. αἰὼν πέφαται écrit Homère (Iliade XIX:27) à propos du corps de Patrocle. Par extension, durée et étendue de cette force, et donc temps-de-vie voir destinée.

► Dans un sens plus général du sens étendu qui précède, désigne également une entité temporelle (ère, âge, génération) ou spatiale (cosmos, monde) considéré comme une, finie et cyclique et par conséquent éternelle ou infinie selon le cas.


[Cosmologie]

► En tant que nom propre ("l’Éternel"), désigne la qualité d’éternité en tant qu’attribut divin, son principe de vie. Si tu ne peux t’égaler à Dieu, tu ne peux le comprendre. Le semblable comprend le semblable. Augmente-toi d’une grandeur immense, dépasse tous les corps, traverse tous les temps, deviens l’éternité et tu comprendras Dieu. (L’Intelligence à Hermès)

► En tant que nom commun, désigne une(1) ou un ensemble(2) de puissances intermédiaires, quoique éternelles du point de vue humain, qui sont émanées de l’Un. En tant qu’hypostase de Dieu et âme du monde, leur fonction est de maintenir l’ordre cosmique, de distribuer la force vitale (parts ou lots de vie) et finalement, de rendre possible son action sur la création, en un mot d’animer le cosmos en lui donnant une âme.

Dans le gnosticisme en particulier, les éons, inspirés des hyposthases de Plotin, sont pluriels. Il sont tant impersonnels que personnels, de nature active que inactive et sont diversement symbolisés. Chez Valentin par exemple, qui conçoit ces éons en syzygies, il y a environ trente Éons(1) qui sont autant d’attributs et de noms divins classés hiérarchiquement ; le premier étant le Verbe.


[Théologie]

► Personnifié notamment chez Héraclite via l’aphorisme Le Temps est un enfant qui joue en déplaçant les pions : la royauté d’un enfant et par Euripide dans ses Héraclides qui le désigne comme enfant du temps et de Zeus.

► La personnification glisse vers un dieu avec les gréco-égyptiens : fils de Koré la Vierge, Épiphane de Salamine signale que sa naissance était fêtée le 6 Janvier. Rénovateur du temps, il périssait chaque année et ressuscitait après le solstice d’hiver. Dans le contexte ptolémaïque il est ainsi rapproché d’Osiris-Dionysos. Usuellement représenté comme un Homme dans un zodiaque.

Étymologie

Ind.Eur. : *h₂eyu- {énergie vitale, éternité}

Grc. : αἰών {temps, moelle}
Lat. : aevum {temps, durée, époque}

Commentaires

I. Histoire

► Le sens ontologique est introduit par Platon dans le Timée : La nature du modèle était éternelle, et le caractère d’éternité ne pouvait s’adapter entièrement à ce qui a commencé ; Dieu résolut donc de faire une image mobile de l’éternité ; et par la disposition qu’il mit entre toutes les parties de l’univers, il fit de l’éternité qui repose dans l’unité cette image éternelle, mais divisible, que nous appelons le temps. Par le biais de son monde des réalités intelligibles, il fait ainsi passer la notion d’un mouvement temporel à celle d’une principe et fait donc prendre à l’aiôn une ascendance sur la notion de temps compris comme durée.

◆ On a voulu faire remonter ou du moins signaler une parenté entre la notion cosmologique d’Aiôn et le Zurvan Akarana iranien, ce que semble confirmer des entités du monde romain d’origine orientale avec lesquels on a fait correspondre le principe d’Aion tels Mithra, Agathodémon ou encore Sérapis.

II. Adaptations et concepts proches

◆ Dans le contexte thélémite, le mot "aeon" se réfère à des archétypes magico-religieux correspondant à des périodes de l’humanité(4).

◆ À rapprocher de aevum ou saeculum du monde latin, עוֹלָם (olam) {monde} hébreu et du कल्प (kalpa) {création} hindou. Dans un contexte plus ésotérique, on a rapproché le concept de celui des sephiroths.

Documentation pertinente

𝕍 Temps et mythe chez Plotin in Revue Philosophique de Louvain (44, 101, 2, pp. 265-281), Joachim Lacrosse, 2003. Lien vers le document sur Persée

𝕍 Théologies et mystiques de la Grèce hellénistique et de la fin de l’antiquité in Annuaires de l’École pratique des hautes études (97, pp. 284-292), Philippe Hoffmann, 1988. Lien vers le document sur Persée

Notes

1. Néoplatonisme.

2. Christianisme, gnosticisme et Papyri Graecae Magicae où il sert aussi à désigner l’absolu.

3. Le chiffre exact est sujet à interprétations.

4. L’aeon dit d’Isis, est suivi par celui d’Osiris puis celui, actuel, d’Horus.

Renvois


Aischrologie
[aiʃʁoloʒi], subst. Masc.

Définition

[Psychologie]

Langage grossier utilisé dans un but initiatique, à des fins conjuratoires, cathartique ou extatique.

Étymologie

Grc. : αἰσχρός (aichros) {Honteux, abject, laid}.

Commentaires

I. Exemples

► Par exemple, dans les festivals de Dionysos, Artémis ou Déméter, ce sont les discours et attitudes grossières voire obscènes pratiquées à des fins purificatoires. Ainsi les femmes peuvent insulter les maris et les esclaves leurs maîtres. Les saturnales, ainsi que la fête des fous (et sa messe de l’âne) et les charivaris moyenâgeux en général en sont les continuateurs. Les géphyrismes du pont des initiés d’Eleusis, la होली (Holi) hindoue ou la parenté à plaisanterie de l’ouest africain en sont d’autres exemples.

II. Signification

► Il s’agit dans tous les cas :

● D’évacuer et de neutraliser des tensions au niveau interne ou social afin de libérer une communauté,

De ne pas souiller un lieu sacré par de mauvaises pensées,

● Ainsi que de célébrer le renouveau d’une vitalité renouvelée, qui se veut insouciante, exubérante et quelque peu chaotique.

Renvois

↪ Connexe : Holi, Géphyrismes du pont, Parenté à plaisanterie
↪ Amont : Purification
Syn. : τωθασμός (tothasmos) {insulte, moquerie}

Alambic
[alɑ̃bik], subst. Masc.

Définition

[Alchimie]

Appareil employé pour les distillations composé de trois partie :

● Une cucurbite destinée à recevoir la matière et que l’on fait chauffer,

● Un chapiteau qui se destine à conduire les vapeurs vers la troisième partie,

● Le serpentin dont l’emploi est de liquéfier les vapeurs par condensation.

Étymologie

Grc. : ἄμβιξ (ambix) {vase, coupe}.

Arb. : الأنبيق (al-anbik)

Commentaires

I. Description

Fort présent dans l’iconographie alchimique, cet appareil probablement mis au point par des parfumeurs, varie par les tailles et les formes en fonction de la matière qu’on se destine à distiller.

↳ On en trouve par exemple des aveugles, c’est à dire lutés et des à bec, pourvus d’une sortie par laquelle on recueille les distillats.

↳ D’autres encore possédaient deux échappatoires afin de pratiquer la cohobation.

↳ En outre, l’appareil fut décoré à ses embouchures par plusieurs têtes d’animaux en fonction de la substance qui s’en échappait.

↳ Il fut encore désigné par divers noms évoquant sa forme générale ou certaines de ses parties, le sobriquet plus connu étant "pélican".

► Dioscoride (De Materia medica) est le premier auteur à le décrire : afin d’obtenir du mercure, il fait calciner le cinabre dans une écuelle en fer qu’il logeait dans un vase faisant office de cucurbite qu’il lutait avec de la terre glaise.

Le système est amélioré par les alchimistes grecs : une gouttière et un tuyau de décharge sont ajoutés au chapiteau, Marie la Juive invente le réchauffement au bain-marie.

► En fonction de la technique qu’on emploie, on utilise différent matériaux pour le fabriquer. On voit des alambics figurés chez Cléopâtre, Zosime puis chez pseudo-Geber, ce serait par l’intermédiaire d’un voyage en Égypte que saint Patrick aurait ramené l’alambic en Irlande, avec le succès qu’on lui connaît. Néanmoins, l’archéologie en fait remonter de fort primitifs datés du -XXX et trouvés à Tepe Gawra en Mésopotamie et à Mohenjo-Daro dans la vallée de l’Indus.

II. Homonymie

Ambix (The Journal of the society for the study of Alchemy and Ealy Chemistry) Lien vers le site est le nom d’une revue universitaire trimestrielle anglaise, spécialisée dans l’étude historique des documents alchimiques. Première en son genre, elle commence sa publication en mai 1937, publication qui se poursuit aujourd’hui.

Renvois

↪ Amont : Matériel alchimique

Albigeois / Catharisme
[albiʒwa] / [kataʀism], adj. et subst. / subst. masc.

Définition

[Religion]

Hérésie chrétienne manichéenne et ascétique du moyen-âge central qui s’est développée dans l’Europe du sud et qui fut violemment réprimée par l’Église.

Étymologie

■ Cathare : Grc. : καθαρός (Catharos) {pur}.

Commentaires

I. Histoire

Le nom d’albigeois est celui sous lequel leurs détracteurs désignent souvent les cathares du Languedoc et de Provence. Ils sont présents au XII à Toulouse où ils étaient les plus nombreux et en Avignon. C’est surtout par la ville d’Albi qu’ils finissent par se faire connaître (ils y étaient présents à environ 10-15%) avant d’être combattus par les missionnaires puis exterminés par croisade dès 1209 en raison des problèmes politiques, sociaux et théologiques que leur doctrine propageait.

En Europe, le mouvement cathare n’est pas tout à fait uniforme puisque la conception dualiste est plus ou moins marquée selon les branches. Néanmoins, la branche mitigée est peu représentée et uniquement dans la Plaine du Pô, alors qu’en France et dans le reste de l’Europe, il s’agit d’un dualisme absolu. Leurs conceptions sont proches par certains aspects de leur voisins géographiques les vaudois et on peut convenir que par d’autres aspects, ils préfigurent le protestantisme (ces deux derniers mouvements ne sont pas dualistes).

Le refus de la réforme grégorienne et les difficultés que subissait l’église catholique à cette époque ainsi que l’implantation du mouvement dans la bourgeoisie occitane sont des facteurs déterminants de l’expansion de cette hérésie.

II. Description

► Ces néo-manichéens, héritiers du gnosticisme, du priscillianisme, du paulicianisme, du marcionisme et du bogomilisme, admettaient deux principes éternels et opposés : l’esprit et la matière. Les âmes prisonnières de la matière par l’intermédiaire de la force vitale considérée comme maléfique sont punies pour leurs péchés commis lors de la révolte luciférienne. Elles subissent des cycles de métempsychose jusqu’à leur rédemption finale et leur retour à l’état angélique. Lucifer, par la force ou la tentation est ainsi parvenu à arracher un tiers des anges du ciel afin de s’offrir un simulacre d’existence puisqu’il en est fondamentalement dépourvu au contraire du principe bénéfique. Suivant cette logique, Jésus et Marie, ne disposant pas de partie matérielle, sont également considérés comme des anges.

► Attachés à l’église primitive et opposés à l’herméneutique du catholicisme qu’ils jugent trop littéral, ils rejettent également l’Ancien testament qu’ils estiment être l’œuvre du principe mauvais. En conséquence de tout cela, ils nient l’enfer, le purgatoire, la résurrection de la chaire et les sacrements. Ils s’abstiennent également des notions de propriété privée ou de gloire, évitent la violence, sont contre toute organisation ecclésiastique, n’ont pas d’églises, sont iconoclastes mais aussi évangéliques.

► Ils distinguent deux types de cathares : les parfaits et les simples croyants. Les premiers qui recevaient avant l’aube de leur mort, le consolamentum, baptême du Saint-Esprit transmis par les mains. Ils appliquaient plus durement la morale cathare : ils ne se mariaient pas et ne consommaient pas de viande, d’œufs ou de lait. Certains poussaient l’ascétisme jusqu’à l’endura où ils passaient plusieurs jours sans se nourrir et certains mêmes jusqu’à la mort. Le pardon des péchés ne s’obtient qu’en entrant dans l’église cathare, seule dépositaire de l’héritage des apôtres et par l’intermédiaire de bénédictions.

III. Désignations

► Bien que le terme "albigeois" ait fini par s’imposer, on les nommait différemment selon la région : manichéens, ariens, pauliciens ou "bulgares" du fait que leur doctrine était proche du manichéisme, de l’arianisme, du paulicianisme et du bogomilisme. On les nommait encore "tisserands", car beaucoup exerçait cette profession et bien sûr "cathares", en référence à leur prétentions doctrinales mais aussi simplement "hérétiques" car ils en véhiculèrent l’archétype. D’autres termes dérivés des précédents furent déformés localement. Eux-mêmes s’appelaient "bons chrétiens".

Renvois

↪ Connexe : Bogomilisme, Marcionisme, Paulicianisme, Priscillianisme
↪ Amont : Hérésie, Manichéisme

Alcali
[alkali], subst. masc.

Définition

[Alchimie]

Sel ou corps ayant une action liante et basique, opposée à celle de l’acide. Désigne l’argent philosophique, le sel des sages, le magistère au blanc ou terre feuillée.

Étymologie

Arb. : article اَل (al) {La / Puissance éminente} + قلي (Kali) {cendre de salsola : soude}

Commentaires

I. Description

Potasse obtenue grâce aux cendres dissoutes de végétaux riches en potassium comme le chêne, la fougère ou le roseau. Il était utilisé par les égyptiens qui le nommait borith et les chaldéens alembroth afin de purifier l’or et l’argent, pour les fusionner en electrum ou pour blanchir les végétaux. La substance devenait en effet caustique à partir d’une certaine concentration.

II. Symbolique

► Son symbole alchimique est la Croix de Saint-Antoine, utilisée par les franciscains. Un autre de ses symboles, le "rectangle crucigère inversé pénétré" le rapproche de celui du tartre, le "rectangle crucigère inversé".

III. Utilisations

► Son intervention est active dans l’œuvre au blanc où son action ouvre l’œuf philosophal.

► On l’utilise conjointement à la graisse animale et à l’eau pour fabriquer du savon. Sous forme volatile il s’agit de l’ammoniaque.

Renvois

↪ Amont : Sel, Substance alchimique

Alkahest (Alcaest, Alkaest)
[alkaɛst], subst. masc.

Définition

[Alchimie]

► Chez Paracelse (De Viribus membrorum) qui est le premier à évoquer ce terme qu’il n’utilise qu’une fois, il s’agit d’une liqueur pénétrante ayant pour vertu de protéger le foie et de le remplacer dans ses fonctions. Il serait un feu secret contenu en puissance dans le chêne en putréfaction, l’acacia, la fougère.


[Alchimie]

► Chez Van Helmont (Ortus medicinae) qui lui offrira sa définition définitive, c’est le dissolvant universel, eau de feu confiée seulement aux élus de Dieu. Le concept, très influant dans l’alchimie du XVII XVIII, passe pour un de ses plus grands accomplissements et cette eau-feu qui ne mouille pas les mains, tient un rôle fondamental dans la pratique de l’art royal.

Étymologie

de l’Arb. : اَلقلي (Alcali) {cendre de salsola : soude}

Ois. & H.All. : Allgeist {Tout esprit} (Eyrénée Philalète)

Ois. & Lat. : alkali est (Johann Glauber)

Ois. & H.All. & H.Hol. : Al gar heis ou Al zu hees sonne comme altho-haes {très chaud} (Johann Glauber)

Commentaires

I. Description

► Esprit salin, on lui prête entre autres propriétés de ramener à leur première vie et vertus tous les corps de la nature en les liquéfiant par un pouvoir destructif et résolutif et donc de potentiellement ressusciter les morts en rongeant toute corruption par l’action de microstructures pénétrantes et séparatives. En outre, il peut convertir le poison en médecine.

► Ce dissolvant, par ailleurs inaltéré en quantité et toujours vierge en qualité malgré son action, diffère du mercure des philosophe dont il est une préparation : il ne se mêle pas à ce qu’il dissout, son action dissolutive est sans corrosion, universelle. Comme l’a raillé Jean Kunckel, il ne pourrait en conséquence être contenu puisqu’il attaquerait son récipient même.

► Par extension réductive, il désigne les acides forts ou leurs mélanges, comme l’eau régale, en voie sèche il désigne le salpêtre.

II. Indications d’alchimistes

Philalète dans son Secret de la Liqueur immortelle indique que l’alkaest est un Menstrue, ou Dissolvant universel qu’on peut appeler d’un seul mot eau de feu : c’est un être simple et immortel, qui pénètre toutes choses et les résout en leur première matière liquide : rien ne peut résister à sa vertu ; iI agit sans réaction de la chose sur laquelle il agit, et ne souffre que son semblable, qui seul le met sous le joug. Après qu’il a dissout toute autre chose, il demeure tout entier à sa première nature, et n’a pas moins de vertu après avoir servi mille fois, qu’il en avait en sa première action. et que sa substance est est un excellent Sel circulé, préparé d’une manière admirable jusqu’à ce qu’il réponde aux désirs d’un subtil Artiste. Car il ne faut pas s’imaginer que ce soit un Sel corporel, tel que, rendu liquide par une simple disso­lution : mais bien un esprit salin que la chaleur ne saurait épaissir par l’évaporation de son humidité : la substance étant spirituelle, uniforme, volatile à une petite chaleur, et ne laissant rien après son évaporation. Ce n’est point un esprit acide ni alcalisé, mais un esprit salin.

► Dans son Alkaest, Jean Le Pelletier interprétera les travaux d’Helmont (en se servant de Philalète ?) de façon à ce que l’urine soit la matière première à la base du dissolvant. Je n’eus pas longtemps médité les écrits de nôtre excellent Philosophe Van Helmont, sans prendre bientôt, de quelques unes de ses expressions, une forte présomption, que l’Urine humaine, était le sujet que je cherchais. Cette position n’est pas sans rappeler celle de Touzay Duchanteau dont l’anecdote relative à l’urine et relatée par Gleichen dans ses Souvenirs demeure célèbre.

Documentation pertinente

Pour de plus amples développements historiques, 𝕍 L’Alkahest, dissolvant universel de Bernard Joly et The Medical Relevance of the Liquor alkahest de Paulo Porto.

Renvois

↪ Connexe : Azoth
↪ Amont : Substance alchimique

Allégorie
[alegɔʁi], subst. fém.

Définition

[Théologie]

Figure de style agissant par substitution sémantique et s’exprimant par la description ou le récit. Elle consiste à utiliser un ensemble cohérent de métaphores afin de signifier au sens imagé et figuré une idée abstraite alors contenue dans le sens littéral. La réification et la personnification sont alors des méthodes courantes.

Lorsque l’allégorie est un récit et vise une portée morale, elle devient un apologue qui conditionnée par les impératifs pratiques qu’elle s’impose, narre des interactions projetées dans le temps comme des évènements du quotidien. S’il s’y ajoute un sens pédagogique, elle devient alors la parabole.

Étymologie

Grc. : ἀλληγορία (allêgoría) {parler de manière détournée, devant une assemblée}

Lat. : allegoria

Commentaires

I. Procédé

En herméneutique, considérer le sens allégorique des mythes, légendes et contes, mais aussi des œuvres d’art (littéraires, graphiques et rituéliques) est une méthode afin d’en décrypter un sens plus profond.

↳ L’École théologique d’Alexandrie lisait la Bible dans un sens presque entièrement allégorique, Jean Cassien systématisera cette méthode en l’intégrant parmi les trois autres sens de l’écriture : littéral, tropologique et anagogique. Inversement, dans son sens strict, ce procédé rhétorique était en usage afin d’adoucir les paroles que l’on prononce en public, éclairant par là son étymologie.

Certaines écoles orientales préconisent de voir la vie elle-même et les évènements qui la composent comme une allégorie, comme des apparences recouvrant un sens et une réalité plus profonde.

II. Histoire

► Le procédé est en usage depuis fort longtemps : on le retrouve des fables d’Ésope à l’interprétation que Xénophane fait du corpus homérique, des mises en gardes du Talmud à propos des dorshé hamourot {interprètes de passages difficiles} et des dorshé reshumot {interprètes de passages occultés} qui se sont abîmés dans l’interprétation du מעשה מרכבה (Maassé Merkavah) {L’Œuvre du Char} et du מעשה בראשית (Maassé Berechit) {L’Œuvre du commencement} jusqu’aux allégories de Maïmonide (Guide des Égarés) et aux pardès(1) kabbalistique.

C’est avec Origène et Philon que le monde chrétien s’y initie : les célèbres paraboles du Christ, le Cantique des cantiques ainsi que son usage dans la typologie biblique en sont les trois exemples les plus importants.

Le luthérianisme rejettera l’interprétation symbolique au profit de la lecture littérale afin de sortir du giron de l’Église mais cette démarche aura par la suite l’effet inverse puisque le protestantisme sera prolixe en interprétations spirituelles à l’époque baroque tant il enfantera d’obédiences.

Goethe (Maximes et Réflexions) formalisa sa différence avec le symbole, en mettant en exergue le fait que le symbole va de l’image à l’idée et procède par synthétisation, alors que l’allégorie va de l’idée à l’image en procédant par développement, il s’ensuit que le symbole est bien plus polysémique que ne l’est l’allégorie.

Notes

1. Quatre niveaux d’interprétation de la Torah : littéral, allusif, figuré et secret.

Renvois

↪ Connexe : Allusion, Aphorisme, Herméneutique, Exégèse
↪ Amont : Analogie, Comparaison, Métaphore, Métonymie, Symbole

Alléluia (Hallelujah)
[aleluya], interjection et subst. masc.

Définition

[Religion]

► Mot hébreu signifiant "Gloire à Dieu", louange permettant d’exprimer l’allégresse, particulièrement au début ou à la fin d’un psaume ou d’un hymne.

Étymologie

Heb. : הללו (halelou) {louez} + יה (Yah) {Abréviation de "Jéhovah"}

Commentaires

I. Description

► Utilisé dans les prières du Hallel par le judaïsme, il est surtout vocalisé lors des liturgies pascales dans le christianisme(1).

Il y désigne par extension un chant liturgique qui débute sa formation au IV VI et qui est depuis la réforme grégorienne, chanté durant la messe et avant la lecture de l’Évangile.

II. Folklore

Plancy rapport les faits suivants :

● On disait qu’on faisait pleurer la sainte Vierge si on chantait l’alléluia pendant le carême.

● À Chartres, le matin du septuagésime et lorsqu’on cessait le chant, des enfants de cœur jetaient au milieu de l’église des toupies personnifiant l’Alleluia. Ils les expulsaient jusqu’au parvis avec un fouet, d’où le nom de ce rituel : "l’Alleluia fouetté".

● Le "trèfle de l’alleluia", l’oxalis petite oseille, est une plante des sous-bois qui donne une petite fleur blanche étoilée à l’époque de Pâques. Son symbolisme d’innocence la fait passer pour efficace contre toute forme d’ensorcellement.

Notes

1. Reproche que leur firent les orthodoxes à partir du schisme du XI.

Renvois

↪ Connexe : Amen
↪ Amont : Formule magique

Aludel (alutel, aluthel)
[alydɛl], subst. masc.

Définition

[Alchimie]

Désigne en alchimie le récipient philosophique généralement de terre cuite (parfois en verre), servant à accomplir le grand œuvre par coction de l’œuf philosophique. Il est employé pour la sublimation des minéraux et en particulier du soufre.

Étymologie

Arb. : الأثال (al-ʾuṯāl) {Vaisseau de sublimation}.

Grc. : (d’origine) αἰθάλίον (aithalion) {Cramoisi}.

Commentaires

I. Utilisation

► Selon le degré de subtilité de la sublimation que l’on veut opérer, on empile les vaisseaux les uns sur les autres, de taille de plus en plus petite. En plus de les relier en ouvrant leur fond et leur sommet, on peut également les connecter par des tuyaux latéraux. Les aludels sont certes reliés entre eux, mais le tout est luté, c’est à dire hermétique, afin de fixer le mercure : le premier contient la matière à sublimer et est disposé sur un fourneau et le dernier qui est un chapiteau aveugle (on ferme le bec), récolte les fleurs (les précipitations condensées, fruit de l’expérience). Le principe est le même que celui de la colonne de distillation mais s’exécute par étapes.

II. Figurations

► On en trouve de bons exemples dans la Somme de la perfection du Magistère de Geber et Le Ciel des Philosophes de Philipp Ulstad 🗎⮵.

Renvois

↪ Connexe : Dantian, œuf philosophal, vase hermétique, vase philosophique

↪ Amont : Appareils alchimiques

Altérité / Identité
[alteʁite] / [idɑ̃tite], subst. fém.

Définition

[Philosophie]

Caractères de ce qui est distinct ou semblable, relativement à un point de repère ontologique. Appliquées à l’être même, elles signifient la variabilité et la stabilité. La paire conceptuelle est largement utilisée : théologie, philosophie et psychologie.

Étymologie

Grc. : ἄλλος (allos) {autre}.

Lat. : alteritas {différence, diversité}.

Commentaires

I. Théologie

► En théologie, elle met en rapport les grandes dualités, ce qui les sépare et les relie et permet ainsi de tenter d’élucider leur mystère. Par exemple, l’homme et la femme, l’Homme et la création, l’Homme et Dieu ou bien la place du Christ ainsi que les rapports qu’entretient la Trinité avec elle-même dans l’arianisme : identique dans son οὐσία (ousia) {essence}, différente dans ses ὑπόστασις (hypostasis) {hypostase} (𝕍 à ce sujet Maxime le Confesseur).

II. Philosophie

► En philosophie, elles font parti des genres suprêmes évoqués par Platon dans Le Sophiste et qui sont identifiés communément comme étant l’être, le mouvement et le repos, le même et l’autre. Hegel soulignera le fait que dans la mesure où aucun objet est universel, le point de repère qu’est l’être est une affirmation tandis que l’autre une négation. Néanmoins la détermination de l’être étant amenée à changer, il tend ainsi continuellement par son affirmation renouvelée vers cette négation de l’ancien lui-même.

III. Psychologie

► En psychologie, la distinction entre identité et altérité à lieu durant l’enfance lorsque le sujet entre en relation avec des objets extérieurs et en particulier ses parents desquels il tire par le biais de l’identification, les matériaux lui permettant de former les fonctions de sa personnalité.

↳ Lorsque cette dissolution primaire s’opère de manière incorrecte notamment par une intégration erronée des archétypes, le sujet poursuit un rapport anaclitique avec les objets extérieurs afin de soutenir son égo défaillant.

Renvois

↪ Amont : Être

Amalgame [Alliage]
[amalgam], subst. masc.

Définition

[Alchimie]

Fusion du mercure avec un autre métal puis par abus, alliage de deux différents métaux.

Étymologie

? Grc. : μάλαγμα (malagma) {émollient}

Arb. : عمل (amal) {faire} + جامع (gama) {copulation}
Lat. : amalgama

Commentaires

I. Description

► À l’instar des larcins du dieu tutélaire des voleurs, l’or est aisément amalgamé par le mercure, au contraire du fer, qui ne peut l’être. La fusibilité du mercure étant bien plus basse, il est aisé de distiller cet amalgame ce qui permet d’extraire le précieux métal, d’en ouvrir l’accès comme le ferait une clef et symboliquement, le ressusciter d’une mort apparente grâce à l’action mercurielle. La densité du mercure ainsi que son aspect brillant, incitait les souffleurs à penser que si l’on pouvait lui adjoindre du soufre, il deviendrait solide et serait de l’or alchimique, inaltérable.

Renvois

↪ Connexe : Rebis
↪ Amont : Opérations alchimiques

Amen
[ɑmɛn], interjection et subst. masc.

Définition

[Religion (Abrahamisme)]

► Mot d’origine hébraïque adopté par la liturgie chrétienne et musulmane et utilisé comme conclusion (ou plus rarement introduction) à une homélie ou une prière.

Étymologie

Heb. : אָמֵן (ʾāmēn) {vraiment, assurément, crédible}.

Grc. : Ἀμήν (amen) {idem}.
Lat. : Amen {ainsi soit-il} et arb. آمين (amin) {idem}.

Commentaires

I. Occurrences

► Le mot en hébreu biblique est attesté notablement dans le Deutéronome (27:15-26) ou les Psaumes (41:13, 72:19, 89:52) et était principalement utilisé comme formule d’assentiment à un propos (prière ou souhait, bénédiction ou malédiction).

► Le mot est notablement positionné en début de phrase dans les dits de Jésus : ἀμὴν ἀμὴν λέγω ὑμῖν (amên amên legô humin) {amen amen je vous le dis} et ce afin de mettre l’emphase sur ses propos ; le plus grand nombre d’occurrences est chez Jean.

II. Histoire

► Le mot latin, attesté depuis Tertullien (De Spectacularis, 25 : ex ore, quo Amen in Sanctum protuleris, gladiatori testimonium reddere), vient du Talmud puis passe au latin et à l’arabe certainement par l’intermédiaire du grec dans Apoc. 3.14 : Τάδε λέγει ὁ Ἀμήν qui l’identifie au Christ.

En outre les rabbins (Talmud, Shabbat) en ont fait l’acrostiche de אל מלך נאמן (El melekh ne’eman) {Dieu en qui l’on place sa confiance} dont la traduction latine est Dominus Rex Fidelis. Il signifie communément "que la volonté du père soit faite", plus simplement "ainsi soit-il, conformément à ce qui a été dit" ou "en vérité".

III. Significations

► En terme de sens, c’est d’une part l’adhésion de la création à la volonté du Père, d’autre part la soumission du fidèle à la volonté de ce dernier. Mais aussi l’association à la prière précédemment prononcée, soit par un tiers mais aussi par soi-même.

Cette signature verbale assure la conformité des paroles ainsi que l’adhésion volontaire et consciente de celui qui les prononce ou les entends. Amen peut alors être compris comme "Dieu m’a entendu et bénit cette prière, qui est parole de vérité, j’ai donc foi en sa réalité". Francis Warrain (Théodicée de la Kabbale) ajoute que kabbalistiquement, on peut voir que l’א signifie le puits profond d’où jaillissent les bénédictions, le ם, le double principe mâle et femelle ou l’universel et le ן, les bénédictions qui se répandent en tous sens.

IV. Rapprochements

► On a également voulu faire un rapprochement avec le Dieu égyptien Amon et le aum sanskrit.

↳ En effet, Blavatsky (Glossaire Théosophique) citant Manéthon de Sebennytos et Hécatée de Milet fait remarquer que "amen" signifie "le dissimulé". Les prêtres égyptiens de l’antiquité auraient invoqué Amon ou du moins remis leurs prières grâce à ce mot.

↳ L’homophonie est néanmoins attestée par les hiéroglyphes de la Pyramide d’Ounas(1), se retranscrit imnn (𝕍 ci-contre) et se prononce amn ou imn.

𓇋
𓏠
𓈖

↳ Quoi qu’il en soit le rapprochement entre les trois termes, tout légitime et séduisant qu’il soit au niveau conceptuel (invocation au transcendant), ne repose que sur peu d’éléments factuels.

Notes

1. Tutankhamen, amenism, atenism and egyptian monotheism, Ernest Budge pour une trad. fra. 𝕍 Les Textes des Pyramides égyptiennes, Louis Speleers.

Renvois

↪ Connexe : Alléluia
↪ Amont : Formule magique

Amor fati
[Amɔʁ fati], locution

Définition

[Philosophie]

litt. "amour du destin" : attitude stoïcienne consistant à considérer comme nécessaire ou mieux, désirable, les vicissitudes et évènements de l’existence par le biais de l’exercice de l’attention menant à la connaissance et à l’amour de soi.

Étymologie

Ind.Eur. : *am- {prendre, mère} + *bʰeh₂ {briller}.

Commentaires

I. Description

► Tels qu’il fut développés par Épictète et Marc Aurèle, il s’agit de l’acceptation d’une part des choix et de leurs conséquences et d’autre part des évènements qui échappent au contrôle de l’Homme. Cette attitude permet de percevoir le réel tel qu’il est vraiment.

↳ On en tire ainsi le meilleur parti, que ce soit en terme d’évolution intérieure que de contrôle sur les évènements, notamment par l’intégration de la souffrance et de l’impermanence.

↳ En conséquence, il est selon cette position, désirable de vivre le moment présent sans se préoccuper du passé ni surtout de l’avenir, source de passions.

II. Chez Nietzsche

► Dans l’articulation nietzschéenne (Ainsi parlait Zarathoustra) dont la dynamique fondamentale est différente mais les conclusions semblables, il s’agit de la principale manifestation pratique de la wille zur macht {volonté de puissance}. Il s’agit de l’affirmation de l’identification du psychisme avec l’essence de l’übermensch {surhumain}. Les contingences et nécessités de l’existence, toutes empruntes d’un éternel retour qu’elles puissent être par certains aspects, ne peuvent alors entamer d’aucune manière et au contraire, réjouissent.

Renvois

↪ Connexe : Destin
↪ Amont : Philosophie

Amour
[amuʁ], subst. masc.

Définition

[Philosophie, Psychologie]

► Affinité physique, émotionnelle et intellectuelle, éternelle et violente, poussant deux êtres distincts et uniques à se vouer une dévotion réciproque au-delà de leur propres limites individuelles. Cette affinité se manifeste par le désir et la volonté de fusion sans jamais que cette dernière ne soit effective et menant ainsi les deux parties à un état de communion transcendante de nature spirituelle.


[Cosmogonie, Mysticisme]

► Force fondamentale du cosmos qui intime aux parties disparates le composant, et devenues conscientes, de se réunir à nouveau dans une synthèse dynamique.

Étymologie

Ind.Eur. : *am- {mère, prendre}

Lat. : amō {aimer}

Commentaires

I. Importance pour l’occident

► La notion est d’une importance déterminante pour la culture occidentale :

Elle est d’abord au cœur du message du Christ : Tu aimeras donc le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, et de toute ta force. C’est là le premier commandement. / Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. (Marc, 12:30-31) puis Vous avez appris qu’il a été dit : "Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi." / Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent : / afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et descendre sa pluie sur les justes et sur les injustes. / Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains n’en font-ils pas autant ? / Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens même n’en font-ils pas autant ? / Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. (Sermon sur la Montagne). On retrouve déjà ces notions dans le Deutéronome : Tu aimeras Yahweh, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force (VI:5) et l’amour est également le thème central du Cantique des Cantiques.

De même son importance est principielle pour la littérature. Qu’il suffise d’évoquer Apulée, qui, in Métamorphoses (IV-VI) narre la célèbre histoire de Psyché et Éros qui, séparés par la curiosité de Psyché, sont finalement réunis pour toujours.

II. Les types d’amours chez les anciens grecs

► Les anciens grecs (ntm. Platon in Banquet et Aristote in Éthique à Nicomaque) différencient plusieurs amours :

ἀγάπη (agápē) : Amour divin, inconditionnel, universel, sacrificiel, que l’on destine aux principes (La vérité ou l’humanité). Proche de la charité chrétienne.

ἔρως (érōs) : Amour humain, conditionnel, personnel, que l’on destine à une forme spécifique identifiée comme désirable. Amour intime, romantique et passionnel, il peut se matérialiser en désir sexuel ou se transmuter en pulsion métaphysique vers le divin. L’histoire de la sorcellerie abonde en témoignages de filtres d’amour dont l’objet est de déclencher un érōs matérialisé furieux. Inversement, pour le mystique, l’amour est une vis unitiva {force unificatrice} qui vient unir son érōs à l’agápē divin.

φιλία (philía) : Amour amical, dépassionné, tendre, ludique. Affinité entre deux personnes se considérant de dignités égales et qui ne se manifeste pas par intérêt.

στοργή (storgḗ) : Amour familial ou patriotique, par devoir et empathie naturelle.

ξενία (xenía) : Amour de politesse. Hospitalité pour un étranger basé sur la générosité et la réciprocité.

φιλαυτία (philautía) : Amour de soi-même qui peut être égocentrique, égoïste et vaniteux ou vertueux, légitime et rationnel.

► Dans le système cosmogonique d’Empédocle, Amour et Haine sont les deux puissances primordiales issues de sphairos, point d’unité pré-cosmique présidant à la manifestation. De même dans la cosmogonie orphique, Éros est une entité démiurgique hermaphrodite qui naît de l’œuf cosmique enfanté par Éther et Chaos.

III. Amour courtois

► L’amour courtois, qui apparaît dans le Midi f.XI, est un rapport initiatique(1) aux femmes de la part d’un poète et/ou d’un chevalier. Il est de deux type : fin’amor et amour chevaleresque.

Le premier, est adultère, hostile au mariage et la dame est d’un rang social supérieur. Le plaisir est subtilisé et il y a emploi du trobar clus(2) qui se veut hermétique par l’emploi de rimes rares, de concepts raffinés et d’une métrique complexe. Pour Rougemont (L’Amour et l’occident, 1939), il s’agit d’une expression déguisée du catharisme.

Le second, mis en scène par Chrétien de Troyes, est sans adultère, la dame est d’un même rang, il n’y a pas nécessairement continence sexuelle et les épreuves initiatiques sont indirectes(3).

À partir des travaux de Luigi Valli sur Dante et les Fidèles d’amour(4), le sujet a été notablement abordé par Guénon, Evola et Corbin.

Notes

1. Fidélité, sens du secret, sublimation des désirs matériels.

2. Marcabru, un des premiers troubadours dont les textes nous soient parvenu est un précurseur.

3. Quêtes démontrant les vertus du chevalier qu’il dédié à sa dame: honneur, force, courage, bonté…

4. 𝕍 à ce propos : Les Fidèles d’Amour dans la Vita Nova, in Chroniques Italiennes (Les) (1), Isabelle Abrame-Basttesti, 1984.

Renvois

↪ Connexe : Sagesse, Puissance
↪ Amont : Dieu

Anabase / Catabase
[anabaz] / [catabaz], subst. fém.

Définition

[Mysticisme]

► Mouvement ascensionnel (anabase) ou au contraire descensionnel (catabase) d’une matière intelligente d’un plan d’existence à un autre.

Étymologie

Grc. : ἀνά {en haut, en avant} + βασις {marcher, base}.

Grc. : κατά {en bas, en arrière} + βασις {marcher, base}.

Commentaires

I. Histoire

► Les termes appartiennent originellement au vocabulaire technique des mystères. On les trouve dans la mythopoétique et la littérature, où un Homme vivant (un héros) effectue de son plein gré une descente chez les morts(1).

► Les exemples les plus connus et anciens sont ceux dans Gilgamesh, Enkidu et les Enfers (-2000) et dans la Catabase d’Innana ( -1600). Le voyage effectué par Dante in Divine Comédie est sans doute l’épisode littéraire le plus connu en occident décrivant les voyages de ce type. À noter que Jésus descend aux enfers dans l’Évangile de Nicodème et la Pistis Sophia.

II. Des termes aux vastes contours

► Les termes étant généralistes, ils peuvent concerner un vaste panel de possibilités à plusieurs niveaux :

Tout d’abord ils peuvent intéresser toute partie du psychisme (âme ou esprit) pouvant faire l’objet de ce mouvement.

La méthode employée peut aussi varier puisqu’elle peut être rituelle (ascension d’une montagne ou descente dans une grotte), imaginaire (les visualisations du tantrisme) ou spirituelle (L’Ascension du Prophète).

Son objet peut également varier : il peut être, de manière exclusive ou tout à la fois, initiatique (Énéide, VI), médico-chamanique, magique(2) ou cathartique (Oracles chaldaïques).

Les destinations célestes (cieux, paradis, royaume de Dieu) ou telluriques (intérieur de la Terre, enfers, royaumes des morts) de ce voyage vont évidemment dépendre également du système concerné.

► Notez que si un être remonte des enfers ou redescend du paradis, il effectuera également une anabase ou une catabase, le terme n’étant pas exclusivement lié à un départ dans le plan terrestre : les deux mouvements sont liés puisqu’un Homme qui effectue une descente ou une montrée doit pouvoir revenir de son voyage, i.e. vaincre la mort(3).

Notes

1. Ntm. Héraclès, Dionysos, Ulysse et Orphée, Pythagore aussi (indique Laërce), Énée…

2. Théurgique ou nécromantique afin d’obtenir une gnose, des savoirs ou des pouvoirs comme in Pimandre : Je réfléchissais un jour sur les êtres ; ma pensée planait dans les hauteurs, et toutes mes sensations corporelles étaient engourdies comme dans le lourd sommeil qui suit la satiété, les excès ou la fatigue.

3. Ces mouvements étant exécutés naturellement et de façon définitive par le mourant.

Renvois

↪ Connexe : Ascension, Anagogie, Extase
↪ Amont : Pérégrinations animiques

Anagogie
[anaɡɔʒi], subst. Fém.

Définition

[Théologie (mystique)]

► Élévation, ascension du psychisme (âme et/ou esprit)) aux choses divines, célestes et éternelles.


[Théologie (herméneutique)]

► Recherche du sens spirituel et mystique des textes sacrés (au delà de leur aspect littéral, allégorique ou tropologique).

Étymologie

Grc. : ἀνα (ana) {en haut, en avant} + aγωγή (agôgê) {attraction} = {élévation}

Lat. : anagōgē {sens spirituel/mystique de l’Écriture}

Commentaires

I. Sens cultuel

► Les anagogies sont également, dans l’antiquité grecque, des fêtes sacrificielles célébrées annuellement à Éryx (Sicile) et commémorant le départ d’Aphrodite pour la Libye. Leur pratique étaient tenues pour faire obtenir une heureuse traversée. Par extension, tout départ d’une divinité d’un lieu vers un autre sont des anagogies (son retour sont des catagogies).

Renvois

↪ Connexe : Anabase, Extase
↪ Amont : Mysticisme

Analogie
[analɔʒi], subst. fém.

Définition

[Ésotérisme]

► Similitude de rapport unissant deux objets d’ordre différents, au regard de l’identité intrinsèque émergeant des relations établies entre ses différentes parties et/ou propriétés.

Étymologie

Grc. : ἀναλογία (analogia) {proportion (mathématique) rationnelle, correspondance}

Lat. : analogia {rapport, conformité}

Commentaires

I. Description

► L’analogie est l’un des axiomes de la magie(1) et par conséquent, la méthode de raisonnement, de langage et de connaissance préférentielle de l’ésotérisme. On la retrouve dans toutes les formes d’ésotérisme quelle que soit l’époque ou le lieu(2). Harmonie préétablie par le divin dans la Création, elle postule l’unité des parties (horizontales et verticales) du tout en ce que les éléments composant lesdites parties se correspondent symboliquement et s’influencent sympathiquement de façon réciproque.

Ex. dans les règnes de la nature, un lien de sympathie unit le Soleil, le lion, l’olivier et l’or car ils tiennent la même fonction dans leurs parties respectives. De même, une analogie universelle existe entre toutes les unités de temps que l’on pourrait constituer car elles se structurent fonctionnellement de la même façon : l’année est comme le mois, le jour ou la vie Humaine. Elles sont en effet toutes composées d’un début printanier, d’une apogée estivale, d’un déclin automnal et d’une fin hivernale. On peut formuler plus simplement et poétiquement : "le nid est la maison de l’oiseau", car le nid endosse la même fonction que la maison pour l’Homme.

L’utilisation de l’analogie inverse est fréquente (et importante) en ésotérisme lorsqu’il s’agit de tisser un lien entre deux réalités distinctes mais connexes sur le plan vertical (cela est du à l’alternance universelle des polarités) : au lieu de mettre en correspondance deux termes symétriques par rapport à leur partie, on met en rapport deux termes opposés (ex. le divin dans l’humain est le squelette et non l’esprit).

Langage universel de la nature, le raisonnement analogique se distingue de la pensée hypothético-déductive, articulée autour de la démonstration et attachée aux principes d’identité, de non contradiction et de tiers-exclu. Son objet est de saisir l’ordre des choses, leur sens et leur finalité. Elle procède par induction(3) et recherche, par le biais de l’interprétation (et non par celui de la causalité phénoménale), la récurrence structurelle et la répétition des interrelations entre les éléments examinés. Il est notable que, outre l’ésotérisme, cette méthode est également la façon préférentielle de représenter et structurer la réalité chez l’enfant, le fou, le primitif, le poète et le sage. Tout comme la symbolique, au lieu de fermer les significations, la pensée analogique ouvre un réseau de sens par le jeu des assimilations et du mimétisme. Elle agit par unification, observation, stimulation et anticipation, elle stimule simultanément l’intuition analytique et synthétique.

II. Utilisation

► À partir de l’utilisation de la méthode analogique, l’ésotériste déduit des correspondances entre les différents niveaux de la réalité(4) ainsi que dans les niveaux internes de la réalité elle-même(5).

Ex., en médecine occulte, toute imperfection psychique à sa répercussion dans le corps physique, engendrant des dysfonctions. De même en occultisme, il y a une correspondance de nature analogique entre les forces de l’érotisme et de la libido et celles du mysticisme et de la magie, les forces des unes étant convertible dans celles des autres : le faux mystique dont l’élan psychique ne parvient pas à s’extraire des limites du plan physique voit ses forces sexuelles opérer des boucles néfastes et sa sexualité devenir déviante et de même, l’impuissant sexuel est inapte aux exercices de l’occultisme ne disposant pas de la puissance — de la matière nécessaire — à l’accomplissement de son œuvre.

III. En théologie

► La notion est également importante en théologie : elle est effectivement introduite dans la réflexion chrétienne par Car la grandeur et la beauté des créatures font connaître par analogie Celui qui en est le Créateur (Sagesse, 13:5) et a été traité par Albert et Aquin. Elle s’exprime dans la notion d’analogie de l’être qui dans la scolastique rend compte de la la relation de ressemblance entre Dieu et les créatures : ni univoque, ni équivoque.


IV. Définition d’Euclide

◆ Selon Euclide (Éléments, V) et constituant sa définition stricte, l’analogie mathématique est une équivalence de deux rapports (ab=cd). Dans un fragment pythagoricien d’Archytas de Tarente rapporté par Porphyre (Commentaire sur les Harmoniques de Ptolémée) on trouve trois types d’analogie : Il y a dans la musique trois moyens : le premier est le moyen arithmétique, le second est le moyen géométrique, le troisième est le moyen subcontraire qu’on appelle harmonique. Le moyen est arithmétique lorsque les trois termes sont dans un rapport analogue excédant, c’est-à-dire tels que la quantité dont le premier surpasse le second soit précisément celle dont le second surpasse le troisième ; dans cette proportion, il se trouve que le rapport des plus grands termes est plus petit, le rapport des plus petits plus grand. Il y a moyen géométrique lorsque le premier terme est au second comme le second est au troisième ; ici le rapport des plus grands est identique au rapport des plus petits termes. Le moyen subcontraire que nous appelons harmonique existe lorsque le premier terme dépasse le second d’une fraction de lui-même, identique à la fraction de lui-même dont le second dépasse le troisième : dans cette proportion le rapport des plus grands termes est plus grand, celui des plus petits, plus petit.

V. Socrate use de l’analogie dans la République

Platon fait notablement utiliser l’outil analogique à Socrate à la fin de République VI lorsqu’il expose les différents degrés de réalités et de connaissances (nous coupons Adimante) :

Conçois donc, comme nous disons, qu’ils sont deux rois, dont l’un règne sur le genre et le domaine de l’intelligible, et l’autre du visible […]. Mais imagines-tu ces deux genres, le visible et l’intelligible ? […] Prends donc une ligne coupée en deux segments inégaux, l’un représentant le genre visible, l’autre le genre intelligible, et coupe de nouveau chaque segment suivant la même proportion ; tu auras alors, en classant les divisions obtenues d’après leur degré relatif de clarté ou d’obscurité, dans le monde visible, un premier segment, celui des images - j’appelle images d’abord les ombres, ensuite les reflets que l’on voit dans les eaux, ou à la surface des corps opaques, polis et brillants, et toutes les représentations semblables ; tu me comprends ? […] Pose maintenant que le second segment correspond aux objets que ces images représentent, j’entends les animaux qui nous entourent, les plantes, et tous les ouvrages de l’art. […] Consens-tu aussi à dire, demandai-je, que, sous le rapport de la vérité et de son contraire, la division a été faite de telle sorte que l’image est à l’objet qu’elle reproduit comme l’opinion est à la science ? […] Examine à présent comment il faut diviser le monde intelligible. […] De telle sorte que pour atteindre l’une de ses parties l’âme soit obligée de se servir, comme d’autant d’images, des originaux du monde visible, procédant, à partir d’hypothèses, non pas vers un principe, mais vers une conclusion ; tandis que pour atteindre l’autre - qui aboutit à un principe anhypothétique - elle devra, partant d’une hypothèse, et sans le secours des images utilisées dans le premier cas, conduire sa recherche à l’aide des seules idées prises en elles-mêmes. (Adimante ne comprend pas) Eh bien ! reprenons-le ; tu le comprendras sans doute plus aisément après avoir entendu ce que je vais dire. Tu sais, j’imagine, que ceux qui s’appliquent à la géométrie, à l’arithmétique ou aux sciences de ce genre, supposent le pair et l’impair, les figures, trois sortes d’angles et d’autres choses de la même famille, pour chaque recherche différente ; qu’ayant supposé ces choses comme s’ils les connaissaient, ils ne daignent en donner raison ni à eux-mêmes ni aux autres, estimant qu’elles sont claires pour tous ; qu’enfin, partant de là, ils déduisent ce qui s’ensuit et finissent par atteindre, de manière conséquente, l’objet que visait leur enquête.

[…] Tu sais donc qu’ils se servent de figures visibles et raisonnent sur elles en pensant, non pas à ces figures mêmes, mais aux originaux qu’elles reproduisent ; leurs raisonnements portent sur le carré en soi et la diagonale en soi, non sur la diagonale qu’ils tracent, et ainsi du reste ; des choses qu’ils modèlent ou dessinent, et qui ont leurs ombres et leurs reflets dans les eaux, ils se servent comme d’autant d’images pour chercher à voir ces choses en soi qu’on ne voit autrement que par la pensée.[…] Je disais en conséquence que les objets de ce genre sont du domaine intelligible, mais que, pour arriver à les connaître, l’âme est obligée d’avoir recours à des hypothèses : qu’elle ne procède pas alors vers un principe - puisqu’elle ne peut remonter au delà de ses hypothèses - mais emploie comme autant d’images les originaux du monde visible, qui ont leurs copies dans la section inférieure, et qui, par rapport à ces copies, sont regardés et estimés comme clairs et distincts. […] Comprends maintenant que j’entends par deuxième division du monde intelligible celle que la raison même atteint par la puissance de la dialectique, en faisant des hypothèses qu’elle ne regarde pas comme des principes, mais réellement comme des hypothèses, c’est-à-dire des points de départ et des tremplins pour s’élever jusqu’au principe universel qui ne suppose plus de condition ; une fois ce principe saisi, elle s’attache à toutes les conséquences qui en dépendent, et descend ainsi jusqu’à la conclusion sans avoir recours à aucune donnée sensible, mais aux seules idées, par quoi elle procède, et à quoi elle aboutit. (Adimante commente sa compréhension des propos) Tu m’as très suffisamment compris, dis-je. Applique maintenant à ces quatre divisions les quatre opérations de l’âme : l’intelligence à la plus haute, la connaissance discursive à la seconde, à la troisième la foi, à la dernière l’imagination ; et range-les en ordre en leur attribuant plus ou moins d’évidence, selon que leurs objets participent plus ou moins à la vérité.

VI. Occurrences dans l’ésotérisme

L’évocation de l’analogie entre le microcosme, le mésocosme, le macrocosme et le divin, entre l’Homme, la Nature et Dieu — idée d’une importance capitale et principielle dans la pensée ésotérique — se retrouve dans les textes fondamentaux du corpus ésotérique occidental : in Table d’Émeraude tout d’abord Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut : & ce qui est en haut, est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d’une seule chose ainsi que in Genèse (1:26) Puis Dieu dit : "Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur les animaux domestiques et sur toute la terre, et sur les reptiles qui rampent sur la terre.". Dans le Zohar (I:38a) nous lisons de même : Rabbi Siméon dit : Nous savons par une tradition que lorsque le Saint, béni soit-il, créa le monde, il grava le mystère de la Foi avec des lettres d’une lumière étincelante ; il grava ce mystère en haut et le grava aussi en bas ; là, aussi bien qu’ici, c’est le même mystère ; le monde d’ici-bas est fait d’après celui d’en haut ; le monde d’ici-bas n’est que le miroir de celui d’en haut : il a été fait ainsi pour que tout soit uni dans une union parfaite. C’est pourquoi le Saint, béni soit-il, grava les lettres du mystère de la Foi en haut aussi bien qu’en bas ; c’est par ce mystère qu’il créa les mondes. Remarquez que le Saint, béni soit-il, a créé le premier homme de la même façon qu’il a créé le monde. Le Livre de la Formation, fondamental pour la qabbale indique des correspondances entre les lettres hébraïques et différents éléments métaphysiques, astrologiques et physiologiques.

VII. Note

◆ Vraisemblablement à partir de τινὲς ἀπὸ οἰήσεως, ὡς οἱ Φιλαλήθεις καὶ Ἐλεγκτικοὶ καὶ Ἀναλογητικοί tiré des Vies de Laërce, Blavatsky indique - nous semble-t-il de façon assez gratuite d’un point de vue historique - que les "analogistes" était l’un des trois noms donnés aux membres de l’école néoplatonicienne d’Ammonios Saccas.

Documentation pertinente

𝕍 La Science des symboles, René Alleau, 2 : L’Analogie (pp. 65-80), 1977.

Notes

1. Elle est également omniprésente en alchimie comme en astrologie.

2. En occident les œuvres de Swedenborg puis de Papus sont à cet égard remarquables.

3. Une présomption logique et non un raisonnement pour Kant.

4. Réalité physique visible et sur-réalité psycho-spirituelle invisible.

5. Du macrocosme cosmique au microcosme atomique.

Renvois

Npc. homologie, ressemblance, comparaison
↪ Connexe : métaphore, symbole, parabole
↪ Aval : allégorie

Anathème
[anatɛm], subst. masc.

Définition

[Polythéisme grec et romain]

► Offrande votive, expiatoire ou commémorative. Chose consacrée, puis plus tardivement, exécrable : on suspendait également des choses odieuses relatives aux ennemis afin de les livrer aux ires divines des dieux infernaux et ce sens l’a emporté.


[Catholicisme]

► Malédiction et imprécation, exécration et excommunication par l’autorité ecclésiastique contre une doctrine ou une personne estimée hérétique. Celui qui en fait l’objet ne pouvait s’adresser à ceux restés fidèles et était voué à l’enfer s’il n’abjurait pas(1).


[Judaïsme]

חֵרֶם (ḥērem) : Ce qui est maudit, voué à être retranché et exterminé(2).

Étymologie

Grc. : ἀνάθημα (anáthema) {Suspendu (exposé)}

Lat. : anathema

Commentaires

I. Le Sermone de anathemate de Jean Chrysostome

► Dans l’une de ses homélies dédiée au sujet (Sermone de anathemate, trad. Jeannin : Qu’il ne faut anathématiser ni les vivants ni les morts), Jean Chrysostome s’écrie :

C’est pourquoi, fidèle aux obligations de ma charge, je vous prie et vous supplie de renoncer à cette funeste habitude de l’anathème. Celui que vous prétendez anathématiser est vivant ou mort ; s’il vit, vous commettez un acte inhumain en repoussant cet homme qui, susceptible encore de conversion, peut revenir du mal au bien; s’il est mort, vous faites encore pis : et comment ? après la mort, c’est pour Dieu seul qu’il est debout ou abattu; il n’appartient plus aux puissances humaines. Il est périlleux de porter un jugement sur les secrets que se réserve le Juge des siècles : c’est lui qui apprécie la mesure de la science et la qualité de la foi. […]

Renoncez donc, je vous en conjure, à cette mauvaise habitude. Car je vous le dis en face de Dieu et de ses saints anges, et. je les prends à témoin que vous vous préparez pour le jour du jugement un affreux malheur et d’intolérables flammes. […] Dire anathème aux dogmes hérétiques, ennemis de nos traditions, réfuter les doctrines impies, c’est un devoir; mais épargner les personnel, et prier pour leur salut, c’est un devoir encore.

II. Un "anathème théologal" signalé par Wier

► Wier (De praestigiis daemonum, 5, 6 : Sorcellerie magicienne pour recouvrer les choses dérobées) signale une prière imprécatoire à forte teneur exécratoire, un anathème théologal qu’il associe à Adalbert de Prague et dont il regrette l’usage parmi des personnes qui s’estiment fils de l’Église. Cette conjuration litanique a pour objet de recouvrer promptement des choses dérobées : après une invocation à l’autorité de Dieu et ses saints, le sorcier dira nous excommunions, damnons, maudissons, anathématisons et forclusons de l’entrée de notre mère sainte église […] s’ils ne rendent dans un certain temps ce qu’ils ont dérobé et que l’on devait conclure par l’antienne grégorienne Media vita in morte sumus. Il signale de la même façon l’emploi du Psaume 108 (Vulgate) : Dieu de ma louange, ne garde pas le silence ! […] Que ses jours soient abrégés, et qu’un autre prenne sa charge ! / Que ses enfants deviennent orphelins, que son épouse soit veuve ! […] pour faire mourir ses ennemis.

Notes

1. Ex. Galates (I:8-9) : Mais quand nous-mêmes, quand un ange venu du ciel vous annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! / Nous l’avons dit précédemment, et je le répète à cette heure, si quelqu’un vous annonce un autre Évangile que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! ou I Corinthiens (XVI:22) Si quelqu’un n’aime pas le seigneur, qu’il soit anathème !

2. Ex. Deutéronome (XIII:16) : alors, tu ne manqueras pas de passer au fil de l’épée les habitants de cette ville, la dévouant par anathème avec tout ce qu’elle contient, et tu passeras aussi son bétail au fil de l’épée. ou Lévitique (XVII:28-29) : Rien de ce qu’un homme aura voué par anathème à Yahweh, dans tout ce qui lui appartient, que ce soit un homme, un animal ou un champ de son patrimoine, ne pourra ni se vendre, ni se racheter ; tout ce qui est voué par anathème est chose très sainte, appartenant à Yahweh. / Aucune personne vouée par anathème ne pourra être rachetée : elle sera mise à mort.

Renvois

↪ Connexe : Excommunication
↪ Amont : Malédiction

Androgyne
[ɑ̃dʁɔʒin], subst. masc.

Définition

[Ésotérisme]

► Qui possède les caractéristiques propres aux deux sexes.

Étymologie

Grc. : ἀνδρόγυνος (andrógynos) {Homme-femme}

Lat. : androgynus

Commentaires

I. Dans l’ésotérisme

► Figuration anthropomorphisée du symbole de l’œuf cosmique, le mythe de l’androgyne est un des plus anciens et universels, il est remarquablement riche et de très nombreux systèmes religieux primitifs figurent des divinités androgynes. Aussi, ce symbole est naturellement fort important dans l’ésotérisme. Il figure la totalité par l’union des polarités masculines et féminines dans l’unité, totalité qui, selon les cas, figure l’union précédant ou suivant la division sexuelle, manifesté depuis l’unité primordiale ou y retournant. Le sentiment nostalgique de cette coincidentia oppositorum {coïncidence des opposés}, illud tempus {en ce temps-là}, et la volonté de de vivre concrètement cette métanoïa, de reconquérir cet état pour le réactualiser à un niveau égal sinon supérieur (en y intégrant le concept de différenciation), est une motivation permanente de la démarche ésotérique.

Les représentants les plus significatifs de la figure de l’androgyne sont d’une part, celle d’אָדָם קַדְמוֹן (ʾāḏām qaḏmōn) {Homme primordial} dans la qabbale et celle du rebis (ex. 🗎⮵ 🗎⮵ 🗎⮵ 🗎⮵ 🗎⮵) ou androgyne hermétique, en alchimie. Le premier figure l’androgynie initiale tandis que le second signifie la conjonction terminale reconstituée à partir des principes premiers mercuriels et sulfuriques lors du coït ayant lieu dans le bain royal.

↪ Les spéculations de la théosophie sont, dès Böhme, également riches en cette matière et la thématique (liée à celle de la chute) est développée par Gottfried Arnold, Gichtel, Oetinger, Baader ou Swedenborg. Les théories swedenborgienne trouveront leur manifestation romanesque avec le Séraphîta de Balzac : Son entendement, son âme, son corps, tout en elle est vierge comme la neige de nos montagnes.. Cet sujet est également important pour les romantiques Novalis et Schlegel, le décadentisme, les préraphaélites ou encore les symbolistes : on le retrouve dans la peinture de Moreau 👁, Khnopff 👁, Klimt, Rops ou Redon 👁. Péladan, marqué par cette thématique écrit : Éphèbe aux petits os, au peu de chair, mélange de force qui viendra et de grâce qui fuit. O moment indécis du corps comme de l’âme, nuance délicate, intervalle imperçu de musique plastique, sexe suprême, mode troisième ! Los a toi ! Vierge au bras mince, au peu de gorge, illusion de force qui se joue, cachée dedans la grâce ; heure vague du corps et point confus de l’âme ; hésitante couleur, accord enharmonique, héros et nymphe, apogée de la forme, la seule conceptible au monde des esprits. Los à toi ! […] O sexe initial, sexe définitif, absolu de l’amour, absolu de la forme, sexe qui nies le sexe, sexe d’éternité ! (Hymne à l’androgyne). Soloviev et Berdiaev enfin, considéreront également la différenciation sexuelle comme une dégradation de l’unité primordiale.

Ces considérations sont précédées par celles sur l’Adam androgyne de Philon (De la création du monde), Origène (Homélies sur la Genèse), Clément puis Grégoire de Nysse. Érigène qui cite Maxime le Confesseur estime que le Christ, anticipant le destin eschatologique de l’humanité, a unifié les sexes dans sa propre nature à la résurrection. Pour Scotus, en effet, Dieu est unicité et totalité, mais la division des substances, processus cosmique, a abouti à la distinction sexuelle, résultat du péché. À la renaissance ensuite, Ficin et Léon l’Hébreu veulent harmoniser la Genèse et le Banquet et s’approprient l’idée de l’androgynie primordiale dans laquelle ils voient une voie d’accès privilégiée à l’amour divin.

II. Dans la mythologie

► Dans la mythologie grecque, Hermaphrodite(1) est le fils d’Hermès et Aphrodite. Ovide (Métamorphoses, IV:274-388) explique que sa double nature vient de la passion de la nymphe Salmacis, qui, éprise de lui, fit le vœu qu’ils soient indissolublement liés. La source dans lequel eu lieu cette conjonction eut dès lors, sur demande du nouveau être ainsi crée, le pouvoir de rendre hermaphrodite tout ceux qui entrent à son contact. Dans le monde grec, Dionysos(2) comme Heraclès présentent cette ambivalence : que l’on songe pour ce dernier, à son échange de vêtements avec Omphale (Fastes, II), à son prêtre de Cos qui prend une robe féminine ou à l’Hercules Victor italiote, qui était habillé en femme. Le monde latin archaïque rend compte de plusieurs divinités sive deus, sive dea, sive mas, sive femina et nombre de divinités romaines présentent par la suite les caractéristiques des deux sexes : l’Hermès de Jupiter Terminalis ou la Fortune barbue notamment. D’une façon générale, les syzygies présentées par des couples de divinités liées par la fraternité (Apollon et Artémis) ou le mariage (Astarté et Baal) participent également de ce symbolisme puisqu’on trouve des représentations ambivalentes ou fusionnées de ces couples. Ces couples sont pensés de façon plus abstraite en l’espèce des Éons du Plérôme de la gnose valentinienne qui sont en essence des "unités doubles".

En effet, la multiplicité des attributs, notamment sexuels, augmentent d’autant le pouvoir d’une divinité qui acquière alors tant la puissance lunaire de fécondité et de multiplication féminine que la capacité d’action et de vectorisation solaire masculine(3) : Lui donc qui est seul et tout, possédant la pleine et entière fécondité des deux sexes, toujours fécondé par sa propre volonté, enfante tout ce qu’il a voulu procréer […] Les deux sexes sont pleins de procréation, et leur union, ou plutôt leur unification incompréhensible peut être appelé Éros (Cupidon), ou Aphrodite (Vénus), ou de ces deux noms à la fois. (Discours d’initiation ou Asclépios, VIII). Les divinités tendent alors à devenir universelles : Zeus est le premier, Zeus est le dernier. Zeus est l’arbitre de la foudre. Zeus est le commencement, Zeus est le milieu ; il crée toutes choses. Zeus est mâle, Zeus est nymphe et toujours vierge, Zeus est roi. Zeus est à l’origine et la source de tout. Zeus est les fondements de la terre et les étoiles du ciel. Il est la force unique, la puissance unique, le chef universel. Il renferme dans son corps royal, le feu, leau, la terre, l’air, la nuit, le jour, la sagesse, la puissance créatrice, le riant amour : tous les êtres réposent dans le vaste corps de Zeus […] (Proclus citant une Théogonie orphique que l’on retrouve dans le Papyrus de Derveni in Commentaire sur le Timée).

► En orient, l’hindouisme connaît également des figures composites reposant sur le même principe : Ardhanarishvara est une figuration androgyne de Shiva combiné avec sa parèdre Parvati et Vaikuntha-Kamalaja est de même une fusion de Vishnu et de sa paraèdre Lakshmi. Harihara est quant à lui, la fusion de Shiva et de Vishnu(4). Le tantrisme se penche particulièrement sur l’union du principe mâle statique et du principe féminin dynamique, principe qui est représenté dans le shivaïsme et le shaktisme par le symbole du lingam-yoni qui figure la complémentarité des sexes. Dans un mythe tibétain, l’Homme-Lumière est l’état asexué et sans désirs sexuels dont jouissait l’Homme au commencement, mais l’apparition du désir causa la disparition de cette lumière en même temps que l’apparition des luminaires dans le ciel. Le 太極圖 (taijitu) du taoïsme enfin, représente le mouvement d’alternance des (ch’i) {force vitale} (yin) et (yang), chacun contenant le germe de l’autre et qui peuvent être associés aux polarités féminines et masculines. D’une façon plus précise, il s’agit pour l’adepte du neidan de développer et de s’identifier à un élément éternel ("antérieur au Ciel et à la Terre") et préexistant à sa naissance qu’il doit élaborer par le truchement de la conjonction du sing {nature innée} céleste et du ming {destin} terrestre. Dans le shenisme, Fuxi et Nuwa, fréquemment représentés conjoints dans leur partie inférieure de nature ophidienne, représentent mythologiquement le même principe et de même le Fenghuang, phénix chinois, est tenu pour être de nature androgyne.

III. Le mythe de l’androgyne du Banquet

Platon fait raconter le mythe de l’androgyne à Aristophane dans le Banquet :

La nature humaine était primitivement bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui. D’abord, il y avait trois sortes d’hommes, les deux sexes qui subsistent encore, et un troisième composé des deux premiers et qui les renfermait tous deux : il s’appelait androgyne ; il a été détruit, et la seule chose qui en reste, est le nom qui est en opprobre. Puis tous les hommes généralement étaient d’une figure ronde, avaient des épaules et des côtes attachées ensemble, quatre bras, quatre jambes, deux visages opposés l’un à l’autre et parfaitement semblables, sortant d’un seul cou et tenant à une seule tête, quatre oreilles, un double appareil des organes de la génération, et tout le reste dans la même proportion. Leur démarche était droite comme la nôtre, et ils n’avaient pas besoin de se tourner pour suivre tous les chemins qu’ils voulaient prendre ; quand ils voulaient aller plus vite, ils s’appuyaient de leurs huit membres, par un mouvement circulaire, comme ceux qui les pieds en l’air imitent la roue. La différence qui se trouve entre ces trois espèces d’hommes vient de la différence de leurs principes : le sexe masculin est produit par le soleil, le féminin par la terre, et celui qui est composé de deux, par là lune, qui participe de la terre et du soleil. Ils tenaient de leurs principes leur figure et leur manière de se mouvoir, qui est sphérique. Leurs corps étaient robustes et leurs courages élevés, ce qui leur inspira l’audace de monter jusqu’au ciel et de combattre contre les dieux, ainsi qu’Homère l’écrit d’Éphialtès et d’Otos. […]

Il vint une idée à Jupiter : Je crois avoir trouvé, dit-il, un moyen de conserver les hommes et de les rendre plus retenus, c’est de diminuer leurs forces : je les séparerai en deux ; par là ils deviendront faibles ; et nous aurons encore un autre avantage, qui sera d’augmenter le nombre de ceux qui nous servent : ils marcheront droits, soutenus de deux jambes seulement ; et, si après cette punition leur audace subsiste, je les séparerai de nouveau, et ils seront réduits à marcher sur un seul pied, comme ceux qui dansent sur les outres à la fête de Bacchus. […]

Cette division étant faite, chaque moitié cherchait à rencontrer celle qui lui appartenait ; et s’étant trouvées toutes les deux, elles se joignaient avec une telle ardeur dans le désir de rentrer dans leur ancienne unité, qu’elles périssaient dans cet embrassement de faim et d’inaction, ne voulant rien faire l’une sans l’autre. Quand l’une des deux périssait, celle qui restait en cherchait une autre, à laquelle elle s’unissait de nouveau, soit qu’elle fut la moitié d’une femme entière, ce qu’aujourd’hui nous autres nous appelons une femme, soit que ce fût une moitié d’homme ; et ainsi la race allait s’éteignant. Jupiter, touché de ce malheur, imagine un autre expédient. […]

Il en résulta que, si l’homme s’unissait à la femme, il engendrait et perpétuait l’espèce, et que, si le mâle s’unissait au mâle, la satiété les séparait bientôt et les renvoyait aux travaux et à tous les soins de la vie. Voilà comment l’amour est si naturel à l’homme ; l’amour nous ramène à notre nature primitive et, de deux êtres n’en faisant qu’un, rétablit en quelque sorte la nature humaine dans son ancienne perfection. Chacun de nous n’est donc qu’une moitié d’homme, moitié qui a été séparée de son tout, de la même manière que l’on sépare une sole. Ces moitiés cherchent toujours leurs moitiés. Les hommes qui sortent de ce composé des deux sexes, nommé androgyne, aiment les femmes, et la plus grande partie des adultères appartiennent à cette espèce, comme aussi les femmes qui aiment les hommes.

IV. Pratiques culturelles et cultuelles

► D’un point de vue historique, le sulfureux empereur romain Héliogabale, confondant l’introversion mystique de l’androgynie rituelle(5) et l’inversion décadente de l’hermaphrodisme physique(6), est connu pour avoir cultivé l’ambivalence sexuelle et voulut instaurer un culte monothéiste solaire. Il est en cela comparable au pharaon Akhenaton dont l’iconographie figure un être épicène et qui tenta lui aussi une réforme religieuse du même type. Durant l’antiquité, l’hermaphrodisme physique, considéré comme un prodigia monstrueux de mauvais augure, menait les nouveaux-nés atteints de cette difformité à être jetés à la mer afin sans doute, de les restituer à l’indifférenciation. Le travestissement rituel en revanche, s’exprimant dans le cadre de rites passages (puberté, mariage) ou de fécondité ainsi que la virginité et la castration sacerdotale étaient appréhendés comme des pratiques permettant de se concilier les forces principielles de l’unité primordiale(7).

Documentation pertinente

𝕍 Méphistophélès et l’androgyne (𝕍 en fait pp. 78-122, nous sommes sur l’éd. orig. anglaise), Mircéa Eliade, 1962 : Cette idée de bisexualité universelle, conséquence nécessaire de l’idée de la divinité bisexuelle comme modèle et principe de tout existence, est capable d’éclairer nos investigations. Fondamentalement, ce qui est impliqué dans une telle conception est l’idée que la perfection, et donc l’Être, consiste finalement en une unité-totalité. Tout ce qui existe doit donc être une totalité, porter la coïncidentia oppositorum à tous les niveaux et l’appliquer à tous les contextes. Ceci est prouvé par l’androgynie des dieux et dans les rites d’androgynisation symbolique, mais aussi par ceux cosmogonies qui expliquent le monde comme issu d’un œuf cosmogonique ou une totalité primale en forme de sphère. On trouve de telles idées, symboles et rites non seulement dans le monde méditerranéen de l’ancien proche-orient, mais dans un certain nombre d’autres cultures exotiques et archaïques. Une telle diffusion ne peut être expliquée que par le fait que les mythes offraient une image satisfaisante de la divinité, c’est-à-dire de la réalité ultime, en tant qu’entité indivisible totalité, et invitait en même temps l’homme à s’approcher de cette plénitude au moyen de rites ou de techniques mystiques de réintégration. [Article in Ouvrage]

𝕍 L’Androgyne dans la littérature (coll. Cahiers de l’Hermétisme), 1990. [Ouvrage]

𝕍 Hermaphrodite, mythes et rites de la bisexualité dans l’antiquité classique, Marie Delcourt, 1958. [Ouvrage]

𝕍 Le Mythe de l’androgyne, Jean Libis, 1980. [Ouvrage]

𝕍 L’Androgynie psychique chez Carl Jung, Barbara Gagné, 2001. [Mémoire] Lien vers le document

𝕍 Le mythe de l’androgyne dans la modernité russe in Modernités russes (4, pp. 139-148), Michel Niqueux, 2002. [Article] Lien vers le document sur Persée

𝕍 Du sexe et de l’Androgyne Carpocrate et Jésus in Raison présente (32, pp. 65-83), Charles Maignial, 1974. [Article] Lien vers le document sur Persée

Notes

1. Vraisemblablement d’abord l’Aphrodite mâle Aphroditos signalé ntm. par Macrobe in Saturnales (III:8) et vénéré dans la ville chypriote d’Amathonte puis à Athènes.

2. Iconographiquement, tant par les traits de son visage, son attitude, que ses vêtements sur certaines représentations : mâle et femelle, doué d’une double nature nous chante l’Hymne orphique.

3. Le Zeus carien pourvu de mamelles ou l’Aphrodite barbue de Chypre représentent bien cette appropriation des attributs du sexe opposé.

4. Ce dernier est alors l’élément féminin, on lui connaît d’ailleurs un avatar féminin : Mohini.

5. Permettant par un coïtus intérieur d’amalgamer les principes mâles et femelles.

6. Qui est dégénération biologique, ni mâle ni femelle.

7. Les rites de circoncision et d’excision étant eux, des rites de passage destinés à sortir définitivement l’individu de l’indifférenciation sexuelle, condition sine qua non pour pouvoir y retourner par la suite.

Renvois

↪ Connexe : Hermaphrodite, Adam Qadmon, Protogonos
↪ Amont : Absolu, Alpha et Omega

Anima / Animus
[anima] / [animys], subst. masc.

Définition

[Psychologie (analytique)]

a. Archétype anthropomorphique de l’inconscient collectif figurant la fraction et l’imago du masculin au sein de l’imaginaire et de l’inconscient d’une personne, en particulier de sexe féminin.

b. Archétype anthropomorphique de l’inconscient collectif figurant la fraction et l’imago représentation du féminin au sein de l’imaginaire et de l’inconscient d’une personne, en particulier de sexe de sexe masculin.

Étymologie

Ind.Eur. : *h₂enh₁- {respirer}

Grc. : ἄνεμος (anemos) {vent, inconstance}

a. Lat. : ănĭma {air, souffle, principe spirituel vital, âme}
b. Lat. : ănĭmus {psyché (sentiments, pensées, intelligence), virtus, esprit}

Commentaires

I. Dialectique de l’anima/animus

► L’anima, que Jung construira d’abord à partir du concept médiéval de l’âme est source de sensibilité, d’émotions et d’intuitions(1), de créativité et d’imagination, alogon. Il exerce une fonction médiatrice entre le moi conscient et le soi inconscient. Dans la dialectique jungienne, il compense le conscient masculin qui projette à partir de l’anima, une seule imago.

► L’animus pour sa part, plus complexe et de nature collective(2), producteur d’idées(3) et logikon, est une faculté raisonnante de discrimination et d’individualisation. Il compense le conscient féminin qui projette à partir de l’animus une multitude d’imago. Jung élaborera cette notion plus tardivement afin de créer une contrepartie à l’anima et créer ainsi un pôle reposant sur le même principe que l’androgyne primordial.

II. Mécanismes principaux

► Se manifestant principalement et de la façon la plus directe et spontanée par le biais des rêves, l’intégration de l’anima par l’homme et de l’animus par la femme(4) est la phase préliminaire de l’individuation car, transcendant la psyché individuelle, leur maîtrise permet de créer un dialogue entre le conscient à l’inconscient. Bien que porteur des qualités individuelles latentes du sujet, l’imago de l’anima/animus est tout au long de la vie du sujet, projeté sur les représentants du sexe opposé envers lequel le sujet aura des attitudes et des attentes relatives au contenu de ces imago. Bien que détenteurs de la clef permettant d’accéder à la maturité psychique, l’anima/animus, si ils sont appréhendés de façon incorrecte par le psychisme, peuvent cependant être des facteurs d’illusion, de régression et se manifester de façon négative voir devenir néfastes pour le sujet, soit en envahissant le conscient ou bien en se substituant à lui.

III. Les quatre niveaux de manifestation

► Dans l’introduction de sa Psychologie du transfert, Jung indique que selon le stade psycho-affectif du sujet, les projections et manifestations inconscientes de l’anima et de l’animus peuvent se déclarer selon quatre niveaux(5) :

Primitif, biologique, instinctif et athlétique, pourvoyant la sécurité tant physique que affective. Le sujet est faible et impulsif, parfois sans désirs sexuels et ne discerne pas ses émotions personnelles de la réalité objective. ex. Ève / Tarzan.

Actif, romantique, esthétique, guerrier et séducteur. Le sujet comprend l’altérité et est capable de planification mais il idéalise les autres et lui-même et se révèle inapte à la vertu et/ou à la spiritualité. ex. Hélène (Avec cette boisson dans le corps, tu verras, dans chaque femme, une Hélène (Faust)) / Byron, Shelley, Ernest Hemingway.

Sublimatoire, spirituel, religieux, dévotionnel et orateur. Le sujet possède une vie spirituelle, peut construire un discours sur le réel et discerne correctement sa vie intérieure de la réalité objective mais sa conscience à ce niveau reste encore à un niveau ambulatoire. ex. Marie de Nazareth / David Lloyd George.

Sapientiel. Type le plus rare : le sujet, dans une dynamique efficace et adaptative a pris conscience des processus de son anima/animus à force de pratiquer le dialogue intrapersonnel. Il capable de dialoguer avec son inconscient qui devient une source inépuisable d’inspiration. ex. Sophia (gnosticisme) / Hermès, Gandhi.

Notes

1. Voir de caprices et d’humeurs du moi dans son aspect négatif.

2. Jung le compare à une assemblée de pères ou d’autres porteurs de l’autorité.

3. Voir des préjugés et a-priori engoncés dans la persona dans son aspect négatif.

4. Processus d’intégration qui intervient normalement après la rencontre avec l’ombre personnelle.

5. Dans le cadre d’une dialectique entre eros et logos qu’il établit avec ces deux notions il y ajoute des exemples prenant racine dit-il, dans une phénoménologie érotique de la fin de l’antiquité classique. Nous avons complété la liste avec ceux de Von Franz in L’Homme et ses symboles.

Renvois

↪ Connexe : Jung
↪ Amont : Archétype

Animisme
[animism], subst. masc.

Définition

[Anthropologie]

Stricto sensu, catégorie de système de pensée qui postule ontologiquement d’abord, que la force créatrice et directrice qui constitue la vie est distincte de la matière et qui estime ensuite que cette force unique se confond avec les âmes qui y sont incarnées dans des formes distinctes et diverses.


[Philosophie, Biologie]

► Doctrine physiologico-médicale, mise au point par Stahl(1), qui postule que chaque phénomène psychique et vital (y compris pathologique) d’un corps organisé à l’âme pour cause première et force directrice(2).

Étymologie

Lat. : ănĭma {air, souffle, principe spirituel vital, âme} + fra. : -isme

Commentaires

I. Perspectives

► L’animisme est une catégorie de système de pensée aux limites conceptuelles larges (𝕍 les termes connexes dans les renvois) et en conséquence très répandu(3), aussi en existe-il des formes variées quoiqu’elles partagent toutes la caractéristique de postuler une indistinction catégorielle entre le monde spirituel et physique. Bien que l’accent soit mis sur la notion de relation entre les âmes, il est délicat de parler de religion à moins qu’il y ait totémisme. L’animisme implique nécessairement un culte rendu au principe vital archétypal ainsi que fréquemment un culte des ancêtres avec lequel il s’interpénètre. En pratique pourtant, les animismes peuvent disposer d’un fond métaphysique variable et de même, les systèmes occultistes afférents peuvent comporter de nombreuses différences.

Ils peuvent s’étendre ou non aux êtres et aux choses (objets, lieux, phénomènes météorologiques, évènements, mots, concepts), à certains ou tous les règnes de la nature (animaux, végétaux, minéraux…) qui peuvent selon certaines circonstances, comporter des exceptions. Il peut également inclure une relation avec des esprits directeurs correspondants à chaque groupe ou individualité, avec qui il faut pouvoir communiquer et se concilier les faveurs par la magie, magie(4) qui est plus ou moins ritualisée et structurée dans des élaborations chamaniques. Ces esprits, dotés d’une personnalité (ou à tout le moins d’une intériorité) peuvent ou non être agrégés en communautés plus ou moins hiérarchisées (et élaborées culturellement voir cultuellement). Leurs natures comme leurs fonctions varient également beaucoup : le fait est que le principe vital est appréhendé comme protéiforme dans ses manifestations et sujet à des circulations et des transformations permanentes.

Ces animismes se rencontrent encore actuellement sur tout le Globe, souvent imbriqués avec des éléments polythéistes ou chamaniques. On en trouve trace d’abord en Afrique (Pygmées, Dogons), Amérique du Sud (Amazonie), Asie du Sud-Est (péninsule indochinoise), Océanie (Nouvelle-Calédonie, Philippines, Aborigènes d’Australie) et dans la zone arctique (Samis, Maris). Cependant toutes les religions ont gardé des pratiques sinon des échos de l’animisme à l’intérieur de leur système ou antéposé à leur influence et ce, dans des proportions variables : le shintoïsme(5), le muisme, le bön et le tengrisme ont ntm. gardé de puissantes composantes animistes dans leur système. Comme l’a fait remarquer Piaget, il est par ailleurs remarquable que les enfants (l’éducation érode le phénomène) ont une tendance naturelle à opérer des modes de pensée animistes : ils accordent ntm. une vie et des intentions aux objets inanimés(6).

II. Histoire

► Le concept anthropologique d’animisme(7), populaire au f.XIX d.XX(8) n’est pas sans poser des problèmes épistémologiques liés aux conditionnements des paradigmes occidentaux et modernistes. Le terme est forgé par le médecin acquis aux théories radiesthésistes Pierre Thouvenel (in Mémoire physique et médicinal, 1781, p. 141). Le concept anthropologique lui-même(9) a d’abord été développé de façon séduisante — et dans le cadre de l’émergence de l’autonomie de l’anthropologie universitaire — par Tylor in Primitive Culture (1871), qui reprend le terme de Stahl (et l’idée qui remonte au moins à Nicolas-Sylvestre Bergier) afin de se différencier du "spiritualisme" alors en vogue.

Évolutionniste comme son célèbre disciple Frazer ou comme Spencer (promoteur du spencérisme), l’animisme est pour Tylor, la manifestation cultuelle primitive de l’homo religiosus qui doit aboutir au monothéisme après être passée par le fétichisme et le polythéisme et de même, toute société évolue des croyances magiques, au rites religieux, jusqu’à aboutir à la pensée scientifique. Il estimait que cette intuition mystique prend racine dans l’observation rationnelle des rêves et visions (i.e. les expériences psychiques en général) ainsi que dans l’expérience de la mort (et les rituels funéraires qui en découlent), qui toutes deux, pousseraient l’Homme à estimer que son âme est distincte de son corps, intuition qu’il aurait ensuite étendu à toute la Création.

Documentation pertinente

𝕍 Par-delà nature et culture, Philippe Descola, 2005. [Ouvrage]

Notes

1. Notablement précédé dans un contexte ésotérique par le vitalisme de Paracelse, Fludd ou Van Helmont.

2. Le concept de champ morphogénétique de Sheldrake (The Hypothesis of Morphic Resonance, 1981) reprend ajd. cette idée.

3. Il est quasi-omniprésent chez les chasseurs-cueilleurs.

4. Dont l’animisme constitue la source absolue d’un point de vue historique.

5. On trouve dans le 常陸国風土記 {Fudoki d’Hitachi} (713) : quand les plantes et les arbres parlaient, au commencement du ciel et de la terre.

6. On trouve le même mécanisme chez les mystiques ou les personnes atteintes de troubles mentaux.

7. Le terme n’a aucun ancrage concret chez les peuples autochtones qui lui sont associés.

8. Mais critiqué de nombreuses fois notamment par Frazer et Mauss et désormais globalement abandonné.

9. Alternative au naturisme anthropologique de Müller et au mânisme de Spencer.

Renvois

↪ Opposé : Mécanisme, Matérialisme, Organicisme
↪ Connexe : Dynamisme, Spiritualisme, Vitalisme, Hylozoïsme, Panthéisme, Monisme, Panpsychisme, Théisme
↪ Amont : Chamanisme, Fétichisme, Totémisme

Anocchiatura
[anokiatyʁa], subst. masc.

Définition

[Occultisme]

► Fascination involontaire s’exerçant par les yeux ou les paroles et qui a la caractéristique d’accomplir son objet en sens inverse.

Étymologie

Ita. : an- (préfixe négatif) + occhio {œil} + -tura (suffixe ajouté aux verbes pour former des noms).

Commentaires

I. Description

► La notion est une adaptation localisée de l’oculus malus. Elle se rencontre dans le mezzogiorno(1) et particulièrement dans les îles : Sardaigne et Sicile, en Corse également. Le fait que le sortilège marche en sens inverse pouvait donner lieu à des brutalités comportementales (regards malveillants) et verbales (jurons, injures voir menaces) envers les enfants (estimés particulièrement sensibles à cela) de la part des parents et des adultes, persuadés que de cette façon, ils bénissent en fait leurs marmots en déchargeant les éventuelles forces magiques inconscientes négatives dont ils pourraient être à l’origine. La population s’expliquait ce phénomène par le fait que chacun était accompagné d’un démon familier qui faisait tout pour aller en sens contraire des volontés humaines. Si des paroles trop élogieuses étaient destinées à un enfant, il existait plusieurs techniques préservatives pour contrer le charme. Si un enfant était innochiato, on le menait à un mazzeri pour le désenvoûter. Pour savoir si l’opération avait marché, le sorcier rebouteux exerçait une mantique sur les taches d’huiles formées par la chute du liquide dans une assiette remplie d’eau que l’on disposait sur la tête de l’enfant.

II. Exemples

► Dans certains ports de pêche méditerranéens, il était considéré comme inapproprié de souhaiter du bien aux marins partant en mer(2) et il fallait au contraire exprimer le souhait qu’il lui arrive quelque malheur. Cet occultisme superstitieux du folklore, dont on rencontre encore un écho dans certains milieux de l’agriculture rurale(3), trouve ajd. son application en France au travers de la pratique — issue du monde du spectacle — consistant à substituer le mot de Cambronne à "bonne chance".

III. Occurrences

► Les occurrences sont rares : hormis l’article chez Plancy 🗎⮵ (repris passim par ses émules) et une mention chez Piobb, Mérimée l’utilise in Colomba (Brandolaccio, superstitieux comme beaucoup de bandits, craignait de fasciner les enfants en leur adressant des bénédictions ou des éloges, car on sait que les puissances mystérieuses qui président à l’anocchiatura ont la mauvaise habitude d’exécuter le contraire de nos souhaits.). Il note également dans ses Notes d’un voyage en Corse : La plus ordinaire est l’idée antique qu’on peut jeter un sort, soit par le regard soit par des éloges. Cela s’appelle innochiare, annochiare. Tout le monde n’a pas le pouvoir de nuire par les yeux ; il faut avoir le mauvais œil, et celui qui l’a fait souvent du mal sans le vouloir. L’annochiatura, par les éloges, atteint surtout les enfants. Plus d’une mère lorsqu’on loue la beauté de son fils vous dira : Nun me l’annochiate, ne me le fascinez pas. Et il n’est pas rare d’entendre des Corses dire d’un air de tendresse à un enfant : che tu sia maladetto - scomunicato, etc., sois maudit, excommunié, parce que le charme opère en sens contraire. On fait ainsi un souhait heureux, sans compromettre celui à qui il s’adresse.

Notes

1. Il y a vraisemblablement un rapport avec le jettatura napolitain.

2. Comme avec les formules "bon voyage" ou "bonne pêche".

3. Où les verbalisations positives sont appréhendées comme de l’hypocrisie voir une menace détournée plus ou moins consciente.

Renvois

↪ Connexe : Nazar
↪ Amont : Mauvais œil, Magie

Aphète / Anérète
[afεt] / [aneʁεt], subst. masc.

Définition

[Astrologie]

a. Astre, lieu ou point le plus digne et bénéfique du thème natal, qui agit avec douceur, augmente la vitalité et concoure finalement à la construction et à la vie. Principal significateur de santé. Nommé aussi hyleg, surnommé "donneur de vie".

b. Astre lieu ou point le plus affligé et maléfique du thème natal, qui agit avec violence, diminue la vitalité et concoure finalement à la destruction et à la mort. Principal significateur de la mort. Nommé aussi promissor, surnommé "destructeur de vie".

Étymologie

a. Grc. : ἀπό (apó) {au loin} + ἦτορ (ètor) {cœur (centre)}

b. Grc. : ἀναίρεσις (anairesis) {Meurtrier}

Commentaires

I. Source et utilisation

► Évoqués par Ptolémée (Tétrabible, 3, X-XV), les termes sont désormais désuets.

► Ils sont utilisés pour calculer la durée de la vie et les périodes dangereuses de cette dernière. Pour ce faire, l’astrologue observe les directions maléfiques de l’anérète vers l’aphète voir tout significateur de santé).

II. Identifications

◆ L’aphète peut être préférentiellement le Soleil, la Lune, l’ascendant, le milieu du ciel ou la part de fortune mais après Ptolémée, on admet aussi Vénus, Jupiter voir toute planète dominant la lunation prénatale.

◆ L’anérète peut être préférentiellement Mars et Saturne, elle peut être aussi tout maître de VIII (ou son almuten) voir tout significateur de VIII ainsi que toute planète affligeant l’aphète voir l’ascendant.

Renvois

↪ Connexe : Directions
↪ Amont : Significateurs

Apocalypse
[apɔkalips], subst. fém.

Définition

[Théologie, Mysticisme (judéo-christianisme)]

► Révélation mystique sur la fin des temps, l’instauration du royaume de Dieu et le destin des élus et des pêcheurs.


[Littérature (religieuse, ésotérique]

► Genre littéraire judéo-chrétien de nature prophétique et eschatologique répandue au -II II.


[Ésotérisme]

► Drame intérieur aboutissant à une révélation et à la transformation psycho-spirituelle qui en résulte.


[Religion, occultisme]

► Anéantissement civilisationnel périodique qui résulte de la confrontation entre les forces célestes descendues affronter les forces telluriques, qui a pour cause la dégénérescence monstrueuse de la conscience morale et spirituelle de la collectivité(1) et qui se manifeste physiquement par des cataclysmes.

Étymologie

Grc. : ἀποκάλυψις (apokálupsis) {dévoilement, révélation (divine)}

Lat. : apocalypsis {révélation (divine)}

Commentaires

I. Caractérisation littéraire

► Les textes de cette littérature pessimiste et dualiste(2), présentent une révélation de nature mystérieuse et secrète concernant les temps eschatologiques et dont, jusque ici, seul Dieu détenait jusque ici les clefs. Dans ce qui est présenté comme les visions-révélations d’un prophète, on lit les évènements se succéder de façon rigoureusement déterministe et fatale jusqu’à leur point de chute : la fin des temps. Il y est fréquemment abordé des questions de nature cosmologiques, tandis que les considérations morales sont peu évoquées sinon pour annoncer la récompense des justes et le châtiment des impies. Ces textes se déclarent systématiquement l’œuvre d’une prestigieuse personnalité religieuse venue annoncer l’imminence d’un monde nouveau, pour ainsi dire une recréation édénique. L’utilisation du symbolisme y est abondante (à la limite permanente), frappante et obscure, le recours aux spéculations numériques fréquentes et l’ensemble laisse deviner le fond extatique de cette mystique prophétique où la communication divine se manifeste dans la bouche de l’auteur dans un torrent kaléidoscopique d’images qui parfois se répètent. D’abord destinée à des cercles d’initiés, ces textes furent par la suite largement divulgués.

II. Représentants de l’apocalyptique judéo-chrétienne

a) Puisque cette littérature s’est d’abord développée dans la culture juive de l’époque postexilique, les plus anciens textes viennent de la littérature juive du Second Temple. Ils présentent des motifs communs : tribulations des élus, cataclysmes, retour de Dieu établissant son royaume, résurrection des morts, jugement dernier. Les livres prophétiques de l’Ancien Testament sont notablement : Isaïe (XXIV-XXVII) : En ce jour-là, Yahweh visitera de son épée dure, grande et forte, Léviathan, le serpent agile, Léviathan, le serpent tortueux, et il tuera le monstre qui est dans la mer., Jérémie (LI) : Fuyez du milieu de Babylone, et que chacun de vous sauve sa vie ! Ne périssez pas pour son crime ; car c’est le temps de la vengeance pour Yahweh ; il va lui rendre ce qu’elle a mérité, Ézéchiel (XXXVIII-XXXIX) qui est ? le prototype de tous les textes : Ces choses viennent et elles s’accompliront, — oracle du Seigneur Yahweh ; c’est là le jour dont j’ai parlé ! , Daniel (VII-XII), qu’on peut volontiers considérer comme l’archétype : Pour moi, Daniel, mon esprit fut troublé au dedans de moi, et les visions de ma tête m’effrayèrent., Joël (III-IV) : De Sion Yahweh rugira, de Jérusalem il fera entendre sa voix ; les cieux et la terre trembleront. Mais Yahweh sera un refuge pour son peuple, une retraite pour les enfants d’Israël., Zacharie (IX-XIV) : Et il arrivera en ce jour-là : Les prophètes auront honte, chacun de sa vision quand il prophétisera, et ils ne revêtiront plus le manteau de poil, en vue de mentir.. Suivent les textes apocryphes les plus connus présentant une littérature apocalyptique qui sont ex. : Hénoch éthiopien (-IV -I), plusieurs des Testaments des douze patriarches (-II II), le Livre des Jubilés ( -I), l’Apocalypse d’Esdras (I), l’Apocalypse syriaque de Baruch (I), le Testament de Moïse (I), l’Apocalypse d’Abraham (I II).

b) Cette littérature sera également populaire chez les premiers chrétiens qui ajoutent des composantes messianiques et millénaristes. Nous trouvons d’abord le représentant le plus connu du genre, qui est aussi le seul livre prophétique du Nouveau Testament : la Révélation de Jésus-Christ. Dans ce texte complexe, Jean polarise au travers de sept visions, révélant tant le passé, le présent que l’avenir de la religion chrétienne, l’opposition entre l’Église et le monde, le Christ et l’antéchrist, la prostituée et la femme nimbée, les élus et les damnés, annonçant la fusion à venir entre la Jérusalem Céleste et la Jérusalem pérégrinante. Ce texte aura une influence dans la sphère non seulement religieuse et mystique mais aussi ésotérique, aussi bien au niveau alchimique(3) qu’astro-arithmologique(4), donnant lieu à un grand nombre d’interprétations. Ensuite, le Nouveau Testament livre une apocalypse synoptique, moins élaborée in Marc (XIII), Luc (XXI) et stt. Matthieu (X et XXIV-XXV), qui se présente comme un développement du Livre de Daniel. Enfin, toujours dans le Nouveau Testament Paul développe également une eschatologie en affirmant la parousie et le jugement dernier in I Thessaloniciens et I Corinthiens. Concernant les textes apocryphes chrétiens nous trouvons ex. certains des Oracles sibyllins (-I), le Didachè (f.I), le Pasteur d’Hermas (d.II), les Actes de Paul (II), les Actes de Pierre (f.II).

c) Nous trouvons en outre pour le gnosticisme : l’Apocalypse d’Adam (I II), le Livre des secrets de Jean (II), l’Apocalypse de Pierre (II), l’Apocalypse de Jacques I et II (II), le Zostrien (f.II), la Paraphrase de Sem (III) qui annonce le manichéisme et l’Apocalypse de Paul (IV). Enfin, dans l’hermétisme un passage du Discours d’initiation (IV) relève également de l’apocalyptique : Ô Égypte, Égypte ! Il ne restera de tes religions que de vagues récits que la postérité ne croira plus, des mots gravés sur la pierre et racontant la piété..

III. Textes "apocalyptiques" non judéo-chrétiens

► On retrouve la thématique apocalyptique dans plusieurs systèmes religieux :

La plus célèbre utilisation de cette thématique est représentée par le ragnarǫk des Eddas, stt. Vǫluspǫ́ pour l’Edda poétique (Le soleil commencera à noircir, la terre s’affaissera dans la mer, / les étoiles tomberont du ciel pleines de cendre, / le feu se roulera en sifflant autour de l’axe du monde, / les colonnes de flamme s’élanceront jusqu’au ciel.) et Gylfaginning pour l’Edda prosaïque (Alors le frêne Yggdrasil frémira, et toutes créatures seront en proie à la peur, sur la terre et dans les cieux.).

On trouve également cette notion dans le celtisme avec la prophétie Morrígan écrite à la fin du Cath Dédenach Maige Tuired {La Dernière bataille de la plaine des piliers} Je ne verrai pas un monde qui me plaira / été sans fleurs, / bétail sans lait, / femmes sans pudeur, / hommes sans courage, / captures sans roi... / arbres sans fruits, / mer sans produit. / Vieillards aux jugements faux, / fausses maximes des juges ; / traître tout homme, / voleur tout fils ; / le fils ira dans le lit de son père ; / le père ira dans le lit de son fils ; / chacun sera le beau-frère de son frère... / temps mauvais ! / le fils trompera son père ; / la fille trompera sa mère. Ce texte est à rapprocher de l’Immacallam in da thuarad {Entretien des deux sages} où deux filid {poètes} se livrent à une dispute courtoise. Il s’agit d’un texte raffiné et subtil, plus détaillé que le précédent sur la thématique apocalyptique et bardé de métaphores où Ferchertne chante une époque funeste : J’ai en effet de terribles nouvelles. Mauvaise sera l’époque qui viendra : quand les chefs seront nombreux, les honneurs rares, les vivants briseront leurs bons jugements.

Le Bundahishn rend compte dans le zoroastrisme, d’un concept proche de la théologie abrahamique : la frashokereti {restauration merveilleuse}. Ce concept est relatif à un affrontement entre yazatas et daevas dans lequel les premiers sortent vainqueurs, à une résurrection des morts et une séparation des vertueux et des mécréants ensuite, à la destruction définitive d’Ahriman qui s’en suit et enfin à l’union finale avec Ahura Mazda qui récompense les vertueux avec l’immortalité.

Dans l’hindouisme, les पुराण (Purāṇa) présentent une eschatologie mettant en scène des âges intégrés dans une cyclologie à l’échelle cosmique, alternant les phases de कल्प (kalpa) {manifestation} et de प्रलय (pralaya) {dissolution}. Durant le kali yuga {âge noir} où règnent chaos et impiété, Kalki, avatar de Vishnu, vient rétablir la justice et entre chaque conflagration universelle, la région infernale du पाताल (pātāla) {qui est sous les pieds} est dissoute.

Chez les mayas enfin, il existe une cyclologie astrologique calendaire complexe, basée sur le haab (calendrier civil de 365 jours) et le tzolkin (calendrier sacré de 260 jours). Cette cyclologie est composée de périodes de créations et de destructions interpénétrées et qui rend compte d’étape transformatrices charnières lors d’une transition de cycle. La Pyramide de Kukulcán est notablement connue pour figurer architecturalement ces conceptions calendaires.

Notes

1. L’Homme devenant incapable d’assurer son rôle médiateur.

2. Qui trouve son terreau dans les situations de crises, qu’elles soient psychologiques et/ou historiques.

3. Newton écrira ntm. un Traité sur l’Apocalypse.

4. Ex. Le Grand livre de la nature (1790) ? de Duchanteau, l’Évangile ésotérique de Saint-Jean (1950) de Lecour ou Introduction à l’Apocalypse de St Jean (2004-2008), Charles-Rafael Payeur.

Renvois

↪ Connexe : Eschatologie, Apocryphe, Âges
↪ Amont : Prophétisme

Apocryphe
[apɔkʁif], subst. masc.

Définition

[Ésotérisme]

► Œuvre secrète ou du moins discrète, à teneur sacrée et/ou ésotérique, uniquement communiquée en privé à des initiés ou à une certaine catégorie de personnes et qui généralement, se réclament d’un être prestigieux et/ou supérieur (ex. les libri reconditi auguraux étrusques et latins).


[Religion]

► Par dégradation du sens précédent (dès Origène) : œuvre qui, pour une religion (le christianisme en particulier), n’est pas canonique ; soit parce qu’elle est considérée comme non inspirée, soit schismatique voir hérétique et qui n’est donc pas lue dans les assemblées (ex. Le Pasteur d’Hermas).


[Histoire]

► Par extension du sens précédent : œuvre dont l’authenticité (datation, lieu, auteur surtout) n’est pas établie (ex. le Compendium complet d’Art magique).

Étymologie

Grc. : ἀπόκρυφος (apókruphos) {caché, secret}

Lat. : apocryphus {caché, secret}

Commentaires

I. Les attributions dans l’ésotérisme

Tout comme les textes anonymes et l’emploi des pseudonymes, les textes pseudépigraphes comme les attributions symboliques sont très fréquents en ésotérisme(1). Ce n’est en effet pas l’auteur qui compte mais le message, message qui doit en sus, s’inscrire dans une tradition. Ces procédés peuvent également comporter un sens, soit par la référence ou Ois., ou bien revêtir pour leur auteur une valeur initiatique.

II. Apocryphes dans les christianismes

► Si le terme peut s’appliquer à toutes les religions ayant une composante littéraire (ex. authenticité des aḥādīth en islam), il est plus particulièrement attaché à l’histoire du christianisme et en particulier à la période intertestamentaire et à celle du christianisme primitif. Corpus de textes au contenu varié, il existe naturellement des divergences et des cas-limites concernant l’intégration ou l’exclusion de textes aux canons des différentes branches du christianisme(2).

↪ Par exemple, le Troisième livre des Maccabées est authentique pour les églises orthodoxes, apocryphe pour les catholiques et pseudépigraphe pour les réformés. La Prière de Manassé est un court texte (15 versets) apocryphe pour les catholiques (depuis le Concile de Trente), les protestants et le judaïsme, deutérocanonique pour les orthodoxes. Cependant, il a été estimé authentique par les Pères et apparaît dans plusieurs versions de la Vulgate ou de la Septante (insérée à la fin du Deuxième Livre des Chroniques) jusque au XVI. Le Pasteur d’Hermas, très populaire aux premiers siècles, est canonique pour les Pères (ntm. Irénée et Clément) mais est finalement écarté par l’Église. Les livres deutérocanoniques sont canon pour le catholicisme et partagent le Livre d’Esdras avec la liste des anagignōskomena des orthodoxes russes et éthiopiens qui intègre quant à lui d’autres textes comme tous les Livres des Maccabées. Ils sont en revanche rejetés par le judaïsme et certaines branches du protestantisme. D’une façon générale, les avis divergent également entre ces différentes branches réformées.

↪ Pour diverses raisons, certains textes(3), ne trouvent de légitimité dans aucun courant comme ex. le Livre des Géants (-III) proche de Hénoch éthiopien, la Règle de la Guerre (-I I), le gnostique séthien Livre sacré du Grand Esprit invisible (II), le gnostique simonien Exégèse de l’âme (II III), la Sagesse de Jésus-Christ (II III), la Pistis Sophia naturellement (III IV) ou encore Le Combat d’Adam et Ève contre Satan (V VI). 𝕍 aussi l’article "apocalypse" pour des listes supplémentaires de textes apocryphes se rapportant à cette littérature spécifique (volontairement éludée ici afin d’éviter les redites).

◆ Vis à vis de l’attitude à adopter envers ces textes, les avis divergent tout autant mais il est notable que ces textes ont malgré leur condamnation, influencé la théologie. Dans son monumental Speculum Majus, Vincent de Beauvais estime d’ailleurs que la consultation des apocryphes était possible, salva fide et constituait un intéressant bien que hasardeux appoint aux recherches spirituelles.

Notes

1. Ex. Oracles chaldaïques, le Lever de l’Aurore, les XXIV philosophes, le Livre de la formation, La Magie des anciens

2. À cet égard, le V du Décret de Gélase du VI est un document historique de premier plan.

3. Dont on peut ajd. consulter la majorité grâce à la découverte de Nag Hammadi.

Renvois

↪ Connexe : Deutérocanonique, pseudépigraphe, gnosticisme
↪ Amont : Ésotérisme, religion

Apophatique / Cataphatique
[apofatik] / [katafatik], adj.

Définition

[Théologie, Philosophie].

a. Pratique consistant à approcher un concept par des négations (via negationis).

b. Pratique consistant à approcher un concept par ses prédicats positifs (via positiva), idéaux voir parfaits (via emnientiae).

Étymologie

a. Grc. : ἀποφατικός {négation}.

Lat. : apophaticus {négation}

b. Grc. : καταφατικός {affirmation}.

Lat. : cataphaticus {affirmation}

Commentaires

I. Histoire

► On trouve d’abord les termes chez Aristote (De l’Interprétation, 17a) et on devine ces notions chez Parménide(1) et dans l’enseignement oral de Platon via le Parménide et la théorie des formes. Les notions sont alors en germe dans l’ἐποχή (epokhế) et l’aphairétique i.e. le raisonnement par soustraction : l’abstraction.

↪ Mais c’est chez les médio-platoniciens(2) et surtout néoplatoniciens que les termes seront utilisés dans le sens mystique. Les concepts sont manipulés par Plotin d’abord, qui, au travers de ses spéculations sur l’Un et la mystique qui en découle, influence jusque Damascios qui extrémise ces notions. Plotin oriente aussi naturellement les réflexions de Proclus, qui s’appliquer à harmoniser les deux notions. Puis les théologiens chrétiens influencés par le néoplatonisme héritent de ces conceptions : Clément, le Pseudo-Denys(3), Maxime le Confesseur, Grégoire de Nysse puis Érigène en premier lieu, Eckhart, l’auteur du Nuage de l’inconnaissance, Nicolas de Cues (Docte Ignorance, 26), Jean de la Croix, Angelus Silesius ensuite.

II. Description

► Pour une approche apophatique de la théologie, il ne saurait y avoir de discours affirmatif sur l’essence de Dieu car étant absolu et donc transcendant, toute formule exprimable par l’esprit humain pour saisir les propriétés de cette essence sont par nature incorrectes. Dès lors, les négations sont les seules expressions pouvant la définir indirectement(4) et in extremis le silence devient l’expression finale du mystique(5). Un passage du Grand Livre de la forêt (VIII:8) illustre bien cette approche où परब्रह्म (Parabrahman) est निर्गुण (nirguṇa) {sans propriétés} : En vérité, cet impérissable, ô Gârgî, que les brahmanes proclament ni massif, ni atome, ni court, ni long, sans sang, sans graisse, sans teint, sans obscurité, sans vent, sans espace, sans attache, sans toucher, sans odeur, sans saveur, sans œil, sans oreille, sans voix, sans manas, sans lumière, sans souffle, sans bouche, sans prénom, sans nom, sans vieillesse, sans mort, sans crainte, immortel, sans poussière, sans son, sans ouverture, sans fermeture, sans rien devant, sans rien derrière, sans rien dedans, sans rien dehors, il ne mange personne, personne ne le mange. Au contraire, l’approche cataphatique définit Dieu au travers des attributs positifs et lorsqu’on combine avec elle la méthode analogique(6), constituant ainsi la synthèse des deux notions, ces prédicats deviennent les plus éminents qu’il soit possible de concevoir (suréminents) créant ainsi un processus anagogique.

III. Exposé du Pseudo-Denys

► Le Pseudo-Denys (Théologie mystique, III) écrit :

Dans le traité des Noms divins, nous avons expliqué pourquoi Dieu se nomme bon ; pourquoi il se nomme l’être, la vie, la sagesse, la force ; pourquoi il reçoit une foule d’autres qualifications analogues. Dans la Théologie symbolique, on a vu comment les choses divines portent des noms empruntés aux choses sensibles ; comment Dieu a forme et figure, membres et organes ; comment il habite des lieux et revêt des ornements ; pourquoi enfin on lui prête du courage, des tristesses et de la colère, les transports de l’ivresse, des serments et des malédictions, et le sommeil et le réveil, et les autres symboles et pieuses images sous lesquels nous est représentée la divinité. Or, vous aurez remarqué, je pense, que nos locutions sont d’autant plus abondantes qu’elles conviennent moins à Dieu […]

Car à mesure que l’homme s’élève vers les cieux, le coup d’œil qu’il jette sur le monde spirituel se simplifie, et ses discours s’abrègent : comme aussi en pénétrant dans l’obscurité mystique, non-seulement nos paroles seront plus concises, mais le langage, mais la pensée même nous feront défaut. […]

Mais vous me demanderez sans doute d’où vient qu’en faisant des affirmations sur Dieu, nous débutons par les plus sublimes, en qu’en faisant des négations, nous commençons par les plus humbles ? C’est que voulant affirmer la chose qui est au-dessus de toute affirmation, ce qui a plus d’affinité avec elle devait être émis d’abord comme assertion fondamentale des assertions ultérieures ; et voulant nier une chose qui est au-dessus de toute négation, ce qui a moins de conformité avec elle devait être éliminé en premier lieu. Car ne dira-t-on pas que Dieu est vie et bonté, avant de dire qu’il est ou air ou pierre ? Et ne dira-t-on pas que Dieu ni ne s’enivre, ni ne s’emporte avant de dire qu’on ne peut ni le nommer, ni le comprendre ?

↪ Puis il termine à propos de Dieu (V) : On ne doit faire de lui ni affirmation, ni négation absolue ; et en affirmant, ou en niant les choses qui lui sont inférieures, nous ne saurions l’affirmer ou le nier lui-même, parce que cette parfaite et unique cause des êtres surpasse toutes les affirmations, et que celui qui est pleinement indépendant, et supérieur au reste des êtres, surpasse toutes nos négations.

IV. Exposé de Plotin

► Plotin (Ennéades, V:3,14) nous confie : Nous pouvons énoncer quelque chose de lui, mais non l’énoncer lui-même par la parole. Nous ne saurions le connaître ni le saisir par la pensée. —Gomment donc en parlons-nous puisque nous ne le saisissons pas?— C’est que, s’il échappe à notre connaissance, il ne nous échappe pas complètement. Nous l’embrassons assez pour énoncer quelque chose de lui sans l’énoncer lui-même, pour dire ce qu’il n’est pas, sans dire ce qu’il est; voilà pourquoi nous employons en parlant de lui des termes qui ne sont propres à designer que des choses inférieures. Nous pouvons d’ailleurs l’embrasser sans être cependant capables de l’énoncer, semblables aux hommes qui, transportés par un enthousiasme divin, sentent qu’ils ont en eux quelque chose de supérieur sans pouvoir s’en rendre compte. Ils parlent de ce qui les agile, et ils ont ainsi quelque sentiment de celui qui les émeut, quoiqu’ils en diffèrent. Telle est à peu près notre relation avec Lui : quand nous nous élevons à Lui en faisant usage de l’intelligence pure, nous sentons qu’il est le fond de l’intelligence, le principe qui donne l’essence et les autres choses de cet ordre; nous sentons qu’il est meilleur, plus grand et plus relevé que l’être, parce qu’il est supérieur à la raison, à l’intelligence et aux sens, qu’il donne ces choses sans être ce qu’elles sont.

Documentation pertinente

► La documentation est abondante et intriquée de façon complexe. 𝕍 déjà dans cet ordre :

Fascicules thématiques Voies négatives I Lien vers le document sur Persée & Voies négatives II Lien vers le document sur Persée in Revue des sciences religieuses (67 & 72, 4), dir. Yves Labbé, 1993-1998. [articles]

Apophatisme et théologie mystique in Exercices spirituels et philosophie antique, Pierre Hadot, 1981. [article]

Neopythagoreanism and negative theology in Symbolae Osloenses (44 pp. 109-125), John Whittaker, 1969. [article]

Le Danger du néant et la négation selon Proclus in Revue Philosophique de Louvain (4, 83, 59, pp. 331-354), Christian Guérard, 1985. [article] Lien vers le document sur Persée

La théologie aporétique de Damascius in Cahiers de Fontenay (19-22, pp. 125-139), Joseph Combès, 1981. [article] Lien vers le document sur Persée

L’analogie de proportionnalité chez saint Thomas d’Aquin in Revue Philosophique de Louvain (24, 96, pp. 454-464), Bernard Landry, 1922. [article] Lien vers le document sur Persée

De la théologie apophatique comme antidote du nihilisme in Le Paradoxe du monothéisme, Henry Corbin, 1977. [article]

Notes

1. De la Nature : […] je te dirai quels sont les deux seuls procédés de recherche qu’il faut reconnaître. L’un consiste à montrer que l’être est, et que le non-être n’est pas : celui-ci est le chemin de la croyance ; car la vérité l’accompagne. L’autre consiste à prétendre que l’être n’est pas, et qu’il ne peut y avoir que le non-être ; et je dis que celui-ci est la voie de l’erreur complète. En effet, on ne peut ni connaître le non-être, puisqu’il est impossible, ni l’exprimer en paroles. Car la pensée est la même chose que l’être.

2. Philon d’abord qui influencera Maïmonide sur ce point comme sur d’autres.

3. Dont l’importance est capitale pour les penseurs ultérieurs et qui, influencé par Proclus, proclame également la complémentarité des deux voies.

4. En ouvrant les limites de la conceptualisation induites par l’expression humaine.

5. C’est cependant l’expérience mystique qui est à l’origine de l’approche apophatique et non l’inverse.

6. "Analogie de proportionnalité" chez Aquin 𝕍 Somme contre les gentils.

Renvois

↪ Connexe : Théologie/Philosophie négative, aphairétique
↪ Amont : Mysticisme

Archétype
[aʁketip], subst. masc.

Définition

[Philosophie (platonisme)]

► Principe intelligible primordial, éternel et universel. Il est métaphysiquement suprême et ontologiquement idéal vis à vis des êtres et des choses qui émanent de lui et dont il constitue le paradeigma.


[Psychologie (analytique)]

► Structure formelle, universelle et primitive, organisant les représentations de l’inconscient collectif de l’humanité et se déclarant de façon spécifiée et innée dans l’imaginatio vera d’un sujet ou d’un groupe.

Étymologie

Grc. : ἀρχέτυπος {modèle primitif}

Lat. : archetypum {original}

Commentaires

I. Développements

Plotin et Proclus développèrent particulièrement la théorie des archétypes platoniciens, ces derniers devenant les matériaux avec lesquels Dieu échafaude le κοσμος νοητος {monde intelligible}, prōtótypon du monde manifesté.

Jung précise que les archétypes se manifestent naturellement et de façon symbolique ntm. via les voies oniriques et folkloriques, religieuses et mythiques, cultuelles, artistiques et pathologiques enfin.

II. Archétypes en ésotérisme

► À la recherche de l’origine et du devenir, de la signification et du sens de la création, c’est par les pratiques hermétiques que les ésotéristes tentent de dévoiler les archétypes qui, exemplara de toute chose manifestée, constituent les causes principielles. Présentes ésotériquement, elles n’en sont en effet pas moins occultées derrière le voile des apparences exotériques et, résumées dans les nombres et les formes géométriques, elles constituent la doctrine de l’ésotérisme.

Parmi les exemples les plus remarquables nous trouvons :

Le sentiment du numineux et de l’unité transcendante (du moi, de la vérité, de l’humanité), les mouvements de chute, d’ascension et de cycle (ainsi que la sphère archétypale et l’œuf matriciel qui en découlent), le principe de choix, manifesté par le symbole du carrefour, ainsi que la transmutation (voir le polymorphisme ou même l’apocalypse), la résurrection et l’immortalité.

L’androgyne et l’opposition entre la lumière bienfaisante et rayonnante et l’ombre effrayante et sclérosante ; le seuil et le gardien (monstrueux, bestial, énigmatique, fraternel : pareil mais différent) qui est associé à cette opposition. Le concept de la trinité divine (vieux sage et mentor du sommet, mère nourricière initiatrice et universelle, fils héros sacrifié et pérégrinant), la structure fractale de la création, son essence vivante et les correspondances (impliquant le raisonnement par analogique) ainsi que les entités qui en découlent.

Les notions de Centre du monde, de verbe magique (simultanément sage et efficient) perdu dans la mer étoilée, les symboles de l’Arbre de vie et de la nourriture d’immortalité (ainsi que son récipient).

◆ La célèbre gravure en tête du De Opere Dei Creationis (1597) de Helisaeus Röslin porte le nom univoque de Signaculum Mundi Pythagoricum 🗎⮵.

Renvois

↪ Synonyme : Εἶδος (eidos) {forme, idée}, idea principalis (Augustin)
↪ Contraire : Ectype
↪ Connexe : Formes géométriques
↪ Amont : Nombres, Loi

Arithmosophie / Arithmologie
[aʁitmɔzɔfi] / [aʁitmɔlɔʒi], subst. fém.

Définition

[Ésotérisme]

a. Gnose des objets mathématiques.

b. Connaissance mystagogique de la valeur des objets mathématiques et des procédés combinatoires qui en découlent.

Étymologie

a. Grc. : ἀριθμός (arithmós) {nombre, arithmétique} + σοφία (sophía) {sagesse, savoir}
b. Grc. : ἀριθμός (arithmós) {nombre, arithmétique} + λόγος (lógos) {parole, raison}

Commentaires

I. Définitions préliminaires

◆ L’usage a fait de ses deux mots des synonymes mais stricto sensu, l’arithmosophie en tant que telle, désigne la sapience ésotérique (au sens le plus entier du terme) relative aux nombres et dès lors, il n’y a rien à gloser à son sujet. Si elle s’exprime, c’est, à la rigueur, de façon indirecte dans le témoignage que peut rendre un être de sa propre essence, notamment par le biais d’une sagesse ou d’une puissance considérée comme surnaturelle. Dans la perspective arithmologique, les nombres s’expriment par le biais de la mathesis {mathèse}, sur le plan qualitatif et métaphysique : plutôt que des indications conventionnelles d’une valeur mathématique, ils sont considérés comme un signe exprimant les lois universelles et leurs rapports entre elles : Tout, dans toutes les choses, peut donc être ramené aux nombres, qui sont la dernière (ou première) manifestation de la matière, et la première cause de l’idée créatrice. Par ce fait les nombres ne sont que la relation idéale et concrète dans l’Univers ; donc le principe de la vie, l’impulsion vitale du cosmos (Schwaller de Lubicz, Étude sur les nombres, 1915).

◆ En revanche, l’arithmologie est le discours (initiatique, religieux, philosophique), les spéculations (ntm. symboliques) et les procédés(1) que l’on peut produire à partir de cette mathèse. Ils permettent d’une part de faire fructifier cette sapience et d’autre part, de créer des ramifications avec les autres disciplines ésotériques ou occultes ; le rapport le plus direct en cette circonstance étant la pratique divinatoire de l’arithmancie (et son embranchement populaire contemporain : la numérologie). Cette pratique arithmologique est très ancienne autant que répandue : on peut en trouver des traces vraisemblables à l’époque de la Mésopotamie antique vis à vis de l’onomastique sacrée et en extrême-orient, l’expression chinoise 天地之數 (tiāndì zhī shù) {les algorithmes du ciel-terre} désigne les lois présidant à l’organisation du monde naturel. Factuellement, elle remonte au moins à l’époque assyrienne (inscription de Sargon II au -VIII : J’ai construit la circonférence du mur de la ville (Dur-Sharrukin), 16 283 coudées, le nombre de mon nom).

II. Histoire de l’arithmologie

► Combinée avec des considérations d’ordre géométriques et musicales impliquant l’idée de proportion harmonique dans un cosmos lyramorphe, la discipline débute historiquement dans les milieux pythagoriens où, fondés sur le principe hénologique, les ἀριθμόί (arithmoí) {nombres} cinq (pentagramme), sept et dix (la τετρακτύς (tetractys)) étaient considérés comme les nombres les plus importants. L’Introduction arithmétique et la Théologie de l’arithmétique(2) de Nicomaque de Gérase, les fragments de Philolaos de Crotone et d’Archytas de Tarente, livrés respectivement par Porphyre et Proclus, ainsi que ceux de Théon de Smyrne (Des connaissances mathématiques utiles pour la lecture de Platon) sont, vis à vis de ce contexte, les textes les plus importants. L’isopséphie était en outre, également utilisée durant l’antiquité grecque depuis la basse époque(3). L’arithmologique grecque, basée sur des correspondances opérées par l’analogie, trouve principalement son cadre d’expression dans la cosmogonie, la théologie et l’éthique. Elle transite au travers des considérations géométriques du Timée et l’idée platonicienne que les nombres structurent l’âme du monde jusque les néoplatoniciens dès Plotin (Ennéades VI,6 : Des Nombres) puis Jamblique (Sur la Secte pythagoricienne en 10 ) et Proclus (Commentaire sur le premier livre des Éléments).

↪ Cette approche pythagorico-platonicienne fut exploitée de façon complexe et ramifiée par les différentes écoles gnostiques, notamment la gnose valentinienne, qui, tel Marc le Mage, formèrent ainsi des points de dogmatique à partir d’équivalences isopséphiques(4). Favorisée par les passages manifestement arithmologiques contenus dans la Bible et puisque Dieu a tout réglé avec mesure, avec nombre et avec poids (Sagesse, XI:20), le procédé sera ensuite repris par plusieurs pères : Tertullien, Clément, Origène d’abord, puis au IV, outre Ambroise de Milan et Jérôme de Stridon ; elle sera notablement abordée par l’influent Augustin pour qui L’ignorance des nombres est encore un obstacle à l’intelligence de plusieurs passages métaphoriques et mystérieux de l’Écriture (De la doctrine chrétienne, XVI:25). Isidore de Séville livre ensuite le premier traité systématique d’arithmologie chrétienne avec son Liber numerorum dans lequel il s’attarde, bien sûr, sur les nombres présents dans la Bible. Cette tradition d’herméneutique biblique se poursuit jusqu’au XVII avec Caramuel de Lobkowitz et son Mathesis Audax (1644).

Dans son De la Genèse, Augustin spécule ex. sur le nombre six : Cependant, quand nous découvrons la perfection du nombre 6, nous ne la voyons pas hors de nous, comme les corps par l’intermédiaire des yeux ; ni en nous, comme les formes des objets absents ou les images du monde extérieur : nous les saisissons par une voie toute différente. En effet, bien que des images presque imperceptibles se présentent à l’esprit quand on considère les éléments dont se compose le nombre 6 et leur série, toutefois la raison, par son énergie souveraine, dissipe ces fantômes et contemple les propriétés absolues de ce nombre : cette perception lui fait reconnaître sans le plus léger doute que l’unité est simple et indivisible, tandis que la matière peut se diviser à l’infini, et que le ciel et la terre construits sur le type du nombre 6, passeront avant que la somme de ses parties aliquotes cesse de lui être égale. Que l’esprit de l’homme rende donc éternellement grâces au Créateur, qui lui a donné la faculté de voir des merveilles invisibles pour les oiseaux et les animaux, quoiqu’ils puissent apercevoir comme, nous le ciel, la terre, les luminaires du ciel, la mer et – tout ce qu’ils renferment. Ainsi, nous ne devons pas dire que le nombre 6 est parfait, parce que Dieu a achevé tous ses ouvrages en six jours : loin de là, Dieu a achevé tous ses ouvrages en six jours parce que le nombre 6 est parfait ; supprimez le monde, ce nombre resterait également parfait ; mais s’il n’était pas parfait, le monde, qui reproduit les mêmes rapports, n’aurait plus la même perfection. (IV,7).

► Les considérations arithmologiques seront transmises au moyen-âge via les œuvres du IV V de Calcidius (Commentaire au Timée de Platon), Macrobe (Songe de Scipion) et Martianus Capella (VII). On trouve ensuite plusieurs réflexions sur ce sujet dans le De la division de la nature (865) d’Érigène et, dans une moindre mesure, dans la tout aussi maladroite qu’influente compilation du pseudo-Boèce (Ars geometriae et arithmeticae, IX). Les idées arithmologiques se manifestent ensuite avec ostentation dans les figurations arithmétiques et géométriques de la symbolique romane(5). Nonobstant, hormis dans le Traité sur le symbolisme des nombres (XII) de Thibaut de Langres ainsi que dans les travaux de l’École de Chartres, l’arithmologie, infusée dans la religion, est cependant et évidemment discrète et peu innovante durant la période scolastique. Néanmoins, elle sera bien à l’honneur lors l’époque médiévale, mais dans la littérature rabbinique et qabbalistique comme avec le discret mais important Sefer Melakhim {Livre des rois} de Kalonymus ben Kalonymus. Encouragée par l’œuvre de Philon pétrie d’arithmologie pythagoricienne, elle pouvait alors se destiner à un usage aussi bien spéculatif et théologique que pratique et magique.

↪ C’est surtout à partir de la renaissance, avec l’avènement du magisme, que la destination spirituelle des nombres ainsi que leurs propriétés secrètes sera de nouveau mise en valeur. Ce sont bien sûr Ficin (Commentaire sur le Timée, 1484) et Pic de la Mirandole (900 conclusions, 1486) qui se manifestent d’abord mais aussi Lefèvre d’Étaples (La Magie naturelle, 1493, 2) qui fera des émules. À l’aide de la qabbale, le "Phénix des esprits" dégage l’arithmologie des limites de l’herméneutique biblique. Puis au XVI, Reuchlin (De l’Art cabalistique, 1517), Francesco Zorzi (De Harmonia mundi, 1525), Agrippa (Philosophie occulte, 1531, 2), Dee (Les Éléments (préface), 1570), Paolini dans son remarquable Hebdomades (1589) et Bruno (De la monade, du nombre et de la figure, 1591) écrivent des œuvres importantes sur cette matière. Tous feront grand cas des considérations ésotériques et occultes autour des nombres, qu’elles soient pour les uns ou les autres, arithmosophiques, arithmologiques, numérologiques ou arithmanciques.

↪ Ces travaux seront poursuivis par les deux œuvres monumentales de Bongo (Numerorum mysteria, 1591) et Kircher (Arithmologia, 1665) puis, repoussés par la révolution mécaniste, et ainsi, le déclin de la conception considérant la nature comme une unicité vivante, ils trouvent leur chemin dans la théosophie allemande et le piétisme. Johann Lange écrit un court et illustré Theologia christiana in numeris (1702) puis Eckartshausen (Zahlenlehre der Natur, 1794) tire un système magique des considérations arithmologiques, tout comme Martinez de Pasqually (Traité de la réintégration, publ. 1899). Saint Martin (Des Nombres, 1843), influencé par son maître et l’herméneutique biblique numérale de Böhme (De la triple vie de l’homme, 1620, 3,4,6,10,11,16) s’emparera du sujet qui, par son intermédiaire, sera promis à la postérité dans le martinisme. Von Baader commentera ensuite ces deux ouvrages de Pasqually et Saint-Martin. Taylor (La théorie arithmétique des pythagoriciens, 1816), Lacuria, le "Pythagore français" (Les Harmonies de l’être exprimé par les nombres, 1847), Malfatti de Montereggio (Mathesis, 1849 Lien vers le catalogue Lien vers l’œuvre), Papus (La Science des nombres, 1934) ou encore Allendy (Le Symbolisme des nombres, 1948) proposeront plus tard des ouvrages à tendance synthétisantes sur le sujet. Au XX, Gurdjieff utilisera également des considérations arithmosophiques dans le cadre de sa cosmosophie.

III. La constitution arithmo-géométrique de la création du Timée

► Platon (Timée) professe :

[…] Dieu fit l’âme supérieure au corps, tant en âge qu’en vertu, pour qu’elle sût lui commander et devenir sa maîtresse. Voici de quoi et comment il la fit. Avec la substance indivisible et toujours la même, et avec la substance divisible et corporelle, il composa une troisième espèce de substance, intermédiaire entre la nature de ce qui est le même et celle de ce qui est divers, et il l’établit au milieu du divisible et de l’indivisible. De ces trois substances il fit un seul tout, en combinant violemment la nature intraitable de ce qui est divers avec ce qui est le même ; et quand il eut mêlé le divisible et l’indivisible avec la substance intermédiaire, et de ces trois choses formé un tout unique, il divisa ce tout en autant de parties qu’il était convenable, et chacune se trouva contenir du même, du divers et de la substance intermédiaire. Voici comment il opéra cette division : d’abord il ôta du tout une partie, puis une seconde partie double de la première, une troisième valant une fois et demie la seconde et trois fois la première, une quatrième double de la seconde, une cinquième triple de la troisième, une sixième octuple de la première, une septième valant la première vingt-sept fois. Cela fait, il remplit les intervalles doubles et triples, en enlevant au tout encore d’autres parties qu’il plaça de manière à ce qu’il y eût dans chaque intervalle deux moyennes, dont la première surpasse un de ses extrêmes et est surpassée par l’autre d’une même partie de chacun d’eux, et dont la seconde surpasse un de ses extrêmes et est surpassée par l’autre d’un nombre égal.

Comme de cette insertion de moyens termes résultèrent des intervalles nouveaux tels que chaque nombre valût le précédent augmenté de la moitié, du tiers ou du huitième, il remplit tous les intervalles d’un plus un tiers par des intervalles d’un plus un huitième, laissant de côté dans chaque intervalle d’un plus un tiers une partie telle que le dernier nombre inséré fût au nombre suivant dans le rapport de deux cent cinquante-six à deux cent quarante-trois. C’est ainsi que le premier mélange, dont il retrancha ces parties, se trouva entièrement employé. Il coupa ensuite toute cette composition nouvelle en deux dans le sens de la longueur, plaça les deux portions de cette ligne sur le milieu l’une de l’autre, comme dans la lettre X, les courba en cercle, unit les deux extrémités de chacune entre elles et à celles de l’autre dans le point opposé à leur intersection, et leur imprima le mouvement du cercle, mouvement toujours le même et s’exécutant sur un même point. Il fit un de ces cercles extérieur et l’autre intérieur, appelant mouvement extérieur celui du même et intérieur celui du divers. Le mouvement du même, il l’inclina de côté, vers la droite, et le mouvement du divers il le dirigea suivant la diagonale, vers la gauche ; il donna la supériorité au mouvement du même et du semblable; car il le laissa seul indivisible ; tandis que, divisant en 128 six parties le mouvement intérieur, il fit sept cercles inégaux, avec des intervalles doubles et triples,trois de chaque espèce, et il assigna à ces cercles des mouvements contraires, dont trois de la même vitesse, les quatre autres inégaux en vitesse, tant entre eux qu’aux trois premiers, mais allant tous ensemble harmonieusement. […]

IV. Nature du nombre selon Plotin

► Plotin (Ennéades, VI:6) nous expose : Quelle est donc la nature du Nombre ? Est-il une conséquence et en quelque sorte un aspect de chaque essence, comme homme et un homme, être et un être ? Peut-on dire la même chose de tous les intelligibles, et est-ce de là que naissent tous les nombres ? — Mais, s’il en est ainsi, comment existent là-haut la dyade et la triade ! Comment toutes choses sont-elles contemplées dans l’un, et comment le nombre, ayant une pareille nature, pourra-t-il être ramené à l’un ? Il y aura ainsi une multitude d’unités, mais aucun nombre ne sera ramené à l’un, excepté l’Un absolu. — La dyade, dira-t-on peut-être, est la chose ou plutôt un aspect de la chose qui possède deux puissances jointes ensemble, tel qu’est un composé ramené à l’unité, ou tels que les Pythagoriciens concevaient les nombres, qu’ils semblent avoir affirmés des choses par analogie : ils disaient que la justice, par exemple, était la tétrade, et de même pour le reste. […] puis (VI,10) : Subsistant dans la multitude, l’Être est donc devenu Nombre quand il s’est éveillé à la multiplicité, parce qu’il avait déjà en lui une sorte de préformation et de représentation des êtres qu’il était prêt à produire, qu’il offrait en lui aux unités une sorte de lieu pour les choses dont elles devaient être le fondement et (VI,15) :

Outre l’Intelligence, et antérieurement à elle, existe l’Être ; il contient le Nombre, avec lequel il engendre les êtres : car il les engendre en se mouvant selon le Nombre, constituant ainsi les nombres avant de donner l’existence aux êtres, de même que l’unité [de l’Être] précède l’existence de l’Être et le relie au Premier [à l’Un absolu]. Les nombres ne relient point les autres choses au Premier : il suffit que l’Être lui soit relié, parce que l’Être, en devenant Nombre, rattache à lui-même tous les êtres. S’il est divisé, ce n’est pas en tant qu’il est un (car son unité est permanente) ; mais, s’étant divisé conformément à sa nature en autant de choses qu’il l’a voulu, il a vu en combien de choses il s’était divisé, et par là il a engendré le Nombre qui existe en lui : car il s’est divisé en vertu des puissances du Nombre, et il a engendré autant d’êtres que le Nombre le comportait. Le Nombre premier et véritable est donc la source et le principe de l’existence pour les êtres.

C’est pourquoi, même ici-bas, la génération de chaque chose est réglée par des nombres, et, avec un nombre différent, c’est une autre chose qui est engendrée, ou rien ne peut plus être engendré. Tels sont les nombres premiers, en tant qu’ils peuvent être nombres. Quant aux nombres qui subsistent dans les autres choses, ils ont deux rôles : en tant qu’ils procèdent des premiers, ils peuvent être nombres; en tant qu’ils sont au-dessous d’eux, ils mesurent les autres choses, ils servent à nombrer et les nombres et les choses qui peuvent être nombrées. Comment pourrait-on en effet dire dix si ce n’est à l’aide des nombres qu’on a en soi ?

V. Introduction de Papus

► Papus (La Science des nombres, 1934) écrit :

Le Nombre est un être du plan spirituel. Il a ses lois particulières de construction et d’évolution et son étude est une des plus importantes que puisse poursuivre l’occultiste. Mais, avant d’aborder cette étude, il est nécessaire de faire certaines distinctions importantes. La première, c’est de distinguer l’étude quantitative des nombres telle qu’elle est poursuivie par les mathématiciens actuels, de l’étude qualitative telle qu’elle était poursuivie dans les centres d’initiation de l’antiquité. Cette remarque est du reste générale pour tout ce qui concerne l’occultisme. Le contemporain sourit à la pensée que le nombre 4 pourrait agir comme un être vivant dans le plan des « idées-forces » ou même qu’il représente, dans le monde des lois, une clef qui ouvre bien des portes encore fermées. La seconde distinction établir, c’est de ne pas confondre les Nombres qui sont des êtres, avec les Chiffres qui sont leurs habits. Un homme habillé de vert, de jaune ou de noir est toujours lui-même.

Un nombre figuré par un caractère chinois, ou sanscrit, ou romain, ou typographique actuel est toujours lui-même. Or la question chiffre a bien souvent embrouillé la question nombre. Enfin la dernière distinction établir est que l’étude des nombres embrasse de multiples adaptations. C’est un véritable monde intellectuel. Des auteurs nombreux ont consacré leurs veilles cette étude. […] On ne doit pas confondre les Nombres qui sont des Idées-Forces, des Intermédiaires entre le Plan visible et le Plan invisible, et Les Chiffres, qui sont les Habits des nombres. […] Tous les nombres émanent du nombre Un. Le point de départ de cette émanation est dans la Lumière spirituelle. Plus un nombre s’éloigne du nombre Un, plus il s’enfonce dans la matière, plus il se rapproche du nombre Un, plus il remonte vers l’Esprit et la Lumière. Les Dix premiers nombres appartiennent au domaine de l’Esprit. Ce sont les moins matérialisés.[…]

Documentation pertinente

𝕍 La Symbolique des nombres, Jean-Pierre Brach, 1994. [Ouvrage]

𝕍 Le Nombre d’or, Matila Ghyka, 1931. [Ouvrage]

Notes

1. Ntm. l’isopséphie pythagoricienne et la guématrie hébraïque, le graphomorphisme, les opérations algébriques comme l’addition/réduction théosophique.

2. In Bibliothèque de Photius, cod.187 ; ouvrage repris aussi par le pseudo-Jamblique avec le même titre.

3. 𝕍 le dialogue delphique Sur l’ E de Delphes de Plutarque de Cheronnée et, plus spécialement sur l’isopséphie, le 20 : Chiffres, écritures, magie, mystique et divination de l’Histoire universelle des chiffres de Georges Ifrah.

4. Ex. Ἰησοῦς (Iēsoûs) {Jésus} = 888, Αβραξας {Abraxas} = 365, "Amen" = 99, περιστερά (peristerá) {colombe} = 801.

5. 𝕍 Le Symbolisme des nombres à l’époque romane in Cahiers de Civilisation Médiévale (4, 14 pp. 159-169), Guy Beaujouan, 1961. Lien vers le document sur Persée

Renvois

↪ Aval : Arithmancie, Numérologie, Isopséphie
↪ Amont : Nombres

Athanor
[atanɔʁ], subst. masc.

Définition

[Alchimie (exotérique)]

► Four servant à la préparation et à la coction de la matière première.


[Alchimie (ésotérique)]

► Désigne parfois la matière première elle-même puisqu’elle contient le feu secret qui doit être éveillé par l’art.


[Alchimie (mystique)]

► Désigne l’alchimiste lui-même (ou plus précisément son corps subtil).

Étymologie

Sum. : 𒇌 (immindu) {four (à pain), fourneau}.

Akk. : 𒅎𒋗𒆸 (tinūrum) {idem}.
V.Prs. : تنور‎‎ (tanūr‎) {idem}
Heb. : تنور‎ (tanúr‎) {idem}
Arb. : التَنُّور‎ (al-tannūr‎) {idem, tandoor}

Grc. : ἀθάνατος (athánatos) {immortel} + Ois.

Commentaires

I. Description

► La description fondamentale de ce reliquaire hermétique est la suivante : il s’agit d’un four à calcination de forme carrée et muré, contenant en son centre une cuvette remplie de cendres tamisées et maintenues chaudes par un feu doux et permanent, produisant une chaleur stable et harmonieuse quoique potentiellement destinée, selon différents facteurs, à subir des régimes. L’objet de l’athanor est de chauffer indirectement le vaisseau (i.e. l’œuf philosophal) jusqu’à ébullition qui, pour se faire, est placé au-dessus de ladite cuvette et totalement recouvert de cendres. Ton électre détruit comme il a été dit, si tu veux continuer et arriver au but, prends d’électre détruit et rendu volatil la quantité que tu désires parfaire, mets-la dans l’Œuf philosophique, scelle-le de façon à ce que rien ne s’évapore, laisse l’Œuf dans l’Athanor jusqu’à ce que, de lui-même, sans aucune addition, l’électre commence à se résoudre, comme l’île qui au milieu de la mer se désagrège chaque jour, et devienne finalement noir. (Le Manuel de la pierre philosophale). De façon stricte, l’athanor regarde principalement la voie humide et peu la sèche ou la royale.

↪ Ainsi, l’outil est traditionnellement composé de trois étages : le récipient inférieur où brûle le feu et par où pénètre l’air est mâle et figure le microcosme. La cornue supérieure (ou le dôme réverbérant) est femelle et figure le macrocosme. L’espace où est posé l’œuf philosophal, vase ou cornue luté contenant la matière première (amalgame devant produire la pierre), correspond au fils androgyne et figure le mésocosme. On trouve ex. plusieurs figurations d’athanors dans le Livre muet. Durant l’histoire de l’alchimie il a été conçu des athanors plus ou moins élaborés, soit que l’on mis au point des aménagements pratiques (pour évacuer la cendre, faire varier le régime…), soit que l’on tenta d’innover dans sa fabrication : on ajouta par exemple une tour latérale dans laquelle on produit la chaleur qui, externalisée, est dans ce cas communiquée à la partie principale par un tuyau. "Athanor" peut aussi simplement désigner un réchaud à combustion lente sur lequel on chauffe la cucurbite de l’alambic.

II. Un terme complexe

► L’athanor est l’un des termes les plus importants et complexes de la discipline. Forge magique construit d’après les règles principielles données par le grand athanor de la nature (dit Grillot de Givry), il est associé de façon étroite à l’œuvre alchimique jusqu’à devenir l’un de ses emblèmes. D’abord un terme technique puis un concept, son sens fut enrichi durant des siècles et par un grand nombre d’auteurs jusqu’à la polysémie. Ces derniers ne s’accordent d’ailleurs guère ni sur la fabrication ni sur l’utilisation de l’outil(1), que l’on préconise tantôt d’avoir en un seul ou bien en plusieurs exemplaires pour parfaire l’œuvre.

L’Habitant du Nord (La Clavicule de la science hermétique, 1732) nous dit ex. : Je n’ai non plus qu’un seul fourneau, qui est bien de terre mais naturel, & à la construction duquel l’art n’a point de part. II est pourvu de deux soupiraux, les côtés en sont opaques, cependant il est si mobile que je puis aisément le transporter d’un lieu en un autre, & même l’emporter avec moi dans de longs voyages, sans aucun embarras ni crainte d’être trahi. Ce qu’il y a d’étonnant c’est que mon athanor contient, au dedans de soi, le feu le plus fort de la nature, ou comme d’autres s’expriment le quatrième degré du feu, & que c’est par sa vertu qu’il subsiste ; il se rompt néanmoins & est détruit par le moindre feu élémentaire ou d’une Lampe. Vous pouvez vous convaincre par là combien il diffère d’un vase artificiel et Herbort ajoute (Compemdium hermeticum) sur le même ton que l’athanor est une terre imputrescible et incombustible dans laquelle les forces d’en haut se coagulent et qui, soumises à l’action calorifique de la digestion, viennent à maturité et se dessèchent comme dans un four jusqu’à ce que la teinture soit prête.

Analogue au ventre maternel(2), il est parfois figuré en montagne, en château ou en tour crénelée(3), construction qui contient la chambre du roi. On le trouve également sous la forme d’un chêne creux ou d’un tonneau.

III. Description de D’Espagnet

D’Espagnet (L’Oeuvre Secret de la Philosophie d’Hermès, 115-118) explique :

Les praticiens ont appelé leur fourneau le troisième vaisseau, parce qu’il contient les autres vaisseaux, où est toute la matière de leur œuvre. Les philosophes ont aussi tâché de nous en dissimuler le mystère et le secret. Ce fourneau, qui est le gardien et le dépositaire de tous les mystères de l’ouvrage, a été appelé athanor ou immortel, à cause du feu perpétuel qu’il conserve. Car c’est en lui qu’on entretient un feu continuel, quoique parfois inégal, pour le régime de l’ouvrage. Il faut en effet que ce feu soit tantôt plus grand et tantôt plus petit, selon la quantité de la matière et la capacité du fourneau. La matière du fourneau se fait de brique cuite, ou d’une terre grasse comme l’argile, parfaitement broyée, et préparée avec du fumier de cheval où on mêlera du crin, afin qu’elle n’éclate ni ne se fende sous l’effet d’une longue chaleur. Les murailles latérales de ce fourneau doivent être de l’épaisseur de trois ou quatre doigts, afin qu’ils puissent retenir la chaleur, et aussi mieux lui résister.

La forme du fourneau doit être ronde, et sa hauteur intérieure de deux pieds environ. On doit placer au milieu une lame de fer ou d’airain, également ronde, de l’épaisseur du dos d’un couteau, qui occupe presque la largeur intérieure du fourneau. Néanmoins elle doit être un peu plus étroite, et n’en doit point toucher les murailles, mais être appuyée sur trois ou quatre broches de fer jointes aux murailles. Il faut aussi qu’elle soit toute trouée à l’entour, afin que la chaleur passe à travers, et entre les flancs du fourneau et les bords de cette grille. Et il faut pratiquer dans les flancs, tant au-dessous qu’au-dessus de la grille, de petites portes, afin de pouvoir allumer le feu par celle d’en bas, et connaître la température de la chaleur par celle du dessus. À l’opposite de celle-ci, il faut faire une petite fenêtre de forme rhomboïde, garnie d’un verre, afin qu’en y approchant l’œil, on puisse apercevoir les couleurs que la lumière placée en face fera apercevoir. Que l’on mette sur le milieu de cette grille un trépied portant le vaisseau. Enfin il faut entièrement couvrir et boucher le fourneau, en bâtissant à tenons autour de ses flancs, une voûte faite de la même matière de brique cuite : il faut aussi clore fort bien la petite porte du dessus, de peur que la chaleur ne s’exhale.

IV. Description de Grassot

► Grassot (La lumiere tirée du chaos) nous narre :

L’ATHANOR a une tour & un nid, cette tour doit avoir deux pieds & un peu plus de haut, sur un pied de diamètre en dedans, l’épaisseur des côtés doit être de deux pouces de chaque côté ; la porte où est le feu, doit avoir sept pouces d’élévation, & doit être plus épaisse dans le bas que dans le haut, & que cette épaisseur aille toujours en diminuant d’une manière imperceptible, jusqu’à la partie supérieure. Au-dessus du sol ou la partie la plus inférieure du fourneau, il faut une petite porte de trois à quatre pouces en carré, par où on puisse ôter les cendres, au-dessus il faut une grille, & un pouce plus haut il y aura deux trous qui feront circuler la chaleur dans l’Athanor, cette tour non plus que le nid, ne doivent avoir aucune ouverture ni fente, le nid ne doit pas être plus bas que le bassin, qui doit être immédiatement frappé par le feu, & ce feu doit avoir son issue par trois à quatre trous, le nid aura son couvercle avec une fenêtre, & doit contenir un matras d’un pied de long ou environ, sinon il doit y avoir un trou au couvercle du nid, pour passer le col du matras. Tout étant ainsi disposé, le fourneau doit être mis en un lieu éclairé, placer les charbons par le haut de la tour, d’abord on mettra des charbons allumés, puis du charbons noirs, & y mettre son couvercle que l’on joindra avec la cendre tamisée, de manière qu’aucun air y puisse entrer : ce seul fourneau doit servir pour mener l’œuvre à sa perfection.

Si l’Artiste est industrieux, il trouvera d’autres moyens de donner un feu convenable, en disposant toujours l’Athanor de manière que sans toucher au matras, on puisse changer les degrés du feu, comme on le jugera à propos depuis une chaleur, telle que celle de la fièvre, jusqu’au feu du petit réverbère ou d’un rouge obscur. Faites en sorte que dans sa force il puisse rester du moins sept à huit heures dans la même égalité, sans être obligé d’y mettre du nouveau charbon ; s’il durait moins ce serait un nouveau travail, alors vous avez la première porte de l’œuvre. Dès que vous aurez fait la pierre, vous pourrez avoir un fourneau portatif, parce que les autres opérations sont bien moins difficiles, & demandent moins de temps ; ainsi elles n’ont pas besoin d’un feu aussi fort, ni d’un fourneau difficile à transporter ; & comme il ne s’agît plus que de multiplier, on pourra faire durer le feu au moins l’espace d’une semaine dans la même égalité, il faut avoir le soin de mettre dans l’Athanor dessous & autour de l’œuf philosophique de la cendre de sarment.

V. Une description allégorique de l’athanor chez Philostrate ?

► Philostrate (Vie d’Apollonios de Tyane, III:13-14) nous narre :

D’après la relation de nos voyageurs, la colline occupée par les sages a la même élévation que l’Acropole d’Athènes ; elle s’élève au milieu de la plaine ; elle est fortifiée naturellement par un rocher qui l’entoure également de tout côté ; en divers endroits de ce rocher on voit des traces de pieds fourchus et des empreintes de visages, de barbes, de dos d’hommes qui paraissent être tombés à la renverse. En effet, lorsque Bacchus, de concert avec Hercule, voulut s’emparer de cette colline, on dit qu’il donna l’ordre de l’attaque aux Pans, qu’il croyait capables de tout renverser ; mais foudroyés par les sages, ils tombèrent en désordre, et laissèrent sur les rochers la marque de leur chute. Selon nos voyageurs, la colline est entourée d’un brouillard au milieu duquel vivent les sages, se laissant voir ou se rendant invisibles, à leur volonté. Ils n’ont pu savoir si la colline a un autre abord que celui par lequel pénétra Apollonius ; car le brouillard qui entoure cette colline empêche de voir si elle est ouverte ou fermée.

Apollonius, à la suite de l’Indien, monta par le côté méridional. La première chose qu’il vit, ce fut un puits large de quatre brasses. Une vapeur azurée montait jusqu’à l’embouchure de ce puits ; et quand le soleil, à son midi, donnait sur ce puits, ses rayons attiraient cette vapeur qui s’élevait, en offrant aux regards les couleurs de l’arc-en-ciel. Apollonius apprit plus tard que le fond du puits était d’arsenic rouge, que son eau était regardée comme sacrée, que personne n’en buvait ni n’en puisait, et que le serment le plus solennel, pour tous les peuples voisins, était celui qu’on prêtait par l’eau de ce puits. Près de là est un bassin plein de feu, d’où sort une flamme plombée, sans fumée ni odeur : jamais il ne déborde, mais il est toujours rempli. C’est là que les Indiens se purifient de leurs fautes involontaires ; aussi les sages appellent-ils ce puits le Puits de la Révélation, et le feu, le Feu du Pardon. Nos voyageurs nous disent avoir vu aussi deux tonneaux de pierre noire, l’un de la pluie, l’autre des vents. S’il arrive que l’Inde soit affligée de quelque sécheresse, on ouvre le tonneau de la pluie, et aussitôt il en sort des nuées qui humectent tout le pays ; si les pluies deviennent excessives, on le ferme, et elles s’arrêtent. Le tonneau des vents a, si je ne me trompe, la même propriété que l’antre d’Éole : on l’ouvre, on en laisse sortir un vent selon l’occasion, et la terre se raffermit.

Ils rencontrèrent encore des statues de dieux, non pas de dieux indiens ou égyptiens (il n’y aurait eu la rien d’étonnant), mais des plus anciens dieux de la Grèce, comme Minerve Poliade, Apollon Délien, Bacchus Limnéen, Apollon Amycléen, et autres divinités anciennes, auxquelles ces Indiens ont élevé des statues, et qu’ils honorent suivant les rites des Grecs. Les sages disent qu’ils occupent le milieu de l’Inde, et que leur colline en est le nombril. Ils y adorent le feu, qu’ils se vantent de tirer eux-mêmes du soleil ; et, en son honneur, ils chantent un hymne tous les jours à midi. Quels sont ces hommes, et comment ils vivent sur leur colline, Apollonius lui-même nous l’apprend : « J’ai vu, dit-il dans un de ses Discours aux Égyptiens, les Brachmanes de l’Inde, qui habitent sur la terre et n’y habitent pas, qui ont une citadelle sans murailles, et qui ne possèdent rien que ce que possède tout le monde. » […]

Notes

1. Le pseudo-Geber en décrit différents types dédiés à la calcination, sublimation, distillation et fusion ; d’autres modèles de fours sont ex. livrés par Sedacer : fourneau du magistère, four oblique, à réverbère.

2. Il est comme le Ventre et la Matrice, contenant la vraie chaleur naturelle pour animer notre jeune Roi. Si ce Feu n’est mesuré clibaniquement, dit Calid ; s’il est allumé avec l’épée, dit Pythagoras ; si tu enflâmes ton Vaisseau, dit Morienus et lui fais sentir l’ardeur du feu, il te donnera un soufflet, et brûlera ses fleurs avant qu’elles soient montées du profond de ses moüelles, et elles sortiront rouges plutôt que blanches ; et lors ton Opération sera détruite, tout de même que si tu fais trop peu de feu dit Flamel au 3 du Livre des figures hiéroglyphiques.

3. Ce qui excite les parallèles avec la matière de Bretagne et pousse les alchimistes à voir en Barbe d’Héliopolis leur sainte.

Renvois

↪ Synonyme : Fourneau philosophique, Fourneau des sages, Fourneau arcanique, Fourneau secret, Fourneau cosmique, Fournaise, Vaisseau triple, Chambre (ou Sépulcre, ou Prison) du Roi, Maison (ou habitacle) du poulet, Crible, Bain-Marie, Phiole, Cucurbite, Fumier, Urinal, Lion vert, Sphère (attention à Ois. – notamment aux métonymies – qui peut égarer autant que dévoiler)
↪ Connexe : Aludel
↪ Amont : Alchimie

Athéisme
[ateism], subst. masc.

Définition

[Théologie, Philosophie]

► Caractéristique d’une doctrine postulant la négation de l’existence d’un être suprême.

Étymologie

Grc. : pfx.prv - + θεος (theos) {vie}

Lat. : atheos

Commentaires

I. Histoire

► L’histoire de l’athéisme prend racine dans l’école ionienne et éléatique avec, en particulier, les philosophies d’Héraclite et d’Empédocle puis surtout dans l’atomisme — dont Leucippe et Démocrite sont les penseurs les plus importants — et enfin, dans le sophisme, le cynisme, le pyrrhonisme et dans une certaine mesure l’épicurisme (qui est un athéisme pratique). Naturellement inexistant durant l’époque médiévale(1), l’athéisme prendra cependant son essor au XVI(2) et surtout au XVII avec Francis Bacon, Hobbes et Descartes qui sont accompagnés par l’autonomisation de la raison philosophique sur la pensée théologique. Même s’il n’est pas athée, Voltaire apporte également des éléments nourrissant cette conception au XVIII, siècle où l’athéisme, accompagné des Lumières, émerge définitivement et trouvera ses plus célèbres défenseurs : Julien Offray de La Mettrie (L’Homme Machine, 1748), Claude-Adrien Helvétius (De l’Esprit (1758)) ou Paul Thiry d’Holbach (Système de la nature, 1770). Au XIX, le positivisme de Comte et la gottlosigkeit {déréliction} de Hegel sont les deux notions dont les échos se poursuivent via leurs continuateurs jusque de nos jours.

II. Les athées dans la Bible

David chante : […] L’insensé dit dans son cœur : "Il n’y a point de Dieu !..." Ils sont corrompus, ils commettent des actions abominables ; il n’en est aucun qui fasse le bien. / Yahweh, du haut des cieux regarde les fils de l’homme, pour voir s’il est quelqu’un de sage, quelqu’un qui cherche Dieu. / Tous sont égarés, tous ensemble sont pervertis ; il n’en est pas un qui fasse le bien, pas un seul ! / N’ont-ils pas de connaissance, tous ceux qui commettent l’iniquité ? / Ils dévorent mon peuple, comme ils mangent du pain ; ils n’invoquent point Yahweh. / Ils trembleront tout à coup d’épouvante, car Dieu est au milieu de la race juste. […] (Psaumes, XVI(XIII))

► Paul de Tarse dit : Mais l’Esprit dit clairement que dans les temps à venir, certains abandonneront la foi, pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines diaboliques ; / enseignées par d’hypocrites imposteurs qui ont la marque de la flétrissure dans leur propre conscience ; / qui proscrivent le mariage, et l’usage d’aliments que Dieu a créés afin que les fidèles et ceux qui ont connu la vérité en usent avec actions de grâces. (Timothée I, IV:1-5)

► Job déclame : […] Pourquoi les méchants vivent-ils, et vieillissent-ils, accroissant leur force ? / Leur postérité s’affermit autour d’eux, leurs rejetons fleurissent à leurs yeux. / Leur maison est en paix, à l’abri de la crainte ; la verge de Dieu ne les touche pas. […] Ils passent leurs jours dans le bonheur, et ils descendent en un instant au schéol. / Pourtant ils disaient à Dieu : « Retire-toi de nous ; nous ne désirons pas connaître tes voies. / Qu’est-ce que le Tout-Puissant, pour que nous le servions ? Que gagnerions-nous à le prier ? » […] Est-ce à Dieu qu’on apprendra la sagesse, à lui qui juge les êtres les plus élevés ? […] Au jour du malheur, le méchant est épargné ; au jour de la colère, il échappe au châtiment. […] les glèbes de la vallée lui sont légères, et tous les hommes y vont à sa suite, comme des générations sans nombre l’y ont précédé. […] (Job, XXI)

Notes

1. On voit chez Anselme de Cantorbéry que la question est spéculative.

2. Le terme est attesté au plus tôt in Le Fort inexpugnable (1555) de François de Billon : les habitans de telle Region ayet iamais rien eü de l’Atheisme (p.220b).

Renvois

↪ Opposé : Théisme, Déisme
Npc. : Agnosticisme, Panthéisme, Idolâtrie
↪ Connexe : Positivisme, Empirisme, Matérialisme, Antithéisme
↪ Amont : Scepticisme

Atlantide
[atlɑ̃tid], subst. fém.

Définition

[Mythologie]

► Île-continent fabuleuse, située au delà des "Colonnes d’Hercule" (Détroit de Gibraltar) et qui, frappée par un séisme et un déluge (tsunami ?), aurait sombré.

Étymologie

Grc. : Ἀτλαντίς (Atlantís) {appartenant à Atlas}

Lat. : Ātlantis

Commentaires

I. Nature

► La description de la géographie et du destin du peuple atlantéen telle que d’abord transmise par Platon in Critias et Timée est vraisemblablement un mythe philosophico-politique, quoique se reposant ? sur des faits réels plus ou moins déformés et/ou romancés via une prétendue source égyptienne, éventuellement sur l’éruption minoenne de -1550 ou encore sur Hérodote (IV:184-185) : À dix autres journées de chemin, on rencontre une autre colline de sel, avec de l’eau et des habitants aux environs. Le mont Atlas touche à cette colline. Il est étroit et rond de tous côtés, mais si haut, qu’il est, dit-on, impossible d’en voir le sommet, à cause des nuages dont il est toujours couvert l’été comme l’hiver. Les habitants du pays (la zone, mal définie à l’antiquité et située à l’ouest de la Lybie antique, correspond approximativement au Maroc, au Sahara occidental et à la Mauritanie) disent que c’est une colonne du ciel. Ils ont pris de cette montagne le nom d’Atlantes, et l’on dit qu’ils ne mangent de rien qui ait eu vie, et qu’ils n’ont jamais de songes. Je connais le nom de ceux qui habitent cette élévation jusqu’aux Atlantes ; mais je n’en puis dire autant de ceux qui sont au delà. Cette élévation s’étend jusqu’aux colonnes d’Hercule, et même par delà. L’on sait en effet que ce procédé rhétorique est apprécié de Platon et l’analyse de la géographie comme de la généalogie atlantéenne délivrée par le Divin suffit à comprendre son intention symbolique(1) ; cet artifice fut par ailleurs utilisé avec la même intention, quoique bien plus tard, par Thomas More avec son célèbre Utopie (1516). L’Atlantide est ainsi, vis à vis de son contenu conceptuel, une variante de la notion d’un âge d’or édénique perdu et un écho des mythes grecs des Îles des Bienheureux ainsi que de celui de la dispute pour l’Attique entre Poséidon et Athéna.

II. Histoire

► Le mythe, interpénétré par des considérations ethnogéographiques approximatives, ne suscita qu’un timide intérêt durant l’antiquité. Pline (VI:36) mentionne : On parle encore d’une île Atlantis, en face de l’Atlas, et tirant d’Atlas son nom comme la montagne. A cinq jours de navigation de cette île sont des solitudes jusqu’aux Ethiopiens Hespériens, et au promontoire que nous avons appelé Corne occidentale, point où le front de la terre ferme commence à s’infléchir vers le couchant et vers la mer Atlantique., Strabon (Géographie, III:6) relaye Posidonios : Nous approuvons aussi qu’il ait, à l’appui de sa thèse, cité ce que dit Platon de l’Atlantide, que la tradition relative à cette île pourrait bien ne pas être une pure fiction, les prêtres égyptiens qu’interrogeait Solon lui ayant certifié qu’il existait anciennement une île de ce nom, mais que cette île avait disparu, bien qu’elle eût l’étendue d’un continent. En homme sensé, Posidonius juge qu’il vaut mieux s’exprimer de la sorte que de dire de l’Atlantide ce qu’on a dit du mur des Achéens dont il est question dans Homère, « celui qui l’a évoqué l’aura fait disparaître. » Une autre conjecture plausible de Posidonius, c’est que la migration des Cimbres et des peuples de même race qu’ils avaient entraînés à leur suite avait été provoquée [uniquement par leur ardeur pour la piraterie] et non par un débordement subit de la mer. […], Diodore de Sicile (Bibliothèque, III:54,56,60) raconte que : C’est chez les Atlantes, et dans le pays voisin de l’Océan, que, selon la mythologie, les dieux ont pris naissance ; et cela s’accorde assez avec ce que les mythologues grecs en racontent ; nous en parlerons plus bas en détail. […] Les Atlantes habitent le littoral de l’Océan, et un pays très fertile. Ils semblent se distinguer de leurs voisins par leur piété et par leur hospitalité. […]. Proclus traitera également de façon habile du sujet dans son Commentaire du Timée estimant qu’il s’agit d’une narration symbolique mettant en scène l’affrontement de deux principes opposés(2) du monde sensible et qui par leur lutte, constituent le mouvement de la vie elle-même.

↪ Le moyen-âge sera encore moins intéressé mais le thème attira l’attention à la renaissance, dès Ficin et à la faveur de ses traductions de Platon. À partir de la Nouvelle Atlantide (1627) de Francis Bacon et du Mundus subterraneus (1678) de Kircher, l’intérêt pour le sujet est bien ancré. Mais c’est surtout à la faveur d’ouvrages populaires tel l’Atlantis (1882) de Donnelly d’abord puis le Problem of Atlantis (1924) de Spence et le Lost Continent of Mu (1926) de Churchward, que le sujet se voit offrir une large audience autour des spéculations à propos des "continents perdus". Le mythe fait ainsi l’objet d’une littérature spécifique et variée, ainsi que qualitativement inégale et plus ou moins séduisante : de l’interprétation ésotérico-occultiste(3), philosophique, littéraire(4) ou bien politique à l’explication symbolique ou à celle, réaliste, qui localise l’Atlantide dans des lieux et des époques divers. À ce propos, bien que l’hypothèse crétoise/minoenne de Spyridon Marinatos et Angelo Galanopoulos demeure la plus célèbre et la mieux étayée d’un point de vue scientifique, on a voulu ex., dans un cadre cryptoarchéologique, privilégier la piste mésoaméricaine en rapprochant le mythe aztèque d’Aztlan {lieu de la blancheur} de celui de l’Atlantide, localisant le continent perdu dans la zone de la Mer des Sargasses et rapprochant les civilisations maya et égyptienne, rapprochement dont on trouverait le maillon par l’intermédiaire des peuples berbères(5).

Atlantis est le nom d’une célèbre revue (et de l’association afférente) fondée par Paul Lecour et consacrée à l’ésotérisme (et particulièrement intéressé aux sujets "atlantéens").

III. Évocation dans le Timée

► Critias raconte (via Solon qui interroge un prêtre de Saïs) : Or, parmi tant de grandes actions de votre ville, dont la mémoire se conserve dans nos livres, il y en a une surtout qu’il faut placer au-dessus de toutes les autres. Ces livres nous apprennent quelle puissante armée Athènes a détruite, armée qui, venue à travers la mer Atlantique, envahissait insolemment l’Europe et l’Asie ; car cette mer était alors navigable, et il y avait au devant du détroit, que vous appelez les Colonnes d’Hercule, une île plus grande que la Libye et l’Asie. De cette île on pouvait facilement passer aux autres îles, et de celles-là à tout le continent qui borde tout autour la mer intérieure ; car ce qui est en deçà du détroit dont nous parlons ressemble à un port ayant une entrée étroite : mais c’est là une véritable mer, et la terre qui l’environne, un véritable continent. Dans cette île atlantide régnaient des rois d’une grande et merveilleuse puissance ; ils avaient sous leur domination l’île entière, ainsi que plusieurs autres îles et quelques parties du continent. En outre, en deçà du détroit, ils régnaient encore sur la Libye jusqu’à l’Égypte, et sur l’Europe jusqu’à la Tyrrhénie. Toute cette puissance se réunit un jour pour asservir, d’un seul coup, notre pays, le vôtre et tous les peuples situés de ce côté du détroit. C’est alors qu’éclatèrent au grand jour la vertu et le courage d’Athènes. Cette ville avait obtenu, par sa valeur et sa supériorité dans l’art militaire, le commandement de tous les Hellènes. Mais, ceux-ci ayant été forcés de l’abandonner, elle brava seule les plus grands dangers, arrêta l’invasion, érigea des trophées, préserva de l’esclavage les peuples encore libres et rendit à une entière indépendance tous ceux qui, comme nous, demeurent en deçà des Colonnes d’Hercule. Dans la suite de grands tremblements de terre et des inondations engloutirent, en un seul jour et en une nuit fatale, tout ce qu’il y avait chez vous de guerriers ; l’île atlantide disparut sous la mer ; aussi depuis ce temps la mer est-elle devenue inaccessible et a-t-elle cessé d’être navigable par la quantité de limon que l’île abîmée a laissé à sa place.

IV. Description dans le Critias (extraits)

► Critias raconte (via des manuscrits de Solon qui apprit tout cela de prêtres égyptiens) :

Avant tout, rappelons-nous qu’en somme il s’est écoulé neuf mille ans depuis la guerre qui, d’après les révélations des prêtres égyptiens, éclata entre les peuples qui habitaient au-dehors par-delà les colonnes d’Héraclès et tous ceux qui habitaient en deçà. […] En deçà, c’est notre ville, dit-on, qui eut le commandement et soutint toute la guerre ; au-delà, ce furent les rois de l’île Atlantide, île qui, nous l’avons dit, était autrefois plus grande que la Libye et l’Asie, mais qui, aujourd’hui, engloutie par des tremblements de terre, n’a laissé qu’un limon infranchissable, qui barre le passage à ceux qui cinglent d’ici vers la grande mer. […] Nous avons déjà dit, au sujet du tirage au sort que firent les dieux, qu’ils partagèrent toute la terre en lots plus ou moins grands suivant les pays et qu’ils établirent en leur honneur des temples et des sacrifices. C’est ainsi que Poséidon, ayant eu en partage l’île Atlantide, installa des enfants qu’il avait eus d’une femme mortelle dans un endroit de cette île que je vais décrire. […] fortifia la colline […] en en découpant le pourtour par des enceintes faites alternativement de mer et de terre, les plus grandes enveloppant les plus petites. Il en traça deux de terre et trois de mer et les arrondit en partant du milieu de l’île, dont elles étaient partout à égale distance, de manière à rendre le passage infranchissable aux hommes […] Il fit jaillir du sol deux sources d’eau, l’une chaude et l’autre froide, et fit produire à la terre des aliments variés et abondants. Il engendra cinq couples de jumeaux mâles, les éleva, et, ayant partagé l’île entière de l’Atlantide en dix portions, il attribua au premier né du couple le plus vieux la demeure de sa mère et le lot de terre alentour, qui était le plus vaste et le meilleur ; il l’établit roi sur tous ses frères et, de ceux-ci, fit des souverains, en donnant à chacun d’eux un grand nombre d’hommes à gouverner et un vaste territoire. Il leur donna des noms à tous. […]

Tous ces fils de Poséidon et leurs descendants habitèrent ce pays pendant de longues générations. Ils régnaient sur beaucoup d’autres îles de l’Océan et, comme je l’ai déjà dit, ils étendaient en outre leur empire, de ce côté-ci, à l’intérieur du détroit, jusqu’à l’Égypte et à la Tyrrhénie. La race d’Atlas devint nombreuse et garda les honneurs du pouvoir. Le plus âgé était roi, et, comme il transmettait toujours le sceptre au plus âgé de ses fils, ils conservèrent la royauté pendant de nombreuses générations. Ils avaient acquis des richesses immenses, telles qu’on n’en vit jamais dans aucune dynastie royale et qu’on n’en verra pas facilement dans l’avenir. Ils disposaient de toutes les ressources de leur cité et de toutes celles qu’il fallait tirer de la terre étrangère. Beaucoup leur venaient du dehors, grâce à leur empire, mais c’est l’île elle-même qui leur fournissait la plupart des choses à l’usage de la vie, en premier lieu tous les métaux, solides ou fusibles, qu’on extrait des mines, et en particulier une espèce dont nous ne possédons plus que le nom, mais qui était alors plus qu’un nom et qu’on extrayait de la terre en maint endroit de l’île, l’orichalque, le plus précieux, après l’or, des métaux alors connus. […] Avec toutes ces richesses qu’ils tiraient de la terre, les habitants construisirent les temples, les palais des rois, les ports, les chantiers maritimes, et ils embellirent tout le reste du pays dans l’ordre que je vais dire. […] Les deux sources, l’une d’eau froide et l’autre d’eau chaude, avaient un débit considérable et elles étaient, chacune, merveilleusement adaptées aux besoins des habitants par l’agrément et la vertu de leurs eaux. […]

A présent il me faut essayer de rappeler quel était le caractère du pays et la forme de son organisation. Tout d’abord, on m’a dit que tout le pays était très élevé et à pic sur la mer, mais que tout autour de la ville s’étendait une plaine qui l’entourait et qui était elle-même encerclée de montagnes descendant jusqu’à la mer ; que sa surface était unie et régulière, qu’elle était oblongue en son ensemble, qu’elle mesurait sur un côté trois mille stades et à son centre, en montant de la mer, deux mille. Cette région était, dans toute la longueur de l’île, exposée au midi et à l’abri des vents du nord. […] Notez qu’il y avait tous les ans deux récoltes, parce que l’hiver on utilisait les pluies de Zeus, et en été, les eaux qui jaillissent de la terre, qu’on amenait des tranchées. […] Le gouvernement et les charges publiques avaient été réglés à l’origine de la manière suivante. Chacun des dix rois dans son district et dans sa ville avait tout pouvoir sur les hommes et sur la plupart des lois : il punissait et faisait mettre à mort qui il voulait. Mais leur autorité l’un sur l’autre et leurs relations mutuelles étaient réglées sur les instructions de Poséidon, telles qu’elles leur avaient été transmises par la loi, et par les inscriptions gravées par les premiers rois sur une colonne d’orichalque, placée au centre de l’île dans le temple de Poséidon. […] Il y avait dans l’enceinte du temple de Poséidon des taureaux en liberté. […] Ils amenaient alors à la colonne le taureau qu’ils avaient pris, l’égorgeaient à son sommet et faisaient couler le sang sur l’inscription. Sur la colonne, outre les lois, un serment était gravé, qui proférait de terribles imprécations contre ceux qui désobéiraient. Lors donc qu’ils avaient sacrifié suivant leurs lois, ils consacraient tout le corps du taureau, puis, remplissant de vin un cratère, ils y jetaient au nom de chacun d’eux un caillot de sang et portaient le reste dans le feu, après avoir purifié le pourtour de la colonne. Puisant ensuite dans le cratère avec des coupes d’or, ils faisaient une libation sur le feu en jurant qu’ils jugeraient conformément aux lois inscrites sur la colonne et puniraient quiconque les aurait violées antérieurement, qu’à l’avenir ils n’enfreindraient volontairement aucune des prescriptions écrites et ne commanderaient et n’obéiraient à un commandement que conformément aux lois de leur père. […]

Telle était la formidable puissance qui existait alors en cette contrée, et que le dieu assembla et tourna contre notre pays, pour la raison que voici. Pendant de nombreuses générations, tant que la nature du dieu se fit sentir suffisamment en eux, ils obéirent aux lois et restèrent attachés au principe divin auquel ils étaient apparentés. Ils n’avaient que des pensées vraies et grandes en tout point, et ils se comportaient avec douceur et sagesse en face de tous les hasards de la vie et à l’égard les uns des autres. Aussi, n’ayant d’attention qu’à la vertu, faisaient-ils peu de cas de leurs biens et supportaient-ils aisément le fardeau qu’était pour eux la masse de leur or et de leurs autres possessions. Ils n’étaient pas enivrés par les plaisirs de la richesse et, toujours maîtres d’eux-mêmes, ils ne s’écartaient pas de leur devoir. Tempérants comme ils étaient, ils voyaient nettement que tous ces biens aussi s’accroissaient par l’affection mutuelle unie à la vertu, et que, si on s’y attache et les honore, ils périssent eux-mêmes et la vertu avec eux. Tant qu’ils raisonnèrent ainsi et gardèrent leur nature divine, ils virent croître tous les biens dont j’ai parlé. Mais quand la portion divine qui était en eux s’altéra par son fréquent mélange avec un élément mortel considérable et que le caractère humain prédomina, incapables dès lors de supporter la prospérité, ils se conduisirent indécemment, et à ceux qui savent voir, ils apparurent laids, parce qu’ils perdaient les plus beaux de leurs biens les plus précieux, tandis que ceux qui ne savent pas discerner ce qu’est la vraie vie heureuse les trouvaient justement alors parfaitement beaux et heureux, tout infectés qu’ils étaient d’injustes convoitises et de l’orgueil de dominer. Alors le dieu des dieux, Zeus, qui règne suivant les lois et qui peut discerner ces sortes de choses, s’apercevant du malheureux état d’une race qui avait été vertueuse, résolut de les châtier pour les rendre plus modérés et plus sages. A cet effet, il réunit tous les dieux dans leur demeure, la plus précieuse, celle qui, située au centre de tout l’univers, voit tout ce qui participe à la génération, et, les ayant rassemblés, il leur dit : [le texte de Platon s’arrête ici]

Documentation pertinente

Athènes et l’Atlantide in Revue des Études Grecques (77, 366-368, pp. 420-444), Pierre Vidal-Naquet, 1964. [article] Lien vers le document sur Persée

Les Utopies grecques in Revue des Études Anciennes (78-79, 1-4, pp. 120-128), Lawrence Giangrande, 1976. [article] Lien vers le document sur Persée

Le Récit de l’Atlantide et les jeux d’écriture de Platon in Bulletins de l’Académie Royale de Belgique (18, 1-6, pp. 31-46), Monique Mund-Dopchie, 2007. [article] Lien vers le document sur Persée

Notes

1. Où les nombres cinq, six et leurs multiples paraissent importants.

2. Le bon "athénien" vertueux véhiculant le principe d’unité et le mauvais "atlante" matériel chargé du principe de duplicité.

3. Ntm. celles de l’arianisme et du théosophisme de Blavatsky ainsi que de ses émules comme Scott-Elliot et Leadbeather puis Cayce et Steiner.

4. Nemo visite les ruines de l’Atlantide dans Vingt mille lieues sous les mers, L’Atlantide de Pierre Benoit est un succès dès sa parution en 1919.

5. Dont les Guanches des îles Canaries, pratiquant la momification.

Renvois

↪ Connexe : Mu, Lémurie
↪ Amont : Âge d’or

Attributs
[atʁiby], subst. masc.

Définition

[Théologie, Philosophie]

► Propriété idéale d’une substance, caractérisant l’essence qui y est afférente et se manifestant par le symbole.

Étymologie

Ind.Eur. : *bʰuH- {naître, devenir}

Lat. (antique) : tribus {tribu}
Lat. (médiéval) : attribuō {associer, joindre, assigner}

Commentaires

I. Description

► Les attributs, en nombre et en diversité potentiellement infinis, sont l’expression des tentatives bornées d’appréhension des perfection ineffables de l’essence, simple et unique, de la divinité. Ils peuvent se manifester par la voie de l’analogie au travers de toutes les expressions symboliques : nominales (théonymes, épithètes et épiclèses), adjectivales (propriétés métaphysiques et excellences morales), arithmético-géométriques et peuvent en outre, s’exprimer par la métaphore et en conséquence, l’allégorie. Les attributs peuvent aussi bien désigner une fonction, un caractère ou une articulation structurelle de l’entité, de nature plus ou moins synthétique, révélant une ou plusieurs de ces facettes, et se destinant au domaine pour lequel on souhaite l’employer. La dignité de l’attribut dépend de cette capacité synthétique d’abord, puis surtout de son absence de mixité avec des imperfections qui le séparerait de façon honteuse de la chaîne des attributs le reliant à l’essence ineffable de l’entité concernée. Les attributs peuvent s’exprimer de façon cataphatique(1), apophatique(2) ou, en combinant les deux, éminente(3).

Les 101 noms d’Ahura-Mazdā, le Tétragramme et le שֵׁם הַמְּפֹרָשׁ (Shem HaMephorash) de Jehovah, les 99 noms d’Allah ou le Aum hindou sont quelques exemples du nombre considérable de théonymes existant pour les divinités dans les diverses religions. L’omnibénévolence, l’omniprésence, l’omniscience, et l’omnipotence sont les quatre propriétés per se, fondamentales et éminentes qui sont récurrentes chez les divinités suprêmes(4). Notez que nous livrons un grand nombre d’exemples dans les tableaux généraux de chaque fiche "entité" de la section symboles.


II. Exposition de Denys.

Denys (Des Noms divins, Introduction) explique synthétiquement :

Dieu habite le sanctuaire d’une lumière inaccessible. Il est à lui-même son propre spectacle ; mais le regard de la créature ne supporterait pas l’excès de ces éternelles splendeurs : dans cette vie surtout, l’homme ne peut contempler la divinité qu’en énigme et à travers un voile. Or, cette connaissance de Dieu nous vient par les créatures, qui sont comme un écho lointain, un obscur reflet des perfections infinies. Elle nous est donnée aussi par les Écritures, qui nous apprennent à penser et à parler convenablement de notre Créateur et Roi. Les noms qu’on lui donne renferment ces enseignements élevés, objet de notre foi ; car les noms sont le signe, la représentation des réalités, et ce qui est nommé se conçoit et existe. Ces noms multiples que Dieu reçoit dans les saintes Lettres sont empruntés, tantôt aux processions ineffables, tantôt aux productions temporaires ; ils expriment, soit les bienfaits de la Providence, soit les formes sous lesquelles il a daigné apparaître. Comme les objets qu’il crée lui ressemblent par quelque endroit, puisqu’il en est le principe et qu’il en possède l’archétype, et comme, d’autre part, ils diffèrent essentiellement et infiniment de lui, puisqu’ils sont les effets contingents d’une cause absolue et souverainement indépendante, il s’ensuit qu’on peut lui appliquer tous leurs noms et ne lui en appliquer aucun ; qu’on peut parler de lui par affirmation et par négation ; car, selon qu’on veut le comprendre, il est tout ce qui est et n’est rien de ce qui est.

Également parce qu’il y a en Dieu unité de nature et trinité de personnes, il faut admettre que les qualifications qui frappent la substance sont applicables à la divinité tout entière ; mais il n’en est pas de même des attributs relatifs qui caractérisent les personnes et doivent leur être exclusivement réservés. C’est ainsi que la Trinité a produit le monde ; c’est ainsi que l’œuvre de notre rédemption fut opérée par la seconde Personne de la Trinité. Les noms divins sont pris indistinctement, comme on voit, dans l’ordre de choses surnaturelles et dans l’ordre de choses naturelles, dans le monde purement intelligible et dans le monde sensible. Mais de quelque source qu’ils dérivent, tous conviennent à Dieu en ce qu’ils expriment des qualités ou manières d’être que Dieu possède par anticipation et éternellement, par droit de nature et immuablement, par nécessité d’essence et suréminemment.

Ainsi, tout existait en lui avant d’exister en dehors de lui ; tout lui appartient en propre, et le prêt qu’il l’ait aux créatures ne saurait ni l’enrichir, ni l’appauvrir : tout est à lui et en lui ; mais rien n’est a lui ni en lui au degré et en la forme on il est en nous. Cela même par quoi nous sommes, c’était lui avant notre création; depuis notre création, ce n’est plus lui, c’est nous. En conséquence, toutes choses qui ont une existence positive comme substance ou comme mode, toutes choses même qui sont possibles ont on lui leur principe et cause, leur modèle et règle, leur but et fin ultérieure : principe incommunicable, mais non pas imparticipante ; cause absolue, mais agissant librement ; exemplaire parfait, mais qui rayonne imparfaitement dans les créatures à cause de leur nécessaire incapacité, non à cause des limites de sa bonté : fin suprême que chaque être cherche à sa façon, et trouve, ou peut trouver dans les limites assignées à sa nature propre.

Car si le mal entrevu par les êtres finis devient l’objet de leur ardente poursuite, ce n’est pas comme mal, c’est comme apparence de bien qu’il séduit : nulle chose, en effet, n’est totalement dépourvue de bien, et le mal est une privation d’être, non une existence positive. Ainsi doivent s’expliquer et se comprendre tous les noms glorieux que l’Écriture donne à Dieu : la bonté, le plus grand de tous les titres, parce qu’il s’étend non-seulement à tout ce qui est, mais à tout ce qui peut être ; l’amour, fécondant le néant même ; la lumière, doux et exact symbole de celui qui est le soleil des esprits et qui a vêtu les étoiles de splendeur ; la beauté et l’amour, l’être, la vie, la puissance, la justice, le salut et la rédemption. Même les extrêmes se trouvent rapprochés et harmonieusement unis en Dieu, à qui l’Écriture attribue à la fois la grandeur et l’exiguïté, l’identité et la distinction, la similitude et la dissemblance, le repos et le mouvement. Enfin sa supériorité, son excellence transcendante est accusée par le nom de Dieu des dieux, de Roi des rois, de Seigneur des seigneurs.

Documentation pertinente

𝕍 Théologie platonicienne (𝕍 1,2), Proclus, V. [Ouvrage]

𝕍 Des Noms divins Lien vers l’œuvre sur Remacle, Pseudo-Denys l’Aréopagite, VI. [Ouvrage]

𝕍 Itinéraire de l’esprit vers Dieu, Bonaventure de Bagnoregio, 1259.

𝕍 Les Perfections divines, Leonardus Lessius, 1620. [Ouvrage]

Le problème philosophique des attributs de Dieu in Revue Philosophique de Louvain (3, 53, 38, pp. 165-196), Joseph Rauwens, 1955. [article] Lien vers le document sur Persée

Les Attributs de Dieu d’après Maimonide in Revue Philosophique de Louvain (26, 2, 2, pp. 137-163), Maurílio Teixeira-Leite, 1924. [article] Lien vers le document sur Persée

Notes

1. Correspondant à tout et communicable : "Dieu est bon".

2. Ne correspondant à rien et incommunicable : "Dieu n’est pas mauvais, Dieu n’est pas bon comme la création peut le manifester".

3. Analogique à tout de façon absolue et à la fois communicable et incommunicable : "Dieu est absolument bon".

4. Quoiqu’elles ne les partagent pas forcément toutes et souffrent parfois de certaines limites leur ôtant alors leur caractère éminent.

Renvois

↪ Connexe : Anagogie
↪ Amont : Dieu

Aura
[oʁa], subst. fém.

Définition

[Ésotérisme, Théologie]

► Halo solaire ou lunaire enveloppant tout ou une partie du corps, dont l’amplitude et l’intensité varie selon le degré d’accomplissement spirituel, et seulement visible par les adeptes (𝕍 Nimbe).


[Occultisme]

► Radiation fluidique vaporeuse et/ou lumineuse, subtile et colorée, émanant des corps et les ceinturant, seulement visible des clairvoyants et présentant des propriétés variables en fonction des divers facteurs internes et externes.


[Médecine (vieilli)]

► Exhalaison subtile de nature psychosomatique, perçue comme vaporeuse, qu’un malade sent(1) s’élever du tronc et/ou des membres l’avertissant de l’imminence de troubles épileptiformes, hystériformes ou simplement migraineux(2).


[Art]

► Atmosphère immatérielle (sacrée ou impie) qui environne distinctivement un être, un lieu ou une chose remarquable, ntm. un chef d’œuvre naturel ou artistique et dont la résonance ricoche dans la sensibilité.

Étymologie

Ind.Eur. : *h₂ews- {Aube, est}

Grc. : αὔρα (aúra) {Air, brise, vapeur}
Lat. : aură {Vent, brise, souffle, fragrance, atmosphère, faveur (populaire)}

Commentaires

I. Description

► Le concept, ayant agglutiné plusieurs sphères d’influences est délimité de façon large et approximative, il englobe ainsi un vaste spectre d’acceptions : du rayonnement électro-magnético-thermique scientifiquement démontrable à une émanation subtile de la force vitale, de la psyché ou de l’esprit, plus ou moins imperceptible sur le plan matériel. L’aura est appréhendée selon plusieurs modalités, générant des classements, des explications et des applications variées. Ainsi, selon les approches, la notion peut aussi bien déborder sur le terrain du magnétisme(3), de la psychologie appliquée et de la voyance, que sur celui de la spéculation artistique(4) et spirituelle.

► Dans la mesure où l’aura est un rayonnement subtil, elle ne pourrait être discernée que par un clairvoyant(5) par le biais d’une perception directe, de l’intuition ou d’une induction synthétique de facteurs perceptibles par les sens physiques. D’une façon générale, ces clairvoyants estiment que la dite aura présente, selon les circonstances, une multitude de variations : couleurs (les modèles de représentation varient beaucoup), pureté, intensité, puissance, formes (elle est usuellement ovoïde), grandeurs (elle peut avoir un périmètre de plusieurs mètres), intégrité (elle peut être endommagée ou trouée), mouvements… en outre, l’aura peut être ou non liée au phénomène de la respiration et est plus aisément visible au niveau de la tête et des doigts. Finalement, le fait est que, pour ces clairvoyants et conçue dans sa globalité, l’aura est l’émanation simultanée et non euclidienne de toutes les propriétés subtiles d’un corps, créant un carrefour voir un enchevêtrement de caractéristiques qui ne seront évidemment pas toutes perçues ni appréhendées de façon uniforme par chacun des clairvoyants.

Ces variations sont, selon les auteurs, la conséquence de facteurs internes(6), aussi bien qu’externes(7). Lors d’une activité psychique caractérisée par une puissante dignité(8) l’aura devient plus intense et translucide et se rend plus aisément discernable : les phénomènes lumineux entourant les héros et les saints sont rapportés dans de nombreux systèmes religieux(9).

Dans ses manifestations matérielles qui prendraient leur origine dans le système nerveux, l’aura est particulièrement signée dans le rythme et l’odeur naturelle du souffle, les différentes caractéristiques de la voix, du regard et de la peau, les formes et les couleurs dessinées par la silhouette et les postures, les odeurs corporelles et la fragrance naturelle, et se synthétise finalement dans le magnétisme sexuel d’une part et le charisme spontané d’autre part i.e. l’impression générale qu’un sujet provoque sur autrui.


II. Histoire

► La notion primitive d’aura se trouve d’abord contenue dans celle de nimbe(10). On peut ainsi estimer d’un point de vue littéraire, que les passages de l’Exode (XXXIV:29-30) : Moïse descendit de la montagne de Sinaï ; Moïse avait dans sa main les deux tables du témoignage, en descendant de la montagne ; et Moïse ne savait pas que la peau de son visage était devenue rayonnante pendant qu’il parlait avec Yahweh. / Aaron et tous les enfants d’Israël virent Moïse, et voici, la peau de son visage rayonnait ; et ils craignirent de s’approcher de lui., Matthieu (XVII:2) : Et il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. ou Actes (IX:3) : Comme il était en chemin et qu’il approchait de Damas, tout à coup une lumière venant du ciel resplendit autour de lui. sont des préfigurations bibliques du concept aurique.

↪ Le mot "aura" est d’abord employé dans l’antiquité de deux façons : d’une part dans le domaine artistique avec l’élément iconographique de la vélificantation : aura velificans, draperies mises en mouvement par un souffle interne ou externe et dont l’objet est de révéler un visage ou un corps, il est alors associé à l’idée d’un "air lumineux"(11). D’autre part, dans le domaine de la médecine, avec l’aura vitalis {souffle vital} ou seminalis {souffle séminal} qui, jusqu’au XVIII(12), véhiculait l’idée que tout agent fécondant (ex. le liquide spermatique ou le pollen) possédait un fluide magnétique subtil nécessaire à l’ensemencement et qui pouvait expliquer certaines fécondations mystérieuses.

↪ À la renaissance, les spéculations ésotériques autour de la lumière et de ses rayonnements a également part avec le sujet aurique : La force vitale n’est pas enfermée dans l’homme, mais rayonne autour de lui comme une sphère lumineuse. C’est une essence rayonnante, et dans ces rayons semi-matériels l’imagination de l’homme produit des effets sains ou malsains. Mais des causes invisibles de la maladie, la médecine populaire ne sait presque rien. Les hommes qui sont dépourvus du pouvoir de perception spirituelle sont incapables de reconnaître l’existence de quoi que ce soit qui ne peut être vu de l’extérieur, et il y en a qui ont tellement appris que leur savoir a chassé tout bon sens. La science médicale peut s’acquérir par l’apprentissage. mais la sagesse médicale est le don de Dieu. écrit Paracelse dans son Paragranum (1530).

↪ Cependant, les théories de Leadbeather in Homme visible et invisible (1902), semble-t-il largement tirées du tantrisme et sans doute entrées en collusion avec le conception de nimbe (Leadbeather était d’ailleurs simultanément théosophe et prêtre anglican), sont de première importance pour délimiter la notion contemporaine. Peu après, Kilner inaugure une approche scientifique, écrit son The Human Atmosphere Lien vers l’œuvre sur Internet Archive (1911) où il propose un procédé pour rendre visible l’aura (ou du moins une portion) et rend compte de diverses expériences avec cet outil. Ses recherches entrent en corrélation avec les expérimentations parapsychologiques sur l’extériorisation de la sensibilité notamment celles de Joire qui met au point le sthenomètre, appareil permettant de mesurer la force cette extériorisation nerveuse. Peu après, en 1939, Kirlian met au point le procédé photographique du même nom se proposant également de mettre en valeur l’aura(13). Ces chercheurs sont précédés au XIX par les procédés électrographiques de Baraduc et les travaux de von Reichenbach sur son Od. A la faveur d’ouvrages comme Les Secrets de l’aura de Rampa, le sujet bénéficiera d’une fortune particulière auprès du grand public et à partir des années 1990 il se dissocie de ses racines théosophico-hindouistes et se dissout dans la mode new-age.


III. Auréoles névropathiques, témoignage du docteur Ferré

► Rapporté in Annales des sciences psychiques (Juin 1905, via Revue de Médecine du 10 avril 1905) :

J’ai observé en 1883, une femme de 28 ans, d’une famille neuro-arthritique, atteinte elle-même depuis une dizaine d’années d’accidents hystériques variés […] C’est pendant une crise plus pénible que d’ordinaire, avec une sensation d’écrasement frontal, avec refroidissement des extrémités cyanosées, que j’ai été frappé, vers 4 heures du soir (23 février), de la vue d’une lueur d’une vingtaine de centimètres de rayon autour de la tête, dont la clarté, d’une couleur orangée, s’atténuait d’intensité vers la périphérie. Le même phénomène se manifestait autour des deux mains découvertes. La peau, qui était ordinairement blanche et mate, avait pris une teinte orangée, plus foncée que celle des auréoles. Cette coloration de la peau avait précédé de quelques instants les lueurs environnant la tête et les mains apparues depuis deux heures avant mon observation. Les colorations de la peau et les lueurs ont cessé environ deux heures plus tard au moment du vomissement habituel. […]

J’ai observé (15 février 1884) une autre femme de 25 ans. […] La jeune femme, péniblement affectée, se raidit en arrière, en même temps que la peau présenta un changement de couleur orange, brusque, qui me parut tout à fait comparable à celui de la maladie précédente ; en même temps se produisit autour de la tête et des mains une lueur, de même couleur orange : cette lueur de moindre étendue et d’aspect plus nettement rayonnée à la périphérie, et plus lumineuse, bien que l’heure soit moins tardive (3 heures). Le phénomène n’a duré que quelques minutes, après lesquelles le sujet a recouvré la parole. […] J’ai étudié des faits d’émotions vives ; personne ne m’a rapporté aucune relation de faits d’auréole, ni de coloration de la peau. […] J’ai parcouru un grand nombre de documents relatifs à certains personnages qui sont pourvus d’auréoles, sinon par l’histoire, mais par la légende. Un bon nombre de personnages de l’histoire religieuse, munis de cette marque, furent atteints d’exaltation, d’extase, de terreur, de mysticisme, d’enthousiasme : on peut les considérer comme atteints d’un état névropathique au moins transitoire. On pouvait imaginer que si un orage nerveux peut se manifester par l’auréole ou par une luminosité, on la retrouve chez ces personnages ou chez quelques-uns ; d’autres avaient pu en avoir été pourvus par l’imagination des croyants, j’admettais la possibilité de quelques faits réels servant de base à la légende commune. Quand j’ai signalé à mon maître Charcot ces observations, il ne manifesta son scepticisme que par cette remarque : « Ce que vous avez vu deux fois dans un an, vous avez des chances de le revoir ; ce serait l’od de Reichenbach. » […]

J’ai attendu plus de vingt ans (12 juillet 1904) pour entendre une narration qui rappelle les faits que j’avais notés […] Le sommeil est troublé souvent peu après son début par des sensations subjectives des appareils sensoriels divers, mais surtout de la vision et de l’audition. Depuis quelques mois, elle est réveillée alternativement par des chocs sensoriels (bruits brusques, ou illuminations subjectives), ou par des chocs émotionnels qui la laissent souvent dans une anxiété angoissante. Son mari est éveillé par ses exclamations et il est terrifié par un phénomène qui accompagne l’angoisse. C’est une lueur qui environne la tête de sa femme. En pleine obscurité, elle et lui-même et les objets environnants se réfléchissent tout à coup dans la glace de l’armoire placée en face du lit. Cet éclairage est le résultat de la lueur qui entoure la tête de sa femme, constituée par une sorte de couronne de rayons divergents d’inégale longueur de vingt à vingt-quatre centimètres de long, rayonnant sur tout le pourtour du profil de quelque sorte qu’il se présente. La face est pâle et teintée en jaune. L’auréole se développe brusquement comme l’anxiété ; elle s’éteint aussi comme l’anxiété, graduellement ; l’accès ne dure guère plus d’un quart d’heure...

Documentation pertinente

𝕍 Physiologie occulte, Rudolf Steiner, 1911. [Conférences]

𝕍 The Doctrine of the subtle body, George Mead, 1919. [Ouvrage]

𝕍 L’Aura et le corps immortel, Jean Prieur, 1979. [Ouvrage]

𝕍 Le Corps subtil, David Tansley, 1976. [Ouvrage (principalement iconographique]

Notes

1. Parfois douloureusement et/ou accompagné de frissons et/ou de phosphènes.

2. Le terme vient de Galien mais le phénomène est déjà connu dès Hippocrate in La Maladie Sacrée.

3. Et de ses domaines corollaires, ex. la radiesthésie, la géobiologie et plus généralement la thérapeuthique magnétique dont le magnétisme animal et l’acupuncture sont les représentants les plus connus.

4. Ntm. sur les couleurs et les ornements.

5. Tel Ossowiecki qui décrivait les auras des personnes autour de lui ou Cayce qui a donné plusieurs lectures sur le sujet et ne put achever son Auras: An Essay on the Meaning of Colors.

6. Émotions et pensées, état de santé (spécialement liés aux organes alors considérés comme une unité), qualité psycho-spirituelle voir même destin.

7. Âge, blessure physique, empoisonnements, perturbations environnementales…

8. Une haute vertu, une élévation intellectuelle ou une intensité spirituelle.

9. 𝕍 ex.le प्रभामण्डल (prabhāmaṇḍala) {cercle de lumière} oriental.

10. Et ainsi, ultimement, dans le concept zoroastrien de khvarenah {gloire}.

11. Αὔρα (Aura) {brise} est la plus jeune titanide dans la mythologie grecque.

12. Archeus i.e. aura vitalis seminum chez Van Helmont.

13. Basé sur l’effet corona, il fera l’objet d’attentions dans les années 70.

Renvois

↪ Connexe : Nimbe
↪ Amont : Anatomie occulte

Autel
[otɛl], subst. masc.

Définition

[Anthropologie]

► Plate-forme de pierre, de métal, de bois ou de terre sur laquelle on célèbre le culte, dépose des offrandes et où on effectue rituellement le sacrificium destiné à une divinité.

Étymologie

Ind.Eur. : *h₂eltós {croître, nourrir}

Lat. : altāre {autel ("haut lieu")}

Commentaires

I. Description

► L’autel, toujours surélevé, de forme et de taille diverses(1), creux (pour les libations) ou massif (pour les sacrifices) est une représentation microcosmique du temple (intérieur ou architectural) et ainsi, du cosmos d’une part et de l’Homme d’autre part. Lieu d’union du ciel et de la terre, conflux des gestes liturgiques et des lignes architecturales ou naturelles, il est un centre(2), le lieu de réunion de toutes les divinités, point focal catalyseur de condensation synthétique des forces sacrées où sont opérées, par le levier de la supplémentarité, les transmutations miraculeuses de l’opération magique(3). Il est parfois richement orné et on y pose souvent différents objets liturgiques : ex. dans le christianisme, on y place les tabernacles dès le XVI ; on peut autrement voir les objets magiques de l’opération hermétique disposés sur la table de jeu de la lame du Bateleur. Domestique ou public, en plein air ou couvert, il peut être destiné à une ou plusieurs divinités. Lieu sacré et inviolable par excellence, il est estimé comme étant le séjour des divinités : on y prêtait les serments et près de lui on était à l’abri de toute violence.

↪ L’autel est un mobilier très répandu dans les religions et qui a probablement ses origines dans la vénération d’objets naturels estimés sacrés (un rocher, un arbre, une source…) : les anclabres romains, les hǫrgar {autels} scandinaves, les ātašdān zoroastriens, les différents वेदी (vedī) {autels} védiques, les 神籬 (himorogi) {clôture divine} shintoïstes ou encore les autels des civilisations grecques, égyptiennes, mayas ou tibétaines et même, les autels maçonniques, en sont quelques exemples.

► Dans les cathédrales chrétiennes, où l’autel est tout à la fois une figuration de la table des agapes et des sarcophages des saints, il faisait l’objet d’attentions particulières, dont des baisements de la part du clergé et des fidèles ainsi que la pratique pieuse consistant à les visiter dans les basiliques ou les églises monastiques ou conventuelles. Durant le moyen-âge à jusque l’époque moderne, on pouvait déposer des objets (des écrits et des vêtements surtout) sur ou sous l’autel pour profiter de son aura bénéfique. Son contact guérissait les maladies et il faisait également office de témoin pour des engagements, notamment commerciaux. D’abord seul dans les églises, le nombre des autels s’accrut rapidement à mesure des siècles : Grégoire le Grand (VI) en mentionne déjà douze ou quinze dans certaines églises et la Cathédrale Saint-Maurice-et-Sainte-Catherine de Magdebourg en a comporté jusque quarante-deux. Le maître-Autel était jadis placé à la croisée du transept avant d’être repoussé au XI XII dans le chœur. Il par ailleurs est défendu de l’ériger autrement qu’en pierre depuis le Concile d’Épaone (517).

◆ L’autel est également l’une des quinze constellations méridionales (entre le Scorpion et le Triangle austral) mentionnée par Ptolémée. Dans la mythologie grecque, il s’agit soit de l’autel sur lequel prêtèrent serment les dieux avant la titanomachie soit de l’autel sur celui Chiron immola un loup (la constellation de l’animal est non loin). Manilius (Astronomiques) chante : Après le centaure est le temple de monde : on y voit briller un autel consacré par les dieux, quand ils eurent à repousser ces énormes géants armés contre eux, engendrés des crevasses de leur mère, et aussi remarquables par la diversité des traits de leur visage que par l’immensité de leurs corps. La terre en fureur les souleva contre le ciel ; les dieux alors se crurent abandonnés par les dieux supérieurs : Jupiter hésita lui-même, dans la crainte de ne pouvoir pas ce qu’il pouvait réellement. Il voyait la terre révoltée, la nature bouleversée de fond en comble, les montagnes entassées sur les montagnes, les astres reculant d’effroi à l’approche de ces masses énormes. Il n’avait point encore éprouvé de pareils assauts ; il ignorait qu’il pût y avoir des puissances capables de contrebalancer la sienne. Il éleva cet autel, et le décora des feux que nous y voyons briller encore aujourd’hui. et Mais avec le scorpion, montrant à peine son huitième degré, l’autel paraît ; le groupe de ses étoiles représente le feu qui doit consumer l’encens dont il est chargé. C’est au pied de cet autel que les géants furent autrefois terrassés : Jupiter ne s’arma de son foudre vengeur qu’après y avoir exercé les fonctions de prêtre des dieux. Quels hommes formera cette constellation, sinon ceux qui sont destinés au culte des autels, et qui, admis au troisième degré de ce saint ministère, presque dieux eux-mêmes, chantent d’une voix majestueuse les louanges de la divinité, et peuvent lire dans l’avenir ! Aratus (Phénomènes) ajoute que La nuit éternelle a donné dans cet autel aux hommes dont elle plaint le sort, un signe certain de la tempête sur mer.

II. Histoire

► Pour l’abrahamisme, le premier autel jamais édifié est celui de Noé (Genèse, VIII:20-22) et par la suite, Abraham (ex. XXII:7-8) en éleva plusieurs à son tour, puis Isaac (XXVI:25), Jacob (XXXV:1-7) puis Moïse (Exode, XVII:15). Dans l’Exode (XX:24-26), Jehovah explique que ces autels devaient être en terre sur lequel tu offriras tes holocaustes et tes sacrifices pacifiques, tes brebis et tes bœufs. ou en pierre non taillées car, en levant ton ciseau sur la pierre, tu la rendrais profane, que, tu ne monteras point par des degrés à mon autel, afin que ta nudité n’y soit pas découverte et qu’ainsi dans tous les lieux où j’aurai fait souvenir de mon nom, je viendrai vers toi, et je te bénirai. En Exode (XXVII:1-8) est écrit l’autel d’airain du Tabernacle. Ce dernier, n’ayant plus la nécessité d’être mobile, sera fixé par le Temple de Salomon. Deux autels, l’autel d’airain des holocaustes précité et celui des parfums sont présents aussi bien dans le Tabernacle que dans le Temple de Salomon où ils sont respectivement placés sur le parvis et dans le sanctuaire.

Notes

1. Rectangle, carré, cercle pour les plus communs et certains sont mêmes portatifs.

2. Au sens symbolique comme matériel lorsqu’il est le centre de l’espace sacré.

3. Pernety indique que quelques adeptes ont nommé "autel" leur mercure et leur matière dans le vase pendant les opérations.

Renvois

↪ Connexe : Rituel, Sacré
↪ Amont : Aire sacrée, Mobilier

Avatar
[avataʁ], subst. masc.

Définition

[Hindouisme]

► Descente d’une force supérieure et digne vers le plan matériel. Plus spécialement, incarnation d’une conscience surnaturelle supérieure, digne voir divine en particulier, sur le plan matériel et pouvant subsister de façon définitive ou transitoire dans un être.

Étymologie

Ind.Eur. : *h₂ew {loin de, séparer (le haut du bas)} + *terh₂- {traverser, surmonter}

Skr. : अवतार (avatāra) {descente des cieux}

Commentaires

I. Description

► Le concept d’avatar dans l’hindouisme est ancien, peut-être lié au totémisme car lié à la souveraineté sur un territoire donné. Il est sous-tendu dès les upanishad (Taittirîya Upanishad, II:6), apparaît clairement dans la श्रीमद्भगवद्गीता (Bhagavad-Gita) {Chant du Bienheureux} et émerge en tant que terme dans la littérature puranique, entre la période classique et médiévale. Même s’il s’applique théoriquement à n’importe quelle "descente" divine dans le plan matériel(1), le terme est principalement associé au culte de Vishnu qui l’a mené à sa plus vaste et complexe expression, opérant de nombreuses distinctions et subtilités. De façon stricte, le dieu est le seul à pouvoir manifester des avatars, qui, exempts de कर्म (karma) se soustraient à la dualité, sont capables de réaliser des miracles et d’enseigner de nouvelles voies religieuses.

↪ Minoritairement, avec de notables différences doctrinales et malgré sa caractéristique spécialement transcendante, il existe également des avatars de Shiva dans le shivaïsme (la plupart sont locaux), dont le plus connu est Hanuman, Shankara est également parfois considéré comme tel ; on trouve ntm. une liste dans le लिङ्गपुराण (Liṅga-purāṇa). De même dans le shaktisme, Mahādevī se manifeste dans différentes déesses comme Durgā ou Kālī comme on le trouve dans le देवी भागवतपुराणम् (Devī bhāgavatapurāṇam). Enfin, Lakshmi et Parvati, parèdres de Vishnu et Shiva ainsi que Ganesh manifestent également et notablement des avatars. Kârttikeya, autre fils de Shiva et bien plus ancien, possède dans le sud de l’Inde de nombreuses formes territoriales.

Notes

1. Y compris celle qui concernait des lieux rendus sacrés par cette opération.

Renvois

↪ Connexe : Vishnu, tülkou
↪ Amont : Réincarnation, Émanation, Métempsychose

Axiome
[aksjom], subst. masc.

Définition

[Philosophie (Aristotélisme)].

► Proposition initiale qui, au moins nécessaire à la prémisse d’une démonstration, est évidente en soi et ainsi, admise comme un principe ou du moins un postulat.

Étymologie

Ind.Eur. : *h₂eǵ- {conduire}

Grc. : ἀξίωμα (axíōma) {qui est digne, juste, nécessaire}
Lat. : axiōma {principe}

Commentaires

I. Exemples

► En remontant aux racines fondamentales des différents systèmes logiques, philosophiques ou religieux, on trouve leur ultime axiome ex. :

Le […] τὸν μὲν γὰρ καλὸν καὶ ἀγαθὸν ἄνδρα καὶ γυναῖκα εὐδαίμονα εἶναί φημι, τὸν δὲ ἄδικον καὶ πονηρὸν ἄθλιον {[…] Je prétends que quiconque est honnête et vertueux, homme ou femme, est heureux ; et quiconque est injuste ou méchant, malheureux.} (Gorgias, 470e) mis dans la bouche de Socrate par Platon et qui va concerner le platonisme, l’artistotélisme, l’épicurisme et le stoïcisme.

L’axiome de l’ésotérisme est exprimé, en occident, dans l’opération du soleil de la Table d’Émeraude : Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut : & ce qui est en haut, est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d’une seule chose. […] Il monte de la terre au ciel, & derechef il descend en terre, & il reçoit la force des choses supérieures & inférieures. (à rapprocher de l’orbite microcosmique du neidan)

Le שְׁמַע יִשְׂרָאֵל (Šəmaʿ Yīsrāʾēl) {Écoute, ô Israël) Tu aimeras l’Éternel ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tous tes moyens […] Que les commandements que je te prescris aujourd’hui soient gravés dans ton cœur […],

Le symbole de Nicée-Constantinople Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant […] Et en un seul Seigneur Jésus-Christ […] pour notre salut est descendu des cieux, s’est incarné par le Saint-Esprit, de la Vierge Marie et s’est fait homme ; qui en outre a été crucifié pour nous sous Ponce-Pilate, a souffert, a été enseveli et est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures ; qui est monté aux cieux […] Nous croyons au Saint-Esprit […] partagé par la plupart des chrétiens,

ٱلشَّهَادَةُ (aš-šahādah) {le Témoignage} musulman, premier des أركان الإسلام (arkān al-Islām) {Cinq piliers de l’islam}, J’atteste qu’il n’y a pas de divinité sauf Dieu, et que Mahomet est son Envoyé,

Humata Hūxta Huvaršta {Bonnes pensées, bonnes paroles, bonnes actions} du zoroastrisme car un long malheur (est réservé) aux méchants et des avantages de longue durée aux justes. (Gathas, XXX),

सर्वं खल्विदं ब्रह्म तज्जलानिति शान्त उपासीत (sarvaṁ khalvidaṁ brahma tajjalāniti śānta upāsīta) {Tout cela est Brahman. De Lui l’univers émerge, en Lui l’univers fusionne et en Lui l’univers respire. Dès lors, un homme devrait méditer sur Brahman avec un esprit calme} du Chhāndogya Upaniṣhad(III,14:1) dans l’hindouisme,

Les चतुरार्यसत्य (caturāryasatya) {Quatre nobles vérités} dans le bouddhisme : दुःख (duḥkha) {souffrance} puis समुदय (samudāya) {origine} qui l’explique, निरोध (nirodha) qui la solutionne et मार्ग (mārga) {chemin} qui expose cette solution.

Enfin : Le Tao a produit un ; un a produit deux ; deux a produit trois ; trois a produit tous les êtres. Tous les êtres fuient le calme et cherchent le mouvement. Un souffle immatériel forme l’harmonie. Ce que les hommes détestent, c’est d’être orphelins, imparfaits, dénués de vertu, et cependant les rois s’appellent ainsi eux-mêmes. C’est pourquoi, parmi les êtres, les uns s’augmentent en se diminuant ; les autres se diminuent en s’augmentant. Ce que les hommes enseignent, je l’enseigne aussi. Les hommes violents et inflexibles n’obtiennent point une mort naturelle. Je veux prendre leur exemple pour la base de mes instructions. (Livre de la voie et de la vertu, XLII) dans le taoïsme.

Renvois

↪ Connexe : Aphorisme (apophtegme, épigramme, proverbe, maxime, adage…), Dogme
↪ Amont : Principe, Vérité, Archétype

Azoth (Azoch, Azock, Azoph)
[azɔt], subst. masc.

Définition

[Alchimie, Hermésisme]

► Appellation revoilée du mercure pour désigner sa descente sous forme vaporeuse et aqueuse vers la matière sur laquelle il opère avec acidité.

Étymologie

Ind.Eur. : *gʷih₃wós {vivre}

Pers. : جیوه‎‎ (jīve) {vivant}
Arb. : الزّئبق (al-zāʾūq) {mercure}.

Grc. : ἄζωτος (ázôtos) {invivable} (𝕍 discīnctus).

Ois. : (1)AZωת

Commentaires

I. Description

► L’azoth en tant que sujet est la quintessence astrale renfermant la totalité des propriétés cabalistiques et symboliquement, figure par analogie Dieu dans la nature. En tant qu’agent elle est une eau céleste sous forme vaporeuse, qui lave et purifie par ablution la matière durant la putréfaction. Chargé des forces du πλήρωμα (plḗrōma) {plénitude} et contenant donc le principe et la fin, i.e. le sperme de tous les corps(2), l’azoth, réfracté sur Terre par la lune et partout présent, est pour ainsi dire, composé de gouttelettes ouroboriques qui rongent les fèces et corruptions qui ne peuvent se conformer à sa substance céleste. Pour cette raison, l’Azoth est un agent d’union, de conservation et donc une médecine universelle. Concept clef très important de l’alchimie, on trouve une figuration symbolique de l’Azoth dans la première figure du Très précieux don de Dieu : La première qui représente un lion vert contient la véritable matière et fait connaître de quelle couleur elle est […] en outre, on estimait que Paracelse avait toujours sur lui de l’azoth(3) qu’il enfermait dans le pommeau de sa canne-épée 🗎⮵.

L’Azoth agit alternativement (voir simultanément) avec le feu secret et ensemble, ils constituent les fondations de l’œuvre comme le déclare Morien (Le Composé d’alchimie) : […] l’Azoth et le Feu lavent et purifient le Laiton, et lui ôtent entièrement son obscurité. Car le Sage en parle ainsi : Si vous savez bien régler et proportionner le Feu, avec l’aide de Dieu, l’Azoth et le Feu vous suffiront en cette opération. Et de la vient qu’Elbo, surnommé le Meurtrier, dit : Blanchissez le Laiton, et rompez vos Livres, de crainte que vos cœurs ne soient déchirés. ainsi que Valentin (Azoth) : Mais toutes ces choses sont mises en la miséricorde de Dieu, & seulement est requis à notre œuvre l’Azoth, & le feu qui n’est autre chose que de laisser cuire, dissoudre, pourrir, coaguler et fixer : & ces choses peuvent être faites tant du pauvre que du souffreteux que du riche, & n’est besoin d’écrire cet artifice, crainte de ne s’en souvenir.. Arnaud (Rosaire) poursuit : C’est là en effet la composition de tous les sages et le tiers de l’œuvre tout entière. Joignez donc, comme le dit la TOURBE, le sec à l’humide, c’est-à-dire la terre noire et son eau, et cuisez jusqu’à ce qu’elle soit blanchie. Si tu as l’eau et la terre en elles-mêmes, et la terre blanchie à l’aide de l’eau, cette blancheur est appelée air.

► Pour Khunrath (Amphithéâtre) l’azoth est le Mercure Catholique des Philosophes et, irradiant de la pierre, il agit sur tous les corps et les esprits sublunaires : il réduit les corps en matière première, guérit et conserve les animaux, revivifie les végétaux agonisants et rend potable comme il conserve tous les métaux et minéraux. Valentin expose : il est A & O : présent en tout lieu, les Philosophes m’ont orné du nom d’Azoth, les Latins A & Z, des Grecs Alpha & Oméga, des Hébreux Aleph & Thau, tous lesquels noms signifient & font Azoth jeté dans le feu comme par colère j’oppresse l’eau, & les six autres métaux louent grandement mon nom, d’autant que je les introduis au Royaume du Soleil, de là ils m’appellent universel quand je les transmute en très pur Or, lequel ne sentira jamais aucun dommage par eau, feu, terre, ou venin : Davantage il sert de remède aux maladies des hommes ; je suis le vrai trésor Royal donné seulement au pieux et Nuysement précise (Poeme philosophic sur l’azoth des philosophe) : Qui a vu cet Azoth a vu notre Élixir ; car de notre Élixir notre Azoth issir : Puis qu’Élixir n’est rien qu’une eau Mercurielle ; et que l’on nomme Azoth la vapeur qui sort d’elle. Élixir est le corps en Mercure réduit ; et l’Azoth est l’esprit qui des deux est produit : Tout ce fait eau, par l’eau ; mais cette eau qui rien ne mouille, En ne se joint sinon à sa propre dépouille.

► Pour le néo-occultisme de Lévi, influencé par le magnétisme spiritualiste (qu’on trouve ex. chez Delaage), l’azoth désigne la lumière astrale, qui, esprit sidérique, est cosmologiquement le médiateur plastique et chez l’Homme un fluide magnétique mesmérien. Lévi professe (Dogme et Rituel) : Le grand agent magique […] On lui a aussi donné les noms de tétragramme, d’inri, d’azoth, d’étber, d’od, de fluide magnétique, d’âme de la terre, de serpent, de lucifer, etc. Le grand agent magique est la quatrième émanation de la vie-principe, dont le soleil est la troisième forme […] Connaître le mouvement de ce soleil terrestre, de manière à pouvoir profiter de ses courants et les diriger, c’est avoir accompli le grand œuvre, et c’est être maître du monde. […] L’axiome incommunicable est renfermé cabalistiquement dans les quatre lettres du tétragramme et disposées de cette manière [schéma] dans les lettres des mots AZOTH et INRI, écrites cabalistiquement, et dans le monogramme du Christ, tel qu’il était brodé sur le labarum, et que le cabaliste Postel interprète par le mot ROTA, dont les adeptes ont forme leur taro ou tarot en répétant deux fois la première lettre, pour indiquer le cercle et faire comprendre que le mot est retourné..

Guaita (Au Seuil du mystère) synthétise à son tour : La Lumière, suivant les Kabbalistes, est cette substance unique, médiatrice du mouvement, inaccessible, éternelle, qui a engendré toute chose et à quoi tout retourne à son heure commun réceptacle de la vie et de la mort fluidiques, où, parmi les épaves d’hier, germe l’embryon de demain Correspondant au Verbe (lumière divine), à la Pensée (lumière intellectuelle), elle est à la fois, dans le monde phénoménal (et par une contradiction seulement apparente), le sperme de la matière et la matrice des formes l’agent hermaphrodite de l’Éternel Devenir. Elle constitue ce fluide universel, impondérable, dont les quatre manifestations sensibles sont appelées Chaleur, Clarté, Électricité, Magnétisme. C’est l’akasa des hindous, l’Aôr des hébreux, le Fluide qui parle de Zoroastre, le Telesme d’Hermès, l’Azoth des alchimistes, la Lumière Astrale de Pasqualis de Martinez et d’Éliphas Lévi, la Lumière spectrale du docteur Passavant, la Force Psychique de l’illustre chimiste anglais Crookes. Voilà le point central de la grande Synthèse magique invisible ou rendue perceptible à l’œil par la chaleur, la lumière forme ce double courant fluidique dont le mode de circulation, mathématiquement déterminable, peut être influencé de qui en a résolu le calcul. Tel est l’agent suprême des œuvres du magnétisme et de la théurgie, cet Être multiforme personnifié par le’ serpent de la Bible, ainsi que nous l’avons vu plus haut. Connaître la loi des marées fluidiques et des courants universels, c’est comme le dit Éliphas posséder le secret de la toute-puissance humaine avoir découvert la formule pratique de l’incommunicable Grand Arcane. Cette lumière est androgyne, disent les adeptes son double mouvement s’effectue sans trêve, déterminé par sa double polarité. אור est le courant positif ou de projection, אוב le courant négatif ou d’absorption ; à un point donné de son évolution rigoureusement invariable, la Lumière Astrale se condense et de fluidique, devient corporelle c’est alors la matière ou mixte coagulé. Autres sont les locutions des alchimistes ils nomment l’Aôd leur Soufre, ou ferveur sèche, ou chaud inné ; l’Aôb leur Mercure, ou dissolvant universel, ou humide radical ; le mixte coagulé est leur Sel, ou Terre rouge. On le voit, quelles que soient les variations de la terminologie, la doctrine reste identique, et tout étant né de la Lumière, on peut dire que la science de cet agent primordial dévoile la genèse absolue de la matière et des formes. Le symbolisme attaché à l’interprétation néo-occultiste de l’Azoth inspirera un ouvrage de jeunesse à Waite : Azoth or The Star in the east (1893).

Documentation pertinente

𝕍 Sur l’Eau Divine, Zosime (de Panopolis), III IV. [Ouvrage]

𝕍 Le Composé d’alchimie, Morien, f.V. [Ouvrage]

𝕍 Le Livre secret, Artéphius, ? 1130. [Ouvrage]

𝕍 Azoth ou le moyen de faire l’Or caché des Philosophes, Basile Valentin, 1599. [Ouvrage]

Notes

1. Combinaison des lettres latines A puis Z suivi de la lettre grecque ω (oméga) et de la lettre hébraïque ת (tav) i.e. Alpha et Omega avec une cause et trois conséquences analogues entre elles.

2. Et des métaux en particulier desquels on peut l’extraire.

3. Latinistes, 𝕍 aussi le pseudo paracelsien Azoth sive De Ligno et Linea vitæ Lien vers l’œuvre sur Internet Archive par ailleurs important pour le concept de nitre.

Renvois

↪ Synonyme : Quintessence astrale, Mercure des Sages, Eau céleste, Esprit animé, Serf-fugitif, Serpent Vert, Médecine universelle, Catholicon, Sperme du monde, Magnésie, Vinaigre, Auraric, Ethelia, Adrop, Atropum, Duenech vert (attention à Ois. – notamment aux métonymies – qui peut égarer autant que dévoiler)
↪ Connexe : Aether, Alkahest, vitriol, feu secret
↪ Amont : Grand-œuvre